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Avant que l'ombre... [Hekate & Engel]
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

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Engel Bauer

Engel Bauer
ADMINISTRATRICE & MJ
hiboux : 860
pictures : Avant que l'ombre... [Hekate & Engel] Tumblr_o875a2WxoW1v3qeuyo3_640
Lun 13 Juil - 2:58
Avant que l'ombre...

ft. @Hekate R. Murphy


14 février 2004

Je sursaute sur mon pieu quand une porte claque au bout du couloir, faisant résonner le fer dans toute la prison. Le bruit du métal tourne dans les cellules un temps infini avant de s’évanouir avec les éclats de voix agacés de quelques détenus. Puis, le silence imparfait revient, pesant sur les poitrines à nous faire suffoquer. Je lâche un soupir et me réinstalle en tassant l’oreiller sous ma tête.

Bientôt une semaine. Une semaine au goût de sel, de rouille et de bile. J’ai l’impression de n’entendre que les grincements des lits et les plaintes des hommes enfermés derrière leurs barreaux. Les journées se ressemblent tant qu’elle se mêlent pour ne donner qu’une entité difforme, longue, lourde et crasseuse. Je me demande si elles sont les mêmes pour Zven, Xaver, Allan, Andreas et Jeremiah, si eux aussi passent des heures entières à compter les fissures au plafond, s’ils ont l’impression de reculer plutôt que de se rapprocher de la fin à chaque repas qu’on nous apporte dans nos cellules. Pour eux, la fin de la détention s’approche déjà. Ils sont presque à mi-chemin. Mais je resterai encore quand ils sortiront tous.

Il m’arrive de leur en vouloir au pire de mes journées, de les envier tellement que ma jalousie noircit jusqu’à la moindre de mes idées. Je maudis ces familles qu’ils retrouveront, ce soleil qui reviendra réchauffer leurs traits, cette bouffe qu’on leur préparera pour leur retour, ces femmes qui reviendront occuper leur lit. Je leur en veux pour ces addictions qu’ils n’ont pas, cette cocaïne qui ne les poursuit pas. Le sevrage forcé auquel on m’astreint depuis mon arrivée ici commence à me détraquer tout l’organisme. Je sais que je n’ai déjà plus toujours les idées claires. Mes pensées se brouillent, deviennent noires, excessivement tristes et désespérées... Je suis irritable et je fatigue vite. Beaucoup trop vite. Mes mains tremblent déjà quand je n’y fais pas attention. Je suis mort de trouille, terrorisé à l’idée de devoir affronter une épreuve pareille dans cet endroit. La plupart des gardiens n’ont pour moi que des regards hautains et des paroles acerbes. Je ne m’attends pas à ce qu’aucun d’eux s’inquiète véritablement de mon état quand je serai au sommet de la crise. Ils s’assureront que je ne crève pas ici et cela suffira bien. Pour le reste, je devrai tout affronter seul…

Une autre grille claque un peu plus loin et les pas des gardiens se mettent à frapper le sol nu. C’est un rythme entêtant, une cacophonie qui tourne heure après heure et fait perdre le cours du temps. Je passe des nuits entières à l’écouter. Mais cette fois, le bruit me fait légèrement froncer les sourcils car j’ai l’impression que les pas se rapprochent.

Je m’arc-boute pour regarder le couloir au-dessus de ma tête quand un des gardiens, le moins con de ceux que j’ai croisés, se présente devant la grille de ma cellule.
- Debout, Bauer.
Je me redresse sans attendre et m’assied au bord du lit.
- Les mains en évidence. Tu sais comment ça marche, maintenant.
Je me lève et montre les paumes, le regard interrogatif. Le gardien m’observe un temps, le visage impassible. Je ne sais jamais ce qu’il pense, mais sa neutralité entre ces murs est particulièrement précieuse face à toute la colère que je lis dans les yeux de ses collègues.
- Tu as de la visite.
Je cligne des paupières, incapable de dissimuler ma surprise. Mais le gardien ne me donne pas plus d’informations.
- Tends les poignets.
J’obéis et le laisse mettre en place les liens magiques. Puis il appuie quelques secondes son regard sur moi, comme une demande silencieuse qui dit : « Tu vas rester tranquille, pas vrai ? », et il me prend un bras pour me conduire le long du couloir.

A côté de lui, sous les regards sombres des autres taulards, je me sens ridiculement petit. Sa poigne est ferme sur mon bras. Il me surplombe d’une bonne vingtaine de centimètres. Je baisse les yeux comme un môme, tente de me faire oublier jusqu’à ce qu’on prenne la direction des parloirs. Dans les couloirs, les questions fourmillent dans ma tête. Qui a bien pu prendre la peine de venir jusqu’ici ? Qui avait tant besoin de me voir qu’il a accepté de se perdre dans un endroit pareil ? J’ai le cœur qui bat dans mes tempes. Je ne fais même plus attention à la baguette que le gardien tient toujours dans sa main droite, prête à jeter un sortilège au moindre mouvement suspect de ma part.

Je ne reprends mes esprits que quand il bifurque sur la gauche pour nous faire entrer dans une pièce que je n’ai encore jamais foulée. Toujours un peu déboussolé, je me laisse guider comme un pantin, sans bien savoir ce qu’on attend de moi. Le gardien nous fait entrer dans une salle aux murs nus, comme partout dans cette prison, j’ai l’impression. L’endroit est presque vide. Il n’y a qu’une chaise au centre, laissée là comme en vue d’un interrogatoire. La salle est coupée en deux par une barrière magique qui rend l’autre moitié trouble, légèrement floue. La protection paraît puissante, infranchissable même d’ici. Mais je n’ai as le temps de l’examiner davantage que le gardien me tourne face à lui d’une pression sur le bras.

Je l’observe, toujours un peu perdu, et son expression se veut rassurante. Il approche doucement le bout de sa baguette de mes poignets et s’immobilise, le regard fermement ancré dans le mien.
- Vous avez une heure. Pas une minute de plus. Vous pouvez mettre fin à la rencontre n’importe quand. Il vous suffit de taper à la porte de votre côté. On viendra vous chercher. Ne tentez rien contre la barrière : ce serait peine perdue. Même Albus Dumbledore n’aurait pas su l’égratigner sans sa baguette et aucun sorcier n’est autorisé à entrer au parloir avec une baguette magique. Une tentative idiote de t’attaquer à ce mur ne ferait que te priver d’autres visites jusqu’à la fin de ton passage ici. C’est clair ?  
Je fais oui de la tête.
- Tu peux toucher la barrière. Elle ne te fera rien. Vois-la comme une vitre. D’accord ?
J’acquiesce encore une fois.
- Si tu as besoin de quelque chose, je suis juste derrière.
Alors, il murmure une formule qui fait disparaître mes liens avec un geste de sa baguette. Puis, il s’éclipse après un signe de tête, verrouillant la porte derrière lui.

Le claquement froid du battant résonne dans la pièce trop vide de longues secondes. J’attends qu’il disparaisse, m’offrant quelques secondes pour recouvrer mes esprits et combattre l’appréhension qui me gagne au moment de découvrir qui est venu jusqu’ici pour me voir. Je ne sais pas qui j’espère découvrir, si je préfèrerais ne trouver personne d’important tant j’ai honte de me trouver là, de ce côté de la barrière. J’ai le cœur qui frappe ma poitrine. Je compte encore quelques secondes et je me décide enfin à lever les yeux.

Je plisse les paupières en essayant de la reconnaître, troublé par le voile diaphane que la barrière magique pose sur l’autre côté de la pièce. Je dois faire deux pas en avant pour m’assurer que mes premières impressions ne sont pas un leurre. Mon ventre se tord quand je parviens enfin à lire ses traits. Je souffle :
- Hekate ?

Mes pas se pressent pour la rejoindre, m’approchant de la barrière pour mieux la voir. Je n’arrive pas à croire que ce soit elle et mes réflexions se bousculent, bruissent toutes ensemble dans mon crâne alors que mon cœur continue de battre contre mes côtes. Je m’entends demander :
- Qu’est-ce que tu fais là ?
Et je la regarde avec des yeux fous, priant pour que le manque de cocaïne ne me fasse pas déjà me perdre dans d’odieux mirages.



roller coaster

(1312 mots)

Hekate R. Murphy

Hekate R. Murphy
MEMBRE
hiboux : 657
pictures : Avant que l'ombre... [Hekate & Engel] 7l39
Mer 15 Juil - 7:28
Avant que l'ombre…


ft. @Engel Bauer ( 1 319 mts )

Dire qu’Hekate était angoissée aurait été un doux euphémisme. En fait, si elle ne s’était pas fait les ongles la veille, elle aurait sans doute recommencé à les mordiller. Et pourtant, malgré la torsion de son ventre, elle était là, dans l’immense hall du ministère, à se fustiger d’avoir enfilé cette robe jaune qui lui donnait l’impression d’être terriblement voyante, même si après cette foire des métiers elle devait sans doute puer la défaite. Contre sa poitrine, elle avait épinglé le petit bague qui scintillait un “ Hekate Murphy - Visiteur ”, gentiment délivré par la cabine téléphonique qui tenait lieu d’entrée pour les visites. Il fallait l’avouer, ça n’avait pas spécialement contribué à apaiser son stress.

Dans cette petite entreprise, tout la faisait flipper. Le ministère. Azkaban, qui même sans les détraqueurs n’était pas vraiment le genre d’endroit où on pouvait souhaiter passer son samedi après midi. Le fait de s’éclipser d’une journée où sa présence était requise pour aller rendre visite à l’homme décrié par tous et avec qui elle ne partageait finalement que des étreintes enfiévrées et des discussions sur un bout de matelas. Pendant un instant, l’inquiétude se fit différente. Qu’est-ce qui lui disait qu’il avait envie de la voir, finalement ? Etait-elle véritablement obligée de s’imposer une visite à Azkaban pour lui ?

Évidemment.

En fait… Elle ignorait si elle souhaitait s’y rendre pour le voir, lui parler, ou lui hurler dessus. Tout ce bordel, à cause de lui, de SON concert et de SES choix, tout ça la rendait folle. On avait viré deux élèves par sa faute, parce qu’il s’était cru plus malin que le ministère et que ses partisans et avait jugé de bon ton de les faire participer à sa propagande. Une petite voix lui soufflait qu’il n’était pas vraiment responsable. Que renvoyer deux élèves pour ce genre de motif était une exagération grossière. On ne privait pas deux gamins d’avenir et de diplôme pour une bêtise aussi ridicule. Mais elle n’avait pas envie d’écouter. La colère était plus confortable que l’angoisse de le savoir tout seul en taule. D’ailleurs, si elle voulait être particulièrement honnête, ça n’était pas la colère qui l’avait motivée lorsque dès l’instant où elle avait appris son emprisonnement, elle avait formulé une demande écrite pour une visite auprès du ministère. Alors oui, il fallait se rendre à l’évidence : Elle s’inquiétait pour lui, et le fait qu’il ait bien mérité ce mois enfermé ne changeait rien.
Les bras croisés, elle secoua la tête d’agacement lorsqu’une voix la fit se détourner. Serré dans un costume noir, un petit homme s’était approché, un sourire aimable rivé sur ses lèvres fines.

“ Hekate Murphy ? Pour une visite à Azkaban ? Bonjour, je suis Parker Evans. C’est moi qui suis chargé de vous accompagner. ”

La sorcière mit quelques secondes avant de comprendre qu’il était de bon ton de serrer la main qui lui était tendue.

