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{Nasiah} la naissance d'une étoile
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

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A. Josiah N'Da

A. Josiah N'Da
MODÉRATRICE & MJ
hiboux : 1086
pictures : {Nasiah} la naissance d'une étoile Voodoo-ppl
Dim 12 Mai - 13:59




la naissance d'une étoile
Quelques perles de sueurs glissaient le long de son torse et allaient se mêler aux siennes. Glissant sur leurs peaux, produits de leurs ébats, ces gouttes était encore un élément que Josiah vénérait. Tout, chez Nasiya, était extraordinaire à ses yeux. La moindre courbe de son corps, le plus petit grain sur sa peau, la ride qui se formait sur son front quand il réfléchissait, les fluides que son corps émettait quand ils faisaient l’amour. Tout. Lui, lui, et encore lui. Son corps près du sien au plus profond de la nuit.
Josiah avait fermé les yeux, puis les avait rouverts. Combien de minutes s’étaient écoulées ? Quelques secondes, il avait l’impression, mais peut-être plus. Il entendait la respiration de son amant à côté de lui, dans son cou, et pouvait déterminer, par le simple rythme de son souffle, qu’il ne dormait pas. Quand Nasiya dormait, c’était la plupart du temps d’un sommeil provoqué par ses diverses potions. Ainsi, son corps en était ralenti, et sa respiration avec. Là, son souffle était encore saccadé, peut-être des suites de l’heure d’amour qu’ils venaient de passer. Peut-être ne s’était-il vraiment écoulé que quelques secondes, finalement. Dans ces moments-là, le temps semblait suspendu. Si Nasiya avait été legilimens, s’il avait pu lire dans ses pensées, il n’aurait rien trouvé dans son crâne. Un vide profond, vertigineux même pour l’œil mal-avisé. Mais il n’y avait rien d’inquiétant à cette vacuité de l’esprit. Elle était signe d’une détente absolue, que seuls les bras de son amant, de son amour, savaient lui procurer. Et puis, petit à petit, soyez sans craintes, les pensées revenaient. Evidemment, car si cette solution pour ne plus avoir à penser avait été pérenne, Nasiya serait déjà parvenu à embouteiller ce sentiment pour le vendre à ses clients, et le consommer lui-même. Non, il s’agissait d’un moment fugace, imprenable, et surtout, inimitable. Josiah en était certain : aucune drogue, sorcière ou moldue, aucune potion, aucune mandragore ne pourrait équivaloir à cette sensation-là. A la sensation orgasmique d’un amour absolu.
Sa gorge était sèche, la sensation était désagréable. Ce fut par ce chemin-là que son esprit se remit en route. Il s’agissait d’un besoin, premier, de se désaltérer. Bientôt, son corps se tordait pour se redresser, lourd, et il s’extirpait du lit en s’étirant comme un chat. Attrapant sa robe de chambre en lin orange qui traînait sur une chaise, il se retourna un instant pour s’adresser à son homme, alors qu’il enfilait une manche, puis l’autre, et enserrait autour de sa taille la ceinture. « Tu veux un verre d’eau, amour ? » Ce dernier mot avait été dit en français, comme toujours. Il était niais, comme ça, quand il s’adressait à Nasiya. Il utilisait la langue de l’amour pour l’appeler mon amour. Si ça ce n’était pas franchement débile. La faute à Nas’ et à ses stupides yeux trop expressifs. Aux sentiments trop forts qu’il lui faisait éprouver.

Bientôt, Josiah sentait le carrelage froid de la cuisine refroidir la plante de ses pieds. Sous la seule ampoule allumée de l’appartement, il buvait son verre trop rapidement, et devait ainsi essuyer son menton, sur lequel l’eau avait coulé. Son regard valsa du sol jusqu’au corps étendu de son homme. Il était paisible, lui aussi. Ce n’était pas toujours le cas, surtout au creux de la nuit. Il ne dormait pas, mais il se tenait là, immobile entre les draps chiffonnés. Nasiya ne dormait presque jamais de façon naturelle, il usait toujours de différents artifices pour réussir à passer quelques heures de tranquillité. Josiah détestait cela, c’était d’ailleurs une des choses qui l’inquiétait le plus chez son amant, et pourtant, il ne pouvait rien dire.
Il ne pouvait rien dire, parce qu’un des facteurs de ce mauvais sommeil, et des angoisses générales qu’éprouvait Nasiya, lui étaient dues. En tout cas, c’était ainsi que Josiah s’imaginait les choses, qu’il se fantasmait la vérité. Josiah aimait se raconter qu’il était la raison pour laquelle Nasiya était venu s’installer à Londres. Il se disait que c’était pour lui que le jeune sud-africain avait décidé de poser ses valises définitivement sur le sol anglais, territoire qu’il avait beaucoup de mal à ne pas détester. La culpabilité était un sentiment que Josiah ne connaissait que trop bien, et dans lequel il était facile de se complaire. Nasiya avait refusé la vie londonienne une première fois, mais n’avait pu que l’accepter quand, trois ans plus tard, Josiah la lui avait à nouveau proposée. Alors maintenant, cet homme avide de libertés, de nouvelles contrées à explorer et de personnes à rencontrer, se retrouvait prisonnier d’un trop petit appartement dans un trop petit pays encerclé d’eau. L’angoisse.

Josiah remplit à nouveau son verre d’eau pour l’apporter à Nasiya. Il le posa sur la table de nuit, laissant derrière-lui la lumière de la cuisine allumée. C’était à lui, maintenant, que le sommeil échappait, il ne voulait pas se recoucher tout de suite. Il parcourut alors la chambre plongée dans une certaine pénombre, errant dans la nuit comme la panthère en laquelle il se transformait parfois. Pénombre était un terme qu’il ne connaissait plus, précisément à cause de cette panthère. Il était parvenu, à force d’essayer, à relier de façon plus rapprochée son corps félin et son corps humain. Au travers d’un tatouage apposé sur l’arrière de son mollet qui faisait véritable figure d’avatar, il s’était senti devenir nyctalope même sous son apparence humaine. Du bout des doigts, il jouait avec les différentes fioles entreposées sur la commode de la chambre, dont il pouvait ainsi parfaitement lire les étiquettes. L’idée était qu’à terme, il pourrait encore un peu plus engorger de magie ce tatouage, pour parvenir à hériter d’un autre trait de cette panthère : son silence. En attendant, ses pas grinçaient sur le parquet, et entre ses doigts, le verre des fioles émettait encore des tintements. La persévérance, en tout cas, n’était pas quelque chose qu’il devrait emprunter à son alter-égo, c’était une qualité qui lui était naturelle et qui l’aidait à avoir confiance en le fait qu’un jour, il y parviendrait.
Entre les récipients à potions et les tubes d’encre, Josiah dénicha un de ses vieux appareils à tatouage. Sous la poussière, l’outil mécanique brillait presque. Le visage de notre sorcier s’éclaira face à cette trouvaille : cette machine avait été son outil de prédilection en matière de tatouage pendant toutes ses premières années dans le métier. Depuis, il avait acheté une machine plus élégante, plus sophistiquée, plus adaptée au travail magique qu’il lui demandait d’effectuer, mais il y avait quelque chose de particulièrement nostalgique à cet appareil-là. Le reprendre en main le ramenait dix ans en arrière, quand il s’entraînait, à l’intérieur de l’oreille d’un chat, à tatouer des numéros. Bientôt, Josiah fouillait dans les diverses boîtes en bois qui trainaient sur cette commode pour trouver les aiguilles qui allaient avec l’appareil, et pour trouver quelques fioles d’encre qui l'accompagneraient bien. Il soufflait sur les boites pour les dépoussiérer : ça faisait des mois, peut-être des années, qu’il n’avait pas touché à ce matériel-là. Depuis qu’il avait son propre atelier, où tout était propre, désinfecté et rutilant, en fait. Une fois qu’il eut assemblé toutes les pièces, glissant dans la boite des aiguilles une dose d’encre noire, il se retourna vers Nasiya, un grand sourire traversant son visage.

« Tu sais que t’es beau, mon amour ? » lui glissa-t-il, alors qu’il plongeait à nouveau vers le lit. Il déposa la boite en bois gravée et la machine sur la table de nuit. Entre deux baisers dans le cou de Nasiya, auquel il ne résistait pas, il rajouta : « Tu te souviens du Brésil, quand je bossais avec Joâo, et que toi tu dansais tous les soirs dans les rues de Rio ? Tu te souviens, mon trésor comme tu étais beau ? » du bout des doigts, Josiah caressait le torse de Nasiya. Il ne bossait pas exactement, avec Joâo. Celui-ci avait été un de ses premiers maîtres tatoueurs, et il lui faisait majoritairement faire toutes ses corvées. Notamment, tatouer l’oreille de ses chats avec une encre magique, qui permettrait de pouvoir les voir apparaître sur une carte si ceux-ci partaient trop longtemps à l’aventure. Pas un travail d’artiste, mais un travail absolument nécessaire à sa formation. « C’est là-bas que j’ai pu m’acheter mon premier appareil à moi, tu te souviens ? C’est celui-là … » rajoutait-il en pointant du crâne la machine qui brillait presque sur la table de nuit. Sans aucun doute, Nasiya savait déjà où Josiah voulait en venir, alors, il ne rajouta rien. Plutôt que ça, il plongea son regard sur le corps de son amant, parcourant les détails de sa peau, ses iris s’attardant sur différentes parties de son corps. Cette surface plane sur laquelle apparaissait quelques poils, au-dessus de son cœur. Sa peau, tendre, dans le creux de son épaule. Brillante, sur son biceps musclé. La surface cachée derrière son oreille, là où il l’embrassait si souvent. Dans le silence et dans la pénombre, c’était presque comme si Josiah le suppliait. Sans aucun mot, il lui demandait son autorisation, mais à vrai dire, là-bas, dans la boîte en bois, les aiguilles s’agitaient déjà. Josiah était un homme persévérant et sûr de lui, et il avait appris, avec les années, à faire en sorte que Nasiya ne sache lui résister.

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Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
hiboux : 467
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Jeu 30 Mai - 21:14

La naissance d'une étoile

Une trace de nous, de notre histoire, un baiser qui tâche


Mes grognements se tarissent alors que je mordille la peau du cou de mon amour, retombant contre lui, les étoiles dans les yeux, la tête au septième ciel. Du bout du nez, je joue avec sa peau, et je reste là, blotti contre lui, quelques secondes, longues secondes, le temps de m’abreuver de ses soupirs de plaisir, ses muscles relâchés, son souffle qui se perd, sa sueur qui glisse sur l’arrête de mon nez. Je retombe sur le côté, encore bien trop emmêlé dans les bras de Josiah, et incapable de m’en retirer. Si Dieu devait m’offrir un paradis éternel, ce serait là. Juste là. Cet instant précis, ce sentiment de bonheur profond, cette jouissance amoureuse.

Quand j’étais enfant, le grand Elinqabileyo nous faisait nous asseoir en rond autour de lui, au lever du soleil, et on priait notre Dieu. Le seul qu’on ne pouvait pas contacter directement, mais le seul qui nous assurerait amour, vie, sainteté. Tous les matins, inlassablement, le grand Elinqabileyo nous rappelait la nécessité de trouver cette parenthèse de bonheur, cet endroit sacré, ce moment béni, que notre Dieu nous offrirait dans notre Éternel. Pour certains, ça avait été facile, immédiat. Knysna, le soleil brûlant, les palmiers, les poissons qui mordillent le bout des pieds. Longtemps, je m’étais imaginé que c’était le mien aussi. Si l’odeur du sable chaud et des poissons grillés à même le bois de la plage me sont toujours des souvenirs qui s’apparentent au bonheur, c’est cet homme-là, qui surplombe le tout.

C’est sa peau, sa peau cacao, sa peau que je lèche, que je trace des doigts, que je dévore et suçote. Sa peau qui se fond dans la mienne. C’est ses yeux, que je ne me lasse pas d’observer, ses yeux qui noircissent quand il s’énerve, ses yeux qui noircissent quand la jalousie l’étreint, ses yeux qui noircissent quand le plaisir le fait gémir. C’est lui, le timbre de sa voix, les caresses discrètes, son souffle qui m’apaise. C’est mon morceau d’éternité. Presque rien qu’à moi — quand est-ce qu’on va grandir, enfin ? se l’avouer, se le crier, se l’accepter. L’un à l’autre, rien que ça. Est-ce qu’on aimerait ? Est-ce qu’on pourrait ?

Je grogne quand Josiah s’éloigne, s’extirpe de mes bras, se glisse au bord du lit. Que fait-il, l’imbécile. Reviens, amour, reviens contre moi, je dormais presque si bien, je réfléchissais encore un peu trop, toujours trop, comme toujours, mais je pensais à toi, contre toi, respirant ton odeur, c’était si bien. Reviens. Il quitte le lit, pourtant, je le sens au poids du matelas qui s’allège. Soupir, et j’ouvre un oeil, paresseux. Je m’apprête à râler, grogner, encore, comme je le fais si bien, toujours, inlassablement, mais déjà sa voix s’élève, il enfile lascivement sa robe de chambre, la couleur claque sur sa peau, il est à croquer. Je le dévorerais encore, mille et une fois, reviens. J’ai un long frisson, tout le long de la colonne vertébrale, quand sa langue se délie, que le dernier mot quitte le lobe frontal, le système nerveux, et vient finir dans mes oreilles. Ah, amour. Amour. J’aurais dû apprendre le français, peut-être, au moins pour pouvoir lui répondre. Peut-être que ce serait plus facile, de le lui murmurer, de lui susurrer, toutes ces déclarations d’amour que je veux lui faire, dans cette langue sensuelle ? Je ne fais que grogner mon assentiment, oui, un verre d’eau, maintenant qu’il le dit, je ne sens plus ni mes lèvres ni ma gorge, tout est desséché. C’est qu’il m’a mis à plat, mon beau.

Et il s’évade, il glisse sur le carrelage, il fait les quelques pas vers la cuisine, je l’observe, à peine, les yeux mi-clos, les ondes de jouissance soulevant encore mes nerfs de plaisir. Je l’entends qui se remplit son verre, qui déglutit, vite et fort, de l’eau pour se ressourcer, vite. Je sens son regard, aussi, qui pèse sur moi. Ses prunelles qui glissent le long de mon corps découvert mais qui, surtout, s’attardent sur mon visage, fatigué, tant par l’effort amoureux que par les insomnies terribles. Il doit encore se miner le cerveau, s’imaginer mille et une bêtises sur mes insomnies, tout ça à peine sortie de l’extase — il n’arrête jamais. On est pareil, finalement, ce serait se leurrer que d’imaginer le contraire. Nos âmes, balancées l’une sur l’autre, accrochées l’une à l’autre, elles y trouvent leur repères, du bonheur, des espoirs, les même hurlements de douleur.

Je grommelle lorsqu’il revient vers moi et dépose le verre sur la table basse. Il faut que je me relève sur un coude, que je l’attrape tant bien que mal et enfin ! le liquide glacé coule dans mon gosier, glisse sur mon cou, dévore les sueurs qui dansent sur mon torse. Je lâche un merci, presque audible, mais Josiah est déjà reparti, mes doigts n’ont pas eu le temps de saisir son poignet, et je ne peux que me remettre au lit, abreuvé. Je retrouve le confort du matelas, des draps qui effleurent ma peau, bien que mon corps soit encore trop chaud de l’effort, trop engourdi. (spoil)Il faudrait que j’aille sous la douche, que j’aille me nettoyer, ça colle entre mes jambes, mais non, je me contente d’un petit geste des deux pouces, qui glissent férocement contre les paumes de ma main, pour essuyer tant bien que mal ce qui peut l’être. C’est déjà un peu plus agréable, et mes pensées viennent alourdir mon esprit, viennent faire reposer ma tête sur l’oreiller, s’engouffrant dans le moelleux des plumes, s’ensablant presque auprès du marchand de sable, le vrai, celui qui vient diffuser de la poudre de sable dans mon système nerveux, celui que Dieu même a inventé. J’y suis presque — la respiration calme, l’esprit en paix, je dors ? Je dors ! Non. Déjà mon esprit redonne un coup de travers au marchand de sable, uppercut, à plat au sol, la tête dans la poussière. Et mes yeux qui s’ouvrent à nouveau, mes mains qui s’agitent, la fatigue, nerveuse, qui me revient. La jouissance s’est dissipée.

