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Tout ce qui est exquis mûrit lentement. || Nigel & Melchior
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

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Melchior C. Fawley

Melchior C. Fawley
MEMBRE
hiboux : 189
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Ven 22 Mai - 18:29

 
Tout ce qui est exquis mûrit lentement.
Ce n’est peut-être pas pour rien que je n’ai pas eu la joie d’avoir une descendance, je comprends en essayant de parler de magie à mon neveu que tout cela est devenu pour moi une si grande évidence que je ne suis plus en état de l’expliquer. Peut-être aurait-ce été différent, il y a quelques décennies, alors que j’étais plus jeune, plein de doutes, de questions. Parler de casuistique et de théologie, c’est à mon niveau, exprimer ce rapport à la magie en est une autre. J’ai une certaine admiration je crois, pour ceux qui enseignent aux jeunes chœurs célestes. « Je ne te mens pas, cette force spirituelle me dépasse. Je ne conçois pas comment elle peut différencier tant que cela la forme de magie - je me laisserai peut-être tenter à lire dessus, un jour. Tu me conseilleras des ouvrages ? » Je souffle par le nez, sorte de rire contenu. « C’est peut-être terriblement prévisible Nigel, mais le premier ouvrage qu’il faut lire encore et encore pour comprendre, c’est la Bible. » Comprendre qu’il a façonné le monde, qu’il nous a façonné, voir ce tout que Lui seul peut appréhender… Ce  peut sans doute être quelque chose d’inconcevable, de sinistre peut-être pour celui qui ne croit pas en Son Amour. Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. Est-ce cela, la vraie foi, est-ce parce que je l’ai compris que j’ai cessé de douter ? Est-ce une seule question de foi, finalement ? Est-ce pour cela que mes mots n’ont pas blessé Edna, lorsque notre relation a failli éclaté, parce que je ne croyais plus en rien dans mon malheur ?

Nous en arrivons aux questions sur la pratique, sur la voix même. « N'est-ce pas frustrant ? » Je souris. « Jamais. » Quelle frustration peut naître de se sentir en maîtrise ? Bien sûr, il est tentant de se laisser parfois porter ou emporter, bien sûr j’ai connu des colères. Je les regrette plus qu’autre chose. Ce n’est pas frustrant, non, c’est libérateur. Finalement, c’est quand on n’y échoue que vient vraiment le trouble – et je rougis plus volontiers de mes échecs que de mes réussites. « Tu l'as dit toi-même, ton pouvoir est potentiellement écrasant, mais il te faut parler. Tu dois bien vouloir être certain de pouvoir maîtriser tout autant ton autre outil, si tu ne devais plus pouvoir t'exprimer, non ? » Je plisse les yeux. « Que ferais-tu si on te privait de ta baguette ? Tu irais sans doute en choisir une autre, si tu le pouvais, ou tu ne ferais plus de magie. Si l’on me prive de ma voix, je n’ai plus la magie tant que je ne l’ai pas retrouvée, de la même façon. Je ne vois pas pourquoi je chercherais à apprendre la magie informulée alors que j’ai soixante seize ans et que je travaille dans un bureau, alors la question de ma capacité à maîtriser ma baguette ou non ne se pose pas vraiment. Tout ce que je peux faire, c’est essayer de ne pas devenir muet. Il y a des moyens de s’en protéger, pour ce qui est des causes magiques. Et si c’est mon âge et ma santé qui me prive de ma voix un jour, et bien je pourrais être privé de la précision de mes mouvements ou de mon esprit de la même façon, on ne gagne pas contre la vieillesse. »

