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Avant que l'ombre... [Hekate & Engel]
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

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Engel Bauer

Engel Bauer
ADMINISTRATRICE & MJ
hiboux : 860
pictures : Avant que l'ombre... [Hekate & Engel] - Page 3 Tumblr_o875a2WxoW1v3qeuyo3_640
Ven 14 Mai - 0:30
Avant que l'ombre...

ft. @Hekate R. Murphy


28 février 2004

Je tente d’oublier ses doigts qui restent dans ma nuque, d’ignorer la sensation qui me prend les tripes rien qu’à les sentir toujours là, posés à même la peau, sans qu’aucune réserve ne les fasse plus trembler. Le contact frôle une intimité que nous n’avons encore jamais eue et que je sens se lover entre nous sans savoir encore vraiment quoi en faire. Les envies se mélangent aux réticences héritées de trop nombreuses déceptions passées, cultivées par des années à me construire dans la certitude que je finirai seul, entouré de conquêtes sans lendemain et d’unions trop brèves pour espérer y goûter le moindre sentiment. Pourtant, quand je rencontre les grands yeux de la sorcière, c’est tout mon monde qui tremble et ses fondations semblent soudain si fragiles… Je navigue à vue, loin de tout repère, au rythme de ma respiration que j’essaye de contrôler. Mon émoi est palpable et j’entends Hekate rire. Je réalise que je n’avais jamais entendu son rire.

D’un geste, elle repousse une mèche de mes cheveux trop longs et je me sens rougir comme un gamin. Puis, Hekate s’échappe, laissant glisser ses doigts de ma nuque qui frissonne sous sa caresse. Sa main capture la mienne et elle me guide dans mon propre appartement, son sourire illuminant la pièce à lui seul.

Comme assommé par la surprise de la voir évoluer chez moi et la fatigue qui pèse encore sous mon crâne, je me laisse conduire jusqu’à l’un des tabourets de bar qui entourent l’îlot central où un couvert est dressé. Hekate parle vite. Elle s’active pour rejoindre l’autre côté, sortir deux petits récipients du four qui laissent émaner une odeur de pâte dorée qui flotte jusqu’à mes narines. On est bien loin des effluves rances de la bouffe d’Azkaban et cette seule idée m’apporte un réconfort que je suis bien incapable d’exprimer par des mots.

Deux assiettes lévitent jusqu’à l’Irlandaise qui dépose une tourte encore fumante sur chacune d’elles avant de me rejoindre et de me tendre une Guiness pie au bœuf. Mes yeux pétillent d’une envie inspirée par un mois entier de privations et le bonheur sincère de savoir que Hekate s’est donné tout ce mal pour me faire plaisir, mon tout premier jour de liberté. Mon corps rechigne un peu, tendu par le souvenir des nausées inlassables qu’il a fallu endurer en prison. Je n’ai pas encore retrouvé l’appétit que j’avais avant mon incarcération. Mais les semaines de sevrage les plus difficiles sont maintenant derrière moi et je sais être au moins capable d’avaler de quoi faire honneur à ma cuisinière inattendue.

Un merci timide quitte mes lèvres alors que je reviens croiser le regard de l’Irlandaise. L’odeur de la tourte me fait saliver. Je m’empare doucement de mon couteau et me sens hésiter une petite seconde avant de souffler :
- Tu ne m’en veux pas si je goûte tout de suite ?
Je n’ai qu’à croiser ses yeux pour trouver ma réponse.

J’ai réussi à avaler les deux tiers de ma tourte avant de rendre les armes, incapable de finir un plat si copieux dès mon premier jour de liberté. Mais je sais que Hekate ne m’en voudra pas. Reposant ma fourchette, je lui dis pour la troisième fois au moins combien je n’ai jamais eu autant de plaisir à manger. Je regarde Hekate sourire et me demande ce qu’il se serait passé si, comme elle y a pensé, sans doute au lendemain de mon arrestation, elle avait choisi de sortir de ma vie. Car tout paraît si simple aujourd’hui, si naturel alors qu’elle se tient là, au cœur de mon univers, comme si elle avait réussi à s’y faire sa place sans même que je le réalise pleinement. Je ne sais pas si cette impression devrait m’effrayer, réveiller des craintes que la béatitude de l’instant m’oblige à ignorer. Je choisis de refouler ces considérations au loin, repousser le moment où il faudra me confronter aux inquiétudes que je fais semblant de ne pas entendre. Je verrai plus tard. Toujours plus tard.

Le déjeuner s’est allongé, retardant chaque bouchée par un éclat de rire, une confidence, une question pour rattraper tout ce temps que nous avons perdu. Je lui ai demandé ce qu’il s’était passé ces deux dernières semaines, comment les choses avaient tourné à Poudlard et si les tensions s’étaient apaisées dans la capitale anglaise. Puis, nous avons dévié sur des sujets moins lourds, raconté des souvenirs d’adolescents, comparé les recettes de nos mères respectives qui semblaient toutes les deux vouer un culte aux plats riches et réconfortants dans les moments difficiles. Les minutes ont défilé, sans que je ne les voie passer, et si ce n’est l’épuisement revenu peser sur mes paupières, rien n’aurait pu me faire réaliser le temps que nous avons déjà passé ensemble alors que les restes de tourtes dans nos assiettes ont déjà tourné froids depuis des plombes.

