Un mercredi après-midi du mois de février 2004, jour 5 du Cycle Lunaire
Mara s’étonnait de le savoir alumni de l’Université de Manchester. Les sorciers qui connaissent un peu le système universitaire moldu étaient assez rares, et parmi eux, encore plus rares étaient ceux qui trouvaient cela louable qu’un sorcier ait pu étudier parmi la sous-race que pouvaient représenter à certains yeux les êtres non-magiques. C’était l’impression que donnait pourtant la jeune femme, dans le ton que prenait sa voix. Briser cela, le respect qu’elle pouvait trouver à son égard pour une sombre affaire de cycle menstruel provoquait chez Malachy une déception immense. Sa vie était plus simple, maintenant que tout le monde était au courant. Il avait été confronté plusieurs fois à cette situation, adolescent et jusqu’à ses vingt-cinq ans, quand il s’était finalement recensé. Il avait cru devoir mentir à de nombreuses occasions, ou alors, il avait choisi de sortir avec des lycanes, amies de la familles, héritières d’autres meutes, vers lesquelles il n’était attiré que parce qu’avec elles, tout était plus simple. Et puis, en 2002, tout le monde avait été au courant, et sa vie amoureuse avait été plus simple. Il y avait celles qui savaient et qui ne voulaient pas entendre parler de lui, et il y avait les autres. Dans quelle case se tenait la Crécerelle ? « J’ai obtenu une Maîtrise en Histoire du Royaume-Uni, avec une spécialisation sur l’ère Victorienne. C’est comme ça que j’ai eu mon poste à Poudlard, comme Professeur d’Histoire Magique et Moldue » – entre autres préoccupations politiques qui animaient @Severus Rogue, évidemment, et qui l’avaient poussé à embaucher ce professeur un peu différent.
Malachy aussi, était étonné. Son après-midi était en train de radicalement changer d’allure par cette rencontre inattendue. Il aurait dû s’en douter, toutefois. Ça arrivait souvent, avec les femmes. Il les rencontrait, au Lyons’ Den, en soirée chez un copain de l’Université, sur les gradins d’un match de Quidditch, et quelque chose cliquait. Et dans la majorité de ces rencontres, une amitié commune avait balisé l’essentiel. Mon copain Malachy sera au match avec nous. Il est prof à Poudlard, et il est Loup-Garou. Quelque chose comme ça, qui permettait un tri en amont. Mara n’avait pas bénéficié de ce petit résumé sur sa personne, et pire que ça, c’est lui qui devait lui faire. Et alors qu’il avait regretté cette après-midi parce que Jude le poussait à quitter son château écossais alors qu’il avait eu mieux à faire, il la regrettait désormais parce qu’il se sentait sur le point d’être déçu. Pourtant, elle connaissait le football, avait déjà regardé des matches de Premier League, et c’était sans doute une qualité primordiale, même si elle disait ne pas avoir suivi le championnat ces derniers temps. Elle semblait aussi être une bosseuse, du genre à aller s’enterrer dans une petite boutique du Chemin de Traverse après avoir brillé sur son balai sans que cela l’insatisfasse profondément. C’était une valeur qu’elle et lui partageaient, visiblement. Malachy serrait des dents, alors qu’il essayait d’oublier qu’en plus de tout cela, et point primordial de sa déception, Mara brillait dans ce coin sombre du glacier Fortarôme. Elle avait une aura autour d’elle qui l’attirait, qui l’hypnotisait même, et il n’était pas encore tout à fait prêt à ce que cette bulle n’éclate. La machine était lancée, pourtant. Il distribuait les informations çà et là, et bientôt, elle saurait. Elle n’était pas idiote, contrairement à la réputation de tête de dure que pouvaient parfois acquérir les batteurs des équipes de Quidditch. Ça se voyait dans ses yeux qu’elle cherchait à comprendre, il la sentait comme disparaître, et Malachy devait user de subterfuges comme le vol de chamallows pour la ramener à lui. Ça ne fonctionnerait pas, et comme la batteuse qu’elle était, elle ne lâcherait pas le Cognard de vue. Malachy pouvait bien glisser sa petite cuiller dans sa tasse, et la boule de sucre sous sa langue, aucune importance. Aucune distraction n’était admissible, et il n’avait qu’à laisser faire. Ses questions étaient quasiment rhétoriques, et il était certain qu’elle n’écouterait pas sa réponse : « aucune interdiction, on cherchait juste à ne pas trop se faire remarquer ». Ce n’était qu’un moyen pour elle d’éliminer les possibilités, afin d’arriver à la réponse qu’elle attendait. Malachy pouvait voir qu’elle l’avait sur le bout de la langue.
