Jour de colère, ce jour-là. J’ai été occupé. Le procès de Reissen, les nuits courtes et agitées, le doute, l’inquiétude… La colère. J’ai beau me le répéter, encore et encore, ce n’est que justice. Cela n’a rien à voir avec Narcissa ou Potter, c’était condamnable. Ils n’auraient pas du donner ce concert, ils n’auraient pas du mettre des sorciers en danger, ils n’auraient pas du agir si légèrement. Bestrafe Mich. Punis-moi. Et bien ils l’ont été, punis. Même s’ils n’avaient pas l’air d’y croire. Ils se sont cachés derrière la politique pour tenter d’échapper à leurs actes, et leurs actes les ont quand même rattrapés. Ce n’est que justice. Ne pas les avoir punis, ça aurait été ça, le vrai acte politique. Bien sûr que cela a été fait de façon problématique, bien sûr que Potter a réagi après trop de temps, bien sûr que ma nièce m’affirmant la bouche en cœur qu’elle n’en savait rien est elle aussi coupable. Organiser un concert gratuit pour l’anniversaire de Lucius… Il faut avoir peu de suite dans les idées pour s’imaginer que cela était une bonne idée à la base. Attiser ainsi les conflits, un dimanche… Je suis trop vieux pour ça, je n’ai pas envie de me battre comme ça contre eux. Et pourtant, ma neutralité me dessert plus qu’autre chose maintenant. J’ai lu les journaux, je sais ce qu’on dit de mon verdict. Je les ai vu défiler, les autres membres du Magenmagot, fiers et heureux. Ah ça fait les gros titres… Un politicien dont le nom est sur toutes les lèvres a toujours un peu gagné – mais je n’y étais pas comme politicien moi ce jour-là, j’y étais comme juge. La justice n’est pas à prendre à la légère.
Jour de colère, que ce jour-là. Mais au milieu de cette agitation, il y a une information qui m’avait échappé. Enfin, elle ne m’avait pas réellement échappé. Je n’étais juste pas en état de l’appréhender correctement. Mais les membres de Reissen sont derrières les barreaux, et même la presse semble se chercher pour un temps de nouveaux sujets. C’est fait, je ne peux plus revenir en arrière de toute façon. Un peu moins d’une semaine encore pour la plupart d’entre eux, moins de trois pour Bauer. Il est temps de passer à autre chose. A une autre colère. Et c’est en feuilletant les pages des journaux à la recherche d’une autre nouvelle que celle que je ne connais que trop bien que je suis tombé dessus. Mon thé m’a échappé des mains, la tasse est allée se briser sur le sol. Ce n’était pas la première fois que je le lisais, je crois. C’était la première fois que je le comprenais. Maestro est entré dans la pièce, alarmé, il m’a demandé si j’avais besoin d’aide, et je l’ai regardé, désemparé. Je n’avais que les mêmes mots, les mêmes noms à la bouche. Uriel Lewis. Lucius, qu’as-tu fait ?
Je connais Jonas Lewis depuis de nombreuses années – les choristes célestes ne courent pas l’Angleterre, ceux à la tête d’une école formant les jeunes sorciers à notre tradition et accueillant les moldus sont encore moins nombreux. J’ai une certaine amitié pour l’homme – et j’ose pensais qu’elle est réciproque. Et pourtant, alors que je transplanne devant chez lui, j’ai quelques hésitations à aller plus loin. Je ne veux pas paraître déplacé, et je sais que ce sera difficile. Lucius Malefoy, en tant qu’époux de Narcissa, est de ma famille. Et d’ailleurs, je pense que je peux lui trouver des liens de sang à peine plus lointain si je jetais un œil à ma généalogie. Et c’est pour cela d’ailleurs qu’il faut que je m’assure que tout cela est vrai. C’est une discussion qui va causer beaucoup de peine, je peux le deviner – à lui surtout, mais certainement à moi aussi. Et il a perdu sa femme – c’était il y a quoi ? Quelques mois ? J’ai l’impression que je viens remuer le couteau dans la plaie, et cela ne me plaît pas. Il me revient en mémoire, et les moments heureux avec Lucius, les discussions autour d’un thé, son visage fin et ses manières, et les moments avec Jonas à discuter, à échanger sur notre foi commune, à parler de casuistique et de textes sacrés. Lucius, qu’as-tu fait ? Depuis combien de temps ne l’ai-je pas vu ? Un criminel en fuite, un ancien mangemort… C’était déjà difficile. Mais ça en plus.
C’est le cœur serré que je me décide à frapper à la porte. Dies iræ, dies illa, solvet sæclum in favílla. Est-ce que ce n’est pas un peu mon apocalypse, la fin de mon monde ? Ce n’est pas Jonas qui m’ouvre la porte. Je ne crois pas avoir connu la femme de ce dernier, la mère d’Uriel – à peine l’ai-je croisé peut-être au détour d’une cérémonie. Mais alors qu’Uriel Lewis m’ouvre la porte, cela me frappe aussi sûrement qu’un maléfice. Comment n’ai-je pas pu le voir plus tôt ? Comment ne pas s’en être douté ? Et pourtant ce regard, la finesse de ces traits, l’or de ses cheveux… Tout est là. Il faut que je me racle la gorge, surpris de le voir lui, un peu désarçonné. Mal à l’aise aussi, un peu. J’inspire et me redresse, reprenant un peu de contenance, tachant de laisser le moins possible paraître les sentiments qui m’animent. Là, je peux même me fendre d’un sourire. « Bonjour Uriel. » Tout semble si silencieux, presque en suspension. Quelque chose plane au dessus de moi, et alourdit le cœur du vieillard fatigué que je suis. Ce n’est pas aujourd’hui qu’ils cesseront de me décevoir… Lucius, qu’as-tu fait ? « Tu vas bien ? » Je retire mon chapeau, et m’appuie un peu plus sur ma canne. Pourquoi mes vieux jours ne sont-ils pas fait de paix et de joies simples ? Pourquoi encore et toujours faut-il que je doute ? Est-ce une punition ? « Est-ce que ton père est là ? » Ton père adoptif, précise ma pensée.
Depuis quelques temps, déjà, ton monde est sans-dessus-dessous. Tu as eu les journalistes sur le pas de la porte de la maison que tu partages avec ton père dans le Londres Moldu, non loin de l’école dont il est directeur, et où il s’est rendu le matin même, un sourire d’excuses, inquiet, sur les lèvres. Ton père et toi vous êtes réfugiés chez tes oncles, son frère, pour fuir la cohue que tout ceci a déclenché. Mais au bout d’une semaine, les choses ont commencé à se tasser un peu. Vivre chez ton oncle te fait du bien… Et cet anneau à ton doigt, aussi. Tu ne peux t’empêcher de l’effleurer en te souvenant de ta discussion avec @Erin McAllister, des mises en gardes de @Nasiya Abasinde, et de la présence obsédante de @Djouqed. Alors tu as eu besoin de prendre un peu l’air. Jour de repos, il tombe bien celui-là. Tu t’es levé tôt, tu as emmené avec toi Aligheri, ton chaton qui vit comme un pacha depuis qu’il est chez ton oncle, révéré de tous, et de toi surtout, et tu t’es rendu dans la maison de ton enfance. Aligheri s’étire sur le canapé, manifestement fort aise de retrouver son logis. Tu l’as nourrit, câliné, tu as joué avec lui, observant ses réactions à la pelote de laine qui fit la douloureuse expérience de ses petites griffes acérées, et désormais, alors qu’il se vautre sur les coussins du canapé tel un Dieu vivant, tu lui grattes affectueusement la tête, attendri par ce petit bout de chat.