Je cligne des yeux à la fin d’une phrase, passant une main sur mon visage pour chasser les signes de fatigue qui deviennent de plus en plus marqués. Retrouver un environnement rassurant rappelle à mon corps que je n’ai plus convenablement dormi depuis des semaines et le sommeil commence déjà à m’emprisonner dans ses griffes alors que l’après-midi débute seulement. Je me hais d’avoir tant besoin de dormir alors que Hekate est là, si joyeuse, sincèrement heureuse de me retrouver et prête à se décarcasser pour me rappeler au plus vite les petits plaisirs dont j’ai été privé durant quatre longues semaines. Mais la lutte contre la fatigue devient intenable et je me résigne à lui murmurer :
- Putain, je suis désolée, Hekate. Je sens que je suis à moitié en train de m’endormir…
Mes doigts viennent presser légèrement mes yeux pour les inciter à rester ouverts.
- Je crois que je suis en train de payer les heures de sommeil que j’ai perdues là-bas. Je vais peut-être me caler devant un film à la con, sur le canapé, juste pour me poser quelques heures.
Mon regard revient croiser celui de la sorcière. J’hésite un instant avant d’oser lui proposer :
- Tu as le temps de rester encore un peu ? Ca me ferait plaisir que tu restes encore quelques heures.




roller coaster

(1037 mots)

Hekate R. Murphy

Hekate R. Murphy
MEMBRE
hiboux : 657
pictures : Avant que l'ombre... [Hekate & Engel] - Page 3 7l39
Dim 23 Mai - 0:50
Avant que l'Ombre...


ft. @Engel Bauer ( 1 029mts )

Le repas s’est éternisé dans une intimité qu’elle ne peut qu’apprécier à défaut que la comprendre. C’est naturel. Peut-être trop pour ceux qui jusqu’alors n’avaient réellement partagé que des étreintes passionnées et pour qui, par la force étrange de l’habitude, ne trouvaient plus dans la nudité mutuelle une vulnérabilité aussi simple, aussi troublante, que celle qui s’installait ici, autour d’une simple tourte. Elle l’a bien remarqué. Et pourtant, Hekate ne dit rien, ne fait rien. Elle n’amorce pas un seul geste pour faire changer les choses. Plus étonnant encore, elle savoure cette proximité qui pourtant devrait l’effrayer et qu’elle ne partage qu’ordinairement avec celui qui fut un jour son époux.

La tourte est déjà tiède lorsqu’elle prend le temps d’en reprendre une bouchée, une fois un énième rire calmé. Et à nouveau, quelques secondes plus tard, elle en oublie son propre plat, tout occupée qu’elle est. Et surtout, elle observe Engel. Jamais intrusive, elle dose chacun de ses regards. Mais c’est indéniable : elle l’observe. Les paroles du gardien rencontré à Azkaban n’ont pas quitté sa tête depuis sa dernière visite au parloir, cette fameuse visite où il avait refusé de la voir et où, dans les quelques paroles rassurantes d’un inconnu, elle avait appris le pourquoi.Maintenant, elle sait. Elle sait que les cernes qui s’étendent sous les yeux d’un bleu trouble du parolier ne sont pas uniquement le fruit d’une captivité mal vécue. Que sa maigreur, sa pâleur, ne proviennent pas simplement de l’atmosphère lugubre qui règne à Azkaban. Du coup, elle veille, au moins à ce qu’il mange. Au milieu du repas, elle a rapidement remarqué qu’il portait sa fourchette à ses lèvres lorsqu’elle en faisait autant, par un mimétisme inconscient. Alors, quand elle estime qu’il n’a pas touché à sa nourriture depuis trop longtemps, entre deux confidences, elle prend une bouchée pour le simple plaisir rassurant de le voir faire de même.

Mais elle n’est pas dupe, et sait parfaitement qu’il ne pourra tout finir et elle ne s’en formalise pas. Après tout, n’a-t-elle pas privilégié quelque chose qui se conserve pour lui permettre de le terminer lorsque l’appétit sera plus présent ?

Les conversations ralentissent sans s’épuiser. Ça n’est pas les sujets qui manquent, mais la sorcière remarque bien qu’Engel commence à fatiguer.Quoi de plus normal ? Elle ne peut s’imaginer combien de nuits sans sommeil, sans repos se sont écoulées lorsqu’il était enfermé, taraudé par le manque de coke ou les pensées vicieuses qui s’immisçaient en lui au moment où son corps hurlait au sommeil. Encore une fois, la réalisation de ce qu’il vient de traverser, seul, lui serre les tripes d’une main glacée. Elle aurait aimé faire plus, sans qu’elle ne sache réellement comment s’y prendre. Peut-être simplement être là. Passer plus souvent. Mais la crainte de trop en faire l’en avait empêché.

Le soleil vient à peine de décliner la deuxième heure de l’après-midi et le voilà qui se frotte les yeux. Hekate sourit, et son sourire s’agrandit, se teintant d’une nuance de tendresse qu’elle ne réprime pas.
«  T’en fais pas, va. Je comprends. Si j’avais un canapé aussi immense que le tien, Azkaban ou pas, je passerai ma vie vautrée dessus. »
La fatigue d’Engel vient de sonner la fin du déjeuner et la sorcière se lève, la main déjà tendue pour rassembler les couverts. L’hésitation qu’elle pressent lui fait relever les yeux. Rencontrer les siens. Et si elle lève un sourcil moqueur après l’avoir entendu, il lui semble qu’au fond, tout au fond, cachée sous le plexus, une douce chaleur vient d’éclore.
« Bauer, j’ai passé un mois sans te voir. Même si tu ne voulais pas que je reste, il aurait fallu me virer de ton penthouse avec un coup de pied au cul. »
Elle baisse la tête, terminant de rassembler en une petite pile la vaisselle pour cacher la commissure de ses lèvres qui ne cesse de vouloir s’étirer en un sourire touché. Elle désigne le canapé d’un mouvement du menton.
« Allez. Bouge. Je te rejoins dans une minute. »

