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Dans les jardins mal fréquentés | Nia & Rhys
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

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Rhys M. Price

Rhys M. Price
MEMBRE
hiboux : 316
pictures :
Dim 20 Sep - 22:02

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Dans les jardins mal fréquentés
La main de l’autre emmêlée dans la nôtre, le bleu du ciel plus bleu que celui des autres - on sait que même le plus fidèle des apôtres finira par mourir un jour ou l’autre. Et même amitié pour toujours trouvée, et même après une ou plusieurs portées, elle est là qui accourt pour nous rappeler que si les hommes s’unissent c’est pour mieux se séparer. - Pierre Lapointe, Tel un seul homme
- 08.04.2004

Tu ne te souviens pas exactement comment tu es rentré chez toi. Tu as de vagues images, tu étais saoul, tu titubais, Pwyl jappait joyeusement, les jumelles se soutenaient l’une l’autre, Arthur chantait en gallois (il devait être encore plus saoul que toi). Ah oui, et il y avait Nia. La douleur que te cause ta jambe au réveil te rappelle que tu t’es lamentablement vautré en arrivant en portoiloin sur la pelouse du manoir, mais tu devais être complètement anesthésié par l’alcool parce que tu ne te souviens pas avoir eu mal. Tu te redresses dans ton lit pour frotter ta jambe, et tu sens le monde tourner autour de toi et d’autres de tes muscles te tirer. Tu as peut-être un peu abusé hier. Tu te laisses retomber la tête dans tes coussins : disons-le clairement, tu as une monumentale gueule de bois. Est-ce que c’était une si bonne idée que cela, de proposer un concours de shooters avec la plus forte de tes eaux de vie ? Si tu n’en doutais pas hier, tu es aujourd’hui bien plus critique. Il te faut une douche, des vêtements propres, un grand verre d’eau citronné et un bon repas.

Quand tu ressors de la salle de bain, enfin propre et vêtu d’une chemise en soie bleu et d’un pantalon en lin blanc, tu te sens déjà beaucoup mieux. Tu traverses le couloir des chambres en hésitant un instant à frapper à celle où tu as installé Nia hier soir, mais te ravises. Tu enverras Hamlet la réveiller si elle n’est pas debout d’ici une petite heure, elle aussi a bien profité de la soirée. Tu descends dans le grand salon au rez de chaussé. Plusieurs bibliothèques recouvrent tout un pan de mur, débordant de livres en tout genre : de cuisine, beaucoup, mais aussi de littérature anglaise (un ajout d’Alys, à l’époque), de fiction et essais écrits par des gallois, et quelques ouvrages de magie. Les autres murs sont recouverts de tableaux de paysages, gallois principalement, mais aussi français, japonais, américain et mexicains, d’un grand nombre de photos dont certaines sont animées. Là, on peut te voir, pas plus âgé qu’Hamlet, encore blond et sans le moindre tatouages sur tes mains, embrassant ton frère, un bébé dans les bras de ta mère, et saluant la caméra, ici l’un des jumelles montre fièrement une dent qu’elle vient de perdre. Il y a une grande photo de famille au milieu d’un des murs, qui semblent presque dominer la pièce – vous y êtes tous réunis, souriant mais immobiles : Cadell, Braen, Cerridwyn, les jumelles se tenant par le bras, Arthur l’air plus songeur, et toi enlaçant fièrement Alys à tes côtés. Ce devait être quelques semaines après votre mariage – et l’œil avisé aura tôt fait de remarquer combien les tatouages sur les mains de ceux qui ne sont pas moldus se ressemblent. Il y a aussi plusieurs photos de celui-ci, répartis sur les murs, ainsi que celui de tes parents, et tous ces moments immortalisés qui racontent votre vie – la magie en moins, la plupart du temps. Plusieurs fauteuils et canapés cossus sont installés en demi-cercle face à la cheminée éteinte, et tu peux presque visualiser ton père installé au coin de feu à vous raconter des histoires. Sur un buffet contre un autre des murs, une radio est éteinte, à côté d’un phonographe qui joue un air de jazz. La télévision se trouve dans le petit salon, à deux pièces de cela, après la salle à manger mais juste avant la véranda – la pièce dans laquelle tu te trouves est une pièce de rassemblement, de partage, et les écrans y sont proscrits. Si tous les Price à l’exception de Cerridwyn (et de ton fils bien sûr) fument, il n’y a aucun cendrier : les seules pièces où le tabac est autorisé, sauf évènements particuliers, sont la cuisine et la véranda, pour ne pas importuner les non-fumeurs et empester la maison de l’odeur de tabac froid. De larges tapis recouvrent le sol en pierre, et l’ensemble est assez richement décoré, dans un mélange de modernité et d’objets plus traditionnels et anciens. C’est principalement ta mère, un peu aidée d’Alys à l’époque, qui s’est chargé de la décoration : et c’est une femme de goût. Elle est là avec ton fils, tous deux jouent avec Pwyll, et semblent en train d’essayer de lui apprendre à s’asseoir à grand renfort de friandises. Sur le buffet, une grande carafe de limonade et une cafetière vous attendent, tous les deux plein - tu dois être le premier debout. Hamlet se lève en te voyant pour courir dans tes bras, et tu enlaces ton garçon en souriant.

- PA !
- Coucou. Vous allez bien ?
- Ouiiiiiiiii.
- Hamlet, ton père est certainement encore mal réveillé, sers-lui un café s’il te plaît mon chéri.
- Oui mamie !
- Vous avez passé une bonne soirée ?

Tu déposes sur la joue de ta mère un baiser avant de t’installer sur un fauteuil à côté d’elle. Tu es toujours heureux de voir l’enthousiasme du blondinet, mais tu admets volontiers que tu aspires à plus de calme ce matin. Ce midi, d’ailleurs.

- Superbe. On a pas fait trop de bruits en rentrant ?
- Non non. Tu as bien montré où se trouvait la salle de bain à ton amie avant de te coucher ?
- Oui Man’.
- Bien.

Cerridwyn est plus digne, mieux habillée qu’elle ne l’a été ces derniers mois. Plus paisible, aussi, il te semble. Elle porte un chemisier en dentelle blanche et aux manches bouffantes, au-dessus d’une jupe noire longue est cintrée. Elle a attaché ses longs cheveux noirs dans lesquels se perdent quelques mèches argentées en chignon au-dessus de sa tête, et maquillé ses yeux bleus et ses joues. Cela manque de couleur selon toi, mais elle est particulièrement élégante. Elle n’a pas souvent l’occasion de rencontrer tes proches, et tu vois bien qu’elle a essayé de faire au mieux pour l’occasion. C’est elle d’ailleurs, qui a émis l’idée d’un brunch en famille le lendemain de ton anniversaire, et regretté que tu ne puisses inviter aucun de tes amis. Tu ne sais pas trop comment le nom de Nia a fini par arriver dans la conversation, peut-être parce qu’elle est l’une de tes rares amies que tes sœurs et ton frère arrivent à tolérer, voir même apprécier. Plus aucun sorcier ignorant ton secret n’a mis les pieds au manoir depuis ton mariage, et tu crois que cela te rend un peu nerveux, de savoir la belle nigériane ici. Est-ce qu’elle a senti les multiples protections et barrières, quand vous êtes entrés sur la propriété ? Tu imagines que tu pourras lui dire que tu as fait appel à un professionnel, le même que pour le restaurant…

- Tu es soucieux chéri ?
- Un peu oui.
- Ça va bien se passer. Ça s’est bien passé à ton mariage, et il y avait des moldus, des euthanatoi et des hermé…-tistes ? -tiques ? Je ne sais jamais.

Tu souris à ta mère. Même si elle est complètement extérieure à tout cela, elle n’a pas eu d’autres choix que d’apprendre avec vous. En même temps que vous, d’ailleurs. Comment a-t-elle vécu votre formation, comment a-t-elle supporté les leçons et enseignements de ton père et ton grand père ? Elle devait vraiment l’aimer, Braen, et vous avec, pour avoir tenu, elle si douce.

- Hermétiques.
- Bon. Et bien il y avait tout cela, et ça c’est très bien passé. Ne te fais pas de soucis.
- Tu as raison.
- Et puis ça me fait plaisir tu sais, de connaître la personne qui garde le plus mon petit fils en dehors de la famille.

Tu souris à ta mère. Ce doit être difficile, aussi, d’être ainsi complètement coupé de votre vie, sur tant de ses aspects. A côté de vous, Hamlet est retourné s’occuper du chiot.

- Ne lui donne pas trop de friandises Hamlet.
- MAIS PA ! REGARDE ! Assis !

Le chiot le regarde un instant, comme dubitatif. Le garçonnet agite devant lui une sucrerie et après un instant d’hésitation, le chiot finit par obéir.

- BRAVO ! Bon chien, gentil Pwyll !

Tu le regardes donner la gourmandise au tosa avant de le couvrir de baisers et de caresses. C’est charmant, vraiment. Ta mère se racle la gorge, à côté de toi.

- Tu iras te laver les mains et le visage avant de manger.
- Oui mamie…

Hamlet a une petite moue boudeuse, mais le chiot qui lui lèche les mains le fait bientôt rire et oublier son désarroi.

- Le brunch sera servi sur la véranda. Il faudrait peut-être réveiller tes sœurs et ton frère ? Et ton amie ? Tu retournes travailler ce soir ?
- Oui mais j’y vais pour le service, à 18h30. Les employés se chargent du nettoyage et du rangement.
- Les pauvres...
- Oh tu sais, avec la magie, ce sera vite fait maman. Hamlet chéri, tu veux bien faire ce que ta grand-mère a dit et aller réveiller tout le monde s’il te plaît ?
- Oui Pa !

Le gamin a sauté sur ses deux pieds, et il court presque jusqu’aux escaliers. C’est peut-être lui qui est le plus excité par la venue de Nia, et il t’a déjà dit qu’il voulait lui faire visiter chaque pièce et lui montrer l’intégralité de ses jouets. Tu plaindrais presque ton amie, si ça n’était pas absolument adorable de le voir ainsi. Tu finis ton premier café et sors de tes poches tes feuilles et ton tabac pour te rouler une cigarette. Tu te ressers une tasse avant de sortir par une porte qui mène directement au jardin. Pwyll s’engage à ta suite, et tu lui tiens la porte pour qu’il sorte avec toi. Cigarette à la bouche, tu te penches vers lui pour le caresser.

- C’est qui le beau toutou ? Alors tu as appris des tours ? Assis !

Il hésite beaucoup moins à t’obéir que pour ton fils, et tu le récompenses en le grattant derrière les oreilles. Tu te redresses et t’adosses au mur en allumant ta cigarette, face au gazon parfaitement tondu de la propriété. L’air frais te fait du bien.

Mais tout de même, ça tangue.

@Nia Babajaro - 1 720 mots
en italique, les Price parlent gallois
code du titre par rogers

Invité

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Invité
Ven 25 Sep - 3:56
Dans les jardins mal fréquentés
08 Avril 2004

C’était il y a un moment déjà, la dernière fois que tu as participé à une soirée d’une telle ampleur. Surtout une soirée après laquelle tu as fini aussi ivre. Tu bois, socialement disons. Un verre de temps en temps, quand l’occasion se présente. Rarement plus. Mais ce soir… Ah ce soir on peut dire que tu t’es lâchée. Trop peut-être qui sait ? Pas toi pour le moment en tout cas. Tu es bien trop occupée à essayer de mettre un pied devant l’autre sans tomber pour t’en soucier. Tu as ôté tes talons hauts, par soucis de discrétion peut-être. Par peur de te casser la tronche surtout. C’est que tu as une réputation à tenir tout de même. Et tu n’as aucune envie que l’on te ressorte l’histoire de la fameuse chute à Merthyr Tydfil à chaque événement. Tu as sans doute trop de fierté pour ça. Trop peur du ridicule surtout. Peur qu’on se souvienne d’une chute quelconque alors que tes comparses gallois ne sont pas vraiment dans un meilleur état que toi. Au contraire même. Peur d’une chute alors que Rhys est tombé quelques minutes plus tôt et que tu ne t’en souviens déjà plus. Pourtant, tu t’es moquée sur le coup. Tu as ricané comme une vieille hyène. Et demain, tu en rigoleras encore. Enfin, si ça te revient à l’esprit, ce qui n’est pas gagné.

On ne te fait pas visiter la demeure. Simplement la chambre dans laquelle tu dormiras. Puis la salle de bain aussi. Personne n’est en état de te faire faire le tour du propriétaire. Et toi même ne rêve que de te plonger dans les bras de Morphée. Si tu as plutôt du mal à trouver le sommeil d’ordinaire, là à peine as-tu posé la tête sur l’oreiller que déjà te voilà aux pays des songes. Des rêves bien particuliers puisque influencés par l’alcool encore bien présent dans tes veines. Par tous les Lwas, quelle idée de boire autant ! Assurément une très mauvaise en tout cas. C’est peut-être la joie de faire la fête avec tes plus proches amis qui t’a mise dans cette état. C’est sans doute aussi dû au léger stress de la rencontre avec Cerridwyn. Très aimable sans doute mais tu ne peux t’empêcher d'appréhender. C’est une Price que tu ne connais pas. La seule même. La mère de Rhys. La grand-mère d’Hamlet. Mais surtout, une moldue. Et tous les Dieux, ceux que tu pries et les autres aussi, savent à quel point tu n’es pas férue de ces êtres dépourvus de magie. Rien de très cohérent ni de logique dans tout cela. Seulement une culture différente. Une culture que tu n’arrives pas à saisir et dont tu as du mal à voir l'intérêt s’il faut être tout à fait honnête. On vous élève comme ça, dans la tribu Zierbawa. La question du sang souillé n’est pas vraiment présente mais il est mal vu de s’affilier à un non-mage. Et pour toi, une Babajaro, c’est même formellement interdit. La rumeur veut qu’ils affaiblissent vos pouvoirs, qu’ils rendent vos enfants plus faibles. Tu y crois à cette légende. Ou bien tu y as cru. Tu ne sais pas trop. Enfin qu’importe. Tu n’es pas une pure Babajaro et seulement une demie Zierbawa. Alors au diable toutes ces règles stupides. Tu parleras à qui tu voudras et quand tu le voudras.

C’est avec l’esprit encore bien trop embrumé que tu es réveillée par les petits poings d’Hamlet cognant contre la porte. Tu as à peine le temps de lui dire d’entrer qu’il se rue déjà sur ton lit. Tu n’es pas du matin. C’est un fait indéniable. Et pourtant, il n’y a, en cet instant que tu trouves si précieux, aucune mauvaise humeur. Tu es d’ailleurs étonnamment joviale. Joyeuse même. Ta main passe dans ses cheveux et les ébouriffe au passage alors que lui s’accroche à toi pour t’enlacer. C’est qu’il est vraiment adorable cet enfant. Pendant quelques minutes, il t’interroge et tu lui renvoies la pareille. A-t-il passé une bonne nuit ? Une bonne soirée ? Une bonne matinée ? Est-ce qu’il s’est amusé avec sa grand-mère ? Et toi avec son père et tes amis ? Un jeu de questions réponses qui dure peut-être une dizaine de minutes. Une dizaine de minutes après lesquelles le petit Price se souvient qu’il a d’autres obligations, qu’il ne peut pas rester à papoter avec toi autant qu’il l’aimerait. Ou pas tout de suite. Il quitte ta chambre pour aller réveiller son oncle et ses tantes après t’avoir fait une promesse. Celle de te faire visiter tout le manoir. Et aussi de te montrer tous ses jouets. Toi, tu n’es qu’une simple mortelle. Comment pourrais-tu résister à tant de mignonnerie ? Alors tu as accepté sans hésiter. Tu aurais peut-être dû. C’est qu’elle est grande cette demeure. Immense d’aucun dirait. Peut-être pas autant que celui des Babajaro au Nigeria. Ceci dit, ce n’est pas vraiment la même taille de famille. Là bas, tout le monde vit sous le même toît. Ta mère, ta grand-mère, tes frères et soeurs, oncles et tantes, cousins et cousines. Un manoir plus grand qui semble pourtant bien plus étroit à cause du nombre trop important d’habitants.

