Le sport est une grande affaire pour ceux qui ne le pratiquent pas.
- 28.02.2004
« Hey ! Si t'as une meilleure idée, je t'écoute ! T'as plus qu'à espérer que je perde, je ne suis pas sûre d'avoir la même aisance que toi pour parler à l'envers pendant une heure... » Je lui souris. Certes, j’ai peut-être exagéré mon propre talent pour ça, mais c’est vrai que je peux toujours prier pour qu’elle perde. D’ailleurs, elle va perdre, pas besoin de prier pour ça. « Non non, c’est très bien, même si quand tu veux dire à l’envers, tu parles d’inverser les syllabes ou l’ordre des lettres même ? » Ca fait une sacrée différence tout de même – je ne suis pas certain qu’une heure à inverser les lettres de chaque mot ne signifie pas très vite une heure de silence. Ca se tente dans tous les cas. Mara ne plie pas, ses pronostiques sont les bons. A vrai dire, je ne sais pas trop moi-même, je suis décidé à soutenir les Harpies, mais je ne connais pas assez bien ces deux équipes là pour pouvoir faire des pronostiques vraiment poussés. Je l’ai été, à l’époque où je travaillais au Chicaneur, j’ai suivi la saison et je crois que la plupart de mes intuitions étaient tombées juste. Mais il faut croire qu’être professeur à Poudlard, réfléchir à mes cours, gérer les élèves… Tout cela m’a pris beaucoup plus de temps et d’énergie que je ne l’aurais cru. Je crois que je suis vraiment heureux, d’être professeur, mais ce n’est pas exactement ce à quoi je m’attendais. Poudlard est à l’image du monde magique, en retard de plusieurs siècles sur beaucoup trop de choses. Certes, certains de mes collègues sont des pointures dans leurs domaines, et je sais combien les cours de Rogue par exemple sont passionnants. Mais en terme de pédagogie, d’accompagnement des élèves, d’aide à l’apprentissage à la vie en communauté… Tout ça mériterait vraiment un bon coup de neuf. Enfin, façon de parler bien sûr. Une chose à la fois, Lemony. Après tout, si je peux assurer à Mara qu’elle est jeune et que sa carrière n’est pas finie, c’est que la mienne non plus. Il me semble que les sorciers vivent un peu plus longtemps que la plupart des humains, cela me laisse quelques décennies pour faire du vieux château l’école qu’elle devrait être. Au moins, et c’est quelque chose que l’on doit accorder à l’école de magie par rapport à beaucoup d’autres écoles moldues où j’ai pu enseigner, l’égalité des chances n’y est pas un mensonge. Je saisis un pilon de poulet pour m’éviter de replonger trop dans mes pensées – pas ce soir enfin, cela fait combien de temps que je n’ai pas été voir un match ou que je n’avais pas passé du temps avec Mara ? Et puis j’ai intérêt à me dépêcher pour le poulet, elle mange remarquablement vite. Je lui désigne Williams. « Uh... Williams... M'en parle pas. Je me souviens d'un match contre lui, un vrai monstre. Mais il est doué pour faire des fautes dans les règles de l'art. S'il avait été celui qui m'envoyait le cognard en pleine tête le jour de mon accident, il l'aurait fait volontiers. » Je fronce les sourcils. Comment un joueur peut-il encore être incontournable s’il fait cet effet tant à ses adversaires qu’au public ? Même si j’imagine que c’est un peu l’image que j’avais des batteurs – ce qui m’emmène à me demander pourquoi mon amie en est devenue une. « Eh bien... Lorsque j'ai voulu rejoindre l'équipe de Poufsouffle, il me semble que je voulais être gardienne, tout comme toi. On nous a fait essayer à peu près tous les postes et il semblerait que finalement, j'étais bien plus à l'aise avec une batte entre les mains qu'à intercepter un souafle avec le derrière de mon balai. Je sais renvoyer un cognard avec mon bras droit tout comme avec mon bras gauche. Même si je joue généralement sur l'aile gauche depuis que je suis chez les Crécerelles. » J’acquiesce, je crois que je l’ai déjà vu faire. Elle est douée Mara, et j’hésite presque un instant à l’encourager à remonter sur son balai. Non, non, c’est un refrain qu’elle doit trop souvent entendre. Ce soir, on profite, on s’amuse.
C’est quand elle se lève que je me rends compte que je me suis perdu dans mes pensées. Je me redresse à mon tour et m’arme de mes multiplettes pour voir un poursuiveur des Tornades foncer vers les buts adverses. Oh, ça peut être très beau s’il y arrive. Je nous entends crier, et la foule avec – quoiqu’elle en dise, jouer à domicile a souvent un effet sur les performances des joueurs de ce que j’ai pu voir. Ce n’est certes pas décisif, mais ça peut jouer. Cette fois-ci pourtant, c’est la déception, le gardien adverse arrête sans le moindre problème le souafle. Nous retombons tous les deux sur nos sièges. « Il n'aurait pas dû y mettre autant de force. Faire des passes, ça aide beaucoup le jeu mine de rien. » Je fais oui de la tête, la bière à la main. C’est plaisant de la voir si enthousiaste devant ce match, il faudra que je me félicite pour cette idée – même si son accoutrement est toujours aussi ridicule. Comme s’ils l’avaient entendu, les poursuiveurs des Flèches s’échange le souafle sans qu’aucun de ceux des Tornades n’arrivent à les arrêter. Je bouderais presque, à les voir arriver pour toucher au but – mais un cognard empêche ce qui aurait pu être le premier but de la soirée. Par réflexe, je me tourne vers Mara, presque inquiet tout d’un coup. Mais elle ne semble pas particulièrement touchée par ce qui vient de se passer – ou alors elle fait bien semblant. « J'espère que tu ne regrettes pas d'avoir fait les pronostics que tu as fait... » Je lui adresse un sourire. « Certainement pas. Ce sera très amusant de te voir parler à l’envers ! » Et puis, je suis un sensible moi, c’est pour ça que je supporte les Harpies en général. J’applaudis les joueurs qui me plaisent, et je parie volontiers sur eux même si je ne sais pas vraiment ce qui va se passer. Je bois encore un peu de bière, en essayant cependant de la faire durer – j’ai suffisamment bu ces dernières semaines, ça a été un mois plutôt alcoolisé. Mais un mois qui m’a permis de me calmer un peu, au moins, ce qui n’était pas gagné.