Ça a été un coup de tête, ce chaton. Un soir, tu es revenu de l’animalerie avec le mignon petit être entre les bras. Un coup de tête après la mort de ta mère. Un coup de folie, un autre coup de folie. Mais celui-là ne t’apporte que la plus pure des félicités ; le chaton ronronne sous ta paume, se love contre ta main, et tu souris, pour la première fois depuis bien trop longtemps. Tu souris ingénument, comme tu as pu sourire entre les bras de Djouqed. Un moment d’insouciance. Ils sont devenus trop rares, trop précieux pour que tu les laisses passer. Tes émotions font le yoyo constamment. Du rire aux larmes. De l’espoir à la détresse. Tu te sens sur les nerfs, tu es sur les nerfs ainsi qu’en témoignent les cernes sur ton visage. Tu es fatigué, las. Et pourtant, dans cet instant de pure liesse, le chaton pelotonné contre toi, tu parviens à sourire franchement, attendri, et oublier un peu, au moins, les turpitudes de ton présent.
Jusqu’à ce que l’on frappe à la porte. Ta caresse se fige dans le pelage du chaton qui a commencé à lécher ta main à laquelle il s’agrippe de ses petites pattes de velours. Tu le gratifies d’une dernière flatterie sur la gorge puis tu te lèves pour voir qui est à la porte. Tu vois ses grands yeux bleus et purs te suivre jusqu’à ce que tu quittes la pièce. Prudemment, tu t’approches de la porte, l’entrebâille pour voir qui se cache derrière, reconnaît le visage caractéristique de Lord Fawley, « papy Melchior » comme tu l’appelais gamin parce qu’il te semblait extrêmement vieux, et tu ouvres plus franchement la porte, un sourire aux lèvres. Voir un visage ami ces jours-ci te fait un bien fou.
– Bonjour Monsieur Fawley, je suis content de vous voir. Venez, entrez.
Tu t’effaces pour le laisser entrer alors qu’il te demande si ton père est là. Tu secoues la tête.
– Désolé, non. Papa est à l’école, une réparation urgente à faire sur la chaudière et l’entreprise ne pouvait passer qu’aujourd’hui… mais il est parti depuis un moment, déjà, alors il ne devrait pas trop tarder.
C’est le problème lorsqu’on a une école qui a aussi pignon sur rue dans le monde moldu : tout le personnel n’est pas sorcier, et les réparations magiques ne tiennent pas toujours très bien sur les objets de facture moldue… Ton père joue donc le jeu des deux mondes et fait les choses dans les règles de l’art pour conserver le secret magique, une entreprise de réparation plutôt qu’un reparo. Mais, ton père te l’a toujours dit, fréquenter des moldus pieux qui n’ont pas été touchés par la grâce de la magie, mais croient tout de même est une richesse inestimable. Parce qu’ils croient sans voir à l’oeuvre le miracle divin, ils méritent plus encore votre considération. Tu guides Melchior Fawley à l’intérieur, referme la porte derrière lui. Tu l’invites à prendre place dans le salon tandis que tu t’affaires à préparer du thé et des biscuits. Tu avais déjà de l’eau sur le feu pour toi, de toute façon, il suffit juste de rajouter une deuxième tasse. Tu reviens en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, et tu découvres qu’un petit Aligheri curieux a pris sur lui de frotter sa tête affectueusement contre le vieux lord anglais. Tu laisses un sourire éclatant se peindre sur tes lèvres.
– Il vous aime bien, on dirait. Vous n’avez pas encore rencontré Aligheri, je crois ?
Dante a toujours été l’un de tes auteurs préférés, découvert sous l’impulsion de ton père. D’ailleurs, la plupart des livres qui hantent le salon sur des rayonnages dépourvus de la moindre poussière sont à lui… Et tu en as lu la plupart aussi. Ton père est et restera toujours celui qui t’as arraché à un terrible destin précipité par les circonstances de ta naissance. Tu t’installes dans un fauteuil à côté de Lord Melchior Fawley, ce vieux « papy Melchior » qui t’impressionnait par sa sagesse et sa mesure et faisait briller les yeux de ton père de respect, ce Lord qui est aussi celui par qui tes amis furent condamnés… Mais tu sais que ce n’est pas lui. L’anneau, un serpent enroulé sur lui-même se mordant la queue, autour de ta phalange te le rappelle. Tout commença avec Narcissa Malefoy, et tout finira par elle. Alors tu n’en veux pas à Melchior que d’avoir été le jouet de forces qui l’ont submergé. Tu lui serres une tasse de thé et la lui confies avant de te servir toi-même.
– Comment allez-vous, Monsieur Fawley ? Cela fait un moment que je ne vous avais plus revu… Il faut dire que je travaille à l’hôpital, maintenant, le Dimanche. Je ne sais pas si mon père vous l’aura dit, mais j’ai eu un poste fixe d’infirmier aux urgences magiques. Une de mes collègues voulait avoir l’occasion de voir sa fille qui est à Prima Sapientia en semaine et ne rentre que les week-ends, alors j’ai accepté de travailler le dimanche pour qu’elle puisse passer ce jour en famille.
Aller à la messe te manque un peu, comme ça t’a manqué à Poudlard, mais tu sais que tu n’es jamais aussi proche de Dieu que lorsque tu soignes tes patients, alors tu te dis que c’est sous sa protection que tu officies.
Uriel… Je devrais être ravi de le voir, je dois l’être d’ailleurs, quelque part au fond de moi. Mais son visage ravive mon émoi. Comment ai-je pu être assez idiot pour ne pas le voir ? Je l’ai aimé ce gosse, comme tous ces gamins que j’ai pu voir grandir, j’ai admiré sa douceur, sa candeur, j’ai aimé voir cet enfant fleurir, devenir un jeune homme. Comme j’ai aimé Lucius à l’époque, comme j’ai aimé tous ces autres gosses qui m’ont pourtant fait verser tant de larmes, causé tant de peine. Mais c’était la guerre, c’était une excuse, une explication. Bien sûr, ils se damnaient, ils se fourvoyaient, ils ne m’écoutaient pas – mais je sais combien Tom pouvait se montrer persuasif, charmeur. C’était la guerre, ils avaient choisi le mauvais camp, mais des siècles de traditions et de discours pouvaient expliquer pourquoi, le talent de Jedusor pouvait expliquer comment. Mais ça… Ça ! Son père n’est pas là, il devrait bientôt revenir. Très bien. Cela me rassure presque que le monde, leur monde, ne s’est pas arrêté. Je me laisse guider dans la maison, et m’installe sur un fauteuil dans le salon alors que le jeune s’affaire à nous préparer du thé il me semble. Je me sens vieux et fatigué aujourd’hui, et je me perds dans mes pensées jusqu’à ce qu’un léger miaulement me sorte de ma mélancolie. « Oh, bonjour toi. » Ma voix est un murmure presque, et comme toute réponse le chaton décide de se frotter contre moi. Il me semble que le contact me détend un peu, je sens mes traits s’adoucir. Il m’apparaît quelques fois que les animaux sont parfois plus capables d’empathie que les hommes – Fidèle lui-même semble parfois mieux me comprendre et me connaître que certains de mes amis, reconnaître ma peine plus facilement que nombre de mes proches, et m’apaise plus certainement que les plupart des mots simplement en posant sa truffe humide sur mes genoux et en me regardant. Le sourire d’Uriel est éclatant quand il revient, et je lui rends, plus calme qu’à mon arrivée. « Il vous aime bien, on dirait. Vous n’avez pas encore rencontré Aligheri, je crois ? » Je me retourne vers le chaton. « Enchanté donc Aligheri. » Je relève le regard vers le jeune Lewis. Aligheri, vraiment ? Je ne suis même pas certain que cela m’étonne, j’ai longuement parlé littérature avec son père, et il était évident que ce dernier lui aurait transmis un certain respect pour les œuvres de Dante. « Ce n’est pas un nom très commun pour un chat… En tout cas il n’est pas farouche, ce qui est surprenant je dois sentir le chien pour lui. » Ce qui n’a pas l’air de le déranger puisqu’il se love sur mes genoux en ronronnant. Je remercie Uriel pour le thé que j’attrape en cherchant à ne surtout pas déranger l’animal.