“ Pardon ! Bonjour. Euh… Hekate Murphy. ”

Euh…Hekate Murphy ? Sérieusement ? La jeune femme réprima de justesse le rire nerveux qui remonta dans sa gorge, le dissimulant derrière une petite toux polie. Elle en devenait ridicule.

“ Tout objet magique est interdit dans l’enceinte du parloir, je vous conseille donc, si vous en portez, de les déposer à la consigne du ministère. Vous pouvez garder votre focus, il sera à déposer sur place et vous sera rendu lors de votre départ.”
Encore heureux.
“ J’ai simplement mes oghams.
-Alors c’est parfait. La procédure est simple, il s’agit d’un banal transplanage d’escorte. Je vous prierai de bien vous accrocher à mon bras et de ne me lâcher que lorsque nous serons fermement arrivés.“

Pour joindre le geste à la parole, Evans lui tendit son bras. Merveilleux. Elle allait devoir serrer le bras d’un vieux, maintenant. Connard de Bauer. Après un petit temps d’hésitation, elle tendit la main et s’agrippa fermement, presque désolée de devoir froisser sous sa poigne son joli costume sans plis.

“ C'est bon ? On y va.”





Lorsque ses pieds touchèrent le sol, Hekate semblait sur le point de vomir. Le teint blême, les yeux vitreux, elle prit une minute pour intimer à l’univers d’arrêter de tourner. D’ordinaire, la sensation du transplanage n’était pas un problème. Mais ici, elle n’était pas celle qui transplanait. Elle était simplement une accompagnatrice, et le manque de contrôle sur le tournis caractéristique lui était visiblement difficile à supporter. Une inspiration. Deux inspirations. Au bout de la troisième, les couleurs revinrent à ses joues, et elle pût se redresser complètement, lâchant enfin le bras du pauvre employé qui n’avait rien demandé.

“ Je vous attends ici. ”

Il eut le tact de ne pas lui faire remarquer qu’elle avait le teint verdâtre et qu’elle lui avait explosé l’humérus en s’accrochant dessus. De la main, il se contenta de lui désigner un accueil vers lequel la jeune femme s’avança.

“ Bonjour. Je suis Hekate Murphy. Je voudrais voir Mr Bauer, s’il vous plaît.”
La formulation de sa demande manqua de la faire sourire, mais à nouveau elle se retint. L’atmosphère était différente, ici. Comme si tout sourire était interdit. Était-ce les détraqueurs qui avaient marqué de leur pouvoir les pierres de la prison ? Ouais… finalement, c’était beaucoup de chemin juste pour aller voir Engel et lui dire “ Bien fait ! ”.

D’un geste de la main, on lui fit signe de patienter quelques instants. Sans doute pour s’assurer que ledit Bauer acceptait une visite et qu’il ne s’était pas pendu dans sa cellule. Immédiatement, elle se sentit coupable. Elle ne pouvait imaginer le calvaire qu’il vivait, enfermé seul avec ses acouphènes, et voilà qu’elle trouvait le moyen de plaisanter à ce sujet. Par précaution, elle envoya une petite prière à Morrigan.

“ Vous pouvez avancer. ”

Quelques pas, et il fallut de nouveau s’arrêter. Déposer à la consigne baguette et oghams, et laisser une grande blonde à la queue de cheval haute la sonder de sa baguette. Un petit flash bleu fusa lorsque le focus effleura son poignet droit, et il lui fallut également retirer son bracelet. Évidemment. Elle n’aurait pas pu entrer avec un ogham en pendentif. En fait, elle n’y avait même pas pensé. Elle y pensait rarement, tant sa présence rassurante faisait désormais partie d’elle. Mais lorsqu’elle quitta la sensation froide de l’argent contre sa peau, sa brusque vulnérabilité lui revint en plein visage. Hekate croisa les bras, puisant dans la colère que lui inspirait les actions d’Engel Bauer pour ne pas partir en courant. Enfin, on l’autorisa à s’engouffrer dans les couloirs, guidée par un employé anonyme parmi tant d’autres. Quelques mètres. Puis un virage à gauche. Et enfin la surface lisse et glacée d’une porte sécurisée.

“ Vous avez une heure. Si vous avez besoin de quelque chose, ou que vous souhaitez quitter les lieux, vous toquez.”

Et la porte s’ouvrit sur une pièce. Vide. De part et d’autre d’une immense barrière magique, deux simples chaises installées face à face. Elle qui avait toujours trouvé le penthouse de Bauer vide à en crever, elle allait sans doute devoir revoir ses exigences à la baisse.

Hekate s’était préparée. Pendant près d’une semaine, elle avait répété encore et encore ce qu’elle allait bien pouvoir lui dire. Un truc fracassant, avec une pointe de colère et de mépris. Quelque chose dont il allait se souvenir.

Et puis il était entré.
Et Merlin, elle était faible.

Les battements de son coeur étaient devenus douloureux tant sa vision lui était chaleureuse. Elle avait eu peur. Elle avait eu tellement peur. Son pas se fait précipité lorsqu’elle rejoint à son tour la barrière après qu’il l’eut enfin reconnue et sa colère fond sous le sourire qu’elle lui adresse.

“ Salut, Bauer. On est samedi. On se voit le samedi normalement, non ? ”

D'un geste de la main, elle désigne l'endroit.

" Tu croyais quand même pas te débarrasser de moi en te faisant enfermer, hm ? "

lumos maxima

Engel Bauer

Engel Bauer
ADMINISTRATRICE & MJ
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Lun 20 Juil - 16:29
Avant que l'ombre...

ft. @Hekate R. Murphy


14 février 2004

On est samedi.
Sa réponse est si simple, formulée comme une évidence. Elle me laisse complètement désarmé. Les yeux écarquillés face à elle, je mets de longues secondes à croire qu’elle est vraiment ici, qu’elle est venue me trouver jusque dans le lieu le plus lugubre de Grande Bretagne. Il me faut entendre la chaleur de sa voix et l’espièglerie si familière de sa dernière phrase pour me convaincre que c’est vraiment elle et mon cœur rate un battement, bouleversé.

Immédiatement, des milliers de questions me sautent à la gorge. Je garde les yeux rivés sur Hekate alors qu’une voix dans ma tête me répète qu’elle ne devrait pas être ici. Je sais le sacrifice auquel il faut consentir pour accepter de venir dans un endroit aussi sordide. Nous sommes-nous assez rapprochés pour qu’elle pense que j’en vaille la peine ?

Cette réalisation soudaine me claque au visage comme une gifle en pleine figure. Je reste figé, perdu dans mes réflexions. Les sensations se percutent et s’entredévorent. Mon esprit malade et incrédule cherche un autre moyen d’expliquer qu’elle soit venue me voir. Les journées trop sombres déjà passées ici et les pensées viciées par le manque de cocaïne me font imaginer les pires raisons. Peut-être ne vient-elle que pour moquer ma défaite, me dire combien je mérite d’être enfermé ici. Peut-elle réalise-t-elle seulement cette partie de moi que le décorum d’Azkaban lui fait voir dans sa forme la plus crue et qu’elle vient m’annoncer qu’elle la rejette définitivement. Je dois lui apparaître de façon si pitoyable, moi l’agitateur réduit au silence, avec des cernes bleus comme des ecchymoses sous les yeux tant ils sont creusés.

Elle doit me trouver repoussant.

Pourtant, elle sourit.
Elle sourit et c’est comme si la pièce s’était réchauffée de quelques degrés, rendant le parloir un peu plus rassurant, un peu moins froid. Les battements de mon cœur se mettent à trembler comme la commissure de mes lèvres qui se retrousse juste assez pour lui offrir une maigre réponse. Etranglé par la honte et une gêne insupportables, je ne parviens pas à lui donner mieux pour l’instant… Tout autour de nous ne cesse de me rappeler ma condition misérable. Je parviens malgré tout à ne pas détourner le regard, plonge dans ses yeux pour y trouver la moindre once d’hostilité. Mais je ne trouve rien. Absolument rien. Seulement cette attention délicate qu’elle a déjà eue par le passé, quand mes démons me cernaient de toute part, comme aujourd’hui. Et, comme cette première fois, je ne peux me résoudre à refuser la main qu’elle me tend.
- Bon sang, je m’étais donné pourtant, cette fois ! Je croyais mon plan parfait !
Mes lèvres s’étirent en un sourire fatigué mais sincère. Puis, je baisse les yeux en secouant doucement la tête de droite à gauche. Ma voix se fait plus basse, piteuse comme une excuse :
- Tu ne devrais pas être ici. Cet endroit est tellement… Je suis désolé de t’infliger ça.
Je reviens croiser son regard.
- Tu n’étais pas obligée de venir.
Mais mes prunelles tremblent de toute cette gratitude que je suis incapable de taire quand je la regarde.

Quelques secondes passent avant que je ne finisse par me mouvoir, réalisant que je la fixe depuis trop longtemps. J’ai l’air un peu perdu un instant, ne sachant pas quoi faire. Puis je me décide à aller m’asseoir. Je fais quelques pas maladroits vers la chaise et prends place face à la barrière magique. Cette pièce vide me semble encore plus grande dans cette position.

Je cherche mes mots un moment et passe nerveusement mes mains sur mes cuisses. Je ne sais pas si elle attend quelque chose de moi ni ce que j’ai le droit de lui demander. Mais l’avoir avec moi ici est une opportunité que je ne suis pas sûr de connaître une seconde fois. Trop de questions me tournent dans la tête depuis que je suis enfermé ici. Il faut que je lui demande :
- Comment tu vas, toi ? Comment ça se passe dehors ?
Je ne sais pas ce que j’espère entendre : que toute la société soit révoltée de nous savoir emprisonnés pour un putain de concert ou qu’elle ignore toute cette histoire et que celle-ci finisse ainsi dès ma sortie, comme si rien n’avait jamais eu lieu. Mais au-delà de cette inquiétude, c’est une autre angoisse qui me hante, née de la bouche d’un des gardiens qui ne s’est pas privé de me la jeter à la figure dès le lendemain de ma condamnation.
- Hekate, il faut que je te demande…
Les mots sont difficiles à prononcer, étouffés par cette peur qui me tient au ventre depuis hier.
- Il se dit des choses dans les couloirs depuis le procès. Mais je ne fais pas confiance aux gardiens. Certains seraient prêts à n’importe quoi pour faire de ton passage ici un enfer.
Je baisse les yeux et le ton avec lequel cette ordure m’a annoncé la nouvelle me revient en mémoire. Je frissonne, puis murmure :
- Est-ce qu’il est vrai que des élèves ont été renvoyés de Poudlard pour avoir participé à l’enregistrement de ma chanson ?
Mon regard ne lui revient que lorsque j'achève ma question, terrifié.



roller coaster

(875 mots)

Hekate R. Murphy

Hekate R. Murphy
MEMBRE
hiboux : 657
pictures : Avant que l'ombre... [Hekate & Engel] 7l39
Mer 22 Juil - 0:32
Avant que l'ombre...


ft. @Engel Bauer ( 986 mts )
Leur présence ici lui semblait irréelle.
C’était sans doute ce sentiment de décalage intense qui avait, lorsqu’il était entré, dissipé la colère à laquelle elle s’accrochait pour parvenir à mettre les pieds ici. La barrière magique. Les murs froids, ternes. Et ses yeux qui la fixent avec une incrédulité qu’elle ne connait pas. Tout, tout tranche avec le semblant de routine qu’ils avaient construit ensemble au cours de ces derniers mois et qui désormais se voyait bousculé par l’emprisonnement d’Engel. Il lui était compliqué d’imaginer qu’elle ne sentirait pas, sitôt les salutations terminées, le contact brûlant de sa peau sur la sienne, la recherche avide de ses lèvres, de son souffle. Ils se voyaient ailleurs. Autre lieu, autre cadre, autre contexte. S’en était perturbant.
Au moins peut-elle s’estimer chanceuse. Elle n’est pas celle qui se voit priver de sa liberté. Au-delà de la question sur le mérite de sa sentence, les cernes bleus et le visage amaigri de l’allemand sont un crève cœur brutal et inattendu. En une semaine, la déchéance est violente et le faible frémissement de commissures qu’il parvient à lui offrir au terme d’un effort visible lui fait fermer les yeux une seconde. Sous ses paupières closes se superpose, en souvenir malsain, l’ombre de ce que son sourire était à peine quelques jours auparavant.