Les mots nous entraînent de ces réflexions sur sa tradition à son emploi du temps, et à sa solitude.  Je l’encourage, mais mes mots ne trouvent pas en lui échos que je voulais. « Il vaut parfois mieux être seul, Melchior. » Cet enfant !… Heureusement que ce n’est pas le mien, je crois qu’il pourrait me rendre fou. Je pense à mon frère, à sa fatigue, à sa santé peut-être plus déclinante que la mienne alors que je suis l’aîné – et à ses fils. « On n’est jamais seul Nigel, mais ça ne veut pas dire qu’on ne doit pas être bien entouré. » Ma voix est un murmure. Il est là, Lui, toujours, et peut-être que Theobald supporterait mieux ses vieux jours s’il en avait vraiment conscience. Pourtant je sais bien que la plupart d’entre nous ne sommes pas faits pour une vie monastique faîte de prières, et qu’il faut savoir trouver son réconfort chez nos semblables. C’est aussi cela, la charité chrétienne. Je le regarde boire rapidement son verre, et je constate que l’envie passagère de le rejoindre en prenant une autre boisson m’est déjà passé. Ma nouvelle question le fige dans son élan, et il est pris d’un rire qui me fait lever un sourcil. Quelle surprise, que je m’intéresse à la vie de ma famille ? « Je n'y ai jamais réfléchi, tu sais ? Personne ne m'a jamais posé la question, et j'ai préféré ne pas me le faire non plus. » Je regarde sa main qui va à son alliance, et mes doigts glissent presque malgré moi au doigt où se trouvait la mienne, enlevée rapidement après la mort d’Edna. Et bien je suis la personne qui l’aura posé, cette question, même si je trouve curieux que ni mon frère ni sa femme ne s’y soit tenté. « Il est peut-être temps, maintenant. Bientôt. Tu ne l'as jamais fait, toi. » Je laisse échapper un grand éclat de rire, face à l’incongruité de sa remarque. « Edna est morte il n’y a pas deux ans, on ne recommence pas ce genre de choses de la même façon à soixante quatorze qu’à quarante sept. » Je porte mon verre à mes lèvres et me reprenant un peu. Nigel n’est pas un idiot, il doit bien se douter, si ce n’est pas une certitude, de quoi a été fait mon mariage. Peut-être parle-t-il de cela ? « J’ai été marié cinquante et un ans à la même femme Nigel, une épouse que je n’avais pas choisie, que je n’avais qu’à peine croisée avant la célébration de nos fiançailles. Je ne peux pas refaire ma vie, je n’ai pas la moindre idée de comment on refait, ou on fait sa vie, dans ce sens en tout cas. » Je baisse encore les yeux sur cet annulaire libre, et mes doigts caressent l’endroit exact où se trouvait l’anneau. Ça a été une libération, de l’enlever. « Tu sais… Je crois que je n’ai jamais été amoureux. J’ai quelques souvenirs d’émoi d’adolescent, mais rien de plus. J’ai beaucoup aimé dans ma vie, ma familles, mes amis, mais pas comme ça. Et ça ne m’a jamais manqué, je ne crois pas que j’aurais été doué pour cela, même avec une autre. J’ai failli à ta tante, j’ai manqué à la promesse que je lui avais faite à notre mariage, de la chérir et de la protéger. Peut-être qu’elle, elle aurait été plus heureuse si nous avions divorcé, mais c’était si évident que ça n’arriverait pas… Et même si ça avait été le cas, je ne crois pas que j’aurais pu refaire ma vie, que je l’aurais voulu. » Je soupire en reposant mes mains sur le bar. « La seule chose que je regrette, c’est de ne jamais avoir eu d’enfant. J’ai toujours envié ton père de vous avoir eu, tous les deux, même si je l’ai aussi souvent plaint. » Je lui jette un sourire moqueur. Finalement, je le préfère ici, dans un bar et seul, que dans le genre de mariage que j’ai eu. « Mais tu n’es pas comme moi. » La vie, ce n’est pas ce que tu crois. C’est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. « Je ne vais pas te mentir, je m’inquiète pour notre nom, pour notre héritage. » Je l’ai aimé ce gosse, malgré toutes ses bêtises. Il portera certainement un jour le sceau familial que j’ai au doigt – et que j’ai porté plus fièrement que mon alliance, et j’aimerais qu’il comprenne que c’est important, mais j’aimerais aussi que le sang de mon sang n’ait pas à se priver de son bonheur pour cela. « Tu devrais y penser, mais seulement si cela peut t’apporter un peu de joie. »

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Nigel A. Fawley

Nigel A. Fawley
MODÉRATRICE
hiboux : 165
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Dim 24 Mai - 13:30