« Comment allez-vous, Monsieur Fawley ? Cela fait un moment que je ne vous avais plus revu… Il faut dire que je travaille à l’hôpital, maintenant, le Dimanche. Je ne sais pas si mon père vous l’aura dit, mais j’ai eu un poste fixe d’infirmier aux urgences magiques. » J’acquiesce, il me semble effectivement que Jonas m’en a glissé un mot – avec quelque peu de fierté d’ailleurs, si mes souvenirs sont bons. C’est qu’il faut avoir une certaine vocation d’aider les autres pour travailler à Sainte Mangouste, et que c’est exigeant comme emploi. Je crois d’ailleurs que la conversation avait vite dérivé vers mon propre neveu, son bar et ses folies… « Une de mes collègues voulait avoir l’occasion de voir sa fille qui est à Prima Sapientia en semaine et ne rentre que les week-ends, alors j’ai accepté de travailler le dimanche pour qu’elle puisse passer ce jour en famille. » Prima Sapienta, j’avais presque oublié l’existence de cette école. Je me demande si c’est une bonne ou une mauvaise chose – d’un côté, il me semble qu’il y a une certaine justice à la proposer, que toutes les familles ne peuvent certainement pas se payer le genre de précepteurs qui nous ont fait cours, à mes frères et moi, avant notre entrée à Poudlard. D’un autre, je me dis qu’éloigné de ma mère pendant mon enfance, il m’aurait été d’autant plus difficile de devenir chœur céleste, que cela norme l’éducation selon le point de vue hermétique, cela nuit à la diversité. Et aussi, peut être, que sept ans à Poudlard, ça a été long pour moi, que cela a failli me coûter mon âme, et que si j’avais connu Tom dès l’enfance, il m’aurait sans doute été impossible de me libérer de mon admiration pour lui quelques années plus tard. Je chasse les pensées d’un geste de la main, ce n’est certainement pas l’heure pour moi de questionner ces choix, et je suis encore trop touché par le procès pour être vraiment objectif sur la politique de Potter – ces réflexions peuvent attendre quelques jours ou semaines. « C’est très aimable de ta part de faire cela pour ta collègue. » Je prends une gorgée de thé. « Je vais plutôt bien, compte tenu la situation actuelle, je te remercie. » Pieux mensonge que celui-là, je ne me sens pas bien. La justice a été instrumentalisée, l’un de ces enfants que j’ai adoré s’est avéré être pire que ce que j’aurais cru et j’ai une vague sensation que le pire est encore à venir. « J’ai eu l’esprit passablement occupé par les derniers évènements, comme tu peux l’imaginer. » Il doit le savoir, mais j’ai presque l’impression que cette dernière phrase sonne comme une excuse. J’ai été occupé, tellement occupé que je n’avais pas vu, pas compris. Bon sang Lucius, mais qu’as-tu fais ? Uriel, cet adorable chérubin, le fils de ce cher Jonas, Uriel et sa foi, sa charité, sa douceur… « Et toi, comment vas-tu ? » Je plonge mon regard d’acier dans le sien, toujours souriant, mais sans parvenir à cacher mon inquiétude ou mon émoi – sans chercher à le faire d’ailleurs. C’est vrai qu’il lui ressemble, c’est troublant de le constater maintenant.
Tu te sens en parfaite sécurité dans cet endroit. Ta maison. La maison de ton enfance, de ta famille. Celle où tu as grandi, et où tu as mûri. Celle où tu es devenu l’homme que tu es aujourd’hui, ce même homme, certes encore jeune, mais déjà responsable, au moins un peu, qui apporte le thé à un vieil homme assis, en proie aux câlins les plus éhontés du chaton qu’il a adopté. Tu ne peux pas t’empêcher de sourire de voir ce moment d’insouciance volé aux tracas. Car tu sais que rien n’est jamais si simple, si aisé. Melchior Fawley est un vieil ami de la famille. Un homme que tu admires pour sa droiture et sa connaissance des textes saints. C’est aussi un homme dont la présence te réconforte, comme une figure tutélaire vers laquelle tu sais que tu peux te tourner quoi qu’il arrive.Quoi qu’il arrive ? Vraiment ? Tu préfères ne pas imaginer ce que pourrait dire Monsieur Fawley de ta dangereuse accointance avec Djouqed. Tu n’y prêtais pas attention, vraiment, mais le serpent autour de ta phalange est aussi le symbole du tentateur. Est-ce ce qu’est Djouqed pour toi ? Une tentation ? Un tentateur ? Le Démon ? Il est dit que le Diable peut prendre les formes les plus enchanteresses pour faire pécher et fauter. Est-ce ce qu’est cet homme pour toi ? Tu ne saurais répondre à ces questions qui te taraudent pourtant. Alors tu sers le thé et tu t’amuses de voir Aligheri se pâmer sous les caresses de Melchior.
– Ce n’est pas vraiment étonnant. Mon père et moi avons habité chez mon oncle quelques temps… il y a un chien là bas avec lequel Aligheri s’entend bien.
Tu souris. Le chaton s’est accoutumé à la présence des chiens depuis que vous avez fui à l’autre bout de Londres dans la famille de ton père. Jonas comme toi avez besoin de soutien. Du soutien de votre famille. Et fuir les journalistes aussi. La chose est indiscutable. Tu te gardes bien de le préciser, tu n’as pas vraiment envie de t’étaler sur ton coup de sang, alors tu cherches à changer de conversation, et tu y arrives un temps. Tu parviens à parler de ton boulot, de ta collègue. Et puis la conversation revient fatalement sur une pente plus glissante, moins plaisante. Les mots de Melchior Fawley et surtout son regard se sont fait inquisiteurs. Tes mains tremblent un peu sur ta tasse. Il est difficile de garder ta contenance tout à fait. Est-ce que tu cherches vraiment à le faire, d’ailleurs ? Tu as détourné les yeux. Tu ne devines que trop déjà ce qui va pouvoir se dire. Tu n’es pas certain d’avoir envie d’avoir cette conversation avec Lord Melchior Fawley. Ni sur Engel et ses amis. Ni sur Lucius Malefoy. Tu n’es pas stupide : tous les sangs purs se connaissent plus ou moins, et il y a dans les yeux de Melchior Fawley, si pleins d’inquiétudes et de compassion, quelque chose qui te dit qu’il sait.
