Le Ministre était reparti aussi vite qu’il était arrivé. Josiah grattait le cou de Duchesse, au moins aussi pensif qu’elle.

Il avait adressé une question au Ministre, mais n’avait pas obtenu de réponse tout de suite, puisqu’un jeune homme blond (@Uriel J. Lewis) avait fendu la foule pour s’inquiéter du sort réservé à Lucius Malefoy. Si notre tatoueur avait d’abord été vexé qu’on n’ait pas laissé à sa question le temps d’être répondue, les griffes de Duchesse plantées dans la peau de son épaule l’avait averti. Il était sur le point de se passer quelque chose de grave, il aurait été malvenu d’en vouloir à celui qui l’avait interrompu. Josiah n'avait pas immédiatement compris pourquoi Duchesse l’avertissait ainsi, jusqu’à ce que le jeune homme termine son propos par une question qui avait l’effet d’une bombe sur le Chemin de Traverse. « Comment être certain que le violeur de ma mère répondra devant la justice pour ses crimes ? », avait-il clamé. Le sang de Josiah s’était glacé, il n'avait plus bougé, n’osant pas regarder le jeune homme contre lequel il avait tantôt été irrité. Il ne s'était pas étonné de savoir le Mangemort violeur, mais plutôt d’en voir les conséquences si proches de lui. C’était comme ça que Josiah avait traduit la situation, en tous cas : l’ébranleur de place publique était un fils que Malfoy avait eu des sûrement nombreux viols qu’il avait perpétrés. Une horreur de plus.
Potter, il fallait lui accorder cela, avait bien su jongler entre les deux premières questions qui lui avaient été adressées, pourtant particulièrement différentes. La réponse que le Ministre avait adressée au tatoueur résonnait encore dans son crâne, alors que la foule commençait à se disperser après l’élocution. Une enquête était en cours, alors, et elle impliquait que les Gobelins avaient pu choisir d'accueillir Reissen sur leur parvis ? Connaissaient-ils les motifs du concert, où s'étaient-ils juste satisfaits de la rentrée d'argent que cela provoquerait. Si ceux-ci commençaient eux-aussi à prendre parti au sein de la dispute qui heurtait le Ministre à l’Enchanteresse, alors même qu’ils étaient restés neutre du temps de Voldemort, peut-être fallait-il réellement s’inquiéter de la santé du Monde Magique Anglais.
Josiah suivrait attentivement dans les journaux la suite de l’affaire, espérant savoir son argent en sécurité au plus vite. Potter l’avait souligné : lui aussi s’était étonné de voir le concert prendre place sur le parvis des Gobelins. Les dents de Josiah avaient grincé, en entendant le ministre admettre son impuissance totale face à ce concert. Il s’était pris une rouste extraordinaire de la part de Narcissa Malefoy, et peinait à s’en remettre. Le spectacle avait été difficile à regarder.