Il me faut une roulée. Juste quelques taffes. Il n’aime pas ça, mon doux, mon tendre, mon aimé. Il aimerait plus d’insomnies, moins de poisons qui me détruisent. Compréhensible. Il a le dos tourné, il fait presque aucun bruit, mais je sais qu’il farfouille dans ses fioles, ses vieilles affaires, Dieu sait ce qui lui a pris pour s’y mettre à cette heure-là. Je pourrais me lever, m’esquiver quelques instants — une douche, chéri, une douche rapide, t’en fais pas — et aller tirer quelques taffes, un peu de répit. Je n’ai pas le temps, déjà il revient, il a quelque chose entre les mains, et il plonge auprès de moi, sa voix glissante, langoureuse, sa voix qui s’entortille autour de moi, qui me laisse moite. Je vrombis, son mon amour venant titiller mon oreille, faire frissonner mon corps, invariablement. Il dépose des baisers dans mon cou, mon corps se tend un petit peu, encore plein des frissons d’amour. Je murmure presque sans m’en rendre compte des mon amour aussi, lwam uthando, mes mains glissent sur son torse, remontent sur sa nuque, viennent jouer avec ses cheveux frisés. Il me rappelle Rio, mes soirées endiablées, et j’ai un rire rauque qui m’échappe.

- Ça te rendait fou, tu te souviens, toi, comme je te rendais fou, à danser comme ça ?

Ma voix est basse, toute aussi rauque, un peu brisée sur les premiers mots, éreintée d’avoir crié de plaisir. Et Josiah qui pointe du doigt la machine posée sur la table de nuit, qui m’avait totalement échappée, obnubilé que j’étais par l’homme-panthère qui se glissait près de moi. Je gronde et ma peau frémit alors que les yeux de mon amant effleure mon corps, cherchent à détecter l’endroit parfait, celui-là même où son art devait, absolument, s’apposer ce soir. Un sourire sur mes lèvres, elles s’étirent, longuement, elles viennent titiller les mains de mon amant. Je l’observe qui m’observe, et je garde le silence, savourant son air suppliant, si suave, si tentateur. Mes mains glissent ensuite le long de son torse, écartant les deux pans de robe de chambre qui me gênent la vue.

- Élan de nostalgie, mon amour ?

Mes doigts caressent les tatouages qui se déplacent sur la peau de mon tendre, la preuve de sa passion, de son art, de son talent. Que j’aime lorsque ses mains se mettent en mouvement pour créer, toujours, de la beauté.

- Tu te souviens, de ton premier tatouage ? Je ne lui ai jamais posé cette question, je crois. C’est sa nostalgie à lui, ça fait grandir la mienne. Et le premier que tu m’as donné, tu t’en souviens ? Embrasse-le, et peut-être que tu pourras jouer encore un peu ce soir.

Il sait que je ne lui refuserai rien. Jamais. Mais ça ne va pas être si facile, tout de même. La nuit est jeune. Je n’ai pas tant de tatouages qu’il est impossible pour Josiah de s’en souvenir, ou de retrouver le sien, le premier. Il y en a eu d’autres, quelques uns. Pas depuis. Depuis la guerre, depuis Wassim, depuis la dispute. Il faut bien rendre cela spécial. Plus intime, il ne pense pas pouvoir. Spécial, peut-être.

- Tu as des idées, déjà, j’imagine. Pour chaque baiser que je te fais, un détail ajouté, un trait de tracé ? Ça peut nous prendre la nuit — moi je ne dors pas, ça ne m’apportera que plaisir, que je rajoute, taquin, suave, et ma langue qui caresse mes lèvre, affamée.

Je trace des baisers sur son torse, je respire son odeur, je reprends très vite.

- Peut-être, un pour nous.

Mais nous, c’est presque trop. C’est trop exclusif. Je sens mes propres nerfs qui se tendent, dans l’attente d’un retour plus désintéressé de Josiah, alors je rajoute, en vitesse :

- De notre histoire, tu sais. Rio, les danses, les souvenirs…

Et un énième baiser, juste là, sur cette feuille qui vole.

@A. Josiah N'Da 1647 mots
Awful

A. Josiah N'Da

A. Josiah N'Da
MODÉRATRICE & MJ
hiboux : 1086
pictures : {Nasiah} la naissance d'une étoile Voodoo-ppl
Jeu 6 Juin - 23:49




la naissance d'une étoile
Les souvenirs sont gardés dans la mémoire avec la teinte que souhaite leur donner celui qui les garde, précieusement, comme un trésor. Si on s’attardait sur la réalité que furent ces mois d’installation au Brésil, on pourrait dire qu’ils furent tristes, compliqués, violents, plein de colères, de jalousies et de ressentiments. Josiah s’y était installé le premier, quand son cher et tendre était encore à Uagadou. Cela les avait éloignés, parce que la communication, pendant ces mois, avait été difficile. Les oiseaux refusaient de telles traversées océaniques, ou alors, mettaient des mois à faire l’aller-retour. Quand, enfin, ils s’étaient rejoints, Josiah avait été trop occupé. Pas assez disponible, trop plongé dans son boulot de merde, avec son boss qui le traitait comme un chien : ce fut ce que lui reprocha son amoureux visiblement meurtri qu’on ne lui accordât pas suffisamment d’attention. Et puis, quand, enfin, Josiah sortait de la tanière de son maître tatoueur, il retrouvait un Nasiya accroché aux bras d’autres créatures. Des hommes et des femmes, presque nus lui comme eux, qui dansaient jusqu’au bout de la nuit et qui semblaient s’appliquer à rendre Josiah complètement fou. Ils en étaient arrivés aux mains, sur la fin de cette période brésilienne. Nasiya, rendu éperdument jaloux de la dévotion que Josiah mettait dans son travail, avait semblé prêt à tout pour attirer son attention. Devant lui, il avait embrassé d’autres hommes, poussant Josiah hors de ses retranchements. Ils s’étaient hurlés dessus, et surtout, s’étaient faits du mal. Physiquement, parce que leur magie qui n’était plus contenue, ni dans leurs paumes ni dans leurs chevalières, et émotionnellement, parce qu’ils avaient passé des mois à se déchirer. La dispute avait éclaté dans une ruelle de Rio, la tête de Nasiya était venue s’écraser contre un mur, et, à son tour, l’épaule de Josiah avait été disloquée. Ça s’était poursuivi entre les draps, bien sûr, parce que c’était ce qu’ils faisaient de mieux, et pourtant, ça n’avait pas suffi. Au petit matin, ils avaient caché leurs larmes et s’étaient séparés, pour la millième fois déjà, avait-il semblé.  
Cela faisait plus de douze ans qu’ils avaient quitté le Brésil. Josiah n’en gardait qu’un souvenir doux et chaud. Quand, dans ses songes, il voyait son homme danser dans les rues de Rio, il le voyait seul. Quand Nasiya lui rappelait sa folie, il ne faisait pas référence à sa jalousie, mais à la rougeur qui traversait sa peau noire face à ses déhanchés. Ça l’avait rendu fou, oui, de le voir danser. Mais était-ce parce que les courbures de son corps avaient tendance à l’hypnotiser, ou parce qu’il aurait pu tuer le jeune éphèbe qui était accroché à son cou ? Josiah avait choisi de se souvenir des lumières des rues, oranges, rouges, jaunes, reflétées dans la pellicule de sueur qui recouvrait le corps de Nasiya quand il dansait. Il avait choisi de se souvenir de cette sensation, si particulière, de son cœur dans sa poitrine qui battait au rythme de la musique. Il se souvenait de la chaleur moite de Rio, si confortable, enveloppante, qui justifiait une vie à demi-nu. Il avait laissé le temps faire son travail, et recouvrir tous ces souvenirs d’une teinte de tendresse, d’amour et de chaleur. Rio.

« Élan de nostalgie, mon amour ? » C’était ça, Nasiya mettait le doigt dessus. La Nostalgie méritait bien une majuscule, tant elle était puissante, ce soir. La race humaine, grande idiote, a tendance à croire que tout était mieux avant. C’est l’effet du Temps. Il donne une apparence grandiose aux choses les plus simples, il gomme les défauts pour ne laisser ressortir que les qualités. Parfois, il a même le pouvoir inverse de mettre un filtre de noirceur sur le souvenir le plus heureux du monde. Sale pervers que le temps, à tordre tous ces souvenirs qui ne lui appartiennent pas. Josiah était le premier à tomber dans le piège du temps qui passe. Il voulait voir son histoire avec Nasiya plus simple qu’elle ne l’était, parce que la simplicité donnait une impression de beauté. Mais à y regarder de plus près, il y avait quelque chose de très beau à leur relation, malgré sa complexité. Ou peut-être à cause de celle-ci. C’était dans la difficulté de leurs échanges, qui avait débutée bien avant Rio et s’était poursuivie bien après, que résidait la beauté de leur amour. Parce qu’il s’agit de cela, n’est-ce pas, derrière la Nostalgie ? D’Amour.

Alors que son visage se perdait dans son cou, et que leurs corps se rapprochaient à nouveau, Nasiya le questionnait sur ses premiers tatouages. Il répondit d’abord à sa dernière question, qui concernait le premier tatouage qu’il avait apposé sur le corps de son amant. Du bout des doigts, il parcouru le corps de Nasiya, seulement éclairé par la lumière de la cuisine qu’il avait laissée allumée. Pas que ça le dérangeât, mais plutôt pour vous décrire la scène telle qu’elle l’était : cueillie au milieu de la nuit. Sur l’intérieur de son avant-bras, un peu en dessous du creux de son coude, un string. Josiah sourit face à la vue de cette relique qui semblait appartenir à un autre temps. La pièce était trop grande pour ce qu’elle était, et si l’on comprenait bien ce qui était représenté (Josiah avait su bien dessiner avant de bien savoir tatouer), les lignes étaient baveuses, hésitantes, trop épaisses. Pas très esthétique, en somme. Le passage du temps n’avait justement pas été très sympathique avec le dessin, mais il avait le mérite d’être un beau témoin du chemin qu’il avait parcouru en tant que tatoueur. « Je l’aime toujours autant, même si je suis pas fier du travail. Je pourrais le reprendre, si tu voulais, mais il me rappelle ton petit cul d’ado dans les rues de Rio. T’étais déjà à moitié exhib’, back then » Comme pour accompagner ses mots, il tira sur le bras de Nasiya pour le retourner, et avoir une meilleure vue sur ce petit cul d’ado. « Il n'a pas pris une ride, si tu veux mon avis. Juste quelques poils en plus. » et bientôt, il était penché dessus, et le couvrait de baisers. Une simple distraction, face à l’autre question que lui avait posée Nasiya. Son premier tatouage, à lui. Il n’était pas sûr de vouloir en parler, et pourtant, l’intimité de cette nuit semblait le seul moment pour le faire.

Il s’était redressé, avait laissé Nasiya le regarder, mais ses yeux avaient quitté les siens. Il était gêné, presque honteux. Sa voix s’était faite basse, hésitante, inhabituelle entre ses lèvres. « Et mon premier tatouage … j’veux pas te le dire, c’est un secret. » On aurait dit un enfant, quand il disait cela. Peut-être parce qu’il était encore un enfant, quand il l’avait apposé sur sa peau. Dix-sept ans, peut-être dix-huit, déjà fasciné par le tatouage, trop impatient pour attendre de sortir de Uagadou pour s’en faire faire un. C’était ainsi qu’il était devenu tatoueur, avec une aiguille et de l’encre de Chine, en traçant une ligne brisée par deux fois, en dessous de la malléole cartilageuse de l’intérieur de son pied gauche. Une lettre, qui devait faire un petit centimètre, invisible à un œil inattentif. Un N, pour Nasiya. Reliquat d’une adolescence trop romantique. Il avait ramené son pied vers lui, ce qui avait, par le même mouvement, écarté sa robe de chambre au niveau de son torse. Du bout du pouce, il caressait ce petit dessin, tendre souvenir, douce nostalgie d’un temps, là encore, écoulé. Peut-être Nasiya l’avait-il déjà vu, il n’était toutefois pas facilement discernable. En tout cas, il n’en connaissait pas son effet, rajouté des années plus tard, à la Nouvelle-Orléans, quand il avait appris à le faire. « Tu vas me gronder. »

***

« Tu as des idées, déjà, j’imagine. Pour chaque baiser que je te fais, un détail ajouté, un trait de tracé ? Ça peut nous prendre la nuit — moi je ne dors pas, ça ne m’apportera que plaisir » Etrangement, Josiah était rassuré par ce genre de paroles. Il avait passé la plus grande partie de sa vie à être happé par le corps du sud-africain, il aimait savoir que pour lui aussi, il était difficile de se passer du sien. Que Nasiya soit avide de l’embrasser, que ce soit le prix qu’il était prêt à payer pour voir son corps orné de ses traits, l’emplissait de fierté. Il aimait voir ses lèvres se gonfler de désir, il adorait le sentir proche de lui, il frissonnait du souffle des baisers sur sa peau. Par Erzulie, mais que faisaient-ils tous les deux ? Quelle sorte de relation s’étaient-ils fabricotés pour que cet entre-deux devienne leur normalité ? Pour qu’ils se décrivent comme célibataires, et que pourtant, ils soient tellement liés l’un à l’autre ? Leur histoire était vieille d’une quinzaine d’années, et ne semblait vouloir s’arrêter. Ils avaient essayé pourtant, par Ogun, qu’est-ce qu’ils avaient essayé. De se repousser, de se détester, de s’ignorer, de se battre. Josiah en était ressorti épuisé et malheureux. Au sortir des trois ans que Nasiya et lui avaient passé séparés, il s’était juré – sans en parler au principal concerné, bien sûr – qu’il ne le détesterait plus. Or, vous savez ce que répliqua Chimène à Rodrigue, n’est-ce pas ? « Va, je ne te hais point » … Mais si Chimène n’osa point lui dire plus simplement, à son héros, qu’elle l’aimait (donnant du même coup à Corneille l’opportunité d’écrire la litote la plus fameuse de la littérature française), c’était parce que celui-ci venait d’assassiner son père. Qu’avait bien fait Nasiya pour qu’il ne puisse rien lui dire, et pas même qu’il ne le haïssait point ?

Pourquoi ne pouvait-il pas lui dire combien son cœur s’emballait, quand il l’entendait parler d’eux comme d’un nous. Un tatouage qui les représenterait, eux, suggérait-il … Avant d’ajouter, semblant vouloir se reprendre : « De notre histoire, tu sais. Rio, les danses, les souvenirs… ». Josiah ne savait pas bien quel sens était censée prendre cette précision, alors, il choisit de l’entendre comme il le voulait, et son cœur s’emballait encore plus.   « Mais que t’arrives-t-il, mon amour ? Si je suis nostalgique, toi tu te fais romantique ? » Doux baiser sur ses lèvres, parce qu’il ne savait résister à une telle tendresse, et parce qu’il ne pouvait se lasser de ses lèvres. « Un tatouage de nous, ou de notre histoire, ou de nos souvenirs commun, tu dis ? Fait attention, je risque de te prendre au mot … ». Du bout d’un index qui devait un peu brûler la peau de son amant – foutue magie mal contenue – il écrivait sur son torse les lettres pour former le mot MINE. Mien. Mio. Mais déjà, son esprit se perdait ailleurs, cherchant ce qui pouvait fonctionner. Ce qui reliait Rio à leur histoire, comment cette ville engoncée dans des montagnes pouvait les représenter. Et ce fut à partir de ce mot, montagnes, que l’engrenage démarra. A nouveau, il choppait le bras de Nasiya, et traçait de nouvelles lignes brisées tout autour de son bicep. « Je peux tracer, là, tout autour de ton bras, des montagnes. Un trait tout fin, élégant, qui ne bavera pas comme celui du slibard. Et puis, je dessinerai Uagadou, juste là, derrière des nuages » il appuyait sur une petite parcelle de ta peau. « mais  elle n’apparaîtra que si tu dors. Que si tu rêves, en fait. » Nasiya y verrait la symbolique facile, celle qui rappelait que pour rentrer à Uagadou, il fallait s’y voir invité en rêve. Mais Josiah aimait surtout se raconter que quand il dormait, mais quand il dormait vraiment et pas par l’effet de ses potions ou d’une drogue, il rêvait de lui. Ce n'était arrivé qu'une ou deux fois, depuis qu'ils habitaient ensemble. A l'entendre, et à croire ce qu'il disait, il semblait à Josiah que Nasiya ne dormait jamais. Alors, inquiet, il se rassurait en se disant qu'entre deux cauchemars, il était-là, dans ses rêves. Parce qu’à l’inverse, Nasiya occupait tous ses songes. « Et puis, par-là, le Christ Rédempteur. Mais je crois qu’il aura souvent envie de remuer son petit cul, lui aussi, si tu ne trouves pas ça trop blasphématoire ». Nouveau sourire, nouveau baiser, avant d’ajouter, le regard rempli de bonheur : « T’en dit quoi n’amour ? Tu m’embrasses et on commence ? »

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Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
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Dim 14 Juil - 1:34

La naissance d'une étoile

Une trace de nous, de notre histoire, un baiser qui tâche



Tu te souviens, comme je te rendais fou ? Comme mes hanches se mouvaient, comme elles allaient se frotter à celles de José, comme ma langue allait titiller le lobe d’Emmanuella, comme ça te rendait malade, que tous ces gens viennent s’abreuver de mon corps, de mon corps haletant et transpirant la perversion, l’extase me faisant briller les yeux. Tu te souviens de cela, de ces moments haïs, de ces tensions puériles, si sanguines, de ce corps que j’utilisais à son potentiel le plus ultime, juste pour te rendre fou, pour que tu me regardes, moi, moi, rien que moi, toujours moi. J’étais maladivement fou de toi, je le suis toujours, qui cherchais-je à tromper — mais aujourd’hui, peut-être, sais-je le faire avec plus de retenue, plus de maturité. Si fou de toi, que cet art qu’aujourd’hui j’apprécie, qu’aujourd’hui j’ai appris à aimer, à fantasmer, cet art autrefois je l’ai détesté, haï qu’il t’accapare tant, que les pulsations des machines à encrer te paraissent plus douces que les pulsations de mes veines qui s’excitaient pour toi, pour tes lèvres, pour tes yeux qui me traversaient.