FAWLEY
Nigel

Fawley
Melchior

Tout ce qui est exquis mûrit lentement
Il souffle, c’est presque un rire, et cette humeur vous suivra tout au long de la discussion. Tu sens son regard, peut-être amusé de te savoir tant en décalage, peut-être lassé que tu n’y comprennes que si peu. Tu ne t’en préoccupes pas, pas ce soir, concertant tes efforts sur ses paroles, pour mieux s’abreuver de son savoir. Une mimique amusée t’échappe aussi, à sa réponse brûlante d’évidence. Le livre saint, quelle question. Tu dois en avoir un exemplaire, chez toi, peut-être – ta mère en aura un à te prêter, si ce n’est pas le cas. Est-ce que tu t’y plongeras vraiment, homme qui se prend si vite de passion pour un projet et s’en détourne d’autant plus rapidement ? Lire les histoires du Seigneur t’apporterait peut-être un réconfort, même si tu n’en es pas convaincu – mais parviendraient-elles à te faire comprendre comment ton oncle conçoit son monde, sa magie, sa pratique ? Tu hausses les épaules, ne pouvant te projeter, incapable de répondre à cette question sans avoir tenté.

Cela ne t’empêche pas, pourtant, de reposer un regard intéressé sur le vieil homme, alors que tes interrogations pratiques trouvent réponses dans ses mots. Les nuances entre utilisations d’une baguette et d’une voix commencent à se révéler, et ta curiosité ne peut que se voir renouvelée face à cette mention de contrôle de soi. Évidemment, un éclat de colère pourrait être dévastateur pour qui utilise ses mots pour créer, transformer. Ce contrôle incessant, cette retenue démesurée, comment ne peut-elle pas brider ? Comment n’est-ce pas frustrant ? Il sourit, pourtant, il t’assure que ça ne l’est pas, jamais. Il n’explicite pas, et tu comprends que c’est de ces choses-là, qui ne s’expliquent pas. Comme pour la théorie, qui n’est qu’apprentissage de Ses leçons, et compréhension de Sa vision du monde – la frustration n’est pas, parce qu’il y a la présence d’un équilibre, qui t’échappe encore, à toi. Qui t’échappera longuement, certainement. Alors tu creuses, tu appuies, tu cherches à comprendre le reste, au moins cela. Comment faire, quand la voix t’échappe ? Quand elle n’est plus ? N’est-ce pas affolant ? Sa réponse, comme toujours, est claire et censée. Si tu te trouves toi-même sans baguette, tu es finalement dans cette même position qui te paraissait affolante. Pourquoi calques-tu si difficilement de situations similaires, sous le seul soucis qu’il s’agisse ici de voix, et que cet outil te perturbe énormément ? Un soupir t’échappe, et tu hoches la tête, admettant d’un souffle que tu as été idiot, avec cette question. La réponse te laisse songeur, seulement, te confrontant à la réalité de la vieillesse, qui peut frapper tout homme bien trop vite. Ta magie avait moins brillé que celle d'Hekate, le mois dernier, quand vous avez tenté des mélanges de whisky odieux - est-ce de moins pratiquer la magie ? Parce que tu es moins doué, tout simplement ? Ou parce que tu vieillis, et parce que ta maîtrise de tes gestes s'amenuisent ? Tu secoues la tête, repoussant au loin ses absurdités. Voilà que tu fêtes à peine tes quarante-sept ans, et tu t'imagines octogénaire incapable de contrôler sa baguette. Quelles âneries. Tu te contentes de souffler, trop sincère :

- Ce doit être l'idée de ne pas avoir d'alternatives qui m'agace. Que ce soit toi et ta voix, ou moi et ma baguette, si l'on nous retire ces deux outils, nous nous retrouvons bien bêtes. Déprendre ainsi d'un seul objet pour pratiquer ce qui me définit, me construit… Cela me déplaît, et je n'y avais jamais songé auparavant. Je ne crois pas être suffisamment talentueux pour maîtriser la magie sans baguette, admets-tu avec un sourire en coin, alors je plaiderais la vieillesse quand mes forces me feront défaut.