Une promesse est une promesse. Et si Hamlet a juré de te faire visiter, tu te dois d’être prête pour son retour. Tu le suis jusqu’à la salle de bain dont tu avais oublié l’emplacement depuis la veille - ou bien les quelques heures plus tôt selon comment on voit la chose. Tu t’empresses de te glisser sous cette douche amplement méritée et qui te fait le plus grand bien. Le reste des effluves d’alcool émanant de ton corps fatigué disparaisse sous le pouvoir du savon et de l’eau chaude. Tu as l’impression d’être une nouvelle femme. Propre oui. Mais surtout sobre et bien plus réveillée. Enfin… Que ce soit l’un ou l’autre il faut le dire assez vite tout de même. C’est surtout une impression basée sur ton physique avant après. Plongeant la main dans le fond de ton sac sans fond, tu en ressors tout ce dont tu as besoin pour te faire belle. Tes vêtements tout d’abord. Le plus important sans aucun doute. Un pantalon taille haute rouge avec des motifs noirs et une veste assortie aussi longue que toi. Des talons aiguilles et un col roulé noir. Tu en as mis du temps à choisir ce que tu allais porter aujourd’hui, faisant et défaisant ton sac un nombre incalculable de fois. Tout ça pour opter pour une tenue si simple. C’est que tu as cette peur d’être trop habillée. Ou bien pas suffisamment. D’un trait de liner, tu affines ton regard et rallonges tes cils avec un peu de mascara avant d’appliquer ton rouge à lèvre signature. Rouge évidemment, pour aller avec l’ensemble. Et comme tu n’as pas le temps de t’occuper de tes cheveux, c’est la potion de mise-en-boucles qui s’en chargera. C’est avec une rapidité étonnante venant de toi que tu termines de te préparer. Tu es plus du genre à mettre deux heures dans la salle de bain que quinze minutes mais soit. Il y a probablement un début à tout. Comme convenu avec le petit Price, c’est dans ta chambre que tu l’attends, toute apprêtée et disposée à voir chaque recoin de ce manoir.
(c) DΛNDELION


1214 mots

Rhys M. Price

Rhys M. Price
MEMBRE
hiboux : 316
pictures :
Ven 25 Sep - 14:58

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Dans les jardins mal fréquentés
La main de l’autre emmêlée dans la nôtre, le bleu du ciel plus bleu que celui des autres - on sait que même le plus fidèle des apôtres finira par mourir un jour ou l’autre. Et même amitié pour toujours trouvée, et même après une ou plusieurs portées, elle est là qui accourt pour nous rappeler que si les hommes s’unissent c’est pour mieux se séparer. - Pierre Lapointe, Tel un seul homme
- 08.04.2004

Hamlet a remonté l’escalier en sautant des marches pour se jeter dans la salle de bain et se débarbouiller. Nia est là, Nia est venue, ils ont laissé venir Nia ! Vague souvenir d’un cri de joie en apprenant la nouvelle. C’était assez difficile ce matin, de tenir tranquille en sachant que pour une fois son père était là, qu’elle était là – ce n’est pas comme s’il allait se faire prier pour aller réveiller tout le monde maintenant. Enfin ! Il est tard, ils sont nuls ces adultes, qu’est-ce qu’il fait lui, en les attendant ? Heureusement que mamie est là quand même. C’est qu’il commence à ressentir une certaine solitude, Hamlet, le même genre qu’a pu expérimenter son père ou son oncle avant lui. Scolarisé à la maison, il sait qu’il ne pourrait jamais inviter chez lui aucun des amis qu’il se fait en centre d’activités ou dans les différents séjours de vacances où l’on peut l’envoyer – et ces occasions-là de voir d’autres enfants se feront de plus en plus rares. Même ses cousins ne viennent presque pas – de toute façon, ils ne veulent plus jouer avec lui, il le trouve trop petit, ils disent qu’il ne peut pas comprendre, et depuis qu’ils ont troqué les petits soldats contre les jeux vidéo, qu’il est trop jeune pour ce genre de choses. Comme s’il était vraiment trop petit pour jouer à la guerre ! S’ils savaient. Sa formation n’a pas vraiment commencé, mais il y a des leçons qui ont déjà été données, des choses qu’il doit apprendre par cœur pour essayer de les comprendre un jour. La mort n’est pas la fin, c’est une fin. Il n’y a pas de vie sans mort. Là est le plus grand secret : le secret du changement. Quand on répète ça, on peut bien tirer sur des trucs dans un jeu ! Impossible que Bran ou Dylan ne comprennent un jour ce que cela signifie – pas plus d’ailleurs que Meredith et Huw de l’autre côté. Il en tirerait une certaine fierté, le blondinet, de se sentir spécial, particulier, plus capable qu’eux – si cela ne le frustrait pas autant de ne pas pouvoir le leur balancer au visage à chaque fois qu’ils trouvaient ce genre de prétexte pour l’exclure. Et puis, il y avait les gens du monde magique, les différents employés du Petit Ogre, Nia, Leonard, Timothy, les commerçants du Chemin de Traverse et de l’Allée des Embrumes et tous les autres… A part Zéphryr peut-être, et ça n’avait pas dû arriver plus de deux fois, personne n’était jamais admis dans la demeure familiale. Il comprenait, bien sûr, ou en tout cas il essayait, et il ne se plaignait pas. Mais c’était pesant. Aujourd’hui, pourtant, c’était différent. Nia était là ! Nia ! Il avait tout prévu, il avait même rangé sa chambre de bon cœur – il allait lui montrer chacune des pièces dans lesquelles il avait le droit d’aller, lui montrer ses jouets, sa cabane dehors, les photos de famille. Elle allait même rencontrer mamie ! Mamie allait l’adorer bien sûr, c’était évident, comment ne le pourrait-elle pas ? Lui il l’adorait, Papa l’adorait, les filles et même tonton l’appréciait, alors ça ne pourrait qu’être merveilleux. Peut-être même que Cerridwyn l’apprécierait assez pour l’inviter encore, peut-être qu’elle pourrait revenir… C’est tremblant d’excitation qu’il tambourine à sa porte et se jette à l’intérieur quand la voix encore mal réveillée l’invite.

**

Nia se prépare, et après, il lui fait faire le tour. Très bien, il faut qu’il se prépare aussi. Les bras croisés devant son coffre à jouets, il hésite. Il pourrait mettre son costume de Jedi ? Non, Nia est une sorcière, elle ne doit pas connaître Star Wars. Il exclut de fait la tenue d’aventurier et le faux fouet pour faire Indiana Jones. Batman non plus, ça n’est pas envisageable. Il pourrait mettre son beau costume de prince, avec l’épée en bois et la couronne argentée ! Ce serait comme s’il était le seigneur des lieux, faisant visiter son château à une princesse d’un territoire lointain ! Nia serait très bien, en princesse, d’ailleurs, elle est jolie, et forte et intelligente, tout pareil ! Il a une autre couronne, que Meredith mettait quand elle venait et jouait encore avec lui – où est-ce qu’il l’a mise ? Il enlève la jolie chemise jaune canari pour enfiler la tenue à la va vite, accroche les accessoires, combat énergiquement un monstre invisible venu le déranger. Est-ce qu’elle a fini de se préparer ? Un vague regard dans la glace pour vérifier que ses cheveux blonds ne sont pas trop en bataille, que sa couronne tient bien en place, qu’il a bien la dorée rehaussée de pierres de plastique rouges pour elle. Parfait. Le garçonnet retourne en trottinant vers la chambre d’ami, où Nia est bien prête. Les yeux bleus du gamin brillent d’excitation et d’admiration mêlées.

- T’ES TROP JOLIE COMME CA.

Est-ce qu’il pourra épouser Nia, quand il sera grand ? Elle n’est pas galloise, mais elle veut bien qu’il lui apprenne la langue – alors c’est bien aussi, non ? Il lui tend la couronne avec un grand sourire et lui saisit la main pour l’entrainer à sa suite. C’est que c’est grand, la maison, et que même si les jumelles n’avaient pas l’air motivées pour se lever tout de suite, il ne faudrait pas mettre tout le monde en retard.

- Si vous voulez bien me suivre altesse, que je vous vous, que je vous…

La conjugaison lui échappe. Il le dirait bien en gallois, mais elle ne comprendrait pas. Il fronce les sourcils et a une petite moue boudeuse.

- Pour la visite.

Son mécontentement s’efface bien vite pourtant alors qu’il traine la jeune femme à sa suite dans le couloir.

- Alors là on est dans le couloir des chambres. Y a celle de Nesta, celle de Siwan et celles d’Arthur ici. La tienne et celles qui viennent après de l’autre côté, c’est que des chambres pour invités, même si on a pas souvent d’invités, et les deux dernières c’est plus pour des enfants. La salle de bain, et y a une deuxième salle de bain juste ici. Et les deux pièces autour, c’est la chambre de Papa, et ma chambre. Viens, je vais te montrer, Papa est debout de toute façon.

Le garçon ouvre la porte de la chambre de son père dont les rideaux ont été tiré. Elle est propre, rangée mais plutôt vide – il n’y a guère qu’un lit, deux tables de chevet, un coffre et un dressing ouvert. Le tout dans une vague teinte bleue grisâtre qui a toujours surpris l’enfant – comment son père, si coloré, si joyeux, peut supporter de dormir dans quelque chose d’aussi neutre ? Heureusement que les vêtements visibles apportent un peu de couleur à l’ensemble. Il entraine Nia jusqu’à une série de photos face au lit et lui en désigne une en particulier. Dessus, un Rhys d’une vingtaine d’années serre dans ses bras une jeune femme fluette aux cheveux châtains, la peau pâle et les yeux verts – la photographie est animée et la jeune femme semble presque gênée, songeuse, alors que la main de son compagnon se pose presque fièrement sur son ventre.

- C’est ma Maman ! Il y a des photos d’elle un peu partout, mais j’aime bien celle-là. Je suis là aussi, mais on ne me voit pas encore parce que je suis pas encore né. Et regarde, celle-là !

Il désigne une autre photo encore, un peu plus haut. Alys est très pâle, ses traits sont tirés, mais elle sourit et fait des signes à la caméra en tenant dans ses bras un enfant qui ne doit pas avoir deux ans.

- Ça c’est elle et moi ! Y a pas beaucoup de photos de nous deux, alors j’ai la même dans ma chambre. Elle était jolie, tu trouves pas ? Moi je trouve qu’elle était vraiment très jolie. Je crois que j’aimerais bien me rappeler mieux d’elle tu sais, mais j’étais trop petit quand elle… Enfin, c’est pas grave, viens voir notre salle de bain, elle est immense !

Déjà le garçonnet tire sur la main de la nigérianne pour l’entraîner à sa suite. La salle de bain est effectivement plus grande que celle que l’on a désigné à Nia pour se préparer, et la baignoire dans le coin semble permettre d’y faire entrer plusieurs adultes. Pourtant, à peine la pièce entrevue, Hamlet emmène déjà la jeune femme plus loin.

La porte s’ouvre sur la chambre d’enfant, les murs sont de couleurs vives et plusieurs dessins et photos sont accrochés. Un train de bois fait presque le tour de la pièce, passe sous le bureau, revient devant le coffre – a été percuté par on ne sait quel monstre dans un coin qui aura arraché quelques rails. Une dizaine de Lego de toutes les tailles sont posés sur les armoires ou jalonnent le sol. Dans un coin, le lit est encadré par des rideaux et une moustiquaire, lui donnant un aspect princier.

- Et ça, c’est ma chambre ! C’est la plus grande de la maison ! Enfin, non, il y a celle de Mamie au rez-de-chaussée, parce qu’elle y a sa machine à coudre et tous ses trucs, mais je sais pas si je vais avoir le droit de te la montrer. J’avais un lit en hauteur avec un tobogan avant, mais il était vieux et Papa a voulu le changer parce que c’était dangereux. Regarde, ça c’est mon train, j’en voulais un électrique mais Pépé Taron il a dit que comme ça c’était mieux il pouvait être plus grand. Ca c’est ma maison de Lego, et j’ai le camion de pompier aussi pour si jamais il y a un problème. J’ai un vaisseau Star Wars aussi, regarde ! Et là, c’est mon sabre laser, few few ! Il est vert, comme celui de Yoda. Les petits soldats sur l’étagère, ils étaient à Papa et tonton – comme mon costume de prince et mon épée t’as vu ! J’ai plusieurs costumes, et Mamie elle est en train de m’en faire un d’astronaute, pour faire comme Neil Amstrong ! C’est un petit pas pour l’homme mais un grand pas pour l’humanité… Et là, c’est ma collection de dinosaures, parce que j’adore Jurassique Park ! J’aimerais bien être paléontologue plus tard, c’est les gens qui vont chercher les os de dinosaures tu sais. Dans le film, ils les ramènent à la vie avec la technologie, mais tu crois que la magie pourrait faire ça aussi ? Et regarde les dessins ! C’est moi qui les ai fait ! Là, c’est un T-Rex ! Et là c’est Papa, tonton, mes taties, Mamie et Papy Braen – tu te souviens de Papy Braen ? ET REGARDE ! J’en ai fait un avec toi, Leonard et Timothy ! Cadeau, c’est pour toi !

Sur le dessin, les trois adultes sourient et se tiennent la main, leurs noms sous chacun d’entre un, un cœur pour faire le i sur celui de Nia.

- Et ça regarde, c’est une photo de moi avec mes cousins et ma cousine ! Là c’est Meredith et Huw, ils ont treize et douze ans. En fait, c’est les enfants du frère de mamie, mais il est plus jeune qu’elle et il les a eus tard. Et là c’est Bran et Dylan, ils ont douze et dix ans, c’est les enfants du frère de maman. Mais ils sont plus très gentils avec moi maintenant, alors je leur fais un peu la tête. Y a une photo de tout le monde dans l’ancien bureau de maman, je te montrerai. Enfin, moi je suis pas dessus mais voilà. Et ça regarde, c’est une poupée qui était à Siwan, mais je l’aime beaucoup parce qu’on dirait une magicienne ! Elle est trop cool ! Viens, je vais te montrer le reste de l’étage sinon on va être en retard pour le brunch.

Le gamin s’élance vers la porte non sans saisir à nouveau le bras de l’adulte.

- Là au bout du couloir, c’est la trappe pour monter dans le grenier. Mais j’ai pas le droit d’y aller. Papa veut pas me dire pourquoi, mais j’ai entendu les filles en parler, c’est parce que c’est là que Maman elle a… Enfin, c’est un grenier, avec un débarras et des vieux trucs pas drôles façon. Viens, de l’autre côté de l’étage, y a les bureaux. C’est pas très intéressant, mais y a des photos amusantes, et y a encore l’ancien atelier de maman. Tu sais qu’elle peignait des tableaux ma maman ? Elle était très douée. Elle était maîtresse d’école, mais elle adorait l’art et la poésie et tout. Je m’appelle comme le personnage d’une pièce de théâtre d’ailleurs ! Mais Papa, il dit que je suis trop petit pour lire la pièce encore, que faudrait que j’ai au moins genre dix ans. Mais c’est loin, et je suis pas si petit ! Alors, ça, c’est le bureau des filles, mais elles aiment pas quand j’y suis alors on rentre pas, là c’est celui d’Arthur mais il est fermé à clef. Celui-là, c’est l’ancien de papy, y a une photo de Papa et tonton et les filles que j’aime beaucoup dedans, viens voir !