Tu dois en avoir le coeur net, pourtant. Tu parais comme figé quelques instants, et tu lâches un soupir las.
– Vous avez lu le journal.
Ce n’est pas une question. Ce n’est pas non plus une réponse à la sienne, de question. Tes doigts raffermissent leur prise sur la tasse. Tu ne sais pas bien ce qu’il espère entendre. Tu ne sais pas non plus ce que tu as envie de lui dire ou non. Si seulement ton père pouvait arriver… Tu prends une gorgée de thé. Une deuxième. Tu finis ta tasse. Le silence s’installe. Tu te lances à l’eau. Que peux-tu faire, de toute façon ? Tu doutes qu’il se contentera d’une fin de non recevoir.
– Vous le connaissez, n’est-ce pas ?
Tu n’as pas besoin de préciser qui est ce « le ». Lucius Malefoy. Tu veux en apprendre plus, et tu as appris, au contact de Djouqed, la valeur du silence. Il t’a fait parlé, beaucoup, beaucoup trop ; Tu t’en rends compte maintenant, mais tu as été pris dans une ivresse de parole alors que lui-même t’écoutait, te relançait d’un mot ou deux, te réchauffait de sa présence. Tu le sais, maintenant, avec le recul : tu t’es fait manipuler. Et pourtant, tu ne parviens pas à en vouloir à Djouqed, le sentiment de délivrance qui a suivi a été à nul autre pareil. Tu as livré ton coeur et ton âme à cet homme, et tu ne parviens pas à le regretter. Pas un seul instant.
Son silence répond à mes mots. Il détourne les yeux, et je pourrais presque jurer qu’il tremble. Oh, Uriel, Uriel, Uriel… Pourquoi fallait-il que ce soit toi, d’entre tous, que je doive ajouter au nombre de leurs victimes ? « Vous avez lu le journal. » J’acquiesce, sans répondre. Il boit en silence, je bois aussi. Le chat est toujours sur mes genoux, il ronronne, indifférent au trouble qui s’installe dans la pièce. Il finit sa tasse, et tout cela devient de plus en plus pesant. Je voulais en parler avec Jonas, d’abord. Je ne voulais pas le troubler, encore plus. Lucius, qu’as-tu fait ? Comme je voudrais l’avoir sous la main, ce gosse de malheur, et lui… Je ne sais même pas ce que je ferais. Ce n’est pas à moi de lui faire payer ses erreurs – mais il payera, bien sûr. Uriel relance de l’eau. Je ne sais pas si je dois me lever et partir, je ne sais pas ce que je dois faire, en vérité. « Vous le connaissez, n’est-ce pas ? »
Je me sens incroyablement las. J’ai l’impression d’avoir passé quarante ans à me battre contre du vent, d’être un vieux fou aux yeux de tant de monde, simplement parce que je suis né cette année là, j’ai été à Poudlard cette décennie là, je l’ai aimé, lui, le monstre, le vrai monstre, Jedusor, avant de le haïr. A mon doigt, je fais tourner la chevalière Fawley. J’ai beau être lord, ces idées là, cette rancœur m’a toujours mis dans un certain décalage. Je n’étais pas à ma place, à Poudlard, à Serpentard. Je n’étais pas à ma place dans nos soirées mondaines, ces soirées de la noblesse. Je les ai aimé, ces gosses, mais sans qu’ils m’écoutent, jamais vraiment. Que veut-il que je lui réponde, Uriel ? Que je ne le connais pas. Je suis un Fawley, combien de fois mon arbre généalogique s’est-il confondu avec celui des Malefoy. A quel point mon sang et celui de Lucius sont ils proches ? A quel point mon sang, et celui d’Uriel. Je soupire. « Oui, je le connais. » Je plonge mon regard dans celui du jeune Lewis. « Je suis Lord Fawley, Uriel. Narcissa est ma petite nièce, à un certain degré, son mari aussi. » Peut-il comprendre combien je suis désolé, dévasté ? Je les ai vus grandir, ces gosses, je les ai aimés. Ils m’ont déçu, ils m’ont blessé, ils m’ont ignoré, ils l’ont suivi aveuglément ce serpent tentateur, malgré mes mises en garde. Et Lucius… Lucius a fait, ça. J’imagine qu’il est incroyablement déplacé, de ma part, de comparer ma tristesse, ma colère à la sienne. Je suis un vieillard. Je ne les ai jamais protégés de leurs actes, tout juste ai-je fermé les yeux, pour Paul, par égard pour mon frère – mais je n’en serais pas moins droit, pas moins terrible s’il venait un jour à être capturé. Il faut que justice soit faite, pour tout, pour Uriel. Je suis un mendiant affamé de justice, en mon honneur est en haillons. « Je ne l’aurais jamais cru capable de… » Est-ce vrai ? Faut-il que je sois un idiot, pour ignorer à quoi pouvaient s’adonner des tueurs puristes… J’aurais aimé ne jamais l’en croire capable. J’aurais aimé que le doute soit permis.
« J’ai connu Jedusor, tu sais, à Poudlard. Je l’ai admiré, j’ai cherché à lui plaire. » Avec qui me suis-je déjà laissé aller à ces confidences ? A qui ai-je parlé de Tom, ces dernières décennies ? Ce gamin incroyable que je suivais partout… « Sa capacité à corrompre, c’était… incroyable. » Qui a pleuré cette pauvre Myrtle, dans le dortoir de Serpentard cette année là ? Qui n’a pas prétendu que c’était bien fait ? « Lucius… Lucius aurait pu être… Ils auraient tous pu être… La pensée puriste est dangereuse, mais pas comme ça. » Je serre entre mes mains ma tasse maintenant vide. « Je suis désolé Uriel, de ce qui s’est passé. » Je pince mes lèvres. « Il faut qu’il paye, pour ce qu’il a fait. Il faut que justice soit faite. » Et je ne laisserai personne le défendre. C’est presque avec ironie que je me surprends à me dire, pour une fois, qu’il est heureux que Nigel ne soit plus avocat. « S’il y a quoique ce soit que je puisse faire... » Je crois que je suis prêt à mettre toutes les ressources qui sont les miennes à sa disposition, mon amour pour les Malefoy, ma voix, ma place au Magenmagot, ma vieillesse, ma foi.
Lucius ne peut plus être sauvé, ni aidé. Uriel, si. Ainsi passe la gloire du monde.
Tu ne sais pas quoi penser vraiment. Tu ne sais pas non plus à quoi tu pensais lorsque tu as posé la question. Ce n’était même pas vraiment une question, et pourtant Lord Melchior Fawley te répond néanmoins. Tu ne sais pas, rétrospectivement, pourquoi tu as demandé ça. Peut-être parce que tu l’as vu acquiescer, et que tu as vu sa mine lasse. Tu ne sais pas… Peut-être as-tu voulu lui faire sentir le malaise qu’il t’a fait sentir à l’annonce de la condamnation d’Engel et de ses potes… Tes potes. Alors lorsqu’il te répond, tu soutiens son regard, tu l’observes. Il a l’air fatigué, même s’il le cache bien. Il te semblait moins vieux, moins ratatiné dans ton souvenir. Il faut dire que dans tes plus vifs souvenirs de Lord Fawley, tu es encore haut comme deux pommes, agrippé aux bras de ton père, Jonas Lewis. Cela doit sans doute jouer.