Une minute. Une simple minute. C’est le temps qu’il lui faut pour débarrasser et déposer ce qui reste de vaisselle dans l’évier. D’une main, alors qu’elle ouvre le robinet d’eau chaude, elle cherche dans sa poche arrière le petit ogham, celui dont elle a besoin. À peine sa main a-t-elle effleuré le morceau de bois que l’éponge s’anime, lui laissant les mains libres pour placer au frigidaire les restes non-consommés et passer sur la table un dernier coup de chiffon pour effacer toute trace de leur passage.
Lorsqu’elle rejoint Engel sur le canapé, elle s’y laisse tomber avec un soupir soulagé. Non loin, le petit clapotis de l’eau dans l’évier se mêle aux voix brouillonnes de la télé que l’allemand vient d’allumer. À nouveau, l’agréable sentiment de normalité la fait frissonner.

Les images de la télé s’écoulent depuis plusieurs minutes quand Hekate se décide à tourner le regard vers Engel. A son côté, elle le voit tourner, virer.Changer de position à chaque fois que ses paupières alourdies par le sommeil menacent définitivement de se fermer.
Elle rit.
« Je croyais que tu devais dormir ? »
Effectivement, c’est ce qu’elle croyait. Mais il semble retarder au possible l’endormissement. Et si elle se plaît à se dire qu’il agit ainsi dans le seul intérêt de profiter de sa présence, elle sait également combien il en a besoin. Alors elle se redresse, se cale confortablement contre le dossier et sa main vient cueillir l’allemand par la nuque.
« Viens là. »
Doucement, à l’affût de la moindre résistance, elle le guide tout contre elle, jusqu’à ce qu’enfin, il vienne reposer sa tête contre le creux de l’épaule féminine alors que la main de l’Irlandaise glisse sur le côté de sa tête, dans ses cheveux trop longs. De l’autre, elle effleure à nouveau un ogham et le plaid passé qui reposait sur l’accoudoir vient s’étendre en douceur sur le corps allongé. Sa voix trahie un sourire lorsqu’elle reprend la parole :  

« Je ne peux pas te chambrer quand tu es fatigué. Alors tu dors, maintenant. Je suis là. »

Son pouce dépose une caresse sur sa tempe.
« Je reste là. »

lumos maxima

Engel Bauer

Engel Bauer
ADMINISTRATRICE & MJ
hiboux : 860
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Jeu 3 Juin - 0:07
Avant que l'ombre...

ft. @Hekate R. Murphy


28 février 2004

J’échoue sur le canapé, luttant déjà contre le sommeil qui pèse sur mes paupières. Renvoyé de l’îlot, je laisse Hekate se débarrasser des traces de notre déjeuner d’un coup d’ogham alors que je m’empare de la télécommande d’un geste on ne peut plus moldu. L’écran dernier cri se met en marche. Le son n’est pas trop fort. Je zappe de chaîne en chaîne pour trouver les premières images qui ressemblent à un film et je m’arrête, délaissant le boîtier sur la table basse pour m’adosser au dossier du canapé.

La sorcière me rejoint avec une spontanéité qui me trouble le cœur malgré la fatigue qui l’enserre. Je la regarde une seconde, lui sourit sans doute alors qu’elle prend place et tente comme moi de se raccrocher à l’histoire qui file sous nos yeux. Elle est proche, mais je ne la touche pas. Je respecte son espace avec un instinct étrange, comme rappelé à la confusion que nous entretenons depuis que nous nous sommes rencontrés, trop distants pour nous dire liés, trop impliqués pour prétendre ne pas sentir ce rapprochement qui s’opère un peu plus chaque fois que nous nous retrouvons. Mes pensées s’activent mais s’évanouissent tout aussi vite, vidées de leur substance par le sommeil qui plombe tous mes muscles. Plus aucune position n’est confortable. Je change d’appui plusieurs fois de suite, me frotte les yeux et les joues pour m’empêcher de m’endormir, cligne des paupières quand je remarque que je n’écoute plus ce que dit aucun des personnages depuis deux ou trois minutes. L’idée de m’endormir définitivement et de perdre tout ce temps avec Hekate m’est presque insupportable. Alors je repousse l’échéance, espère qu’à force de lui interdire de dormir, mon corps consentira à un dernier sursaut pour tenir le temps que l’Irlandaise doive rentrer à Poudlard. Mais chaque minute resté évéillé rend la tâche de plus en plus difficile et Hekate ne tarde par à réaliser mon petit manège.