C'est sur un dernier mot lancinant d'Ella que ton rire résonne, surpris par la question si particulière qui tombe entre vous. Tu ne t'attendais pas, ce soir, à parler de ta vie sentimentale, et d'autant moins avec Melchior. Tu n'as pas parlé de cela, après tout, depuis de longues, longues années. Avec qui l'aurais-tu fait ? Tes parents ne se sont pas risqués à te questionner sur le mariage, bien trop occupés à essayer de te détourner de ce pub où tu fatigues tes mains et, surtout, à te pousser à siéger auprès des conseillers de l'Enchanteresse. Quelle importante que la présence d'une femme a tes côtés quand soucis aussi importants leur pèsent sur l'esprit ? Alors un rire t'échappe, et tes doigts trouvent le chemin de ton alliance, jouant avec, comme tu le fais trop souvent. Il faudrait que tu la retires, maintenant. Il faudrait, oui. C'est ce que tu lui avoues, alors, peut-être le faudra-t-il, que tu penses à l'avenir, à te lier à quelqu'un d'autre. Tu ne pouvais éternellement regretter les boucles d'Helen, et sa bouche qui embrassait ta nuque, ses lèvres qui caressaient ta peau. Tu dois encore oublier l'accent que prenait sa voix, quand elle te clamait du théâtre italien, dans une traduction anglaise passable, qui vous faisait rire. Oublier ces moments suspendus, où tu as aimé si fort, si passionnément, que la haine n'avait pu être que la seule réponse envisageable à l'affront qu'elle t'avait fait. Un soupir, contrôlé, las. Melchior sait-il, lui aussi, ce que tout le milieu s'est murmuré, à l'époque ? Ces messes basses, d'homme trompé ? Comprend-il, alors, plus facilement ce rejet de l'après, d'une nouvelle âme à côtoyer ? Il doit la comprendre. Il doit savoir, comme c'est compliqué, de refaire sa vie. Rien même que de l'imaginer. Après tout, il n'avait jamais osé.

C'est un éclat de rire qui le secoue, et tu sens toi-même tes lèvres se relever. Certes, la question avait des airs absurdes, glissée ainsi, implicitement. Un vieil homme, comme lui, cheveux gris, yeux ridés, refaire sa vie ? Un homme comme lui, surtout, débordant de charisme et d'intelligence, qui aurait mérité une compagne qui le rende bien plus heureux. S'imagine-t-il que tu n'aies rien vu, par cette réaction trop rieuse, des tourments de son couple ? Oh, tu n'en sais pas beaucoup, mais il faudrait être naïf, niais, imbécile peut-être, pour s'imaginer que le mariage de Melchior et son épouse fût passionnée. Celui de tes parents ne l'a pas été non plus, du moins pas de la passion que tu aimerais voir calquer sur ta vie. Les bleus de ta mère, longtemps, ont su montrer les élans passionnés, sanguins finalement, de ton père, mais l’âge semblait avoir fatigué ses élans volcaniques. Peut-être tes regards, aussi, noirs et méprisants, ont su calmer ces laissers-allers. Malgré cela, pourtant, aux yeux de tous, Susan et Théobald Fawley demeuraient un couple froid, à l’affection glacée certes, mais un couple. Melchior et ta tante, peu importe sous quel angle tu les avais regardé, ne faisaient pas couple marié, couple lié. C'était deux personnes, amenées à vivre ensemble, à partager leur vie. Il semble comprendre où tu voulais en venir, pourtant, car ses propos ne font que confirmer ce que tu te dressais d'eux. Tu avais eu une chance insolente, en épousant Helen, en tournant le dos à la promise que t'avait réservé ton père, en taillant ton propre bout de bonheur dans le plan de vie d'ordinaire immuable de tout fils sang-pur, qui plus est premier fils. Melchior n'avait pas eu cette opportunité, marié sans seconde pensée à une complète inconnue, douce et gentille, c'était déjà cela de gagné. C'est presque attendrissant, finalement, de l'imaginer arpenter les rues londoniennes, au bras d'une nouvelle femme convoitée, qu'il apprendrait à courtiser. Il n'était trop vieux que s'il ne s'imaginait l'être. Pourtant, sûrement ne trouverait-il aucun réconfort entre les bras aimants d'une épouse, quand il a déjà trouvé un équilibre auprès des mots du Seigneur. Peut-être, une fois encore, ne t'imagines-tu que trop de choses sur le pouvoir de la foi.

