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Tout ce qui est exquis mûrit lentement. || Nigel & Melchior
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

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Melchior C. Fawley

Melchior C. Fawley
MEMBRE
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Dim 10 Nov - 22:47

 
Tout ce qui est exquis mûrit lentement.
Quarante sept ans.
Quarante-sept-ans.
Quarante et sept années.

La pensée me revient comme une mauvaise plaisanterie. C’est à l’heure où il fête son anniversaire que je prends conscience de combien mon neveu fout sa vie en l’air. Enfin, non, je me le dis souvent, mais là ça me prend comme un coup dans le ventre. C’est ça, l’avenir de la famille Fawley ? Un divorcé sans enfant de quarante sept ans, à la tête d’un bar. Je veux dire… Moi aussi, j’ai eu ma période d’alcool et de déraison, mais à trente et un ans tout c’était arrangé, j’avais repris ma place, mon rang, je m’étais assagi. Le bougre approche de la cinquantaine, et à moins qu’il ne se bouge sa branche de la famille s’éteindra avec lui. Je remercie le Seigneur d’avoir fait de Lawrence un jeune homme plus raisonnable – de ce que j’en sais. Peut-être devrais-je lui écrire pour le presser de se marier lui aussi. Je soupire. J’ai fêté la nouvelle année avec mon frère, loin des folies des jeunes et des va-t-en-guerre, tranquillement, en sirotant du thé et en refaisant le monde. Parfois j’ai l’impression que nous ne serons jamais capable d’avoir le même point de vue sur son fils au même moment : quand il se désespère c’est moi qui garde de l’espoir, et quand je m’inquiète il me promet que c’est un bon garçon qui l’épaule très bien. Je prends le paquet que j’ai prévu pour lui et le glisse dans mon manteau, j’enfile un chapeau et prend ma canne d’un pas las. Nigel reste mon neveu, un neveu que je me souviens avoir fait sauter sur mes genoux et couvert de cadeaux il y a quarante ans. Et j’y pense toujours avec une infinie tendresse. Alors pourquoi faut-il qu’il me donne sans cesse des raisons de me morfondre, pourquoi alors que je m’apprête à lui rendre visite pour lui souhaiter un heureux anniversaire et lui adresser mes vœux de bonne année faut-il que ce soit à reculons. Je soupire. Bon. Allons-y.

Je reste devant l’enseigne immobile en silence. Helen’s Legs. Je fuis les bars comme la peste, craignant que le goût des liqueurs me revienne, et la folie avec. J’ai mûri, j’ai vieilli, mais un alcoolique reste un alcoolique, et je ne souhaite pas replonger. Cela dit, c’était l’anniversaire de mon neveu hier, mon frère m’a dit qu’il y travaillerait ce soir. Qu’il y boirait ce soir, aussi probablement, en l’honneur du divorce. Je suis vieux et patient, j’aurai pu l’inviter et attendre qu’il trouve un moment pour venir me voir, à peu près sobre ou en pleine gueule de bois, mais j’ai un amour des dates un peu particulier. Et aussi, je suis curieux de voir à quoi ça ressemble, à l’intérieur. Quel genre d’établissement c’est ? Pour quelle raison Nigel a abandonné sa glorieuse carrière et un peu saboté son mariage ? Je soupire, encore. Je pousse la porte. Il est encore tôt, mais il y a déjà une certaine animation. L’endroit n’est pas des plus proprets, cela dit même le Chaudron Baveur a des allures de taudis certains soirs, selon les habitués. Nigel est au bar, il sert un groupe de jeunes femmes aux tenues affriolantes, ou qui pourrait être qualifiées de tel en tout cas. Je ne sais pas, je n’ai jamais eu d’attrait particulier pour la courbure des corps, il m’a toujours semblé qu’on se connectait mieux avec une personne lors d’une conversation profonde que d’une étreinte passionnée. Je me traîne tranquillement jusqu’au comptoir, et retire mon chapeau de gestes particulièrement lents. Je note la décoration, les saoulards, je sens les odeurs de whisky qui caressent mon nez. Combien de temps maintenant ? J’avais quoi… Vingt neuf ans ? Et bien, ça fait  quarante sept ans aussi. Quarante sept ans sans une goutte d’alcool. Nigel poussait dans le ventre de sa mère, et moi je me sevrais avec l’aide de mon frère. Dieu merci de m’avoir donné un frère comme Théobald ! C’est amusant que je me retrouve dans le bar de mon neveu pour fêter notre anniversaire commun, lui d’existence, moi de sobriété. Je me tourne vers lui, il me semble qu’il ne m’a pas encore vu, ou du moins reconnu (je douterai de moi si je me voyais là remarquez…). « Bonsoir Nigel. » Ma voix se veut chaleureuse, et je lui adresse un sourire en posant mon chapeau devant moi sur le comptoir. « Joyeux anniversaire. Avec une journée de retard, j’ai pensé qu’il valait mieux que je ne passe pas le soir même, j’espère que tu comprends. Et bonne année de vive voix. Tu as reçu ma carte avec mes vœux ? » Je lui tends la main pour serrer la sienne. Je me demande si lui aussi ce souvient de ce tonton gâteau que j’ai été pour lui lorsqu’il était encore gosse. « Qu’est-ce que tu as de non alcoolisé, que je trinque avec toi ? »

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Nigel A. Fawley

Nigel A. Fawley
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Mer 13 Nov - 2:26

FAWLEY
Nigel

Fawley
Melchior

Tout ce qui est exquis mûrit lentement




Son rire vient répondre à ta miniature paniquée, trônant toujours sur ton épaule droite, priant tous les dieux qu’il ne t’inflige pas une critique acerbe de ton établissement - non, de ton enfant, ton précieux, ton lieu de culte personnel. Tes épaules se relâchent ostensiblement lorsqu’il te taquine sur ta fossilisation, et un rire vient les secouer.

- Bon, très bien, je suis peut-être légèrement dans l’exagération, admets-tu avec un sourire faussement coupable.

Ton dos vient s’adosser au comptoir arrière, et tu grommelles un peu de ne pas avoir pensé à mettre un tabouret illusionné de ton côté du comptoir. Ta main attrape le verre posé sur le bar et tu sirotes, tranquillement, une gorgée de whisky. Tu as perdu le fil du temps, tu ne sais pas vraiment si c’est l’heure adéquate pour commencer à te servir du whisky - mais après tout, depuis quand fais-tu attention à cela. C’était terrible tout de même, ce que la présence de ton oncle venait triturer dans tes neurones. Un retour instantané à ton âge d’enfant sage, qui ne faisait des bêtises qu’une fois le dos des adultes tourné, quand Camille tombait à pic. Un sourire nostalgique trouve son chemin sur tes lèvres, mais tu te déconcentres sur ton oncle, qui déjà repose ses yeux sur toi. Il avait fait un tour du propriétaire visuel, durant lequel tu t’étais tenu bien droit, bien sage, bien silencieux, et le Nigel miniature sur ton autre épaule était, bien évidemment, parti en un rire démesuré. Tu avais beau te clamer ancien grand avocat, homme indépendant, force de caractère te décrivant, tu n’étais toujours que ce pauvre gamin, hein ?

Ton sourire s’accentue lorsque Melchior commence par la capacité de la salle, et tu secoues légèrement la tête, bien trop amusé. De tous les commentaires à faire, celui-là était suffisamment intéressé et neutre pour ne pas te vexer ; quel art du langage, cher oncle, quel technique. Ton verre toujours en main, tu la laisses reposer sur le comptoir où tu es accoudé, t’éclaircissant la gorge pour répondre :

- Hm, oui c’est assez grand, pour la salle principale tu peux compter une soixantaine de tête si c’est bien bondé… On fait de bons chiffres, en général, conclus-tu.

Tu offres un hochement de tête en réponse à son commentaire suivant, et tu t’approches un peu pour grommeler plus discrètement, faisant un geste large vers quelques personnes en particulier :

- Ces bonhommes-là sont ici quasiment tous les après-midi, tu sais ? Mais ils ne boivent pas forcément de l’alcool, c’est incompréhensible. Je crois même qu’ils travaillent, ils sont toujours en train de farfouiller dans leurs papiers… la jeunesse, de nos jours, ils ont de ces nouvelles habitudes, commentes-tu avec un clin d’oeil en sa direction, persuadé que ton vieil oncle s’était dit cela vous concernant, toi et tes cousins, à bien trop d’occasions.

Étirant tes épaules vers l’arrière pour remettre ton dos correctement en place, tu te redresses et hoches la tête lorsqu’il fait référence à l’ambiance, éclatant d’un rire rauque devant son mépris de Reissen.

- Enfin, mon oncle, un peu d’ouverture d’esprit ! Je te rassure toutefois, Reissen n’est pas le seul à venir jouer dans cette salle, ajoutes-tu avec un air amusé, c’est encore en programmation, je ne le faisais que de manière irrégulière, mais les choses se déroulent suffisamment bien en ce moment pour que je me permette plus d’animations. Tiens, qui aimerais-tu voir sur scène ici ? C’est une petite salle, après tout, ça offre un spectacle privilégié. Je peux t’avoir les gars de Reissen sans soucis, tu l’as compris, grognes-tu avec un sourire d’enfant bien trop amusé de sa vanne.

Ton sourire devient mimique plus sérieuse lorsqu’il emmène la discussion sur l’économie du lieu, et tu fais distraitement craquer tes doigts, réfléchissant à tes comptes les plus récents :

- L’affluence grandit en permanence - j’ai effectivement dû me trouver une serveuse depuis le début d’année. J’en ai eu deux ou trois au fil des ans, mais c’était généralement des connaissances en besoin d’un point de chute où travailler quelques mois, plus que par un réel besoin d’une autre paire de mains. Cette fois-ci, la gamine est bien utile les soirs de salle comble. Avec le bouche-à-oreille, on a dû associer mon bar à des soirées animées, ce qui fait bouger les gens, en recherche de quelque chose de nouveau ; c’est toujours bon à prendre. Alors oui, ma foi, ça marche plutôt bien. Enfin, tout est relatif, tu le comprends bien…. Ah, mince, excuse-moi quelques secondes, grommelles-tu lorsqu’une silhouette élancée vient s’approcher du comptoir.

Arborant un sourire à moitié aimable, il ne fallait pas non plus trop t’en demander là maintenant, tu tends l’oreille pour noter la commande de la table du gars, et t’actives à préparer les trois, quatre pintes et deux cocktails. En quelques minutes, c’est terminé, et ta main vient empocher les lourdes mornilles qui récompensent ton labeur. D’un geste de baguette magique, tu fais virevolter le plateau jusqu’à la table, où des clameurs enthousiastes viennent remercier les boissons. Avec un soupir, tu laisses tomber les mornilles dans la caisse et te retournes vers Melchior :

- Navré, il faut bien faire tourner la boutique, t’excuses-tu avec un sourire.