Il n’aurait rien à lui dire, ainsi. Elle trouverait seule. Et lui terminait son chocolat chaud, laissant glisser le liquide épais et amer jusqu’au fond de sa gorge. Dehors, la nuit tombait, et il se léchait les babines, prêt à détaler une fois qu’elle aurait compris, et qu’il verrait au fond de ses yeux la peur ou le dégoût auxquels étaient voués les ressortissants de son espèce. Sa voix se faisait plus rapide, en mentionnant Hermione Granger, avant qu’elle ne se coupe au milieu d’une phrase. Elle avait compris.
Malachy se recula au fond de sa chaise, expirant, son regard suivant le moindre de ses mouvements alors qu’elle cherchait la Lune de ses iris marrons, presque gris, dans une certaine lumière. Un sourire naquit sur les lèvres du loup, qui avant d’être déçu fut impressionné. C’était allé vite. Il ne lui avait pas fallu grand-chose pour qu’elle trouve, finalement. Ou alors, il était devenu très mauvais pour cacher ce secret. Mais son sourire s’effaça bien vite alors qu’enfin, elle le désignait : « Est-ce que vous êtes des... loups-garous ? » Plus que ça même, Malachy baissa les yeux, cherchant à éviter son regard, comme pris en faute. Elle s’était approchée de lui, pourtant. Elle s’était avancée sur la table et avait parlé plus bas, par prudence ou par discrétion, certainement. Mais il avait aussi été attentif aux tremblements qui avaient ému sa voix, et ainsi, il se reculait encore un peu plus sur sa chaise à bois, le dos en arrière et la tête très droite. Il était très sensible aux peurs que pouvaient ressentir les humains autour de lui, et dans ces moments-là, il se sentait comme une bête chassant sa proie. Il éloigna ainsi sa truffe de ses effluves, ne tenant pas à savoir si, véritablement, elle avait peur. Encore une fois, il voulait éviter toute déception. Il lui semblait avoir soudainement perdu toute l’assurance qu’il avait pu gagner ces dernières minutes avec elle, et qu’il trouvait, de façon générale, avec les nanas. Il était revenu à la préadolescence, quand celles-ci étaient le plus grand obstacle qu’il aurait jamais à affronter. A côté d’elles, la guerre était pacotille. C’était l’avantage que pouvaient avoir les rapports entre les hommes et les femmes ; quand ils n’étaient pas source de combats atroces, ils permettaient souvent, jolie réciproque, de les oublier.
Mara avalait une nouvelle gorgée de sa boisson, et Malachy crevait de chaud. La honte, certainement, que lui provoquait la situation, ainsi que la honte d’avoir honte. Il avait vingt-sept ans, il était né ainsi, et mourrait certainement comme ça aussi. Il était trop vieux pour la honte, désormais, et s’en voulait de la ressentir. Il pouvait bien la laisser à l’adolescence, justement. Ça ne devait plus le concerner, mais ça l’attaquait bien malgré-lui, dans cette situation. Jude aurait ri, si elle l’avait vu là. Elle se serait moquée, et ça n’aidait pas. Ou peut-être que si. Ses épaules s’assouplirent, et il fouilla dans la poche intérieure de sa cape pour en sortir quelques gallions qu’il laissa tomber sur la table. « Je le suis. Ma mère aussi. » Pour l’heure, ils étaient les deux seuls recensés de la meute. Et s’il pouvait bien parler de leur condition à tous les deux s’il le souhaitait, puisqu’elle était de toute façon officielle, il lui était tout à fait impossible de parler des autres. De ses frères, en premier lieu, mais aussi de son père ou de ses grands-parents, qui vivaient toujours avec cette part de leur identité éconduite. Ce n’était pas son secret à révéler, mais le leur. « Le business et les moldus sont une bonne cache, pour les gens comme nous. Pas d’emmerdes, on peut bosser quand on veut, autant qu’on veut, sans que ça ne pose de problème à personne. » Le ton de sa voix se faisait revendicateur. Comme si Mara était responsable de millénaires de pogroms et de haine systémique à l’égard des loups-garous. Comme si, d’ailleurs, elle avait suggéré que ça avait été légitime. Il ne savait pas bien ce qu’il aurait pu espérer de mieux, en guise de réaction. Après tout, elle n’était pas encore partie en courant, elle était encore là, à terminer ce chocolat chaud que lui s’apprêtait déjà à payer. « Dès que j’en ai eu l’occasion, je me suis barré. Je n’avais pas envie de vivre caché, justement. Alors je me suis fait recenser, je me suis démerdé pour être embauché comme prof à Poudlard, et puis j’ai été contacté par la Gazette, pour l’article, et j’ai accepté. » Vivre caché, très peu pour lui. Depuis l’Ordre, particulièrement, pour lequel il avait été débauché précisément pour sa lycanthropie, et que tout le monde, autour de lui, avait été au courant. Ça avait été l’argument principal, quand il avait fallu convaincre les siens que le recensement était une bonne idée. De son côté, tout le monde était déjà au courant. Tous ceux qui importaient, au moins.