Tu te souviens, comme je te rendais fou ? Comme mes poings ont fini sur ton corps, comme mes dents ont fini sur ta peau, comme ton cou a fini entre mes doigts — nous étions fou, nous étions bien trop fous. Fous amoureux ? Dangereux fous, dans tous les cas. C’était ça, Rio, cette folie dangereuse, cette folie qui se glissait entre nous ; pourtant, aujourd’hui, tu viens me susurrer des Rio, tu viens me rappeler ces soirées-là. Sommes-nous à ce point assagis et sûrs de nous même que Rio ne soit plus qu’un doux souvenir ?

Sûrs de nous, ensemble ? Sûrs de nous, séparément, déjà, ça changeait beaucoup de choses à autrefois. Ça jouait un peu, c’est vrai, dans cette nostalgie des nuits brésiliennes. Tu te souviens peut-être de ses soleils couchants, qui se réverbéraient sur ton corps, qui te rendaient si beau, tellement beau, d’une douceur éthérée. Je crois que c’est l’image de toi gravée en moi que j’aime le plus, ou presque. Toi, le sourire aux lèvres, l’air heureux et con de notre jeunesse, tes yeux si sérieux, si profonds, qui brillaient d’enthousiasme, tu venais de dépasser le stade des foutues peaux d’animaux, on s’étaient embrassés au plein jour, du haut de Rio, au bas du Christ, portés par une passion amoureuse et une joie profonde, qui avaient fait disparaître toutes nos inquiétudes habituelles. On s’aimait, sans se le dire, mais c’était un moment pur, certain, un de ceux qui font qu’une vie est belle.

Alors peut-être, ces moments-là, cette jeunesse dorée par le soleil brésilien, peut-être que ceux-là, on pouvait s’en souvenir, on pouvait les chérir, et venir me les susurrer à l’oreille. Peut-être qu’ils pouvaient m’attendrir, me faire réaliser que finalement, cette nostalgie chérie de Rio, c’était les moments si amoureux. Amoureux. Et Josiah qui venait se glisser dans mon cou, qui déposait des baisers, à m’en faire perdre la tête, et court-circuiter mes pensées. Presque. Je caresse son torse, tant embrassé, tant observé, et je réalise que je ne lui ai jamais demandé. Son premier tatouage. D’un coup, ça me tombe dessus et je sais qu’il me faudra savoir. Je ne le lâcherai plus — même si je sens, à ses doigts qui parcourent mon corps, aux quelques longues secondes de suspens, qu’il ne me l’avouera pas si simplement. Qu’a-t-il de si honteux, ce premier dessin à avoir gravé sa peau ? Qu’a-t-il de tatoué qui soit si intime, si ridicule ou si secret qu’il ne puisse me lui avouer plus facilement ? Me reproche-t-il de ne pas y avoir pensé plus tôt ? Déjà, pour me faire pardonner d’une potentielle insensibilité, je relance sans attendre, je titille, lui lance un jeu, se rappellera-t-il de mon premier tatouage, son premier art apposé sur moi ? Ses doigts se font plus pressants sur ma peau, et ils viennent se glisser sur mon avant-bras, entre son corps et le mien. Un sourire se glisse sur ses lèvres, et je sens un air enfantin se figer sur mon visage.

Il est là, le précieux premier. Le précieux raté. Qu’il est laid, ce string défiguré. Un peu étiré, si mal entretenu, oublié de mon esprit de jeune homme inconscient, il trône sur mon avant-bras, symbole de ces semaines passées à Rio, de la débauche, de nos rires abrutis d’alcool, de nos rires abrutis d’amour, de nos rires fous à l’idée d’un string sur le corps, pourquoi pas faire des tâches léopards, summum du cliché ? Josiah avait tout de même mis le hola à cette idée, et dix ans plus tard, je devais bien m’avouer reconnaissant de ce sursaut de bonne conscience qu’il avait eu face à mon corps bientôt tatoué. Pourtant, même si cette horreur de pièce d’art trône trop visiblement sur mon bras ébène, lorsque Josiah émet l’idée de le reprendre, mes sourcils se braquent — la suite de sa phrase me fait pourtant partir d’un grand rire rauque. Il profite de ma déconcentration pour me retourner, et bientôt, ses lèvres viennent couvrir mon cul de baisers. Mon rire se tasse un peu, et je grommelle :

- Je sais bien que mon cul n’a pas pris une ride, y en a qui s’entretiennent, qu'est-ce que tu veux ?

Le tacle est pourtant tant démenti par mon souffle toujours un peu difficile et, surtout, le torse sans faille de mon partenaire, ses mains fortes qui me tiennent la hanche et le début des fesses, ses mains qui me remettent bien, ses mains qui sont chaudes contre ma peau, trop chaudes pour que mon coeur ne se calme totalement. Si Josiah n’avait pas sorti sa fichue machine à tatouer, et si ses yeux ne montraient pas déjà sa détermination à me dessiner dessus ce soir, je lui aurais susurré combien mon petit cul de presque vieux était toujours aussi prêt à s’exhiber pour lui, à se relever pour le titiller, à faire preuve d’une vigueur de jeunesse toute la nuit durant — ou du moins, une belle heure encore.

Mes pensées charnelles — toujours — sont interrompues par ses yeux qui se détournent des miens, et mes sourcils se froncent. Josiah ne détourne pas des yeux - ou du moins, ne quitte-t-il pas mon regard lors de moment comme ceci. Sauf s’il pensait à une imbécilité douloureuse, un souvenir du passé, ou qu’il cherchait comment ne pas lui dire quelque chose. Il pensait peut-être que je n’avais pas saisi, mais ces légers tics de regards, parfois très brefs, avaient parfois le don de m’embraser, persuadé qu’il avait quelque chose qui n’allait pas et qu’il ne souhaitait pas me le dire, aussitôt vexé de ne pas être assez digne de cela. Que pouvait-il encore me cacher, que pouvait-il encore refuser de m’avouer ? Sa voix basse me surprend toutefois, et il est hésitant quand enfin il prend la parole.

- J’veux pas te le dire, c’est un secret.

Je ne peux pas m’en empêcher, j’ai un rire qui m’échappe, un rire plus aigu que d’habitude, comme un pouffement incrédule. Un secret ? Un secret comme les ados, qu’on écrit à l’encre transparente dans nos journaux intimes ? Un secret comme les adultes, qu’on se fait saigner dans la peau ? Un secret entre nous, pour un premier tatouage ?

- Tu vas me gronder, rajoute-t-il alors qu’il bouge un peu, caressant son pied, sa robe de chambre s’écartant dans le mouvement.

Un quart de secondes, mes pensées dévient vers cette peau tentatrice qui se révèle, mais je grommelle :

- Je vais te gronder si tu me dis pas, surtout — et arrête de montrer ton corps pour détourner l’attention, que je rajoute, en venant tirer sur les bords de sa robe de chambre bien trop seyante. Soit tu l’enlèves totalement, soit tu la remets bien, mais fais pas l’aguicheur, je murmure en déposant un baiser sur sa clavicule.

Ma mains se glissent vers la sienne, qui joue encore avec la peau de sa cheville, et je viens mêler mes doigts aux siens, les ramenant contre mes lèvres. Je mordille gentiment sa peau, mêlant baiser à petit croc et, entre deux taquineries, je fronce des sourcils :

- Tu veux vraiment pas me dire ? Mes lèvres suçotent la peau de son pouce, et ma voix est trop douce pour qu’il n’y résiste pas. Quoi, tu t’es tatoué un coeur avec nos initiales, c’est ça ?

Même là, le rire dans ma voix est trop attendri à l’idée pour me brusquer.

- Allez, dis-moi.

Je plaide un peu, et mes lèvres épaisses viennent se baisser juste assez pour l’apitoyer. S’il jouait à l’enfant, je savais répondre aussi.

….

- Tu n’as pas embrassé que mon tatouage, mais va, libère ton talent créateur sur moi. Tu as des idées, déjà, j’imagine…

Et ses yeux se font pétillants, rassurés, presque, au jeu taquin que je lance, à cette nuit de dessin que je lui propose. Comment mieux combler ma nuit que de passer sous les mains de mon amant, et sous ses lèvres tout à la fois ? C’était d’autrement plus envoûtant à imaginer que de songer aux cauchemars qui le saisiraient les yeux à peine fermés. J’ai le besoin, vital, impératif, de respirer son odeur, de l’avoir contre moi, et je m’approche de lui pour respirer à grand coup, pour déposer maintes baisers sur sa peau si chaude. Ça me prend d’un coup, ce besoin d’avoir un souvenir à vie, de lui, de nous, sur moi.

De nous.

De notre histoire, c’est mieux, de notre histoire. C’est moins définitif. C’est une histoire d’amitié, de potes de lycée, d’adultes ayant grandi ensemble, d’amants ayant trop embrassé l’autre. Trop tard, pourtant, déjà Josiah me taquine. Me taquine-t-il pourtant ? Sa voix n’est-elle pas un peu attendrie, un peu enthousiaste, à ce nous susurré ? Et ce mon amour, qui toujours me fait frissonner, d’autant plus lorsque nos peaux sont en contact comme cela, lorsque nos lèvres viennent se chercher, comment résister à ce mot doux ?

- À nous deux, entre nostalgie et romantisme, autant lancer notre telenovela, je lâche avec un sourire presque forcé, besoin impératif de laisser place à de l’humour, du décalé, petite référence brésilienne, pour effacer cet air trop intime, trop sérieux, trop proche de cette discussion du “et nous, c’est quoi nous ?”.

Josiah ne me laisse pas m’échapper, pourtant, car il reprend, mot pour mot, et il me met en garde : ce nous, il est prêt pour lui, prêt à lui sauter dessus. Enfin. Le mot me traverse l’esprit, c’est fulgurant, et pourtant ça parvient tout de même à rester y trotter. Enfin, il est prêt à le prendre au mot, à sauter sur ce nous, à le lier à eux deux, à leur relation. Un nous paisible, tranquille ? Grand Elinqabileyo, dois-je déjà lui avouer, là, sur ce lit de nos ébats, que c’est ce nous, mon paradis terrestre, mon paradis des dieux ?

Ma gorge se fait sèche, et bientôt je sens mon torse m’irriter quelque peu. Je retiens un grognement, c’est une chaleur diffuse, un peu sauvage et charnelle, un peu mal contenue, pas douloureuse, picotante et gênante, elle trace quelque chose - ce sont les doigts de Josiah, je réalise alors, ses doigts qui tracent quelque chose sur mon corps. Des symboles ? Des runes ? Dieu, pourquoi diable dessinerait-il des runes. De l’alphabet tout simple ? M ? C’est un M, ça, ou un N ? Les deux ? Un E ? NEMIE ? ENNEMI ? MINEE ?

Mais déjà, ses doigts s’échappent, quittent mon torse, et viennent agripper mon bras. Il a eu un geste d’une vigueur folle, porté par un élan d’inspiration, les yeux déjà pétillants, le cerveau dont je pouvais presque voir tous les rouages s’inviter. Il trace le tour de mon bicep, il parle de montagnes qui en feraient tout le tour, et je souris en coin quand il cite les lignes du slibard, j’enchaîne pas, mais Dieu merci que ça soit mieux qu’il y a dix balais, bordel. Il continue, il parle de Uagadou, cachée derrière des nuages, révélée quand je rêve. Mes yeux se ferment quelques secondes, et si la nostalgie s’était abattue sur Josiah tout à l’heure, c'est maintenant qu’elle vient s’effondrer sur moi. Le temps des sommeils simples, des sommeils purs, où Uagadou venait se faufiler pendant tes beaux rêves pour te glisser le messager ultime, le rêve d’accueil. Doux souvenir, qui lui avait ouvert une porte sur le monde, sur sa rencontre avec Josiah. Uagadou, lieux de découverte, de création de soi, lieux d'amitié et d’amour, de premiers baisers. Uagadou, qui n’apparaîtrait que quand il dormirait. Tendre idée.

Et, évidemment, le Christ Rédempteur qui remue son petit cul.

Forcément, que ce beau tableau serein d'une jeunesse passée allait se trouver défiguré par un souvenir plus odieux, plus dévergondé, un souvenir d’une jeunesse toute autant passée, mais peut-être moins digne de figurer sur son bras en double exemplaire. Le slibard, et au dessus, le Christ et son petit cul. Qui remue. L’image me fait rire, pourtant, ça me fait beaucoup trop rire. Bien sûr que ma nostalgie s’évapore aussitôt, et qu’un gros rire me prend, encore. Bordel, que ça fait du bien de rire autant, ma pomme d’adam qui s’élève dans tous les sens, mes fossettes qui se relèvent, ma gorge qui s'irrite des crises de rire. Comment pouvais-je partager ma vie avec qui que ce soit d’autre que cet abruti qui voulait me dessiner un cul gigotant sur le bras ? Bon sang, quel idiot.

- Trop blasphématoire, jamais ! Mon père risque de me jeter de la falaise s'il me voit débarquer avec ça, par contre.

Pourtant, déjà, je lui prends le col de sa robe de chambre, et je le rapproche de moi pour plaquer mes lèvres contre les siennes, parce que ses lèvres sont trop tentantes, ses yeux trop brillants de hâte, ses doigts tressautant trop d’envie de s’y mettre.

MINE.

C’était ça, le mot qui me brûlait le torse. C’était ça, ce mot que je cherchais à reconstituer. Ça ne pouvait qu’être ça, parce que ça m’avait traversé, brutalement, en le regardant, c’était d’une simplicité sans nom, d’une évidence certaine. Mien.

À moi.

Ça avait besoin de sortir, là, maintenant. Mien, mien, mien.

- Je veux que tu rajoutes un sortilège qui t’associe au tatouage. Qui montre que tu es à moi.

Mes yeux sont gourmands, mes lèvres pleines d’envie de lui, mais mes mains tremblent un peu contre son corps.

À moi.

La seule fois où j’avais prononcé ces mots, j’avais quinze ans. Peut-être. Les avais-je même prononcés, ou avais-je rêvé de les lui susurrer ? Ça n’avait jamais été simple. Et déjà, ce besoin de fuite face à cette décision trop réelle de consolider ce nous.

- Et après, je veux qu’on planifie un voyage à Knysna, que mon père s’effondre devant ce Christ de feu de dieu que tu m’auras fait.