Tu abandonnes ton alliance du regard pour reporter tes prunelles sur ton oncle, qui t'avoue ne jamais avoir aimé, pas comme cela. Ta mâchoire se crispe, un frisson te traverse, alors que Fitzgerald dit encore trop fort des mots d'amour. L'idée de ne jamais avoir connu cette force, cet amour déstabilisant, cela te ferait tourner la tête, et te donner tout entier à Méphistophélès pour pouvoir y goûter. C'était trop bon, trop beau, aussi destructeur cela pouvait-il être, pour ne jamais être vécu. Tu sens ton torse se pencher, alors que tu souffles dans une confidence, la réalisation te venant de plein fouet :

- Peut-être aurai-je préféré, comme toi, ne jamais l'avoir connue, cette sensation, parce qu'alors elle ne pourrait me manquer. Quand on connaît le goût d'une chose, on ne peut que regretter qu'elle nous soit dérobée. Si elle nous est inconnue, le vide que son absence crée serait inexistant. Tu soupires, passant une main dans tes cheveux, les désordonnant. Ma tante aura sûrement pensé comme toi, ne pouvant souffrir elle non plus d'une absence, n'ayant pas connu la chose. J'aime à croire que vous ayez été aussi heureux que votre temps vous le permettait.

Il soupire, alors, et avoue ne regretter qu'une chose, l'absence d'enfant. Aussitôt, ton estomac se tord en réponse, et tu détournes les yeux. Tu t'autorises un semblant de sourire, alors qu'il moque ton père qui vous aura subi, Paul et toi, et tu lèves les yeux au ciel.

- Nous étions des cadeaux du ciel.

Il n'est peut-être pas convaincu, mais son œil pétille, ne retrouvant sérieux que lorsqu'il te souffle ces mots. Tu n'es pas comme lui. Il te semble qu'un courant d'air froid te remonte le dos, te fait dresser les poils, et tu résistes tant bien que mal aux pensées défaitistes qui te tombent dessus. Il poursuit, seulement, s'inquiétant pour le nom Fawley, pour votre famille. Tu retiens un soupir, mais ton regard s'est foncé, et tu es prêt à faire taire Melchior. Tu as parlé de tout, ce soir, quasiment, seulement ce sujet-là pèse trop pour que tu aies le coeur d'y rebondir. Tu penses au cadeau magnifique qu'il t'a fait, où la page à ton nom s'arrête tristement, sans descendance aucune. L'idée te rend malheureux, car il y a des années, tu t'imaginais homme bientôt le plus heureux du monde, femme superbe à tes côtés, prête à t'offrir l'existence la plus précieuse à chérir. Celle à éduquer, à gronder, à aimer, à faire voler de ses propres ailes, à voir faire perdurer votre nom, si fort, si puissant. Une existence, à chérir de sorte à effacer toutes les horreurs que ton père avait fait peser sur toi. Peut-être, finalement, n’était-ce qu’un signe du tout puissant, te révélant que tu n’aurais pas été à même de te détourner de cette force sanguine qui pulse en vous, et qui mate aussi bien adulte qu’enfants. Peut-être n’aurais-tu pas su être un père comme tu aurais aimé l’être, comme Paul voyait votre père, alors on t’avait empêché même d’essayer. La famille Fawley, donc, sans descendance. Tu n'as pas le temps de l'arrêter là, pourtant, car déjà il enchaîne et ses derniers mots douchent toute anxiété et gêne qui gonflaient sous ton crâne. Si cela devait t'apporter un peu de joie. Seulement sous cette condition. Tu te dégonfles, alors, ton dos se courbant, tes traits se faisant fatigués, et tu lui adresses un sourire triste.

- J'y penserai, promets-tu. Pouvoir être père, ce n'est pas un petit plaisir, un honneur minime. J'aimerais, qu'un jour, il y ait à la suite de mon nom, sur cet ouvrage superbe que tu m'as offert, le prénom de ceux qui feront ma lignée. Je l'aimerais, mais je vieillis. Peut-être n’aurais-je pas su être…

Tu t’interromps, refusant à dire ces mots déjà à peine assimilés, et tu gardes le silence quelques secondes, avant qu'un souffle t'échappe des narines, rire contenu devant le scénario qui vient de t'apparaître.