Ton oncle ne semble pas en penser plus que cela, puisqu’il s’exclame un ‘tiens d’ailleurs’ bien soudain qui te fait froncer les sourcils. Alors qu’il fouille dans les poches de son manteau, tu t’approches quelque peu, te demandant ce qui avait pu le faire réagir comme ça ; c’est une véritable exclamation de surprise qui t’échappe lorsqu’il te tend un paquet en te souhaitant un joyeux anniversaire. La surprise se transforme en une joie enfantine — il y avait toujours un plaisir particulier, une affection jamais effacée, devant le fait de recevoir un cadeau de ton oncle, chose que tu ne t’expliquais pas. Une de tes mains vient attraper le paquet quand l’autre se glisse sur l’épaule de ton oncle, venant la tapoter doucement, dans une étreinte de remerciement.

- Il ne fallait pas, tu sais, j’ai passé l’âge des cadeaux, après tout.

Un beau ramassis de mensonge, qu’il devait percevoir aussi clairement que tu pouvais sentir le papier du paquet sous tes doigts. Allons bon, si tu ne pouvais même plus faire semblant d’être un bon adulte détaché de ces plaisirs là. Bien vite, tes mains te trahissent encore davantage car elles s’appliquent consciencieusement à déchirer l’emballage. Tu l’as soupesé quelques secondes avant cela, perturbé par le lourd poids de la chose, et c’est sans surprise qu’un livre se découvre. C’est avec un surprise, par contre, que tu en lis le titre. Tes sourcils s’élancent haut sur ton front et tu as un sifflement d’appréciation :

- Pas grand chose, tu veux rire ! C’est une petite fortune que je tiens entre les mains — il ne fallait vraiment pas, Melchior.

Et cette fois-ci, tu le penses vraiment. Tu passes une main admirative sur le couverture, tes doigts traçant les reliefs de ton nom de famille qui s’y étale. C’était un curieux cadeau, tout de même. Pourquoi, là, maintenant, à cet âge-là, t’offrir cet arbre de famille ?

- Je peux ouvrir ? Tu t’entends murmurer, un peu bêtement, et tu n’es même pas sûr d’avoir attendu la réponse lorsque ta main vient soulever la couverture pour faire défiler les premières pages, où le nom de famille et l’historique s’affiche déjà.

Les enfants, les parents, grands-parents, des décennies de Fawley s’affichent sur cet ouvrage, et tu en as un peu le souffle coupé.

- C’est magnifique comme bouquin, merci.

Un soupir te fend en deux lorsque tu arrives à ta page, où aucun nom n’y est associé pour la première fois depuis plusieurs générations, et tu grommelles devant l’absence d’héritier qui en découle. C’était, finalement, un rappel bien trop cruel de ta situation.

Le livre te tombe presque des mains, toutefois, lorsque tes yeux tombent sur la page suivante. Le nom de Paul s’affiche, en beau délié, sa date de naissance trônant en-dessous… et pas de date de décès. Ton souffle se précipite quelque peu, et tu retournes la page pour revenir sur la tienne, avant de reposer ton regard à nouveau sur celle de Paul. Non, toujours rien. Tu redresses la tête, posant des yeux presque inquiets sur Melchior. Par Salazar, Melchior était-il même au courant de toute cette affaire ? Ton père l’avait-il mis dans l’histoire ? Peut-être que ce cadeau était finalement bien plus empoisonné que tu ne te l’étais imaginé ? À quel point pouvais-tu laisser transparaître ton inquiétude ?

- Tu sais sur quoi il est basé, pour la généalogie ? La trace magique, pas les registres, on est d’accord ?

Tu le refermes brutalement, te mordillant les lèvres alors qu’une nouvelle question vient s’écraser sur toi, te faisant presque grommeler de malheur.

- Quelqu’un d’autre a vu le contenu de ce bouquin ?

Par tous les saints, ce serait bien ta chance si, pour tes quarante-sept ans, ton oncle t’offrait la prison sur un plateau. C’était tout de même bien radical, comme moyen de pression pour lui faire abandonner ses caprices, comme Melchior les appelaient.



ft. @Melchior C. Fawley, 1512 mots

Melchior C. Fawley

Melchior C. Fawley
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Mer 13 Nov - 20:28

 
Tout ce qui est exquis mûrit lentement.
Nigel a vraiment l’air content de me voir, et je crois que cela me réchauffe un peu le coeur. Penser qu’à mon âge, et avec ce que que je peux l’ennuyer de devoirs et de moralité, cela fait encore sourire ces jeunes qui commencent à ne plus vraiment l’être de me voir arriver. Et puis Nigel surtout. Parce que c’est un Fawley, le fils de mon frère, qu’il avait du talent et qu’un jour prochain c’est lui qui portera le sceau que j’ai sur le doigt à l’une de ses mains. Misère. Je pense que le plus dur avec Nigel, c’est que je le trouvais tellement brillant quand il était avocat que ses mauvais choix sont une trop amère déception. Peut-être que je pourrais essayer de ne pas y penser ce soir, ou pas tout de suite ? Être un peu charitable, c’était son anniversaire hier. Il a une sacrée poigne en tout cas quand il me rend ma poignée de main. « Oh non, ne t’inquiète pas. J’ai bien reçu une carte de ta mère en revanche, alors même que j’avais passé la soirée avec tes parents d’ailleurs et leur avais déjà fait mes vœux de vive voix. » Quand il me rend ma main, j’étire doucement mes doigts. J’ai beau être âgé, je pense être assez vigoureux encore, mais je ne voudrais pas me faire mal stupidement. «  Il faut vraiment que j’améliore mon stock de softs… À défaut d’un cidre chaud, que dis-tu d’un jus de pomme chaud ? C’est presque aussi bon. » Je ne pense pas qu’il faille que j’explique maintenant à mon neveu que le cidre aussi est alcoolisé, et qu’à ce sujet je ne m’autorise pas le moindre écart, même si celui-ci ne compte qu’entre 2 et 8 % d’alcool. « Va pour le jus de pomme chaud. »

Je le regarde s’affairer, son sourire comme un reflet du mien qui s’allonge toujours plus sur mes lèvres alors que je le sens apparemment sincèrement content que je sois venu là. « Je n’aurais jamais imaginé te voir ici. » Je prends le verre qu’il me tend. Moi non plus, à vrai dire, et plus j’y réfléchi plus je me dis qu’il m’en a fallu de la force de caractère pour m’y résoudre. C’est vaincre de trop vieux démons et qui m’ont trop hanté que de m’asseoir à un bar. Mais voilà, je suis finalement un grand sentimental. « A ta santé, donc, et ta prospérité. » Je ne suis même pas ironique. Je veux dire, quitte à ce qu’il tienne un bar, autant que son affaire marche. « Ce n’est pas trop mal comme endroit, finalement, tu ne penses pas ? » Je jette un regard à la salle, mes yeux vont aux deux femmes qu’il servait avant moi, et aux quelques buveurs silencieux ou en groupe déjà présent. Cela dit, je n’ai pas le temps de lui répondre qu’il précise déjà. « Ne sois pas trop sévère, tu risquerais de briser mon coeur. Tu ne vas pas me faire ce mal-là alors que je viens tout juste de me fossiliser d’un an de plus ! Une peine à la fois, mon oncle, si tu veux bien. » Je ris doucement, et mon verre vient cogner le sien qu’il m’a tendu. « Te fossiliser ? Comme tu y vas mon cher neveu, qu’est-ce que je devrai dire moi ? » Je prends une gorgée de jus de pomme, c’est vrai que ça n’est pas mauvais. Je ne suis habituellement pas homme à mâcher mes mots, c’est vilain de la part de Nigel de me demander de gommer ma franchise pour préserver ton humeur : c’est toi après toi qui a fait le choix d’abandonner ta brillante carrière pour ouvrir un bar. Enfin, c’est vrai que c’était son anniversaire hier, et l’expression de ma déception peut bien attendre un jour ou deux (ou au moins quelques heures?). « C’est grand déjà, non ? Quelle est la capacité de ta salle ? » Je lui désigne les quelques tables déjà installées. « Et tu as des clients alors qu’il est encore tôt… Dont certains n’ont pas l’air d’alcooliques pilliers de bar, ce qui est bon signe. Cela fait bien longtemps que je n’ai pas moi-même été dans un bar, mais il me semblait que ceux qui y venaient entre amis arrivaient un peu plus tard. » Je me souviens que je les voyais arriver et repartir, abruti par l’alcool, demandant verre sur verre. Ceux qui me rendaient le plus malades à l’époque, je crois que c’était les jeunes couples heureux qui s’offraient une sortie à se bouffer des yeux et se caressaient les mains, trinquant à leur bonheur et ignorant le mien. Je bois une nouvelle gorgée de soft. C’est pour ça que je suis heureux de ne plus boire, l’alcool m’ôtait mes sentiments chrétiens, et j’en venais à mépriser mes semblables plutôt qu’à les aimer comme j’aurai du le faire. « Ça manque peut-être d’un peu d’animation, d’une scène dans un coin ? Tu fais venir des artistes ? Et ce groupe allemand tant à la mode et leur musique horrible ne compte pas... » Je crois que le leader du groupe est un des amis de mon neveu, alors je ne veux pas me montrer trop grossier. Cela dit, en lisant dans la Gazette qu’ils avaient été invité au Bal de Noël de Poudlard j’ai failli m’étouffer avec mon thé (que diable avait-il pris à Rogue de les laisser venir dans son école?). « Tu as des employés ? » Ce doit être coton de servir tout le monde quand le bar se remplit. « Ton affaire marche bien ? » Bien sûr, bien sûr que je voudrais lui dire que c’est n’importe quoi, qu’il doit absolument lâcher cette folie, reprendre son emploi respectacle, récupérer sa femme ou en prendre une autre au pire (que cela me fait mal de juste me le suggérer à moi-même), et faire des enfants avant de ne plus être en âge de le supporter. Mais je fais un effort, et un effort de taille. Je ne sais pas s’il s’en rend seulement compte – j’imagine que oui, il est loin d’être idiot.

« Tiens, d’ailleurs. » Je fouille dans les poches du manteau que j’ai posé sur le tabouret juste à côté du mien, et ressort le paquet que j’avais préparé. « Joyeux anniversaire. Ce n’est pas grand-chose, mais j’espère que ça te plaira un peu. » A vrai dire, pas grand-chose, ce n’est pas vraiment vrai, dans le paquet, le livre de l’arbre généalogique enchanté de notre famille m’a coûté une petite fortune à Barjow et Beurk, mais bon, je me dis que je peux bien marquer le coup pour son anniversaire, cela me donne bonne conscience en quelque sorte pour les multiples reproches que je lui sers à longueur d’années. Et puis, pour quelqu’un qui, selon toute vraisemblance, sera un jour le Lord de notre famille, j’ai trouvé cela parfaitement à propos.

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Nigel A. Fawley

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Dim 8 Déc - 14:14

FAWLEY
Nigel

Fawley
Melchior

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Son rire vient répondre à ta miniature paniquée, trônant toujours sur ton épaule droite, priant tous les dieux qu’il ne t’inflige pas une critique acerbe de ton établissement - non, de ton enfant, ton précieux, ton lieu de culte personnel. Tes épaules se relâchent ostensiblement lorsqu’il te taquine sur ta fossilisation, et un rire vient les secouer.

