C’est étrange. J’ai proposé le même genre d’aide, à un autre homme, il n’y a pas si longtemps. Severus m’avais questionné sur sa mère, sur son grand père ; Uriel aujourd’hui m’a questionné sur son père, sur leurs familles. Les deux grand pères m’inspirent le même genre de sentiments : ce n’était pas des hommes que j’appréciais, je ne les connaissais pas bien et m’en portais au mieux. La tendresse que m’inspirait Eileen n’est pas exactement comparable à celle que je pouvais ressentir pour Lucius – mais elle n’a pas trahi cet amour et cette foi que je mettais en elle au moins. Je me sens moins sur le point de trahir ceux qui me sont chers en proposant mon aide au premier… Mais c’est une telle injustice, la situation d’Uriel, et je ne peux pas rester sans rien faire. Je ne sais combien cela pourrait marcher – ce n’est pas donner un titre à un héros de guerre, un soutien du Ministre, un ami de beaucoup de lords. C’est donner celui de Malefoy au bâtard de Lucius, un enfant élevé dans une autre tradition… Cela ne se fera pas sans souffrance, même pour lui.

« Qui ne voudrait pas une occasion de réparer le mal, Lord Fawley ? N’est-ce pas Sa main qui vous a conduit ici et qui nous fait avoir cette conversation, ici et maintenant ? Oui. Oui, je crois que j’aimerais déposer une plainte et que j’aimerais aussi candidater au titre de Lord Malefoy. »

Est-ce que ma présence est vraiment le fait de Dieu ? Est-ce Lui qui m’a conduit ici, qui me pousse à lui proposer mon aide, aujourd’hui ? C’est Lui, sans aucun doute, qui m’a fait l’ami de son père, son père adoptif en tout cas. Lui qui me rapproche de Jonas Lewis, m’a poussé à l’admirer en premier lieu, à l’estimer autant. Son caractère a fait le reste, mais c’est dans la maison du Seigneur que je l’ai rencontré. Ce doit être au moins Lui qui a mis Jonas sur le chemin de la mère du jeune homme qui me fait face… Après tout, pourquoi pas ? Les voies du Seigneur sont impénétrables – j’imagine qu’il est plus réconfortant de le voir ainsi que de me dire que c’est la culpabilité que je ressens d’avoir tant aimé les Malefoy qui m’a poussé à faire le déplacement. Une question me vient pourtant, une question que j’aurais sans doute du me poser plus tôt. Est-ce à Drago de payer pour les fautes de son père ? J’ai découvert celles du mien très tardivement, et je n’ai pas payé pour ses errances, ses amitiés, ses actes que je n’ai pu que présumer… Mais Drago n’est lui-même pas un saint lui-même. Il tient à ce titre, il le défendra, il sera entendu. Il n’est pas l’aîné, mais il est le légitime – au moins il aura une chance de se défendre. Uriel n’a jamais eu celle-ci jusque là. Je devrais sans doute écrire à Cissy en sortant ? Je devrais sans doute commencer par mettre de l’ordre dans mes pensées.

« Je dois le faire, Lord Fawley ; peut-être n’aurai-je jamais le privilège d’obtenir ce titre, peut-être n’aurai-je jamais la chance de voir le bourreau de ma mère en prison mais… je dois essayer. Je dois faire ce qui est en mon pouvoir pour aider, vous comprenez ? Ma mère n’est pas sa seule victime et que je le veuille ou non, le sang de son bourreau coule dans mes veines. Cela me donne peut-être une possibilité d’aider des familles, de faire le bien en récupérant ce titre menacé : je dois essayer. »

C’est admirable, ce sens de la justice. Il a raison, il n’est pas sans doute pas le seul. Il est certainement l’un des meilleurs pourtant. Je lui souris.

« Alors tu auras mon soutien Uriel. Il faut que je me renseigne, que je vérifie comment on pourrait lancer une telle procédure. Je devais le faire de toute façon pour… Je devais le faire. Je vais me répéter Uriel, mais ce ne sera certainement une partie de plaisir, j’espère que tu le comprends. Entoure-toi bien, tu en auras besoin. »

Je ne sais pas ce que je veux lui dire, exactement. Je m’inquiète pour lui, je crois. Il y a un bruit dans la maison qui me fait presque sursauter. Le silence qui s’installe un moment m’assure pourtant que ce n’est pas Jonas. C’est lui que j’étais venu voir, mais je ne suis pas certain de vouloir discuter avec lui maintenant finalement. Pas sans avoir pris le temps de réfléchir à tout cela de mon côté.

« Je ferai peut-être mieux d’y aller maintenant. Je ne pensais pas que… Je t’écris vite. Dis à ton père que je suis passé, je serai ravi de le voir plus tard. »

Je me suis relevé, et j’ai saisi mon manteau et ma canne. Mon regard gris se plonge dans le bleu du jeune homme.

« Prends soin de toi Uriel. »