Les Harpies reprennent du terrain, et cette fois-ci ils ne se font pas avoir et avance groupé. Le souafle vole, et les Flèches sans doute encore déçus que leur manœuvre n’ait pas payée n’arrivent pas à les arrêter. Il ne leur faut que quelques minutes pour se retrouver à deux devant les buts, et je me redresse pour filmer ça. Aller, aller… Le gardien se positionne devant ce qui n’était qu’un leurre, je crie de joie en voyant une dernière passe aboutir à un but. DIX POINTS POUR LES TORNADES ! Je m’époumone et le stade avec moi. De toute beauté, ces points, et tout est enregistré sur les multiplettes. « J’avais raison d’être enthousiaste, tu vois ! » Dans le stade, le but fait encore grand bruit, et il semblerait que je ne sois pas le seul à avoir parié sur leur victoire. Je regarde les joueurs se repositionner. « J’aurais vraiment aimé être doué pour voler je crois. Faire partie d’une équipe à Poudlard, ce genre de choses. Tu sais chez les moldus, le balai, le chaudron, c’est l’équipement de base pour ce qu’ils croient être des sorciers, alors ça me faisait rêver de faire l’un et l’autre quand j’ai reçu ma lettre. » Je soupire. Au moins, je n’ai jamais été mauvais en potions. « Enfin j’ai toujours été un cas désespéré, rien qu’au premier cours mon balai a absolument refusé de se redresser. Je m’en souviens encore, j’étais humilié – et en larmes. » Alors que je parle, les Flèches reprennent le souafle et retentent la même stratégie que celle qui leur avait presque permis de marquer un but, cependant cette fois-ci les Tornades ne se font pas avoir. Arrivant du dessus, voilà l’un des poursuiveurs qui donne un coup de pied dans le souafle alors qu’il vient d’être rattrapé par l’un de ceux des flèches, et la balle retombe dans les bras d’un poursuiveur des Tornades qui se tenaient plus bas. J’applaudis, bien qu’à cette distance personne ne puisse m’entendre – et autour de nous la foule crie. « Belle manœuvre, le vol de Speelman c’est ça ? C’est du propre en tout cas. » Les Tornades ont à nouveau le souafle en plus de l’avantage en tout cas. « Tu entends ? C’est le son de ton échec à venir. » Je fais une grimace à Mara, moqueur. C’est amusant, il faudrait que je fasse des paris plus souvent – même si j’ai peur d’être un mauvais gagnant. Saisissant un morceau de poulet, je me retourne vers elle, plus sérieux. « Au fait ! Ce carnaval ? Je suis désolé de ne pas avoir pris le temps de venir te parler, j’étais...occupé. » J’ai déjà oublié le parfum d’Erin, tout ce dont je me souvient c’est qu’il était délicieux et que ses cheveux étaient doux… Je sens mon ventre se serrer et je crois que je souris niaisement. Mince. Depuis combien de temps cela ne m’était pas arrivé ? « Les couronnes étaient magnifiques en tout cas… Et les potions étrangement efficaces. »
« I don't care if you fall off your broom as long as you catch the Snitch first. »
« Inverser les syllabes, évidemment ! Vu l'allure à laquelle je réfléchis à certaine chose, si je perds j'aurais plus vite fait de me taire s'il fallait inverser toutes les lettres ! »
Je ris aux éclats. Rien que d'imaginer la scène et ma tête à essayer de mettre les lettres dans le bon ordre avant de parler, je ne peux m'empêcher de rire. C'est assez nul comme gage, mais bon, l'important c'est qu'on s'amuse. Je ne dis pas que je ne suis pas intelligente, seulement mon cerveau a juste un peu de mal avec certaines logiques et certaines réflexions. La stratégie dans un match de Quidditch, ça me parle, mais tout ce qui est pseudo littéraire, c'est une autre affaire.
Le match bat son plein et je suis toute excitée. Je ne me souvenais plus de ce que ça faisait que d'être dans un stade, du côté des spectateurs. Ça remonte à encore plus longtemps que depuis la dernière fois que je suis montée sur un balai. C'est peut-être ça, aussi, qui m'a fait défaut. Le fait de ne plus savoir ce qui me motivait à l'origine, ça m'a complètement drainé cette énergie me permettant de chevaucher mon balai et d'être la super star que tout le monde attend de revoir dans les airs. Le match commence tout juste que les actions sont déjà intenses. Si je suis plutôt pour les Tornades, je sais que les flèches ont du potentiel et c'est pour cela que je sens que le jeu va être serré.
Je me rends compte que finalement, je connais presque tous les joueurs sur ce terrain. Je connais leurs habitudes, leurs tactiques, leurs défauts, leurs avantages, et même pour certain, je les connais suffisamment personnellement pour savoir comment les déstabiliser en plein jeu. Williams ? Comment parler de lui, ce joueur que je déteste avoir en face de moi. Il est instoppable et beaucoup plus violent que le jeu ne le permet. Pourtant, il reste un des favoris de son équipe. Un véritable monstre dans tous les sens du terme.
J'explique finalement comment j'en suis venue à devenir batteuse. J'ai été la première surprise par ma prédisposition pour ce poste à l'époque où j'ai passé mon premier essai. J'ai toujours voulue être gardienne et tous mes joueurs préférés occupaient ce poste. Je pensais alors que c'était mon destin, mais finalement, les choses se sont présentées différemment. Je ne suis pas la meilleure batteuse de ma génération, je le sais parfaitement, mais je suis douée, j'ai appris à l'accepter et à perfectionner cette vérité. Je joue pour le plaisir, bien entendu, mais en jouant en tant que professionnelle, il y a aussi le challenge de ne pas être moyen, mais d'être bon, voire très, très bon. C'est bien là le problème qui se pose à moi aujourd'hui, je sais que même si je me forçais à grimper sur mon balais, je n'aurais plus les compétences d'avant l'accident et ce à cause de ma peur.
Je me retrouve complètement happée par le jeu, comme sur un ressort à me lever de mon siège dès qu'il y a une action qui vaut la peine d'être vue. Entre mes yeux et les multiplettes, je ne loupe aucune miette du match. Chacune des deux équipes est au taquet et ne laisse que très peu d'ouverture, le match est déjà serré alors qu'il ne fait que commencer. Je me surprends même à commenter les actions des joueurs, expliquant mon ressenti vis-à-vis des actions à Lemony. Je suis surprise de voir ces deux équipes jouer d'un œil extérieur. Les voir jouer quand on est sur le terrain ou dans les gradins, ça ne donne vraiment pas la même chose. Certaines faiblesses et failles sont bien plus visibles d'où je suis aujourd'hui et me font comprendre certains mots de notre coach. Pour l'instant je reste confiante quant au déroulé du match, j'ai vraiment un bon pressentiment vis-à-vis de ce jeu. Lemony semble confiant lui aussi, visiblement impatient de me voir parler à l'envers. Je lui adresse un sourire, sans répondre à cette provocation. Heureusement que l'on reste sur nos positions, ce ne serait pas amusant autrement !
Le jeu s'emballe de nouveau, je me lève encore une fois de mon siège, tendue quant à l'issue de cette action prometteuse. Le joueur des Tornades fait l'effet d'une fusée, ne lâchant pas sa trajectoire et c'est un but ! Dix points pour notre équipe à tous les deux. Je crie de joie, ravie de voir que les Tornades ouvrent le score pour ce soir.
« Je ne voudrais pas que tu t'y méprennes. Je suis pour les Tornades, rappelle toi. Je parie juste sur une égalité, et une égalité implique des points des deux côtés. Il faut bien que les Tornades marquent pour arriver à 60-60. »
Je suis loin d'être abattue par ce score, bien au contraire. Ce genre de point a tendance à booster une équipe adverse. Alors soit les Tornades vont garder la main grâce à l'euphorie de ce premier score, soit les Flèches vont leur faire la misère pour la prochaine manche. Lemony me confie qu'il aurait aimé être doué en vol, cette envie intimement liée aux idées reçues des moldus vis-à-vis de la sorcellerie. Ma mère m'a souvent raconté ce que c'était que de grandir en tant que née moldue, mais moi j'ai eu la chance d'être imprégnée dans la magie depuis ma naissance, grâce à ma mère principalement, et mon père qui tentait tant bien que mal de faire valoir ses traditions. Je ne sais pas pourquoi il n'a jamais plus insisté que ça pour que j'apprenne vraiment à utiliser mes oghams. Aujourd'hui je le regrette et je donnerais n'importe quoi pour rattraper cette erreur.
« Tout le monde n'est pas fait pour voler, Lemony. A vrai dire, rare sont ceux qui savent bien voler en dehors des joueurs de Quidditch. Je comprends ta frustration, mais tes qualités sont ailleurs, tu ne devrais pas avoir de regrets. »
Les Flèches tentent une manœuvre qui finit droit dans le mur. Quelle idée stupide de vouloir appliquer directement la même stratégie que l'équipe adverse, ça ne peut jamais marcher. Lemony félicite l'action d'un des joueurs, évoquant un nom, mais j'avoue ne pas le reconnaître.