Et mes mains tremblent toujours un peu, quand je glisse une main sur son torse, hésite quelques secondes avant de la déposer contre son coeur.

- Tu veux bien ?

Montrer que tu es à moi.

@A. Josiah N'Da 2515 mots
Awful

A. Josiah N'Da

A. Josiah N'Da
MODÉRATRICE & MJ
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Ven 19 Juil - 1:45




la naissance d'une étoile
Josiah terminait sa dernière année à Uagadou, et ça faisait déjà quelques années qu’il savait qu’il s’orienterait sur l’Art du tatouage magique pour sa future carrière. Découvert au sein même de sa tribu, étudié à l’école, il s’en était vite passionné et ne s’en était jamais détaché. A dix-sept ans donc, une pièce déjà tracée sur son bras par un professionnel, une machine fraîchement achetée, il avait eu envie de la tester d’abord sur sa peau. Le fait est qu’à dix sept ans, on n’est pas sérieux, on fait des tatouages qu’on regrettera, particulièrement si on est très amoureux. Josiah n’échappa évidemment pas à la règle dictée par Rimbaud, il se lança ainsi dans l’entreprise d’un tatouage très compliqué, qu’il n’oublierait jamais, qu’il ne regretterait pas vraiment non plus mais dont il ne parlerait que peu. Il s’était décidé sur une pièce magique, qui devait lui rappeler celui qui était à l’époque son « petit-copain ». Par Erzulie, douce époque où ils étaient presque en couple. Josiah en avait alors discuté avec son professeur des Arts Magiques, il avait emprunté des dizaines de livres à la bibliothèque, avait écrit au tatoueur de son village. En tout et pour tout, la préparation de ce tatouage avait dû prendre six ou sept mois. Evidemment, il y avait plongé la tête la première, sans regret. Premier d’une longue série de tatouages pour lesquels il dévouerait des heures et des heures de sa vie. Il n’en avait toutefois pas parlé à ses amis, ni même au principal concerné, qui ne devait d’ailleurs jamais l’apprendre, s’était-il dit. Trop la honte, s’était dit Josiah, et pourtant, ça ne l’avait pas empêcher d’éprouver un besoin irrépressible d’apposer un tel tatouage sur sa peau.

Quand, presque quinze ans plus tard, Nasiya le tannait pour qu’il avoue tout, Josiah gigotait, évitait la question, se rappelant de cette promesse qu’il s’était faite à l’adolescence. Ses mains prisonnières de celles de Nasiya qui tentait de l’attendrir après l’avoir menacé, il ne savait plus où regarder, cherchant une façon de détourner la conversation sur un autre sujet. Pourquoi s’était-il, par Ogun, lancé là-dedans ? Pourquoi avait-il fallu que Nasiya vienne le titiller sur un pareil sujet ? « Soit tu l’enlèves totalement, soit tu la remets bien, mais fais pas l’aguicheur », avait demandé le sud-africain, désignant sa sublime robe de chambre orange. Josiah ne s’était pas dépêché de se réarranger, espérant que son corps presque nu suffirait à le distraire, à le faire oublier cette affaire de tatouage. Malheureusement, Nasiya avait la tête dure et ne semblait pas prêt à lâcher le morceau. « Tu veux vraiment pas me dire ? Quoi, tu t’es tatoué un coeur avec nos initiales, c’est ça ? » Son sourire carnassier signa cette ultime moquerie, Josiah tenta alors de cacher ses joues en feu dans son cou, encore chaud et humide de leurs ébats. Il le sentait, le goûtait, le baisait, et le sentait rajouter encore quelques mots, quelques suppliques. Josiah se résignait petit à petit à ne plus résister, mais il ne bougeait pas non plus. La tête toujours lovée dans le creux du cou de Nasiya, il chuchota : « Tu ne dois pas te moquer … J’étais très … » amoureux ? « con. Promets-moi que tu ne te moqueras pas, et que tu ne me gronderas pas non plus. » Affichant un certain sérieux, il quitta le cou de son amant pour appuyer son front contre le sien, les yeux plongés dans les siens, attendant sa promesse.

L’incantation magique qui se trouvait au cœur du tatouage nécessitait le sacrifice d’une créature vivante.  Josiah avait choisi pour animal sacrificiel un petit sitatunga, sorte d’antilope aquatique, très typique des plaines qui entourent le Kilimandjaro. Grand nombre d’individus étaient élevés à Uagadou précisément dans le but de servir de sacrifice, il en acheta donc un au berger en charge du troupeau de l’école. Tirant la bête par une corde accrochée autour de son cou, Josiah s’était agenouillé dans un ravin, au sud-ouest de Uagadou, sur un chemin peu fréquenté. Il avait balayé le sol, de sorte à ne laisser aucun intermédiaire entre ses pieds et la terre. Pas de feuilles, pas de petits cailloux, la terre était lisse, prête à accueillir toute la magie qui passerait par là. Il avait disposé, en cercle, des pierres qu’il avait gorgées de sa propre magie. Au centre du cercle, il installa l’animal, éternel ingénu ne sachant pas ce qui l’attendait.
Il y avait eu dans le processus sacrificiel quelque chose de quasiment chirurgical. D’abord, parce qu’il avait fallu maintenir l’antilope vivante le plus longtemps possible. Il avait immobilisé l’animal, avant de l’endormir pour ne jamais le laisser se réveiller. Josiah avait ouvert son poitrail, avait scié certaines de ses côtes pour atteindre son cœur, minuscule. Il avait fallu agir vite, avant qu’il ne se vide de son sang et ne meure. Il y avait du sang partout, la terre du chemin s’était noircie, tout ça malgré les nombreuses leçons qu’il avait reçues sur la magie sacrificielle, et malgré les nombreuses occasions où il avait pu voir pratiqué ce genre de sacrifice dans son village. Ça lui paraissait bien plus désordonné que c’était supposé être, et pourtant, il semblait en bonne voie. Bientôt, sa main gauche entourait le cœur de l’animal ; il le sentait battre entre doigts. Dans sa main droite, il écrasait des baies de sureau qui venaient se mélanger avec quelques cheveux dérobés sur un oreiller. Murmurant des formules dans son Fon natal, il sentait passer un de ces courants magiques que décrivaient ses professeurs, depuis la main dans laquelle il tenait la mixture rougeoyante de cheveux et de baies, jusqu’au travers de son corps, de son propre cœur, pour enfin atteindre sa main gauche, qui tenait le cœur de l’animal. Il s’agissait ensuite de parvenir à faire quitter la magie de ses doigts pour qu’elle puisse véritablement pénétrer le cœur de l’animal, qui battait de plus en plus lentement. L'antilope se mourrait. Il répétait les formules de plus en plus vite, entre ses dents, sentant monter la panique de ne pas y arriver. Devant lui, il avait installé le grimoire sur lequel il lisait les formules, qui commençait à s’imbiber lui aussi de sang.
Après de trop longues minutes, il sentit finalement la magie quitter sa main, et le cœur de l’animal se mettre à battre plus rapidement. Pour savoir s’il avait réussi, il lui faudrait tuer l'antilope, et s’assurer que le cœur continuerait de battre. Si c’était le cas, cela signifierait qu’il avait réussi. A l’aide d’une autre pierre que celles qui entouraient l’animal, de sa main pleine de cheveux et de jus de sureau, il écrasa le crâne du sitatunga. Dans son autre main, le cœur continuait de battre. Un sourire victorieux s’était alors affiché sur le visage du béninois, qui venait d’effectuer la partie la plus compliquée du travail. Restait désormais à arracher le cœur, qui, ce faisant, continuerait de battre. Il ne s’agissait plus là du pouls de l’animal, bien sûr, mais de celui d’une créature bien vivante. Il ferait baigner l’organe qui ne cessait de battre dans l’encre qui lui servirait à faire le tatouage le temps d’un cycle de Lune, et le tour serait joué.

S’écartant finalement de Nasiya, Josiah pointa son index droit vers le plafond, attendant que son extrémité vienne magiquement s’allumer, tel l’extraterrestre de ce fantastique long-métrage. Dans la pénombre il voyait bien, mais ce n’était pas le cas de Nasiya. Il pointa ainsi de sa lumière ce tatouage minuscule qui se logeait là, sous la malléole intérieure de sa cheville. Un petit centimètre, maximum. Un N, pour Nasiya, à ne pas en douter. Il ne releva pas le crâne vers son amant, ne souhaitant pas croiser de regard moqueur. « Tu sais que certains médecins prennent le pouls de leurs patients par le pied ? Précisément, par cette zone, juste en dessous de la malléole de la cheville ? » Il se risqua à croiser son regard, avant de secouer la main pour éteindre la loupiote. Il attrapa ensuite celle de Nasiya, et vint poser son pouce contre le N. De là, il sentirait un pouls, forcément, obligatoirement, parce qu’il s’agissait-là d’un phénomène magique. En effet, la prise de pouls depuis cette zone-là n’était ni aisée ni automatique. Chez certaines personnes, on ne sentait rien, chez d’autres, ça ne fonctionnait qu’une fois sur deux. Là, toujours, lové au creux de sa cheville, le petit N n’avait de cesse de battre. Josiah, appuyant le pouce de Nasiya contre sa peau, attrapa son autre main, et s’appliqua à poser son index et son majeur contre sa propre artère jugulaire.
S’il était attentif, Nasiya comprendrait ce que Josiah essayait de lui montrer. Sous ses doigts posés sur son cou, il sentirait un pouls. Sous ses doigts posés sur la cheville de Josiah, il en sentirait un aussi. Et il se rendrait vite compte que ces deux pouls battaient à l’unisson. Boum. Boum boum. Boum. Boum boum boum.

Leurs cœurs battaient à l’unisson.

Subterfuge, évidemment, puisqu’il ne s’agissait pas sur sa cheville de son pouls à lui, mais de l’encre dans le tatouage qui battait au rythme du cœur dont elle s’était nourrie pendant un cycle lunaire. Mais ça fonctionnait. Dans ses heures les plus sombres, dans ses moments les plus incertains, dans ses doutes les plus profonds, Josiah était certain de pouvoir trouver réassurance des battements du cœur de Nasiya.

A nouveau, un nombre de secondes incalculable s’écoula. Puis, doucement, chuchotant presque, Josiah précisa, espérant que Nasiya ait bien compris : « Il ne fonctionne pas toujours bien, surtout quand tu es loin de moi, parce que je n’ai pas utilisé de guépard pour le sacrifice. » ça aurait évidemment été le mieux, puisqu’il s’agissait-là de l’animal-totem de Nasiya, mais ces félins n’étaient pas des plus faciles à attraper, et pas non plus à sacrifier.   « Mais c’est … l’idée c’est que c’est ton cœur que je sens battre, là. » Il n’avait pu s’empêcher d’expliquer, d’y mettre des mots, comme si ça allait rendre la chose plus évidente. Comme si Nasiya pouvait ne pas comprendre ce qui était en jeu. « Tu le détestes ? ... Tu me détestes ? »

***

Ils riaient beaucoup, ensemble. Il y avait à ça quelque chose d’assez extraordinaire. Entendre le rire de Nasiya emplir la pièce et laisser le sien le rejoindre suffisait à lui donner l’impression que le monde disparaissait autour d’eux. Il plaisantait sur les telenovelas et Josiah avait l’impression d’être le seul à pouvoir le comprendre, ou en tout cas à entendre tout ce que Nasiya disait derrière ces mots. Il parlait d’eux, de Rio, des heures qu’ils avaient passées à faire l’amour en gardant en fond la télévision allumée, ne comprenant rien aux intrigues extraordinaires sur les décors en papier mâché des sitcoms brésiliennes. Personne d’autre n’était là pendant tous ces moments passés à deux, à Rio et ailleurs, personne d’autre ne partageait ce qu’ils partageaient, ainsi donc, personne d’autre ne pouvait comprendre. Il n’y avait que Nasiya et Josiah. Seuls au monde, rois du monde.

Emballé par ses idées, Josiah emportait Nasiya avec lui, le convainquait sans avoir besoin d’y mettre le moindre effort. Le sud-africain aurait pu essayer de refuser, d’ailleurs, il tenterait bientôt de négocier, mais au fond, il n’avait pas vraiment le choix. Quitte à ne pas dormir, il serait son cobaye, particulièrement s’il s’appliquait à rire ainsi, gorge déployée, donnant à Josiah une furieuse envie de lui croquer cette carotide qu’il ne quittait pas du regard. Cette carotide depuis laquelle battait ce pouls qu’il connaissait par cœur.
Le cul du Christ qui remuait semblait lui plaire, c’était signé, donc. En bon gamin provocateur, Nasiya semblait ravi de pouvoir ainsi choquer son père, et comme dans une nouvelle tentative d’outrage, il attrapa le col de la robe de chambre de Josiah pour venir plaquer ses lèvres contre les siennes. Un instant, ils se perdirent dans leur étreinte, ou en tout cas, Josiah oublia tout. Les tatouages, la pièce, Londres et Rio, tout disparaissait, il n’y avait que Nasiya et son pouls qu’il sentait battre, cette fois-ci sous ses doigts qu’il avait posés sur l’artère de son cou.
Nasiya s’appliqua à les reposer sur terre en interrompant leur baiser pour négocier le tatouage, pour y ajouter un élément qui semblait pressant, indispensable. On put lire sur le visage de Josiah son étonnement, alors qu’il avalait ce que son amant lui demandait : « Je veux que tu rajoutes un sortilège qui t’associe au tatouage. Qui montre que tu es à moi. » Avait-il senti, contre son torse, les lettres que Josiah venait d’y tracer ? Ou alors étaient-ils tous les deux pris, au même moment, de la même envie, du même besoin peut-être même d’appartenance ? D’où est-ce que ça venait, tout ça ? Depuis quand était-ce un élément nécessaire à leur relation ? Quinze ans qu’ils fonctionnaient ainsi, libres comme l’air, et pourtant, pour cette nouvelle tentative, il semblait en effet qu’un rouage devait changer pour qu’enfin, ça fonctionne. Mais ça, ce détail-là, vraiment ? Qu’est-ce que ça voulait dire, même, s’appartenir ? Qu’est-ce que Nasiya voulait, quand il lui demandait un tatouage qui montrait qu’il était à lui ?
Et comme s’il lisait dans ses pensées, le sud-africain rajouta quelques mots qui coupèrent le souffle de son amant : « Et après, je veux qu’on planifie un voyage à Knysna, que mon père s’effondre devant ce Christ de feu de dieu que tu m’auras fait. » Et puis les choses s’enchaînèrent, Nasiya posa sa main sur son cœur, qui battait tellement vite qu’il ne semblait plus battre du tout, et Josiah ne comprit plus rien. Ce fut à son amant, à son amour de se montrer timide, ce fut à lui de le supplier, de lui demander s’il voulait bien. Les rôles semblaient comme échangés, et il ne savait plus quoi dire, ni quoi faire. Il laissait son cœur battre, espérant pouvoir arrêter le temps, au moins quelques instants.

Est-ce que Nasiya se rendait seulement compte de ce que représentait, pour Josiah, que cette demande ? Ou était-il trop ivre, ivre d’amour, pour comprendre ? Josiah en tout cas ne savait pas s’il entendait cette requête correctement, ou s’il se faisait des films sur ce que ça signifiait. Rencontrer le père de Nasiya menait non seulement voyager chez lui, en Afrique du Sud, pénétrer sa maison, serrer la main de cet homme, mais ça signifiait surtout se présenter. Et comme qui, comme quoi ? Un ami, un amant, un amour ? Toutes ces questions se bousculaient dans le crâne de Josiah qui cherchait comment répondre. Il avait envie de hurler, de se lever du lit, de faire les cent pas dans la pièce tel un leopard en cage. Mais il ne bougeait plus, immobilisé par le choc qu’avait provoqué la proposition. Il sentait la main de Nasiya comme fondre sur son torse qui se faisait de plus en plus moite, et surtout, il le sentait s’impatienter. Chercher son regard, presser ses doigts contre sa peau… Mais Josiah voulait poser toutes ces questions sans véritablement savoir par où commencer. Lentement, comme s’il faisait attention à tous ses gestes, comme si le corps de Nasiya pouvait se briser entre ses bras, il vint l’enlacer, ses bras autour de sa nuque, une de ses mains perdues dans ses cheveux courts. Appuyé contre lui, sa tête se lovait à nouveau dans son cou, comme plus tôt, quand il avait hésité à lui dire, pour le tatouage. Il avait hésité, soit-disant, mais bien sûr, c’était juste histoire de se convaincre qu’il avait encore un libre-arbitre. En réalité, Nasiya avait déjà gagné, depuis longtemps. Alors, évidemment, il avait raconté ce premier tatouage. Et quelques minutes plus tard s’imposait une autre sorte d’évidence, bien plus importante, qui vint supplanter ce besoin de lui poser mille et une questions, finalement inutiles par rapport à l'indéniable réalité.