- Bon, très bien, je suis peut-être légèrement dans l’exagération, admets-tu avec un sourire faussement coupable.

Ton dos vient s’adosser au comptoir arrière, et tu grommelles un peu de ne pas avoir pensé à mettre un tabouret illusionné de ton côté du comptoir. Ta main attrape le verre posé sur le bar et tu sirotes, tranquillement, une gorgée de whisky. Tu as perdu le fil du temps, tu ne sais pas vraiment si c’est l’heure adéquate pour commencer à te servir du whisky - mais après tout, depuis quand fais-tu attention à cela. C’était terrible tout de même, ce que la présence de ton oncle venait triturer dans tes neurones. Un retour instantané à ton âge d’enfant sage, qui ne faisait des bêtises qu’une fois le dos des adultes tourné, quand Camille tombait à pic. Un sourire nostalgique trouve son chemin sur tes lèvres, mais tu te déconcentres sur ton oncle, qui déjà repose ses yeux sur toi. Il avait fait un tour du propriétaire visuel, durant lequel tu t’étais tenu bien droit, bien sage, bien silencieux, et le Nigel miniature sur ton autre épaule était, bien évidemment, parti en un rire démesuré. Tu avais beau te clamer ancien grand avocat, homme indépendant, force de caractère te décrivant, tu n’étais toujours que ce pauvre gamin, hein ?

Ton sourire s’accentue lorsque Melchior commence par la capacité de la salle, et tu secoues légèrement la tête, bien trop amusé. De tous les commentaires à faire, celui-là était suffisamment intéressé et neutre pour ne pas te vexer ; quel art du langage, cher oncle, quel technique. Ton verre toujours en main, tu la laisses reposer sur le comptoir où tu es accoudé, t’éclaircissant la gorge pour répondre :

- Hm, oui c’est assez grand, pour la salle principale tu peux compter une soixantaine de tête si c’est bien bondé… On fait de bons chiffres, en général, conclus-tu.

Tu offres un hochement de tête en réponse à son commentaire suivant, et tu t’approches un peu pour grommeler plus discrètement, faisant un geste large vers quelques personnes en particulier :

- Ces bonhommes-là sont ici quasiment tous les après-midi, tu sais ? Mais ils ne boivent pas forcément de l’alcool, c’est incompréhensible. Je crois même qu’ils travaillent, ils sont toujours en train de farfouiller dans leurs papiers… la jeunesse, de nos jours, ils ont de ces nouvelles habitudes, commentes-tu avec un clin d’oeil en sa direction, persuadé que ton vieil oncle s’était dit cela vous concernant, toi et tes cousins, à bien trop d’occasions.

Étirant tes épaules vers l’arrière pour remettre ton dos correctement en place, tu te redresses et hoches la tête lorsqu’il fait référence à l’ambiance, éclatant d’un rire rauque devant son mépris de Reissen.

- Enfin, mon oncle, un peu d’ouverture d’esprit ! Je te rassure toutefois, Reissen n’est pas le seul à venir jouer dans cette salle, ajoutes-tu avec un air amusé, c’est encore en programmation, je ne le faisais que de manière irrégulière, mais les choses se déroulent suffisamment bien en ce moment pour que je me permette plus d’animations. Tiens, qui aimerais-tu voir sur scène ici ? C’est une petite salle, après tout, ça offre un spectacle privilégié. Je peux t’avoir les gars de Reissen sans soucis, tu l’as compris, grognes-tu avec un sourire d’enfant bien trop amusé de sa vanne.

Ton sourire devient mimique plus sérieuse lorsqu’il emmène la discussion sur l’économie du lieu, et tu fais distraitement craquer tes doigts, réfléchissant à tes comptes les plus récents :

- L’affluence grandit en permanence - j’ai effectivement dû me trouver une serveuse depuis le début d’année. J’en ai eu deux ou trois au fil des ans, mais c’était généralement des connaissances en besoin d’un point de chute où travailler quelques mois, plus que par un réel besoin d’une autre paire de mains. Cette fois-ci, la gamine est bien utile les soirs de salle comble. Avec le bouche-à-oreille, on a dû associer mon bar à des soirées animées, ce qui fait bouger les gens, en recherche de quelque chose de nouveau ; c’est toujours bon à prendre. Alors oui, ma foi, ça marche plutôt bien. Enfin, tout est relatif, tu le comprends bien…. Ah, mince, excuse-moi quelques secondes, grommelles-tu lorsqu’une silhouette élancée vient s’approcher du comptoir.

Arborant un sourire à moitié aimable, il ne fallait pas non plus trop t’en demander là maintenant, tu tends l’oreille pour noter la commande de la table du gars, et t’actives à préparer les trois, quatre pintes et deux cocktails. En quelques minutes, c’est terminé, et ta main vient empocher les lourdes mornilles qui récompensent ton labeur. D’un geste de baguette magique, tu fais virevolter le plateau jusqu’à la table, où des clameurs enthousiastes viennent remercier les boissons. Avec un soupir, tu laisses tomber les mornilles dans la caisse et te retournes vers Melchior :

- Navré, il faut bien faire tourner la boutique, t’excuses-tu avec un sourire.

Ton oncle ne semble pas en penser plus que cela, puisqu’il s’exclame un ‘tiens d’ailleurs’ bien soudain qui te fait froncer les sourcils. Alors qu’il fouille dans les poches de son manteau, tu t’approches quelque peu, te demandant ce qui avait pu le faire réagir comme ça ; c’est une véritable exclamation de surprise qui t’échappe lorsqu’il te tend un paquet en te souhaitant un joyeux anniversaire. La surprise se transforme en une joie enfantine — il y avait toujours un plaisir particulier, une affection jamais effacée, devant le fait de recevoir un cadeau de ton oncle, chose que tu ne t’expliquais pas. Une de tes mains vient attraper le paquet quand l’autre se glisse sur l’épaule de ton oncle, venant la tapoter doucement, dans une étreinte de remerciement.

- Il ne fallait pas, tu sais, j’ai passé l’âge des cadeaux, après tout.

Un beau ramassis de mensonge, qu’il devait percevoir aussi clairement que tu pouvais sentir le papier du paquet sous tes doigts. Allons bon, si tu ne pouvais même plus faire semblant d’être un bon adulte détaché de ces plaisirs là. Bien vite, tes mains te trahissent encore davantage car elles s’appliquent consciencieusement à déchirer l’emballage. Tu l’as soupesé quelques secondes avant cela, perturbé par le lourd poids de la chose, et c’est sans surprise qu’un livre se découvre. C’est avec un surprise, par contre, que tu en lis le titre. Tes sourcils s’élancent haut sur ton front et tu as un sifflement d’appréciation :

- Pas grand chose, tu veux rire ! C’est une petite fortune que je tiens entre les mains — il ne fallait vraiment pas, Melchior.

Et cette fois-ci, tu le penses vraiment. Tu passes une main admirative sur le couverture, tes doigts traçant les reliefs de ton nom de famille qui s’y étale. C’était un curieux cadeau, tout de même. Pourquoi, là, maintenant, à cet âge-là, t’offrir cet arbre de famille ?

- Je peux ouvrir ? Tu t’entends murmurer, un peu bêtement, et tu n’es même pas sûr d’avoir attendu la réponse lorsque ta main vient soulever la couverture pour faire défiler les premières pages, où le nom de famille et l’historique s’affiche déjà.

Les enfants, les parents, grands-parents, des décennies de Fawley s’affichent sur cet ouvrage, et tu en as un peu le souffle coupé.

- C’est magnifique comme bouquin, merci.

Un soupir te fend en deux lorsque tu arrives à ta page, où aucun nom n’y est associé pour la première fois depuis plusieurs générations, et tu grommelles devant l’absence d’héritier qui en découle. C’était, finalement, un rappel bien trop cruel de ta situation.

Le livre te tombe presque des mains, toutefois, lorsque tes yeux tombent sur la page suivante. Le nom de Paul s’affiche, en beau délié, sa date de naissance trônant en-dessous… et pas de date de décès. Ton souffle se précipite quelque peu, et tu retournes la page pour revenir sur la tienne, avant de reposer ton regard à nouveau sur celle de Paul. Non, toujours rien. Tu redresses la tête, posant des yeux presque inquiets sur Melchior. Par Salazar, Melchior était-il même au courant de toute cette affaire ? Ton père l’avait-il mis dans l’histoire ? Peut-être que ce cadeau était finalement bien plus empoisonné que tu ne te l’étais imaginé ? À quel point pouvais-tu laisser transparaître ton inquiétude ?

- Tu sais sur quoi il est basé, pour la généalogie ? La trace magique, pas les registres, on est d’accord ?

Tu le refermes brutalement, te mordillant les lèvres alors qu’une nouvelle question vient s’écraser sur toi, te faisant presque grommeler de malheur.

- Quelqu’un d’autre a vu le contenu de ce bouquin ?

Par tous les saints, ce serait bien ta chance si, pour tes quarante-sept ans, ton oncle t’offrait la prison sur un plateau. C’était tout de même bien radical, comme moyen de pression pour lui faire abandonner ses caprices, comme Melchior les appelaient.



ft. @Melchior C. Fawley, 1512 mots



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Melchior C. Fawley

Melchior C. Fawley
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Jeu 23 Avr - 12:02