« Peut-être, je t'avoue que certains de ces joueurs ne m'ont jamais vraiment marqué. Quand on est sur le terrain et qu'on joue, à part deux ou trois figures célèbres, chacun représente un numéro, ou un poste, mais rien de plus. »
C'est un peu triste à dire, mais je suis passée par là. Ce n'était pas pareil à Poudlard, parce que tout le monde se connaissait, mais dans la ligue professionnelle, on n'a malheureusement pas le temps d'apprendre le nom de tous les joueurs à moins qu'ils aient des particularités à retenir.
« Mon pauvre Lemony, le jeu n'a commencé que depuis quelques minutes, tu ne devrais pas te réjouir trop vite ! »
Puis il change de sujet et aborde le sujet du carnaval, présentant ses excuses pour ne pas être venu me voir. A vrai dire, j'étais si occupée avec Ginny et à danser que je ne vois pas trop comment on aurait pu faire autrement. Si je m'étais arrêtée pour dire bonjour à tout le monde, je crois que la journée aurait été bien moins amusante.
« Oui, ce sont de superbes couronnes qui nous ont été remises, votre Majestée ! »
Je me mets à rire. Quelles étaient les chances pour que lui et moi soyons élus Roi et Reine du Carnaval ? Je ne m'en remets pas vraiment, j'avais l'impression d'être simplement dans un autre monde quand je dansais, mais cette élection m'a mis du baume au cœur.
Le jeu ne s'est pas arrêté pour autant, malgré deux têtes couronnées présentes pour encourager les Tornades. Le jeu s'accélère et les Flèches sont en rogne. On sent comme une légère faiblesse chez les Tornade, visiblement exténué par les réponses – même échouées – des adversaires. Un des cognards manque de toucher Jon qui évite le pire de justesse. Mon cœur se met à battre à cent à l'heure. Difficile de voir une nouvelle opportunité, mais l'avantage va aux flèches qui se précipitent finalement vers les trois anneaux. L'un des poursuiveurs tire finalement mais il loupe, le souaffle venant rebondir sur l'anneau central et est alors remis en jeu. J'attrape un morceau de poulet pour me calmer, ce jeu va me rendre dingue un jour ou l'autre.
« Les Flèches ne comptent pas se laisser faire, ils ont la niaque ! »
Ce n'est pas suffisant pour gagner un match, mais pour préserver un score, ça l'est.
Le sport est une grande affaire pour ceux qui ne le pratiquent pas.
- 28.02.2004
Les cris du stades continuent quelques minutes après le but, l’ambiance est incroyable alors que les joueurs se remettent en place. J’évoque ma déception de ne pas être doué avec un balai, un peu triste. « Tout le monde n'est pas fait pour voler, Lemony. » Je grimace, même si elle continue en m’assurant que j’ai d’autres qualités. Peut-être, oui, bien sûr. Mais tout de même, j’aurais voulu savoir bien voler – pas pour faire du sport, pour l’image. C’est peut-être pour cela que j’aime le Quidditch d’ailleurs… C’est incroyablement, sorcier.
Je reste admiratif du talent de certain joueur, et je lui demande si c’était bien un vol de Spellman. « Peut-être, je t'avoue que certains de ces joueurs ne m'ont jamais vraiment marqué. » Je l’écoute en clignant des yeux avant de réaliser – mais oui, c’est vrai, elle est batteuse, et ce n’est pas une technique si utilisée que cela. « Non, le vol de Spellman c’est le nom de la manœuvre. Tu penses bien que je ne connais pas plus que toi le nom de la plupart des joueurs. Certainement moins d’ailleurs. » Je hoche gravement de la tête avant de me saisir d’un morceau de poulet – et de constater qu’il n’y en aura bientôt plus. « Désolé, j’ai toujours eu une approche très euh, rationnelle, scientifique du sport. Ça passe par le fait de connaître le nom des manœuvres, mais j’imagine qu’en tant que batteuse le nom des manœuvres des poursuiveurs c’était pas trop ton problème. » Une approche très intellectuelle, même. Ça aide, à l’heure de faire des pronostiques sérieux, de connaître aussi ce genre de choses et de savoir quel joueur en a fait sa spécialité. J’ai soudain un vague souvenir, une réminiscence de mon père essayant de m’emmener voir du baseball avec lui. « Tu sais, les moldus ont un sport, le baseball. Je me souviens quand j’étais gosse, mon père connaissait le nom de tous les coups, et de tous les entraîneurs. Par contre une fois sur deux, il était pas capable de me dire comment s’appeler le joueur star du moment. J’imagine que je suis un peu comme lui sur ça. » Je m’émerveille plus, quand même, mais moi les joueurs que je supporte vole sur des balais magique, ça aide. Je suis aussi plus un fanboy qu’il ne l’a jamais été, et je ne connais pas les noms de ceux qui choisissent la composition des équipes.
Face à mon enthousiasme moqueur, Mara reste sûre d’elle. « Mon pauvre Lemony, le jeu n'a commencé que depuis quelques minutes, tu ne devrais pas te réjouir trop vite ! » Je fais une moue moqueuse. « Je me réjouis si je veux, d’abord. » Et en parlant de réjouissances, je lui demande ce qu’elle a pensé du carnaval. « Oui, ce sont de superbes couronnes qui nous ont été remises, votre Majesté ! » Je fais un grand oui de la tête alors qu’elle rit. « Ah ça ! Tu connaissais la boutique d’ailleurs ? Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’est le lot qu’on a gagné… » Je me dis qu’il vaut mieux que je me limite maintenant pour mes questions – histoire de ne pas me laisser aller comme avec Erin. Que ma curiosité ne m’ait pas coûté plus d’amis que cela me surprend parfois.
Je reporte comme elle mon attention sur le jeu, et remets mes multiplettes quand le poursuiveur des flèches va pour marquer – après tout, il ne faudrait rater aucun but, même s’il ne m’arrange pas. Un échec cependant, mais je dois admettre qu’ils ne se laissent pas abattre et qu’ils font vraiment de belles actions. « Les Flèches ne comptent pas se laisser faire, ils ont la niaque ! » J’acquiesce. « Je t’accorde qu’ils lâchent rien, ça fait plaisir à voir. » Les Tornades ont repris le souaffle après la dernière tentative et les poursuiveurs avancent groupés, semblant impossibles à arrêter. Ça gronde dans le stade alors qu’ils se rapprochent des buts. Un cognard atteint l’un des joueurs au bras qui tourne sur lui-même mais reprend le contrôle de son balai – je me tourne vers Mara, un peu inquiet, et ce sont les cris du stade qui m’informent que je manque le deuxième but des Tornades alors que j’essaie d’estimer si elle va bien et que je lui souris pour lui rappeler que je suis là au besoin. « Vingt à zéro, l’écart se creuse ! » Je reprends de la bière, en me retournant vers le terrain, et je me rends compte que les attrapeurs ont quitté leurs positions d’attente. L’attrapeur des Flèches fonce vers le sol et se redresse à la dernière minute, suivi de près par celui des Tornades qui ne parvient pas à remonter assez vite et plante son balai dans le sol, volant à quelques mètres. « Ouch… » Les sorciers ont définitivement les os plus solides que les moldus, sinon le Quidditch serait un sport mortel – le joueur a l’air sonné, mais bien vivant. Mais cela n’avait pas l’air d’être une simple feinte du joueur des Flèches qui tend son bras. « Non me dis pas qu’il va déjà ... » Le grondement du stade éclate quand la main du joueur saisit la balle, et je reste interloqué sur mon siège. Après un instant, je finis pourtant par me dresser sur mon siège pour applaudir alors que les Flèches sont déclarés victorieux par l’arbitre. « Et bah… Je pensais que ce serait un peu plus long. Bon bah, j’imagine qu’on a perdu tous les deux du coup. » Je jette un regard à la montre à mon poignet – le portoiloin ne partira pas avant une heure trente. « Ça te dit, on va reprendre une bière et on se pose quelque part ? Et pour le pari, comment ça se passe pour les monosyllabes, on inverse pas, ça te va ? Va te ça, donpar ? » Je serais peut être riddicule pendant une heure pour un œil étranger, mais moi au moins, je ne parle pas à l’envers en étant en plus vêtu de lorgnospectres et d’un vieux chapeau !