Malachy leva la main, pour qu’un serveur vienne récupérer les sous et lui fasse de la monnaie, qu’il laisserait certainement gésir sur la table en guise de pourboire. Elevé dans un bar, hein. On ne tarda pas à le servir, et Malachy glissa à la joueuse : « J’ai un Portoloin, je ne devrais pas tarder. Je t’enverrai l’article par hibou, si tu m’y autorises. Ça te fera rire, je pense. » Il glissait ça innocemment, juste comme ça.
Recevoir un hibou d'un loup-garou, ça n'engage à rien du tout.
Le portrait de Malachy se dessine petit à petit. Pourtant, je décèle encore tant de mystère. Mais je dois avouer que ce ne serait pas intéressant de découvrir toute l'histoire d'une personne dès la première rencontre, seulement, en savoir un minimum pour savoir à quel type de personne on fait face, c'est toujours une bonne chose. J'ai toujours été partagée en ce qui concerne la première impression. Parfois, il faut s'y fier, c'est celle qui est la plus juste, car il n'y a pas de filtre, parce que la personne n'a pas le temps de mettre un masque. On sait tout de suite si ça passe ou si ça casse. Mais parfois, certaines personnes ne dégagent pas extérieurement ce qu'elles sont intérieurement, et parfois c'est lié à un rôle joué en permanence, une carapace pour se protéger. De quoi ? Bien souvent, on ne le sait pas vraiment.
Sa maîtrise d'Histoire du Royaume-Uni, sa passion pour le football, le fait qu'il soit Irlandais, et ses bouclettes bien trop envoûtantes pour que je ne puisse m'arrêter de les remarquer, toutes ces petites choses m'aident à faire le portrait de ce cher Malachy Lyons. Pourtant, il y a des indices dans ses mots, il ne les choisit pas par hasard, et ça me fait réfléchir. Je n'ai pas autant fait travailler mon esprit depuis que j'ai quitté Poudlard, je crois. J'ai l'impression de jouer à un jeu, peut-être parce que j'ai envie de m'amuser tant que l'on peut oublier la partie fâcheuse qui nous a réunis tous les deux autour de cette table et de ces chocolats chauds. En ce moment, la moindre chose qui peut me faire oublier mon accident, le Quidditch et le fait que je suis en train de complètement foutre en l'air ma vie, c'est important pour moi. J'assemble donc tous les morceaux du puzzle, je reviens sur ses mots, sur Granger, et finalement, tout devient plus clair dans mon esprit.
Je lui pose la question, finalement, mais je pense avoir ma réponse, à moins qu'il ne soit si doué que ça pour me mettre sur une fausse piste et jouer avec moi. Je tremble légèrement, parce que j'ai eu une enfance où dans les contes moldus que ma mère me lisait, les loups-garous étaient des créatures terrifiantes. Mais aussi parce que dans ce monde sorcier dans lequel je vis, j'ai malheureusement pu témoigner de certains loups-garous loin d'être enclins à faire le bien autour d'eux. Mais j'imagine qu'être loup-garou n'empêche pas une personne d'être droite et juste, d'être drôle et adorable. Après tout, c'est une malédiction dont il faut se méfier une fois par mois, j'imagine. Je n'ai pas été la plus attentive des élèves lors du cours sur les loups-garous, et là, à cet instant précis, je le regrette.
A ma question, je n'ai obtenu pour réponse qu'un silence et des yeux qui s'abaissent. J'imagine que la réponse est oui. Il se recule, et je fais de même, alors que je m'étais rapprochée de lui pour ne pas avoir à crier sur tous les toits ce que je pensais avoir deviné. C'est donc vrai ce que l'on dit, la personnalité du lycanthrope semble être similaire à la lune, changeant constamment. Le Malachy qui était face à moi avant que je ne prononce le mot 'loup-garou' n'est plus le même à présent. Pour combler le silence, je termine ma tasse de chocolat chaud, ne sachant plus où me mettre, ne sachant pas quoi dire. Il finit par me répondre finalement, confirmant ma supposition tout en sortant quelques pièces de monnaies qu'il laissa tomber sur la table. Je me sens coupable lorsqu'il reprend la parole. Il est vrai que les loups-garous n'ont jamais été intégrés à la société sorcière, et c'est probablement pour cette raison même que je ne sais comment réagir, ni quoi dire. Il expliqua qu'il s'était fait recenser et qu'il avait tout fait pour s'intégrer.