- Si un jour cela devait arriver, en l'honneur de cette douce soirée, tu seras le premier mis au courant, Melchior. Et leur mère, je tâcherai de l'aimer pour deux, conclus-tu, levant ton verre en sa direction.

Peut-être, qui sait, que bonheur aussi pur te sera offert. Peut-être que tu pourras le partager, avec cet homme qui a toujours été là, que tu t’imagines toujours d’autant plus loyal et fort, toujours aussi rigoureux mais aimant. L’opposé, finalement, de Théobald. Lui, l’homme sanguin, colérique, sévère à t’en faire saigner les doigts, qui s’était transformé en un homme méprisable, dégonflé d’enthousiasme, déversant toutes ambitions familiales entre tes mains. Et Melchior, Melchior l’homme tranquille, l’homme serein, qui se contrôlait et contrôlait si bien les autres. Non, vraiment, quels tableaux si différents. Tu te les dresses toi-même, alors sûrement sont-ils déviés de la réalité, sûrement embellis-tu celui que tu apprécies davantage, mais tu ne peux cesser de songer que les Fawley ont toujours su faire des fratries faites d’opposés. Et parce que c'est de ces soirées où les confidences obscures se révèlent au monde, tu lui souffles :

- Tu n'as peut-être pas eu d'enfants, mais parfois, souvent, je me réfugiais chez toi, espérant ne pas avoir à repartir, à pouvoir m’y fondre comme si j’étais le tien. Sourire désabusé te monte aux lèvres, et tu retrouves son regard, ajoutant : J’imagine que tu ne m’aurais pas laissé acheter Helen, de toute façon, même à quarante ans, alors je n’ai plus trop de regrets.

C'était plus facile, finalement, de calquer un amour qu'on voudrait dédier à son père sur quelqu'un comme Melchior, suffisamment proche pour mériter ce transfert. Parce qu'il n'était pas celui qui bridait, qui était le père sévère, parce qu'il n'était que Melchior, l'oncle adoré, et s’il avait pu être père tout aussi pincé que le tien, tu n’en savais rien, tu ne le saurais jamais, et cela avait permis ses rêveries enfantines.

- Bon sang, il ne fait pas bon vieillir, je me ramollis. Sourire aux lèvres, tu reposes ton verre contre le bar, et claques tes deux mains l'une contre l'autre. Il se fait tard, mon oncle, et Helen va se retrouver débordée d’ivrognes et soulards. Il y avait un match, ce soir, ils vont venir en masse.

Tu passes déjà une main lasse sur tes épaules, te massant distraitement, peu prêt à entamer une nuit de service, où hommes bougons côtoieront fans victorieux. Tu espères surtout qu’il n’y aura pas de rixes, pas d’imbéciles à sortir d’un coup au derrière du côté de l’allée des embrumes.

- Il faudra que tu viennes plus souvent, Melchior – je t’écrirais, pour les soirées musiciennes, tu me feras bien le plaisir d’y passer ? Et, contournant le bar, tu viens brièvement le serrer contre toi. Merci encore, pour le livre. Et, plus bas, d’un souffle : Tu n’oublies pas, pour Paul ?

Tu t’éloignes, alors, yeux toujours braqués sur lui, ton sourire aux lèvres ne reflétant pas tous les tumultes que cette soirée avait apporté. Paul, l’âge qui monte, ta solitude, tes enfants inexistants – c’était beaucoup, avant une prise de service, tout de même. C’était trop d’échos, à tout ce qui ne va pas, à tout ce qui te retourne l’esprit, quand tu oses y poser un oeil. Melchior avait raison, toutefois, tu ne peux pas éternellement tourner le dos à ces choses-là, au risque de regretter, dans vingt ans, attablé à ce même bar, de n’avoir rien fait pour relancer ta vie. La relancer, alors. N’est-elle pas bien, comme elle est ? Serait-elle mieux, avec un marmot dans les pattes ? Aurait-elle été mieux, coincé dans ton bureau d’avocat ? Tes doigts retombent sur ton alliance et, pour la première fois, l’idée de la faire glisser de ton doigt trouve échos dans tes pensées. Pas ce soir, pourtant, pas maintenant. Un jour, bientôt. Quand les mots de Melchior t’auront suffisamment secoués, que la peur d’être trop seul, trop triste, t’aura bien imprégné. Ce soir, tu retournes simplement derrière le comptoir, et flatte aux premiers clients grognons les bienfaits du Sweet Notes of Mary pour oublier les défaites cuisantes. Distillation maison, vous m’en direz des nouvelles.