« I don't care if you fall off your broom as long as you catch the Snitch first. »
Des fois je me sens stupide à côté de Lemony. Je n'ai jamais été très habile avec mon cerveau. A vrai dire, je rentrerais presque dans le cliché de la sportive qui n'a pas grand chose dans la tête. Je n'aime pas l'admettre, mais c'est presque vrai. A Poudlard, j'étais une élève moyenne. Alors oui, j'ai eu mes BUSE et mes ASPIC, mais c'était de justesse et principalement avec des matières qui n'ont que très peu d'utilité dans ma vie aujourd'hui. Ma vie se portait relativement bien quand j'étais encore une super joueuse de Quidditch à qui on ne demandait pas de prouver qu'elle était capable de faire autre chose de son corps et de sa tête. Alors quand Lemony me reprendre concernant ce vol de Spellmann, je me sens vraiment stupide, d'autant plus parce que je me suis avoir sur mon propre terrain. Si je ne suis même pas capable de connaître toutes ces choses sur le Quidditch, à quoi suis-je vraiment douée ?
« Ah... Je ne me souviens pas en avoir entendu parler. »
J'ai un peu honte, à vrai dire. Il essaye de justifier mon erreur dû au fait que c'est un coup lié aux poursuiveurs et que je suis batteuse, mais ça ne justifie rien. Je n'aurais jamais dû faire la forte tête et refuser d'apprendre les noms officiels des coups. Généralement, je ne fais que décrire l'action que quelqu'un fait. Je sais que c'est un mouvement connu, je sais que c'est une technique, mais je me fiche généralement des appellations, parce qu'on ne passe pas notre temps sur le terrain en match ou en entraînement à dire ce qu'on s'apprête à faire.
« Ne t'inquiète pas, Lem, t'as pas à me chercher des excuses. Je ne connais pas vraiment les noms des techniques de Quidditch. Même la feinte de Porskoff, je ne sais pas ce que c'est. Mais t'en fais pas, ça ne m'empêchera pas de gagner ce pari ! »
Un sourire aux lèvres, je me remets à suivre le match. Je ne voudrais pas manquer des actions importantes simplement parce que je ne sais pas ce qu'est un vol de Spellmann. Il essaye de justifier ses connaissances au travers de son père, mais je ne lui reproche pas de plus en savoir que moi sur les coups en Quidditch. Peut-être que pour une fois je devrais me résoudre à lire Le Quidditch à travers les âges, juste pour pouvoir être à la page au prochain match en compagnie de mon ami, mais pour l'heure, je reste dans l'ignorance.
Vient alors le sujet du Carnaval. Un instant éphémère durant lequel je me suis sentie très bien, et un couronnement bienvenue, même si la chute à la reprise du boulot a été plutôt rude. Je ne pensais pas que j'étais arrivée à un moment de ma vie aussi difficile. Je ne pensais pas que cet accident me traînerait autant vers le bas. Je suis restée forte jusque là, mais plus l'annonce officielle approche, plus je me sens faible.
« Je n'avais jamais essayé les produits de Nasiya, mais je connais la boutique. Je travaille sur le Chemin de Traverse, maintenant, donc je connais pas mal mes collègues. Ce sont des potions de sommeil, et de rêves, d'après ce que j'ai compris, ça donne un petit coup de pouce pour dormir, mais pas que. »
On a beau parler, le match ne s'arrête pas pour nos beaux yeux – ou pour mes lorgnospectres pour le coup. L'action se veut d'ailleurs beaucoup plus intense depuis que le premier but a été inscrit. Les Flèches ne se laissent pas abattre, et pourtant, c'est comme s'ils n'avaient pas la même volonté que les Tornades, comme si ça cachait quelque chose. J'observe le jeu dans son ensemble, et les Tornades ont de nouveau l'avantage. Comme depuis le début du match, je suis montée sur un ressort, prête à réagir à la moindre action. Et je viens me cacher les yeux lorsque le jouer est touché par un cognard. Mais pourquoi suis-je devenue aussi sensible ? J'ai toujours accepté la présence des cognards dans ce sport, mais pourquoi ai-je autant été affectée par cet accident ? Je ne suis pas la première à avoir été touchée aussi brutalement, et pourtant... Finalement, le stade s'exclame, les Tornades ont marqué de nouveau. Evidemment, Lemony est ravi de voir que l'écart se creuse et qu'il va dans la bonne direction concernant son pari. Les deux attrapeurs fondent en piqué à une allure impressionnante. Si celui des flèches semblent se redresser à temps, on ne peut pas en dire autant pour celui des Tornades. Sauf que le jeu s'arrête là, quelques secondes plus tard. Tous les supporters des Tornades sont sur les fesses, et moi la première. Je me tourne vers Lemony, sans voix.
« J'arrive pas à croire qu'on ait tous les deux perdu. Aaaah, je suis déçue ! C'est quoi ce match de quinze minutes à peine ! »
Ce n'est même pas le fait d'avoir perdu qui m'énerve, mais c'est le fait qu'aucun de nous n'ait gagné à vrai dire, et que le match soit déjà terminé. Bah, ce n'est pas si grave, au moins ça nous laisse l'occasion d'aller ailleurs, quelque part où c'est plus calme, comme le suggère mon ami qui se met déjà à parler à l'envers. Il me faut un moment pour réfléchir à ma réponse, mais je finis par me lancer.
« Pub au ller-a qu'à a On ! »
J'espère qu'il est assez intelligent pour comprendre, parce que c'est un vrai calvaire de tout dire à l'envers. Je me lève de mon siège, récupérant mes affaires et je me dirige vers la sortie du stade. Une autre bière pour noyer notre perte ne sera pas de refus.
« Gné-ga pas n'as tu ment-nal-fi ! »
Dis-je en riant. Il était si sûr de lui, que ça m'amuse de voir que finalement, on se retrouve tous les deux dans le même bateau.
Le sport est une grande affaire pour ceux qui ne le pratiquent pas.