Tu hoches la tête quand Lord Fawley t’annonce ses liens de parenté avec Narcissa et Lucius. Ce n’est pas vraiment surprenant. Tu sais que tous les sangs purs sont apparentés d’une façon ou d’une autre… Et toi aussi, tu leur es apparenté. Cela t’amuse presque de songer au dégoût qui prendra tous ces bigots lorsque tu te seras décidé sur la marche à suivre… Tu as bien des idées, soufflées audacieusement par la voix de Djouqed, mais il te manque encore quelque chose. Il te manque encore la résolution. Et tu ne pourras la trouver qu’en toi-même. Tu pourrais t’agacer de ce vieillard qui contemple sa tasse vide en avouant qu’il n’aurait jamais cru capable un mangemort de telles exactions. Mais tu n’y arrives pas tout comme tu n’es pas parvenu à réellement haïr Severus Rogue. L’homme devant toi ne savait pas. L’autre s’est efforcé de se racheter. Les deux ont en commun d’avoir sur le visage tant de remord que tu pourrais en remplir toute une cathédrale. Et quelque chose te souffle qu’ils sont sincères.
Tu n’oses pas interrompre Lord Fawley, Papy Melchior comme tu l’appelais, gamin, avec tout le naturel dont tu étais capable. Tu te souviens qu’il ne s’était pas offusqué. En même temps, tu avais quatre ans et c’était la première fois que tu le rencontrais, bien lové dans les bras de ton nouveau papa. Jonas Lewis t’avais expliqué, mi-embarassé, mi-amusé, que non, Lord Fawley n’était pas son père et par voie de conséquent pas ton nouveau Papy. En dépit de toute l’amertume du moment, tu conserves encore pour le vieux Lord cette douceur-là. Alors tu l’écoutes. Et il s’excuse. Il les excuses, presque. Tu ne peux pas t’empêcher d’esquisser un sourire, un peu amer. Tu vois bien ce qu’il peut se passer dans sa tête.
– Ils ont fait leurs propres choix, Lord Fawley.
Tu ne l’as jamais appelé Lord, ou si peu souvent que tu ne t’en souviens pas. Pour toi, ça a toujours été Papy Melchior, Monsieur Fawley. Le vieil homme qui lisait parfois les Evangiles de sa belle voix à la messe.
– Vous n’y êtes pour rien. Tom Jedusor n’a fait que cultiver des idées déjà en germes. Ils ont fait leurs propres choix et ont suivi leur propre route.
Tu répètes.
– Vous n’y êtes pour rien.
Tu attrapes sa tasse, la lui retire avec douceur des mains pour la remplir à nouveau et la lui rendre. Tu te sers à nouveau aussi, le fond de thé s’est trop rafraîchi pour être agréablement consommé. Tes mains tremblent un peu, mais tu ne casses rien. Ce n’est que lorsque tu portes à nouveau la tasse à tes lèvres que tu parviens à reprendre un peu de contenance.
– Bien que cela me soit douloureux de l’admettre, je devrais presque remercier Lucius Malefoy pour ses crimes : sans lui je ne serais pas en vie… Sans lui, ma mère aurait sans doute eu une vie plus heureuse et plus épanouissante aussi, sans le moindre doute.
Tu achèves ces mots dans un souffle. Tu ne te souviens que trop des silences à la maison, et tes yeux se perdent dans le lointain. Tu revois sa froideur grandissante à mesure que tu grandis, et Jonas se mettant en quatre pour tenter de la faire sourire et de faire le tampon entre sa douleur et ton incompréhension.
– Elle n’a jamais pu me regarder dans les yeux sans détourner du regard. Plus je grandissais, plus elle le voyait. Mais elle n’a pas eu le coeur d’avorter ni de m’abandonner. Elle y a pensé, pourtant. Je suis certain qu’elle a du y penser. Mon père, Jonas, n’est entré dans ma vie que l’année de mes trois ans.
Tu ne peux t’empêcher de sourire, les yeux perdus sur les tranches des livres de ton père.
– Je savais que je n’étais pas son fils. Nous ne nous ressemblons pas tellement, et il n’en a jamais fait un secret. Il m’a élevé plus que ma mère. Il m’a choyé. Pour tout ce qui importe, c’est lui, mon père… mais je dois tout de même la vie à Lucius Malefoy.
Tu avales une gorgée de thé et ramène ton regard, ton attention sur Melchior Fawley. Tu esquisses un sourire contrit.
– Quand j’étais gamin, j’imaginais des tas de choses rocambolesques : ma mère ne me parlait jamais de celui à qui je devais le jour, et mon père n’avait seulement pu me dire qu’il n’était plus dans la vie de ma maman… Alors forcément, j’imaginais un héros de la résistance luttant contre les mangemorts… Ou un missionnaire pris dans une tempête aux larges des côtes… Un accident, peut-être. J’avais bien compris que si ma mère ne pouvait pas me regarder en face, c’était parce que je ressemblais à l’homme qu’elle avait, peut-être, aimé et perdu… Malheureusement…
Tu laisses le mot en suspens, capturant même l’attention d’Aligheri qui, lové contre Lord Melchior Fawley, semble te regarder avec cette lueur caractéristique d’intelligence flambant dans l’oeil. Tu reprends doucement :
– J’aurais préféré, je crois, ce scénario. Après son viol, ma mère n’a plus jamais été capable de se laisser toucher par un homme. Pas même Jonas. Elle aurait voulu, je pense : je me souviens de l’avoir entendu pleurer plusieurs fois pendant que mon père la tenait contre elle, le soir. Ce n’est pas ma vie que Lucius Malefoy a détruit, ce n’est pas pour moi qu’il faut être désolé ou qu’il faut faire justice, « papy Melchior ».
Tu esquisses un sourire que dément la douloureuse mélancolie allumée dans ton regard. Tu la sens, cette douleur qui te ronge. Tu la sens qui menace ta bienveillance, ta réflexion. Mais vraiment, que peux-tu y changer ? Tu es le fruit d’un viol. Peu importe combien tu le nieras, peu importe combien tu seras consumé par la haine, cela ne changera pas. Autant t’y faire et apprendre à apprivoiser le choc et la peine. Le silence s’installe, quelques secondes seulement. Tu avales encore un peu de thé et repose ta tasse.
– Saviez-vous que « Malefoy » vient du français « Male foy » qui désigne les mauvais payeurs ? Je ne peux pas m’empêcher de trouver drôle et tragique qu’une famille qui se veut aussi illustre sur notre sol de Grande Bretagne porte un nom autant marqué par l’infamie.
Tu plonges tes yeux dans ceux du vieux lord.
– Parlez-moi de lui. D’eux. Comment était le Lucius Malefoy que vous avez vu grandir ?