Le vieux bureau est sombre, les toiles d’araignées et la poussière indiquent qu’on n’y a pas mis d’ordre depuis la mort de Braen l’année dernière. Hamlet ignore tout cela et se dirige vers une photographie où quatre enfants blonds en costumes sourient à la caméra et se chamaillent. Les jumelles sont habillées en Catwoman et Wonder Woman, Rhys porte l’exact même costume de prince qu’a revêtu son fils pour la visite, et Arthur a été grimé en vert et doté de grandes oreilles pour ressembler à Yoda.

- Elle est chouette non ? Mamie, elle a raccourci un peu le costume parce que Papa il était plus grand que moi à mon âge, mais je trouve ça amusant de le voir comme ça. Et t’as vu, ils étaient tous blonds ! Ça veut dire que je serai brun aussi quand je serai grand, et que je ressemblerai à Papa. Ca me va, parce que Papa, c’est le plus beau d’abord.

Le gamin sautille, il entraîne l’adulte à sa suite, va de chambre en bureau, de bureau en bibliothèque sans perdre son enthousiasme. C’est sa vie qu’il partage enfin avec elle, enfin avec quelqu’un. Pas toute sa vie, bien sûr, il n’en a pas le droit, mais une partie importante. Arrivé au bout de l’étage, il ne reste plus qu’une pièce, et soudain, il se fait plus sombre, plus sérieux. Celle-là est encore plus poussiéreuse et abandonnée que le bureau du grand père, un tableau inachevé représentant l’un des nombreux paysages vus dans le Manoir est posé sur un chevalet, et les murs sont couverts de dessins préparatoires auxquels se mêlent des photos, des tranches de vie. La bibliothèque dans un coin est remplie à ras bord de livres moldus, et tout un pan de mur est recouvert de coloriages d’enfants offert à la ‘maîtresse Alys’. A chaque fois qu’il rentre dans cette pièce, le garçonnet sent son cœur se serrer un petit plus, plus en tout cas que quand il évoque le grenier, ou ce qu’il devine maintenant qui est arrivé à sa mère. Il désigne à Nia une photo qui date du mariage de ses parents, sa mère porte une belle robe blanche en dentelle, son père un costume bleu azur et une grosse fleur blanche, les jumelles à côté de lui sont en robes violettes et la jeune femme ne manquera pas de remarquer la tenue et le nœud papillon d’Arthur, exactement semblable à sa tenue de la veille. L’enfant désigne les visages inconnus qui sourient autour d’eux.

- Ça c’est Mamie du coup, elle avait pas encore de cheveux gris, et l’homme à côté d’elle et de papy Braen, c’est tonton Taron. Il porte le même nom que pépé, c’est pas bizarre ? Je veux dire, moi aussi je m’appelle Rhys, mais c’est genre… Mon troisième prénom tu sais ! Et Papa, pareil, il s’appelle Braen, mais c’est son troisième prénom. D’ailleurs, tu sais que mon deuxième prénom c’est Eliud ? Je devais m’appeler comme ça, mais ça a changé à la dernière minute. Le deuxième prénom de Papa, c’est Mordred, et c’est rigolo parce que tonton il s’appelle Arthur. Tonton lui, son deuxième prénom, c’est Cadell. Enfin bref, à côté de Maman là, c’est tonton Lloyd, le père de Bran et Dylan, et c’est Bran et Dylan là, mais ils sont tout petits, plus petits que moi. Et là, c’est Meredith et Huw du coup, encore plus petits. Derrière, c’est pépé Taron, le papa de Mamie, et eux qui se tiennent la main, c’est papy Edern et Mamie Ciwa, je les vois surtout pendant les vacances mais ils sont très gentils. C’est des moldus, par contre, alors on peut pas leur parler de plein de trucs. Et tu vois ce tableau là, avec la rivière ? C’est Maman qui l’a fait, je crois que c’est mon préféré, j’adore les fleurs sur la rive.

L’enfant s’arrête soudain, presque hésitant.

- Je peux te dire un secret ? Mais faudra me promettre de pas le dire à personne celui-là, d’accord ! Juré hein ? Y a une vidéo du mariage de Papa et Maman, c’est tonton Lloyd qui l’a filmé. Il a fait ça avec un appareil moldu, alors faut la regarder sur la télévision en bas. A un moment, y a Papa, il dit une blague idiote à Maman, et elle se met à rire et elle lui dit qu’elle l’aime. Des fois, quand je suis tout seul, je mets la vidéo à ce moment-là, et je raconte une blague. Comme ça après, quand je mets la vidéo sur play, c’est un peu comme si Maman, elle riait à ma blague et elle me disait qu’elle m’aime moi. Mais faut pas en parler hein, parce que je crois que ça rendrait Papa très triste s’il le savait, et ça mettrait les autres en colère, ils cacheraient la vidéo. Tu diras rien dit ?

Il n’en avait jamais parlé à personne, et les larmes lui montent aux yeux. Il s’essuie le visage d’un revers de la manche, et essaie de se forcer à sourire. Comme son père lui a appris, sourire, être joyeux – ça détourne l’attention. Il se secoue et relève la tête vers Nia.

- Bon, je vais te montrer en bas maintenant, viens.

Et il l’entraîne à nouveau, comme si de rien n’était. La bibliothèque, la salle à manger, une autre salle de bain. Face à l’un des couloirs, ils s’arrête un instant.

- Là y a des pièces, mais la plupart j’ai pas le droit d’y aller. Là c’est la chambre de mamie déjà, cette porte, c’est la pièce où on travaille mais elle est fermée quand on y est pas. Celle-là c’est un- un débarras, voilà, rien d’intéressant.

Il rougit, il a failli mentionner l’armurerie, et il sait qu’il n’a pas le droit. Il fait le tour des pièces qu’il reste dans sa tête, les sourcils froncés.

- Il reste plus que le salon, où y a du café et de la limonade maison alors on va s’y arrêter, et la véranda mais on va y manger le brunch alors c’est pas la peine que je te la montre. Et ma cabane dehors, si, il faut que je te montre ma cabane ! C’est une super vieille cabane dans un arbre en plus, à la base c’était celle de Papy Braen et de son frère, mais j’ai jamais connu son frère tu sais. Après ça a été celle de Papa, des filles et de tonton, et maintenant, c’est la mienne. C’est comme un petit château en hauteur, c’est trop cool ! Tu veux boire un café ? Je te sers un café et on va la voir avant le brunch dis ? Au fait, si y a Mamie dans le salon, enchanté ça se dit Neis i gwrdd a chi en gallois, ça lui fera plaisir si tu lui dis comme ça. Elle est pire que Papa tu sais, sur le gallois. Je sais pas si je l’ai déjà entendue parler en anglais, en fait…

**

Tu les entends avant de les voir. C’est ta deuxième limonade et ton troisième café, Arthur est descendu s’en chercher un avant de remonter prendre une douche, ta mère est posée en train de lire dans la véranda en attendant que vous soyez tous prêts. Pas de traces des jumelles pour le moment, mais elles n’ont jamais été du matin, alors après une soirée comme hier tu sais qu’elles ne seront prêtes qu’à la dernière minute. Pwyll bat joyeusement de la queue à tes pieds, alors que ton regard est perdu dans le vide. Tu te retournes, un immense sourire aux lèvres, en voyant ton fils et ton amie apparaître dans l’encadrement de la porte.

- Bonjour Nia ! Et rebonjour, mon chéri.

Le garçon vient déposer sur ta joue un baiser, il est rouge d’excitation et trépigne sur place. C’est parfaitement charmant. Tu embrasses la belle nigériane en lui tendant une tasse que tu viens de servir.

- Bien dormi ma divine ?

Tu te penches vers elle pour lui dire à voix basse, de façon à ce que ton fils ne t’entende pas.

- Ça va la visite ? Tu me dis si tu as besoin d’aide. Il était si heureux de te montrer tout ça que je n’ai pas voulu lui dire non, mais tu me dis hein.
- PAAA ! Je vais lui montrer la cabane, tu viens avec nous ?

Tu jettes un regard à l’heure et aquiesces.

- Pourquoi pas. Tu ouvres la marche ?


@Nia Babajaro - 3 634 mots
en italique, les Price parlent gallois
code du titre par rogers

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Ven 2 Oct - 2:49
Dans les jardins mal fréquentés
08 Avril 2004

Tu t’inclines, sourire amusée aux coins des lèvres. « Merci mon seigneur, vous êtes bien plus beau encore ! » Affirmes-tu non sans ricaner au passage. C’est qu’il est excessivement adorable, le petit Hamlet dans sa jolie tenue princière. Tu te baisses à sa hauteur, suffisamment pour qu’il puisse te couronner lui même avec son diadème en plastique orné de faux rubis. Tu as, pendant un instant, presque l’impression de te revoir fillette. Quand tu t’amusais à jouer à la princesse avec tes petites soeurs. Jahia avait toujours la plus belle couronne ainsi que la plus belle robe. Sans doute parce qu’elle est la plus jeune. La plus susceptible aussi. Elle a toujours eu mauvais caractère, le genre à faire une crise et à taper des pieds quand elle n’a pas ce qu’elle veut. Fort heureusement, le petit gallois n’est pas ainsi. Non, lui il te rappelle plutôt Koffi, ton frère cadet. Jumeau d’Awa. Surtout le plus calme de la bande. D’une infinie douceur. Et d’une gentillesse insoupçonnée. Toujours prêt pour jouer le chevalier au service des Dames. Prêt à les défendre contre l'infâme méchant que représentait l’aîné, Ayodeji. Il a toujours été le vilain de vos histoires, Ayo. Parce que trop vieux pour jouer avec vous. Parce que trop sérieux. Parce que pas assez drôle. Et s’il s’est toujours pas mal moqué des histoires que vous pouviez inventer sur sa petite personne, ce dont il n’était en revanche pas très fan c’était des embuscades et autres attaques surprises dont il était souvent la victime. Un véritable rabat joie.

Tes doigts se referment sur la petite main qu’il te tend. La bague noire, qui décore élégamment ton annulaire droit, émet un sifflement semblable à celui d’un serpent. Consul Conquis. Anneau de l’amour acheté récemment juste parce que tu en avais envie. Juste parce que tu pouvais te le permettre. Le fait qu’il se mette à faire du bruit au contact d’Hamlet ne surprendra personne. Il serait bien bête, le premier à ne pas comprendre comme tu l’aimes ce gamin. C’est un regard plein de tendresse que tu poses sur le jeune Price alors qu’il cherche ses mots et se perd dans son anglais approximatif. Toi aussi tu as eu du mal à l’apprendre, cette langue. Mais avec des efforts, surtout avec l’aide de Luke qui n’a jamais laissé passer une seule erreur, tu as fini par la comprendre et la parler quasiment de façon impeccable. Avec Hamlet, vous avez passé un marché. Tu participes à son éducation de l’anglais et lui t’enseignes le gallois. Et il faut bien avouer une chose, si tu n’es pas mauvaise dans l’apprentissage des langages, celui-ci c’est tout autre chose. Ce n’est pas tant la compréhension qui pose un vrai souci mais plus l’élocution, imparfaite et hésitante. Et puis, le manque flagrant de vocabulaire n’aide en rien. « Que je vous fasse visiter. » Réponds-tu calmement pour le corriger, surtout pour l’éclairer sur cette conjugaison qu’il ne semblait pas trouver. Et ainsi chasser de son visage cet air boudeur que tu n’aimes pas. C’est que tu préfères mille fois le voir sourire et rire, le petit.

L’enfant te traîne derrière lui, serrant ta main un peu plus. Il s’amuse, s’improvise guide touristique de Merthyr Tydfil. Tu aimes bien trop le voir être si enjoué pour dire quoi que ce soit. Et puis ça te plait de toute façon. C’est la première fois que tu viens ici, chez Rhys. Ce n’est pas rien. Pourtant vous vous connaissez depuis un moment, si presque un an et demi est considéré comme étant un moment. Jamais tu ne t’es vue invitée auparavant. Jamais tu n’as demandé à l’être non plus. Tu as toujours été persuadée que s’il ne le faisait pas c’était pour préserver sa mère, une moldue. C’est que tu ne caches pas vraiment ton animosité à l’égard de ces pauvres êtres dénués de toute essence magique. Ton ami le sait bien sûr. Par ailleurs, si tu n’as pas été invitée dans le manoir gallois jusqu’à aujourd’hui, lui n’a pas non plus été invité au Nigeria. Ce n’est pourtant pas faute d’y retourner souvent. Mais tu préfères le préserver de ta famille et des regards probablement peu bienveillants que les tiens pourraient lui lancer. Les deux seuls hommes étrangers que tu as ramenés chez les Zierbawas n’ont pas fait bonne impression. Entre Theodore, le voleur de reliques, et Luke, le mari infidèle, tu peux aisément comprendre l’antipathie qu’ils éprouvent.

D’abord réticente à visiter la chambre de ton ami sans son réel accord, tu te retrouves à ne pas vraiment avoir le choix. Hamlet tient absolument à te faire visiter tout ce qu’il peut te faire visiter. La chambre de Rhys y compris. Un “oh” presque déçue t’échappe alors que tu passes la porte. Connaissant le bonhomme, tu n’aurais jamais parié sur une chambre aussi sobre, aussi triste, tout du moins de ton point de vue. Suivant les ordres très précis du jeune garçon, tu te retrouves devant une série de photos que tu prends le soin d’observer. Surtout celle qu’il te désigne en vérité. Ils sont beaux, tous les deux. Trois. Pourtant, tu ne peux t’empêcher d’avoir un pincement au cœur en voyant le ventre rond d’Alys. Même chanson qu’à chaque fois que tu vois une femme enceinte. C’est un crève-cœur que de te voir rappeler sans cesse ce que tu as perdu. Ta mâchoire se serre alors que tu déglutis, profonde mélancolie qui t’accable à ce moment précis. Mais tu ne peux laisser transparaître quoi que ce soit. La dernière chose dont tu as envie c’est qu’Hamlet pense qu’il est le responsable de ta tristesse. Alors tu souris. Tu joues la comédie comme tu sais désormais si bien le faire. « Elle était magnifique oui. Tu lui ressembles un peu. La forme des yeux peut-être, ou bien tes petites oreilles. » Ton sourire s’étire plus encore. Tu ignores sa dernière remarque. Tu ne sais pas quoi lui répondre. Perdre ta mère, à ton âge, tu ne veux même pas y penser. Mais alors petite fille, comme cela t’aurait été insupportable. Tu oses à peine imaginer ce qu’il peut ressentir.

La salle de bain est rapidement passée pour vous permettre d’arriver plus vite à sa chambre. Son petit sanctuaire sans doute. Tu es déjà considérée comme bavarde, mais le mini Price est bien pire. Tu pourrais mettre ça sur le dos de son jeune âge ou de l’excitation mais tu sais bien que ce n’est pas forcément le cas. Il n’y a qu’à voir Jahia pour comprendre. Véritablement le pire de ta fratrie. Ensemble, vous casser les oreilles de tout le monde. De vraies pipelettes accros aux ragots. Que tous les Lwas soient loués, Hamlet n’a pas encore l’âge de s'intéresser aux petits potins. Avec un peu de chance, il n’en aura jamais rien à faire et tu pourras conserver ton titre de commère de l’allée des embrumes. Le garçon prend un malin plaisir à te montrer tous ses jouets. Toi, tu l’écoutes patiemment. Tu ne comprends pas vraiment la majorité de ce qu’il peut bien te raconter. Star Wars tu connais, parce qu’il t’en a déjà parlé, parce qu’il ramène certain jouets chez toi quand tu le gardes. Mais alors Jurassic Park et Neil Armstrong, tu ne connais pas. Tu pourrais, si tu daignais faire l’effort de t'intéresser un peu plus au monde moldu. Mais pourquoi faire semblant alors que tu t’en moques éperdument ? La seule raison pour laquelle tu ferais effectivement un effort, c’est bien pour faire plaisir à Hamlet, pour mieux comprendre ce dont il te parle, pour pouvoir communiquer avec lui sur un sujet qu’il aime finalement. « Oh je ne crois pas mon strangulot. La magie ne ramène pas à la vie j’en ai bien peur. On pourrait peut-être créer l’illusion qu’ils sont vivants, tout au plus. » Expliques-tu. Elle est pratique la magie. Elle est belle aussi. Mais elle est inutile face à la mort, à ton grand désarroi. La visite de sa chambre continue. Il te montre ses dessins, t’en offre un au passage que tu ranges avec soin dans ton sac sans fond. Il te présente ses cousins, sa cousine. C’est toujours très plaisant pour toi d’en apprendre plus sur lui, sur les Price en général.