- 28.02.2004
« J'arrive pas à croire qu'on ait tous les deux perdu. Aaaah, je suis déçue ! C'est quoi ce match de quinze minutes à peine ! » Ça je dois admettre que je n’en ai pas vraiment eu pour mon argent aujourd’hui, et que ce n’est pas le genre de matchs qui est le plus plaisant à suivre en direct. Encore que, une victoire si rapide des Harpies, je crois que je l’apprécierais autrement. J’espère qu’elle n’est pas si déçue que ça, que je ne me sois pas démené pour lui organiser une surprise pour que le talent de l’attrapeur des Flèches vienne tout gâcher. Je lui demande ce qu’elle veut qu’on fasse maintenant, il nous reste un certain temps avant que le portoloin ne nous remmène à Londres. « Pub au ller-a qu'à a On ! » J’acquiesce en souriant et finit ma bière rapidement. Je vérifie un instant nos places que l’on n’y oublie rien – autour de nous les réactions sont mitigées, ça crie, ça se chamaille – je crois que certains des supporteurs des Tornades n’ont pas apprécié le coup de maître de l’attrapeur adverse. Ouep, bah il est temps de filer. « KayO. Pied à loin très pas n’est ce. » La logique me revient vite, et pendant que nous descendons rapidement pour sortir du stade je me refais quelques phrases en pensées à l’envers. Ca va, ça ne va pas être une heure trop longue de mon côté. « Memê quand çuedé trop pas n’es tu que pèrej’es,.. Zecho tre-au... » Ah ici par contre, j’ai pêché par ambition. Des phrases courtes Lemony, des phrases courtes, c’est ça le secret. Je fronce les sourcils pour finir (enfin pour commencer) ce que je viens de dire. « à daitenm’a je tantvi-t’in qu’en vou-t’a je. » Celle là était un peu trop longue. J’ai vraiment cette vague impression de résoudre en permanence une énigme comme au temps où j’étais étudiant et qu’il me fallait absolument trouver une solution pour rentrer – les autres Serdaigles étant rarement d’une grande aide d’ailleurs si je butais. ‘T’as qu’à réfléchir.’ Je ne crois pas avoir passé une seule soirée enfermée hors de la tour commune, mais je sais que c’est arrivé à d’autres. « Gné-ga pas n'as tu ment-nal-fi ! » Ca la fait rire et je hausse les épaules. « Mennalfi, menalfi… Toi que pte-com du prêt plus tais-j’é mais. » Ils avaient bien vingt points d’écart au score, contre trente pour mon pari. Alors que les soixante de chaque côté, on en était quand même loin. J’éclate de rire à mon tour en la regardant. « Tetê ta raiver tu, coup le vaut en ça ! »
Nous sommes sortis du stades et les cris commencent à ne plus raisonner que dans le lointain. Je lui désigne une direction tout en saisissant ma montre. « Bas là vers chermar qu’à plus ste-ré ne il. » Une trentaine de minutes de marches… Ca devrait nous laisser trente minutes à quarante minutes pour boire une bière là bas avant de revenir, si on veut pouvoir repartir par portoiloin – et il faut que je reparte moi, je travaille demain, j’accompagne les étudiants à l’inauguration. Je règle une alarme et ouvre la route. Et bien au moins ce sera une soirée mouvementée où on en aura fait des choses. Il me semble qu’il y a un babyfoot et des fléchettes là bas, et même si je ne sais pas ce que vaut mon habileté face à celle de mon amie – mais j’ai pour moi quelques années d’entraînement. « Dumol bars des dans vensou vas tu ? Diantu-é taisj’é quand chettesflé aux vaismau pas taisj’é. » Je me sens pourtant obligé de préciser immédiatement : « Ripa les pour là tienne s’en qu’on posepro je mais. »
On s’enfonce petit à petit dans la forêt qui sépare le stade de la ville, et on dépasse rapidement le point de rendez-vous de tout à l’heure. Les sons du stades nous arrivent encore, mais il n’y a personne en vue – j’imagine qu’il y a des sortilèges pour repousser les moldus tout autour de la zone. « Beau de quoi, nonsi et ? Vie la, que-tibou la ? » J’hésite un instant à ajouter les amours, et je souris alors que passe devant mon cœur l’image d’une chevelure rousse. Ça a été un mois... surprenant au moins.
« I don't care if you fall off your broom as long as you catch the Snitch first. »
Je me maudis pour avoir choisi ce challenge stupide, et aussi pour avoir perdu. Quelle idée d'attraper le Vif d'Or aussi tôt dans le match ! Ça gâcherait presque le plaisir du jeu. La prochaine fois, j'y réfléchirai à deux ou trois fois avant de proposer de faire des paris. Ou alors, juste des paris d'amis, c'est plus tranquille, ça ne gâche même pas l'enjeu finalement.
Je propose d'aller au pub, du moins j'essaie, je ne sais même pas s'il va comprendre ce que je lui dis tellement je suis nulle pour parler à l'envers. Le stade se vide tranquillement, inutile de se presser pour s'en aller. Je suis en week-end, je suis loin de Londres et avec un ami qui est Roi du Carnaval à mes côtés, pourquoi je voudrais me presser ? Je vérifie en même temps que Lemony si rien n'a été oublié, mais tout semble correct. On descend tranquillement les marches du stades sans se précipiter – après tout, un nouvel accident serait loin d'être le bienvenu – et il répond à ma proposition. Il me faut littéralement dix secondes pour tout remettre en ordre dans ma tête. Ce n'est pas très loin à pied. Bien, parfait, j'ai un peu la flemme de marcher pendant trois heures. A l'entendre parler en ver-lan, il semble s'être entraîné toute sa vie et la phrase qui suit est beaucoup trop longue pour que je puisse tout déchiffrer. Je le fixe un moment et j'opine du chef. Pourquoi user de ma salive inutilement, hein ? Rien n'a été spécifié sur une obligation de parole durant l'heure... J'essaie de dire quelque chose, tout de même pour ne pas avoir l'air trop stupide et je le nargue sur le fait qu'il n'a pas gagné comme il le prétendait au début du match. Une micro satisfaction dans toute cette histoire. Il se permet alors de se moquer de ma tête suite à l'échec cuisant de ce match. Je plisse les yeux, le maudissant intérieurement mais tout en continuant de marcher.
Lemony indique la direction du pub, je lui fais confiance, je ne connais pas vraiment le coin pour être honnête.
« Kay-O ! »
Est-ce que je suis en train de tricher ? Oui. Évidemment que je triche. Moins je parle, mieux je me porte. On se met à traverser la forêt, la nuit est tombée et je n'y vois pas grand chose, à part la lueur de la lune qui n'est visible que de moitié ce soir. C'est fou ce que je fais davantage attention à la lune depuis que j'ai rencontré Malachy. Ce n'est pas comme si j'ignorais l'existence des Loups Garous jusque là, mais disons que c'est toujours différent quand l'on connaît quelqu'un qui en est un. Ce soir, aucun risque de tomber sur une mauvaise surprise. Finalement, mon ami brise le silence, m'obligeant à parler alors qu'il me questionne, si j'en crois son intonation. Je refais sa phrase ma tête pour tout remettre dans l'ordre pour enfin lui répondre.
« Reum ma vec-a llais-a j'y. La-ce de temps-long y'a il... »
Je n'ai pas vraiment eu l'occasion, ce n'est pas comme si je fréquentais beaucoup de moldus, pour ne pas dire zéro. Je connais plusieurs nés-moldus, mais généralement, ils s'intègrent tellement à la culture sorcière que j'ai été très loin du monde moldu pendant quelques années à présent.
« Chettesflé les dore-j'a ! Core-en dre-per de reup ? Gol-ri je. Ri-pa de pas. »
C'est bien plus de gymnastique mentale en quelques dizaines de minutes que durant toute l'année passée. Vite qu'on arrive au pub, en espérant qu'entre temps, le temps du pari se soit écoulé et que l'on puisse boire et jouer aux fléchettes en paix. De nouveau, il me pose une question. Je soupire, non pas parce que je ne veux pas lui parler, mais parce que c'est une vraie torture !
« Se-cho grand pas ! Ment-le-pa-ci-prin Jack de cuppe-m'o je et vaill-tra je. Ssi-au dia-mé les vite-j'é... »
S'il savait qu'aujourd'hui je venais d'annoncer au comité de la ligue de Quidditch que je quittais officiellement mon équipe, l'ambiance pour aller boire un verre serait beaucoup plus terne, je le sais, c'est inévitable.