“ Arrête. Ton plan est pourri. Par hasard, je ne t’avais pas expressément demandé de faire attention à toi ? Et c’est comme ça que tu obéis ? Bravo, Bauer. Quelle bonne idée.”

Le voir saisir la perche qu’elle lui tend est rassurant. Il est encore là. C’est toujours lui. La confirmation est bienfaisante. Elle se fait baume sur la blessure de le voir si diminué et lui permet même de rouler des yeux, amusée. Bien sûr qu’elle n’était pas obligée de venir. Elle se l’était suffisamment répété dans son voyage jusqu’ici. Elle n’était pas obligée. Elle ne lui devait rien. Et pourtant voilà : Elle était là.

“ Je sais. J’avais le choix entre passer ma ma Saint-Valentin ici ou à la foire des métiers de Poudlard. Laisse-moi te dire que le choix fut difficile. Qui ne rêverait pas de passer sa journée à se présenter à des sang-purs en disant ” Bonjour, je suis la nana qui apprend à vos enfants à faire de la magie avec des cailloux “ ? Je sens ta jalousie d’ici.”

Hekate parlait trop. Elle s’en redit compte à l’instant même où elle termina sa phrase. Elle parlait trop. Trop vite. Avec un détachement trop prononcé pour être réellement naturel. Elle parlait trop parce qu’elle avait peur. Cette pièce la terrifiait. Son silence qu’elle tentait de meubler. Son espace trop grand, trop froid. À l’extrême opposé de l’intimité qu’elle avait toujours partagé avec Engel. À croire qu’en sa présence, elle ne savait plus vraiment comment agir lorsqu’ils n’étaient pas chez lui, à l’abri de tout. Lorsqu’elle se reprenait en plein visage la réalisation qu’il n’était pas qu’Engel.

Alors il s’assoit, et elle l’imite, et elle en profite pour se taire. Ses jambes se croisent, se décroisent. Elle redoute les questions qu’il pourrait lui poser. Plus encore, elle redoute les réponses qu’elle pourrait lui apporter.

“ Je vais bien. Dehors… Eh ben dehors, c’est compliqué. Poudlard est divisé, comme tu peux t’en douter. ”

À moins que ça ne soit qu’elle. Qu’elle seule soit tiraillée de la sorte et qu’elle ne se fasse des idées, emmêlée dans ce mélange de morale, de désirs, de responsabilités et d’envie qui lui tournait la tête et l’empêchait - bien plus que d’habitude - de fermer l’œil. Sans cesse, Hekate se répétait qu’elle était clean. Elle n’avait rien à se reprocher, rien à craindre. Après tout, elle couchait avec l’homme, pas avec les idées qu’il défendait. Mais quand même. Tout aurait été si simple s’ils s’étaient contentés d’une simple nuit. Elle aurait alors pu se ranger sagement. Se dire que oui, il méritait tout ça. Que tout était de sa faute. Absolument tout.
Elle serre les dents.
La question qui s’en vient lui est déjà connue. Elle le sait. Elle sait ce qu’il va demander. Et pourtant, l’entendre fait de nouveau remonter l’amertume au creux de sa gorge.

“ Oui.”
Sa langue humecte ses lèvres, nerveusement.
“ Asao et Pellagia ont été renvoyés de Poudlard. Je suis désolée.”
Elle était désolée pour tout. Pour ces gamins, virés sans diplôme. D’être celle qui lui confirmerait une nouvelle qu’il connaissait pourtant déjà.

“ Il y a eu… un semblant de délation, ou quelque chose comme ça. Et ils ont été renvoyés. Ça n’est pas ta faute pleine et entière, je le sais. Mais… Pourquoi, Engel ? Tu avais des dizaines et des dizaines d’autres solutions, d’autres possibilités. Alors pourquoi la chorale de Poudlard ? La sentence est démesurée, mais tu savais qu’en faisant ça, tu allais forcément rompre la neutralité de l’école. Ça n’est pas possible autrement. Tu es loin d’être idiot. Je ne peux pas croire que tu n’y ais pas pensé. ”

Une inspiration.
Hekate balaye l’air de la main.

“ Ecoute. Je ne veux pas te blâmer, et encore moins ici. J’aurai tout le loisir de te crier dessus quand tu sortiras. Mais je veux juste que tu saches combien c’est un bordel sans nom. Combien toi et Rogue vous nous avez mis dans une situation délicate. Combien JE suis dans une situation délicate. J’ai peur de ce qu’il pourrait se passer si on apprend que je passe mes samedis chez toi maintenant que Rogue se range explicitement du côté du ministère. Mon instinct me dit qu’ils ne se contenteront pas d’entendre qu’on est deux adultes consentants qui prennent leur pied ensemble. Et si on pensait que c’est ma faute ? Que je t’ai aidé à monter cette mascarade ? On… On m’a déjà posé la question. Je suis désolée. Mais c’est la merde. Et je flippe. Pour ça. Et pour toi.”
lumos maxima

Engel Bauer

Engel Bauer
ADMINISTRATRICE & MJ
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Sam 25 Juil - 15:30
Avant que l'ombre...

ft. @Hekate R. Murphy


14 février 2004

- La Saint Valentin ?
Mon cœur s’alarme comme mis une nouvelle fois face à une révélation brutale et il me faut plusieurs secondes pour balbutier :
- Bon sang, on est le quatorze…
Depuis combien de temps n’ai-je plus fêté cette journée ? Je ne suis même pas sûr de l’avoir déjà fêté dignement un jour. Les 14 février étaient plutôt pour moi des occasions de décevoir les femmes avec lesquelles j’étais quand elles avaient la folie de croire que je leur préparerais quelque chose ou que j’aurais seulement la tête à me mettre dans un état d’esprit teinté de romantisme mièvre. Non. La Saint Valentin n’a jamais été une tête pour moi. Mais je sais qu’elle l’est pour la plupart des gens et savoir Hekate ici aujourd’hui ne me trouble que davantage.
- Je n’arrive pas à croire que tu viennes te perdre ici avec moi un jour pareil. Ne me dis pas que tu n’avais personne d’autre avec qui fuir cette foire. Quelqu’un qui ne soit pas enfermé derrière des barreaux, par exemple ?
Le sourire que je lui offre se teinte d’une interrogation sincère que je n’ose pourtant pas formuler, conscient de ces barrières qui demeurent malgré les conversations nombreuses que nous avons eues depuis que nous avons appris à nous ouvrir l’un à l’autre. Je n’arrive pas à imaginer un seul instant être le seul homme sensible aux charmes de Hekate ni le seul auquel elle fasse goûter cette douceur dont elle m’a enveloppé chaque fois que j’en ai eu besoin. Pourquoi n’y aurait-il que moi ?

Mais alors, pourquoi se retrouve-t-elle seule un jour comme celui-là ?

La question me tourne dans le crâne quelques secondes mais elle ne parvient pas à faire taire celles qui me rongent depuis qu’un gardien m’a craché au visage la rumeur du renvoi de certains étudiants de Poudlard suite à notre concert en janvier. Je ne peux m’empêcher de lui demander si c’est vrai, si Rogue ou qui que ce soit d’assez haut placé pour ordonner une telle honte a vraiment eu la folie de priver des gamins de diplôme pour un projet artistique. Mais alors que ma question franchit à peine la barrière de mes lèvres, l’expression défaite de Hekate glisse un frisson glacial tout le long de mon échine.

La réponse de la sorcière est une gifle en pleine figure. En un seul mot, c’est tout mon monde qu’elle fait s’effondrer, tout mon fantasme qui se craquèle pour laisser passer l’opprobre et le goût âcre des pires désillusions. La nausée me monte à la gorge. J’ai chaud, brutalement chaud. Mon regard quitte Hekate et je baisse les yeux, écrasé sous le poids de ma honte et de ma déception.
- C’est pas vrai…
Je me penche faiblement vers l’avant comme pour cacher mon visage, laisse mes bras tomber sur mes cuisses, abattu. J’ai du mal à respirer. Une main nerveuse passe sur mon front, remonte dans mes cheveux. Elle tremble. Chaque inspiration accentue l’envie de vomir qui me prend la gorge. Ils n’ont pas pu faire ça… Ce n’est pas vrai.

La voix de Hekate peine à me parvenir, comme perdue dans une réalité que je m’efforce de fuir. Je crois pourtant saisir le plus important : délation, renvoi, ta faute, Bauer. Ta faute. Je relâche un soupir misérable alors que mes doigts s’enfoncent dans la peau de mon crâne. Et les questions de Hekate me brûlent, attaquent mes dernières défenses qui fondent sous la justesse de ses interrogations. La détresse et le manque de coke se mélangent. Il me faut déglutir deux fois pour m’éviter de dégobiller toute ma bile sur le plancher.
- Ca ne devait pas se passer comme ça, jamais… finis-je par coasser, toujours incapable de lever les yeux. C’était un coup de pied dans la fourmilière, une provocation censée nous attirer la haine de tout le monde pour que celle-ci se détourne des autres. Pour faire parler les gens, les forcer à avoir certains débats. On le fait depuis des années. On bouscule le monde autour de nous. Bien sûr que ça n’allait pas rompre la neutralité de l’école. Il suffisait de voir la réaction de cet abruti de Rogue pour comprendre que ce projet avait été fait dans le dos de l’école et qu’il ne pouvait pas la représenter. On n'a jamais espéré faire croire le contraire. On voulait juste un visuel qui marque les gens, une symbolique…
Je tente de reprendre mon souffle qui s’ébranle et poursuis tant bien que mal.
- On voulait que ça choque et ça a marché. Mais il n’a jamais été question de mettre en danger les enfants. On n’a jamais dévoilé leur identité. La plupart d’entre eux ne savaient même pas sur quoi ils chantaient. C’était juste un projet musical pour eux et ça devait rester comme ça. La politique derrière ne devait que nous concerner, nous. On devait être les seuls à prendre le retour de flamme…
Je sens mon timbre se casser alors que la colère prend dangereusement le pas sur mon désespoir.
- Qu’est-ce qu’ils ont fait, putain ? Qu’est-ce qu’ils leur ont fait pour qu’ils en viennent à se dénoncer entre eux ? C’est quoi ce pays où l’on condamne l’avenir de deux gamins pour une chanson ? Une putain de chanson ! C’est de la folie !

Ma deuxième main rejoint la première à l’arrière de ma tête alors que je finis quasi-prostré sur ma chaise, enfermé dans cette impuissance, enfermé dans cette impuissance qui me fait admirer toutes les conséquences de mes choix que deux mômes payent à ma place. Le cauchemar n’en finit pas depuis six jours et il ne cesse d’empirer. Mon cœur se perd dans un rythme acharné qui me donne un teint blême et fait suer ma peau.