Sa raillerie me tire un sourire contrit, comme un gamin pris la main dans le sac. Je ne cherche même pas à nier ou expliquer ce que je fabrique. Je sais qu’elle a compris et, avant même que je n’aie eu le temps de changer encore de position pour en trouver une que je pourrais tenir plus de vingt secondes, je sens sa main venir chercher ma nuque. Mes yeux se rouvrent grands alors que je tourne le regard vers elle, pris de court. Mais mon corps se laisse guider, comme trop épuisé pour résister, et je me sens tomber doucement vers elle jusqu’à atterrir dans le creux de son épaule. Les muscles restent tendus un moment. Je peine à bien comprendre ce qu’il se passe, à accueillir cette douceur si spontanée et à la fois si peu familière que Hekate emmitoufle sous le plaid qu’elle fait voler jusqu’à moi. La chaleur de la couverture achève alors mes dernières réticences pendant que mon corps supplie qu’on le laisse profiter du repos ainsi offert. L’hésitation se trahit, fugace, dans les dernières respirations que je retiens, avant que mon souffle ne se libère en un soupir profond et que je lâche prise, laissant le poids de ma tête reposer entièrement sur elle. Je sens son pouce caresser ma tempe. Sa promesse tombe dans mon oreille jusque dans le creux de mon ventre qui se serre un peu pour contenir l’émotion qu’elle provoque. Elle est là. Elle reste là.

L’épuisement me fait sans doute manquer trop de détails dont j’aurais aimé me souvenir, dans la tendresse de son regard et de ses gestes. Je ne me remémore que son sourire, cette pointe d’espièglerie qui illumine souvent ses yeux quand elle les pose sur moi. Et je me souviens m’être senti chez moi.

La luminosité dans le salon n’est plus la même lorsque mes paupières se rouvrent. J’inspire un peu plus fort, retrouve doucement conscience alors que devant nous, un film déroule toujours ses intrigues. Mais les acteurs et l’ambiance ont changé. Ce n’est plus la même histoire et je réalise doucement que j’ai dormi beaucoup plus longtemps que ce que j’espérais. Mon cœur accélère dans ma poitrine. Je passe une main sur mon visage tout engourdi et grommèle, la voix rauque :
- Merde… Depuis combien de temps on est là ?
A vue de nez, l’après-midi semble déjà bien attaqué et je pousse sur mes bras pour me forcer à me redresser. Je sens le pli du vêtement de Hekate imprimé sur ma joue qui irradie d’une drôle de chaleur. Mes doigts passent dans mes cheveux, histoire que ce soit vraiment le bordel, et je finis enfin par tourner mon regard vers l’Irlandaise pour murmurer, penaud :
- Je suis désolé. Je voulais pas dormir autant…

Je lui souris, un peu honteux, mais clairement en meilleure forme qu’en sortant de table. Dans ma tête, les réflexions fusent. Le temps a filé. Hekate est encore là, comme promis. Mais elle devra bien finir par partir. Pourtant, j’ai l’impression que nous venons à peine de nous retrouver. Nous n’avons profité de rien ! Ça ne peut pas se finir comme ça. Et on est samedi ! Elle peut peut-être repousser encore son départ. Juste un peu. Encore un peu.

Mon regard se perd un instant sur l’extérieur, derrière les grandes baies vitrées. Puis je reviens à Hekate et lui lance, décidé :
- Je ne peux pas te laisser partir comme ça.
J’enchaîne, pour ne pas nous laisser le temps de réfléchir.
- Ça te dirait de sortir ? Qu’on aille prendre l’air, pour une fois. Une vraie soirée dehors.
Après un mois enfermé, l’occasion est sans doute trop belle. J'ai les yeux qui brillent rien qu'à nous imaginer loin d'ici, baignés dans une insouciance qu'on a bien failli nous arracher. Nous feindrons d'oublier le mois passé, de n'avoir dans la tête que de bons souvenirs à échanger autour d'un verre. Faire semblant, une soirée avec elle... Je n'ai envie que de ça à cet instant.
- Laisse-moi juste prendre une douche et on se barre. D'accord ?
J'ai l'impression de lui en demander trop une fois encore, mais je ne peux pas m'en empêcher. Nous avons besoin de cette bulle d'air dans un environnement qui n'aura pas connu nos déboires, de quelques heures où elle pourra traîner avec moi sans ressembler à une femme de taulard. Le Londres moldu nous tend les bras. Là, dehors, personne ne sait qu'il existe même un enfer qu'on nomme Azkaban et que j'ai fait l'erreur un jour de donner au monde une raison de m'y enfermer.

Trois secondes se perdent entre Hekate et moi avant que je ne finisse par me lever du canapé, souriant, laissant ma main passer sur l'épaule de la sorcière pour m'excuser de devoir la faire attendre un petit peu. Le pas engourdi mais l'esprit léger, je marche jusque dans la chambre et fais coulisser la porte de la salle de bain qui roule délicatement sur le côté. Je la referme alors derrière moi en un réflexe que je ne remarque qu'après coup. L'instinct de fuite est encore là, indubitablement. Il me tient au corps comme une obsession dont je ne me défais pas. Je me cache, de peur d'être lu, démasqué. Il y a longtemps pourtant que mes premiers masques sont tombés avec l'Irlandaise. Je m'accroche encore aux derniers : suis-je assez fou pour croire qu'ils pourraient me sauver ?  

Je marque un temps d'arrêt, puis respire avant d'oser tourner la tête vers le grand miroir qui surplombe un meuble double vasque imposant, comme tout ce qui occupe cet appartement. Alors, je me regarde pour la première fois dans des conditions qui me permettent d'observer tous les dégâts causés par ce mois d'enfermement.

Je fais deux pas pour me rapprocher du miroir et scruter mon visage sous toutes les coutures. Je tourne la tête, tend le cou pour voir les traits qui se sont creusés sous ma mâchoire, passe la main dans ma barbe et mes cheveux trop longs qu'il me faudra tailler rapidement. Les cernes sous mes yeux assombrissent le bleu de mes iris. J'ai l'air épuisé, à deux doigts de m'effondrer.