« Toi et ? Dlard-Pou part à ? »
Je suis bien curieuse de savoir tout ce qui lui est arrivé pendant toutes ces années d'absence. Je me demande aussi s'il a quelqu'un dans sa vie. Lemony est un homme si adorable que je serais étonnée qu'il n'y ait personne pour avoir succombé à son charme de né-moldu Serdaigle je-sais-plein-de-choses. Après tout, je me souviens l'avoir vu danser avec cette jeune femme rousse au Carnaval, et il semblait y avoir quelque chose entre eux.
« Être-peut sse-rou une ? »
Je lui adresse un petit sourire un coin taquin, le tout accompagné d'un petit coup de coude. Si ça se trouve, c'est juste une amie à lui, mais j'aime bien taquiner mes amis, je suis comme ça. Avec moi, ça ne marche pas vraiment, parce que j'ai régulièrement un nouveau copain et ce n'est jamais un secret, et tous ceux qui me connaissent sont à peu près certains que d'ici quelques semaines ce sera terminé. C'est presque plus drôle, à force.
Les bruits du stades semblent avoir disparu complètement à présent, et j'aperçois d'où on est une lueur un peu lointaine, laissant échapper une autre sorte de bruit, de la musique et des rires. Est-ce que nous serions enfin arrivés au pub ? Je commence à avoir soif d'un bon cidre comme les moldus le font si bien. Les brasseurs sorciers devraient songer à trouver une alternative s'ils ne veulent pas perdre tous leurs clients.
« Rrive-a qu'on crois je ! »
Maintenant que j'y pense, je ne suis pas sûre que rester ici pour la nuit soit une bonne idée. Si je rentre avec le portoloin, ce sera bien plus simple. J'improviserai demain, et puis il y a ce bazar de prévu à Pré-au-Lard, ce sera peut-être l'occasion de quitter Londres de nouveau.
Le sport est une grande affaire pour ceux qui ne le pratiquent pas.
- 28.02.2004
« Reum ma vec-a llais-a j'y. La-ce de temps-long y'a il... » Elle est de sang mêlé, il me semble. Sa mère était moldue ? C’est tout de même étrange de connaître la pureté du sang des autres, que cela ait une telle importance. Je suis sûr que c’était précisé dans un article. Je fronce les sourcils, en me disant que c’est une mauvaise chose que ce genre de choses se disent, se commentent, se racontent – et que pourtant même moi qui devrait être le premier à ne pas y accorder d’importance j’y suis attentif. « Chettesflé les dore-j'a ! Core-en dre-per de reup ? Gol-ri je. Ri-pa de pas. » Je plisse les yeux en remettant les mots dans l’ordre – même si la gymnastique me vient cette phrase me semble particulièrement ardue à retourner de tête. Je fronce les sourcils, très sérieux, et répète. « Ri-las de pas ! » Ça sonnerait presque bien, à l’oreille. Elle soupire quand je l’interroge à nouveau, et je me fends d’un petit rire moqueur. C’est ça, de vouloir jouer avec un Serdaigle. C’est un peu mesquin de ma part, ce genre de pensées, mais en même temps c’est elle qui propose de remettre ça, même pour rire. Je la ferais parler alors, pour que cela lui passe. « Se-cho grand pas ! Ment-le-pa-ci-prin Jack de cuppe-m'o je et vaill-tra je. Ssi-au dia-mé les vite-j'é... » Jack ? Son fléreur, il me semble. C’était assez surprenant pour attirer mon attention ça, un fléreur. J’acquiesce comme pour lui signifier que j’ai compris. « Toi et ? Dlard-Pou part à ? » A part Poudlard ? Je réfléchis à ces dernières semaines, et leur souvenir me laisse amer. Je ne sais pas si ce sont des choses dont je veux trop parler ce soir. Que dire ? Je suis toujours un peu en froid avec mon père depuis une altercation il y a quelques temps, l’ambiance à Poudlard est particulièrement tendue et c’est encore l’endroit où je vis et suis le plus, et tout me semble si irritant… Rien n’a été, ce mois-ci. A part peut-être… « Être-peut sse-rou une ? » Elle me donne un coup de coude et je ne peux m’empêcher de rire nerveusement en rougissant. A part peut-être avoir retrouvé Erin, oui. Ce n’est pas vrai, et je me sens presque coupable : ce n’est pas rendre justice à certains de mes autres amis, et ce jusqu’à Poudlard. Simplement, le souvenir de son parfum efface largement les rires de Malachy ou la mine songeuse de Damocles, par exemple. Mauvais exemple, celui-là précisément, même si j’ai été très heureux de passer du temps avec l’aigle.
« Rrive-a qu'on crois je ! » Je fais oui de la tête et lui offre mon bras pour l’inviter à entrer. Un excès de galanterie amusé plus qu’autre chose. Je me demande s’il faut parler à l’envers aussi avec les autres. Dans le doute, j’en reste avec le barman dont nous nous approchons au plus simple pour ne pas passer pour un fou. « ‘Soir. Hm. Bière ? » Je lui montre deux doigts pour qu’il comprenne. J’ai sans doute l’air benêt, mais c’est mieux que de perdre à ce petit jeu de gymnastique mentale. Je lève pourtant un sourcil vers Mara dont l’accoutrement est toujours aussi ridicule pour vérifier que cela lui va – si non elle n’aura qu’à passer commande elle-même, je demande à voir. Je désigne aussi le jeu de fléchettes au barman qui hausse les épaules, comme un peu surpris de mon comportement. Les fléchettes sont dessus, nous n’avons plus qu’à jouer. Une fois servis, je l’entraine avec moi sans avoir plus chercher à faire la conversation – ne pas parler est temporairement incroyablement reposant. Il doit rester quoi, quinze minutes à tenir ? Mais si je ne réponds pas à la question posée dehors, est-ce que je ne triche pas un peu ? Je me mords les lèvres en lui tendant les fléchettes que je viens d’arracher de la cible. Honneur aux dames, tout ça. « SSe-rou se-meu-fa te-cê de jet-su au. "Erin" est nom son. Euh… ça re-di ment-co… yeu-fi une es tu… Dis je que ce est qu-… Dire veux je que ce… Euh… » Je cherche mes mots et prends une inspiration. Bon, tout remettre dans l’ordre. Parler de cela me rend nerveux, et moins efficace. « Ze-cho quequel faire à ère-ci-sor une ter-vi-in lais-vou je si… Quoi rais-sseille-con me tu ? » J’ai retourné la question dans ma tête pendant un temps qui m’a semblé infini. Les questions même. Faut-il l’inviter à faire quelque chose ? Oui, pourquoi pas, cela me ferait plaisir, et puis si elle n’est pas tentée elle pourra toujours dire non… Comment l’inviter, alors ? Par hibou ? En la croisant au hasard, c’est arrivé ces derniers temps. En provoquant une rencontre peut-être ? En passant par Damocles ? La réponse ici, est moins évidente. Et puis vient la pire : à faire quoi ? Je n’avais pas vu la rousse depuis Poudlard. Je soupire, un peu abattu. « Ze-cho de re-gen ce pour nul suis je. Là-voi. » Je sais que mon ancienne amie ne déteste pas le monde moldu au moins, et qu’elle va même au cinéma. Mais je ne sais pas, je ne me vois pourtant pas faire ce que je faisais dans le monde moldu, comme ça. Je ne saurais pas dire pourquoi – c’est peut-être même un peu irrationnel. Et puis de toute façon, même pour l’inviter à faire des trucs de moldus, je n’ai pas d’idées. Il me semble, quand je pense à les partager avec elle, que mes loisirs sont terriblement ennuyeux.