J’inspire de grandes bouffées d’air pour contrôler mes nausées et je sens Hekate respirer à son tour avant de me confier ses propres angoisses. Un frisson ignoble me dévale les épaules quand elle m’explique comment elle-même est affectée par le chaos qui s’intensifie dehors. Je me décide enfin à relever les yeux pour la regarder et toutes ses terreurs semblent pénétrer ma peau dès que je rencontre le brun de ses iris.

Je voudrais détourner encore le regard, bannir cette vue de ma mémoire, mais je n’y arrive pas. J’ai l’impression d’être frappé le même jour par toutes les conséquences ignorées de mes actes et la réalisation est si douloureuse que j’en tremble de tout mon corps. La peur de Hekate réveille en moi une terreur que je n’aurais jamais pensée si grande car je crains de comprendre ce qui se profile.

Elle est venue me dire qu’elle ne reviendra pas.

Je le sens à chaque phrase qu’elle prononce, alors qu’elle me décrit un peu plus chaque fois comment mes actions la mettent en difficulté, combien elle ne peut que craindre que notre liaison ne soit découverte et qu’un tel lien avec moi lui soit reproché au point de lui faire perdre son poste. Comme si un professeur n’était pas capable de dissocier vie professionnelle et vie privée, comme si on ne pouvait apprécier l’homme sans devenir à son tour propagandiste. Une amertume ignoble emplit ma bouche et mon cœur frappe mes côtes, affolé. L’injustice me fait serrer les poings. Je ne veux pas qu’elle s’en aille. Je ne veux pas perdre cela. Ses visites sont devenues des bulles d’air dans un quotidien étouffant, des moments loin de tout jugement… Pourquoi fallait-il que tout soit foutu en l’air ? Que je foute tout en l’air ?

Soudain, je me fige, les yeux grands ouverts fixés sur elle. Il a suffi de trois mots. Trois mots pour que tout bascule.

« Et pour toi. »

J’ai l’impression que mon cœur s’arrête brutalement. Mes yeux clignent plusieurs fois alors que je continue de la regarder. Mes maigres certitudes s’anéantissent aussi rapidement qu’elle se sont formées. Car si elle s’inquiète, alors il reste quelque chose, même si je l’ai déçue, même si elle réalise le fardeau qui accompagne le fait d’entrer dans mon cercle. Il reste quelque chose et alors que les ombres m’encerclent de partout, je me focalise sur cette dernière lueur pour ne pas entièrement m’effondrer.

Un long moment passe sans que je ne sois capable de lui répondre, assommé par tout ce qu’elle m’a appris et ce dernier aveu qui change tout. Car elle est encore là. Elle est encore là, alors qu’elle aurait tant de raisons de partir.

Ma bouche s’ouvre plusieurs fois sans parvenir à prononcer un son. Les mots s’entrechoquent dans ma tête. Mon souffle est erratique. Je ne sais plus ce que je devrais lui dire, ce qu’elle attend de moi. J’ai l’air perdu. L’hésitation est longue. Elle pèse sur mes épaules jusqu’à les faire s’affaisser et je finis par soupirer, baissant à nouveau le regard.
- Je suis désolé.
Comme si rien ne pouvait mieux exprimer ce que je ressens. Comme si tous les autres mots étaient devenus risibles, vides de sens. La cacophonie continue de hurler dans ma tête. Les acouphènes se mêlent à tous les débats que je me souviens avoir eus avec les gars concernant ce putain de concert. Je revois l’Enchanteresse, l’air fier et confiant, me proposer de pénétrer enfin dans son cercle d’ultra-privilégiés. Je réentends les hurlements sur le parvis de Gringotts, outragés, enfiévrés, puis le ton moralisateur de tous les journalistes qui nous ont questionnés sur le sujet après coup. C’était ce que nous voulions. C’était ce que nous avions prévu. Mais tout ça, tout le reste…
- Ca n’aurait pas dû se passer comme ça… je me répète alors que je me force à relever le visage pour croiser son regard. Ca ne devait être qu’un coup d’éclat. Je te le promets. On n’a jamais prévu tout ça. Tout s’est emballé et… et on s’est tout pris en pleine figure.  
Je déglutis difficilement. Je force encore sur ma voix pour réussir à parler.
- J’assume toutes les conséquences qui m’atteignent moi. On sait le jeu auquel on joue avec les gars depuis qu’on a monté Reißen. On connaît les risques même si on les a bien sous-estimés cette fois-ci. T’imagines bien qu’on n’avait jamais prévu de finir enfermés à Azkaban pour un simple concert. J’ai l’impression que le monde marche sur la tête, Hekate. Jamais j’aurais cru qu’on laisse naître de telles dérives en Grande Bretagne, qu’importent les idées qu’on défende. On est six à avoir fini à Azkaban. Deux gamins ont été renvoyés de Poudlard, privés de diplôme pour un putain de projet artistique. Des professeurs craignent pour leur job simplement parce qu’ils fréquentent des gens qui n'ont pas les mêmes positions que le Ministre. J’imagine même pas l’ambiance dans les couloirs du Ministère. Vers quoi on va, Hekate ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
Je soupire en laissant retomber ma tête. Mes mains passent nerveusement sur mes avant-bras. Les battements de mon cœur on légèrement ralenti l’allure mais mes pensées continuent de se bousculer. Je baisse un peu la voix.
- J’ai peur pour la suite, Hekate… Si personne ne réagit face à tout ça, si de telles actions peuvent avoir lieu maintenant en Angleterre sans que ça n’émeuve personne, alors on se dirige vers le même régime que celui que nous promettait le Seigneur des Ténèbres. On n’aura qu’un dictateur avec une gueule d’ange à la place du monstre qu’était Voldemort. Mais la terreur sera la même. Et jamais je n’aurais cru qu’on en était déjà arrivé là. Personne ne devrait pouvoir soutenir ça.

Un temps s’échappe. Mes réflexions s’enchaînent. Je peine à suivre le fil. Mais il en est une qui devance toutes les autres, qui se rappelle chaque fois qu’une autre tente de prendre les devants. Alors, mon regard revient plonger dans celui de la sorcière et je murmure, frissonnant à chaque mot que je m’oblige à prononcer.
- Hekate… Je sais que je ne suis pas simple à fréquenter. Ça n’a jamais été simple avec moi… Et je vois bien avec tout ça que ça n’a ne risque pas de s’arranger dans les mois à venir. Ce que je veux dire c’est que si un jour tu ne te sens pas bien, que tu as besoin de prendre des distances pour une raison ou pour une autre, il ne faut pas que tu t’empêches de partir. Tu n’as pas à prendre de risque pour moi, encore moins quand ça menace ton boulot et toute ta vie. Je ne veux pas qu’il puisse t’arriver quoi que ce soit à cause de moi. Il faut que tu te donnes le droit de partir et que tu sois sûre de pouvoir le faire sans avoir à donner la moindre justification. Il faut que tu le saches…  
Et mon cœur recommence à battre dans mes tempes, me rappelant que le soulagement d’avoir réussi à lui dire cela n’enlève en rien la peur qui m’obsède à l’idée qu’elle disparaisse comme tant d’autres avant elle.



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(2162 mots)

Hekate R. Murphy

Hekate R. Murphy
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Dim 26 Juil - 3:01
Avant que l'ombre...


ft. @Engel Bauer ( 1 063 mts )

“ Rogue est un con. Ça n’est pas nouveau. Mais on ne pouvait pas prévoir ce qui allait se passer. Te flageller pour ça n’y changera rien... ”

Envolée, la jolie pensée de la Saint-Valentin passée ici à ses côtés. En vérité, elle n’avait pris conscience de la date que lorsque, quelques instants auparavant, il avait fallu signer le registre consignant sa visite. Maintenant, on savait. Noir sur blanc, c’était écrit qu’elle était venue rendre visite à Engel Bauer. Elle avait refréné la paranoïa grandissante qui lui chuchotait narquoisement à l’oreille que de toute façon, ça n’était qu’une question de temps avant que tout se sache. Qu’elle aurait mieux fait de fuir, de se dégager rapidement de tout ça avant même qu’elle ne parvienne à poser des mots sur ce qu’ils partageaient tout les deux. Pour le moment, leur relation conservait ce flou agréable de ces choses que l’on ne peut pas nommer. Mais après ?

Elle ne pouvait pas mentir et se dire qu’elle n’avait pas imaginé venir ici pour lui annoncer que tout était terminé. Que ça avait été chouette, l’espace d’un moment, mais que son sens moral avait repris le dessus et lui hurlait désormais de cesser de fréquenter quelqu’un aux idées aussi dérangées. Qu’ils n’avaient rien en commun, à commencer par les préceptes bancales et arriérés qu’il paraissait défendre. Elle était une verbena. Une laissée de côté. Tout lui interdisait ne serait-ce que d’écouter ces idées de supériorité du sang. Alors, qu’est-ce qu’elle foutait encore là ? La vérité, c’était qu’elle s’était encore fait avoir par la fragilité touchante qu’elle avait lu dans ses yeux lorsqu’il était entré. Encore une fois, et comme au premier jour. Et à présent qu’il avait laissé sa tête pendre en avant, allégorie du désespoir qui agitait son corps fatigué par la première semaine d’emprisonnement, elle ne pouvait rien faire d’autre que de rester.

“ Je sais… Je sais, Engel. Je sais que tu ne voulais pas ça pour ces gamins. Personne n’a compris la réaction de la direction. Même nous, au sein de Poudlard, on a été pris de court. On avait… on avait aucune idée que ça allait se terminer comme ça. Au pire, on se disait que si les gamins étaient reconnus, ils écoperaient d’une ou deux heures de retenue. ”

Il lui était facile de se rappeler cette soirée du premier février. La stupeur qui l’avait frappée alors même que Severus Rogue annonçait les mesures mises en place. Qui aurait pu croire qu’un simple bout de papier glissé sous la coupe de chaque élève aurait pu mettre un tel bazar ? Qui aurait pu croire, surtout, que dans une école comme Poudlard, on oserait mettre en place un stratagème d’une telle bassesse pour mettre au pilori deux gamins qui n’avaient rien demandé.

“ Je suis désolée… Je suis vraiment désolée. Je ne sais pas où on va, je ne sais pas ce qui se passe. Je suis perdue et je ne peux pas t’aider parce que si je me mets à penser à tout ça, je vais me noyer. Je peux pas… Je ne veux pas repenser à ce que devient le Ministère, à ce que l’avenir serra. Je ne sais même pas si Rogue a eu l’aval de Potter avant de lancer sa campagne de délation au château. J’en sais rien. Je sais rien. Les gens vont bouger, c’est certain. Le renvoi des élèves ne pourra pas se faire dans l’indifférence générale. ”

Comme elle aurait aimé le serrer dans ses bras. L’empêcher de parler, oublier une seconde combien il pouvait être problématique pour le serrer contre elle, fort et lui murmurer que tout irait bien. Qu’elle était là. Une seule vitre les séparent, et pourtant pour Hekate, il lui paraît si loin. Du bout des doigts, elle effleure la séparation magique, qui bourdonne doucement sous sa paume. Au déchirement que provoque la douleur d’Engel vient cependant s’ajouter une petite lueur de contentement. Il n’avait rien prévu de tout ça. Il n’avait pas volontairement sacrifié ses gamins en offrande à ses soutiens malsains, à ses idées folles. Il n’était pas si aveuglé que les journaux pouvaient le prétendre.

