J’irais cueillir ton rêve au plus fort de la nuit le planter dans la terre et l’inonder de pluie de lumière et d’amour au soleil de midi pour que tu rêves encore chaque jour de ta vie. Je ne t’épargnerais ni le temps ni l’effort, pour que tu sois debout devant les coups du sort, solide et résistant face à l’adversité riche de ton courage et de ta liberté. Si j'étais ton chemin
- 20.02.2004
Je crois surprendre une forme de déception à mes mots sur le visage de la jeune fille. Je m’en mordrais presque les lèvres : et pourtant, c’était sans doute ce qu’il y avait de plus raisonnable à dire. Je ne peux pas me permettre de partager mes doutes, mes inquiétudes, mes rancœurs même avec mes étudiants, surtout ceux de première année, et ce malgré la tendresse que m’inspire la jeune fille. Il faut que j’écrive à Orion. Je me tords les mains. J’ai l’impression d’être perdu, un peu inutile. Rien dans mes études ne m’a préparé à réconforter une enfant qui vient de traverser une année aussi terrible que celle-ci : les blagues de mauvais goût du directeur, les attentats, les violences de l’insurrection, les renvois… On n’apprend pas vraiment la pédagogie en temps de presque guerre civile à l’université… Le sujet dévie sur le vol, c’est plus léger, plus doux. Je peux presque imaginer ma mère dans les gradins, à sourire et s’émerveiller d’un match. Elle aurait tellement aimé ça… Je ne sais pas ce qui me rend le plus triste, de n’avoir jamais pu vraiment lui montrer tout ce que permettait la magie, ou de n’avoir jamais pu – de ne jamais pouvoir, l’emmener voir un match. Elle aurait été charmante pourtant, habillée aux couleurs des Harpies, à les encourager. Le portrait qu’Eirian me fait de sa mère est charmant, aussi. J’imagine une Eirian plus âgée, debout sur un balai, devant la Lune, et cela me fait sourire. Je note sans relever pourtant l’utilisation du passé, et malgré moi mes sourcils se froncent. Pourquoi fallait-il ajouter cela aussi au fardeau de la petite Pouffsouffle ? Comme elle me paraît admirable, avec sa volonté, sa douceur souvent, son amour de la littérature, son enthousiasme, cette gamine… Il faut vraiment que j’écrive à Orion.
« Tu veux savoir un secret ? » Je lève un sourcil, et un sourire se dessine sur le coin de mes lèvres alors que je me penche vers elle. Elle baisse les yeux et retrousse son nez, visiblement peinée de ce qu’elle s’apprête à me dire. Ou déçue, peut-être ? « J'ai le vertige... » Oh. Je me pince les lèvres et penche la tête en la regardant. C’est assez triste pour une jeune fille qui souhaiterait pouvoir voler comme sa mère… Mais peut-être pas définitif ? Je pose une main sur l’épaule de la jeune fille, dans un geste de compassion que je trouve presque immédiatement maladroit. « Ça arrive. Mais c’est pas… Euh… » Je cherche mes mots un instant. « Les moldus pensent que le vertige vient, en général, d’un problème au niveau de ton oreille interne. Ça peut être lié à beaucoup de choses, et je t’avoue que je ne suis pas un spécialiste du vertige… Mais ça peut se soigner aussi, selon la cause. En tout cas les moldus essaient. Alors peut-être que ça va s’arranger, ou que les sorciers ont un traitement plus efficace ? Je veux dire, moi je ne vois absolument rien sans mes lunettes, et les traitements moldus seraient sans doute inefficace sur moi à ce stade et avec ce que j’ai… Mais il y a une potion, la potion Bomboeil, c’est temporaire mais avec je vois parfaitement sans lunettes quand je la bois… Alors peut-être qu’il existe une potion contre le vertige aussi, si ça vient bien de tes oreilles… Et si tu veux devenir une grande potionniste, peut-être que tu pourras te la faire ? » Je jette un coup d’œil à l’horloge accrochée au-dessus de la porte. Il est encore tôt. « Tu veux qu’on aille voir à la bibliothèque si on trouve quelque chose là-dessus ? Et si jamais c’est le cas tu pourras toujours demander de l’aide au professeur Rogue pour la réaliser ? Enfin si tu veux, je peux t’aider sinon mais autant j’aime beaucoup les potions autant je n’ai certainement son talent et ses compétences pour cet art… » Turing qui s’était presque fait oublier saute sur le bureau pour venir se frotter contre moi, en lançant un regard que je jurerai mauvais au corbeau de la jeune fille. Bah alors chaton, on n’aime pas les gros oiseaux ? Je caresse sa tête avant de replonger mon regard bleu de celui du blaireautin.