En tout cas, Mara est de toute évidence bien meilleure que moi aux fléchettes. Je la regarde lancer, un peu admiratif. A mon tour, trois de mes projectiles n’atteignent même pas leurs cibles. Je n’étais pas si mauvais pourtant à l’époque. J’ai beaucoup perdu, ou c’est la discussion sur Erin qui me déconcentre ? En même temps, je ne sais pas si je suis capable de demander ce genre de conseils à qui que ce soit d’autres. Déjà, avec ma cadette ce soir, c’est compliqué – et ce n’est pas que parce que je dois parler à l’envers. Je fais une grimace en constatant mon échec et nettoie mes lunettes en faisant la moue. « Tant-au pour gné-ga jà-dé pas n’as tu ! »
« I don't care if you fall off your broom as long as you catch the Snitch first. »
J’essaie de rattraper un peu le temps perdu. Durant un match, généralement, même si on échange quelques mots, on essaye tout de même de suivre les actions et le score. Surtout moi. Il y a cette partie de moi qui ne peut s’empêcher de se dire que ça me ferait du bien de remonter sur un balai, et puis l’autre partie qui en est totalement effrayée. Mais du coup, maintenant que le match est terminé, j’espère pouvoir en savoir plus sur la vie de mon ami, sur les nouvelles qu’il a annoncer, notamment depuis que je l’ai aperçu la dernière fois au Carnaval, dansant avec une femme sublime à la chevelure flamboyante. Je dois avouer que prendre des nouvelles de Lemony tout en parlant à l’envers, ce n’est pas la chose la plus facile et certainement pas la meilleure idée du siècle, mais c’est amusant, et je crois que j’ai besoin de ça, des moments amusants pour me détendre un peu, pour ne pas penser aux choses qui me rendent malheureuse.
On arrive finalement au pub et je ne peux qu’être soulagée. Je suis non seulement fatiguée par ma journée et par le match, mais également par cette marche et cette gymnastique mentale. Me poser et boire un ou deux verres ne pourra que me faire du bien. Et puis, dans quelques minutes, nous ne seront plus obligés de parler à l’envers, et on pourra enfin raconter plus en détails notre vie sans vouloir trouver des raccourcis pour ne pas avoir à réfléchir trop. C’est du moins ce que je fais depuis la sortie du stade. Lemony s’approche du comptoir, il y a pas mal de monde mais ce n’est pas non plus complètement blindé. J’attends de voir comment il compte s’en sortir pour commander à boire à l’envers sans avoir l’air trop ridicule, mais il s’en sort en trichant un peu. Je ne peux pas lui en vouloir, j’aurais probablement essayé de faire pareil. On ne voudrait pas se faire virer du bar juste pour un stupide pari. Il demande tout de même mon approbation d’un regard en coin, et je lève mon pouce pour lui faire comprendre que ça passe. On doit avoir l’air de deux débiles, surtout moi avec ma tenue. Une fois les deux bières bien fraîches servies, on se dirige vers le jeu de fléchettes. Il me tend les trois fléchettes qui étaient précédemment accrochées à la cible et finit par répondre à la question que je lui ai posée avant d'entrer dans le bar. La commère en moi l'écoute attentivement, le lancer de fléchettes peut attendre. Le voir avoir du mal à trouver ses mots est assez mignon, je dois avouer. Je souris. Il me demande mon avis.
« Ment-ple-sim out aime lle-que ze-cho que-quel. Ienb nais-co la tu que ve-prou qui ze-cho que-quel ste-ju, fleurs de ou ner-dî grand d'un soin-be pas. »
Je lance la première flèchette alors que Lemony dit être nul pour ce genre de chose. Le lancer est pas trop mal pour un premier lancer. Triple vingt, c'est pas mal du tout.
« Nul pas n'est tu. Même toi sois. »
Je lance mes deux autres fléchettes pour finir ma volée. La première vient se planter dans une case qui vaut vingt et la toute dernière dans le triple dix-neuf. Mon score passe alors de cinq-cent-un à trois-cent-soixante-quatre. Je vais détacher les fléchettes de la cible pour les donner à Lem.
« Mieux re-fai de ssaie-e. »
Visiblement, il ne parvient pas à mettre une seule fléchette dans la cible. Je me retiens de pouffer de rire, mais je suis certaine qu'il n'est pas totalement concentré. Je bois quelques gorgées de ma bière et lance un regard à l'horloge du pub. Le temps du pari est écoulé, et ce n'est pas trop tôt.
« Bonne nouvelle, Lemony, le temps est écoulé. On peut enfin de nouveau parler normalement ! »
Je prends de nouveau les fléchettes, pour lancer ma volée. Un simple deux, un triple trois et un double huit, ce qui fait un total de vingt-sept points. C'était moins bien, mais je suis encore en train de gagner et mon score descend à trois-cent-trente-sept. Alors que je tends les fléchettes à Lemony, un homme un peu plus âgé vient me voir.
« Pas mal avec les fléchettes, mais si tu cherches le carnaval ma jolie, tu t'es trompé d'endroit. »
Je l'ignore, me rapprochant de Lemony et faisant comme si je n'avais pas entendu ce qu'il me disait. J'attrape ma bière, fixant la cible et ne répondant toujours pas à l'inconnu. Je ne retire pas mes lorgnospectres pour autant, je ne voudrais pas lui donner gain de cause.
« Allez, montre moi que tu sais jouer aux fléchettes Lem. »
Et à voix basse je finis par ajouter quelques mots.
Le sport est une grande affaire pour ceux qui ne le pratiquent pas.
- 28.02.2004
« Nul pas n'est tu. Même toi sois. » Je fronce les sourcils. J’ai presque l’impression d’entendre ma mère alors que je me préparais pour mes premiers rendez-vous avec Emma. Sauf qu’il parle à l’envers et qu’elle a vingt ans de moins, bien sûr. C’est gentil de sa part, mais ça ne m’est d’aucune utilité. Ca me travaille suffisamment pour rater lamentablement la cible. Alors que je lui rends les fléchettes en l’avertissant que ça ne signifie pas pour autant qu’elle doit considérer qu’elle a déjà gagné, elle lance un regard à l’horloge du pub. « Bonne nouvelle, Lemony, le temps est écoulé. On peut enfin de nouveau parler normalement ! » Je saisis ma bière et la lève en cet honneur. C’était amusant, mais ça n’est pas exactement la meilleure façon de communiquer avec une amie. Un homme se rapproche de nous et se fend d’un commentaire moqueur alors que je lève les yeux au ciel. Quel idiot. Je me demande si Mara ne pourrait par retirer son déguisement – mais il y a toujours la possibilité que d’autres sorciers aient comme nous envie d’un verre, ou que d’autres odieux petits personnages ne se permettent de venir nous déranger en faisant des commentaires sur son joli minois – j’ai suffisamment traîné dans les bars moldus quand j’étais en Allemagne pour savoir combien certains hommes pouvaient se montrer lourds à la vue d’une jolie fille. Comment peuvent-ils penser que c’est une bonne idée ? Une bonne approche de se montrer désagréable ? Je me trouve nul quand j’essaie de séduire, mais disons qu’au moins ils me permettent de relativiser. Mara l’ignore royalement. « Allez, montre moi que tu sais jouer aux fléchettes Lem. » Elle baisse d’un ton pour ajouter : « Et ne fais pas attention à lui. » Je lui adresse un sourire compatissant en saisissant les fléchettes. « C’était pas prévu. » Je vais me poser devant la cible, et j’entends l’homme grommeler derrière moi – mais sans doute lassé que nous ne lui adressions pas même un regard, il tourne les talons alors que la premières des fléchettes vient enfin de planter dans la cible. En plein dans le