De la pointe de ses ongles, elle tapote le verre.

“ Hé. Regarde-moi.”

Ses yeux accrochent de nouveau les iris de l’allemand, délavées par la prison et ses murs ternes.

“ Pour le moment, la priorité c’est toi. Tu n’arriveras à rien si tu sors d’ici en petits morceaux, d’accord ? Est-ce que tu manges bien ? Tu arrives à dormir ? Je ne sais pas si vous avez le droit d’avoir des journaux, ou… ou des trucs comme ça. Est-ce que tu veux que j’essaye de t’en envoyer un, quand je serais rentrée ? Peut-être que ça te fera passer une ou deux heures. Faut que tu t’accroches, Engel. Tu peux pas laisser Azkaban te ruiner. Je sais que c’est facile de dire ça puisque ce n’est pas moi qui suis enfermée ici, mais s’il te plaît, fait attention. Ne m’oblige pas à te kicker le cul quand tu sortiras d’ici, d’accord ? Si tu t’affames au point de perdre ces pectoraux que j’aime tant, ça va mal se mettre. Le reste, aujourd’hui c’est superflu.”

Hekate déglutit, pour faire passer une bonne fois pour toute l’amertume qui subsiste encore dans sa gorge et lui offrir un sourire qui cette fois n’avait pas tout du rictus forcé.

“ Je ne suis pas venue ici pour te dire que nous deux, c’est terminé. Je t’aurais envoyé un simple hibou, tout aurait été bien plus facile. Alors oui, je flippe. Mais objectivement, je me rassure en me disant qu’on ne peut rien contre moi. J’ai des états de service irréprochables, je n’ai jamais fais de vagues, que ce soit en tant que professeur ou même en tant qu’élève. Ils ne peuvent pas me renvoyer parce qu’ils découvrent que toi et moi on se … fréquente. Et je n’ai pas envie de partir. Ce qu’on a, là, peu importe ce que c’est, ça m’est cher. J’en ai besoin, tu comprends ? Vraiment besoin. T’es le seul mec avec qui je couche qui me donne l’impression d’être considérée. Je ne veux pas laisser ça. Je ne PEUX pas laisser ça. Mais ce que j’ai besoin de savoir c’est : est-ce que toi, tu veux que je m’en aille. ”


lumos maxima

Engel Bauer

Engel Bauer
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Mar 28 Juil - 0:44
Avant que l'ombre...

ft. @Hekate R. Murphy


14 février 2004

J’entends ses doigts taper contre la barrière magique et mon regard perdu vient chercher le sien. Toutes mes peurs et ma culpabilité s’offrent à elle sans que je n’aie même la force d’essayer de les camoufler. Mais c’est un regard ami que je trouve, malgré toutes les raisons qui devraient inciter Hekate à me détester, et elle balaye en quelques phrases les problèmes politiques et tous les dommages collatéraux pour se concentrer sur moi, mes conditions de vie et ma fragilité qu’elle devine déjà dans la rougeur de mes yeux et les tremblements de mon timbre.

Je la laisse faire.

Trop fatigué pour lui tenir tête, secrètement soulagé de ne pas insister davantage sur mes fautes et touché de la voir prioriser mon état avant toute autre considération, je reste un moment abasourdi de l’autre côté de la barrière à admirer son visage alors que le frémissement de ses lèvres exprime cette inquiétude sincère qui l’anime et me trouble plus que je ne veux bien me l’avouer. Sa douceur est un cadeau du ciel entre les murs d’Azkaban et je profite de chaque caresse qu’elle me transmet depuis l’autre côté de la vitre. Ses encouragements me réchauffent le cœur bien que je sois encore incapable de répondre à son trait d’humour pourtant si caractéristique. Mais elle n’attend pas mon sourire, prend juste une seconde pour déglutir et finit par pourfendre mes dernières craintes, balayant une fois pour toutes la possibilité de me laisser derrière elle. Mon cœur fait une embardée qui me force à inspirer de façon précipitée. Je l’écoute prononcer des mots qui semblent sortis de ma tête tant ils expriment les mêmes sentiments que les miens : cette incapacité de nommer ce que nous partageons et la certitude pourtant de ne pas vouloir s’en séparer. Je chéris trop cette parenthèse de liberté trouvée dans cette confiance étrange que nous avons construite en quelques semaines à peine et qui nous fait nous débarrasser de toutes nos angoisses pour quelques heures chaque fois que nous nous retrouvons. Alors mon soulagement se transmet dans ma posture, fait se relâcher mes muscles de sorte que mon dos s’arrondisse et que ma nuque soit enfin moins raide. Mon souffle s’approfondit et mes paupières se ferment un instant. J’ai l’impression de réapprendre à respirer.

Je ne rouvre les yeux qu’en entendant Hekate me confier qu’elle ne retrouve ces sensations qu’avec moi et mes sourcils se froncent légèrement alors que je réalise un peu plus concrètement ce qui nous fait nous retrouver presque chaque semaine depuis janvier. Je ne peux m’empêcher de me demander sur quels types elle peut bien tomber pour que je sois celui avec lequel elle se sent le plus à l’aise et le plus en confiance. Je suis loin d’être un modèle dans le traitement de mes partenaires la plupart du temps. Ce n’est pas pour rien que l’immense majorité d’entre elles n’essaye jamais de me revoir et que je ne me risque pas moi non plus à tenter de les retrouver. Suis-je si différent avec Hekate ? Qu’est-ce qui fait qu’elle réussit à tirer de moi ce que toutes les autres ne parviennent même pas à frôler ?

Mais alors que la dernière phrase de Hekate me percute de plein fouet, je m’entends lui répondre presque aussitôt :
- Non.
Un souffle branlant, incontrôlable, indispensable. Je la regarde et tout s’arrête une seconde, le temps de réaliser cette pulsion qui me force à ne lui laisser aucune chance de douter de mon envie de la revoir, de la savoir toujours dans mon monde à m’attendre quelque part. Je crois n’avoir jamais si peu douté de mes désirs que depuis que je me suis retrouvé enfermé ici. Non, je ne veux pas que tu t’en ailles. Je, je ne veux pas que ça s’arrête. Alors j’insiste, d’une voix un peu plus calme :
- C’est la dernière chose que je veux.
Hekate sait lire dans mes yeux depuis le premier jour, je l’ai compris à l’instant où ses gestes se sont adoucis et où ses mains ont cessé de me contraindre pour devenir rassurantes quand je me suis retrouvé contre elle la première fois. Je sais qu’elle saura discerner aujourd’hui encore la vérité du mensonge et c’est tout ce qu’il faut qu’elle retienne en quittant cette prison.

Un moment passe, fugace mais plein de sens. Nous nous regardons comme pour nous laisser le temps de nous convaincre de ce que nous venons l’un et l’autre d’entendre. Le poids des secondes s’est allégé. Je parviens à glisser un faible sourire sur mes lèvres alors que je reviens sur toutes les questions auxquelles je n’ai pas répondu.
- Je ferai ce qu’il faut pour ne pas flancher, dis-je avec plus de détermination que ce que je me croyais capable de donner. Après tout, il ne reste que trois semaines. Ce n’est pas le grand luxe ici mais on a le minimum vital. Alors même si c’est loin d’être la meilleure bouffe ou le meilleur matelas du monde, je devrais m’en sortir jusqu’à quitter cet enfer.
Mon sourire s’élargit un peu avant que mon expression ne s’assombrisse. J’hésite à lui dire franchement ce qu’il en est de mes nuits. Mais mentir à Hekate ne servira à rien si nous sommes destinés à nous revoir. Elle comprendra tout à l’instant où elle reposera les yeux sur moi.
- Je ne dors pas très bien. Il y a beaucoup de raisons à cela. Tu sais que c’est un problème récurrent chez moi. Mais l’environnement et le stress ici n’arrangent rien. Il y a souvent des grilles qui claquent, des détenus qui s’engueulent avec les gardiens… C’est sans doute le plus compliqué.
Je retrouve alors les yeux de la sorcière et lui sourit de nouveau.
- Mais ça va aller. Je finis toujours par dormir. De toute façon, ce n’est pas comme si j’avais grand-chose d’autre à faire dans ma cellule. … Si tu pouvais essayer de me faire passer un journal, ça serait génial, oui. Je ne pense pas qu’ils trouvent un moyen de dire que ce serait trop dangereux de me laisser un exemplaire de la Gazette malgré tout ce qu’ils sont capables d’interdire. Ces gardiens sont tellement parano qu’ils bannissent même les plumes…
Je secoue légèrement la tête, un air désemparé sur le visage.
- Mais de toute manière, je ne veux pas que tu t’inquiètes, Hekate. Ça ira. Je ne peux pas les laisser gagner comme ça. T’imagines ? Quel gâchis ce serait…  
Et je souris encore, bien plus franchement cette fois.

J’ai cru que le gardien nous avait privés de longues minutes quand il est revenu frapper à ma porte pour me demander de me relever. Son ton sévère a résonné dans tout le parloir alors qu’il me demandait de me tenir droit face à la porte, les mains en évidence devant moi pour remettre en place les liens magiques. J’ai soupiré en revenant à Hekate.
- Déjà la fin de l’heure ? Il y a un sortilège pour les raccourcir aussi dans cette putain de prison ?
Nous avons à peine eu le temps de parler d’autres choses, de nous vider l’esprit avec des banalités, de tenter de nous faire sourire malgré le décor austère du parloir. Notre conversation a filé dans une boulimie de paroles, les anecdotes s'enchaînant pour ne laisser aucune seconde se gâcher dans le silence. Mais la froideur des lieux se rappelle toujours avec une brusquerie glaciale. Renâclant à la tâche mais trop effrayé pour risquer d’être pris en faute ici, je me relève sans trop tarder mais m’octroie quelques secondes encore avant de reculer vers la sortie.
- Il faut que j’y aille.
Je ne sais pas comment conclure, pas plus que je n’ai su comment commencer. Alors que Hekate est là, derrière cette barrière, et qu’elle a banni presque tous les reproches pour ne laisser s’exprimer que son inquiétude de me savoir ici, je réalise encore plus clairement le cadeau qu’elle m’a fait en venant me rendre visite et toute ma gratitude luit dans mon regard au moment de lui dire au revoir.
- Merci, Kate… D’être venue.  
Et je marche à reculons, ralentissant le pas pour grapiller la moindre seconde.
- On se revoit très vite. C’est quoi trois semaines, après tout, hein ?
Et je parviens à lui donner un dernier sourire.
- Prends soin de toi, Murphy.
Je lui glisse un clin d’œil et je réussis à maintenir mon air espiègle jusqu’au moment de me retourner. La porte en fer s’ouvre sur la stature impressionnante du gardien et toute la lourdeur de l’air semble s’abattre d’un coup sur mes épaules. Mon visage se referme immédiatement. Le gardien m’entrave de nouveau les poignets et me prend par le bras pour me ramener à ma cellule. J’ai pris soin de ne pas me retourner pour empêcher Hekate de voir l’effroi saisir de nouveau mes traits. Elle n’a ainsi pu garder que l’image de mon ultime sourire, la seule que j’ai bien voulu lui laisser.