ft. @Melchior C. Fawley, 2619 mots

Melchior C. Fawley

Melchior C. Fawley
MEMBRE
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Jeu 28 Mai - 23:52

 
Tout ce qui est exquis mûrit lentement.
Mon argument semble le toucher sans qu’il n’en tire vraiment une satisfaction. « Ce doit être l'idée de ne pas avoir d'alternatives qui m'agace. Que ce soit toi et ta voix, ou moi et ma baguette, si l'on nous retire ces deux outils, nous nous retrouvons bien bêtes. » L’absence d’alternative, le besoin de contrôle, en quelque sorte. Ne pas se trouvé dépourvu. Je souris. Il y a des choses sur lesquelles il faut apprendre à lâcher prise – mais peut-être que je ne devrais pas lui faire cette leçon aujourd’hui, en plus de tout le reste. « Déprendre ainsi d'un seul objet pour pratiquer ce qui me définit, me construit… » Je me pince les lèvres. Est-ce que la magie me définit plus que le reste, me construit plus que le reste ? Moins que la foi, je crois. Mais j’imagine que pour un hermétique, la question ne se pose pas de la même façon – encore que. Nigel serait toujours Nigel, pour moi au moins. « Cela me déplaît, et je n'y avais jamais songé auparavant. Je ne crois pas être suffisamment talentueux pour maîtriser la magie sans baguette, alors je plaiderais la vieillesse quand mes forces me feront défaut. » Il en parle comme si c’était pour demain. Moi-même, je me vois encore errer sur cette terre pour quelques décennies, peut être cinq ou six, au moins trois ou quatre. Il a le temps, il est jeune – il ne s’en rend pas bien compte sans doute. La guerre a réduit l’espérance de vie des sorciers, mais nous vivons longtemps, très longtemps. Il le verra bien, quand les causes extraordinaires cesseront d’être nos principales ennemis, et qu’il aura le loisir de se voir vieillir et de voir vieillir ses proches.

De la vieillesse, la discussion passe à l’amour – ou à l’absence d’amour, dans mon cas précis. Pas d’amour d’ailleurs, de passion, de sensualité. Ce n’est pas parce que je n’ai pas aimé comme ça, que je n’ai pas aimé. « Peut-être aurai-je préféré, comme toi, ne jamais l'avoir connue, cette sensation, parce qu'alors elle ne pourrait me manquer. » Est-ce que cela m’a manqué ? Je crois qu’à l’aube de ma vie d’homme, j’aurais aimé chérir ma femme, l’aimer tendrement. J’aurais fait ce qu’il fallait pour lui plaire – je m’imaginais bien, en amoureux transi. Vague souvenir d’un temps qui n’a jamais eu lieu. Je revois Edna, à nos fiançailles, son teint cireux, ses longs doigts, la façon dont elle avait attaché ses cheveux sur sa nuque. Elle ne me plaisait pas, c’était l’idée de ce mariage, d’un mariage réussi, d’un mariage qui ferait naître l’amour, qui me plaisait. J’imagine qu’on ne construit pas une passion sur cela. « Ma tante aura sûrement pensé comme toi, ne pouvant souffrir elle non plus d'une absence, n'ayant pas connu la chose. J'aime à croire que vous ayez été aussi heureux que votre temps vous le permettait. » Je manque de m’étouffer en l’entendant continuer. Edna, souffrir d’une absence ? Mais Edna a aimé, elle a aimé d’autres hommes, elle a fait son possible pour que je sois au courant. Edna n’aurait pas souffert de l’absence, de mon absence. C’est une autre sorte de sort qui l’aurait attendue, si elle était partie. Quitter un Lord, le Lord d’une grande famille, parce qu’on a trop d’amants, parce qu’on a avorté… Quel scandale, ça aurait pu être. Cependant, y penser me rend bien plus amer. Elle m’a privé de cette joie, de la joie d’être père. Elle m’en a privé par haine, par mépris. Je ne dis rien de tout cela à Nigel. Puisse Edna reposer en paix, ou qu’elle soit. J’ai nourri bien assez de rancœur pour elle de son vivant, je lui ai rendu la vie bien assez impossible. Autant laisser cela derrière moi, derrière nous. Aller de l’avant. Souhaiter à mon neveu un peu du bonheur qui m’a été refusé. « J'y penserai. Pouvoir être père, ce n'est pas un petit plaisir, un honneur minime. J'aimerais, qu'un jour, il y ait à la suite de mon nom, sur cet ouvrage superbe que tu m'as offert, le prénom de ceux qui feront ma lignée. Je l'aimerais, mais je vieillis. Peut-être n’aurais-je pas su être… » Il ne continue pas. Être quoi ? Un bon père ? Peut on être certain de l’être ? Est-ce que ce n’est pas le lot de tous les enfants, de voir les failles de leurs parents, de vouloir les dépasser, et de tomber eux aussi dans des travers insoupçonné. « Si un jour cela devait arriver, en l'honneur de cette douce soirée, tu seras le premier mis au courant, Melchior. Et leur mère, je tâcherai de l'aimer pour deux. » Je sens presque ma mâchoire se mettre à trembler, et je lui adresse un regard plein de reconnaissance. Sait-il combien cela représente, pour moi ?