 
Tout ce qui est exquis mûrit lentement.
Nigel commente sa boutique, et je calcule rapidement dans ma tête en voyant les prix affichés ça et là. Une soixantaine de personnes qui commandent, pour la plupart plusieurs verres, certains qui partent et qui arrivent… Hmoui. Ca peut effectivement donner de bons chiffres, quoique rien de comparable à ce que peut vraiment rapporter le métier d’avocat compte tenu les dépenses et l’effort physique que cela doit demander. Je ne le dis pas bien sûr, je me contente d’un sourire poli. Nigel me désigne le groupe qui était déjà là à mon arrivée. « Ces bonhommes-là sont ici quasiment tous les après-midi, tu sais ? Mais ils ne boivent pas forcément de l’alcool, c’est incompréhensible. Je crois même qu’ils travaillent, ils sont toujours en train de farfouiller dans leurs papiers… la jeunesse, de nos jours, ils ont de ces nouvelles habitudes. » Il me lance un clin d’œil qui fait se soulever un de mes sourcils. Quand on dit qu’il faut que jeunesse se passe, on ne parle pas de ceux qui travaillent en groupe dans un bar – bien que cela me dépasse personnellement. Au contraire, ceux-là, on voudrait qu’ils inspirent tous les autres. Mon évident mépris pour le groupe de Bauer fait éclater de rire mon neveu. « Enfin, mon oncle, un peu d’ouverture d’esprit ! Je te rassure toutefois, Reissen n’est pas le seul à venir jouer dans cette salle, c’est encore en programmation, je ne le faisais que de manière irrégulière, mais les choses se déroulent suffisamment bien en ce moment pour que je me permette plus d’animations. Tiens, qui aimerais-tu voir sur scène ici ? C’est une petite salle, après tout, ça offre un spectacle privilégié. Je peux t’avoir les gars de Reissen sans soucis, tu l’as compris. » Il a l’air fier de lui, et je reprends une gorgée pour ne pas avoir à grommeler quelque chose de trop impoli. Je sais que l’on me reprochera de désapprouver cette musique en raison de mon âge – et peut-être est-ce un peu vrai. Mais mon principal reproche à l’égard de Reissen, c’est l’usage qu’ils font de leurs voix, de leur musique. Mon neveu ne peut ignorer que je suis formé à l’art des chœurs céleste, il m’a déjà vu faire de la magie simplement par la voix et le chant, et il doit savoir quelle importance divine a pour moi la musique. Alors, s’en servir pour crier des insanités, pour faire de la politique qui divise (car après tout, je me souviens des concerts de Reissen la dernière fois que Jedusor a fait planer son ombre sur la Grande Bretagne), cela je ne l’excuse pas. Si leurs mélodies ne me plaisaient juste pas, avec la sincérité et le travail qu’ils mettent dans leurs œuvres, je ne me permettrais pas de les critiquer si ouvertement – mais là, ça va plus loin. « Je crains mon cher neveu que le genre de musique qui me plaît le plus ait plus sa place dans une église que dans un bar. Mais si tu faisais venir une personne faisant de la musique acoustique avec une belle voix et de beaux textes, écris moi pour me prévenir je me ferais une joie de venir écouter. » Je ne sais même pas si je pense ce que je dis, je ne sais pas si je reviendrai un jour. Le fait de refuser l’alcool aux soirées mondaines ou aux repas n’est certainement pas la même chose que de venir dans un bar. Nigel ne sait pas dans quels travers l’horreur de mon mariage a pu me faire tomber, et je sais mes pulsions, je sais que recommencer, juste un peu, juste comme ça, ce serait une pente douce à m’offrir des exceptions que je suis seul chez moi, et à tout un engrenage abominable auquel j’aimerais ne pas penser. Il doit s’arrêter de me parler de ses employés pour servir de nouveaux clients, et je le regarde préparer sa commande en silence, caressant du bout des doigts les contours de mon verre. « Navré, il faut bien faire tourner la boutique. » J’acquiesce. « Ne t’inquiète pas, je comprends très bien. »

Voilà l’heure du cadeau. Il a une exclamation de surprise qui m’arrache presque un rire. « Il ne fallait pas, tu sais, j’ai passé l’âge des cadeaux, après tout. » Je fais un geste de la main, comme pour chasser ces mots. « Pas de ça avec moi, j’ai soixante-seize ans et je suis toujours aussi heureux que quand j’étais enfant de recevoir un présent – ça n’a rien à voir avec l’âge. » Il soupèse le présent avant de déchirer l’emballage, et cela me fait chaud au cœur de l’entendre siffler. « Pas grand chose, tu veux rire ! C’est une petite fortune que je tiens entre les mains — il ne fallait vraiment pas, Melchior. » Je hausse les épaules. J’ai l’âge de faire des dépenses stupides pour les autres. Ça a l’air de lui plaire en tout cas, et le contentement me pousse à détendre mes bras et mes jambes derrière son bar. Il ouvre le livre et l’admire, et je fais comme lui de derrière le bar. C’est un bel ouvrage, peut-être aurais-je du m’en prendre un moi aussi. Arrivé à son nom, rien ne lui est attaché. Je laisse échapper un soupir malgré moi, ce n’était pas vraiment à cela que je pensais en lui offrant, mais cela est encore plus marquant ici. Cela dit, sur la page précédente, aucun nom ne suivant le mien non plus, aucun enfant pour me succéder. J’ai soudain très envie de boire. Cependant, quelque chose le bouleverse véritablement. « Tu sais sur quoi il est basé, pour la généalogie ? La trace magique, pas les registres, on est d’accord ? » Un rapide regard avant qu’il ne ferme le livre brusquement me permet de comprendre d’où vient son inquiétude. Ah oui, Paul, c’est vrai. Je n’y avais même pas fait attention. Bien vu, Nigel. « Quelqu’un d’autre a vu le contenu de ce bouquin ? » Je soupire plus fort cette fois-ci, et lui tend mon verre en me penchant vers lui. J’essaie de faire porter ma voix, que cela, de dehors, ressemble plus à un échange houleux qu’à quelque chose de suspect en lien avec ce cadeau. « Calme-toi un peu, et ressers-moi s’il te plaît. » Je lui prends presque le livre des mains en lui donnant mon verre à présent vide en échange, et je l’ouvre à la page de mes neveux. Voilà qui est effectivement gênant. Je referme le livre plus tranquillement qu’il ne l’avait fait juste avant et lui tend avec un sourire et l’air calme. A présent, je parle bien plus bas, et il doit être seul à pouvoir m’entendre. « C’est bien vu Nigel, je n’y avais pas fait attention. Mais reprends-toi un peu avant d’attirer l’attention de quelqu’un sur ce livre. » Je baisse les yeux vers mon cadeau, bien moins bien reçu finalement que je ne l’aurais voulu. « J’ai acheté ce livre chez Barjow et Beurk, pas grand-chose à craindre de ce sujet, on fait difficilement moins discret que ceux qui l’ont eu dans les mains avant nous. » Je me veux rassurant, mais je serai certainement dans la boutique aux premières heures demain, à interroger et oublietter au besoin. Je grimace. Ce qu’il ne faut pas faire pour protéger cet idiot des conséquences de ses actes. Mon amertume envers Nigel n’a rien à voir avec la fureur que m’inspire son frère. « Les registres sont basés sur la trace. La dernière fois que j’ai vérifié, ton crétin de frère n’était pas là, mais… Tu sais quelle méthode il a utilisé pour disparaître ? » Non mais, qu’est-ce que je dis moi ?! Il n’y a pas trente six solutions en plus. « Non, en fait je ne veux pas savoir. Je ne veux rien savoir. C’est déjà trop me demander que de ne rien dire pour lui éviter un procès bien mérité. » Ce que je ne ferai pas pour mon frère, pour nous, pour les Fawley. Ça mon bon Nigel, c’est l’abnégation dont tu n’as pas été capable pour cette famille. Je soupire. « J’irai vérifier d’accord. En attendant, il n’y a pas de raison que personne ne jette un œil, et personne ne le fera sans me passer devant de toute façon. » Je prends la boisson et la porte à mes lèvres. « Écoute… Je n’avais pas fait attention à ça. Je veux juste passer ma soirée avec toi pour célébrer ton anniversaire. Est-ce qu’on ne peut pas juste… oublier ça un moment ? »

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Nigel A. Fawley

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Dim 26 Avr - 17:39

FAWLEY
Nigel

Fawley
Melchior

Tout ce qui est exquis mûrit lentement




Tu tiens le livre fermé entre tes mains, tremblant, les yeux rivés vers ton oncle. Quelle bonne farce, que celle-ci. Le nom de Paul, qui apparaît sur la page suivant la tienne, t’a sauté aux yeux avec la force d’un uppercut, et la question t’a échappé un peu trop vindicative, peut-être. Tu sais combien ton oncle a en horreur que ton frère vaque librement sur les terres écossaises, caché dans des terres, vivant presque comme un cracmol, occupant ses journées à distiller vos whiskys, plutôt qu’à croupir dans les cellules d’Azkaban, à payer pour ses actes. Ah, ça, tu ne peux que le comprendre. Ce qui vous différencie tant, Paul et toi, c’est bien parce que tes mains ne se sont jamais abaissées aux actes vils, à la tuerie au sang-froid. Très peu pour toi, merci bien – les convictions ne méritent pas le péché de l’âme. Tu n’es pas grand pieu, mais un peu de toi ne peut se résoudre à cela, malgré tout. Alors, Paul le Mangemort, Paul trop fier de sa marque, cela te reste en travers, comme tant d’autres. Tu ne pouvais pas le mettre là-bas, pourtant. Pas Azkaban. Pas les détraqueurs – tant bien même les conditions devaient y être plus souples, après. Tu ne pouvais pas le savoir, à l’époque, qu’ils allaient alléger Azkaban de ces horreurs. Et le dénoncer, maintenant ? Avec les dernières décisions du gouvernement, cette loi absurde qui rendaient les sangs-purs condamnables par toute l’assemblée du Magenmagot, et plus des membres restreints – Salazar, c’est impensable. Avec l’état d’esprit actuel, jamais Paul ne pourrait y réchapper. Ce bouquin, que Melchior t’a offert avec tant de bons sentiments, c’est une bombe à retardement.

Si tout le monde peut puiser dans les archives, tracer la magie aussi facilement, ou bien même, si quelqu’un tombe dessus, si on cherche à te faire du mal… Tu t’obliges à inspirer profondément, ton oncle venant saisir d’une main ferme l’ouvrage qui te met dans un état de tension pareil. Il gonfle la voix, et ses mots semblent te secouer enfin, te libérant de ta crispation douloureuse. Tu saisis son verre, le regard lourd, pour le remplir à nouveau d’un cidre chaud, sans mot dire. Plus contrôlé que toi, il ouvre le livre avec discrétion, ses yeux glissant sur les pages. Lorsque vous échangez, une fois encore, verre contre livre, c’est un sourire calme qui se lit sur son visage. Tu récupères le bouquin, geste haché, t’acharnant à appliquer son conseil – calme-toi. Calme-toi, pauvre idiot. Personne ne sait, personne ne l’a vu. Melchior lui-même ne l’a pas remarqué – c’est bien que tu t’acharnes à te trouver des soucis là où il n’y en a pas. Tu n’es dans aucune situation risquée, mon bon Nigel, personne ne va glisser ses mains dans tes affaires, feuillet ce cadeau si particulier. Tu respires un peu mieux, lorsqu’il t’incite une fois encore au calme. Sourcils froncés, tu poses les coudes sur le comptoir, te penches vers lui, sa voix bien plus basse. D’un hochement de tête, pourtant, tu lui assures que tu as bien compris, cette fois, que la panique est passée.

Presque, toutefois. Tu dois savoir d’où ce livre lui vient, qui l’a eu entre les mains. Tu grimaces, quand le nom Barjow & Beurk tombe. Évidemment. De toutes les boutiques du Londres sorcier, la boutique des deux sangs-purs, trop portés sur la magie noire. Cela devrait te rassurer, finalement – la magie qui pulse dans ce livre n’est pas à la portée de tous. Retrouver la trace de Paul n’est pas si évidente. Tu hoches la tête à nouveau, quand il souffle qu’au moins, ils sauront être discrets. Yeux brièvement fermés, tu sais déjà qu’il te faudra aller y faire un tour – à moins que cela ne soit pire ? Ne risques-tu pas d’attiser leur curiosité ? Non, tu iras les voir, leur demander, au sujet de ce nouveau cadeau – ils comprendront. Oui, voilà, tu n’iras que poussé par l’intérêt de cette nouvelle acquisition, c’est tout ce qui transparaitra, tout ce qu’ils verront.