« Tu sais, je crois qu’au point où on en est, mon amour, je te suivrai jusqu’au bout du monde. »

Bientôt, il se penchait contre lui pour l’embrasser à nouveau, pour laisser tomber cette robe de chambre infernale et pour se perdre encore une fois à l’intérieur de lui. Dans toutes ces villes, dans tous ces pays, en Afrique du Sud, à Rio ou à Londres, il n’y avait finalement eu que ça qui avait rendu l’expérience véritablement hors du commun : la possibilité de ne faire qu’un avec son tendre, de battre à l'unisson avec son amour. Son sien. mon mien. mine.  

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Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
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Mer 4 Sep - 3:25

La naissance d'une étoile

Une trace de nous, de notre histoire, un baiser qui tâche


C’est presque une prière qui doit s’échapper de mes lèvres, presque un Ave Maria qui doit m’échapper, pour qu’enfin Josiah ne cesse de s’agiter, ne cesse de tergiverser. Il a les joues, d’une rougeur de l’acajou, les pommettes d’un brillant à croquer, et déjà ce spectacle m’est brutalement retiré alors que sa tête venait se réfugier au creux de mon cou, son souffle venait titiller ma peau. Supplice ne faisait que se prolonger, et mes mots s’enchaînaient, ne comprenant pas cette pudeur soudaine, ce dévouement au secret. Mes mains caressaient son dos, traçaient milles arabesques rassurantes, et presque voilà qu’inquiétude venait se glisser à la place de cet enthousiasme enfantin. Qu’avait-il donc tatoué, cet inconscient, qui le fasse rougir autant, qui mérite d’éterniser ces prières susurrées ? Me faisait-il tourner chèvre, pour le plaisir de me savoir à sa merci, cherchait-il à pousser mes suppliques à l’extrême, pour profiter de cette passion, de cette envie de savoir soudain ?

Sa fébrilité, pourtant, sa voix qui chuchote — comment l’imaginer volontairement taquin, mesquin, presque, quand son souffle est si haché, son corps presque tremblant ? Ma bouche caresse ses tempes, du bout des lèvres, je ne dis plus rien cette fois, j’attends que les mots sortent, qu’enfin il déverse ce qu’il me cache. « Tu ne dois pas te moquer … J’étais très … » Ses mots restent en suspens, quelque secondes de trop, et mille possibilités viennent s’y glisser, me dévorant de curiosité. Jeune ? Amoureux ? Naïf ? Prétentieux ? Amoureux ? Enthousiaste ? Amou — ah, non. Con. Juste ça. Pourtant, Josiah n’était pas bêta, pas “con”, loin de là. Il n’y avait que l’amour, qui rendait sot. Alors, peut-être, peut-être ce mot-là, pour de vrai ? Mon coeur s’accélère, sans trop d’explications, et mes yeux cherchent les siens. Il demeure réfugié, au creux de mon cou — relevant enfin, enfin ! la tête, après avoir chuchoté une demande de promesse. Promets-moi. Comment ça, le gronder ? Mes mains viennent encadrer le creux de son visage, la courbe de ses joues, alors que ses yeux ne quittent pas les miens, que son front est accolé au mien. Je relève la tête, juste assez pour effleurer ses lèvres, fermant brièvement les yeux.

- De quoi as-tu peur, sithandwa wam ? Parle-moi, je ne dirai rien.

Il y a encore quelques longues secondes avant qu’il ne s’éloigne de moi, son front quittant le mien, mes mains quittant sa peau, et son doigt s’élève vers le plafond, se teintant peu à peu d’une lumière contrôlée. Je fronce les sourcils, un peu dérangé par cette soudaine lumière dans leur cocon, perturbant mes yeux qui s’habituaient presque au noir, et suis, sans un mot, le tracé de lumière qu’il m’offre alors. Se révèle un tracé, fin, un symbole presque invisible, tant il est minuscule, tant il semble être à sa place. Je ne l’avais jamais remarqué, je crois. J’ai un frisson, en pensant cela — malgré toutes ces années, j’avais encore tant à découvrir, tant à aimer de ce corps, de sa personne. Des surprises s’enchaînaient, brisant toute ambition à la routine, et cela me faisait vibrer. Mes yeux s’écarquillent encore davantage lorsque le symbole ne se fait plus symbole commun, divers, mais lettre spéciale. Un N se détache. Je relève aussitôt la tête vers Josiah, tremblant, mais il m’ignore consciencieusement. Ma bouche s’entrouvre, prête à déverser mille et une questions — déjà il s’exprime, pour quelques phrases presque sibyllines. Quel était le lien entre le pouls et son initiale, gravée à jamais ici ? Je ne comprends rien, trop déboussolé. Ses prunelles viennent croiser les miennes, et je crois qu’il doit y lire toute mon incompréhension, tous mes soupçons, toutes mes théories, et l’absence de toute moquerie, car déjà sa lumière s’éteint et sa main vient cette fois saisir la mienne. Il place mon pouce contre sa cheville, sur le pouls dont il me parlait, et je ne comprends toujours pas plus. Son coeur, sur moi ? Il me dédie les pulsions de son coeur… son amour ? Est-ce cela, le terrible secret qui le fait rougir comme un adolescent ? Sa main, pourtant, vient saisir mon autre main, et déplier mon index et mon majeur, pour les mener à mon cou. Je ferme les yeux, comprenant qu’il me fallait être attentif au lien — la révélation se fait pourtant, subite, violente, tétanisante.

Boum. Boum boum. Boum.

Mes lèvres s’assèchent, et mon coeur accélère subitement. Boum. Boum boum. Boum. Le rythme se calque, danse parfaite, face A et B accolée. J’entends Josiah qui reprend la parole, mais ses mots ne me parviennent qu’à peine, un brouillard étrange s’étant enroulé autour de moi. Une panique ? non, une joie ? Jésus, je ne sais quelle émotion tu me fais traverser, mais puisses-tu m’empêcher de plaquer cet homme contre moi, et de l’aimer si fort, si fort, qu’il en suffoque.

Les derniers mots résonnent, ces trois mots, suspendus, à peine osés, ce « Tu me détestes ? » qui me coupe le souffle. Je rouvre les yeux. Il n’y a pas besoin de mots, dans ces moments-là. Mes prunelles, assombries, mon coeur, traître sauvage qui s’enflamme, mes mains qui chauffent, il me faut faire preuve de tout contrôle pour que mes doigts ne laissent pas des volutes de fumées s’échapper. J’inspire, ouvre la bouche, bégaie une non-réponse, puis prend son visage entre mes mains.

- Non. Non, jamais. Tu ne sais même pas à quel point ça m’est impossible, Aimé.

Et dans ce prénom, susurré, murmuré, toute ma passion. Aimé, mon aimé. Ce prénom, si peu utilisé, l’habitude du Josiah reprise si facilement, entre Londres, Uagadou, toutes ces destinations étrangères. Ce soir, seulement, l’intimité qui triomphe. Le retour de l’Aimé. L’obligation de ce prénom, même, qui s’impose sur mes lèvres.

- C’est pas… con. Ça a dû te demander tellement d’effort. On était même pas majeur, Aimé, un sacrifice ! Tu es… Tu vaux tellement…

Que dire ? Que lui dire, pour qu’il comprenne ? Pour que les mots ne sonnent pas vide de sens, pour qu’ils ne fassent pas que réaction soudaine ? Pour que la fureur des échanges passés, pour que l’angoisse des disputes anciennes s’évaporent, pour qu’enfin les mots doux, les mots d’amour, prennent leur place ? Était-ce là, maintenant, la transition rêvée ? Cette intimité, cette honnêteté, qu’Hekate vouait tous les Dieux que je m’y essaie enfin, était-ce sur ces paroles ? Alors, à demi-mot, une tentative. Une première tentative, au moins, après tout ce temps.

- Tu vaux tellement plus que ce que je t’ai jamais montré, Aimé. Est-ce que toi, tu me…pardonnes ?



Si les rires avaient remplacés nos discussions sérieuses, ces coeurs ouverts étalés, rattrapés par la promesse d’un tatouage, mes derniers mots semblaient avoir fait basculer Josiah dans un état second. Je ne sais toujours pas ce qui a motivé cette transition, ce fou rire soudain, qui lui faisait des soubresauts jusque dans l’âme, à cette pulsion inédite, cette volonté de se l’avouer. Oh, il y a eu des esquisses, quelques heures avant, ces Aimé murmurés, cette première mise à nue. Je pensais pourtant les mots d’Hekate suffisamment exploités pour ce soir — je n’avais plus la patience, plus l’envie, apparemment, d’enfouir nos sentiments sont des non-dits. La révélation ? La paix, enfin, dans cette maisonnée ?

Pourtant, à voir l’immobilisme de Josiah, son regard vide, perturbé, la fumée qui s’échappait presque de ses tempes, comme s’il cherchait à relier mes deux phrases, à y chercher tous les sens cachés. Montrer qu’il était à moi. N’était-ce pas légitime, cette envie de lui, à jamais sur moi, quand il avait lui même mon pouls qui battait en rythme sur sa peau ? Les mentions de Knysna et de son père, qui suivent, me laissent peut-être tout aussi pris au dépourvu que lui. Je sens dans ses yeux la panique qui s’inscrit, les mille et une réflexions.

Aller, ensemble, présenter ce Christ à Knysna. La volonté était apparue, impériale, besoin inévitable de retourner sur cette terre tant aimée, et de la fouler avec cet homme, celui-là et aucun autre. C’était étrange, ce besoin de remettre pied auprès de miens, quand pendant plus de quinze ans, jamais je n’en avais eu la volonté. La famille, primordiale, demeurait dans mes pensées, dans ma vie par courrier, et cette Terre n’avait été foulée à nouveau que lorsque j’avais appris le décès de Wassim, pour me ressourcer. Knysna méritait de voir une facette de moi plus heureuse, plus épanouie — loin du cadavre en survie qui avait effrayé le Grand Elinqabileyo. Y retourner, à ses côtés.

Le présenter. À umama. À ubaba. À mes frères et soeurs, mes cousins, au Grand Elinqabileyo. Le présenter au soleil, à la mer, au sable dans lequel je me suis roulé. Le présenter à la falaise de ma cicatrice, le présenter à nos danses, le présenter à mes dieux, mon Dieu.

Somme-nous prêts ? Le souhaitons-nous même ? Notre amour — qui leurre-t-on à ne pas vouloir le nommer — notre amour a tant vécu, et si mal vécu. Avons-nous le droit de ne faire qu’un, de ne se lier qu’en paix, qu’en douceur, pour un avenir aimant ? Sommes-nous capable, d’être présentés ? Pourquoi ne réponds-tu pas, mon amour, pourquoi ces longues minutes, où nos regards ne se croisent même pas, où tu ne ressens plus mes mains qui se crispent sur ton torse, qui s’humidifient de ton attente, qui se tendent de l’angoisse. Pourquoi ne me réponds-tu pas, Aimé ?

Enfin, son corps se délie, ses bras, comme ralentis par le poids de mes questions, viennent d’une lenteur insoutenable se glisser autour de moi, m’enlacer avec une tendresse qui me fait trembler. Mes paupières se ferment et mon souffle se fait haché lorsque le sien vient effleurer ma nuque, sa tête réfugiée dans mon cou. Cet homme me rendra fou. Ma gorge est nouée, tant son étreinte semble donner une réponse à elle seule, et pourtant son silence continue de faire peser la pire des craintes. Son silence, qui dure, malgré mon pathétique sursaut, mon chuchotement au creux de son oreille, mon Tu ne veux vraiment pas ? répété, la voix tremblante, la gorge serrée.

« Tu sais, je crois qu’au point où on en est, mon amour, je te suivrai jusqu’au bout du monde. »

Sa réponse claque enfin, libératrice, des décharges relevant les cheveux dans ma nuque. Ses lèvres viennent se nouer aux miennes, nos langues se cherchent, et enfin sa robe orangée rejoint les draps défaits, son corps s’offre à moi. Le souffle court, le corps tendu vers lui, je m’éloigne de quelques centimètres, un sourire taquin retroussant mes babines affamées :

- Mais, mon aimé, ne sais-tu pas encore que c’est toi, mon bout du monde, mon monde entier ?

Et, déjà, mes lèvres grognent de retrouver les siennes, mon corps tressaute d’impatience de son retour, et je roule des yeux lorsqu’enfin, nos corps ne font qu’un. Amour, amour, laisse-moi te croquer.

...

Ce ne sont que de longs instants plus tard, les étoiles dans les yeux, la tête perdue sur son torse, nos corps entremêlés, que je redresse la tête.

- Je suis sérieux, tu sais. Il est temps, non ? Pour nous deux ?

Et, soudainement, une pensée qui vient contrecarrer cette tentative de poursuivre nos aveux. Au fond de ma gorge, un fou rire qui débute, mon corps qui se secoue :

- Par contre, on ne va peut-être pas faire la complète entre chaque décision, hein, mon amour ?

Je dévore une dernière fois son cou de baiser, retenant mon fou rire du mieux que je peux, et pris d’une impulsion soudaine, je me relève. Mon torse se redresse, mes jambes se déplient, et je viens m’asseoir en tailleur sur le matelas, caressant distraitement son corps, mes lèvres maîtrisant tant bien que mal mon sourire traître. Mon pied tressaute toutefois, un enthousiasme grandissant me tenaillant :

- Allez, on commence ? Ton aiguille n’attend plus que le Christ.

Et ma main, à tâtons, qui cherche sa machine de rêve sur la table basse, mes yeux pétillants d’excitation. Qui pourrait faire semblant, après tout, de ne pas mourir d’envie de se faire tatouer le petit Jésus en slip ?
@A. Josiah N'Da 2002 mots
Awful

A. Josiah N'Da

A. Josiah N'Da
MODÉRATRICE & MJ
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Mar 10 Sep - 14:15




la naissance d'une étoile
Ce soir-là, Nasiya était différent. En contrepartie, Josiah l’était aussi. Ou peut-être était-ce l’inverse, peut-être que c’était lui qui était différent. Après tout, c’était d’ordinaire le sud-africain qui ne dormait pas de la nuit, qui s’agitait, qui remuait, qui devait se bercer avec l’aide de mille artifices pour parvenir à s’endormir. Or, ce soir-là, c’était Josiah qui s’agitait, qui tournait comme un fauve en cage, qui fouillait entre ses fioles, récupérait sa machine, proposait le tatouage, asticotait sa peau …
Pourtant, malgré cela, malgré l’inhabituelle insomnie du béninois, c’était Nasiya qui lui semblait différent. Il faisait preuve d’une tendresse peu fréquente, il le rassurait, l’appelait mon amour dans sa langue, et ne s’échappait pas face à leur discussion qui était pourtant très intime. C’était d’ordinaire son habitude à lui, de fuir ce genre de moments. Pas que Josiah n’y aille dans la plus grande des confiances, mais Nasiya était tout de même le premier candidat à la fuite. C’était lui qui couchait avec d’autres, lui qui qui avait refusé pendant plus d’une décennie de s’installer, lui qui … En tout cas, c’était ainsi que Josiah se racontait les choses, c’était ainsi qu’il parlait à ses amis de leur histoire. Il aimait raconter qu’il courrait après l’inatteignable que personnifiait Nasiya. Ce même homme qui l’étonnait, ce soir, tant il était proche. Tant il était là, à portée de main. « De quoi as-tu peur ? », lui demandait-il.

J’ai peur que tu me repousses, j’ai peur de te faire peur, j’ai peur que tu ne prennes la fuite. J’ai peur que ce tatouage ça soit trop, j’ai peur que tu me prennes pour un fou, j’ai peur que tu ne ressentes pas la même chose, j’ai peur que tu ne comprennes pas pourquoi j’ai fait ça, j’ai peur que tu ne voies pas que quinze ans après, je suis toujours le même gars complètement fou de toi. J’ai peur de tout, j’ai peur de toi, j’ai peur de nous.