« Ils ont fait leurs propres choix, Lord Fawley. » Je me pince les lèvres. Le libre arbitre, ce cadeau divin. Ce qui fait les anges si grands, et les démons si terribles. Que cela me peine d’avoir tant aimé l’un de ces derniers. Je l’écoute, silencieux. Il est si doux, si bon. Il me prend ma tasse, me ressert. Je vois ses mains trembler, et je reste immobile, à le regarder. C’est un thé dans les mains et ma tasse resservie qu’il reprend la parole. Remercier Lucius. Cela me ferait rire, si je n’avais pas envie d’en pleurer. Ils vont me rendre fous, ces enfants. Il me parle de cette mère que je n’ai pas connue, de son malheur, de l’horreur que sa vue semblait lui infliger. Je sais que son époux avait le pouvoir de l’apaiser, un peu, par sa voix. Mais cela n’a pas suffi. Ma gorge ce noue. Comme je voudrais retourner en arrière, en connaissance de cause, et changer certaines de mes actions, certaines de mes paroles. Rectifier le tir. Vanité, tout cela. Je n’ai pas causé cela, et si cet enfant est né, dans cette famille, ainsi, c’est que le Tout Puissant a un plan pour lui. Pour Lucius, sans doute, également. Mais pourquoi faut-il que ce plan cause tant de douleurs, pourquoi infliger une pareille souffrance à une âme si bonne, si belle ? Les voix du Seigneur sont impénétrables. Il est parfait, en tout point. Je dois me le répéter, pour que cette histoire me soit tolérable. Comme je voudrais parler à Jonas Lewis, maintenant. « Ce n’est pas ma vie que Lucius Malefoy a détruit, ce n’est pas pour moi qu’il faut être désolé ou qu’il faut faire justice, ‘papy Melchior’. » Mon cœur manque sûrement un battement à ces mots, et je me sens soudain terrassé, écrasé par quelque chose qui me dépasse. C’est un fils, bien sûr. Un fils qui a souffert, qui a vu souffrir. Et dire que je n’ai rien vu, rien su. Ai-je fermé les yeux ? Comme j’ai fermé les yeux sur bien des choses. Comment aurais-je pu savoir que ce cher Lucius, ce garçonnet blond et souriant, en arriverait là ? Il faut vraiment que la foi soit une vertu cardinale accordé par Dieu lui-même pour qu’on ne la perde pas après tant d’épreuves. Je crois que j’admire encore plus Jonas, j’admire encore plus Uriel, en sachant cela. Et que je nous maudis, d’être tant méprisables, méprisants. Foutu orgueil, foutue pensée puriste. Tom n’était peut-être finalement qu’un symptôme de notre folie. « Saviez-vous que « Malefoy » vient du français « Male foy » qui désigne les mauvais payeurs ? Je ne peux pas m’empêcher de trouver drôle et tragique qu’une famille qui se veut aussi illustre sur notre sol de Grande Bretagne porte un nom autant marqué par l’infamie. » Je hoche la tête, sans répondre. Il en a circulé, des rumeurs, des histoires sur eux, ces derniers siècles. Sont-ils (sommes-nous ?) appelés à reproduire encore et toujours les fautes de nos aïeuls. Je pense aux lettres de mon père, brûlées après son enterrement. Non, ça n’est pas une fatalité.
« Parlez-moi de lui. D’eux. Comment était le Lucius Malefoy que vous avez vu grandir ? » Il repose sa tasse et me fixe, dans l’attente d’une réponse. Mes épaules s’affaissent. Je n’ai rien à offrir à Uriel, rien de bon ne pourrait ressortir de cette conversation – mais il mérite au moins la vérité. « Et bien… Je n’ai pas été très objectif sur eux pendant leur enfance. C’est l’âge de ma vie où j’ai compris que je n’en aurais pas moi-même, qu’Edna ne me donnerait ni fils ni fille à adorer. Alors rien n’était plus beau, rien n’était plus doux que de les voir, de les entendre rire. Lucius… Il était charmant, charmeur, vif ou tout du moins plutôt ingénieux. Il avait déjà certains des traits des serpents, bien sûr, mais comme beaucoup d’entre nous. Il a été orgueilleux, déjà très jeune, mais il savait déjà convaincre, enchanter son monde pour qu’on l’accepte. La faute à Abraxas, son père, sans doute - ce ne sont pas des pêchés que l’on condamne vraiment dans ces milieux-là, au contraire. » Je crois que cela aurait eu quelque chose d’incroyablement inquiétant, d’emmener un enfant au monde dans ces sphères. Je n’aurais pas coupé au mariage arrangé, à l’ambition dévorante, à la promesse d’un monde qui peut être pris en tendant seulement la main. Ma mère avait su me raisonner, me remettre les pieds sur terre, m’élever au-dessus de tout cela, et me donner envie d’autre chose, le goût d’une autre forme de grandeur. Edna ne l’aurait pas fait, elle en aurait été incapable. Est-ce si terrible, si triste, que cette femme n’ait jamais été la mère de mes enfants ? J’en doute, et j’en viens à détester le destin de me l’avoir donné elle, plutôt qu’une autre. Je n’étais pas un si mauvais mari, au début. Je voulais vraiment bien faire. Sa trahison n’en a été que plus amère, et elle m’a presque coûté mon salut. « Abraxas Malefoy, son père, je l’ai croisé à Poudlard. Nous n’avions pas tout à fait le même âge, et très vite nous n’avons pas eu les mêmes intérêts – mais il était à Serpentard, comme moi. Il a essayé de forger Lucius à son image, sans jamais y arriver vraiment il me semble. Jusqu’ici, je pensais que ça n’était pas plus mal, Abraxas était un Malefoy jusqu’au bout des ongles, et les Malefoy ont toujours eu une… certaine réputation. Ce que tu trouves drôle et tragique, ça n’est que le reflet de quelque chose qui se sait, se dit à demi-mot, et ce depuis… » Je suis certain d’avoir vu l’arbre généalogique Malefoy un jour, et je cherche dans ma mémoire. « Le onzième siècle et l’arrivée d’Armand Malefoy en Grande Bretagne, j’imagine. C’est le genre d’héritage qu’on porte malgré soi ou qu’on assume. Abraxas l’assumait. Lucius, Lucius c’est autre chose. » Il est moins difficile d’assumer un héritage comme le mien. « Je ne l’ai pas vu comme mauvais, Uriel. Je veux dire… Son père a fini par prendre la marque, et il était évident qu’il ferait la même chose – mais je blâmais Tom surtout. J’ai cru que Lucius, j’ai cru que tous ces gosses que j’ai tant aimés, que j’ai fait sauter sur mes genoux, pourraient s’élever au-dessus de tout cela. Faire mieux. Et je crois que cette envie, pour eux, m’a aveuglé sur beaucoup de leurs failles, de leurs erreurs. » Je soupire. « Je suis navré Uriel. Ce que je sais ou ne sait pas sur Lucius ne changera rien, à ce stade. Je ne peux rien faire d’autre que de compatir, pour ce qui est arrivé à ta mère, et être désolé. Mais ça ne changera rien. Cependant, il est des crimes qui ne doivent pas rester impunis. Tout ce que je peux faire, c’est t’offrir tout le soutien que je peux apporter, avec mon rang, mon rôle, ma position dans ces sphères-là, si tu le désirais. » Pour combien de ces gosses ai-je levé la main, quand on a demandé qui votait coupable, pour les envoyer à Azkaban ? Coupable, Lucius l’est, et d’un crime terrible, un crime qui me touche trop personnellement. Il n’est pas raisonnable de se mêler de justice quand on est impliqué, mais j’imagine qu’après les derniers évènements, je ne suis pas à cela prêt. Ma main est tendue, mon aide proposée – Uriel et le Créateur décideront si cela était avisé de ma part.