Il y a des passages de malaise. Des choses que l’enfant peut dire et qui te gêne pas mal. Quand il parle de sa mère surtout. Quand il t’avoue ce qu’il a entendu venant de ses tantes. Tu ne peux empêcher une moue embarrassée d’étirer tes lèvres. Et c’est sans dire un mot de plus que vous continuer la visite. Il parle un peu plus d’Alys. De ce qu’elle faisait, de ce qu’elle aimait faire. De son prénom aussi. Hamlet. Une personnage d’une pièce de théâtre moldue que tu ne connais pas. Si tu te moques bien d’apprendre leur culture, la littérature c’est tout autre chose. Tu aimes lire. Tu aimes découvrir de nouveaux ouvrages. Tant pis s’il s’agit d’un livre écrit par un non-mage. Sans doute ira tu trouver cette fameuse pièce de théâtre pour mieux comprendre pourquoi ce prénom qui te semble si étrange a été donné à ce petit garçon. Tu ne seras certainement pas au bout de tes peines face à l’ouvrage de William Shakespear. Et peut-être que tout te paraîtra plus confus encore. Enfin soit, tu n’y es pas encore.

Les pièces s’enchaînent et les photos aussi. Tu trouves amusant de voir la fratrie Price à l’âge du petit garçon qui sert toujours ta main. Sans indication, tu n’aurais sans doute par reconnu Arthur sous cette couche de vert. Yado ? Yodi ? Impossible de remettre le nom du personnage en lequel il est costumé. Tu sais pourtant qu’Hamlet te l’as dit quelques minutes plus tôt. Mais ces moldus ont toujours la fâcheuse habitude de trouver les prénoms les plus ridicules. Tu fais une croix sur ta mémoire, tu ne t’en souviendras pas malgré tous tes efforts. Est-ce vraiment important ceci dit ? Tu ne connais pas non plus le nom des costumes des jumelles. À vu de nez, elles sont probablement déguisées en femmes fortes et badass. Ça n’a pas vraiment changé finalement. Et Rhys… Et bien il est tout simplement le portrait craché de son fils. Ou l’inverse. Tous les deux dans la même tenue, c’est flagrant. « Ah non non mon strangulot ! Le plus beau ce n’est pas ton père ! » Dis-tu, souriant en coin avant de te pencher à son oreille. « Le plus beau c’est toi, mais chut c’est un secret. Je n’ai pas envie qu’il soit jaloux si tu le lui répètes. » Tu conclus avec un clin d’oeil amusé et déjà vous voilà à partir pour une nouvelle pièce. Puis une autre encore. Et une nouvelle ensuite.

Dans le bureau d’Alys, tout est plus sombre. Plus sale aussi. Même le petit est bien moins enjoué. L’atmosphère est pesante. Tes prunelles foncées parcourent chaque peinture, chaque dessin. Les détaillants un à un. Là, une toile inachevée. Ici, des gribouillages d’enfants. Plus loin, une photo de leur mariage. Ah qu’ils étaient beaux, toutes et tous. Les photos des tes propres noces, tu les as détruite. Tu ne supportais plus de voir Luke où que ce soit. Encore moins d’entendre son nom. Sierra en a peut-être gardées quelques unes. C’est que, même si peu emballée à l’idée que sa fille épouse un étranger, elle a été tellement émue de te voir dans ta sublime robe blanche. Tu lui demanderas un jour sans doute de te les donner. C’est une partie de ta vie après tout. Aussi triste et dramatique eut-elle été. Hamlet se tourne vers toi. Tu vois, dans son regard, toute son hésitation alors qu’il te demande de garder un secret. Tu acceptes bien sûr. Pourtant, tu sais très bien que si le secret en question vient à mettre sa vie en danger, tu n’hésiteras pas une seconde à tout balancer à son père. C’est estomaquée qu’il te laisse après sa déclaration. Que répondre à ça ? Est-ce que tu dois en parler à Rhys finalement ? Non, tu ne veux pas lui faire de la peine. Ni à lui ni au garçon. Ce n’est pas normal. Tu le sais. Mais qui es-tu pour venir retirer le peu de bonheur que cette vidéo peut lui offrir ? Alors tu inspires, expires, soupires avant d’acquiescer. « Je ne dirais rien. » Promets-tu finalement, passant ta main sur sa joue. « Mais saches que tu as le droit d’être triste Hamlet. Pleurer ce n’est pas grave d’accord ? Et puis tu sais, je serais toujours là pour toi si tu as besoin de parler. Ok ? » Tu t’assures qu’il comprenne bien ce que tu viens de lui dire avant de reprendre la visite. Un baiser déposé sur son front et vous voilà à descendre les escaliers, à faire le tour des dernières pièces. Tu écoutes avec attention ce qu’il te dit, tentes de remettre son arbre généalogique dans l’ordre. Au moins le tiens n’est pas très compliqué puisque seulement composé de la branche maternelle. Tu acceptes le café, répètes la phrase galloise plusieurs fois pour être certaine de bien la maîtriser. Cerridwyn, tu ne l’as jamais vue. Tu n’as pas très envie de lui faire mauvaise impression. Bien au contraire même. Tu imagines assez facilement Sierra dans une situation similaire. Enfin, elle l’a été. Sauf qu’il s’agissait de rencontrer Luke, ton fiancé, et que Rhys et toi n’êtes qu’amis. Mais qu’importe tu te souviens très bien à quel point tu avais tout fait pour qu’il lui fasse une bonne impression. Et tu te souviens aussi à quel point il n’avait rien respecté. Chaque jour, tu remercies les Lwas de l’avoir éloigné de toi. Chaque jour, tu les méprises de t’avoir enlever ton fils pour le faire.

Un grand sourire étire tes lèvres alors que la silhouette de ton ami se découpe en contre-jour. C’est sur un ton tout à fait joyeux que tu lui rends ses salutations, et en gallois s’il vous plaît. C’est bien la seule chose que tu sais dire clairement et sans faute notable. Déposant à ton tour un baiser sur la joue de Rhys, tu te saisis de ce café tant espéré. La tasse réchauffe tes mains et l’odeur ravie tes sens. Le goût tout autant. « Oui ! J’ai passé une nuit merveilleuse. J’ai peut-être même mieux dormi que c’est chez moi. » Avoues-tu en riant doucement. Ta main se pose sur son épaule et ton sourire se fait plus tendre encore. « Ne t’en fais pas, le rendre heureux me rend heureuse. Et puis, j’aurais été déçue de ne pas avoir fait le tour du manoir de toute façon ! » C’était long oui mais tu chéris ces rares moments que tu peux passer seule avec le mini Price. Et cette visite aura été tout simplement exquise. Guidée par les petits pas d’Hamlet, il vous emmène jusqu’à cette fameuse cabane qu’il souhaite tant te montrer. Lui est devant. Toi, un peu en arrière, tu marches aux côtés de son père, sirotant ton café comme s’il s’agissait d’un nectar divin. « Il m’a montré toutes les photos que ce manoir possède je crois. C’était assez drôle de voir vos petits visages innocents. » Lances-tu à ton ami en ricanant de plus belle. La journée s’annonce fantastique. Le soleil brille, les oiseaux chantent. Non vraiment, rien ne pourra gâcher ce jour exceptionnel.
(c) DΛNDELION


2564 mots

Rhys M. Price

Rhys M. Price
MEMBRE
hiboux : 316
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Sam 3 Oct - 5:23

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Dans les jardins mal fréquentés
La main de l’autre emmêlée dans la nôtre, le bleu du ciel plus bleu que celui des autres - on sait que même le plus fidèle des apôtres finira par mourir un jour ou l’autre. Et même amitié pour toujours trouvée, et même après une ou plusieurs portées, elle est là qui accourt pour nous rappeler que si les hommes s’unissent c’est pour mieux se séparer. - Pierre Lapointe, Tel un seul homme
- 08.04.2004

Ton fils vous entraine déjà sur la pelouse impeccablement entretenue du domaine, il trottine presque devant vous, habillé en prince. A quel moment a-t-il changé de vêtements ? Tu mettrais ta main au feu qu’il portait cette belle chemise jaune que ta mère lui a offerte il n’y a pas un mois… Probablement peu ou prou au même qu’il a coiffé Nia de cette couronne en plastique que tu jurerais avoir déjà vu sur ta cousine. Elle est très belle d’ailleurs ce matin, avec son ensemble rouge, sa veste longue et ses bijoux. Elle est toujours très belle, mais tu aimes particulièrement ces couleurs. Elle sourit, Hamlet sourit, Pwyll gambade joyeusement à vos côtés, il fait bon. C’est une excellente journée qui se profile. Tu serres dans tes mains une nouvelle tasse de café que tu t’es servi avant de te laisser embarquer par ton fils. Nia aussi en boit, et il semblerait qu’elle y trouve comme toi un certain réconfort – c’est que c’était une sacrée soirée hier.

- Il m’a montré toutes les photos que ce manoir possède je crois. C’était assez drôle de voir vos petits visages innocents.

Tu ris doucement. Bien sûr qu’il allait lui montrer toutes les photos possibles, pas uniquement ses jouets et les pièces. Il aime assez les photos, ton fils. Il faudrait peut-être lui offrir un appareil pour son anniversaire. Toi aussi, tu as une certaine tendresse pour ces moments à jamais révolus, toujours passés mais fixés à jamais sur la pellicule. Tu as un album, dans une de tes tables de chevets, remplis à ras bord de toutes les photos d’Alys et d’Hamlet que tu as pu prendre, que tu as pu récupérer. Tu l’ouvres rarement, mais ça te réchauffe le cœur de le savoir tout près de toi certaines nuits, surtout quand tu rentres trop tard pour border ton garçon.

- Pas toutes, crois-moi. On est très photos, dans la famille, ma mère surtout. Elle garde les plus compromettantes dans une armoire dans sa chambre, fermée à double tour. Je crois qu’elle a peur que si elle les laisse trainer, nous en profitions pour les détruire. Remarque, Arthur en serait bien capable.

Ton frère lui ne goûte que moyennement à ces images volées à un temps passé, il préfère laisser derrière lui les choses qui ne sont plus, ne pas s’y attarder. Il a, plus qu’aucun de vous, une vision très sombre de votre philosophie. Tu l’aurais peut-être aussi si tu avais du grandir comme cadet de votre famille, laissé seul pendant presque trois ans avec les jumelles avant de se recouvrir de tatouages. Si tu as souffert de la solitude dans ton adolescence, tu n’oses pas imaginer ce qu’il en a été pour lui.

Devant vous, la cabane apparaît, immense, indestructible. Agrandie au fil du temps et des générations. Quand tu étais encore très jeune, il n’y avait guère qu’une plateforme et une échelle en corde, aujourd’hui elle possède des murs, un toit, deux balançoires y sont suspendues, ainsi qu’un drapeau du Pays de Galles (ça, ça doit être un de tes ajouts tout de même). Elle est vernie, recouverte par endroit de tissus, et sous elle, contre l’arbre centenaire contre lequel elle a été construite, un long drap est jeté avec quelques coussins. Ton regard s’arrête un instant sur ceux-ci. Tu te souviens t’être allongé ici, la tête sur les genoux d’Alys elle-même appuyée contre l’arbre, qui te faisait la lecture en passant ses doigts fins dans tes cheveux. C’est comme si sa voix arrivait encore à tes oreilles. ‘Peut-être abuse-t-il de ma faiblesse et de ma mélancolie pour me conduire au forfait par le pouvoir qu’il exerce sur les imaginations de cette trempe. Il me faut des motifs plus directs ; un drame est le piège où je surprendrai la conscience du roi.’ Cette scène était de loin sa préférée. Ton regard se fait un instant plus sombre alors que ton regard se pose sur ton fils. Sera-t-elle pour lui un fantôme à venger quand il lira la pièce ? Y avait-il déjà quelque maligne volonté en choisissant son nom ? Tu te souviens des coussins humides de ses larmes – il fêtait ses six mois quand elle a essayé d’imiter Ophélie se donnant la mort. C’était peut-être plus flagrant encore quand elle a essayé de s’abandonner aux flots de la rivière la plus proche. Peut-être que tu aurais pu te douter qu’elle recommencerait, malgré son changement d’attitude, quand elle peignait la rive que ton fils aime tant sans savoir ce qu’elle représente. Hamlet s’est arrêté, indifférent aux pensées qui te traversent. Il désigne fièrement à Nia la cabane.

- Et voilà ! Elle est belle hein ? Tu montes, je te montre l’intérieur ?

Tu souris et lui tends la main.

- L’échelle en corde n’a l’air de rien, mais elle est solide, crois-moi. Elle portait mon grand-père jusqu’à la fin de sa vie, et c’était quelqu’un de… D’imposant, dirons-nous. Je tiens ton café et je reste en bas, sinon Pwyll va pleurer et crois-moi, c’est déchirant.

Tu t’installes en tailleur sur le drap – il est humide, peste. Habituellement, tu le sèches par magie, mais tu ne peux pas risquer d’être découvert pour une pareille petite chose. Tant pis. Le chiot vient immédiatement se poser près de toi, et tu le caresses en souriant.

**

Le garçon se balance à l’échelle en riant joyeusement – un rire cristallin, léger, doux. Il est ravi d’être là, ravi de partager ces morceaux de son existence. Il pousse l’épais tissu qui fait office de porte à la cabane et le tient écarter pour sa belle princesse qui monte à son château. C’est résolu, Nia est une princesse. Quand elle est enfin là, il allume les guirlandes électriques qui illuminent le toit comme des milliers d’étoiles – et qui ne sont pas sans rappeler la décoration de la terrasse du Petit Ogre. L’endroit est plutôt joli, plus grand qu’on ne pourrait le croire en voyant l’extérieur. Il y a des dessins aux murs dont les couleurs ont passé, certains sont plus vieux que Rhys, en bas. Une table au milieu, quatre poufs autour, un vase contenant des fleurs qui se fanent – il va falloir les changer. Du tissu beaucoup, partout, accroché çà et là pour donner à l’ensemble une ambiance de château, et une malle avec des jouets – en bois, pour la plupart. Un des bords de la cabane touche le tronc sur lequel on peut voir plusieurs gravures datant de plusieurs époques.

Cadell Price roedd yma.

Cynyr Price roedd yma.  

Braen Price roedd yma.

Rhys Price roedd yma.

Siwan Price roedd yma.

Nesta Price roedd yma.

Arthur Price roedd yma.

Hamlet Price roedd yma.

Le garçonnet caresse les noms en souriant, il s’arrête un instant sur Cadell et Cynyr, ce grand père et ce grand-oncle qu’il n’a jamais connus. Il désigne à Nia une gravure plus haut, presque cachée, un A+R entouré d’un cœur. Ses parents.

- Elle est trop bien, tu trouves pas ? Regarde, j’ai d’autres figurines ici. Elles sont très vieilles pour la plupart, le dragon là, c’était à mon grand-père Cadell, et le bateau là, je le trouve très joli, il était à Arthur quand il était petit. Maintenant, c’est tout à moi ! Tu veux qu’on grave ton nom quelque part ? Genre dans un coin en hauteur, aussi… Il faut juste écrire roedd yma après ton nom, ça veut dire était là. Flute, je crois que j’ai oublié mon couteau dans ma chambre. C’est bête, il est trop bien aiguisé, on aurait pu faire ça en quelques secondes. Tant pis, on aura d’autres occasions… A moins que… Tu peux peut-être le faire par magie ?