Comment lui avouer ça ? Josiah était trop pudique, et la fuite préférée était le rationnel. Il expliqua son tatouage de la façon la plus formelle possible, éludant la question de la peur, rationnalisant sans trop le regarder, satisfait de la pénombre. Il attendit, fébrile, sa réponse, sa réaction, et à nouveau, il se laissa désarçonner. Il chavira de ce regard tellement profond, tomba à la renverse quand Nasiya prit son visage entre ses mains, manqua de se laisser aller quand il l’appela Aimé. « Non. Non, jamais. Tu ne sais même pas à quel point ça m’est impossible, Aimé. » Impossible de te détester, Aimé. L’oxymore d’une vie, d’une relation, de la relation de sa vie. Josiah tremblait, un peu, beaucoup, même. Il avait envie que Nasiya le serre encore plus, plus près, plus proche, il voulait qu’il le serre contre lui au point de ne plus savoir quelles étaient les limites de son propre corps. Il voulait sentir son poids contre lui, il voulait ne faire qu’un, encore, toujours.

Mais Nasiya se tint un peu plus longtemps éloigné. Il préféra prononcer encore quelques mots qui finirent d’achever son partenaire. D’abord, il le félicita pour son travail, éloge qui ne perdait jamais en saveur tant il aimait son métier. Ensuite, et surtout, il lui rappela sa valeur. Ou, plutôt que de rappeler, il admit. Nasiya ne parlait plus là des qualités de tatoueur de Josiah, de son ambition dans le travail, ou de quoi que ce soit dans ce champ-là. Il parlait de lui, d’eux, de ce qu’ils représentaient l’un pour l’autre. Ou du moins, c’était ce que notre béninois espérait. Parce que, rappelons-le encore, ce soir-là, Nasiya était différent. Alors, Josiah avait bien le droit d’entendre ce qu’il voulait, il pouvait bien lire entre les lignes des mots qui n’y étaient pas. Ainsi, il décidait que ce soir-là, Nasiya disait des choses qu’on l’entendait peu dire, sauf en rêve, bien sûr. Quelle niaiserie. Mais, sans tarder, comme lisant dans ses pensées, comme voyant clair dans ses rêves, Nasiya admettait cette difficulté à dire. Plus que ça, même, il s’en excusait, il lui demandait pardon. Pardon de ne pas lui dire suffisamment souvent ce qu’il valait à ses yeux. Alors que c’était finalement la seule chose qui importait, le seul jugement auquel Josiah accordait de l’importance. Qu’en pense Nasiya ? Eternelle question.

Josiah n’était pas particulièrement courageux. La témérité appartenait plutôt à Nasiya, qui n’était toutefois pas non plus de ceux qui sont très expansifs, pas de ceux qui déblatèrent sur leurs sentiments, qui les mettent en scène dans une hystérie fatigante. Nasiya, sous ses airs zébulonesques, était pudique, secret, même. Josiah se reconnaissait dans ce trait de caractère-là. Un couple de mutiques, mais après tout, rien de bien étonnant à cela. Ils avaient grandi ensemble, ne s’était jamais dit ces choses-là, n’avait jamais appris à se les admettre. Alors bien sûr, ils communiquaient. Ils parlaient pendant des heures, ils s’engueulaient, se racontaient des milliers d’histoires, s’écrivaient des pages de lettres. Mais pour ces petits mots-là, ceux qui sont courts, viennent par deux ou par trois, ils ne savaient pas faire, ils ne savaient pas les prononcer. Ils savaient les contourner, se les dire autrement, se les montrer, mais ils ne savaient pas les dire. Qu’y avait-il de si compliqué, pourtant ? Les autres faisaient passer cela pour quelque chose de tellement simple, de tellement facile. Mais ils n’étaient pas les autres. Surtout pas.
Josiah, laissant tomber toute pudeur physique, glissa ses jambes autour du buste de Nasiya. Ils ne pouvaient être plus enlacés, plus proches l’un de l’autre. Il essaya de ne pas faire trop attention au contact de leurs peaux, aux effets que cela créait, car il avait encore des choses à dire. Il inspira son odeur, parce qu’il lui fallait un peu de courage, qu’il puisait toujours en lui. Cette soirée, pendant laquelle Nasiya était tellement différent, le poussait lui aussi dans ses retranchements. « Ça fait un moment, tu sais, que j’ai compris que je ne pourrai jamais plus t’en vouloir de rien. » Par un moment, Josiah entendait, bien sûr, plus de quinze ans. « J’ai l’impression que tu peux tout me faire, tout te faire, et que de toute façon, je n’aurai pas d’autre choix que de te pardonner. C’est ça, qui me fait peur, mon amour. » pour entamer une réponse à ce qu’il avait demandé plus tôt, à cette question qu’il avait préféré éluder. « J’ai peur de trop te donner, et que tu ne comprennes pas. J’ai peur que ce tatouage te paraisse démesuré, parce que la vérité c’est que je l’ai fait à dix-sept ans, et que déjà à cette époque-là, je savais déjà que je te pardonnerai tout, toujours. J’ai fait graver ton cœur dans ma peau pour toujours parce que je le savais déjà. A cette époque-là, à dix-sept ans déjà, je t’appartenais. » Pause, respiration. Courage. « Aujourd’hui, y’a quinze ans ou dans quinze ans, c’est pareil. Je suis à toi. » Yours. Pour toujours et à jamais, à lui. La suite eut plus de mal à sortir. « J’ai peur qu’à l’inverse, tu ne m’appartiennes jamais. J’ai peur que tu ne sois jamais tout à fait à moi. » Etait-ce même ce qu’il voulait vraiment ? Il n’en n’avait aucune idée. Il enfouit sa tête dans son cou, encore un peu plus. Sa voix n’était qu’un murmure. « Et j’ai peur que tu m’en veuilles, de vouloir ça de toi. »

Interrompt-moi, rassure-moi, empêche-moi d’en dire plus, arrête-moi dans mes conneries. Je m’effondre, je tombe, je rame et je m’accroche à ce que je peux, à toi, à ton corps, à ta peau, à ton odeur. Arrête-moi, serre-moi dans tes bras, dit moi que tout ira bien, et que tu m’aimes, que tu m’as toujours aimé, et que tu m’aimeras pour toujours, quoi que je dise et quoi que je fasse.

Par Ogun, mais pourquoi la légilimencie est-elle si compliquée ? Lit dans mes pensées, mon aimé à moi, et tout sera tellement plus simple …

***

« Mais, mon aimé, ne sais-tu pas encore que c’est toi, mon bout du monde, mon monde entier ? »

Les yeux dans les yeux, Nasiya plongeait, plongeait en lui et emportait tout sur son passage. Rio, les tatouages, le Christ rédempteur, l’idée d’aller jusqu’à Knysna, de rencontrer ses parents, sa famille, de s’admettre comme entité unie, comme couple. Tout cela était mis de côté par les mots d’amour, tout cela n’avait plus d’importance, tout cela était balayé par son corps lourd, beau, luisant, contre le sien. C’est ainsi qu’ils s’aimaient, qu’ils se le disaient, depuis toujours et pour toujours. Nasiya se faisait animal quand il lui sautait dessus, quand il lui mordait la peau, quand il le brusquait pour l’attirer contre lui, et pourtant, Josiah savait y voir tout ce qu’il y avait de plus humain en lui. Toute la tendresse, toute l’intelligence, toute la connexion qu’ils entretenaient dans ces moments-là. Il y voyait tout l’amour, et c’est ainsi et par là qu’il avait su, toutes ses années, se satisfaire du manque de mots. Parce qu’il savait que tout cela criait l’amour qu’il y avait entre eux. Beaucoup ne comprenaient pas, beaucoup de curieux se questionnaient, mais au fond ils ne savaient pas et ne sauraient jamais. Il n’y avait qu’eux, qui se connaissaient.

***

Quelle heure était-il ? Trop tard, ou trop tôt, peut-être. Mais c’était l’hiver, la nuit n’avait pas finit d’étaler son manteau noir, ils étaient ainsi excusés. Ils pouvaient bien s’aimer au creux de ses heures illuminées par Dame Lune, elle ne dirait rien. Nasiya reprenait son souffle contre son torse, mais ne semblait pouvoir s’arrêter de lui chuchoter des mots d’amour à l’oreille. « Je suis sérieux, tu sais. Il est temps, non ? Pour nous deux ? » Evidemment. La main qui glissait contre le dos du sud-africain s’interrompit un moment, le temps que Josiah reprenne son souffle et trouve ses mots. Evidemment que tu es sérieux, je le suis aussi. Evidemment qu’il est temps. Nasiya ne lui laissa pas le temps de répondre, peut-être inquiet que son amant ne rétorque pas suffisamment vite. Ainsi, il rajouta, comme pour s’assurer qu’on ne parlerait pas que de choses sérieuses : « Par contre, on ne va peut-être pas faire la complète entre chaque décision, hein, mon amour ? ». Pourtant, il y avait tant de choses à décider, tellement de choses à se dire, encore. Il avait sûrement raison, c’était fastidieux de tout faire, et pourtant, quel plaisir ! Mais la nuit serait encore longue, et Josiah se posait encore beaucoup de questions. Cette interdiction ne tiendrait pas, il le ferait céder. Il le connaissait par cœur.
Est-ce qu’il fallait lui proposer l’équivalant ? Est-ce qu’il fallait lui dire « je t’invite chez moi, on ira voir mon père ? ». Il n’avait pas envie, de l’inviter chez son père. Lui-même ne foutait que rarement les pieds au Bénin, ce n’était pas une terre accueillante à son égard. Il n’avait pas vraiment de point d’attache, son foyer était là où il était. Là où il était, où que ce soit. Londres, Kyoto, Rio. Son père n’était pas un homme très agréable, et puis qu’est-ce qu’il était vieux ! Il racontait toujours les mêmes histoires vieilles de cent ans, c’était infernal. S’il fallait l’inviter quelque part, ça serait chez sa mère. Mais ça n’avait pas la même symbolique. Marie LaFramboise était au courant de toute l’histoire qui unissait son fils aîné avec cet homme. Elle ne l’avait jamais rencontré, mais c’était beaucoup plus une question pratique qu’autre chose. Sûrement considérait-elle qu’elle le connaissait déjà. Avant que Nasiya ne s’agite plus, Josiah répondit, tendrement, tentant au plus possible de ne pas bouger, de profiter de cette osmose de leurs corps. « C’est ta faute, b’bé, tu parles trop ce soir. Tu me dis toutes ces jolies choses qui me font trembler et alors je n’ai plus d’autre choix que … » Pas besoin de tatouage sur sa cheville pour sentir le cœur de Nasiya battre contre son torse, sous sa peau. C’était une des sensations les plus agréables au monde. Celle-ci, et puis … « Je n’ai pas d’autre choix que de t’aimer, encore et encore. Mon amour. »

Bientôt, Nasiya se levait, s’étirait comme un chat, et proposait qu’enfin, ils entreprennent ce tatouage. A son tour, Josiah se redressa, pour filer dans la salle de bain. Au passage, il récupéra sa robe de chambre, et enfila un caleçon. Tout cela n’était pas des plus hygiéniques, mais … « J’essaye de faire les choses un peu plus proprement que quand on avait dix-sept piges, histoire que les montagnes de Uagadou ressemblent à quelque chose. Laisse-moi trente secondes, je crois que j’ai quelques petites choses qui t’appartiennent coincées sous les ongles. » Trait d’humour, un peu dégoutant aux yeux des adolescents, mais véritable complicité aux yeux d’adultes qui s’aiment – voyons, disons-le ! – depuis quinze ans. Les mains lavées et séchées, Josiah récupéra quelques flacons d’encre, qu’il glissa dans l’appareil que Nasiya lui tendait. Il apporta aussi un gant de toilette savonné, dont il se servit pour nettoyer la peau de son amant, luisante au niveau de son bras. « Je te confirme qu’il faut qu’on arrête de se sauter dessus si on veut que ce tatouage ressemble à quelque chose. Je prends ça très au sérieux, je te ferai remarquer ! ». Aux rires de Nasiya, Josiah répondait par un sourire éclatant, heureux. Le soleil n’avait pas intérêt à poindre le bout de son nez, la nuit devait être éternelle, s’il vous plaît bien, congrégation divine. Il leur fallait encore du temps, pour encore profiter de ce moment, qui méritait d’être éternel.

L’appareil fonctionnait, bien sûr, sans fil. Il se nourrissait de la magie qu’il trouvait dans les paumes de Josiah. Ils s’étaient installés, Josiah avait fabriqué une sorte d’accoudoir, pour pouvoir tracer les lignes sur le bras de son amant sans que celui-ci ne se fatigue, ou pire, ne bouge. La lumière avait été allumée, parce qu’encore une fois, il avait l’intention de faire les choses bien. Entre ces lèvres, et alors qu’il glissait l’aiguille sous la peau de Nasiya, Josiah murmurait des formules. Il dessinait les montagnes, les nuages, à main levée, et incrustait avec cela un sortilège qui laisserait apparaître l’école uniquement quand Nasiya rêverait. Alors qu’il attaquait le Christ, il dit : « Comment il s’appelle, déjà, ton père ? » il devait le savoir, il l’avait forcément déjà entendu, un jour, mais il avait oublié. « et ta mère ? Tu ne parles jamais d’eux… ». L’aiguille grinçait mécaniquement, Josiah sentait sa magie passer du creux de sa main jusqu’au cœur de son outil, et laissait échapper de ses lèvres les formules en langue fon qu’il répétait en boucle. Il repensait à ce que lui avait dit Nasiya, plus tôt dans la soirée. Parce qu’il n’avait jamais trop d’exigences, il voulait aussi un sortilège qui lirait Josiah à l’affaire. Alors, si le sud-africain tendait l’oreille pour écouter les formules prononcées toutes bas, il entendrait le prénom de son amant, murmuré entre d’autres mots incompréhensibles. Aimé.


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Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
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Mer 2 Oct - 17:33

La naissance d'une étoile

Une trace de nous, de notre histoire, un baiser qui tâche


Le mot semble s’être accroché à mes lèvres, s’agrippant à ma peau, se déversant comme il pouvait auprès de Josiah. Pardon. Me pardonnait-il ? Pourquoi suis-je allé m’aventurer dans ces eaux-là, pourquoi avoir poussé la discussion davantage ? Cet homme, dont la peau effleure la mienne, dont la chaleur humaine fait suer mon corps, venait de m’avouer s’être tatoué, si jeune, si fou, si éperdu, il s’était ouvert, et je trouvais un moyen de recentrer sur moi, moi, mon mal-être, mon pardon, mon absolution. J’ai presque envie de rouvrir les lèvres, de m’excuser d’être toujours ainsi, si maladroit, si égoïste, si fol amoureux que mon bonheur passait par ce qui sortait de sa gorge, ce qui se tramait dans son esprit. Il bouge, cependant, ses jambes viennent se caler dans mon dos, il m’enlace dans une intimité qui fait tournoyer mon esprit, me fait presque perdre toute retenue, et je sens mon torse qui s’élève, mes poumons qui s’emplissent de son odeur, avant de grogner de rire en l’entendant faire de même. Pauvres fous amoureux que nous étions, à nous sustenter de ces corps qui se lient, du parfum qui émane de ce rapprochement. Si pour moi, pourtant, ça avait été une inspiration vitale, pour me sentir vivant, j’avais senti à son déplacement, aux positions de ses mains, de son corps, à sa gorge qui déglutit, que ma demande de pardon allait être abordée. Dois-je encore m’exclamer, interrompre, dois-je resserrer mes mains sur son dos, pour le rapprocher de moi, lui bloquer le souffle, l’empêcher de s’exprimer ? Que dois-je faire, s’il dit non, que jamais il ne pourra ? Que dois-je faire, s’il ne veut plus de moi, plus comme cela ? Que je dois changer, que je dois être autre ?