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(1500 mots)

Hekate R. Murphy

Hekate R. Murphy
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Mar 18 Aoû - 1:05
Avant que l'ombre...


ft. @Engel Bauer ( 913 mts )
La peur.  La peur sourde et viscérale avait suivie la déclaration de sa question. Sans doute aurait-elle aimé ne pas avoir à la poser, terrée dans un déni bien confortable comme elle avait de plus en plus tendance à le faire maintenant, de plus en plus souvent comme une mauvaise habitude qui s'installe lorsque le reste devient trop compliqué. Ca aurait été bien plus simple, finalement, de fermer les yeux. De supposer qu'Engel - elle le voyait bien - n'était pas en état de se pencher sur quelque chose d'autre que lui et de laisser tomber. Comment lui en vouloir ? Il était le prisonnier, l'homme privé de liberté, amaigri, épuisé. L'égoïsme, non content d'être nécessaire, était excusable. Mais les premières paroles avaient été échangées, et le sujet balancé sur la table ne lui laissait pas le choix de la fuite. Alors oui, elle avait osé lui demander si il souhaitait qu'elle s'en aille. Qu'elle mette fin par son départ à tout ce qu'ils partageaient jusqu'alors. A ces échanges insensés et charnels sur lesquels ni l'un ni l'autre n'était capable de poser des mots mais qui se suffisaient à être seuls. Ces choses un peu irréelles tant qu'elles restent innommées et qui contribuaient depuis quelques mois à lui rendre le sourire.
Alors oui, à la question avait succédée la peur. Qu'effectivement, il souhaite la voir partir. Son bon sens lui répétait que c'était ridicule : après tout, n'avait-elle pas vu le visage de l'allemand s'illuminer lorsqu'elle était entrée ? Mais le nuage noir continuait de planer, mélange malsain de syndrome de l'imposteur et d'angoisse générale. Pendue à ses lèvres, elle attend. Elle attend sans savoir réellement ce qu'elle espère. L'attente semble durer des heures quand en réalité elle ne dure qu'une seconde. Une seconde. Et la tension s'évapore. Ses épaules se relâche et l'air vient de nouveau gonfler ses poumons quand un sourire bien heureux étire ses lèvres.

" Je suis heureuse de l'entendre."

Elle l'était. Tout transpirait le soulagement, et le regard échangé lui fit savoir qu'elle retrouvait chez Engel cette même sensation. Sous leurs yeux, le temps s'alanguit. Finalement, eux deux, handicapés du sentiment, ne communiqueraient jamais aussi bien qu'avec leurs yeux. Mais parce qu'ici plus qu'ailleurs leur temps était précieux, il faut reprendre la conversation. Meubler. Elle aura tout le temps de le regarder lorsqu'il sera enfin dehors. Le coeur de la sorcière s'emballe sous la joie qui l'anime à le voir exprimer une détermination dont il semblait dénué aux premières minutes de leur entretien.

"  Je n'en doute pas. De toute manière, il me semble déjà t'avoir dit que tu n'avais pas le choix. Tu vas sortir d'ici, et je vais revenir te voir dans ton appart de bobo friqué et prétentieux pour fêter ça. Ca ne se passera pas autrement. Ne me fais pas faux bond, j'ai déjà réserver ma date. "


Le ton était à la plaisanterie. Mais elle savait qu'elle disait vrai. Qu'à l'instant de sa sortie elle transplanerait chez lui. Pour le revoir. Le sentir de nouveau. Le toucher. Les sourires qu'il lui adresse derrière la vitre sont autant de caresses appaisantes sur sa peau meurtrie par le manque et l'inquiétude.

" Je ne suis pas inquiète. Pas vraiment. Je sais que finalement, tu es plus fort que tout ça. Que tu vas t'en sortir. Je t'attendrai. En attendant, je vais voir pour t'envoyer le journal. Et peut être te trouver un casque isolant ? Je sais que les objets magiques sont interdits, mais si c'est quelque chose de totalement moldu, peut être que ça pourrait passer. Ca t'offrirai quelques temps de silence. Il faudrait que je vois ça avec Caïn. T'es trop génial pour te faire emmerder, Bauer. "





Le retour du gardin fût une surprise de taille, tant le temps s'était échappé rapidement. Pleine de doute, Hekate avait jeté un oeil à la montre défraîchie qui trônait toujours à son poignet pour s'aperçevoir à son grand désarroi qu'effectivement, l'heure était déjà écoulée. Pourtant, il lui semblait n'avoir eu le temps que d'effleurer la surface de toutes ces choses qu'elle aurait aimé lui dire pour le réconforter, ou simplement pour le simple plaisir d'apprécier sa compagnie. Mais le visage austère de l'homme, parfait reflect du système carcéral, n'attendait aucun retard. La remarque d'Engel lui arrache un dernier sourire avant que ne se rappelle à elle sa condition de détenu.

" Je vois ça. File, Bauer, avant qu'on ne te gronde."

Hekate se lève pour le voir partir, se rapprochant inconsciemment de la vitre pour combler le vide qu'il créer en reculant. Un pas en arrière, un pas en avant. Mais son avance est rapidement arrêtée et il lui faut alors assister à son départ. Pour la forme, elle sourit.

" Toi aussi. Fais bien attention à toi. Des gens t'attendent, dehors. "

Et lorsque finalement il n'offre plus que son dos à son regard, elle cesse de sourire, spectatrice impuissante lorsqu'on lui passe de nouveau les menottes. Elle avait fait la guerre. Elle avait vu la mort. Mais pourtant ça, ce geste là, ces entraves là, allaient hanter ses nuits sans sommeil pour la prochaine semaine, pendant qu'elle compterait les jours jusqu'à son retour.

Et dans un dernier élan, alors qu'il s'apprête à franchir la porte qui le ferait définitivement retourner parmi les ombres, elle lance.

" Trois semaines, tu rêves, Bauer ! A samedi prochain ! "

En ponctuation tonne le fracas de la porte sécurisée.

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Engel Bauer

Engel Bauer
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Lun 24 Aoû - 21:36
Avant que l'ombre...

ft. @Hekate R. Murphy


21 février 2004

J’ai perdu la notion du temps. Je m’en suis rendu compte hier. Ou avant-hier. Je suis devenu incapable de dire quel jour nous sommes, s’il s’agit même d’un jour ou d’une nuit. La fatigue et la monotonie du temps m’ont fait perdre le fil, donnant à ce cauchemar un sentiment d’éternité. Car le manque de cocaïne est là, à son point culminant et omniprésent désormais.

Je connais les signes pour les avoir plusieurs fois endurés. Je les ai appréhendés depuis le moment où les brigadiers sont entrés chez moi pour m’enfermer dans les cellules du Ministère avant la tenue de notre procès. J’ai prié pour que le Magenmagot nous acquitte et que je n’aie pas à subir les moments les plus sombres du manque. Mais notre condamnation a rendu ce supplice inévitable et les jours qui continuent de se suivre ne font qu’accentuer les symptômes. Je savais depuis le début ce qui m’attendait et quand les problèmes commenceraient. Cela ne les a pas rendus plus supportables.

Les insomnies sont toujours pires lorsqu’on me prive de coke. L’envie de reprendre un shoot envahit la moindre zone de mon cerveau, pervertit toutes mes pensées. Je ne peux plus me reposer. Je reste en éveil et je ne dors pas. Encore moins qu’avant. Avec mon épuisement, mes idées noires gagnent en résonnance. Le désespoir s’infiltre dans le peu de conscience qu’il me reste, déclenche une paranoïa qui s’excite à la moindre sensation : le toucher d’un gardien, le bruit de la ferraille, le son des pas dans le couloir, le cri d’un autre détenu… J’ai l’impression que tout m’est destiné. Et la rage m’empoisonne le cœur. Tous mes muscles se tendent. Je me rends dingue à chercher un sens à tout ce qui m’entoure, à croire en des menaces partout autour de moi. Je ne peux pas dormir. Il y a trop de bruit. Trop de monde. Trop peu de lumière. Je n’arrive pas à tout contrôler. Je ne contrôle rien. Et les jours n’en finissent pas de s’étirer, ils n’en finissent pas…

J’ai reçu un colis il y a… quelques heures ? Quelques jours ? Je ne sais plus. Il est arrivé éventré, bien entendu, tout le contenu vérifié sous tous les angles avant de prendre le risque de me le donner. Il ne faudrait pas que j’y trouve de quoi attaquer les gardiens ou me faire sauter la cervelle. Le colis venait de Hekate, comme promis. Un faible sourire a tremblé sur mes lèvres en découvrant ce qu’elle avait réussi à me faire passer : quelques patacitrouilles, une paire de boules quiès en mousse, deux paquets de cigarettes pour les quelques sorties dans la cour extérieure et les trois numéros de la Gazette du Sorcier qu’elle a pu se procurer avant son envoi. Le papier est si froissé désormais que je sais avoir lu ces journaux des dizaines de fois, déjà. J’en connais le contenu par cœur, mais je continue de les relire pour la simple impression de rogner quelques dizaines de minutes au temps qu’il me reste ici. Mais la lutte ressemble à un combat sans fin.

J’ai peu mangé depuis le début de mon incarcération. Outre la bouffe innommable, c’est davantage cette trouille permanente qui m’empêche d’avaler quoi que ce soit. Le manque de coke donne faim. Mais l’environnement d’Azkaban et la crainte de voir mes symptômes s’aggraver m’ôtent tout réel appétit. Je manque de gerber la moindre cuillère que j’ingurgite, combats les haut-le-cœur pour garder le strict minimum dans mon estomac. Je me vois maigrir dans la glace chaque fois qu’on me rase ou que j’approche du lavabo dans ma cellule. Je serre alors les mâchoires et baisse les yeux pour éviter de me voir.

Il n’y a qu’un seul gardien qui parvient à me tirer quelques mots, toujours le même. Je crois avoir entendu les autres l’appeler Dwight. Sa voix est sévère mais il n’est ni brusque ni insultant. Il reste régulièrement quelques minutes au moment des repas pour m’intimer de manger et ne repart qu’après m’avoir vu avaler deux bouchées. Je ne sais toujours pas s’il le fait par humanité ou simplement pour s’assurer qu’aucun détenu ne se laisse mourir de faim dans son bâtiment. Je vis sur ces maigres rations et les patacitrouilles qui semblent être les rares aliments que mon estomac accepte encore facilement. Le sucre m’évite de flancher quand je ne mange pas assez et je fais durer chaque fois le réconfort, bouchée après bouchée, en un rituel inévitablement interrompu par les bruits de la prison, qu’ils viennent des cellules, des geôliers ou des vagues qui s’abattent sur les murs dehors. Dwight me surveille. C’est finalement plus rassurant qu’intrusif.

Ma mère est venue me voir un jour. Je ne m’y étais pas préparé. La nouvelle de l’incarcération du groupe a sans doute fini par atteindre l’Allemagne et même mon père n’a visiblement pas pu empêcher sa femme de faire le voyage jusqu’ici pour me voir. Nous ne nous étions pas vus depuis près de trois ans.

Quand je l’ai reconnue de l’autre côté de la barrière magique, je n’ai senti qu’un coup violent me frapper en plein ventre. Elle était là, frêle, bien habillée comme quand elle sort en ville, les mains jointes devant elle triturant nerveusement ses doigts fins. Elle m’a regardé et j’ai été pris d’une nausée si forte que je n’ai pas su maintenir son regard, oppressé par cette gêne ignoble à me retrouver ici, traité comme un criminel notoire devant celle qui m’a mis au monde. Il m’a fallu du temps pour trouver la force d’approcher. Elle ne m’a pas brusqué.