« Tu n'as peut-être pas eu d'enfants, mais parfois, souvent, je me réfugiais chez toi, espérant ne pas avoir à repartir, à pouvoir m’y fondre comme si j’étais le tien. » Je me mords la lèvre. Mon très cher neveu. J’ai été dur avec lui pourtant, moi aussi, et sans être son père, sans cette excuse. J’imagine que ce n’est pas pareil, quelques reproches de temps en temps par rapport à une vie partagée avec Théobald, éduqué par lui. Moi-même, je pense que je n’ai pas la même vision de son père que lui, qu’il n’a jamais fait preuve de cette même force avec moi, son aîné. Il a pu être terrible, je le devine. Aurais-je été meilleur, aurais-je été pire ? Je me suis surpris à rêver, moi aussi, que l’un de ces enfants était en fait le mien. J’aurais sans doute été plus terrible et plus exigeant que son père, élevant un garçon né pour devenir Lord. « J’imagine que tu ne m’aurais pas laissé acheter Helen, de toute façon, même à quarante ans, alors je n’ai plus trop de regrets. » J’acquiesce en souriant - certainement pas non. Il l’aurait fait quand même, d’ailleurs, le bougre, la colère de son père ne l’a pas arrêté.

« Bon sang, il ne fait pas bon vieillir, je me ramollis.  Il se fait tard, mon oncle, et Helen va se retrouver débordée d’ivrognes et soulards. Il y avait un match, ce soir, ils vont venir en masse. » Je m’étire sur mon siège. Il est effectivement raisonnablement l’heure que je rentre chez moi – les vapeurs d’alcools, les gens saouls, cela n’est pas pour moi. Plus pour moi ? C’est une histoire que je lui raconterai, peut-être un jour. Ou que je laisserais mourir avec moi, mourir avec mon frère. Je verrai bien. « Il faudra que tu viennes plus souvent, Melchior – je t’écrirais, pour les soirées musiciennes, tu me feras bien le plaisir d’y passer ? Merci encore, pour le livre. Tu n’oublies pas, pour Paul ? » Il me sert contre lui, peut-être pour pouvoir murmurer. Le contact pourtant finit parfaitement de me réchauffer le cœur. Je fais oui de la tête, reprends mon chapeau et lui sourit. « Avec plaisir, Nigel, j’attends ton hibou. Bon courage pour ce soir. » Arrivé à l’entrée, je me retourne. « Et encore joyeux anniversaire, mon cher neveu. »

La rue est silencieuse, l’air frais me fait me rendre compte combien l’odeur d’alcool était présente à l’intérieur. Je me demande la tête que fera Theobald quand je lui dirai que je suis allé dans le bar de son fils. Quarante sept ans sans boire, et quarante sept ans sur cette terre. Avant de transplanner, j’adresse un sourire satisfait en direction du Helen’s Legs – ce nom, tout de même...

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