Me détournant du miroir, je me débarrasse de mes fringues en des gestes secs. Veste, t-shirt, pantalon, sous-vêtement... tout fini dans une panière de linge sans ménagement avant que je ne me replace devant la glace. J'ai besoin de me voir, en entier. Mais, à l'instant où mes yeux embrassent la vision de cette silhouette maigre et blême, je me fige.

Je ne vois d'abord que mes côtes, les os qui saillent de part et d'autre de ma poitrine comme des doigts faméliques qui enserrent un torse plat et pâle. Ce qu'il reste de mon ancienne musculature suffit à peine à rappeler le corps que j'avais avant de finir en cellule. Je tourne le buste pour voir les omoplates se dessiner sous la peau, si distinctement qu'on en oublierait les muscles qui les couvrent. Une boule se forme dans le fond de ma gorge, pleine de colère et de dégoût. Les souvenirs de la prison ressurgissent. Je sens son froid dans mon dos, son odeur dans mes narines, et je suis soudain dévoré par le besoin furieux de tout faire partir.

Je me dirige vers la douche et tourne le robinet d'eau chaude qui gicle bruyamment dans la pièce. A peine l'eau a-t-elle le temps de monter en température que je m'engouffre sous le jet brûlant. La peau rougit. Des picotements m'assaillent la poitrine et les jambes. Mais je reste là, planté tout droit sous l'eau bouillante. D'un geste, je m'empare d'un gel douche que je fais mousser sur mes bras, mon torse, mes épaules. Je me frotte le visage, les cheveux, me débarrasse de l'odeur, de l'emprise, de l'étouffement que j'ai vécu dans cette prison. Le derme s'embrase, agressé par l'eau chaude et le raclement de mes ongles, mais en quelques minutes, ma frénésie se calme. La crasse coule de ma peau, disparaît dans les canalisations labyrinthiques de l'immeuble. La salle de bain est remplie de vapeur et je respire comme un forcené un air qui n'est plus imprégné de son odeur de sel et de mort. Ma main trouve le robinet d'eau froide que je tourne enfin pour redonner au jet d'eau une température apaisante. Les yeux fermés, je lève le visage en passant les deux mains de mon front à l'arrière de ma tête. Puis, je laisse mon buste ployer doucement vers l'avant et retombe, une main posée sur le carrelage de la douche, l'eau continuant de couler sur mon dos. Elle sonne autour de moi comme un bruit blanc. L'univers autour de moi s'évanouit. Mon souffle se fait plus profond, mon coeur ralentit, et je me calme seconde après seconde. Je les compte presque et chacune d'elle me convainc un peu plus que cet enfer est enfin définitivement derrière moi.



roller coaster

(1806 mots)

Hekate R. Murphy

Hekate R. Murphy
MEMBRE
hiboux : 657
pictures : Avant que l'ombre... [Hekate & Engel] - Page 3 7l39
Mer 14 Juil - 3:24
Avant que l'Ombre...


ft. @Engel Bauer ( 1 829mts )

À peine sa tête s’était-elle calée contre le creux de son épaule que déjà, elle sent contre sa peau son souffle ralentir. Le lâcher prise. Depuis combien de temps retenait-il ce sommeil là ? Ce besoin particulier de se laisser aller à sombrer, sans méfiance, sans crainte que le simple claquement d’une porte blindée ne vienne éclater en morceaux un repos nécessaire et le plonger à nouveau dans une spirale d’insomnies ?

Lorsqu’il avait franchi la porte, ce midi-là, chaque fibre de son être s’était appliqué à ne pas réagir à la transformation physique qui s’était opérée sur Engel. Les joues creusées, les épaules anguleuses, il semblait sortir d’une année entière de détention tant son séjour à Azkaban avait marqué ses traits. Mais elle n’avait rien dit. A grande peine elle avait masqué son inquiétude sous une jovialité naturelle. Elle le savait conscient de son apparence. Il était le premier à remarquer combien il avait changé. Et l’inquiétude de la sorcière n’aurait rien arrangé. Alors, comme pendant ce long mois, elle avait rongé son frein en silence.
Mais à présent qu’il gisait là, tout contre elle, le souffle apaisé par le repos et les yeux clos, elle pouvait à loisir détailler les stigmates de son emprisonnement. Provenaient-ils tous de la prison, ou bien étaient-ils mêlés à un sevrage forcé dont elle ignorait l’existence encore deux semaines auparavant ?  

Hekate n’était pas naïve au point de s’imaginer que tous les ragots qu’on entendait sur Engel Bauer n’étaient que des conneries. Son problème de drogue était connu depuis ses jeunes années. Mais elle s’était toujours dit qu’il s’agissait là du lot des rockeurs, du package «  célébrité tourmentée ». A présent qu’elle en découvrait le revers de la médaille, la sensation était étrange. Pas dérangeante : elle n’était personne pour lui dicter les conduites saines à son existence. Pire encore : elle n’était pas la mieux placée pour rabrouer l’Allemand sur ses addictions. Juste…Étrange. Elle l’avait vu galvanisé par la scène. Fougueux. Presque tendre. Vulnérable. Mais à présent que la clarté des baies jouait sur sa peau trop pâle des ombres maladives, elle y découvrait une fragilité. Une fragilité déconcertante, qui loin de la repousser, entrait en résonance avec ses propres failles et faisait ressurgir un instinct de protection. Une volonté de le rassurer, de l’apaiser. Celle-là même qui poussait ses doigts à continuer leurs caresses dans ses cheveux trop longs bien longtemps après qu’il se soit endormi.