Déjà, tu te reconcentres – regarde donc la grimace qui tord les lèvres de ton oncle, regarde comme il regrette d’être au courant, comme l’existence de ton frère, sa survie, lui pèse. Les registres sont basés sur la trace. Tu secoues la tête, un soupir profond te prenant. Merlin, comment s’est débrouillé ton frère pour que la trace réapparaisse déjà ? Cela ne fait même pas dix ans. Tu grondes un peu quand Melchior te demande comment il a fait – comme si tu le savais. Si tu le savais, ça aurait été mieux fait, bon sang. Tu élèves à peine la voix, soufflant d’un air agacé :

- Je n’en sais rien, de toute façon. Un sortilège, une potion, que sais-je. Quelque chose d’illégal, et de mal préparé, dans tous les cas, si cela bêche déjà.

Tu te redresses un peu, passant une main anxieuse sur son crâne.

- Tu pourras vérifier, dans tes archives ? Peut-être que ça n’apparaît pas encore. Et si ça y est déjà…

Il faudra que tu contactes Paul. Que tu prennes une décision, en tout cas – lui demander comment il a fait, le fournir à nouveau, prendre le risque que cela ne l’achève. Tu n’imagines pas une potion ou un enchantement aussi fort, aussi puissant, qu’il arrive à cacher toute une trace magique, être sans risque. Paul acceptera-t-il d’en reprendre, ou de le subir à nouveau ? Aurez-vous le choix ? L’idée de ton frère, au milieu de la salle de Justice, le regard noir de Moira pesant sur lui suffit à te faire frémir. Elle sera implacable, tu le sais, qu’il soit ton frère ou non. Elle sera peut-être plus sévère, pleine de rancoeur face à cet abus de justice. Vous avez pris tellement de risques, pour cet imbécile. Comment faire autrement ? Ton propre frère. Alors, les yeux vrillés sur Melchior, tu attends qu’il confirme. Qu’il soulage les peurs qui t’abritent. Il ira vérifier – tout ira bien. Si les choses vont mal, tu sais qu’il ne laissera personne approcher du dossier. Qui irait même jeter un oeil au nom de Paul Fawley, en cette période ? C’est absurde. D’un soupir, tu le remercies. Tu sais que ça lui coûte, malgré les gestes posés dont il fait preuve, et le contrôle de sa voix, toujours aussi calme.

Tes yeux retrouvent les siens, alors qu’il reprend une gorgée. Tes doigts se décrispent face à sa question, et tu soupires profondément. D’un coup d’oeil circulaire, tu avises du nombre de gens dans l’endroit, les quelques couples qui viennent de rentrer, et tentes un mouvement énergétique pour te redresser. Tu récupères le livre de généalogie, le tapotant de la main gauche, et tu fausses un sourire :

- C’est oublié. N’en parlons plus ce soir. Merci tout de même pour ce cadeau – je sais combien c’est précieux.

Précautionneux, tu ouvres un tiroir sous le comptoir, l’y glissant jusqu’à pouvoir le mettre en sécurité chez toi, à la fin de la nuit. Tu avises le tourne-disque, au bout du comptoir, oublié par la dernière musicienne à avoir poussé la chansonnette dans ton bar, pendant une de ces soirées cultivées que tu essaies tant bien que mal d’implanter. De l’index, tu guides son regard vers l’outil, un air plus sincère sur le visage :

- Je ne te ferai pas l’affront de chanter, mais peut-être un peu de musique en fond ? Je n’ai pas grand chose, annonces-tu, faisant venir à vous d’un geste les quelques vinyles abandonnés, - mais si tu vois quelque chose que tu apprécies.

Tu te souviens d’après-midis passés chez Melchior, haut comme trois pommes, où il tentait de t’inculquer le goût des bonnes choses, des voix méritantes. Tu n’as peut-être pas su garder cette oreille pure, te satisfaisant avec plus de plaisir que lui des cris déchaînés de Reissen, mais tu sais aussi replonger dans les mélodies dépourvues de voix, pleine de la force d’instruments. Pensif, tu te tournes vers lui, la curiosité pointant :

- Reissen… c’est parce qu’ils chantent, que tu n’aimes pas ? Ce sont leurs paroles, ou qu’ils utilisent leur voix ? Tu n’écoutes pas que des Ave Maria, non ?

Elles sont presques sottes, ces questions, mais l’interrogation est réelle. Reissen, tu ne peux que le lui accorder, c’est particulier. Mais ils ne sont pas les seuls, à chanter, à dire des choses osées – et encore, tu n’y comprends rien, avec cet allemand incompréhensible, tu ne fais que le deviner, à voir qui en parle et qui aime bien ce groupe. Alors n’écoute-t-il rien, vraiment ? Jamais ? Pourquoi cette importance portée à la parole, à ce qu’ils prononcent ? Tu n’as jamais compris, mais finalement, tu ne t’y es jamais plus intéressé que cela non plus. Tu ne sais même pas si tu l’as un jour questionné sur cette magie qu’il pratique, sur son rapport à sa voix – la transition s’est juste faite, et tu ne sais même pas si tu l’as remarqué, en grandissant. Melchior, votre oncle Melchior, ne plaçait jamais un mot plus haut que l’autre, réfléchissait ses phrases, et portait grande importance à ce qui était prononcé. À presque cinquante ans, il était temps que tu cherches à y comprendre davantage, sacré Fawley.

- Je ne sais même plus quand je t’ai vu utiliser ta baguette pour la dernière fois, songes-tu. Ça ne te manque pas ?




ft. @Melchior C. Fawley, 1542 mots

Melchior C. Fawley

Melchior C. Fawley
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Dim 26 Avr - 21:57

 
Tout ce qui est exquis mûrit lentement.
Paul, Paul, Paul… Mais quel idiot. J’ai regretté, mille fois, de ne pas avoir eu d’enfant, j’ai pleuré sur ce fils imaginaire que j’aurai aimé chérir. Cependant, l’idée qu’il ait pu lui aussi mal tourner, qu’il ait pu me causer les mêmes malheurs que Paul a causé à son père m’a fait souvent relativiser ce manque. Comme j’aurais souffert dans sa situation – comme je souffre déjà alors qu’il ne s’agit que de mon neveu, pour lui, pour moi frère, pour notre famille. Quel gigantesque idiot. Mais ce n’est pas le moment de songer à ce genre de choses. « C’est oublié. N’en parlons plus ce soir. Merci tout de même pour ce cadeau – je sais combien c’est précieux. » Son sourire est un peu faux – je crois que j’en veux d’autant plus à son frère de venir nous hanter ce soir, après l’effort que m’a demandé le fait de me rendre dans son bar. Il range le livre avec précaution, et je me dis qu’il faudra que je regarde en détail le tableau chez moi pour vérifier s’il y apparaît aussi – moi qui me faisait une joie de l’accrocher bien en vue, ce serait gênant si je recevais du monde. Il me désigne un tourne disque posé sur le comptoir. «  Je ne te ferai pas l’affront de chanter, mais peut-être un peu de musique en fond ? Je n’ai pas grand chose, mais si tu vois quelque chose que tu apprécies. » Je me détends déjà à la promesse de musique, et acquiesce. « Très volontiers, fais moi voir ce que tu as. » Je me lève pour regarder. La musique adoucit les mœurs, et attendrit les cœurs. Je chantais pour Nigel quand il était petit, je ne sais pas s’il s’en souvient encore, et je passais aux enfants toutes sortes de musiques pendant qu’ils jouaient. Heureux souvenirs d’un temps où tout était plus simple, moins décevant. Jedusor n’était pas encore connu de la plupart des sorciers comme un dangereux mage noir, aucun d’eux n’avaient de marqué au bras, personne ne s’était damné, et on était très loin même des querelles actuelles qui divisent le monde sorcier. On se reconstruisait après un Grindewald dont même moi je ne gardais presque aucun souvenir – et finalement, jamais nous n’avons connu une aussi longue paix qu’à cette époque bénie. Bien sûr, Edna et moi nous déchirions encore, mais moins violemment déjà, bien sûr mes parents étaient morts ou mourants, mon frère ne me parlait déjà plus, mais la vie suivait son cours, tranquillement, sans que l’on ait à se déchirer entre nous sauf querelles banales. Douce époque.

Il me sort de ma rêverie. « Reissen… c’est parce qu’ils chantent, que tu n’aimes pas ? Ce sont leurs paroles, ou qu’ils utilisent leur voix ? Tu n’écoutes pas que des Ave Maria, non ? » Je me fends d’un petit rire. Il faut être bien ignorant pour réduire la musique sacrée aux Ave Maria, mais je ne lui en tiendrai pas rigueur – ce ne sont pas ses parents qui allaient lui apprendre ces choses là, mon frère a toujours été parfaitement ignorant quand à ces choses là, imitant plus volontiers notre père, sans le mépris poli de celui-ci. « Je n’écoute pas que de la musique sacrée, mais c’est principalement celle-ci que je chante. J’aime assez les chansons acoustique, le jazz, le gospel – même si l’on retombe ici dans le thème de la foi. Et ce qu’on dit musique classique aussi, avec une préférence toute particulière pour la période romantique. » Ayant trouvé mon bonheur, je lance le tourne disque et retourne m’asseoir. [Le choix de Melchior] « Et pour Reissen, disons qu’il y a plusieurs choses. Je ne suis pas sensible à leur style de musique, je ne vais pas le nier. Mais je n’aime surtout pas ce qu’ils mettent derrière. La musique ne devrait pas servir à diviser comme ils le font – et je n’ai pas oublié les concerts qu’ils donnaient la dernière fois que To- » Je suspend ma phrase. Chaque fois que je l’appelle par son prénom ou son nom, je repense au gamin dont j’étais si admiratif à Poudlard, avant Myrtle. Mais ce n’est pas ce souvenir que je devrais avoir de lui, pas ce qu’il faut en retenir – ce qu’il a fait, c’est trop noir, c’est trop grave. Je n’ai pourtant pas le cœur de l’appeler par le nom qu’il s’est donné après, ni Seigneur, même des ténèbres. « Tu-sais-qui est revenu. » Je chasse la pensée d’un geste de la main, si ce n’est pas l’heure de penser à mon neveu, ça l’est encore moins pour penser à mon ancien camarade. « Ils utilisent leur musique, leurs voix, pour les pires choses possibles : diviser, provoquer la haine, la colère… Ils ne devraient pas. » La musique devrait élever, pas abaisser. Ce qu’ils font n’est pas bien. Mais j’imagine que je passe encore pour un moralisateur avec ce genre d’idées. Après tout, depuis la chute de Jedusor, ils n’ont rien fait de trop outrageants, je devrai peut-être leur laisser le bénéfice du doute. Cependant, pour pouvoir user de ma voix pour exercer une influence magique sur mes interlocuteurs, je sais combien celle-ci est importante, je sais qu’il ne faut pas en user pour rien – et je suis à peu près certain qu’ils sont parfaitement au courant eux aussi. « Je ne sais même plus quand je t’ai vu utiliser ta baguette pour la dernière fois. Ça ne te manque pas ? » Je lui souris et fouille dans ma poche. « Oh je l’utilise parfois, d’ailleurs je l’ai toujours sur moi. » Je sors ma baguette  que j’avise un instant. J’ai un certainement attachement pour l’objet, même s’il est vrai que je n’en fais pas souvent l’usage. « C’est vrai que je n’en ai pas une très grande utilité, mais… Disons, que c’est un peu comme si je te demandais si cela te manquait d’utiliser tes bras pour faire ce que tu fais avec de la magie. J’aime la magie que je fais, j’aime son effet, j’aime… Je ne sais pas comment décrire ça. Ce n’est pas comme la magie hermétique. Ça demande plus de contrôle, plus d’attention. Après, ce n’est pas l’idéal pour tout. » Je fais glisser ma baguette entre mes doigts. « J’étais un assez bon duelliste dans ma jeunesse tu sais ? Je faisais partie du club de duel à Poudlard. C’était plus simple d’utiliser ma baguette pour cela par exemple, plus… contrôlé. Après, j’étais aussi beaucoup plus sanguin à l’époque. » Je bois une gorgée de cidre, me souvenant avec un certain amusement de l’époque. Peut-être qu’un jour, je me laisserai aller aux confidences avec mon neveu. Je pourrai lui parler de mon rapport à l’alcool, il comprendrait sans doute un peu mieux ma position, et mon intransigeance. Je range ma baguette dans ma poche. « Tu as déjà pensé toi, à t’intéresser aux autres traditions et aux autres formes de magies ? » Je me demande quel est le niveau du curiosité de mon neveu aujourd’hui, pour ce qui est différent. J’ai toujours du mal à me dire qu’il va finir sa vie à la tête de ce bar, lui qui était si doué comme avocat. « Le bar te prend tout ton temps ? Ou tu fais d’autres choses à côté ? » Quelque chose de mieux, peut-être… Non non non, c’était son anniversaire hier, ce n’est pas le moment.