Presque aussi douloureux à voir que l’esclandre qu’avait voulu provoquer @Ronald Bilius Weasley en explosant, quasiment littéralement, face à celui qui avait un jour été son meilleur ami. « On n’a plus le droit de parodier », s’était-il même exclamé, comme s’il était question de cela. Puis, il avait quasiment tapé du pied sur le sol, comme un enfant vexé qui fait un caprice, et Josiah avait arrêté de l’écouter. Un sentiment de honte s’était emparé de lui. Il avait gobé une dernière chocogrenouille trouvée dans sa cape pour faire disparaître le goût âcre qui avait envahi sa bouche. Weasley était un partenaire d’affaires, qu’il fréquentait quasiment depuis aussi longtemps que son salon avait été ouvert sur le Chemin de Traverse. Il avait d’abord connu les Jumeaux, comme créateurs et gérants de la boutique. Puis, il avait vu Ronald prendre le poste de son défunt frère, et récemment, Josiah s’était allié à lui pour vendre des tatouages éphémères aux sorciers, fabriqués par ses soins mais distribués dans le magasin de farces et attrapes. Savoir qu’un de ses partenaires avait de tels idéaux lui donnait envie de vomir, et la friandise peinait à masquer cela. Sous le prétexte d’une dispute lycéenne, sûrement due à une nana en plus, Weasley tressait des nattes à l’Enchanteresse et grondait le Ministre. Oublier avait été visiblement facile, pour lui. Pourtant, Weasley avait été en première ligne des atrocités perpétrées justement par celui dont on avait fêté les 50 ans sur le parvis de Gringotts. Et il avait osé dire « Pourquoi les arrêter maintenant pour un prétexte foireux ? ». Un prétexte foireux, avait-il vraiment dit ?! Utiliser des enfants pour faire de la propagande, c’était donc un prétexte foireux ?! Si ça n’avait été qu’un concert destiné à critiquer le Ministre, à la limite … Mais là, contrairement à ce qu’avançait Weasley, il ne s’agissait pas de Potter qui ne supportait pas la contradiction. Le véritable outrage, selon Josiah, c’était la célébration d’un criminel de guerre activement recherché par les forces de l’ordre anglaises, et l’utilisation d’enfants à cet effet ! Le concert avait été une torture à voir, et de se savoir partenaire d’un commerçant qui glorifiait cet événement le dégoûtait.
Potter avait bien répondu, là encore, à cette attaque du Weasley. C’était presque trop facile, tant les accusations de Ronald étaient infondées. Evidemment que ce n'était pas pour avoir critiqué du Ministre que les membres de Reissen avaient été arrêtés. Potter n'était pas idiot à ce point-là, c'était d'ailleurs certainement le contraire. Il mettait entre d'autres mains que les siennes le sort des Rockeurs. Ainsi, quelle que soit la décision que prendrait le Magenmagot, il pourrait s'en saisir en disan "c'est pas moi qui l'ai décidé, c'est eux !". Potter était un jeune homme intelligent, et Ronald l'accusait avec beaucoup de bêtise.
Il s'était d'ailleurs même permis de parler pour les Gobelins, en assurant que s'ils avaient laissé leur parvis au groupe allemand, c'était par pur désir de mécénat. Les banquiers risquaient d'être ravis de voir un enfant capricieux devenir leur porte parole officiel. Pour qui se prenait-il, en réalité ? Qui croyait-il qu'il était, du haut de son magasin de Farces et Attrapes ? L'Enchanteresse n'avait fait aucun commentaire sur le concert, le Ministre prenait la parole pour la première fois plus de quinze jours après l'événement, et Ronald Weasley osait présumer des intentions d'un Gobelin ? On marchait sur la tête !

Pour se changer les idées alors qu’il décidait de s’en retourner vers sa boutique, Josiah cherchait dans sa mémoire le nom du gérant de Zonko. Celui-ci allait bientôt recevoir une lettre lui proposant une collaboration juteuse, qui impliquait des tatouages éphémères autrefois vendus chez Weasley, Farces pour Sorciers Facétieux.

Pandora porte une longue cape étoilée qui tombe avec lourdeur sur le pavé froid du Chemin de Traverse. Sur sa tête, elle a posé son habituel chapeau pointu en laine bouillie, qui lui tient chaud en ces temps hivernaux. Larges lunettes de soleil sur le nez, elle gratte sur son carnet, du bout de sa plume, quelques notes. Sa Plume à Papote s’est occupée d’enregistrer toute l’esclandre provoquée par @Ronald Bilius Weasley à l’encontre du Ministre, ça plaira sûrement à sa cheffe. Elle a entraperçu Rita Skeeter, dans la foule, qui s’est certainement adonnée au même jeu. Le feuilleton qui déchire les héros de la Seconde Guerre est particulièrement vendeur, parce que très populaire. La Gazette et Witchly Weekly auront sans aucun doute une page toute dévouée à cette énième dispute, mais ça n’intéresse pas vraiment Pandora. C’est trop facile, et à vrai dire, il y a tellement de monde sur ce Chemin de Traverse, tellement de témoins directs de la scène, que ça n’aura pas vraiment d’effet. Il est d'ailleurs certain que Skeeter ne pourra même pas amuser sa galerie en déformant les mots de Weasley, ça serait trop visible, les lecteurs risqueraient de s’en indigner. Et puis vu ce qu’a avancé le nouveau toutou de l’Enchanteresse, aucun intérêt à en rajouter. Il a arraché un sourire à Pandora, quand il a craché « Tu étais déjà comme ça durant nos années à Poudlard, mais tu ne t’es vraiment pas arrangé ! ». Il n’a pas tort, Potter a toujours détesté qu’on lui dise non, mais Pandora peut entendre de là où elle se tient l’Enchanteresse grincer des dents. Il aurait dû s’en tenir au début de son discours, ça n’avait pas mal commencé. Laver son linge sale en public, en revanche, serait jugé comme une véritable indignité, surtout aux yeux d’une Lady telle que l’est @Narcissa Black-Malefoy.
C’est sur ce point, justement, que Pandora s’épand dans ses notes personnelles. Sur le fait que Mrs. Black-Malefoy, Lady par alliance, ne pourra pas voter pour la libération de ses (maîtres-)chanteurs, ne pourra faire valoir sa voix, malgré son titre. Ses qualités d’oratrice ne lui serviront à rien, elle ne pourra défendre aucune cause, même perdue face à un Ministre qui n’acceptera pas une seconde défaite, et son mari en cavale ne pourra pas non plus permettre d’éviter la prison à Reißen.
Mais Pandora finit par tracer un grand trait sur ce qu’elle a écrit, alors que la foule commence à s’éparpiller, l’allocution du Ministre désormais terminée. Elle ne peut décemment pas parler pour Lady Malefoy, peut-être celle-ci n’en a-t-elle rien à faire, de son droit de vote. C’est son sujet à elle, cette affaire de vote au Magenmagot, qu’elle tournicote dans son esprit quasiment depuis le décès de son père, quasiment depuis que le titre de noblesse de la famille Parkinson est devenu inutile parce que son dernier héritier est une femme, et que les femmes ni ne reçoivent des titres, ni ne peuvent s’en servir de la même façon que leurs opposés masculins le peuvent.