Le gamin trépigne d’excitation et de joie, quand une voix féminine semble arriver de loin, de très loin. Il se fait plus silencieux, et il tend l’oreille.

- C’est mamie. Ça veut dire que tout le monde est levé et que le brunch va commencer, faut qu’on y aille.

**

Tu les regardes descendre sourire aux lèvres. Tu t’es relevé en entendant ta mère, pour découvrir non sans une certaine horreur que l’humidité a rendu transparent ton pantalon blanc, et qu’on devine sans mal le caleçon noir que tu portes dessous. Bah, vous êtes en famille ! Enfin, c’est tout comme. Tu tends la tasse que tu gardais pour elle à ton amie.

- C’est la fierté des enfants Price que tu viens de visiter ma belle.

C’est une sorte de privilège qui lui est accordé par les tiens, et tu en as conscience. Personne ne vient jamais, personne n’entre chez vous. C’est inquiétant, de la savoir si proche de vos secrets, mais assez appréciable, tu dois te l’avouer.

- Après vos altesses.

Tu adresses un clin d’œil au prince et à la princesse aux couronnes de plastique qui te font face, en les invitant à rebrousser chemin. Pwyll aboie joyeusement et s’élance devant vous jusqu’à la demeure familiale. Alors que vous vous avancez, tu te penches vers ton amie pour lui murmurer à l’oreille :

- Merci. Ça fait longtemps que je ne l’avais pas vu aussi joyeux.

Il y a une grande tendresse dans ta voix. Tu aimes ton garçon, plus que tout au monde. Elle l’aime aussi, tu le sais, et cela te la rend plus précieuse encore que si elle n’était que ton amie. La véranda est devant vous, et vous pouvez apercevoir la silhouette de ta mère en pleine discussion avec un Arthur sombre, serrant une tasse contre sa poitrine, et les jumelles vêtues du même ensemble vert assorti. Ça n’aura pas duré longtemps ce cadeau de pouvoir les reconnaître… Hamlet se retourne vers vous.

- Rappelle-toi Nia : Neis i gwrdd a chi !

Il ouvre la porte joyeusement. Sur son passage, le reste des Price réunis dans la pièce aux murs de verre se retournent vers vous. C’est peut-être ta pièce préférée dans toute la maison. Aucune photo, nulle part, mais des plantes, partout, à tous les murs. Des fleurs, des orchidées surtout, les préférées de ta mère, des chrysanthèmes aussi pour tes sœurs. Arthur, aussi étrange que cela puisse paraître, aime toutes les fleurs, et se réjouit simplement de voir les couleurs s’enchaîner au fur et à mesure des saisons ici, à l’abri des intempéries. Toi, tu préfères les fleurs sauvages qui recouvrent les rives des rivières tout autour quand viennent le printemps et l’été – que ta mère arracherait si elles venaient à se faufiler dans ce repaire familial. Cerridwyn se redresse et vous sourit. Ses yeux bleus brillent de ce que tu jurerais être de la curiosité, une mèche argentée s’est détachée du brun de son chignon.

- Yup.
- Hey.
- Salut.

Arthur et les filles ont parlé de concert. Votre mère relève un sourcil à leur attention. Tu pourrais presque l’entendre penser qu’elle ne vous a pas élevé comme cela. Hamlet s’installe à côté de son oncle, et tu entends vaguement ton frère lui murmurer en gallois quelque chose sur la beauté de son costume.

- Bonjour. Cerridwyn, enchantée.

C’est presque surprenant, d’entendre ta mère parler anglais. Elle le parle bien sûr, elle l’a appris à l’école quand elle était enfant – et tu sais que beaucoup de ses amis ne parlent pas couramment le gallois. Mais jamais devant vous, elle y a mis un point d’honneur. Tu peux voir ta mère détailler ton amie sous toutes ses coutures, et tu te sens presque mal pour elle. Ta mère, si elle est d’une douceur incomparable, peut avoir un regard particulièrement perçant. Tu tires une chaise à Nia, et te laisse presque tomber à côté. Le brunch n’est pas encore servi, tu devines que ta mère attend que tes sœurs aient fini leurs cigarettes. Bah, tu as bien le temps pour une aussi. Tu tires tes feuilles et ton tabac de tes poches, et commences à t’en rouler une.

- Vous avez bien dormi j’espère ?

Cerridwyn lisse sa jupe cintrée et s’installe à son tour – un regard échangé avec Arthur te confirme que tu n’es pas le seul troublé de l’entendre parler en anglais. Tu allumes ta cigarette et désignes à Nia un cendrier, si jamais elle souhaitait vous imiter.

- Qu’est-ce que tu as fait de ta jolie chemise Hamlet ?
- Elle est en haut… C’est parce que je voulais montrer mon joli costume à Nia ! Je lui ai dit que c’était toi qui l’avait fait.

Ton fils a eu presque l’air gêné, mais il manie déjà trop bien la flatterie pour que ta mère lui résiste. Elle cligne des yeux sans répondre et reporte son attention vers la belle nigériane à tes côtés.

- Permettez-moi de vous dire que vous êtes très élégante. Vous devriez en prendre de la graine tous les trois.
- Dis ça à Arthur.

Les jumelles échangent un sourire, et ton frère hausse les épaules sans répondre - il l’habitude. Il ébouriffe les cheveux de ton fils avant de se tourner vers votre invitée du jour.  

- Tu as survécu à la visite ? Hamlet n’a pas été trop fatiguant ?
- EH ! Ca, c’est pas gentil.

Avant que tu n’aies eu de dire quoique ce soit, voilà qu’Arthur, les jumelles et ton fils se chamaillent en gallois et que ta mère lève les yeux au ciel en les regardant. Tu ris et te penches vers ton amie. C’est la première fois qu’elle vous voie tous ensemble : vu comment ça commence, elle ne va pas être déçue.

- Et bienvenue à Merthyr Tydfil. Si tu aimes les déjeuners tranquilles et reposants, j’ai peur que tu t’apprêtes à passer un très mauvais moment. J’aurais peut-être du te prévenir.
- On t’entend l’affreux.
- T’es pas le seul à savoir te tenir.
- Non mais.
- Ah, pour une fois, je suis d’accord avec elles.

Tu te contentes de faire un geste de la main. Si ça ne prouve pas ce que tu viens de dire. Cerridwyn se tourne vers les filles.

- Mes chéries, pourriez-vous aller chercher les plats, étant donnés que vos frères ont décidé de se rouler une cigarette pour échapper à leur devoirs d’hôtes.
- Oui ‘man.

Elles reviennent bien vite, et au bout de deux allers-retours la table est recouverte de boissons en tout genre, crempog, welsh cakes, bara birth, œufs en tout genre et sous toutes les formes possibles, et même du tawts pum munud. Combien de temps cela a pris à ta mère pour préparer ce festin ?

- Et donc Nia, que faîtes-vous dans la vie ?


@Nia Babajaro - 2 421
en italique, les Price parlent gallois
code du titre par rogers

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Dim 4 Oct - 20:31
Dans les jardins mal fréquentés
08 Avril 2004

C’est la mine faussement déçue que tu te penches vers ton ami, papillonnant des cils. « Je vais lui faire les yeux doux, à ta mère, et la supplier de me montrer. Regarde, qui peut résister à ce regard de boursouflet ? Enfin de … comment on dit en moldu ? » Est-ce qu’ils ont une expression pour dire ce genre de chose d’ailleurs ? Tu ne t’es jamais vraiment posée la question jusqu’à ce moment précis. Et même s’il te donne une réponse, tu n’es pas certaine de la retenir. Peu importe au final. Tu ne vis pas dans le monde des non-mages, et les sorciers n’y comprendraient rien. Alors finalement, que Rhys trouve un équivalent ou pas, ça t’importe peu. Tes épaules se haussent d’un air détaché montrant à quel point la réponse ne t’interesse plus tant que ça.

La cabane qui vous fait face est bien plus surprenante que tu ne l’imaginais. Plus grande. Plus majestueuse. Et surtout bien moins décrépie. Tu te souviens comme si c’était hier de celle que vous aviez tentée de construire dans le fond du jardin de la demeure familiale. Trop petits pour utiliser la magie, vous aviez utilisé de simples outils tels de vulgaires moldus. Ce dont tu te rappelles surtout, ce sont les pleurs interminables de souffrance de Koffi après que sa jumelle eut fait tomber le marteau sur son pied. Suite à quoi, plus personne n’a eu le droit de s’approcher de près ou de loin de l’un de ces outils. Et la cabane ne fut jamais construite, pour votre plus grand malheur. Alors c’est difficile pour toi d’imaginer que qui que ce soit ait pu monter celle de Merthyr Tydfil sans la moindre magie. Tu ne saurais vivre comme eux. Tu n’as jamais eu à le faire. Que deviendrais-tu, dépourvue de tous tes pouvoirs ? Rien sans doute. La faiblesse que tu ressens à chaque utilisation de ta baguette est déjà assez pénible comme cela. Le médaillon de cette chère Zalena te manque. Et tu maudis, un peu plus chaque jour qui passe, le jeune Nott de l’avoir brisé. Sans ton véritable focus, sans ce bijou, tu es bien moins puissante. Tous les Lwas, et tous les autres Dieux, le savent. S’il y a bien une chose que tu hais, c’est de te sentir démunie, dos au mur, frêle, fragile et tous les synonymes que l’on veut bien trouver.

Une caresse déposée entre les deux oreilles du chiot ainsi qu’un café laissé entre les doigts de Rhys et te voilà à emboîter le pas de son fils. L'imitant, non sans crainte de tomber, tu te retrouves en haut en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Une révérence donnée au prince Hamlet et tu entres dans son château. Là, il allume plusieurs guirlandes. Tes yeux s’illuminent comme ceux d’une petite fille. Si, lors de la soirée de la veille, tu trouvais déjà cela très beau, ici ça l’est bien plus encore. Tu as l’impression de voir des dizaines d’étoiles ou de fées minuscules attachées entre elles par un cable. Ah oui vraiment, une cabane comme celle-ci, c’était exactement ce dont tu rêvais étant petite. Comme à ton habitude, tu prends plaisir à détailler minutieusement chaque coin et recoin de cet endroit. Chaque petite gravure, chaque petit dessin. Il a vécu, le château du petit Price. C’est beau à voir. Ton attention se détache des murs pour se reporter sur ce petit bout d’homme si bavard. Encore une fois, il te présente tous ses jouets, ses figurines. Il te raconte leurs histoires. Et toi, tu l’écoutes avec attention. C’est ce que tu aurais voulu, qu’on t’écoute un peu plus à l’époque. C’est aussi ce que tu avais prévu de faire avec ton fils. C’est ce que tu n’auras jamais l’occasion de faire. Ton cerveau semble s’éteindre pendant quelques secondes. Est-ce que tu as bien entendu ? Un couteau ? Pourquoi un enfant aussi jeune que lui posséderait-il un couteau ? Non, tes oreilles te jouent des tours, il ne peut en être autrement. Jamais Rhys ne laisserait son petit jouer avec quelque chose de si dangereux. Tu n’as pas le temps de répondre à son interrogation sur la magie. Pas le temps non plus de lui poser une question concernant son couteau. Une voix vous appelle. Hamlet descend le premier. Tu le suis assez rapidement mais avant cela, tu as pris le temps de sortir discrètement ta baguette pour graver “Nia roedd yma” dans le bois.

Entre tes doigts, ta tasse apporte, à nouveau, une chaleur réconfortante et l’odeur qui va avec. « Et bien j’en suis ravie ! » Réponds-tu à ton ami après avoir avalé une gorgée de café. Suivant le mouvement, tu te mets en marche en direction de la véranda et surtout du brunch. C’est que, ton estomac commence à crier famine. Un sourire tendre échangé avec Rhys et tu secoues la tête. « Je n’ai rien fait de spécial tu sais. Mais ça me fait plaisir aussi. Vraiment. » Il y a, dans ta voix, une rare sincérité. C’est que tu es une vipère Nia. Une personne peu fiable qui ne se laisse que pas approcher. Ou bien très - trop - peu fréquemment. Cette fois-ci, tu as ouvert ton coeur. Les Price y ont peut-être surtout fait effraction d’un grand coup de sabot sans vraiment t’avoir laissé le choix. D’abord le plus petit, venu te parler de sa mère décédée, puis son père. Plus tard encore son frère et ses soeurs, bien que tu ne sois pas assez proches d’eux pour les appeler tes amis. Tu répètes tout bas les mots que l’enfant te souffle une nouvelle fois, soucieuse de prononcer cette phrase correctement. Plus tu t’approches de la véranda et plus tu peux sentir le bracelet protecteur pulser contre ton poignet, signe que tu es anxieuse. Ou stressée tout du moins. Comment ne pas l’être ? C’est que tu en as beaucoup entendu parler. Tu as peur d’être déçue. Surtout, tu as peur de décevoir.

Les lèvres pincées, tu souris à la fratrie, les saluant d’un geste de la main. C’est que cette situation te gênerait presque. Tes yeux bruns se posent sur la silhouette de Cerridwyn. Elle est tout à fait élégante, la mère Price. Très distinguée. C’est drôle comme elle peut te rappeler Sierra alors même qu’elles n’ont aucune ressemblance. Tu t’inclines légèrement, respectueusement. « Bore Da Cerridwyn. Nia dw i.  Neis i gwrdd a chi. » Articules-tu, hésitante sur la prononciation de chaque mot. Tu jettes un coup d’oeil à Hamlet, ton petit professeur de gallois, juste pour être sûre que tu ne te sois pas trop trompée. Et vu le fier sourire qu’il arbore, il semblerait que tu te sois plutôt bien débrouillée. Tu ne prends place autour de la table seulement après que la matriarche se soit installée. C’est comme ça qu’on t’a élevée, ne pas s’asseoir avant l’hôte, avant le chef de la demeure. Tu as beau envoyer balader toutes les conventions et la bienséance, tu continues de l’appliquer, aussi étonnant que cela puisse paraître. « Oui très bien merci. J’espère que nous n’avons pas fait trop de bruit en rentrant. Je serais terriblement embarrassée de savoir que je vous ai réveillée en pleine nuit ! » Déclares-tu poliment.

Tu ne comprends pas tout ce qui est dit autour de cette table. Dans un sens ça te frustre. Et tu te mets, peut-être pour la première fois, à la place de Luke, à l’époque où il n’était pas qu’un cadavre. Invité aux dîners de famille des Babajaro, là où personne ne parle anglais. Ce n’était même pas de la mauvaise volonté de la part des tiens, quoiqu’un peu venant de ta fratrie. Les discussions enflammées en yoruba que vous avez pu avoir lors de ces soirées d’anniversaires et autres mariages n’ont jamais captivé ton mari. Mais a contrario, il n’a jamais fait l’effort d’essayer d’apprendre ta langue maternelle. Alors que toi, tu as pris le temps d’apprendre la sienne. Le français aussi, juste parce qu’il voulait vivre dans la Ville Lumière. Et aujourd’hui, le gallois. Parce que voir les yeux d’Hamlet s’illuminer quand tu arrives à prononcer correctement un mot, ça n’a pas de prix.