Le soleil allongeait déjà les ombres du penthouse, laissant présager une fin d’après-midi précoce, lorsqu’elle sent Engel s’éveiller. Une respiration plus profonde. Un froncement des sourcils. Sa main suspend un instant les caresses incessantes qu’elle dépose sur sa tempe depuis qu’il s’était enfin abandonné à l’inconscience. Et si il la voyait ? Et si il savait ? Et si il savait quoi, finalement. Qu’y avait-il à savoir ? Mais le geste ne semble pas le perturber alors qu’il s’enquiert de l’heure, et la jeune femme scrute son poignet, à la recherche du petit cadran de la vieille montre flik flak qu’elle avait, il y a maintenant une bonne trentaine d’années, piqué à son frère. Encore aujourd’hui, à chaque repas de famille, il lui ordonnait la restitution du précieux trésor, et encore aujourd’hui, elle lui répondait d’aller rôtir en enfer. Le genre de choses habituelles.

«  Tu as presque fait une nuit complète. Il est bientôt six heures. Bon retour parmi nous, Aurore. Heureusement que tu t’es réveillé tout seul, j’étais prête à appeler un prince charmant pour qu’il t’embrasse langoureusement et te tire de ton sommeil. »

Hekate retire sa main au moment où la sienne passe sur son visage, dans une tentative infructueuse de lisser ses traits et d’en chasser tout le sommeil. Peine perdue. Lorsqu’il se redresse, le col de la robe de la jeune femme apparaît encore, imprimé dans la chair de sa joue. Libérée du poids d’Engel, elle s’étire pour sentir avec plaisir le sang revenir dans son bras engourdi. Même après avoir plusieurs fois délicatement bougé le jeune homme dans son sommeil pour lui permettre de conserver une position confortable sans avoir à perdre un membre dans le processus, elle se sent ankylosée. Mais loin de lui en vouloir, les excuses qu’il lui présente lui font esquisser un sourire.

« Tu avais besoin de dormir. Ça fait deux fois aujourd’hui que tu t’excuses pour rien, Bauer. La prochaine fois, je te colle un pain. »

Mais elle se doute qu’ils savent tout deux qu’il s’agit de paroles en l’air. Elle en était incapable. Pas après ce qu’elle avait vu, pas après avoir passé des heures à observer son visage au moment même où il était le plus vulnérable.

Tandis qu’il reprend doucement contact avec le monde qui l’entoure, elle en profite pour se lever. S’étirer. Et terminer le verre d’eau qu’elle avait eu l’audace de faire venir de la cuisine une ou deux heures auparavant. Au milieu d’une gorgée, elle s’arrête, les yeux rivés sur le rockeur pénitent qui semble tout faire pour s’amender d’une dette dont il n’est même pas redevable. Mais l’idée de sortir, une vraie sortie, rien qu’eux deux, fait pétiller ses yeux. Il lui dédie sa première nuit de liberté. Est-ce que ça veut dire quelque chose ? Ou rien du tout ? Peut-être un peu ?

Pour se redonner une contenance, elle se détourne et marche jusqu’à la cuisine pour déposer son verre dans l’évier avant de revenir prendre place sur le canapé.
« Ça me va. Pendant ce temps, je vais fumer une clope. Et fais toi beau, Bauer. Ce soir, t’es un homme libre. On a quelque chose à fêter. »

Il se lève. Sa main effleure son épaule. Hekate aurait juré avoir frémi. Et lorsqu’enfin il quitte la pièce, il lui semble encore sentir contre sa peau la chaleur de son visage tout contre elle. Pendant une seconde, elle tente de se raccrocher à l’intrigue du film qui se joue à l’écran. Mais tout est fade. Il a quitté la pièce, et son attention avec lui. Alors elle éteint la télé pour aller fouiller dans la poche de son blouson et en tirer un briquet. Un paquet de cigarettes. Malgré le confort des dernières heures, elle sent le manque de nicotine frapper doucement sur ses nerfs.

Lorsqu’elle fait coulisser la baie vitrée, l’air frais agresse son visage. Et juste après, le vertige et la hauteur. Tout en bas, étouffés par la distance, les bruits de SoHo. A chaque fois elle semble oublier combien le penthouse est haut. Isolé. Et combien la vie continue en dehors de ces murs blancs. La flamme du briquet vacille un instant avant de s’éteindre, mais lui laisse suffisamment de temps pour allumer la cigarette coincée entre ses lèvres. La première bouffée est extatique. La légère sensation de tournis caractéristique la fait sourire à mesure qu’elle sent enfin la nicotine nourrir l’addiction bien logée dans son cerveau. Ses bras nus picotent sous le vent. Il lui semble presque à nouveau sentir la main d’Engel sur son épaule.

Les secondes s’égrènent, comme la cendre de sa clope. Et son regard ne quitte pas le couloir. Il est là-bas. À quelques mètres. Loin. Avait-elle le droit de le rejoindre ? D’où elle est, Hekate n’entend pas l’eau couler, et pourtant elle imagine. Sa peau supplie pour un contact qu’elle lui refuse pour préserver l’intimité d’Engel. Son premier moment de solitude depuis qu’il a quitté la cellule d’Azkaban. Mais ce besoin de le toucher s’intensifie. La déchire. Pas un désir. Juste… juste le toucher. Profiter d’une chaleur dont elle a été privée pendant un mois. Une chaleur qu’elle a tenté de chercher dans d’autres bras, d’autres lits et qui, bien qu’agréable, n’était pas totalement identique. Pas totalement suffisante.