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Nigel A. Fawley

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Ven 1 Mai - 5:39

FAWLEY
Nigel

Fawley
Melchior

Tout ce qui est exquis mûrit lentement




La trêve proposée, que tu lui apportes d’un mouvement de baguette, pile de vinyles se dévoilant, semble lui plaire, et tes lèvres s’étendent. S’il y a un terrain où tu es certain de pouvoir apaiser le pli agacé, presque sévère, qui tend les traits de Melchior, c’est bien celui de la musique. C’est quelque chose qui a toujours bercé tes moments avec lui, que ce soit enfant, Paul pas suffisamment grand encore pour courir à tes côtés, la voix de ton oncle rythmant tes après-midis, ou plus vieux, moue adolescente boudant les efforts de société, venant te réfugier dans les douceurs instrumentales qui résonnaient entre les murs de la demeure de Melchior. Il se lève déjà, passant les vinyles en revue, quand tes pensées s’enchaînent, te guidant jusqu’à une étrange curiosité. Reissen, les Ave Maria – forcément, les associations laissent rieurs, et tu ne peux qu’esquisser un sourire gêné. Il ne se contente pas de cet éclat moqueur, comme d’autres l’auraient bien fait, et ses paroles viennent de suite alléger ton ignorance. Les Ave Maria sont gommés, alors qu’il t’explique la pléthore de musique qu’il peut écouter. Ta grimace embarrassée se tisse en un air plus railleur, quand il admet toutefois que ses choix tournent tout de même autour du spirituel. Songeur, tu te souviens des mélodies jazz que faisait tourner Helen, dans le confort de votre chambre, ses jambes mêlées aux tiennes, sa voix se liant à celles souvent douces qui accompagnait les trompettes. Tu te racles la gorge, fermant brièvement les yeux pour renvoyer au loin ces images d’un temps révolu. Difficile de ne pas repenser à Helen, aux alentours de cette date, avec ce jazz qui s’élève dans ton bar – acheté, après tout pour fêter ton anniversaire, ta foutue crise de la quarantaine, comme elle l’avait si bien clamé. Tes pensées vont s’envoler, encore, dans le souvenir des baisers partagés, des danses entamées sur les voix d’Elsa et Louis, quand Melchior se rassoit face à toi, sa voix s’élevant à nouveau. Oui, Reissen – concentre-toi, Nigel, écoute donc.

Tes lèvres s’étirent, grimace ironique, quand il mentionne qu’il n’aime pas trop leur style de musique. Tu le savais, pas de surprise ici. Les propos qui suivent, pourtant, te font hausser les sourcils. Tu ne les connais pas énormément, veux-tu lui expliquer aussitôt, mais ta bouche reste close, attendant la fin de son explication. Sourcils retombent, quand un geste las vient soulever ta main. Ah, si vous deviez regarder les actes de tout le monde, quand Voldemort était là. Tu-sais-qui, prononce-t-il. Tu n’as plus entendu son nom prononcé ainsi depuis longtemps, les Jedusor devenant plus courant – pour le rendre moins effrayant, peut-être – et les Voldemort en tête de ligne. Tu-sais-qui, cela te renvoie bien trop d’années en arrière, quand trace était apposée sur ce mot par le Seigneur des Ténèbres. Sa main s’élève à son tour, semblant lui-même chasser ces propos. Diviser, provoquer la haine, donc – voilà ce qui gêne essentiellement le vieil homme. Tes doigts pianotent sur le comptoir, au rythme de la musique qui s’est élevée dans le bar.

- C’est du spectacle, tout cela. C’est comme ça qu’une réputation se crée, qu’ils se font une place dans le milieu. Le contestataire brutal, ça marche avec beaucoup de facilité. Sont-ils pour autant responsables des divisions que tu y vois ? Elles existent déjà, et si de pauvres chansons sont à même de les exacerber, c’est qu’elles ne couvaient pas bien profond. Tu restes songeur, quelques instants, puis souffles : Cela dit, je n’ai pas ton rapport à la chanson – pardon, à la voix. Je conçois mal tout le pouvoir qu’elle porte, mais j’entends bien qu’il te soit compliqué de la voir utilisée à ces fins. Que ce soit diviseur ou non – c’est surtout beaucoup de spectacle, et je ne pense pas que cela soit mieux comme usage.

Il y a quelques instants de silence, la voix grave de Louis emplissant l’air. Dance with me, chante-t-il, I want my arm about you. Ella l’y rejoint, quelques instants plus tard, cherchant à escalader montagnes, à s’en aller pêcher, danser, jamais autant satisfaite, pourtant, que cheek to cheek with you. Tu fermes les yeux, un instant, et un geste sec te fait récupérer la baguette sur le comptoir, soulevant l’aiguille du tourne-disque pour sauter la chanson. Il y a des paroles, des mélodies, qu’il vaut mieux ne pas rappeler à la mémoire, ce soir. Tu ne savais même pas que la chanteuse avait celui-ci ; peut-être finalement est-il un des tiens, que tu avais amené en prévision, restants des collections d’Helen, et il s’était mélangé aux siens. La chanson pèse trop lourd dans tes souvenirs, pourtant, et tu la préfères derrière vous. Reposant ta baguette, ton geste se mêle aux derniers mots que tu as prononcé – tu n’as aucune idée de la force de la voix, c’est certain, mais Melchior a pratiqué les deux. Comment diable ne plus avoir ce réflexe, cet acte facile, de saisir sa baguette pour faire tout ce que vous savez faire ?

C’est un sourire qui te répond, alors que sa main ridée vient tirer d’une poche interne une longue baguette de bois. Un bruit d’exclamation t’échappe, et tu te penches vers lui, soufflant un « Salazar, suis-je complètement aveugle, alors ? ». Il te rassure, pourtant, avouant ne pas en avoir grande utilité. Tu ne t’imaginais pas, pourtant, qu’il se balade encore avec sa baguette sur lui, et tes sourcils se froncent encore davantage. À quoi bon utiliser sa voix - si étrange, déjà, comme conception de la magie, qu’il te faut des efforts pour comprendre comment un chant pourrait être magique à lui seul –, si c’est en plus pour toujours posséder sa baguette, si facilement utilisable ? Tu hoches la tête, jetant un regard circonspect à ta propre baguette, soigneusement tenue entre tes doigts, quand il compare cela à si tu n’avais plus tes bras à utiliser. Tu n’as jamais trop réfléchi, finalement, à ce qui constituait ton acte magique, sa force centrale. Le mouvement du bras, celui de la baguette, le concentré de cela – ou la formule, la diction, la force que tu y mets ? L’ensemble, forcément, songes-tu, reportant ton attention sur lui. Tu ne comprends pas comment la magie peut être différente. Les outils diffèrent, tu l’entends, mais la matière reste la même, enfin. Dubitatif, tu suggères :

- Penses-tu que ce soit l’apport spirituel, qui donne cette impression de différence ? Je ne conçois que difficilement comment la magie – la base, j’entends, la matière – puisse se différencier dans ses fondements. C’est forcément ce que tu y associes, qui te donne l’impression de l’utiliser - de la sentir, même – différemment.

L’image de ton oncle, bon duelliste, à la magie sanguine – tu as un tant soit peu du mal à le concevoir, cela aussi. Tu ne doutes pas qu’il soit puissant, qu’il l’ait été à l’époque, mais la rigueur et le calme dont il fait preuve en toutes circonstances, depuis bien trop longtemps, a nécessairement figé une image de sa personnalité, de sa personne en tout cas, qui diffère hautement d’un homme aux duels sanguins. Pourrait-il encore faire des duels, avec la magie qu’il pratique ? L’appétit vorace pour la théorie – que tu acceptes volontiers d’avaler sans broncher, à défaut de pratiquer – te pousse à l’interroger, faisant tourner ta baguette entre tes doigts.

- Tu parlais de ta déception en Reissen, qui divise par la voix. Si tu devais faire un duel, pourrais-tu utiliser cette même magie – contrôlée par ta voix ? Puis, ajoutant vite, la pensée te tombant dessus : Contrôles-tu ta baguette aussi facilement qu’avant, après tant de temps ?

Peu de pratique, ma foi, ne peut qu’affaiblir les capacités d’un individu. Les efforts mis en place pour atteindre un contrôle de sa voix ne peuvent qu’avoir fait balancer les aptitudes en magie par la baguette. Perdu dans tes réflexions, tu mets quelques instants à entendre la question de Melchior, et te redresses avec un soupir :

- Merlin, non, je n’ai jamais pensé à d’autres traditions. Beaucoup d’entre elles m’échappent – j’ai vu la magie pratiquée par la voix, par des – tu manques de dire bouts de bois, trop habitué à railler Hekate, mais te reprends habilement – des oghams, quelques uns encore sans baguette, énumères-tu. Ce ne sont pas des apprentissages qui nous sont donnés facilement, tu le sais mieux que d’autres, et j’ai déjà mille choses à explorer avec celle que je pratique.