Cerridwyn te complimente. Compliment que tu lui retournes volontier après l’avoir remerciée. Et puis un rire ne peut s’empêcher de quitter tes lèvres après la question d’Arthur. Tu adresses un clin d’oeil au petit garçon. « Fatiguant ? Pas du tout. C’est un enfant adorable. Et très intéressant en plus de cela. » Bavard oui. Mais au moins il ne reste pas planté là, comme une plante, à avoir peur des adultes. Il parle, pose des questions. Il est curieux de tout. C’est si plaisant de lui apprendre des choses. Tu sais pourtant que ta réponse n’a pas vraiment été écoutée. Hamlet, Nesta, Siwan, Arthur. Tous les quatre se chamaillent dans cette langue que tu ne comprends que très partiellement. Tu captes des mots çà et là. Rien d'intéressant cependant. Rhys se penche vers toi. Tu ris un peu plus encore en l’entendant. Ta main se pose sur son épaule, comme pour le rassurer. « Ne t’en fais pas ! Un jour, tu viendras manger chez les Babajaro. C’est assez folklorique aussi tu verras. » Affirmes-tu.

La matriarche ordonne et les jumelles s'exécutent. Tu as compris le mot “plat” c’est suffisant pour savoir où elles se dirigent. « Oh attendez, je vais vous aider. J’insiste. » Que tu déclares en te levant. On te dit que ce n’est pas la peine, que tu peux rester assise, que tu es l’invitée. Mais tu n’écoutes pas. Tes talons claquent contre le sol, à la suite de Nesta et Siwan. Et en deux allers-retours, vous avez ramené toute la nourriture et toutes les boissons prévues pour ce brunch somptueux. « Je suis propriétaire d’une boutique dans l’allée des embrumes ! » Réponds-tu à Cerridwyn. Sait-elle au moins ce que c’est l’allée des embrumes ? Est-ce que ses enfants le lui ont expliqué ? Son mari peut-être ? « C’est une rue adjacente à celle où se trouve le restaurant de Rhys. Ce n’est peut-être pas l’endroit le mieux fréquenté de tout Londres mais ça me convient. » Ajoutes-tu ensuite, juste pour être certaine qu’elle comprenne. Aussi pour ne pas passer pour une arrogante je-sais-tout. « J’y vend des objets vaudous provenant d’un peu partout dans le monde. Des poupées que je fabrique, des potions que l’on ne trouve pas vraiment ailleurs dans cette ville, ce genre de chose. » Tu conclus, déposant une énième cafetière pleine sur la table. Peut-être y es-tu allée un peu trop fort car le liquide a sauté de son contenant pour venir tâcher ta superbe veste rouge. Ton pantalon aussi se retrouve éclaboussé. Nul doute que sans le tatouage d’Ayida Wedo, que t’as fait Josiah quelques semaines plus tôt, ayant pour but de te protéger de la chaleur, tu te serais brûlée. Mais plus de peur que mal puisque tu n’as rien. Tu pestes contre toi-même dans une langue qu’ils ne peuvent comprendre, le yoruba. « Je suis sincèrement désolée. Je suis vraiment maladroite pardon. » Et voilà que le protecteur pulse un peu plus fort contre ton poignet.

Après avoir nettoyé tes bêtises, tu as demandé à tes hôtes de bien vouloir t’excuser un instant. Juste le temps de détacher tes vêtements salis. Tu n’as aucune envie de voir cet ensemble à jamais ruiné. C’est à dire que tu y tiennes un minimum. C’est ta grand mère qui l’a cousu elle-même. Ah douce Nkechi, toujours à trop te gâter. Tu pourrais sans aucun doute régler tout ceci grâce à la magie. Cependant, tu ne sais pas à quel point Cerridwyn est à l’aise avec le fait qu’une étrangère vienne faire de la magie dans cette demeure qui n’en possède pas. Tu butes n’est pas d’offenser la maîtresse de maison. Loin de là. Alors tu prends ton mal en patience est part en direction de la salle de bain pour nettoyer ce bazar du mieux possible. Enfin, est-ce vraiment le couloir de la salle de bain ? Tu aurais probablement dû redemander ton chemin avant d’y aller. Derrière l’une des portes que tu as ouvertes, il y a un bureau. Bureau que tu aurais quitté immédiatement si une photo d’Hamlet n’avait pas retenu ton attention. Tu n’as pas vraiment de mal à te rendre compte que cette pièce est celle de Rhys. Les photos de son fils et de sa femme. Et si un doute subsiste, alors il sera vite dissipé par les couleurs présentes une fois la lumière allumée. Elle est maladive, cette curiosité qui t’habite. Et si tu flânais, un peu tête en l’air, juste pour observer ces souvenirs figés sur papier, tu te fais bien plus sérieuse en voyant les couteaux posés sur le dit bureau. Tout près de ceux-ci, il y a tout un tas de paperasse. Des papiers que tu n’avais pas prévu de lire. Pourtant tu l’as fait. Parce que c’est plus fort que toi, parce que tu veux savoir. Après tout, ce n’est probablement rien de grave. Des recettes pour le restaurant ou bien de la compta sans doute ? Tout comme les couteaux qui ne sont probablement utile que pour la cuisine. Mais sur les fameux papiers, rien de tout ça. Des plans de divers maisons sont éparpillés, sur d’autre on y retrouve des notes de sortilèges. Pourquoi donc Rhys aurait-il besoin de ce genre de choses ? C’est un cracmol. S’il pense qu’en étudiant la magie il sera capable d’en faire alors il se met le doigt dans l’oeil. Ça te fait mal au coeur pour lui. Mais il n’y peut rien. Et toi non plus. Quand tu te retournes, dos à la porte, pour observer le reste de la pièce, tu remarques la chemise tâchée posée sur le dossier de la chaise. Les tâches brunâtres sont du sang, tu en es persuadée. Alors que tu tends ta main pour t’en saisir, une voix féminine s’élève dans ton dos. « Incarcerem ! » Avant que tu ne puisses faire quoi que ce soit, tu te retrouves là, par terre, ligotée par ces cordes magiques dont tu n’arrives à te défaire. Par Erzulie, où es-tu tombée ?

(c) DΛNDELION


2363 mots

Rhys M. Price

Rhys M. Price
MEMBRE
hiboux : 316
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Lun 5 Oct - 4:22

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Dans les jardins mal fréquentés
La main de l’autre emmêlée dans la nôtre, le bleu du ciel plus bleu que celui des autres - on sait que même le plus fidèle des apôtres finira par mourir un jour ou l’autre. Et même amitié pour toujours trouvée, et même après une ou plusieurs portées, elle est là qui accourt pour nous rappeler que si les hommes s’unissent c’est pour mieux se séparer. - Pierre Lapointe, Tel un seul homme
- 08.04.2004

Tu souris en entendant Nia saluer ta mère en gallois, et ton regard va à ton fils qui a l’air de crever de fierté. C’est qu’il a insisté auprès de sa grand-mère en lui disant qu’il enseignait votre langue à celle qui le gardait, qu’elle apprenait si vite, qu’elle était merveilleuse. Cerridwyn a un sourire satisfait elle aussi, cela lui plaît beaucoup il te semble que ton invitée s’essaye à votre langue – même si elle a des progrès à faire sur la prononciation. Tu ne vas pas la juger, tu sais que tu t’exprimes en français et en japonais avec un accent tout à fait singulier – et tu y as vécu, toi. Peut-être plus léger que le sien, tout de même, mais tu as travaillé ton français un moment avant de partir, et tu te souviens encore presque en frémissant de l’air du chef au Japon quand tu écorchais sa langue ou que tu jurais en gallois. Vous vous installez, et Nia est parfaite. Il te semble que chacun de ses gestes, chacun de ses mots élargissent un peu plus le sourire de ta mère. C’est qu’elle est à cheval sur un certain nombre de convenances, Cerridwyn, qu’elle y tient même si vous lui menez sur cela une vie impossible. L’agitation autour de la table t’arrache un rire, et entre deux bouffées de tabac tu te penches vers ton amie pour lui dire quelques mots à l’oreille.

- Ne t’en fais pas ! Un jour, tu viendras manger chez les Babajaro. C’est assez folklorique aussi tu verras.

Tu écarquilles les yeux. C’est le genre de propositions à laquelle tu ne t’attendais pas, mais qui te fait plaisir. Tu ignores complètement les commentaires de tes sœurs et ton frère.

- Oh ma belle, je te rappellerai cette invitation crois-moi, je serai plus que ravi que rencontrer les tiens.

Après tout, tu l’as fait venir ici, dans la demeure familiale. Ça signifie beaucoup, assez pour que tu sois sincèrement curieux de faire la même chose. Tu ne sais pas pourtant si la situation pourrait être réellement comparable : tu n’as jamais entendu ton amie parler avec une vraie douceur de ceux qui ne sont pas sorciers, il te semble que tu fais figure d’exception dans sa vie avec ton personnage de cracmol. Comment te verraient les siens ? Y en auraient-il pour comprendre ce que tu es vraiment, comme Josiah, comme Noah ? Pourrait-elle supporter, elle, de savoir ce que tu es ? Ça ne serait pas vraiment raisonnable. Elle propose son aide à tes sœurs pour emmener les plats, et tu ne fais même pas partie de ceux qui s’insurgent qu’elle n’a pas à le faire. Tu la connais trop bien pour savoir que ça ne sert à rien, et après tout tu cherches à échapper à tes devoirs d’hôtes selon les mots de ta mère. Tu échanges avec Arthur un regard amusé, faisant tourner ton zippo entre tes doigts comme s’il te captivait pour ne pas avoir à participer à l’échange. Au dernier aller-retour qu’elles font les bras chargés, tu écrases ta cigarette à moitié consumée dans le cendrier. Un bon repas, voilà qui va te permettre de te remettre parfaitement de cette gueule de bois. Alors que ton amie revient une cafetière entre les mains, ta mère l’interroge sur son occupation.

- Je suis propriétaire d’une boutique dans l’allée des embrumes ! C’est une rue adjacente à celle où se trouve le restaurant de Rhys. Ce n’est peut-être pas l’endroit le mieux fréquenté de tout Londres mais ça me convient.

Tu lèves un sourcil en direction de Cerridwyn. Elle a bien du vous entendre en parler, elle a peut-être un jour posé à ton père les mêmes questions qu’Alys a eu pour toi. Braen était-il du genre comme toi à tout expliquer, à montrer des plans, des photos, à chercher à partager le maximum possible de cette partie de sa vie avec sa femme ? Tu en doutes. Il était plus secret, plus renfermé ton père. Tu as du sans doute tout lui dire aussi, à l’âge de ton fils – et il n’aura pas manqué de lui parler de la boutique de Nia tu en es certain. C’est sûrement une politesse plus qu’une curiosité – quoiqu’il soit toujours intéressant d’avoir le point de vue de la principale intéressée.

- J’y vend des objets vaudous provenant d’un peu partout dans le monde. Des poupées que je fabrique, des potions que l’on ne trouve pas vraiment ailleurs dans cette ville, ce genre de chose.

Ta mère cligne des yeux mais ne réagit pas plus. Elle a vaguement conscience qu’il existe plusieurs formes, plusieurs types de magie – mais le vaudou, ce n’est certainement pas quelque chose qu’elle connaît. Tes sœurs peut-être un peu, suite à leur voyage. Mais il y a peu de chance qu’elles aient partagé ça avec elle. Il y a des limites à ce que vous pouvez dépasser dans le secret du code magique sans vous attirer des ennuis – évoquer une forme de magie qui vous est presque exotique avec votre mère c’est les dépasser de loin. Nia s’éclabousse avec du café, et tu te redresses avec inquiétudes.

- Ça va, tu ne t’es pas brûlée ?

Plus de peur que de mal de toute évidence, elle a l’air plus gênée d’avoir tâchée la nappe que d’une potentielle douleur.

- Je suis sincèrement désolée. Je suis vraiment maladroite pardon.
- Non non non, ne vous inquiétez pas.

Nia n’écoute même pas ta mère qui essaie de la rassurer et tente d’éponger le café sur la table. Les filles s’agitent – ce serait plus simple, plus rapide si elle utilisait la magie. Vous le feriez-vous-mêmes si elle n’était pas là. Si tu t’en passes facilement à Londres, c’est tout de même incroyablement plus simple. Elle s’excuse, sans doute pour aller se détacher, et ta mère se retourne vers toi dès qu’elle a disparu.

- Elle est charmante.
- N’est-ce pas ?
- C’EST LA MEILLEURE !

Cerridwyn rit en regardant son petit-fils dont les yeux brillent. Il est absolument ravi. Elle se tend tout d’un coup et se retourne vers celle de tes sœurs qui est le plus proche d’elle.

- Oh, il y a un problème avec le lavabo de la salle d’eau du rez-de-chaussée. Nesta mon cœur, tu peux aller lui dire d’utiliser celle de l’étage ?

Comment ta mère fait pour les dissocier ? Elle n’y arrive pas à chaque fois, alors elles doivent avoir quelque chose aujourd’hui pour que Cerridwyn semble aussi sûre d’elle. Tu fixes la jumelle qui se relève en souriant et la détaille alors qu’elle s’éloigne. Peut-être que c’est toi ? Peut-être que tu es vraiment un frère indigne, comme elles l’affirmaient en plaisantant hier ?

**

La jeune femme s’avance tranquillement dans le couloir, et se fige en apercevant la porte de la pièce où elle imaginait Nia légèrement entrouverte, mais sombre. Elle se tend et elle fronce les sourcils. Elle est peut-être simplement montée ? Son regard vagabonde dans le couloir, s’attarde dans la direction de la salle de travail, de l’armurerie, du bureau de son frère. Est-ce que ce crétin a bien pensé à tout fermer à clefs ? Elle glisse, silencieuse, vers l’aile en question - leur repaire, leurs secrets. La porte du bureau de Rhys est ouverte, et une lumière en vient. Elle se mord l’intérieur de la joue. Quelle petite idiote ! Est-ce qu’elle ne pouvait juste aller aux toilettes ? Pourquoi son frère doit systématiquement choisir parmi comme proches de sales petites fouineuses, de précieuses petites princesses incapables de rester à leur place ? Celle-là, elle est sorcière en plus ! Un sourire mauvais s’étend sur ses lèvres : elle n’avait rien à faire ici, elle l’a pourtant clairement dit à Rhys quand il a proposé de l’inviter. Elle vient de lui donner raison, et elle va le regretter – elle s’en amuse d’avance. La silhouette est penchée sur l’imposant bureau quand elle atteint sans un bruit la porte, et elle se retourne sans la voir d’abord, attirée par un vêtement oublié sur le siège. Il a fallu qu’il laisse son bureau ouvert… Quel abruti ! Il ne pourra s’en prendre qu’à lui cette fois.

- Incarcerem !

Le sortilège est allé frapper la jeune femme qui s’écroule dans un bruit sourd – elle ne pouvait pas s’y attendre, elle n’avait aucune chance. Nesta soupire en s’avançant, et avise la chemise qui retenait l’attention de la nigériane – c’est du sang ça, non ?  Elle caresse du bout de ses doigts la tache sombre avant de se retourner vers sa victime, sourire aux lèvres. Est-ce qu’elle doit la tuer tout de suite ? Elle a tout vu, les plans, les sortilèges, les traces...

- Nia, Nia, Nia… Est-ce que tu ne pouvais pas te contenter d’aller aux toilettes ou d’ensorceler ton vêtement ? Il va en faire toute une histoire…

Elle s’accroupit et caresse la joue de la jeune femme. Hamlet l’aimait bien, Rhys l’aimait bien – même Arthur, à sa façon. Bon, peut-être pas Arthur…? Elle n’arrive pas à comprendre le benjamin de la famille. Il se rangera sans doute du côté de l’aîné si elle agit sans les prévenir d’abord – foutue hiérarchie, foutue chance qui a fait naître en premier son adorable crétin de frangin, avec sa faiblesse de cœur et ses lubies. Elle tourne la tête vers la porte et hurle :

- RHYS ! RAMENE-TOI TOUT DE SUITE !

De toute façon, ce n’est pas comme s’il allait avoir le choix. Est-ce qu’il pourrait la tuer lui-même ? Ça, ce serait amusant. En est-il seulement capable ? Son visage se déforme dans une moue dégoûtée. Même pas sûr.