Sa réponse, pourtant, m’est d’autant plus effrayante. Il ne me regarde pas dans les yeux, cette fois-ci, et je remercie Dieu pour cela. Mon corps se tend peut-être, mais mes yeux s’écarquillent, librement, stupéfaits. « J’ai l’impression que tu peux tout me faire, tout te faire, et que de toute façon, je n’aurai pas d’autre choix que de te pardonner. C’est ça, qui me fait peur, mon amour. » Tout lui faire, même aller voir ailleurs, hurler, crier, l’aimer trop fort, ne pas l’aimer assez fort. Me faire, parlait-il de la mandragore ? Des insomnies, du manque de sommeil infligé, de ses horreurs qui me reviennent, lorsque je ferme les yeux ? Des corps, des cris, des guerres, ce monde constaté, duquel je ne cherche qu’à fuir, incessamment ? Me pardonnait-il même ces choses-là, ces blessures volontaires ?

Et mes yeux qui se ferment, dans une prière silencieuse, comme cela ne m’était plus arrivé, je vous salue, Marie pleine de grâce, depuis longtemps, si longtemps, lorsqu’il continue, Le Seigneur est avec vous, qu’il le murmure, il murmure ces mots, ces choses qui nous lient, ces phrases trop intimes. “A cette époque-là, à dix-sept ans déjà, je t’appartenais.” Vous êtes bénie entre toutes les femmes Et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni. Déjà, je lui appartenais. J’étais sien, mon coeur avait dévoré le sien — comment lui dire, comment lui avouer, combien la réciproque était vraie ? Cet homme, cet homme qu’il avait tant chassé, repoussé, malmené, trop aimé, comment lui faire comprendre ? Sainte Marie, Mère de Dieu, Priez pour nous pauvres pécheurs, Maintenant et à l’heure de notre mort. Sa phrase finale résonne entre mes tempes, se glisse dans mes oreilles, torture mes neurones. “ Et j’ai peur que tu m’en veuilles, de vouloir ça de toi. » Amen.

Ne nous sommes-nous jamais compris, même après tout ce temps ? Comment peut-il s’imaginer, encore, que je ne veuille pas de lui, au plus près de moi ? Et puis, enfin, les mots qu’il vient de prononcer prennent toute leur ampleur. Être à lui, rien qu’à lui. Lui au dessus des autres… plus aucun autre ? Je ne me décale pas, et peut-être Marie veille-t-elle vraiment sur moi, pour me garder si calme, m’offrir ce moment de paix, cette réflexion forte. Une exclusivité ? Non, ce n’était pas vraiment ce qu’il demandait, c’était bien plus qu’il souhaitait. La reconnaissance d’eux — qu’ils soient supérieurs à tout le reste. Que ces années ne soient pas que de la chasse sexuelle, sensuelle, des heures de flirts communes aux autres. Les mots se bousculent dans ma gorge, et je ne sais quoi répondre, comment lui dire, comment formuler cela. Sa tête est dans mon cou, son souffle chatouille ma peau, et, après de trop longues secondes de silence, mon corps se resserre encore, s’il le peut, contre lui. Je viens embrasser son oreille, sa tempe, je viens glisser mes lèvres sur son crâne, mes mains caressent son dos.

- Tu es fou, mon amour, tu le sais, que tu es fou, comme tu sais combien je suis fou aussi. Crois-tu, penses-tu, que quiconque puisse un jour rivaliser avec l’être que tu es, et la place que tu prends, dans ma vie, dans mon coeur, dans chacune de mes pensées ? Jésus, Aimé, tu sais comme je ne suis pas doué pour cela, comme tu arraches ces mots de ma gorge.

Je me tortille quelque peu, pour venir relever sa tête, la caler devant moi, fixant mes prunelles dans les siennes.

- Ce n’est pas parce que j’ai du mal à les dire qu’ils sont faux. Je ne t’en veux pas. Je ne t’en voudrais jamais. Tu es… Nous sommes… Oh, doux Jésus, tu es l’amour de ma vie.

Il y a comme un rire, au fond de ma gorge, un rire un peu abruti, un peu fou, un peu désemparé — ces mots venaient enfin de m’échapper, après tout ce temps, cette déclaration d’amour venait se poser dans la réalité, non plus en suspens entre eux, connue à moitié, mais belle et bien prononcée, pour le meilleur comme pour le pire. Alors mes lèvres s’agitent aussitôt, c’est un grand sourire, le sourire libérateur de celui qui comprend enfin, qui se demande pourquoi il n’a pas compris plus tôt, tellement c’est évident.

- Je n’aurais pas peur, je ne t’en voudrais pas, parce que je ne veux que la même de toi. Je veux que tu saches, qu’on sache, combien nous sommes un, combien les autres ne sont que des tâches au loin, qui n’auront jamais aucun impact. Tu es le seul qui a de l’importance, et tu seras toujours le seul.

Puis, déposant un baiser sur son front, je reste quelque petites secondes planté là, l’air trop heureux, trop ahuri, trop transporté. Ma voix se transforme alors en murmure, repris par mes doutes usuels :

- Si ça te va, à toi aussi, que je ne sois que tien ?



Un rire s’échappe de mes lèvres lorsque Josiah me reproche de trop parler — je ne peux pas le lui reprocher, je crois que jamais autant de mots ont été prononcés dans cette maison, que jamais autant de sentiments n’ont été expulsés. Alors, même si j’avais grommelé, moqueur,  qu’il nous faudrait arrêter de tout conclure par une explosion d’amour, son coeur qui martèle contre le mien, son corps qui s’agiterait presque, tout cela agite, en tout cas, le mien, et un soupir faussement défaitiste me prend.

- Me voilà donc voué à te dévorer, phrases après phrases. Quelle triste vie !

Et ce frisson, toujours, lorsque ce mot doux, ce mot tendre, ce français vient se faufiler contre moi, vient glisser son amour tout contre ma peau. Je résiste, pourtant, fidèle à la promesse émise plus tôt, d’un tatouage à venir, et me désiste à son corps tentateur, à ses lèvres fabuleuses. Bien heureusement, Josiah se plie plus ou moins facilement à cette décision radicale, et le voilà qui se relève, qui saisit sa robe de chambre — et je me dois de déglutir. Quand cesserai-je de ne voir qu’avec les yeux de la passion cet homme face à moi, beaucoup trop aguicheur dans cette couleur. Ton rire retentit dans la salle lorsqu’il fait référence au petit nettoyage nécessaire, et je me contente d’agiter de façon ostentatoire la main droite pour lui signifier que j’en faisais de même de mon côté, avec bien plus de flemme. Un simple tournoiement du pouce permet à mon corps d’être un tant soi peu plus hygiénique. Cela ne suffit cependant pas à Josiah, qui vient effleurer la peau de son bras d’un gant savonné. Laissant ma tête reposer contre le mur, je me laisse faire sans mot dire, son expertise bien supérieure à tout ce que je pouvais décider.

Comme toujours alors que son aiguille vient titiller ma peau, je sens mes paupières s’alourdir, mon corps s’apaiser, et une sorte d’entre-deux m’accueillir. J’entends, presque au loin, comme si nous étions chacun dans notre propre univers, mon tatoueur personnel murmurer diverses formules, puisant dans sa magie, son intellect, tout son savoir, pour me créer un nouveau morceau d’art éternel. Cette bulle semi-silencieuse est soudainement interrompue lorsque sa voix grave s’élève, posant des questions sur mes parents.

Mes sourcils s’élèvent, surpris par ce retour sur cette part de ma vie. Je n’avais jamais énormément partagé d’informations sur eux, peut-être dans cette volonté de ne pas nous lier de cette façon ? Ridicule volonté, à laquelle cette soirée de dénouements venait enfin mettre fin. Je grimace et me racle la gorge, tentant de ne pas bouger mon corps, mais tournant ma tête dans sa direction.

- Tu sais, il m’a fallu au moins quelques secondes pour me rappeler de leur prénom, j’ai tellement pris le coup de les appeler umama et usiye que c’est presque absurde de te donner leur prénom. Ma voix baisse d’un demi-ton alors que je poursuis : Elinqabileyo m’a avoué quand je suis retournée à Knysna, tu sais, avant de venir ici, que ma mère était arrivée au village sous le nom de Ngomenzi. La sorcière. Avec un nom pareil, tu imagines que je ne sais pas grand chose de sa vie avant de venir à Knysna. On en parlait jamais. Mon père s’appelle Thandaza, il a gardé celui d’avant. Ça veut dire prier. Ma mère aimait bien, elle disait toujours qu’il était la réponse à ses prières — pourquoi changer ?

Il y a un moment de suspens, où je me contente d'observer les jeux de lumière qui se créent sur le mur en face.

- On lui a donné le nom de Nuru à ma mère, pour “lumière”. C’est du swahili, la femme qui l’a accueillie l’a renommé ainsi. Elle trouvait que ma mère avait les yeux clairs, pétillants, qu’elle apportait une bonne humeur nécessaire au village, malgré tout ce qu’elle avait vécu. Je ne savais pas, pour ce dernier bout — ça m’avait toujours semblé évident que ma mère réponde au nom de Nuru, lumière de ma vie, que veux-tu ? Je suis un fils à maman.

Je garde le silence, quelques instants, laissant mon regard se poser sur ses mains qui ne s’étaient pas arrêtés sur ma peau. Je frissonne et reprends, jouant distraitement de ma main libre avec les plis des draps :

- J’ai rencontré un petit frère, quand j’y suis allé. Il s’appelle Sipho — cadeau. J’imagine que tout enfant après moi leur paraissait effectivement être comme un cadeau du ciel. Sipho est resté au village - il n’en bougera pas, je pense. Ça lui suffit. Il n’a jamais reçu le Messager — ou peut-être ne l’a-t-il jamais avoué ? Je ne sais pas si je te l’avais déjà dit, mais mes parents ont été horrifiés d’apprendre que je devais aller dans le monde extérieur. Tout était tellement mieux, dans notre bulle de paradis.

Je ne lui avais quasiment pas parlé, trop enfoui dans mes propres soucis, mes propres besoins de renaissance, pour donner une quelconque attention à ce nouvel arrivé dans ma vie, ce bonhomme qui était de mon propre sang, mais que je connaissais moins encore qu’Alpha et Badu, avec qui j’avais passé tant d’années à Uagadou. Un long soupir m’échappe, et je grommelle :

- Je ne sais pas s’ils m’en veulent encore, ils attendent peut-être que je me résigne enfin, et que je rentre chez nous. Tu regrettes, des fois, de ne pas être resté dans ton cocon, toi ?

@A. Josiah N'Da 2020 mots
Awful
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A. Josiah N'Da

A. Josiah N'Da
MODÉRATRICE & MJ
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Lun 28 Oct - 0:59




la naissance d'une étoile
Pourquoi leur a-t-il fallu tellement de temps ? Josiah connaissait bien leur temporalité, il savait qu’ils venaient tout juste de se retrouver, après trois ans d’écartèlement. Mais malgré cela, il ne s’expliquait pas qu’en quinze ans d’allers et venues, ils n’aient pas trouvé le temps, la place, de se dire ces choses-là. Ces mots tellement importants. Ces certitudes indispensables. Et pourquoi, de tous les soirs, est-ce que ça avait été celui-là ? Qu’est-ce qui avait changé, sous cette Lune-là, pour qu’ils s’adressent enfin pareils discours ? Quelle étoile était en train de briller sur eux pour qu’ils trouvent le courage de se dire ce qu’ils avaient sûrement toujours pensé ? A quel dieu Josiah devait-il une offrande, pour ces mots qu’il avait longtemps attendus et qui venaient, enfin, réchauffer son cœur ? « Crois-tu, penses-tu, que quiconque puisse un jour rivaliser avec l’être que tu es, et la place que tu prends, dans ma vie, dans mon coeur, dans chacune de mes pensées ? ». Dit comme ça, ça semblait effectivement absolument ridicule. Quinze ans qu’ils se fréquentaient, bien sûr qu’aucun ne pouvait rivaliser. Ni d’un côté ni de l’autre, soit dit en passant. Josiah en avait fait l’expérience, il lui avait simplement fallu recroiser le regard de Nasiya à l’enterrement pour savoir qu’il devait mettre fin à la relation qu’il avait entretenue, trois ans durant, avec un homme pourtant merveilleux. Il avait pu voir, par les actes qui avaient suivis, qu’il avait dû se passer quelque chose d’à peu près similaire pour le sud-africain, puisqu’il avait posé ses valises et ses cartons à Londres quelques semaines plus tard. Peut-être était-ce pour cela qu’ils avaient pu se taire pendant quinze ans. Ne rien dire parce que les actions parlaient déjà suffisamment. Pendant longtemps effectivement, Josiah avait eu l’impression de ne rien avoir à admettre de plus. Que ce qu’il faisait, pour son trésor, était suffisant. Et de l’autre côté, il ne lui semblait pas avoir eu besoin d’en entendre plus. Et quand il avait demandé plus, trois ans auparavant – « reste à Londres avec moi » – ou dans l’autre sens, quand Nasiya avait demandé autre chose – « partons de Londres ensemble, ce n’est pas notre guerre » – et qu’ils ne s’étaient pas accordés sur une réponse, ils s’étaient séparés. Parce que finalement jusqu’alors, ils avaient fini par s’accorder sur tout. C’était cette installation à Londres, de Josiah, qui avait été insupportable pour Nasiya, et qui avait tracé une ligne entre eux telle qu’il n’y en avait jamais eue jusqu’alors. Et si ça avait pu les éloigner il y a trois ans, qu’est-ce qui garantissait à Josiah que ça n’allait pas recommencer ? C’était sûrement de là que venait l’importance des mots. L’importance de dire que finalement, l’amour qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre était ce qui les tiendrait ensemble, ce qui gommerait cette ligne qu’ils avaient tracée il y a trois ans, et qui les avait maintenus hors de contact tant de temps. Depuis qu’ils s’étaient retrouvés, Josiah avait ressenti cette urgence des mots, et maintenant ce soulagement de les entendre.
Nasiya continuait, il prenait sa tête entre ses mains, entre ses paumes chaudes et lui glissait d’autres mots qui le brûlaient tout entier : « Tu es… Nous sommes… Oh, doux Jésus, tu es l’amour de ma vie. » C’étaient ces mots qui le faisaient flamber, c’était de l’entendre les lui dire dont il avait brûlé d’envie depuis des semaines, depuis qu’ils s’étaient retrouvés. C’était tombé ce soir-là, au creux de la nuit, sous un ciel dont les étoiles étaient cachées par la pollution lumineuse des foutus moldus. Pourtant, Josiah avait l’impression que là-haut, une étoile avait brillé pour eux. Sur eux, sur leur amour, pour qu’enfin ça se dise. Comme il l’aimait, par Wata, comme il l’aimait. Et alors que Nasiya soulignait combien ils n’étaient qu’un, c’était cela qui résonnait dans la tête du béninois. Comme je t’aime, mon amour, mon mien, mon tout, comme je t’aime. En boucle, si bien qu’il entendit à peine les derniers mots de la réplique de son trésor. Il ne put bien saisir son hésitation finale, sa rétractation de dernière seconde, à laquelle il s’attendait, pourtant. C’était l’insécurité de Nasiya qu’il parvint à saisir à la dernière seconde, alors qu’il s’apprêtait à ne plus rien entendre du tout et à se jeter dans ses bras. « Si ça te va, à toi aussi, que je ne sois que tien ? » Josiah secoua le crâne, pour s’éloigner des étoiles et revenir sur Terre. Ce fut à son tour de prendre la tête de son aimé entre les mains, pour le caresser doucement, tendrement. « A moi, et toi à moi et moi à toi. Et toi à moi, et moi à toi, et toi à moi… ». Et ça continua encore un moment comme ça, jusqu’à ce que ça se change en murmure, et en baiser, et encore comme ça jusqu’aux étoiles.