Tu replaces distraitement des chopes vides ramenées magiquement au comptoir dans le bac à laver, sous le comptoir, alors que ta grimace est remplacée par un air pensif. Que fais-tu, à côté du bar ? Peu de choses, par Salazar. Tes après-midis et tes nuits sont bercés des rires d’ivrognes, des mornilles clinquantes d’alcooliques, des voix chantantes de certains passants, et tes matinées, si elles ne te voient pas endormies au fond de ton lit, sont occupées à faire les comptes, remplir les stocks, et parfois, tout de même, faire des visites formelles à d’autres familles. Peu de péripéties passionnantes, qui ne méritent pas que tu lasses Melchior de les raconter. Alors, d’un haussement d’épaules, tu te contentes de soupirer :

- C’est un travail ne laisse pas une énorme marge de temps libre, mais j’ai au moins l’avantage de caler mes propres rythmes, et de ne pas subir les insultes de clients qui se sentent injustement jugés.

Un sourire étire tes lèvres, et tu ajoutes :

- Cela fait sept ans que je suis ici, et j’ai encore parfois le sentiment de ne pas avoir trouvé l’équilibre, le rodage parfait. Tu penserais qu’on s’habituerait bien vite, pourtant, à être tenancier. Ta voix est un peu plus basse, quand tu lui confies, un élan du coeur libéré sans que tu ne saches trop comment : Je suis entouré de monde, je subsiste grâce à ce flux constant, mais c’est… C’est, étrangement, plus solitaire.

Solitaire, ou bien, peut-être, t’offrant moins de regards. Ici, tu ne peux captiver personne de ton charisme, tu ne peux renverser personne de tes diatribes, ici, tu sers un whisky, et râles contre les ardoises trop remplies. Alors, tu les aimes, ses jambes d’Helen, mais elles sont parfois un peu tristes.




ft. @Melchior C. Fawley, 1683 mots




Spoiler:

Melchior C. Fawley

Melchior C. Fawley
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Sam 2 Mai - 4:17

 
Tout ce qui est exquis mûrit lentement.
Les doigts de Nigel tapotent le rythme de la musique sur le bar , et je le regarde faire avec une certaine attention. Cela me permet de garder mon calme, car je crois qu’évoquer le groupe allemand pourrait bien vite m’agacer. « C’est du spectacle, tout cela. C’est comme ça qu’une réputation se crée, qu’ils se font une place dans le milieu. Le contestataire brutal, ça marche avec beaucoup de facilité. Sont-ils pour autant responsables des divisions que tu y vois ? Elles existent déjà, et si de pauvres chansons sont à même de les exacerber, c’est qu’elles ne couvaient pas bien profond. »  Je fronce les sourcils. Bien sûr qu’elles existent, tout comme l’incendie n’a pas besoin du vent pour exister – seulement grâce à lui, il se propage. « Cela dit, je n’ai pas ton rapport à la chanson – pardon, à la voix. Je conçois mal tout le pouvoir qu’elle porte, mais j’entends bien qu’il te soit compliqué de la voir utilisée à ces fins. Que ce soit diviseur ou non – c’est surtout beaucoup de spectacle, et je ne pense pas que cela soit mieux comme usage. » Je hausse les épaules. Ce n’est pas vraiment ça, mais il touche certainement quelque chose qui est juste. J’aime la musique, mais je lui prête sans doute quelque chose de trop lié à ma foi pour juger objectivement. Après, Reissen, c’est encore autre chose. J’ai vu tellement de mes proches défendre Jedusor, tellement se battre pour lui. Comment ne pourrais-je pas mépriser ceux qui chantaient sa gloire, même pour le spectacle, comme il dit. « Ce n’est pas que du spectacle Nigel. Ça a un effet. Admirer ouvertement un mage noir quand on a leur renommée, faire les coups d’éclats qu’ils ont pu faire en interview, ça a un effet. Même en dehors de mon rapport à ces choses là, tout ça, c’est politique. Bien sûr que je leur reproche ça aussi, de politiser ce qui pour moi tient du sacré. Mais je leur reproche surtout la ligne politique sur laquelle ils sont... » J’ai sans sourciller voté coupable aux procès de nombre des enfants de mes amis, des enfants pour lesquels j’en étais venu à concevoir une réelle tendresse, justement parce qu’il l’avait soutenu lui. Nigel le sait, il en a défendu quelques uns. Ce n’est pas pour pardonner facilement à des imbéciles qui, s’ils ne se sont jamais battus, s’ils n’ont jamais eu la marque, ont sans aucun doute participé à la rendre plus attrayante pour une partie de la jeunesse.

La musique semble trouver un certain échos en lui, et je me laisse un instant porté par les voix d’Amstrong et Fitzgerald avant qu’il ne m’interroge sur ma tradition. C’est autrement moins désagréable pour moi comme conversation que de parler de Reissen, et certainement moins polémiquen puisqu’ils s’entend bien avec eux. Il a presque l’air surpris de me voir sortir ma baguette, ce qui me fait sourire. « Penses-tu que ce soit l’apport spirituel, qui donne cette impression de différence ? Je ne conçois que difficilement comment la magie – la base, j’entends, la matière – puisse se différencier dans ses fondements. C’est forcément ce que tu y associes, qui te donne l’impression de l’utiliser - de la sentir, même – différemment. » J’acquiesce, songeur. « Je ne pense pas que la magie, en tant qu’énergie ou de flux, change effectivement. Je ne sais pas à quel point c’est le spirituel le cœur de cette différence, après c’est quelque chose qui est ancré dans chacun des aspects de ma vie, je ne peux pas penser si ma magie ni mon existence sans ma foi… Mais je l’utilise différemment, ce n’est pas juste une impression Nigel. Je ne saurais pas exactement comme expliquer ça… C’est une question d’harmonie... » J’ai du, jeune homme, poser des questions similaires, partagé entre la magie que je pratiquais à Poudlard et à celle que m’enseignais ma mère. Je suis presque certain que les réponses reçues à l’époque étaient énigmatiques, et que si je me laissais aller aux réflexions théologiques qui ont guidé ma compréhension de ce genre de choses ce soir, mon neveu ne goûterait pas vraiment de mes explications. « Tu parlais de ta déception en Reissen, qui divise par la voix. Si tu devais faire un duel, pourrais-tu utiliser cette même magie – contrôlée par ta voix ? » Je n’ai pas le temps de répondre que Nigel ajoute. « Contrôles-tu ta baguette aussi facilement qu’avant, après tant de temps ? » Je prends une gorgée de jus de pomme, et fait tourner ma baguette devant moi. « Tout dépend de ce que tu veux dire. S’il s’agit d’user des sortilèges que tu utiliserais toi aussi avec ta baguette par exemple, je devrais pouvoir, j’y arriverais même probablement mieux que quand j’avais vingt ans. Si tu me parles d’utiliser ma voix comme une arme, la charger de magie pour te maudire, te contraindre ou te nuire… C’est possible. Si nous nous fâchons tout à l’heure, et que nous en venons à nous insulter, certains des mots que tu pourrais dire auraient un effet sur moi. Et bien, dis toi que c’est la même chose… Sauf que l’effet serait magique. C’est pour ça que ça demande, que ça me demande, d’être attentif. Si tu poses ta baguette, tu ne fais pas de magie. Tant que je ne suis pas muet, j’en fais peut être. Alors, je pourrais certainement faire un duel comme tu l’entends, mais il y a des façons bien plus subtiles ou sordides de diviser... » Je me demande comment je n’ai pas pu tout détruire dans ma haine contre Edna, nous damner tous les deux, provoquer notre ruine… Quelqu’un doit me protéger de moi-même, veiller sur moi. La pensée me fait sourire. « Et pour ma baguette… Je serais bien incapable de te répondre. Peut-être que j’aurais plus de difficultés, peut-être pas. A vrai dire, je ne suis pas certain que cela soit vraiment important. » Tant que je ne suis pas muet ou soumis à un sortilège de mutisme, bien sûr. Mais autant j’ai confiance en mon neveu, autant je ne vois pas l’intérêt de m’appesantir plus sur la plus grande faiblesse des chœurs célestes. Mais cela me fait plaisir je crois de le voir s’y intéresser. Il me parle des oghams, et il a de toute évidence d’autre non hermétiques dans son entourage. « Ce ne sont pas des apprentissages qui nous sont donnés facilement, tu le sais mieux que d’autres, et j’ai déjà mille choses à explorer avec celle que je pratique. » Je songe, un peu triste, qu’il pourrait pu être un chœur céleste si son père avait été plus ouvert à la question ou que notre mère avait eu une vocation d’évangélisation… Mais je lève mon verre et acquiesce à ses mots – il a effectivement déjà bien assez à chercher dans l’Ordre d’Hermès.

Je reviens à des considérations moins magique, plus humaine, et le questionne sur son emploi du temps. « C’est un travail ne laisse pas une énorme marge de temps libre, mais j’ai au moins l’avantage de caler mes propres rythmes, et de ne pas subir les insultes de clients qui se sentent injustement jugés. » Il sourit et je lutte contre moi-même pour garder un air sympathique : c’est vrai que les clients désagréables ici doivent puer l’alcool et avoir la violence facile, on ne me fera pas penser que c’est mieux. Troquer une brillante carrière pour un troquet, et prendre ça avec tant de  légèreté… « Cela fait sept ans que je suis ici, et j’ai encore parfois le sentiment de ne pas avoir trouvé l’équilibre, le rodage parfait. Tu penserais qu’on s’habituerait bien vite, pourtant, à être tenancier. » Il baisse la voix. « Je suis entouré de monde, je subsiste grâce à ce flux constant, mais c’est… C’est, étrangement, plus solitaire. » Je crois que cette confidence suffit à calmer en un instant mon précédent agacement. Nigel, Nigel, Nigel… J’ai presque envie de le prendre dans mes bras – c’est que je l’aime bien, même s’il me fatigue régulièrement. « Ça ne va pas s’arranger, tu sais ? » Je m’étire sur mon tabouret. « Il y aura de plus en plus de vide et de silence autour de toi Nigel, même entouré de monde. Ici ou ailleurs d’ailleurs, je ne parierai pas que la sensation eut été différente si tu n’avais pas ouvert ton bar... » Oh si, il y a sans doute une différence majeure : sa femme serait peut-être à ses côtés. Je soupire, et un instant, je lutte pour ne pas lui demander un verre d’alcool – un whisky, ou non, son meilleur rhum ! On arrive à près de quatre vingt ans, on n’a pas d’enfant, plus d’épouse, on est l’oncle bougon et moralisateur. Mais Nigel, brillant, sympathique quand il en a envie, bien plus ouvert que je ne l’ai jamais été mérite autre chose – mérite mieux. « Tu devrais t’accorder du temps pour continuer à voir tes proches, en dehors de ton bar je veux dire. C’est important pour lutter contre ça… Crois-en un vieillard solitaire. » Je n’arrive pas à croire que c’est cette question qui me brûle les lèvres – et je crois que quelque chose en moi me juge de seulement évoquer la question. « Ça fait sept ans tu l’as dit… Tu n’as jamais penser à… refaire ta vie ? » Il serait idiot de ma part de prier encore pour que ces deux-là se pardonnent de mon vivant. Et après tout… Est-ce vraiment moins se damner que de vivre sa vie dans la haine et le ressentiment ? Bien sûr, s’il dit oui, la réponse ne me plaira pas – mais je crois que je veux lui souhaiter un peu de bonheur pour son anniversaire, même si cela me déplaît ; et que je prierai pour son âme dans tous les cas. Ce n’est pas un si mauvais bougre après tout…