mille. Je me tourne vers Mara en sautillant presque d’enthousiasme. « Quand j’étais à Berlin, j’avais un tout petit studio. Du coup, j’avais deux points de chutes où je passais le plus clair de mon temps quand je n’étais pas à l’université : un restaurant pas très loin – je n’ai jamais autant mangé de sushis de ma vie, c’était presque la base de mon alimentation, et un pub tenu par un anglais au coin de la rue. Il y avait un billard et des fléchettes, et j’ai dû faire des centaines de parties. Tu n’as aucune chance. » Je ne le pense pas vraiment, elle est sans doute bien plus agile et plus précise que moi, mais comme pour confirmer ce que je suis en train de dire, mon second lancer me rapporte un triple dix-huit. Ah ça, c’est tout de suite mieux quand je me concentre ! Je finis par un simple quatorze, mais je suis satisfait. Si je me suis raté tout à l’heure, tout n’est pas perdu, rien n’est joué. « Je t’avais dit que je n’étais pas mauvais. » Je récupère les fléchettes sur la cible, et les regarde un instant songeur, avant de me retourner vers elle. « La dernière fois que j’ai dragué quelqu’un, c’était dans ce bar, en Allemagne je veux dire, pas ici. Il s’appelait Gustav. » Je n’ai pas échangé avec lui depuis mon retour en Angleterre, mais je m’en souviens avec une certaine tendresse. Je me souviens l’avoir rencontré à la soirée de premier de l’an où Orion était venu me voir, la première fois en plusieurs années que je voyais un ami sorcier. Il portait cet énorme costume d’astronaute, et je me souviens avoir complètement fondu devant ses grands yeux noirs en sortant lui demander du feu pour fumer une cigarette – c’est vrai que je fumais occasionnellement, à l’époque. « Je ne sais plus exactement comment ça s’est passé, mais c’était… Différent. Je n’ai vraiment pas la moindre idée de comment m’y prendre avec Erin. C’était une amie il y a… plus d’une dizaine d’années. Mais je ne l’avais pas revue depuis. Et… C’est une sorcière, je suis pas sorti avec une sorcière depuis… Bah depuis Poudlard. » De façon générale, je ne suis pas sorti avec une femme depuis Emma et personne n’avait plus réussi à me faire sentir comme cela depuis elle… Est-ce que c’est glauque ou quoi, que je me sente comme cela avec la poufsouffle alors que je l’ai retrouvée justement après avoir eu des nouvelles de mon ancienne amante ? Je secoue la tête et tend à la brune les fléchettes. « Hm… Dis-moi, quel genre de choses je pourrais l’inviter à faire ? Je veux dire… De choses pas moldues, quoi… » Quoique ça lui plairait sûrement, d’aller au cinéma. Est-ce qu’elle aimerait aller dans une salle d’arcade ? Est-ce que ça lui plairait, un concert, ou un ballet ? C’est terrible, je n’ai aucune certitude, et j'ai l'impression d'être horriblement vieux jeu. « Et toi d’ailleurs… Il y a quelqu’un dans ta vie ? Ou que tu aimerais bien dans ta vie, au moins ? » Mon regard va à la pendule – il ne faudrait pas rater le portoiloin. Mais nous avons largement le temps de finir la partie avant de rentrer.
« I don't care if you fall off your broom as long as you catch the Snitch first. »
Pourquoi certaines personnes se sentent obligées de s’imposer dans la vie des gens sans y être invité ? Je devrais être habituée avec tous les journalistes qui se sont intéressé à ma vie privée, mais là, c’est encore autre chose. Autant je n’aime pas vraiment quand les journalistes se mêlent de ce qui ne les regarde pas, mais c’est leur boulot et le plus souvent, ils ne cherchent pas à nuire. Alors que là, en l’occurrence, cet abruti n’est pas là pour un autographe ou un article scoop. Cet homme est juste là pour emmerder le monde, comme s’il n’avait rien de mieux à faire de sa vie. Heureusement que notre gage est terminé autrement il n’aurait pas manqué de faire remarquer ce détail. Il faut croire qu’il y aura toujours des êtres stupides qui ne savent pas s’amuser et qui se permettent de juger tout ce qui est différent. C’est très récurrent dans le monde moldu, visiblement, bien que le monde sorcier ne soit pas pour autant épargné.
Je dois avouer être surprise lorsqu’à son deuxième essai, Lemony met la fléchette droit dans la cible. Il cache bien son jeu, en fait. Moi qui pensait que j’allais gagner haut la main, il rajoute une dose de challenge, et ça me plaît. De plus, le lourd qui est venu m’adresser la parole semble en avoir eu marre et a rebroussé chemin. Je suis encore bouche bée alors qu’il commence à m’expliquer sa vie à Berlin. Ceci explique pourquoi il est capable de mettre la fléchette dans la cible de cette manière. Je ne suis pas une pro dans ce domaine, mais je sais reconnaître la chance et la maîtrise.
« Tu caches bien ton jeu, Lem. Mais ne crois pas que tu vas gagner aussi facilement. »
Je ne lésine pas sur la bière. J’ai soif et je n’ai pas envie de retourner au comptoir demander un verre d’eau, alors ce sera la bière. En tout cas, c’est encore mieux s’il sait jouer, je n’apprécierais pas une victoire trop aisée.
Il continue de raconter un peu sa vie. Même si cela fait un moment que je connais Lemony, il y a plein d’anecdotes sur lui que je ne connais pas. Donc la dernière fois qu’il a dragué quelqu’un remonte à lorsqu’il était encore en Allemagne, donc quelques temps déjà. Pourtant, il paraît que c’est quelque chose que l’on oublie pas avec le temps. Je ne suis pas vraiment bien placée pour ça, des hommes, j’en ai fréquenté quelques uns ces dernières années. Jamais rien de bien sérieux, mais je n’ai pas eu le temps d’oublier comme séduire – je crois.
« Oh, Gustav était donc un moldu. Evidemment, tu n’iras pas faire des choses de sorcier avec un moldu, mais avec une sorcière, tu peux totalement te permettre des choses moldues. Je ne sais pas trop, tout dépend de ce qu’elle aime, mais un repas, une balade, ça peut suffire, tu sais. »
Je joue avec les fléchettes entre mes doigts, réfléchissant à quelque chose de sympa, mais je n’ai jamais vraiment été à des rendez-vous hors du commun. Ca m’a toujours suffi, je n’ai jamais cherchée à être éblouie de toute manière, parce que l’engagement et moi, ça fait deux. Je ne lance pas mes fléchettes tout de suite, bien trop perdue dans ma réflexion, puis Lemony pose la question que j’espérais qu’il ne pose pas. Mais c’est de bonne guerre.
« Oh tu sais, moi et les relations… Ça va, ça vient, je ne m’attache pas, parce que… Parce que je n’aime pas m’attacher. Ceci dit, je n’ai eu personne depuis l’accident, à croire que les accidentées, ça n’attire pas plus que ça. »
Je connais pourtant la raison. J’ai refusé de voir pas mal de monde pendant un bon moment, alors avoir un petit ami était loin d’être ma priorité.
« Mais maintenant que tu poses la question, il y a… cet homme. »
Je souris, un peu rougissante, mais ça doit être la chaleur de la pièce et l’alcool, tout simplement.
« On s’est rencontré pour des raisons professionnelles, mais je ne sais pas, il est… Il a ce truc. Et… C’est pour ça que j’hésite à aller à la foire de demain, parce qu’il m’a invitée. Je crois que c’est un rendez-vous, mais je ne suis pas sûre. Tu penses que je devrais y aller ? »
Finalement, je jette mes fléchettes et mon score est loin d’être fameux. En même temps, mais mains tremblent rien qu’en pensant à la chevelure ébène et bouclée de Malachy. Je crois que je devrais vraiment aller à ce rendez-vous.