Elle se prétend Lady, Pandora. Elle se fait appeler comme ça, quand elle est en société, comme on dit. Mais elle n’en est pas une. Aussi bien que la famille Parkinson cessera d’exister quand elle se mariera, le titre que ses ancêtres ont durement gagné il y a de cela des siècles changera de propriétaire, juste comme ça. Et son héritage deviendra celui de son mari, et si elle sera cette fois-ci véritablement une Lady, ça ne sera qu’en tant qu’épouse de Lord. Elle note tout ça dans son carnet, et conclue par les mots suivant, prémisses d'un article qu'elle proposera sans tarder - et qui sera sans doute refusé - à sa rédactrice en chef.:

Il est manifeste que je dois cette interdiction de vote à mon sexe, dans une société magique qui prône tout et son contraire. Du côté des politiques, on se veut toujours plus égal à son alter-ego moldu, en permettant à ce que des Présidentes-Sorcières soient élues. Soit. On impose un impôt à ceux qui n'en ont jamais eu, pour supprimer des inégalités nous dit-on. Soit.
Reste qu'en 2004, les femmes qui, par leur titre, devraient pouvoir hériter de droits centenaires (aller chercher la date de la première tenue du Magenmagot) et ainsi, voter les Lois qui changeront peut-être la face de leur monde, doivent rester chez elles à chasser des gnomes de jardin, laissant à leurs maris prendre toutes les décisions. Mr. Potter se trouve donc face à un nouveau devoir/devoir/décision(?) : si des femmes, par leurs études légales, peuvent accéder à la Chambre, alors des femmes, par leur titre de Lady, doivent pouvoir y voter aussi.

Tu trembles. Tu n’en reviens pas de ce que tu as fait. Tu n’en reviens pas. Tu vois les flashs qui crépitent autour de toi. La voix de Potter est distante. Tu ne peux que voir les regards couler sur toi, entendre les murmures, l’agitation de la foule. Après avoir brillé le temps d’un coup d’éclat, te voici aspirant à revenir à l’ombre de l’anonymat. Mais c’est trop tard. Trop tard. Tu sais que ta vie va être placardée en première page dès que les journalistes d’investigation – des rapaces – auront décortiqué la moindre graine de ton passé. Tu sais que tu n’aurais pas du exploser. Tu as regretté à peine ta phrase finie. Tu as regretté immédiatement. Mais c’est fait. C’est trop tard maintenant. La tête te tourne. Tu n’écoutes rien ; Tu n’écoutes plus. Tu dois partir il le faut. Tu entends, lointain, la hargne que crache un rouquin. Et puis le silence vient.

Tu ne sais pas pourquoi tu as explosé. Savoir que tes potes seront jugés, les voir là, s’écharper pour une putain d’histoire de concert alors que des gars comme Malefoy ou les Carrow sont encore en cavale. Parler du procès de Bauer alors que tu n’attends que celui de Lestrange. Tout ça, c’est une farce. Les mangemorts, eux, doivent bien ricaner quand ils voient des rockeurs prendre pour leurs crimes.

Tout se mélange dans ta tête, et tu ne sais qu’une chose. Il te faut partir. Tu vois une rouquine dans la foule, elle a l’air de s’être rapprochée de toi, te fixe. C’est quoi ? Une stalkeuse ? Elle a envie de se payer une tranche du bâtard Malefoy ? Tu lèves un sourcil, la toise avec dédain. Tu ne te souviens pas que tu as déjà croisé @Dahlia Prewett à Poudlard il y a bien longtemps. Tu ne la reconnais pas. Tu tournes les talons. Un journaliste essaie de te faire main basse dessus. Tu l’envoies chier et tu transplanes aussi sec.

Tu as besoin d’air.

Besoin d’air.