***

Josiah voyait les paupières de son étoile se fermer, et sa tête reposer contre le mur. Il ne connaissait que trop bien cette expression sur son visage. C’était pour elle qu’il laissait passer tout ce consumérisme de drogues dangereuses. C’était pour voir la paix s’installer sur le visage parfois tendu et pétri d’angoisses de Nasiya qu’il se taisait. Pas qu’il ne croit que ses mots – encore eux ! – eut pu avoir un effet quelconque sur l’envie du sud-africain de s’allumer une mandragore, mais il ne s’était jamais même tenté à cet exercice, pas avec sérieux et conviction, toutefois. Plutôt que de lui dire : « arrête de te droguer », il cherchait à faire venir autrement cette plénitude. En le tatouant, dès leur plus jeune âge, parce qu’il avait remarqué qu’à cette occasion, Nasiya se détendait, oubliait. Et en lui faisant l’amour, bien sûr. Il avait fait les deux, ce soir, et ça le déridait lui aussi. Délié, il s’autorisait ainsi à poser des questions, particulièrement s’il devait aller rencontrer ses parents, là-bas, au pays. Alors que son aiguille continuait de tracer des lignes, des ombrés, des nuages et des portraits, il écoutait son amant se raconter. Parler de sa mère, de son père, du grand chef de son village. Il ralentissait le rythme, parce qu’il se concentrait sur autre chose. Il puisait dans sa mémoire pour faire des liens avec les informations qu’avait pu lâcher Nasiya en quinze ans de vie côte à côte. Très peu de choses, finalement. Il l’avait entendu parler de sa mère, bien sûr, d’Elinqabileyo évidemment, du fait que ses parents étaient tous les deux nés dans des familles moldues desquelles ils avaient été rejetés. Alors qu’il entendait les prénoms de ses parents, il se souvenait de Nuru. Il avait dû le lui dire, une fois, pour certainement y ajouter cette même remarque – la lumière de ma vie. Mommy’s boy indeed. Alors que Nasiya modulait son discours en faisant quelques pauses, Josiah s’appliquait à essayer de s’imaginer Knysna. Il se la représentait un peu comme son village à lui, mais en plus lumineuse. Et en plus dansante, bien sûr, Extatiques oblige. Puis, Nasiya reprenait, et lui parlait d’un petit frère. Il identifiait ce Sipho comme un cadeau qu’il avait dû être pour leurs parents. Et là, entre ses sourcils, Josiah voyait naître à nouveau l’inquiétude, le ressentiment. Derrière l’ironie, derrière ce souvenir d’enfance visiblement douloureux, Josiah reconnaissait un mal-être et il détestait cela. Que Nuru et Thandaza aient appelé le gosse comme cela pour cette raison ou non, ce qui était important était finalement que c’était ce que Nasiya se fantasmait. Qu’il n’avait pas été un cadeau pour eux. Pourtant, à lui, il était son trésor.

« Je ne sais pas s’ils m’en veulent encore, ils attendent peut-être que je me résigne enfin, et que je rentre chez nous. Tu regrettes, des fois, de ne pas être resté dans ton cocon, toi ? » Josiah avait presque fini, alors il s’arrêta un moment, pour l’embrasser. Simplement parce qu’il en avait envie. Du bout des lèvres, vite, avant de reprendre le tatouage, et de répondre. « Mon trésor. Tu devais être un véritable cadeau pour eux toi aussi pour qu’ils attendent toujours ton retour. » Et une interruption, à nouveau, et un baiser. Il ne reprit pas ses lignes, parce qu’elles allaient être laides, et qu’il voulait parler. « Quant à mon cocon, il a cessé de l’être quand ma mère en est partie. J’suis un fils à maman, moi aussi. Mon père n’est pas un bonhomme très marrant, et puis entre ses dix-sept gamins, ses quatre épouses, et ses obligations de chef de clan … Je ne sais pas, il n’a jamais eu trop le temps pour moi. Et puis bon, on n’est pas exactement de la même génération, ni de la même culture. » Ils avaient près de soixante ans d’écart, et en plus de ces simples années, Josiah avait été élevé avec une double-culture, et pas des moindres. Son père était loin d’être un mage vaudou américain, le vodun béninois lui suffisait amplement. Il ne pouvait pas bien le comprendre. « Finalement, j’ai l’impression que ça fait longtemps que je n’ai pas eu de cocon, depuis que le Village a arrêté de l’être. La Nouvelle-Orléans était un pied-à-terre, et puis on a beaucoup bougé, et Londres … Londres c’est là où je me suis installé. Mais ce n’est pas un cocon. C’est trop gris pour être un cocon. » Reprenant la machine, il traça une nouvelle ligne, espérant créer du Beau, et il ajouta, rêveur : « ça doit être lumineux, Knysna, non ? C’est comme ça que je me l’imagine. Pleine de lumière. » Et puis à nouveau, les formules. Il était sur les derniers détails. C’était allé vite. Un peu moins d’une heure. Mais la nuit était avancée, les étoiles disparaissaient du ciel les unes après les autres, et ils n’avaient pas dormi. « Je pourrai le rencontrer, aussi, Elinqabileyo ? » – il essayait de prononcer son nom convenablement, mais il n’y arrivait sûrement pas. « Je ne te propose pas le Bénin mais … vraiment, je crois que ça n’a pas la même signification pour moi que ça en a pour toi. » ça n’aurait même eu aucun sens. Son père, au pire, n’aurait pas compris, au mieux, n’en aurait rien eu à faire. Ses frères et sœurs lui auraient demandé s’il rentrait pour de bon, et il aurait entendu derrière cette question une autre : « tu reviens dans la course au flambeau de chef de clan ? », alors ça l’aurait blasé. Il éprouvait une certaine tendresse à l’égard de sa fratrie, mais à un continent d’écart, c’était mieux. Il n’avait pas envie d’emmener Nasiya au milieu de ça. Ça n’était pas symbolique. Pas comme un voyage à Knysna-la-lumineuse pouvait l’être, en tout cas.

***

Il passa un tissu un peu humide sur la pièce, pour absorber le sang et l’encre qui suintaient des pores de Nasiya. « J’ai fini ». Il était fier de lui, ça se voyait à son visage. C’était très beau. Ça prenait une bonne vingtaine de centimètres, tout autour de son biceps musclé. On ne le voyait que si on y prêtait vraiment attention, parce que la peau de son amant était très noire, mais les écailles d’Occamy dans son encre ordinaire permettait que ça brille un peu plus qu’un tatouage normal. Comme la peau d’une panthère noire. « C’est ironique, quand même. T’es marchand de sable mais c’est moi qui me retrouve à tatouer tes rêves sur ton bras. » Il souriait pleinement, visiblement très content de lui. Attrapant la main libre de son amant, il l’attira hors du lit, face au miroir en pied qui se trouvait dans un coin de leur chambre. Il attira avec lui le drap du lit, qu’il vint magiquement faire enlacer les hanches de Nasiya. Il ne voulait pas être déconcentré pendant sa démonstration, il lui fallait alors masquer un organe qui lui était hautement perturbateur. « On a donc des montagnes, et notre Christ de Rio qui se dandine. Lui, il est là tout le temps, et comme la Joconde, d’où qu’on soit, on peut le voir. Quand tu rêveras, profondément par contre, pour de vrai, pas avec tous tes machins, les nuages s’écarteront et on verra Uagadou. C’est génial, parce que tu ne le verras jamais, alors tu ne peux pas savoir si c’est vrai ou si j’invente et que je n’ai pas été capable de te tatouer un truc pareil. » il adressa un regard plein de malice à son trésor, ne laissant transparaître ni vérité ni mensonge. Qui sait ? Peut-être n’était-il pas aussi bon qu’il le prétendait. « Et puis, parce que tu n’es pas trop exigeant, tu voulais un sortilège qui me raccrocherait au tatouage, pour montrer que je suis à toi. Alors, tu verras parfois apparaître sous les nuages mon initiale à moi. Tu verras, elle est un peu baveuse, comme mon N sur ma cheville. Ou peut-être que tu ne verras jamais, parce qu’elle n’est censée apparaître que si moi, je rêve de toi. Et peut-être que je ne t’aime pas tant que ça, et que je ne rêve jamais de toi. Ou peut-être qu’à nouveau, je n’ai pas réussi à tatouer un truc pareil, parce que là, il s'agit presque de légilimencie, et toi tu veilleras toute la nuit en attendant un mirage. » Ou peut-être ne s’agissait-il pas du tout de légilimencie, peut-être Josiah avait-il simplement déterminé que parmi toutes les fois où Aimé Josiah N’Da dormirait à côté de Nasiya Abasinde, il y avait soixante-dix-huit pour cent de chance qu’il soit en train de rêver de lui, et ainsi, cela ferait apparaître sur le biceps de l’Abasinde un A mal calligraphié. Ou peut-être que c’était trente-deux pour cent. Ou peut-être n’y avait-il pas de A derrière les nuages. Peut-être Josiah voulait-il voir son amant se torturer toutes les nuits autour de son cas. Ou peut-être que le A y était tous les jours, toutes les nuits. Peut-être n’y avait-il mis aucun sortilège, peut-être avait-il déterminé que systématiquement, toutes les nuits, dans cent pour cent des cas, il y aurait un A qui apparaîtrait derrière ces nuages, parce que Josiah en était certain. Toutes les nuits, sans faute, il rêvait de son étoile.

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Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
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pictures : {Nasiah} la naissance d'une étoile Ed8b52550214f71a86510011cbe0e9df5a75f2c2
Sam 2 Nov - 18:48

La naissance d'une étoile

Une trace de nous, de notre histoire, un baiser qui tâche


C’était une soirée douce comme on n’avait pas pris le temps de s’en accorder depuis longtemps. Une soirée douce, peut-être un peu trop, qui avait fait déborder des sentiments jamais prononcés, qui avait dévoré nos coeur pour qu’on l’étale partout. Des à moi, des à toi, des mots d’amours murmurés, engloutis, qui se sont un peu apaisés. La lune doit être pleine ce soir, pour venir me tirer toutes ces émotions, pour creuser en moi ainsi. Même lorsque nos corps se sont détachés, lorsqu’il en revient enfin à me titiller la peau de son aiguille encrée, mes mots ne semblent jamais vouloir s’épuiser. Le déclic est fait, le besoin est ancré, c’est une de ces soirées-là, une des uniques de l’année, où mes pensées font le tour de ma bouche et viennent s’échouer dans le monde réel.

C’est sûrement pour cela que le nom de Sipho m’échappe, que je m’étends autant sur mes parents. Mon pauvre Josiah ne m’a demandé que leurs noms, leurs simples noms, et mes paroles se sont déversées à torrent. Ses mains s’immobilisent et il se redresse pour venir déposer un baiser sur mes lèvres, rapide, bien trop rapide pour mon plaisir - je grogne du fond du ventre, mais bien vite ses mots apaisent tous mes râlements.

- Tu devais être un véritable cadeau pour eux toi aussi pour qu’ils attendent toujours ton retour.

Son ‘mon trésor’ me roule dans les oreilles, vient se poser au creux de mon cerveau et se tasse une place dans ma zone de bonheur, semblant effacer toutes les appréhensions que j’ai pu avoir, toutes les douleurs familiales que j’ai pu m’imaginer. Ses lèvres viennent retrouver les miennes, et j’appuie plus lourdement pour le capturer quelques secondes de plus, n’ayant pas apprécié ce baiser trop court juste avant. Je le laisse aller et attends qu’il reprenne son travail, prêt à reprendre ma douce transe, mais il préfère plutôt me répondre les mains libres. Comme toujours lorsqu’il me parle de sa famille, beaucoup trop nombreuse, beaucoup trop impressionnante, j’ai comme une pression étrange dans les poumons, et je me concentre plutôt sur sa mère.

- On est un beau duo de fils à maman, tous les deux, hmm ?

J’ai le coeur qui se serre un peu lorsqu’il m’explique, pourtant, ne pas avoir de cocon à lui. Je crois que, malgré tout, malgré les dizaines d’années sans avoir vécu à Knysna, ce lieu restera toujours mon ancrage de bonheur, mon paradis terrestre. Qu’il ne connaisse pas cela me crispe d’angoisse, car je sais combien cela manquerait à ma vie, de ne pas avoir cette échappatoire, ce lieu sûr, cette promesse éternelle.

- Non, Londres ce n’est pas un cocon… Heureusement que je t’apporte ton lot de soleil avec mes âneries quotidiennes, finalement, grommelai-je tout doucement, en venant embrasser le bout de son nez.

Il reprend sa machine entre les mains et l’aiguille s’en retourne trifouiller dans ma peau, gravant éternellement le dessin qu’il avait en tête sur mon derme. Lorsqu’il me demande si Knysna est lumineuse, je sens un sourire idiot venir se dessiner sur mon visage. Heureusement, tout occupé à son travail, il ne voit pas cette abrutissement temporaire, et je reprends vite un air plus naturel. Bien vite, mes mots se libèrent à nouveau, et j’explique sous mille et une façon pourquoi Knysna est belle, pourquoi Knysna brille, pourquoi Knysna est douce. Et non, bien sûr que ce n’est pas grave, de ne pas aller au Bénin. Tout le monde ne peut pas avoir autant d’amour pour son pays que j’en ai pour Knysna. Oh, douce et belle Knysna. Et les mots s’effacent, alors que du bout des doigts, je viens titiller les tempes de mon amour pour lui insuffler mille images de mon pays.

..

- J’ai fini.

La voix de Josiah tonne lourdement dans mon esprit alors que j’émerge à nouveau de cette transe si jouissive que m’apportait l’art du tatouage. J’ouvre les yeux, sourire aux lèvres, qui s’agrandit au centuple en voyant l’air fier qu’arbore mon amour. Je ne résiste pas, et viens lui écraser un baiser sur la bouche, juste avant qu’il ne m’attrape pour me tirer du lit. Je n’ai toujours pas eu le temps de jeter un coup d’oeil à mon bras, et me laisse guider un peu dérouté, sentant un draps s’enrouler autour de mon corps, sentant ses mains sur mon poignet, crispées d’excitation. J’ai un rire au fond de la gorge, encore — rien ne peut me rendre plus heureux, je pense, que ces moments-là, ces crises d’excitation profonde, de contentement sincère, que Josiah peut avoir. Toutes pensées s’enfuient pourtant de mon esprit lorsque mon visage se lève enfin vers le miroir et que mes yeux tombent sur la pièce qu’il m’a créée. Le spectacle doit en être comique, car je me sens moi-même abruti devant l’art qu’il m’a gravé. Il y a toujours de ces gens qui te coupent le souffle de leur talent, et Dieu en avait placé un dans ma vie, rien qu’à moi. C’est tout de même une phrase qui fait virevolter, doux Jésus.

Mes yeux naviguent du miroir à ma peau, cherchant comment mieux voir, mieux contempler, dévorer même, cette nouvelle pièce à jamais mienne. Je sens un sourire monstre me dévorer le visage en voyant ce pauvre Jésus dandiner son fessier au milieu des montagnes de Uagadou. L’assemblage était majestueux, pourtant si ridicule, rien ne peut mieux résumer qui je suis, qui nous sommes, et c’est un frisson qui me parcoure. Mon sourire devient sonore, un gros rire qui secoue tout le corps, lorsque Jos m’avoue son astuce de Uagadou, et je grommelle :

- Je vais me filmer toutes les nuits, juste pour voir si tu es une arnaque, une fripouille, un brigand des encres !

Josiah continue déjà, faisant référence à ma demande particulière, mon sortilège tout à moi, prouvant qu’il n’appartenait qu’à moi. Sa malice, pourtant, me fait grogner plus que rire, et je me tourne vers lui avec une tête d’animal attristé.

- Tu veux vraiment que je me questionne, toute ma vie durant, combien tu rêves de moi ? Je croyais que tu voulais que je dorme plus, mon amour, pas que je me torture à vérifier combien toi, tu dors et donc rêves de moi ?

Puis, mes yeux pétillants, mes mains venant saisir les siennes, je murmure :

- Tu sais quoi - j’ai décidé que ce serait tous les soirs, tout le temps. Et je ne regarderai pas, je ne vérifierai pas. Je le sais, de toute façon, tu ne peux pas te passer de moi dans la vraie vie, pourquoi ce serait différent au fin fond de ton inconscient ?

La voix encore plus basse, levant ses mains vers mes lèvres, je dévore de baisers ses doigts talentueux.

- Merci, Aimé, c’est magnifique. Tu ne cesseras jamais de m’épater, je crois.

Et peut-être bien que j’avais menti, que je vérifierais forcément, au moins une fois, au moins dix fois, si son A apparaissait sous les nuages, si son A se traçait au rythme de ses nuits, peut-être bien ; on ne pouvait pas me changer ainsi, moi, mes doutes, mes appréhensions. Pourtant, au fond de mon esprit bien trop têtu, je n’en avais jamais été plus certain : jamais, jamais, je ne serai loin de lui, absent de ses pensées et lui des miennes. Il était gravé là, pour toujours, d’encre et de coeur.  

//fin pour Nasiya//

@A. Josiah N'Da 1227 mots
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