L’idée la terrifie, la fait respirer plus vite. Fumer plus vite. Et lorsque sa cigarette touche à sa fin et qu’il lui faut l’écraser dans le cendrier, elle ne sait pas quoi faire. Elle n’a d’autre choix que de rentrer. A l’intérieur, la sensation est encore plus pesante. Pour s’occuper les mains, elle replie soigneusement le plaid. Sous ses doigts, le tissu est encore chaud. Non, Hekate. Il a le droit d’être seul. Pourtant, il ne lui faut qu’une seconde. Qu’une seule seconde avant de jeter son briquet et ses clopes sur la table basse et quitter le salon.
Dans le couloir, elle se déleste de ses chaussures. La chambre, déjà naturellement vide, semble encore plus déserte maintenant qu’elle a été privée de la présence d’Engel depuis un mois. A présent, elle peut entendre la douche couler. Le claquement de l’eau sur le pavement. Mais pas de mouvement. Lorsque la porte coulisse, le son se perd dans le bruit ambiant. Ses yeux le trouve enfin. Le tiraillement de ses entrailles cesse. Sa peau se réchauffe un peu. Ce n’est que la chaleur de l’eau.

Et effectivement, il ne bouge pas. Le front appuyé contre le mur, les yeux fermés. Les yeux inquiets de la verbena longent les traces rouges qui jalonnent désormais sa peau. Ses ongles. Elle connaît ces marques. Elle avait vu les mêmes sur son propre corps, plus d’une fois. Les jours où les visions incessantes, ou même ses propres souvenirs menaçaient de la faire basculer définitivement dans la folie. Un souvenir, en particulier. Autrefois. En Irlande. Ces jours-là, elle se frottait jusqu’au sang. Pour évacuer le traumatisme. La sensation de souillure, d’impuissance, le sentiment écrasant d’être un échec. Si elle saignait, elle redevenait propre. Capable de quitter la douche. De se lever un autre jour.

Hekate quitte ses vêtements dans un bruissement. Elle voudrait lui parler. Mais élever la voix lui paraît presque effrayant, comme si un simple mot porterait atteinte à cette paix relative teintée d’angoisse, et que tout allait s’effondrer. Alors c’est sans un mot qu’elle pose le pied sur le carrelage humide de la douche à l’italienne. Le pommeau l’éclabousse un peu. L’eau est chaude. Presque trop.

Elle lève la main. Ses doigts hésitent un peu avant d’effleurer l’épaule tendue de l’allemand. Un avertissement de sa présence. La paix n’éclate pas. Alors c’est plus franchement qu’elle appose sa paume contre lui. Qu’elle la laisse glisser le long de son dos. Sous ses doigts, chaque vertèbre est comptée. Sa main accroche la taille masculine à peine marquée. Glisse sur son ventre. Ça n’est plus les muscles qui durcissent la peau ici, mais la tension. Et quand enfin son avant-bras l’entoure et qu’elle franchit pour le rejoindre le rideau de gouttelettes, elle laisse son corps épouser le sien et elle l’entoure de ses bras. La poitrine contre son dos. Elle retrouve enfin la chaleur dont elle était affamée.

Sous ses yeux, elle croise ces marques rouges, sur son épaule. Son étreinte se resserre. Elle y dépose un baiser, doucement, pour les effacer. Son visage se niche contre son cou à défaut de s’octroyer le droit de quémander ses lèvres. Sa barbe lui picote le front. Et elle murmure.

«  Ça. Ça, ça m’avait manqué. »

Les dieux seuls savaient à quel point.

Engel Bauer

Engel Bauer
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Lun 16 Aoû - 1:45
Avant que l'ombre...

ft. @Hekate R. Murphy


28 février 2004

L’eau coule le long de mon dos. Elle contourne chaque vertèbre, sillonne le long de mes jambes avant de s’écraser sur le carrelage. Je ne bouge plus depuis de longues minutes, déjà. Mais le calme apparent de mon cœur ne s’est pas hissé jusque dans ma tête.

Le bruit de la douche n’est pas assez fort pour m’empêcher de m’écouter penser. Des centaines d’idées s’entrechoquent avec des souvenirs que j’aimerais oublier, des impressions que je voudrais faire taire. Les caresses de l’eau dans mes cheveux me rappellent celles que j’aurais juré avoir senti sous les doigts de Hekate. La savoir seule dans mon salon, à seulement quelques mètres de moi excite des désirs que je sais avoir retrouvés jusqu’aux tréfonds de ma geôle certaines nuits où la solitude pesait plus que le sevrage auquel j’étais astreint. Et pourtant, je suis toujours incapable de me laisser m’y perdre totalement. Comme un damné accroché à sa malédiction de peur d’en connaître une autre pire encore, je continue de me répéter toutes les raisons qui doivent me tenir éloigné d’elle : la déception que je lirai inévitablement dans ses yeux quand elle découvrira ces parties de moi qu’elle ne connaît pas encore, ces regards qui ne cesseront de nous rappeler ce fossé qui nous sépare et que nous feintons d’ignorer, cette crise politique qui nous éloignera tôt ou tard… Combien de temps préserverons-nous encore cette ignorance bénie qui nous permet de nous retrouver ? La séparation ne sera-t-elle pas plus douloureuse à mesure que nous la retardons ? Nous ferions peut-être mieux de tout arrêter maintenant, avant que Hekate ne voie de la façon la plus crue toute l’horreur qu’elle a simplement frôlée en me retrouvant apathique dans le parloir d’Azkaban ou dans un tel état de fatigue et de maigreur dans l’entrée de mon propre appartement. L’idée me tourne dans la tête, hurle si fort que je n’entends pas la sorcière pénétrer à son tour dans la salle de bain, ni ses vêtements glisser sur le carrelage.