J’ai fini par m’asseoir sur la chaise, le regard toujours baissé. Je l’ai entendue m’imiter de l’autre côté de la pièce. Le silence s’est abattu dans le parloir, froid comme la pierre nue des murs, et c’est ma mère qui a dû s’efforcer de le rompre.
- Oh, Trésor… Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ?
J’ai frissonné à l’écoute de ce surnom. Je n’ai toujours pas levé le regard.
- Qu’est-ce que tu fais ici, Maman ?
- On a appris pour le procès. Je ne pouvais pas te laisser là sans venir te voir.
- Papa n’a pas voulu t’accompagner ?
La pique était volontaire, l’attaque gratuite. Ma mère a vacillé, puis a dégluti en baissant les yeux.
- Tu sais qu’il refuse les voyages magiques. Tout cela était un peu précipité pour lui. Nous n’avons pas réussi à nous organiser pour venir tous les deux.
- C’est vrai qu’il est débordé.
Mon ton était acide, implacable, et c’est encore une fois ma mère qui en a subi toutes les foudres. Mais elle n’a rien dit, comme toujours. Elle a encaissé, enduré, comme elle le fait avec mon père. Alors elle a dévié la conversation, échappé au conflit. C’est ce qu’elle fait toujours.  
- Comment les choses se passent ici ? Est-ce qu’on te traite bien ?
Un rire lugubre s’est échappé de mes poumons. J’ai enfin levé les yeux pour croiser les siens. Je l’ai sentie se crisper en découvrant les traits éreintés de mon visage.
- Je ne sais pas, Maman. A toi de me le dire. Après tout, l’Angleterre, c’est chez toi, non ? Est-ce qu’on nous traite bien ici, à ton avis ?  

Je crois lui avoir rarement fait aussi peur qu’en cet instant, assommé par la fatigue, affaibli par mon incapacité à manger, rendu fou par le manque de drogue et la peur qui ne me lâchait pas le ventre. Quelque chose s’est brisé dans la contenance de ma mère. Son regard s’est mis à trembler. Son souffle est devenu anarchique. Elle a serré ses doigts jusqu’à faire blanchir ses phalanges. Et je n’ai pas bougé un cil.

Plusieurs secondes ont passé sans qu’elle ne sache quoi répondre. Je n’ai rien fait pour lui faciliter la tâche. Ma mère a cherché ses mots un moment avant de balbutier :
- On s’inquiète beaucoup pour toi.
J’ai grimacé.
- Ne parle pas en son nom.
- Engel…
- Arrête ! Viens pas me dire qu’il en a quoi que ce soit à foutre ! Papa qui s’inquiète pour moi… Depuis quand ?
Elle a accusé le coup mais j’ai poursuivi sans lui laisser le moindre répit.
- La seule chose qui l’a jamais inquiété c’est jusqu’où irait sa honte. Mais ça y est, j’y suis arrivé, tu vois ? J’ai fini en taule, comme il l’avait prédit. Il doit être soulagé, maintenant. Le pire est arrivé. Il peut enfin dormir sur ses deux oreilles.  
- Ne dis pas des choses comme ça.
Mon regard l’a fusillée alors que j’ai penché le visage pour m’approcher de la barrière qui nous séparait.
- Alors dis-moi pourquoi il n’est pas venu.
Les yeux tremblants de ma mère se sont accrochés aux miens et toute la tristesse de ses prunelles m’a retourné les tripes. Un instant, j’ai cru sentir glisser mon masque et ce n’est qu’en fuyant son regard que j’ai pu conserver la froideur de ma posture. Mon timbre a soufflé, moins sûr malgré mes efforts :
- Tu n’aurais pas dû venir. Il n’y a rien que tu puisses faire, ici.
- Mais tu n’es pas obligé de rester tout seul.
- Maman… Je ne veux pas que tu sois là.

J’aurais voulu parvenir à lui asséner un rejet ferme, sans discussion possible. Mais le simple fait de l’appeler encore comme je l’ai fait a réduit tous mes efforts à néant. Peut-être est-ce cela qui empêche ma mère d’abandonner tout espoir, qui la fait continuer de s’acharner à préserver un lien que je maltraite chaque fois que nos chemins se rencontrent. J’ai senti sa peine me déchirer le cœur. J’ai su pourtant qu’elle ne me confronterait pas, cette fois encore. Elle ne le fait jamais, pas plus qu’avec mon père.

Ses paupières ont voilé ses yeux humides qui n’ont laissé échapper aucune larme. Elle a inspiré doucement, tiré de sa patience d’ange cette capacité à me laisser toujours cette distance que je quémande même si elle la fait souffrir. Mon cœur battait dans mes tempes. J’ai serré les mâchoires en me hissant sur mes jambes.
- Rentre à la maison, Maman.
Elle s’est levée à son tour pour s’approcher de la barrière.
- Je t’ai apporté de quoi manger. Les gardiens m’ont dit qu’ils devraient vérifier que rien n’est dangereux mais que tu aurais tout.  
Je me suis figé un instant avant de jeter un œil par-dessus mon épaule. Mon souffle s’est mis à trembler. J’ai su qu’il fallait que je sorte d’ici rapidement si je ne voulais pas flancher devant elle.
- Merci, ai-je murmuré.
Puis je suis allé frapper à la porte en fer, demandant qu’on me ramène dans ma cellule. J’ai senti la tension prendre le dos de ma mère, sa respiration s’affoler à me voir déjà retourner dans l’enfer auquel je me suis condamné. J’ai prié pour qu’elle ne fasse rien, qu’elle me laisse seulement partir. Mais rien ne peut contraindre le cœur d’une mère.

- Engel !
Mon nom a résonné depuis l’autre côté de la pièce et je n’ai rien pu faire pour m’éviter de me retourner. Mes yeux ont rencontré les siens, une fois encore, juste le temps qu’elle murmure :
- Prends soin de toi, mon fils…
Je n’ai rien dit. Rien fait. La porte de mon côté s’est ouverte et Dwight a remis en place mes liens magiques. Je suis sorti sans dire un mot et j’ai laissé ma mère. Une fois de plus.

Le bruit froid du verrou a claqué en s’ouvrant d’un coup de baguette magique.
- Bauer ?
Allongé sur mon lit, la couverture levée jusqu’au menton malgré mon corps couvert de sueur, je plisse les paupières et mets de longues secondes à comprendre que quelqu’un vient d’entrer. Dwight s’approche, la voix toujours aussi égale, ferme, sans brutalité.
- Lève-toi.
L’ordre prend des airs de demande dans sa bouche. Je m’exécute en grimaçant pour m’asseoir sur le côté de mon lit.
- La jeune femme de l’autre fois est revenue te voir, dit alors le gardien, et mes sens se mettent brutalement en éveil.
Je lève les yeux pour croiser ceux de Dwight et lui demander silencieusement s’il est certain de ce qu’il avance, mais son expression ne souffre d’aucun doute. Hekate est revenue.
- On est samedi ? je demande et le gardien fait oui de la tête.

Samedi. Déjà ? Enfin ? Je ne sais même plus quoi penser tant les impressions se confondent. Une main nerveuse passe sur mon visage comme pour défroisser mes traits alors que je me mets debout en essayant de réorganiser mes idées. Dwight me regarde faire un instant, puis grogne :
- Passe-toi un coup de flotte sur le visage. Tu vas la faire flipper comme ça…
Je lève les yeux vers Dwight et cligne plusieurs fois des paupières, comme si la moindre information mettait un temps infini à me parvenir. Puis je me dirige vers le lavabo de ma cellule quand je percute enfin, jetant un coup d’œil à mon reflet qui me montre combien j’ai l’air épuisé. Echappant un soupir, j’ouvre le robinet et mets mes mains en coupe sous l’eau froide pour y plonger mon visage. Je répète le geste et remonte mes doigts mouillés dans mes cheveux pour leur donner un semblant de forme avant de couper l’arrivée d’eau et de m’essuyer les mains. Sans me presser, le gardien m’observe puis s’approche quand je suis prêt pour mettre en place les liens magiques et m’accompagner jusqu’aux parloirs.

Je me laisse guider, docile, un peu moins perdu maintenant que je connais les couloirs. Azkaban devient un environnement tristement familier, avec ses bruits, ses odeurs, ses horaires. Je ne dirais pas qu’on s’en accommode, simplement qu’on s’y habitue.

Les portes en fer des parloirs se distinguent et mon cœur accélère brusquement l’allure quand Dwight m’arrête devant l’une d’elle. Il la déverrouille en grondant :
- Une heure, comme d’habitude. Si tu as besoin de moi, tu sais quoi faire.  
J’acquiesce d’un signe de tête et entre quand il fait pivoter le battant. Mes yeux se jettent immédiatement sur l’autre côté de la pièce pour distinguer Hekate, comme effrayés à l’idée qu’on ait pu me mentir. Mais elle est bien là, comme elle me l’a promis, et le soulagement qui s’empare de moi alourdit les battements de mon cœur dans ma poitrine.

Le gardien ôte mes liens avant de s’éclipser, nous laissant seuls. Pendant quelques secondes, la joie de revoir Hekate tourne sans limite dans mon esprit, glissant un léger sourire sur mes lèvres alors que je m’approche d’elle. Mais bien vite, le souvenir de mon reflet me revient, percutant mes sens comme une gifle venue des tréfonds de ma mémoire et mon expression vacille, terrifiée à l’idée de voir dans les yeux de la sorcière cette même peur que celle que j’ai vue dans ceux de ma mère.

Mon pas ralentit peu à peu alors que je m’approche, refusant malgré tout de me dérober. Mon regard est fuyant. Il ne reste jamais bien longtemps sur Hekate. Une fois à sa hauteur, je m’entends souffler :
- Salut.
Et devant tout le côté misérable de la situation, je lui offre finalement un sourire ironique. Un soupir amusé passe par mes narines alors que je viens chercher les yeux de l’Irlandaise.
- J’ai une sale gueule, pas vrai ?
Mon rictus tremble quelque peu alors que je continue d’approcher et je me laisse finalement tomber sur le sol, m’asseyant dans le coin, le dos posé contre le mur, l’épaule contre la barrière magique, laissant la chaise vide au centre de la pièce.

La fraîcheur de la pierre a quelque chose d’apaisant. Ici, je n’ai pas l’impression d’être à un interrogatoire, assis bien droit devant un juge qui dissèque la moindre de mes réactions. Quelques secondes s’échappent, toujours aussi étranges dans ces débuts de conversation alors que nous nous retrouvons dans cette prison, loin des regards, et pourtant oppressés par tout l’environnement alentour. Je déglutis, cherche par quoi commencer. Tout me paraît si dérisoire face aux efforts qu’elle doit faire pour venir me trouver jusqu’ici.
- Merci pour le colis. Ils m’ont tout donné. Ca m’a bien aidé quand… j’en ai eu besoin.
Je respire calmement, réapprivoise mon souffle. Il n’y a rien à craindre ici, pas vrai ? Aucun masque à conserver.



roller coaster

(2726 mots)

Hekate R. Murphy

Hekate R. Murphy
MEMBRE
hiboux : 657
pictures : Avant que l'ombre... [Hekate & Engel] 7l39
Mar 25 Aoû - 0:05
Avant que l'ombre....


ft. @Engel Bauer ( 1 814 mts )

Avec un soulagement indéfini, Hekate avait retrouvé le charivari incessant d’une semaine de cours à Poudlard. Son dimanche avait été noyé dans une brume épaisse d’inquiétude et de nostalgie et si ses obligations n’avaient pas repris le lundi suivant, elle n’aurait pas pu se sortir de cet état d’esprit étrange qui alourdissait chacun de ses gestes. Mais elle ne pouvait pas se permettre de se morfondre de la sorte : Les élèves sentaient tout, voyait tout, et son peu d’autorité n’en aurait été que plus faible. Elle se serait fait manger toute crue. Et puis il y avait ces deux petits, là. Emie. Ignacius. Dont les pères, eux aussi emprisonnés, devaient peser par leur absence. Ignacius... Comme elle reconnaissait en lui le visage d'Allan ! Son attention pour ces deux gamins dépassait celle qu'elle portait aux autres. Mais au jugé des circonstances, personne n'aurait pu la blâmer.