Il était toujours aussi amusant Lemony. Ses paroles. Son caractère. Cette manière de penser de la société humaine normale - Eirian n'appréciait guère cette désignation de l'Ordre d'Hermès étrangement insultante pour désigner un humain sans pouvoir magique. L'enfant était presque surprise d'entendre ce genre de discours très moderne surtout dans un sujet dont le problème était magique. C'était pour ça qu'elle aimait Lemony ; malgré son statut de professeur de Poudlard, malgré cette vie en leur sein, il n'avait pas perdu cette part de son identité qui lui est propre, ce passé et l'héritage qui avaient aussi construit l'homme qu'il était aujourd'hui. Un simple humain. Dans toutes les moeurs du monde non magique. Et quelque part, la fillette l'enviait. Elle espérait sincèrement, au fond de son petit coeur, qu'elle saura, tout comme lui, garder cette identité et son héritage malgré toute l'adversité que lui offrait sa nouvelle vie d'apprentie sorcière. Rester une Verbena avec ses convictions, ses croyances, ses moeurs, qui n'ont pas été dévorés et effacés par cette nouvelle culture, ce nouvel apprentissage.
Alors Eirian lui souriait, d'un tendre sourire tandis qu'il essayait de la rassurer à sa manière. La petite blaireautin était comme touchée par tant d'inquiétude de sa part et ce désir de lui venir en aide. Avec ces histoires d'oreilles et de potions. C'est marrant, la faisant sourire doucement, innocemment. Peut-être parce que, dans l'esprit d'un enfant, c'était loufoque qu'un vertige puisse venir d'un problème aux oreilles. Mais au moins, ça le mérite d'alléger cette ambiance entre eux, la rendre douce. Dénaturée de toute malveillance sans la présence des autres élèves. Et puis, l'idée d'une potion contre le vertige était fort attrayante pour l'apprentie potionniste qu'elle était. Ça serait le sommum du rêve de potionniste ça ! Le sourire n'était que plus solaire encore ! Elle bondit littéralement sur ses pieds, la motivation pulsant dans ses veines. Les doigts de l'enfant s'accrochent à la main du professeur, elle tire, l'entraîne joyeusement à se mettre sur pieds, de son regard si innocent et rieur.
— On y va ? Je veux voir si ça existe ! Et si elle existe... bon, tant pis, mais je pourrais voler comme maman ! Mais tu viendras avec moi, hein ? S'il te plaît ! Ça sera marrant et c'est pas grave si tu ne sais pas faire les potions ! Tant qu'on s'amuse ! Allez ! Allez ! S'il te plait ! S'il te plait ! S'il te plaiiiiit...
La fameuse voyelle qu'on rallonge dans un timbre des plus suppliant alors qu'elle sautillait d'empressement. Et le corbeau l'imitant dans un croassement joyeux. Oui, c'est vrai, peut-être que Severus l'aiderait bien dans la préparation de sa potion. Si jamais elle existe. Eirian n'avait aucun sur le fait qu'elle puisse la reproduire avec le Maître des Potions. Mais pour une fois, ce n'était pas tant avoir une solution qui l'aiderait à grimper sur son balais qu'il était question, de cette soudaine jovialité. La Verbena pourrait la préparer quand elle le voudra avec le Directeur, rien n'était pressé. Non, là, il était juste question que Lemony lui offrait l'opportunité de passer du temps avec elle. Lemony, lui travailleur parfois trop sérieux. Cet homme, meilleur ami d'Orion, avec plein de bonté et si intelligent. Eirian adorait Lemony. Malgré le fait qu'ils n'avaient que peu d'occasions pour se croiser et échanger. Alors, si l'occasion d'être enfin avec lui se présentait, sans personne pour les embêter... Pourquoi se priver ? Ça vaut bien d'exploser un ou deux chaudrons !
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