- Il va être tellement déçu…

**

Le cri de Nesta te fait presque sursauter, t’arrête au milieu de ta phrase. Tu parlais de la soirée d’hier, que disais-tu déjà ? Tu as oublié. Elle a l’air en colère. Pourquoi est-ce qu’elle a l’air en colère ? Arthur fronce les sourcils en face de toi, et même Hamlet te lance un regard interrogatif. Qu’est-ce qu’elle fout ? Tu soupires presque en te redressant, abandonnant ici le gâteau entamé. Tu laisses le reste des tiens dans la véranda et te diriges vers le couloir. Elles ne sont pas dans la salle d’eau. Il te semble que ton cœur se glace tout d’un coup. Merde. Merde, merde, merde ! Tes pas s’accélèrent et tu te retrouves rapidement devant ton bureau ouvert, pour voir ta sœur baissée près de Nia. Tu peux deviner la magie qui l’enserre. Quelle idiote, mais quelle idiote !

- Qu’est-ce que t’as foutu ?
- Il semblerait que ton amie n’ait pas trouvé la salle de bain.
- Non mais je vois bien, mais qu’est-ce que t’as fait ?!
- Qu’est-ce que J’AI fait ? Je l’ai arrêtée, espèce de crétin ! Elle était penchée sur ton bureau ! Elle a vu les plans, tes couteaux, elle a vu les sortilèges ! – elle te désigne ta chemise tâchée – Elle a vu le sang !
- Mais, mais…

Tes yeux sont écarquillés. Ils vont à toutes les preuves que tu as laissées en évidence, à ta sœur, à Nia sur le sol qui te fixe avec une expression que tu ne lui connaissais pas.

- Tu lui as jeté un sort ?
- Je devais peut-être la laisser tranquille après ça ?
- MAIS OUI ESPÈCE DE… DE… ON AURAIT TROUVÉ UN TRUC !

Tu sens ton cœur pulser jusque dans tes tempes. Comment n’a-t-elle pas pu penser à quelque chose ? Pourquoi lui-a-t-elle jeté un sort cette andouille ? Les plans, ça aurait pu être parce que tu es traiteur et que tu as besoin de prévoir comment vont se dérouler les réceptions, les sorts auraient pu être pour comparer des devis de personnes chargées de la protection du Petit Ogre ou de demander conseil - ou n’importe quoi d’ailleurs, pour les couteaux et le sang – mais tu es cuisinier bordel, il y aurait pu avoir milles explications possibles ! Elle a tout gâché, à agir sans réfléchir ! Tu te secoues pour essayer de retrouver ton sang-froid.

- Il faut qu’on l’oubliette.
- Ça va pas la tête ? Ça laisse des traces ! Il y a des potions qui annulent les effets du sort. Rhys ! On va pas se mettre en danger pour une étrangère, pour une fille que tu connais depuis un an ! Bordel, mais reprends-toi !
- Qu’est-ce que tu suggères alors ?
- On la bute.

Nom de Dieu, bordel de merde ! Mais qui t’a collé une pareille imbécile comme frangine ? Vous n’allez pas la tuer ! Que dirait Hamlet ? Que diraient les gens ? Elle a sans doute dit à quelqu’un qu’elle venait ici. Vous attireriez l’attention, il y aurait une enquête si elle disparaissait juste après être venue chez vous… Le domaine n’est même pas protégé par les sortilèges qui lui permettrait d’être incartable, et comment est-ce que vous expliqueriez l’armurerie ou ce genre de choses ? Et puis vous n’allez pas tuer Nia ! C’est ton amie !

- IL EN EST HORS DE QUESTION !

Tu lui hurles dessus, mais Nesta ne semble pas le moins du monde affectée par ta colère. Elle pose ses mains sur ses hanches en t’adressant un regard de défi.

- Sois pas con.
- MAIS ! COMMENT EST-CE QUE TU… MAIS… AARGH !

Tu prends une grande inspiration et franchit en deux pas la distance qui te sépare de ta sœur pour arriver à son niveau. Comment lui faire comprendre ? Tu as bien du mal à ne pas l’attraper pour la secouer. Tu l’aimes mais des fois elle te désespère.

- Est-ce que tu ne penses pas qu’il sera encore plus louche et étrange qu’elle ne revienne jamais d’ici plutôt qu’elle perde une partie de ces souvenirs ? On blâmera la soirée d’hier… On dira qu’il y avait quelque chose dans les verres, j’en sais rien…

Son défi se transforme en mépris au fur et à mesure que tu parles. Tu la connais assez bien pour savoir ce qui se passe dans ta tête. Elle te juge, parce que tu rechignes à tuer, parce que tu cherches une autre solution. Elle te trouve faible, pathétique – elle ne t’écoute déjà plus. Elle est résolue à agir, c’est à peine une politesse de sa part que de te prévenir. Tu la giflerais tout de suite, pour la ramener à la raison.

- Et bien fais marcher ta caboche, on trouvera un truc pour ça aussi. C’est plus sûr.
- Ecoute-moi Nesta !
- Non ça suffit Rhys ! On est découverts alors on fait ce qu’on fait à chaque fois que ça arrive ! On élimine le risque, on se débarrasse de ce qui peut nous compromettre. Et si t’es pas capable de le faire frangin, je m’en charge.

Le couteau luit dans sa main sans que tu saches depuis combien de temps elle le tient ni d’où elle le sort. Elle se retourne vers Nia sur le sol, et sans réfléchir tu attrapes son poignet et le tord pour la faire lâcher son arme. Elle crie, la lame tombe sur le sol, mais tu n’as pas le temps de réagir qu’elle donne en plein dans ton nez un violent coup de coude. Sous le choc, tu relâches ta prise et fais par pur réflexe un saut en arrière pour te placer hors de sa portée. Tu as un goût de fer dans la bouche et tu frôles ton visage d’une main qui devient poisseuse et te confirme ce que l’intense douleur te laissait supposer : elle t’a pété le nez la connasse ! Tu inspires par la bouche pour essayer de te calmer un peu : tu n’as aucune chance contre elle si tu te laisses emporter. Tu fléchis les genoux et te places de biais par rapport à elle, bras ramenés contre toi.

- Rhys, sois pas con. On va pas se battre pour ça, elle n’en vaut pas la peine.

Tu craches sur le tapis le sang qui t’a rempli la bouche. Ça n’est pas son rôle de décider ce qui vaut la peine de se battre, c’est le tien. C’est ton honneur qu’elle attaque maintenant, en plus de ton amie. Tu bondis en avant, faisant mine de viser son flanc bras droit levé, tu sais que la vitesse est ta seule chance. La vitesse, et sa propre fierté : tu as remarqué que quand elles sont en rogne, les filles ont tendance à oublier que tu es le seul gaucher de la famille. Elle pare un coup qui ne viendra jamais, ta main gauche s’abat lourdement sur son dos pour la faire plier devant toi. Elle s’écroule, mais tu n’as pas le temps de te redresser qu’une intense douleur t’arrache un cri et te fait chavirer à ton tour. Tu n’as pas fait attention à Siwan qui a dû arriver alors que tu te concentrais sur Nesta, alertée par le ton de vos échanges, et elle vient de t’enfoncer son pied dans les côtes. Bordel de merde, pas une pour rattraper l’autre. Tu lèves la main dans sa direction.

- ATAKUNTO !

Elle ne l’a pas anticipé, vous n’utilisez pas la magie les uns contre les autres en général. Le sort qui jaillit de ta paume la projette en arrière contre l’encadrement de la porte. Tu n’aurais pas dû faire ça – elles vont perdre totalement le peu de sang-froid qu’il aurait pu leur rester et il sera impossible de les raisonner. Pire, tu es le premier à avoir brisé les règles implicites qui encadrent vos combats, elles n’auront absolument aucun remord à faire de même. Il faut que tu te relèves. Tu t’appuies pour te redresser, ton souffle est déjà court – elles ne t’ont porté que deux coup, mais ça fait déjà un mal de chien. Nesta près de toi s’appuie sur ses avants bras pour se remettre debout, et le regard qu’elle t’adresse est terrible.

- ESPÈCE DE CONNARD !

Tu vois l’argent de la lame qui scintille dans sa main, et tu te penches en catastrophe pour éviter un premier assaut. Ah ça, tu vas le regretter d’avoir utilisé un sort ! Tu grognes, te tordre ainsi t’est presque insupportable et ta respiration est gênée. Tu cherches à attraper son bras sans y arriver – tant que l’autre jumelle est sonnée et loin, tu as une chance si tu uses de force brute face à sa souplesse. Dès que Siwan sera debout, tu le sais, tu es foutu. Tu dois à nouveau t’écarter, tu te penches en arrière en pliant les genoux pour ne pas perdre l’équilibre et vois l’arme passer à quelques centimètres de toi. Tu profites de l’instant où elle arrête son geste et se prépare à frapper à nouveau pour t’élancer en avant et lui asséner un coup de boule. Tu regrettes aussitôt. Si tu l’as bien touchée, tu es à sa portée et il te semble que ton crâne va exploser sous la douleur. Tu lèves un bras pour te protéger et tu sens le couteau te frôler et déchirer un morceau de la manche de ta chemise. Ton regard croise le sien, et même si tu te doutes – si tu espères – qu’elle n’irait pas jusqu’à réellement te tuer tu devines qu’elle en crève d’envie. Tant mieux, c’est réciproque ! Tu sens des bras t’agripper par derrière et une main saisir ta gorge – sans que tu ne l’aies vu, Siwan a dû se redresser et se glisser derrière toi. Elle t’étouffe et elle te gène. Les pestes, tu t’es assez entraîné contre elle pour savoir que si tu restes au corps à corps tu n’as aucune chance. Ta main cherche sa tête derrière toi et tu saisis une mèche de cheveux que tu tires pour la forcer à lâcher tout en tentant un coup de pied en direction de Nesta. C’est un échec, sa main resserre son étreinte et tu ne peux pas et te débattre et éviter celle qui te fait face. Le couteau ripe sur ton coude, confirmant au moins qu’elle ne cherche pas vraiment à te mettre à mort – elle ne t’aurait pas raté comme ça. Tu en profites pour frapper de ta main libre son poignet pour la désarmer. Tu vas manquer d’air très vite.

- IMMOBILIS.

L’arme flotte, suspendue entre la main qui l’a lachée et le sol qui ne l’attire plus. Tu te sens toi-même arrêté dans tes mouvements, et dans ton dos tu devines Siwan en lutte contre l’effet magique qui la maintient en place. Arthur dans l’encadrement vous lance un regard noir.

- MAIS VOUS ALLEZ PAS BIEN NON !

Il s’élance vers vous et tu sens sa magie crépiter sur tes paumes. Tu es meilleur briseur de sort que les trois réunis, à défaut d’être aussi bon combattant – mais il est en meilleure forme que toi et tu n’as aucun intérêt à risquer de te le mettre à dos en plus en agissant contre lui. Il attrape le couteau et vous sépare en quelques gestes brusques sans que vous ne puissiez encore réagir.

- FINITE. Est-ce que l’un d’un vous peut m’expliquer ce qu’il se passe ?
- Incarcerem.

Tu n’arrives pas à croire que c’est toi qui fait ça. Ton bras s’est levé vers Nia libérée par le sort en même temps que vous dès l’instant où tu as senti l’effet magique disparaître. Tu ne peux pas risquer qu’elle puisse fuir après ce qu’elle vient de voir – pas sans que tu aies eu une chance de lui expliquer ou d’arranger les choses. Peut-être qu’au moins, ça calmera les jumelles de te voir décidé à la laisser captive. Ce n’est pas comme si elles t’avaient laissé le choix ces idiotes.


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Ven 9 Oct - 2:56
Dans les jardins mal fréquentés
08 Avril 2004

Les cordes t’enserrent et tu te sens tomber de toute ta longueur. Pas spécialement grande pourtant, la chute n’en reste pas moins rude. Douloureuse surtout. Ton crâne cogne contre le sol et tes mâchoires claquent l’une contre l’autre, venant mordre ta langue au passage. Engourdie, souffrante et avec un goût terrible de ton propre sang dans la bouche, te voilà tout à fait sonnée. Ta tête te fait mal. Ta langue te fait mal. Ton épaule et le reste de ton corps aussi. Et tu te sens lourde. Si lourde. Tu n’arrives pas à bouger. Tu voudrais pouvoir te redresser, t’asseoir au moins. Mais c’est impossible. Prisonnière de ces cordes qui se serrent toujours un peu plus à mesure que tu essaies de t’en défaire. La voix qui s’élève à nouveau te glace le sang. Tu la connais bien sûr. C’est celle de Siwan. Ou peut-être bien de Nesta, tu n’es pas vraiment sûre. Et quand tes yeux s’ouvrent à nouveau, ils confirment ton hypothèse. Comment a-t-elle fait ? Une potion ? Un objet magique ? Non. Tu l’as clairement entendue prononcer le nom du sortilège. Un sentiment de malaise profond t’accable alors qu’elle se penche pour caresser ta joue. « Allez, relâche-moi. La plaisanterie a assez durée. Je n’aime pas vraiment être ligotée. » Lances-tu à la jumelle. Après tout, elle ne peut pas être sérieuse ? Elle ne peut pas t’avoir attaquée pour de vrai. Tout ça n’est sans doute qu’une vaste blague. Une blague qui ne te fait pas du tout rire.

Le protecteur à ton poignet pulse si fort qu’il te fait presque mal. Et ta respiration, elle est saccadée. Elle se coupe par moment, est trop profonde à d’autre. Peu importe tes efforts, tu n’arrives pas à la réguler. La femme a appelé Rhys. Ou plutôt elle a hurlé son nom. D’une telle manière que tu as compris. Ce n’est pas une farce. Ton ami est-il au courant ? Et le reste de sa fratrie ? Et Hamlet ? Est-ce que tout ça est un coup monté ? Pourquoi faire ? D’innombrables questions se bousculent dans ton crâne. Si bien que tu as cessé de gigoter un instant. Il fait finalement son entrée, l’aîné des Price. Il se dispute avec sa jeune soeur dans cette langue que tu ne comprends pas, ou bien trop peu. Et si ça ne te dérange pas d’habitude, dans ce cas précis tu aimerais bien avoir plus de réponses. Tu les observes, tous les deux tour à tour. Ton regard est glaçant. Y sont mêlés peur, colère, déception, peut-être même un peu de tristesse aussi. Rien qui ne te rende plus belle c’est sûr. Parmi tout ce charabia qui t’es incompréhensible, tu parviens tout de même à décoder des mots, des phrases. Tu as des indices sur ce qui est dit. Et surtout. Surtout tu comprends le mot oubliette. C’est le même dans les deux langues. Tu n’es pas stupide. La personne à rendre amnésique ne peut être que toi. C’est non. Hors de question.

Ayodeji te l’a proposé, de t’oublietter, quand Luke est mort. Tu as refusé. Tu tiens à tes souvenirs. Et les effacer reviendrait à t’effacer toi, tu en es persuadée. Tout ce que tu as vécu t’a permis de devenir qui tu es aujourd’hui. Et puis qu’est-ce qu’il veut oublietter, Rhys, de toute façon ? Tu te fais attaquer sans raison par sa soeur pas si cracmolle que cela et on veut te faire oublier ça ? Mais dans quel monde est-ce qu’il vit ? « Vous n’avez pas intérêt à toucher à ma mémoire. » Grondes-tu. Enfin, pas que ton ami puisse faire quoi que ce soit. Tu as une confiance quasi aveugle en lui. Si la jumelle a menti sur ses pouvoirs, il est impossible que ce soit le cas de son frère aîné. Pas avec toi. Pas après tout ce que tu as partagé avec lui. Tu ne veux pas prendre le risque qu’elle en efface trop. Tu ne veux pas que les souvenirs de ces dernières années, de tout ce que tu as pu vivre, disparaissent. Le bon comme le mauvais. Luke, ton bébé, la boutique, Léonard, Hamlet, Rhys, Noctis. Tu ne sais pas à quel point elle est puissante, cette femme qui se prétendait sans pouvoirs il n’y a encore que quelques minutes. Toute cette situation est effrayante. Et ce qui l’est d’autant plus, c’est ton incapacité à y remédier.