Je sursaute en sentant ses doigts se poser sur mon épaule. Mon cœur fait une embardée, encombré par tous ces doutes qui l’étreignent et me serrent la gorge. Mes peurs me percutent toutes ensemble de plein fouet avec cette impuissance qui revient planter ses griffes dans mes chairs dès que je sens de nouveau Hekate près de moi, car je suis encore une fois incapable de la rejeter. La paume de l’Irlandaise embrasse la naissance de ma clavicule et mes paupières se referment sans que je ne laisse échapper un son. J’accueille le contact de sa main qui glisse le long de mon dos, redressant quelque peu la nuque pour me tenir plus droit. Je sens ses doigts rejoindre ma hanche puis passer sur mon ventre qui se tend quand siffle dans mon oreille cette voix qui me dit que ce corps n’est plus celui qu’elle a connu. Mais Hekate n’arrête pas son geste et son bras m’enlace alors qu’elle termine de me rejoindre sous l’eau chaude. Je sens son corps épouser ma colonne vertébrale et mes pensées se figent sur cette seule sensation, laissant mon cœur continuer de frapper dans ma poitrine comme s’il cherchait à rejoindre celui que je sens battre dans mon dos. La chaleur de Hekate m’enrobe et je reste immobile, enveloppé par sa douceur, terrassé, enfin, par les quelques mots qu’elle souffle.

Ça lui a manqué…

Ai-je eu ces gestes avec elle, cette intimité-là ? Nous sommes nous déjà touchés de sorte que seul le contact compte, en dehors de toute recherche de plaisir ou de possessivité crue ? Mes yeux se rouvrent avec une précipitation presque violente comme pour chercher sur le carrelage les certitudes qu’il me manque. J’ai l’impression de perdre toute capacité à réfléchir, à me souvenir. Tout semble flou, comme embrumé par la vapeur d’eau qui nous entoure. Je reste tétanisé, anéanti par cette seule phrase, si bien que lorsque ses lèvres viennent gracier mon épaule d’un baiser, je ne parviens pas à lui répondre ne serait-ce qu’avec un geste.

Cette spontanéité, je la sens pourtant batailler dans ma tête, troubler le rythme de mon cœur qui semble prêt à sortir de ma poitrine. Je voudrais recouvrir son bras du mien, ployer le cou pour laisser reposer mon front contre le sien. Mais je reste là, assailli par l’eau chaude et cette tendresse à laquelle je ne sais répondre. Nous ne sommes pas ce genre de duos, pas vrai, Hekate ? Cette douceur, nous ne l’avons que lorsque nous pouvons la justifier par la fatigue qui vient après une étreinte aux desseins bien plus primaires. Cela nous rassure, nous laisse libres. C’est ce que nous voulons, n’est-ce pas ? Dis-moi que je ne suis pas le seul à combattre cette pente, que toi aussi tu ne te laisses pas tomber car tu sais que nous serions perdus. Rien de bon ne nous attend dans cette direction. Nous le savons depuis le départ. Nous l’avons compris dès que nous nous sommes rencontrés dans ce bar, l’avons affirmé lorsque nous nous sommes vus chacun d’un côté bien distinct de cette barrière à Azkaban. Cela ne peut pas être autrement. Alors pourquoi son poignet me brûle-t-il à m’en faire mal quand je me force à le prendre pour quitter son étreinte ?

Lentement, je me tourne pour lui faire face, retient son bras pour qu’elle ne s’éloigne pas. L’eau chaude continue de dévaler nos épaules et je me permets un regard, juste une seconde dans l’ambre de ses iris, peut-être pour lui dire plus que ce désir toujours intact qu’elle éveille chaque fois qu’elle est près de moi. Mais, cette fois encore, je me cache derrière mes pulsions, embrasse à pleine bouche cette envie d’elle pour effacer les issues plus nobles que j’ai parfois la folie d’envisager. L’eau qui imbibe mes cheveux coule en traînées qui encadrent mon visage. Une seconde s’échappe encore et je brise enfin la distance qui me sépare de Hekate, laissant l’eau sur mes joues rejoindre celles de mon amante.

Avec cette ferveur qui m’arrache à toutes mes hésitations, j’embrasse ses lèvres, bois l’eau qui coule autour de sa bouche pour y noyer les regrets que je sens déjà poindre dans ma poitrine. Mes doigts pressent sa peau, pénètrent dans les chairs pour rapprocher toujours plus Hekate de moi, fusionner avec cette femme dont on m’a privé si longtemps et qui m’a attendu jusqu’à ce que je puisse lui revenir. Enfermé dans ses bras, ensorcelé par les promesses d’un plaisir toujours aveuglant, je plonge dans un érotisme salutaire pour mieux repousser les obsessions qui enlaidissent nos retrouvailles. Les voix honnies dans ma tête finissent par se taire. Les questionnements meurent avec elles pour ne laisser qu’une envie irrépressible s’emparer de tout mon corps et mater une fois pour toutes la folie qui m’a fait penser à l’éconduire.





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