Alors elle avait repris le cours de sa vie. Déambulé dans le château, pris des repas de plus en plus sommaires dans le brouhaha de la Grande Salle. Rien ne laissait présager que son esprit, lui, n’avait jamais quitté le parloir d’Azkaban où elle avait arraché au temps une simple heure en compagnie d’Engel. Feindre la confiance avait été si dur, si surhumain, tant l’inquiétude pour l’allemand s’était faite forte lorsqu’elle avait vu son visage émacié se profiler derrière la vitre. Comme elle aurait aimé le toucher, l'enlacer. Boire tout contre ses lèvres ses angoisses et ses peines pour détendre les traits qu'elle avait appris à chérir. Le contact de sa peau lui manquait. Son odeur. Son souffle erratique dans la noirceur de ses cheveux et ses mains qui se serrent sur ses hanches, encore, encore, à en marquer la chair... Et à présent encore, il fallait tout cacher.

Et puis, comme promis, il y avait ce colis, qu’elle espérait s’avérer utile. Chaque jour, elle déposait sur son bureau un exemplaire neuf de la Gazette du sorcier et quelques patacitrouilles chinées aux cuisines, dans l’attente d’en avoir suffisamment pour constituer un paquet complet. Pourtant, le soir, quand le château entier se retrouvait endormi, elle observait les maigres emballages des sucreries qui luisaient faiblement à la lueur des chandelles, et l’absurdité de la chose lui tournait le cœur. Comment pouvait-elle s’imaginer que de simples bonbons pouvaient l’aider ? Il avait besoin de liberté, d’air frais, de sortir de là. Pas de conneries dans ce genre-là Mais c’était, à son échelle, tout ce qu’elle pouvait faire pour atténuer le temps qu’il lui restait jusqu’à sa sortie. Même les grosses dates du calendrier affiché au-dessus de son lit se foutaient allègrement de sa gueule.



“  Bon, tu comptes répondre oui ou merde ? Je ne te demande pas la lune. ”

Hekate avait porté la paille de son Mai Taï à ses lèvres et le rhum lui avait brûlé la gorge avec délectation alors qu’elle s’enfonçait un peu plus dans le fauteuil de cuir. Les cocktails de l’anglais étaient toujours un délice. Si elle n’avait pas eu peur du retour de flammes, elle aurait peut-être même avoué qu’ils étaient parfois meilleurs que ceux de Nasiya. Mais son amour pour le beau sorcier l’empêchait de lui dire la vérité.

“ Et moi je comprends toujours pas pourquoi tu veux aller à Azkaban, et pourquoi t’as besoin de savoir ça.”
“ Pose pas de question, j’te dis. T’es flic, ou quoi ? ”
“ Avocat.”
“ Pareil. Tous des pourris.”

Caïn s’était marré, comme toujours, en faisant tinter les glaçons de son verre. C’était habituel. Elle se moquait de son travail, il se moquait de ses oghams. Une rengaine incessante, familière et rassurante qui avait la chouette manière de ne pas changer avec le temps. Enfin, quelque chose d’immuable.

“ Je vais voir quelqu’un, là-bas. Et j’ai besoin de savoir si je peux lui apporter un casque. Tu sais ? Les trucs moldus, qui masquent le bruit. Je me disais que ça pourrait être une bonne idée.”
Le sorcier avait claqué la langue.
“ Ils ne te laisseront jamais passer avec ça. Trop facile à ensorceler pour s’évader.”
“ Un casque anti-bruit ? Tu déconnes ? ”
“ Tu serais surprise de voir l’ingéniosité des gars enfermés là-bas. Ils pourraient se fabriquer une baguette avec une latte de sommier. Tu peux essayer les bouchons d’oreilles en mousse. Ça, normalement, ils ne trouveront rien à y redire. ”

Le silence était retombé dans l’appartement de Caïn. Dehors, les lampadaires commençaient à s’allumer pour palier au jour qui s’effaçait. Hekate croisa les jambes. Sa paille remuait machinalement le curaçao bleu de son verre.

"Qui vas-tu voir ?"

Ses yeux verts s’étaient reposés sur son ex-mari. Le détachement de la question n’était pas naturel.

" Quelqu’un. Je croyais que tu ne devais pas poser de questions ?
-Je le connais ?
-Non. Oui. C’est compliqué. Il n’est là-bas que pour un mois, de toute façon. Et il n'y serait même pas si les connards d'avocats dans ton genre faisaient correctement leur boulot."

Tout le monde connaissait Bauer.
Mais elle se plaisait à croire qu’elle s’inscrivait dans le cercle très privé de ceux qui connaissaient Engel.

"Par Merlin, tu vas voir Engel Bauer. "

Foutu Caïn.
" Bordel, j’ai raison. Tu vas voir Bauer ? Hekate, qu’est-ce que tu fous… !
-Je n’ai pas dit que c’était lui !
- Tu n’as pas démenti non plus.
- Va chier. C'est pour le concert de Poudlard. J'ai besoin d'éclaircir un truc."

Elle s’était penchée en souriant pour ramasser ses clopes et s’était levée en s’approchant de la fenêtre. Au battement du briquet avait fait écho un bruit de pas. Dans son dos, la présence de Caïn s’était faite plus forte, alors qu’il l’avait rejoint.

" Je croyais que tu ne fumais plus ?
-Je croyais que tu ne posais plus de questions ? "

Ils avaient souri, tous les deux, et le bras masculin s’était enroulé doucement autour de sa taille. Contre sa main, elle avait posé la sienne, où brillait encore l’argent simple de son alliance. Des lèvres étaient venues chercher son cou.

" Qu'est-ce qui ne va pas ?
-Rien.
-Tu mens.
-Oui."

La voix d’Hekate était devenue murmure.
" On s’était mis d’accord.
- Je sais.
- On peut pas continuer à faire ça.
-Je sais."
Il savait. Mais les baisers continuaient de retracer la blancheur de sa nuque jusqu’à l’épaule qu’il révère de ses lèvres.

" Tu m’as manquée.
-Je sais."

*

La nuit avait été compliquée, et contrairement aux autres fois, elle ne s’était pas attardée. Il avait trouvé ça bizarre, qu’elle s’échappe aussi vite pour rentrer au château sans même avoir laissé le temps aux draps de refroidir, mais qu’aurait-elle pu dire ? Que contre lui, elle avait rêvé d’un autre ? Que son prénom, soupiré à ses lèvres, perdait sa saveur lorsqu’il ne prenait pas les teintes anguleuses de l’allemand ? Que sous ses doigts fébriles, c’était un autre corps qu’elle avait imaginé découvrir, embrassé, dévorer ? Et qu’en guise de finalité, alors que la vague lente et implacable de l’extase avait roulé sur son corps fin, c’était à Engel Bauer qu’elle avait fait l’amour ?

Elle ne pouvait pas lui dire ça.

Elle-même n’avait pas compris pourquoi, et pour la première fois, l’étreinte qu’elle avait partagé avec Caïn ne lui fut d’aucun réconfort. Pire encore, lorsqu’elle fut rentrée au château et qu’elle eut retrouvé son propre lit, elle lui donna la nausée.



Azkaban était toujours aussi angoissant. Mais désormais, elle savait pourquoi elle venait. L’anticipation de sa première visite s’était évanouie dans sa quasi-totalité lorsqu’elle qu’elle dépose comme la dernière fois ses oghams et sa baguette à la consigne de la prison et qu’elle paraphe les formulaires nécessaires à sa simple visite. Les couloirs anxiogènes n’existaient plus, pas plus que les lumières blafardes et les sons amplifiés par le vide des pièces. Il ne restait plus que l’excitation, presque douloureuse, de pouvoir le revoir.

Le parloir n’avait pas changé. Mêmes chaises branlantes disposées de part et d’autre une barrière magique. Même fenêtres hautes et grillagées. Même atmosphère suspendue, comme si le temps lui même ne savait pas s’il devait ralentir ou accélérer. Et comme la dernière fois, l’attente qui lui tord le ventre lorsque derrière elle se referme la porte et qu’elle espère que celle d’en face s’ouvre bientôt pour le laisser entrer. L’assise de sa chaise lui paraît fait de verre et de sel tant elle ne tient pas en place, guettant les bruits de pas qui viendrait annoncer sa présence.

Une minute.
Cinq.

La porte s’ouvre et elle se lève.
Son soulagement de le voir est évident, limpide tant il imprègne ses traits d’une joie incertaine qui ne peut que s’épanouir en voyant son exact reflet dans les yeux d’Engel. Elle est venue. Il accepté de la voir. Et ils sont là. Pendant quelques secondes, Hekate ne se détache pas de ce regard bleu, cerné de mauve, étourdie par la réalisation de ô combien il lui avait manqué.

Le retour à la réalité est brutal. Car si le regard reste le même, le reste est métamorphosé. Sous son uniforme de détenu, elle sent le corps amaigri, presque malade. Le teint cireux aux pommettes creusées, exacerbés par les lumières blêmes, lui retourne le coeur. Qu’est-ce qu’ils lui ont fait ? Le muscle n’est plus. Les épaules sont saillantes. La déchéance qu’il affiche en l’espace d’une semaine est d’une violence insoutenable. Il lui faut retenir son corps pour parvenir à réfreiner un haut-le-coeur et la main qu’elle tend pour le serrer contre elle se heurte à la barrière glacée.

“Engel…”

Les doigts contre la vitre, il faut à Hekate quelques secondes pour se ressaisir, pour parvenir à réprimer cette angoisse criante qui suinte par chaque pore de sa peau. Il n’a pas besoin de ça. Pire encore, la phrase suivant son salut ne fait que confirmer qu’il est parfaitement au courant de l’image qu’il renvoie. Elle inspire. Se force à sourire.

“ On s’en fout. L’uniforme de taulard te rend sexy.”

Alors qu’elle le voit s’approcher, Hekate se rassoit. Mais contre toute attente, Engel délaisse la chaise pour préférer le sol, à quelques pas, coincé dans un coin contre cette maudite protection qui les séparent, en mimétisme d’un animal traqué. Sa fragilité est touchante. Désarmante. Et la sorcière ne peut que le regarder quelques secondes, le coeur en miette, l’esprit déchiré.

“ Oh ? Tu l’as reçu ? J’ai eu peur qu’il ne le laisse pas passer à cause des clopes. Désolée pour les patacitrouilles. Je ne savais pas vraiment ce que tu aimais. Dans le prochain, je mettrais autre chose, si tu veux.”

Ses talons claquent sur le sol alors qu’elle le rejoint dans son coin, se laissant tomber sur le sol avec une grimace au contact de la pierre froide. Leurs épaules auraient pu se toucher. Elle savoure un instant la proximité, le regard fixé sur le mur d’en face, avant que sa voix basse ne vienne à nouveau rompre le silence.

“Dis moi, Bauer. Dis moi tout.”
lumos maxima

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