Le lexique de la mort aussi tu le connais bien. C’est que tu en as beaucoup parlé, de la soit disant grande faucheuse. Avec Rhys. Avec Hamlet aussi, étonnamment. Tu ne sais pas vraiment pourquoi ni comment tu en es venue à parler d’un sujet aussi morbide avec un petit garçon. Et tu sais encore moins quand est-ce qu’il a décidé de t’apprendre toutes ces phrases, tous ces mots en gallois. Toujours est-il que tu as suffisamment de connaissance pour avoir compris les intentions de la jumelle. Peut-être est-ce son attitude. Peut-être sont-ce ses mots que tu as vraiment déchiffré. Peu importe en réalité. Alors c’est la fin ? Ici, comme ça ? Quel enfer. Quelle angoisse. Impossible. Tu n’as pas survécu à cette vermine française pour mourir des mains d’une fausse cracmolle galloise. Rhys hurle sur sa soeur et toi tu en profite pour faire la Niasticot, et ainsi t’éloigner. Ou du moins tu essaies.

La lueur dans les yeux de Nesta lorsque cette dernière se retourne vers toi te donne des sueurs froides. Tu aperçois à peine la lame dans sa main que son frère réagit déjà. Et soudain les voilà qu’ils se battent. Tu crois avoir hurler le prénom de ton ami en le voyant, le visage ensanglanté. Mais tout est rapide et confus. Trop pour toi. Tu ne sais où donner de la tête. La dernière chose que tu aurais cru voir dans cette maison, c’est bien une bagarre entre frère et soeur. Même dans ta fratrie, on est pas si violent. Ça en dit long. Un hoquet de surprise t’échappe alors qu’il envoie balader Siwan grâce au sortilège Atakunto. Si les cordes ensorcelées compressent ton corps un peu plus à chaque mouvement, c’est tout autre chose qui serre ton coeur. Comme si un poids venait d’être déposé sur ta poitrine. Et, paradoxalement, comme s’il n’y avait plus rien. Le vide total. La trahison. Que les jumelles se fassent passer pour ce qu’elles ne sont pas, soit. Mais Rhys. Il est supposé être ton ami. Peut-être même ton meilleur ami. Pourtant, il n’a pas cru bon de partager cet aspect si important de lui avec toi. Tu n’es qu’une idiote Nia. Une idiote qui n’apprend pas. Qui n’apprend jamais. Après Luke, tu as cessé de faire confiance, surtout aux hommes, pendant un temps. Tu as baissé ta garde avec Hamlet, et puis avec son père. Tu les a laissé rentrer dans ta vie et dans ton coeur. Et finalement, il s’est moqué de toi lui aussi. C’est terrible ce que tu ressens. Tout et absolument rien à la fois. Envahie par trop d'émotions à la fois. Tu veux lui hurler dessus. Tu veux pleurer. Peut-être même supplier Nesta de lever son foutu sortilège. Mais rien. Aucun son ne sort de ta bouche. Aucune larme ne coule de tes yeux.

Dans le bureau, un vacarme épouvantable retentit. Un vacarme que tu ignores pourtant. Les jumelles se battent contre leur frère. Tu ne regardes pas. Tu ne veux pas voir ça. La violence t’est tout à fait insupportable. Rampant jusqu’au mur, tu arrives à te redresser, plus ou moins facilement. Adossé contre celui-ci, tu grimaces. Foutues cordes. Foutue famille. Foutu pays. Si on t’avait prévenu plus tôt, tu serais rentrée au Nigéria. Ça t’apprendra à faire des efforts. À baisser ta garde. On ne t’y reprendra plus. Ah ça non ! Tes yeux sont clos. Ta tête est baissée. Et dans un murmure, tu récites, en boucle, quelques prières en yoruba. « Puissante Erzulie, protège moi et détruit tout le mal que l’on m’a fait. Enlève tous les mauvais-oeils et tous les envoûtements. Puissante Erzulie, protège moi contre les mauvais esprits. Sois toujours avec moi pour me défendre. » Tu implores la Lwa dont le vévé orne ton médaillon de venir te sauver. Après tout, dans ta tribu on dit qu’elle s’est plusieurs fois manifestée aux yeux de Zalena. Alors pourquoi ne le ferait-elle pas pour toi ?

Est-ce que c’est elle qui a envoyé Arthur ? À tes yeux, ça ne fait aucun doute. Pour les plus sceptiques et les moins croyants, ce n’est sans doute qu’une conséquence logique du brouhaha produit par la dispute de la fratrie. Lui aussi est un sorcier. Au point où tu en es, ça ne te surprend même plus. Tu es soulagée de le voir arriver pour mettre fin à tout ce chantier. Grâce à lui, tu es libérée de ces cordes. Ce qui t’enchante cependant bien moins, c’est la main que Rhys tend vers toi. Elle n’a rien d’amicale. Ton coeur rate un battement. Tu as vu comment ils se servent de leur magie, tous les quatre. Elle passe par leurs mains. Instinctivement, ton index gauche vient se poser sur le médaillon brisé que tu portes toujours. « Protego ! » Hurles-tu presque. Les lèvres du gallois bougent en même temps que les tiennes mais pour lancer un tout autre sort. Incarcerem. Encore. C’est la goutte qui fait déborder le vase. Pourquoi s’être tant entêté à faire de toi son amie si c’est pour te trahir ainsi ? Ne pouvait-il pas simplement te laisser tranquille ? Comment si tu avais besoin de plus de raison pour te sentir vide. Tu le hais. Tu les hais tous. Tu veux partir. Pourvu qu’Erzulie te vienne en aide.

(c) DΛNDELION


1607 mots

Sorcellerie

Sorcellerie
GRAND MAÎTRE
hiboux : 914
Dim 11 Oct - 19:56
Intervention MJNia contre Rhys
Incarcerem contre Protego | Pour un cracmol, @Rhys M. Price est d'une efficacité farouche. Son incarcerem est parfaitement réalisé, quand le protego de @Nia Babajaro peine à couvrir l'espace de sa main, dans laquelle elle tient encore fermement son focus. La jeune femme se trouve donc à nouveau enlacée par les cordes ensorcelées, et si elle parvient à garder la main sur son médaillon, tout son corps est rendu prisonnier. Sans doute est-ce que ça ne l'empêchera pas de chuchoter un nouveau sortilège, rien ne garantit toutefois que ce médaillon lui soit d'une quelconque efficacité -- qu'elle en soit sûre, toutefois : Erzulie veille, là-haut ...

Rhys M. Price

Rhys M. Price
MEMBRE
hiboux : 316
pictures :
Lun 12 Oct - 4:43

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Dans les jardins mal fréquentés
La main de l’autre emmêlée dans la nôtre, le bleu du ciel plus bleu que celui des autres - on sait que même le plus fidèle des apôtres finira par mourir un jour ou l’autre. Et même amitié pour toujours trouvée, et même après une ou plusieurs portées, elle est là qui accourt pour nous rappeler que si les hommes s’unissent c’est pour mieux se séparer. - Pierre Lapointe, Tel un seul homme
- 08.04.2004

Elle a crié pour se protéger, mais cela n’a pas fonctionné. Ton sortilège l’a frappé et l’enserre sans qu’elle n’ait pu rien faire. Ta main reste levée un instant, alors que tu regardes les liens invisibles l’enserrer… Tu aimerais être désolé, tu es simplement en colère. Pourquoi fallait-il que les choses se passent ainsi ? C’est ton anniversaire ! Enfin, c’était hier, mais c’est un peu ton anniversaire en famille. Nesta est une idiote. Nia est une idiote. Tu es un idiot. Et qu’est-ce que tu as mal bordel... Tu ramènes ta main à ton nez. Ce sortilège-là, tu le maîtrises peut être encore mieux que l’incarcerem.

- Epiksey.

Le crac est caractéristique, et tu penches la tête sous l’effet de la douleur. Elle t’avait bien cassé le nez. Arthur lève un sourcil puis avise les jumelles, considérant leurs propres bleus et leur air au mieux renfrogné. Il a ce qui te semble être un soupir de lassitude en se retournant rapidement vers Nia.

- Qu’est-ce qui s’est passé du coup ?
- Elle était là, et Rhys refuse d’agir. Il préfère s’en prendre à ses sœurs et ne veut pas nous protéger.
- Ta gueule.

Tu le frottes le visage, et essuies ta main couverte de sang sur ta chemise – elle est fichue dans tous les cas. Une si belle chemise ! Tu te demandes à quel point le coup de pied t’a abimé aussi. Tu n’as pas le temps de regarder que ton frère reprend la parole.

- Attendez, quoi ?
- Nia s’est perdue et Nesta n’a rien trouvé de mieux que de lui jeter un sort et voudrait la tuer comme si ça allait résoudre tous les problèmes.
- CA RÉSOUDRA TOUS LES PROBLÈMES !
- CERTAINEMENT PAS !
- Mais calmez-vous bordel.
- RESTE EN DEHORS DE CA ARTHUR !
- Stop. S’il vous plaît. Silence, stop.

Ta tête semble sur le point d’exploser, et tu n’oses pas imaginer ce que doivent se dire ta mère et ton fils à côté. Tu ne sais pas vraiment pourquoi ou comment ils se taisent et se tournent vers toi. Peut-être est-ce la présence d’Arthur, peut-être est-ce parce que tu as jeté un sort à Nia que les filles se sont un peu calmées ? Ce n’est pas comme si elles pouvaient réellement penser que tu ne ferais pas tout pour vous protéger, pour votre famille… Tu hausses les épaules à l’attention du benjamin.

- Je l’ai dit à Nesta, mais tuer Nia ne nous apportera que des ennuis. Ça attirera l’attention sur nous, pour rien. Je gère ça, mais à ma façon, d’accord ?
- Ok.

Les jumelles écarquillent les yeux en vous regardant et Nesta lève les bras au ciel.

- Sérieusement Arthur ? T’es encore de son côté ?
- Franchement, je m’en fous qu’elle vive ou pas. Je sais juste que y a une hiérarchie et qu’on la respecte sinon c’est le bordel – et merde, vous étiez en train de vous battre au couteau !

Tu as très envie de faire une remarque mais tu te retiens. Ça ne sert à rien de les mettre encore plus en colère. Avec Arthur à tes côtés, le combat serait sans doute plus équilibré – mais tu n’as pas envie de remettre ça. Tu as envie d’enlever ta chemise, de te laver le visage et d’oublier tout cela. Mais ça n’est pas vraiment possible.

- Et puis, ça ferait vraiment de la peine à Hamlet.
- Mais sérieux ! Mais… VOUS ÊTES IMPOSSIBLES TOUS LES DEUX.
- Sans doute, dehors.
- RHYS ?!
- J’AI DIT DEHORS !

Nesta lève une main, prête à se battre à nouveau, mais son bras est arrêté par votre benjamin. Les trois restent un instant à te fixer sans rien dire, et Arthur hausse les épaules en les entrainant avec lui hors de la pièce. Tu peux entendre les filles t’insulter en gallois alors qu’ils s’éloignent dans le couloir. Tu fermes la porte derrière eux et te retourne vers Nia que tu as pris soin d’ignorer royalement depuis que ton sort l’a touché. Quelle merde…

- Je suis désolé que tu aies eu à voir ça. Et je suis désolé pour les liens. C’est juste… Rah…

Tu ne sais même pas comment ordonner tes pensées – ça se bouscule, ça part dans tous les sens. Tu retires ta chemise et regardes ton torse. Tu n’as rien de cassé à ce niveau-là au moins. Tu soupires en te rapprochant de ton bureau et sors d'un tiroir un baume de lewisie brûlante que tu commences à appliquer sur le coup en fixant du regard sur ton amie. Elle en a trop vu, et tu détestes l’admettre mais Nesta a raison : il y a des façons de contrer un sortilège d’oubliette, et ce sera trop évident - son colocataire travaille à Sainte Mangouste non ? C'est un risque que tu ne peux pas prendre. A moins que tu n’arrives à effacer que les souvenirs de cette matinée et que tu la recouches ? Ça te paraît compliqué. Tu n’as pas vraiment envie de la menacer de mort – et en même temps c’est le sort qui l’attend certainement si tu la laisses filer avec de telles informations sans avoir la certitude qu’elle tiendra sa langue.

- Si tu repars maintenant, comme ça… Je ne peux pas te protéger de ça, et je ne pourrai même pas vraiment refuser de…

De la supprimer pour vous protéger ? Tu n’as pas envie de tuer Nia. Tu n’as pas envie que quelqu'un d'autre s'en charge, pas envie de la savoir morte, ni même malheureuse pour ce que ça peut vaut… La mort n’est pas la fin – mais ici, elle ne te paraît pas un choix raisonnable. Ou peut-être que tes sœurs ont raison et que tu te ramollis ?

- Je suppose que ça m’agacerait beaucoup s’il t’arrivait quelque chose, et que j’aurais un peu l’impression d’avoir ta mort sur la conscience étant donné que c’est parce que je t’ai invité que…

Doux euphémisme. Tu es très doué pour te montrer mielleux, moins pour être sincère sur ce genre de choses. Elle va te détester. Elle te déteste sûrement déjà. Tu n’avais pas envie de ça. Tu l’aimes vraiment bien, la belle nigériane. Hamlet l’adore. Tu ne peux pas faire ça à ton garçon…

- Écoute… J’imagine que tu es en colère – et tu as raison de l’être, mais... c’est un peu compliqué.

Tu reposes le baume maintenant vide sur le bureau, saisis ton sac sans fond et tu t’installes en tailleur devant elle. Tu fais une boule avec ta chemise et poses la main dessus.

- Aguamenti.

Tu frottes le vêtement humide contre ton visage pour enlever le sang. La fraîcheur et la sensation d'être moins poisseux sont assez agréables. Qu’est-ce que tu peux dire ? Comment peux-tu le dire ? Qu’est-ce qui est acceptable ? Qu’est-ce qui arrangerait la situation, ou en tout cas ne l’empirait pas trop ? Tu devrais sans doute la détacher… Mais elle a l’air tellement… irritée ? C’est peu dire. Tu n’as pas envie de te battre aussi avec elle.

- Je… Eh. Je ne sais même pas par où commencer. J’imagine que tu as compris qu’on est pas vraiment des cracmols à ce stade… Alors… Je peux t’expliquer mais euh… Ah… Comment dire ça… Je ne peux pas vraiment, dans un sens. Rah !... Pourquoi est-ce qu’il a fallu que tu viennes ici, hein ?

Même en considérant ta propre tolérance à tes conneries, c’est un peu trop de mauvaise foi. Tu tentes un sourire, mais il s’efface bien vite. Tout aurait pu être si simple, tout aurait pu être si bien… Tout le monde était heureux, le brunch promettait d’être délicieux, Hamlet était ravi, tu étais joyeux… Ta main s’enfonce dans le sac, et tu fronces les sourcils. Est-ce que tu n’as pas déjà utilisé ton dernier onguent d’amnésie du Docteur Oubblie ? Si, il te semble. C’est con, ça aurait peut-être pu l’aider. Ta main ressort une autre fiole.

- Hm. Tu veux euh un philtre calmant ? J'imagine que non mais... Bon, je te détache si tu me promets de rester calme et que tu ne transplannes pas tout de suite. Vendu ? Et si tu t’énerves, je te jure, je te fais avaler le philtre malgré toi. C’est… C’est important.



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