Tu le regardes à ton tour, ce vieux Lord Melchior Fawley. Ce « Papy Melchior » comme tu l’as appelé les premières fois où Jonas, ton père, te le présenta. Tu vois le voile passer dans son regard et entend indubitablement le bouillonnement d’émotions faire vaciller cette voix que tu as toujours associée à l’Église et à la religion aussi loin que remonte ton souvenir. Tu ne peux pas t’empêcher de le scruter, Lord Fawley, de l’écouter, et à mesure qu’il déroule pour toi le passé des Malefoy, tu te laisses bercer par ces soupçons de ton histoire. L’histoire de tes origines. Qu’ils le veuillent ou non, ces empaffés blonds, tu es des leurs et c’est par ta main que le Jugement s’abattra. Tu t’en fais le serment. Tu t’en est fait le serment dans les bras de Djouqed, bien sur, mais être là, écouter Lord Fawley te parler du passé, de ton « père », de ton « grand-père ».
Comment aurais-tu été accueilli dans cette famille ? A coup de poignard, sans doute. Les mots de Severus Rogue tournent dans ta mémoire. « Si Lucius avait su, il vous aurait sans doute supprimé ta mère et toi. » Tu mesures combien cela est probable en écoutant le portrait dressé d’Abraxas et de Lucius. Tu peux imaginer ce que c’est que de naître sous les attentes démesurées d’un père. Tu l’as vu à l’oeuvre dans le comportement de Drago Malefoy, à Poudlard, qui ne faisait que parler de son père et le brandir comme argument d’autorité à chaque fois que quelque chose lui déplaisait. Tu ne l’as pas connu longtemps, ce demi-frère. Tu quittais presque Poudlard quand il était réparti à Serpentard pour devenir le petit monarque de la maison. Tu as été victime de ses quolibets, mais il a été loin d’être le pire de tes camarades de classe. Non, vraiment… A ce niveau là, tu n’as rien à reprocher à ce benjamin qui vient de découvrir que le loup grondait déjà dans la bergerie Malefoy.
Tu lèves les yeux vers Melchior Fawley lorsque celui-ci s’excuse à nouveau et t’offre son assistance. Une part de toi est touchée qu’il reconnaisse ta souffrance. C’est un baume qu’il applique sur les blessures familiales en promettant de meilleurs jours. C’est un souffle qu’il exhale de ses lèvres pour appeler des lendemains plus heureux pour quiconque endure les épreuves de ce monde. Une autre part de toi, plus profonde, plus intime, plus secrète, se réjouit de cette opportunité. Tu feras payer les Malefoy, et tu le feras dans la plus parfaite légalité. Le crime ne se peut payer que par le tribut. Tu souris doucement et pose ta tasse pour prendre entre tes paumes les mains parcheminées de Lord Fawley. Tu te répètes, tu veux alléger le poids de la culpabilité qui semble terrasser Melchior. Tu n'aimes pas le voir aussi défait. Pas un homme comme ça. Pas un homme comme lui.
– Vous n’y êtes pour rien, Lord Fawley, vous n’avez pas à porter le poids des choix funestes de Lucius Malefoy. Toutefois, j’apprécie votre soutien, et je suis confiant. Je sais que tant que des hommes comme vous siégeront au Magemagot, les victimes pourront espérer être entendues et leurs bourreaux justement châtiés.
Tu l’espères. Tu l’espères vraiment. Mais que peux-tu faire hormis appeler de tous tes vœux la foudre divine ? Que peux-tu faire sinon espérer que son courroux s’abatte sur les impies et terrasse le bourreau de ta mère ? Tu veux bien être l’instrument de cette destinée. Tu te battras pour cela. Tu ne sais pas encore comment, mais tu sais que tu peux compter sur Djouqed pour t’aider. Sur Severus. Sur Lord Fawley. Bientôt, le trône des Malefoy vacillera.
– Pensez-vous que mon père et moi puissions déposer une plainte contre Malefoy ? Avoir un recours légal ? Je ne veux pas que le supplice de ma mère tombe dans l’oubli, et je veux que Lucius Malefoy paie pour tous ses crimes. Pensez-vous que cela soit possible ? Je veux dire... je sais bien que de toute façon je ne serai jamais qu'un fils bâtard, je n'ai aucune idée de ce que je peux faire, vraiment... Ce n'est pas comme si je pouvais prendre le manteau de Lord Malefoy pour corriger les erreurs de Lucius, si ?
La perche est lancée avec un haussement d'épaules et un naturel désarmant. Fatalité calculée. Le monstre est en marche. Et que Dieu reconnaisse les siens.
Son regard clair s’est levé vers le mien. « Vous n’y êtes pour rien, Lord Fawley, vous n’avez pas à porter le poids des choix funestes de Lucius Malefoy. » Uriel, oh, Uriel ! Il me semble que bien des maux qui me pèsent, bien des choix, des amitiés, des amours même que je regrette peuvent être effacé par la certitude que des hommes comme lui existe, comme son père. Je ne pourrais perdre ni ma Foi ni mon Espérance tant que je pourrais voir ce que cet enfant est en train de devenir. Il n’a rien hérité d’Abraxas, à part sa chevelure blonde. « Toutefois, j’apprécie votre soutien, et je suis confiant. Je sais que tant que des hommes comme vous siégeront au Magemagot, les victimes pourront espérer être entendues et leurs bourreaux justement châtiés. » Je me pince les lèvres. J’aimerais en être aussi certain que lui. J’aimerais avoir ce genre de certitudes – mais j’ai participé à cette parodie de justice il y a quelques jours. J’ai annoncé le verdict, le jugement. Ils étaient coupables, mais ils ne méritaient pas ça. Ai-je été aveuglé, à d’autres moments de ma vie, d’une façon similaire ? Combien de ces amis, de ces enfants ai-je envoyé à Azkaban, sans sourcillé ? Parce qu’ils avaient pris la marque, suivis Tom, malgré mes mises en garde ? Etait-ce une vraie justice, ou une vengeance ? Et n’ai-je pas admiré Nigel, qui les défendait ? Mes mains tremblent. Oh mon Dieu, Paul ! Mon neveu vit, libre, loin, tranquille. A-t-il commis le même genre d’exactions ? Suis-je complice de cela aussi ? Y a-t-il ce même genre de taches dans mon sang, dans ma lignée ? Les cantiques appris par cœur me reviennent. Culpa rubet vultus meus supplicánti parce Deus. Je ne peux que prier. Et l’aider. « Pensez-vous que mon père et moi puissions déposer une plainte contre Malefoy ? Avoir un recours légal ? Je ne veux pas que le supplice de ma mère tombe dans l’oubli, et je veux que Lucius Malefoy paie pour tous ses crimes. Pensez-vous que cela soit possible ? Je veux dire... je sais bien que de toute façon je ne serai jamais qu'un fils bâtard, je n'ai aucune idée de ce que je peux faire, vraiment... » Un recours légal ? Bien sûr, que cela serait possible, mais à quoi cela servirait à ce stade ? Il faudra que ce soit ajouté aux charges contre lui, mais il est déjà en fuite, et il sera envoyé à Azkaban de la même façon. Ca n’est pas une raison pour ne pas agir, mais cela me semble être trop peu… « Ce n'est pas comme si je pouvais prendre