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Nigel A. Fawley

Nigel A. Fawley
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Ven 8 Mai - 16:28

FAWLEY
Nigel

Fawley
Melchior

Tout ce qui est exquis mûrit lentement




Tes paroles ne semblent pas l'avoir convaincu. Il hausse les épaules, balaye tes propos comme quoi ce n'est que du spectacle. Évidemment, tu ne te leurres pas, Reissen n'est pas apolitique, leurs musiciens ne se refusent pas à des paroles flatteuses pour les plus extrémistes d'entre vous. Leur présence, finalement, à la table de Narcissa, ce soir de Noël, n'était que plus révélatrice. Mais tu ne veux pas croire, tout de même, qu'ils soient plus que cela, plus que du paraître, avec un quelconque pouvoir sur l'opinion. Quant à reprocher leur ligne politique... c'est à ton tour de hausser les épaules, vous savez bien tous deux comme jamais vous ne serez d'accord sur ces questions. Certes, le Seigneur des ténèbres n'a jamais eu ton aide la plus dévouée, te contentant de faciliter ça et là la libération de certains, ou le partage de certaines informations, mais tu n'es pas de ceux qui ont ouvertement clamé ton amour Mangemort. Peut-être est-ce pour cela, finalement, que Narcissa te tient à l'écart des grosses décisions, qu'elle ne te révèle pas davantage ce quelle manigance pour les mois à venir. Peut-être aussi parce que tu n'es qu'un pauvre barman, maintenant. Soupir lassé. Mieux vaut enchaîner sur plus passionnant, cher Nigel.

Alors tu t'abandonnes à des questionnements magiques, pensées s'interrompant ça et là seulement pour goûter aux voix si particulières d'Ella et Louis. Tes songes spirituels ne semblent pas le déboussoler, il acquiesce même à ce que tu supposais. Tu hoches la tête, conscient que l'essence magique ne peut se voir modifiée ainsi. Il t'est plus compliqué de comprendre comment il peut la pratiquer différemment, comment la foi lui offre ce regard nouveau sur ce qu'il pratique, et qui il est. Ton regard se perd sur son visage tranquille, apaisé par l'âge et les réflexions qu'il en a tiré. La foi, n'est-ce pas ? Tu penses à ta mère, brièvement, qui t'aurais bien ramené plus fréquemment à l'Église, et soupires. Tu ne sais pas comment lui dire, et ce n'est certainement pas ta place, mais tu ne conçois pas comment quelqu'un comme lui peut s'abandonner à une force, plus forte, indicible, qui contrôlerait ce qu'il pratique. Il y a une différence entre croire à Dieu, et tu n'es pas encore assez aigri pour rejeter totalement ce principe familial, et croire que ton être, tes actes, ta magie, dépend de cette relation avec lui. C'est un dévouement qui te dépasse, et qui t'effraie presque. Alors soit, peut-être le ressent-il différemment, peut-être son harmonie est-elle plus divine. Que pourrais-tu lui répondre, tu n'y connais rien. Tu t'autorises simplement à souffler, un peu dépité :

Je ne te mens pas, cette force spirituelle me dépasse. Je ne conçois pas comment elle peut différencier tant que cela la forme de magie - je me laisserai peut-être tenter à lire dessus, un jour. Tu me conseilleras des ouvrages ?

Si la pratique t'échappe souvent, peu importe la tradition, la théorie devrait toujours savoir faire écho en toi, et apaiser un peu cette incompréhension. Plus tard, seulement. Tant qu'il est ici, et prêt à répondre à tes quelques questions, tu en profites toutefois pour laisse libre court à tes interrogations les plus pressantes. Melchior, grand duelliste. Évidemment ! Mais comment ? Et maintenant, qu'est-ce que cela lui ferait ? Comment peut-il s'être déterminé à perdre cette capacité-là ? Ça t'agacerait presque, cet abandon de force, toi qui as tant trimé pour maîtriser l'art pratique, les moqueries de Camille Nott te tombant encore dans l'oreille. Pensif, Melchior pèse sa réponse. Tu fronces les sourcils, attentif à son exposé. L'idée d'avoir une puissance de la voix démultipliée intrigue, et tu conçois différemment la force que possède ton oncle. Alors comme ça, sa colère ferait éclater sa magie, de par ses mots ? Un frisson te remonte l'échine alors que tu poses un regard nouveau sur lui. Tu n'es pas des hommes les plus colériques, car tes excès de colère sont, malgré ton air bougon, assez rares, assez condensés. Lorsqu'ils explosent, seulement, c'est un souffle glacial qui traverse la pauvre victime de ton coup d'éclat, et tous les agacements cumulés retombent d'une froideur terrible. Si tes mots portaient une force, lors de ces explosions, tu ne peux jurer que les individus les prenant de pleine face en seraient sortis indemnes. Le contrôle que cela doit demander te sidère et, à la fois, t'exaspère.

N'est-ce pas frustrant ? souffles-tu.

Ce doit être Dieu, encore, ce dieu si clément, qui garde Melchior sur le chemin de la sagesse. Tu n'oses pas lui demander, si cela lui est arrivé, de perdre le contrôle ainsi, mais tes yeux brillent d'une curiosité sauvage. Tu la contiens, tant que tu peux, alors qu'il répond aux restes de tes questions. Ah, oui, la baguette. Ce n'est pas vraiment important, alors. Tu secoues la tête, dubitatif :

Tu l'as dit toi-même, ton pouvoir est potentiellement écrasant, mais il te faut parler. Tu dois bien vouloir être certain de pouvoir maîtriser tout autant ton autre outil, si tu ne devais plus pouvoir t'exprimer, non ?

Peut-être parce que tu l'interroges trop, voilà qu'il te demande si cela t'intéresserait. Épaules haussées, tu avoues ne pas être ignorant des traditions qui existent, mais tu n'as pas le temps, oui, c'est la seule réponse qui te vient. Pas le temps, car déjà la tienne t'échappe trop. Comment pourrais-tu contrôler ta voix comme il le fait, si ta croyance en Dieu est bien plus minime, et si, surtout, tu ne sais pas déjà exceller dans la pratique de ton outil de bois. Non, plus tard, un jour peut-être. Il ne s'en formalise pas, verre levé vers moi.

Le travail, donc, qui te prend ton temps. Voyez, tu n'aurais vraiment pas l'occasion d'apprendre une autre tradition, ta vie est déjà trop chargée. Ca n'a rien des rythmes effrénés des saisons de procès, des nuits blanches passées à plancher sur un dossier, mais bon sang, c'est ardu tout de même. Ardu, et solitaire. La confidence t'échappe, et tu pinces les joues aussitôt, cherchant du regard un verre à remplir, pour y plonger ta honte. Quelle idée, de lui dévoiler cela. C'était faux, en plus, évidemment, tu n'étais pas seul du tout. Il y a.... il y a Hekate, de temps en temps. Il y a même ce fichu Verpey, qui passe trop de temps dans ton arrière-boutique. Il y a les habitués, dont tu connais presque les histoires par coeur, maintenant. Il y a les passants inhabituels, qui viennent une fois, de passage, il y a les sang-mêlés, même, qui lisent parfois Shakespeare, et tu jettes un regard curieux à leurs ouvrages, voulant y lire les lignes qu'Helen te susurrait autrefois. Non, tu n'étais pas seul. Pas du tout. Tes yeux reviennent à lui, alors que tes lèvres s'étirent en un trait fin à ses paroles. Il n'y a aucun doute, ton oncle ne peut que déprimer davantage tes pensées. Que s'imaginer, d'un homme seul, qui ne boit pas, réfugié dans ses Archives ? La solitude, il connaît, et il ne peut que t'annoncer comme tu la connaîtras toi-même. Tes traits tirés se décrispent un peu, quand il t'encourage à aller voir du monde, ailleurs, foi de vieillard.

Il vaut parfois mieux être seul, Melchior, souffles-tu, t'autorisant enfin à faire glisser tes mains vers la bouteille de whisky-pur-feu, sous le comptoir, une préférée, de la famille Thornberry.

Des sang-mêlés, mais du bon whisky. Il fait nuit, dehors, le service du soir est lancé, tu peux bien te permettre un remontant, après tout cela. Tes gestes s'immobilisent, bouteille au dessus du verre, pourtant, lorsque sa question te tombe dans l'oreille. Un rire bref t'échappe, franchement surpris par cet intérêt pour ta vie personnelle, et tu secoues aussitôt la tête.

Refaire ta vie.

Y as-tu même pensé ? Partager ton quotidien, avec quelqu'un d'autre qu'Helen ? Il y a eu des femmes, évidemment, des baisers réguliers, des périodes de plaisir maintenus, mais jamais, jamais quelqu'un de sérieux. Quelqu'un qui te fait tourner la tête, te donne envie d'être heureux. As-tu même une femme dans ton entourage, qui te passionne assez ? Brièvement, l'image d'une chevelure blonde dénouée d'un air las te monte à la tête, mais elle est bien vite oubliée. Refaire ta vie, non, tu n'y as jamais pensé. Tu ne t'imagines pas pourtant qu'Helen te reviendra - cela fait sept ans, cette époque est révolue. Peut-être même est-elle remariée et on te l'aura caché. Helen n'est plus de ta vie, c'est certain. Tes yeux se posent sur ta bague, qui trône encore fièrement à ton annulaire, main serrée sur le verre, et tu lèves les yeux au ciel, agacé par toi-même. Il faudra que tu l'enlèves. Un jour, bientôt. Que tu réfléchisses, à après. Une autre femme ? Bon sang, quelle idée.

D'un geste souple, tu reprends ton service, te réservant une belle rasade, hésites à en proposer, tout de même, sait-on jamais, à Melchior, mais ta main reprend sagement la direction du comptoir, pour glisser la bouteille en dessous. Ce n'est qu'à ce moment-là, première gorgée dégustée, que tu recroises ses yeux.

- Je n'y ai jamais réfléchi, tu sais ? Personne ne m'a jamais posé la question, et j'ai préféré ne pas me le faire non plus.

Distraitement, tu joues avec ton alliance, hésitant.

- Il est peut-être temps, maintenant. Bientôt. Un instant de silence, avant que tu ne lâches. Tu ne l'as jamais fait, toi.

Tu n'oses pas le demander, mais c'est au bout de ta langue, à la barrière de tes lèvres. Le regrettes-tu ?




ft. @Melchior C. Fawley, 1568 mots

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