le manteau de Lord Malefoy pour corriger les erreurs de Lucius, si ? » Je crois que j’écarquille les yeux, surpris par l’idée. Est-ce que ce serait possible ? Il y a toujours eu cette idéologie puriste derrière les titre de Lords, Uriel n’est qu’un bâtard aux yeux de mes pairs, un bâtard né d’une moldue qui plus est. Mais Potter est un sang mêlé, et il porte deux titres. Je me suis engagé à aider Severus Rogue, dont la mère a été déshéritée après s’être mariée avec un moldu. Ce serait justice, s’il portait le titre, le nom. Il est le fils aîné. Il est meilleur qu’eux, que beaucoup d’entre nous. C’est un Chœur Céleste - il y aurait un Chœur Céleste de plus au Magenmagot. Mais Drago est toujours vivant, c’est son titre. A moins que… Quels étaient-ils, les mots de ma nièce, déjà ? ‘Par la présente, Monsieur le ministre, nous déclarons notre indépendance : nous renonçons à la protection du Ministère et refusons désormais toute intervention dans nos affaires. Nous retirons nos biens du domaine géré par les autorités magiques, et nos patrimoines financiers de la juridiction de Gringotts.’ En restant sur les Terres de Feu, en restant un insurgé, il y a renoncé, d’une certaine façon. Mais il est vivant, et ce n’est pas comme si je pouvais conseiller à Uriel de le tuer pour faire valoir un droit de conquête. Je me redresse sur mon siège, et caresse mon menton, songeur. « Ton père et toi devriez effectivement déposer une plainte, je pourrais vous aider pour la procédure si vous le souhaitez. Cela sera ajouté au dossier de Lucius, et il sera jugé en conséquence le jour où sa fuite prendra fin. Son crime sera reconnu, et puni, un jour. » Je l’espère. « Pour le titre de Lord… Ça ne serait pas si ridicule. » Je m’agite sur mon fauteuil, et vais chercher la tasse que j’avais reposée. « Je ne peux rien te promettre Uriel, entendons-nous. Lucius a un fils légitime, et une partie du Magenmagot n’appuiera jamais ta demande mais… Il y a peut-être quelque chose à faire. » Ce qu’il me restait de thé est presque froid, maintenant. « Les titres des Insurgés sont en danger, et si Drago ne quitte pas les Terres de Feu, il perdra sa légitimité à succéder à son père. Tu es son fils aîné, même si tu es illégitime, tu n’as commis aucun des crimes que l’on pourrait reprocher aux autres membres de sa famille… Il te faudrait l’appui d’une majorité de nos pairs, et de Gringotts sans doute, puisqu’ils gèrent un certain nombre de titres aujourd’hui… » Au moins, ils ont la gestion de la plupart des titres des familles qui s’opposeraient par principe. Je plonge mes yeux gris dans ceux du jeune homme qui me fait face. « Ça ne serait pas simple. Ca ne serait pas… Disons qu’il y a des Lords qui s’y opposeront, avec des arguments discutables, voir du mépris ou même…. Et… Ils ne reculeront devant rien pour discréditer ta candidature. Chacune de tes actions, chacun de tes mots seront scrutés, entendus, répétés, déformés… Mais ça n’est pas impossible. Je peux t’aider mais… » Du bout de mon pouce, je fais tourner la chevalière Fawley à mon doigt. N’est-il pas trop bon, trop innocent pour ça ? Est-ce qu’il ne faudrait pas, justement, que des meilleures personnes siègent. « Est-ce que… Est-ce que c’est ce que tu voudrais ? »
Tu l’écoutes, presque éberlué. Ses mots glissent, se fondent les uns dans les autres pour former ces phrases porteuses d’un espoir fou et vertigineux. Honnêtement, tu ne t’attendais pas à ce qu’il morde à l’hameçon de cette façon. Pas aussi facilement. Ta désinvolture semble avoir touché l’homme, de même que ton histoire, ta souffrance. Tu sais qu’instrumentaliser ta douleur pour ta vengeance est cynique, mais ça l’est toujours moins que d’instrumentaliser celle des autres à des fins politiques… Ou du moins c’est ce que tu supposes.
Tu le vois hésiter, tourner autour du pot, poser la question fatidique et exposer les premières pierres de l’idée où tu voulais l’emmener. Arracher le titre Malefoy à Drago, laissé vacant par l’alliance des Terres de Feu. Les frapper là où la douleur sera la plus grande. Puisqu’ils ont fait scission… quelle légitimité auraient-ils à rester au gouvernement ? Même si tu ne peux bénéficier que du titre et de la place au magenmagot en laissant la fortune du patrimoine Malefoy aux autres, ne serait-ce pas déjà une victoire que de les déchoir tout à fait ? Et en tant que victime, tu ne doutes pas pouvoir démanteler leur patrimoine en dommages et intérêts au cours d’un procès. Tellement de possibilités. Tellement d’idées. Tellement de vengeances à portée de main. Tu regardes tes paumes, ta tasse, Melchior. Tu es troublé par la proposition qu’il te fait. Tu l’as espérée, mais l’entendre, c’est différent. Une aide, un soutien. C’est presque inespéré dans cette traversée du désert depuis la mort de ta mère à l’automne dernier.
Tu as le coeur qui bat à tout rompre. Tu l’écoutes. Tu le laisses dérouler tout le fil de ses pensées, de ses impressions. Tu le laisses faire ses suggestions. Et tu sens ce vertige. Ce vertige fou de celui qui peut enfin prendre sa vie en main. Enfin déployer ses ailes. C’est à ce moment là que tu finis par répondre, presque timidement.
– Qui ne voudrait pas une occasion de réparer le mal, Lord Fawley ? N’est-ce pas Sa main qui vous a conduit ici et qui nous fait avoir cette conversation, ici et maintenant ? Oui. Oui, je crois que j’aimerais déposer une plainte et que j’aimerais aussi candidater au titre de Lord Malefoy.
Tu es décidé. Tu t’es décidé. Les mots soufflés à ton oreille par Djouqed te poussent, t’aiguillonnent. Est-ce que tu t’apprêtes à faire une erreur ? Sans doute. Sûrement. Mais n’est-ce pas cela que de vivre aussi ? Faire des erreurs, essayer, oser ? Tu n’arrives pas à te défaire du souffle que Djouqed apporte à ta vie. Tu n’aurais jamais, oh grand jamais, osé te lancer dans pareille entreprise avant. Avant la mort de ta mère. Avant Djouqed.
– Je dois le faire, Lord Fawley ; peut-être n’aurai-je jamais le privilège d’obtenir ce titre, peut-être n’aurai-je jamais la chance de voir le bourreau de ma mère en prison mais… je dois essayer. Je dois faire ce qui est en mon pouvoir pour aider, vous comprenez ? Ma mère n’est pas sa seule victime et que je le veuille ou non, le sang de son bourreau coule dans mes veines. Cela me donne peut-être une possibilité d’aider des familles, de faire le bien en récupérant ce titre menacé : je dois essayer.
Il y a presque quelque chose de désespéré dans ta voix. Ne plus jamais être impuissant.
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Tellement désolé pour le retard Je meurs un peu sur les partiels ! En tous cas, merci de ta patience