« Je... »
Je ne sais pas quoi dire. J'ai envie de lui poser des questions, mais vu le changement de ton, je me demande si c'est une bonne idée, je ne voudrais pas avoir l'air de me mêler de ce qui ne me regarde pas, de poser une question déplacée ou quoi que ce soit du genre. Je suis à deux doigts de présenter mes excuses pour avoir insisté pour amener le sujet sur le tapis. Puis finalement, ma phrase reste en suspens. Il fait un signe au serveur et me dit qu'il doit partir, mais propose de m'envoyer l'article de la gazette par hibou.
« Oh, oui, avec plaisir. Je suis vraiment curieuse de lire cet article, je t'avoue que je n'ai aucun souvenir de l'avoir vu passer dans la Gazette, c'est pas croyable ça ! »
Pourtant un nouveau professeur aussi mignon à Poudlard, ça aurait dû attirer mon attention. J'étais sûrement trop préoccupée par le Quidditch, comme d'habitude. S'il y a du bon à tirer de cet accident, et c'est bien le seul point positif, c'est que je parviens à prendre du temps pour m'intéresser à d'autres choses que mon balai, le terrain et mes collègues. Faire l'autruche, comme si seul le Quidditch existait n'a vraiment pas été une bonne technique.
« Je vais devoir y aller aussi, de toute manière. Je prends le bus pour rentrer, et après il va y avoir trop de circulation. »
Le serveur débarrasse la table et rapporte la monnaie à Malachy. Moi qui voulais que ce moment se termine très rapidement en premier lieu, j'avoue que le fait que ce petit moment prenne fin aussi subitement laisse un goût amer dans ma bouche.
« J'espère qu'on aura l'occasion de se revoir bien vite ! Et j'attendrai ton hibou. »
Un sourire, à défaut d'avoir su quoi dire après ce léger malaise mutuel. Un sourire avant de le laisser s'échapper, lui et ses bouclettes. J'espère qu'il était sincère lorsqu'il disait qu'il m'enverrait un hibou pour cet article. Peut-être que ça me permettra de le voir sous un autre angle, sous le regard d'un journaliste de la Gazette, un regard peut-être pas trop subjectivement envoûté par ces boucles sombres. Et j'ai également envie d'en apprendre plus sur les loups-garous, sortir de ces clichés et de cette peur légèrement présente, quoi que j'en dise.
Un mercredi après midi du mois de février 2004, jour 5 du Cycle Lunaire
Malachy filait au travers de la ville, laissant le Chaudron Baveur derrière lui. Il devait retrouver ce cordonnier, qui lui avait obtenu un passage jusqu’à Pré-Au-Lard à l’aide d’une grossière clef en étain. Souvent, ils étaient nombreux à le prendre, et lui qui appréciait d’ordinaire le monde espérait pouvoir rentrer seul et ne pas avoir à supporter une nouvelle conversation avec des inconnus. Ça ne s’était pas trop mal terminé, pourtant, avec Mara Lochlainn. Il osait même songer qu’elle l’avait plutôt bien pris, contrairement à d’autres sorciers qui étaient partis en courant – littéralement – quand ils avaient appris sa véritable nature. Elle n’avait rien dit de spécial, ne s’était pas excusée comme certains le faisaient parfois, comme s’ils y pouvaient quelque chose, s’il était né avec ce foutu gène. Elle n’avait pas non plus esquissé de mouvement de recul, elle n’avait pas ri, elle l’avait cru d’entrée de jeu, et puis elle l’avait laissé changer de sujet, elle ne lui avait pas posé de question indiscrète, elle l’avait laissé mener sa laisse comme il l’entendait. Pourquoi était-il insatisfait, alors ? Sans doute parce qu’il aurait aimé ne pas avoir à le mentionner, comme c’était d’ordinaire le cas. Les gens le savaient, ils ne lui en parlaient pas, et c’était très bien comme ça. Il n'évoquait jamais, de lui même, cette nature, ne se laissait jamais aller à penser que ça avait une quelconque influence sur le bon déroulement de sa vie. Il niait son existence de loup-garou jusqu’à ce que ce fut impossible de le faire, soit une journée par Lune. Le reste du temps, il faisait comme si de rien. Et si ça avait été impossible de le cacher à Mara, ça avait aussi été particulièrement frustrant de devoir lui faire cet aveu. C’est-à-dire qu’il n’était pas venu pour ça. Il avait voulu soulager la joueuse de Quidditch en ne l’assommant pas d’interrogation sur sa reprise de boulot, et il s’était ainsi retrouvé à devoir parler de lui, et ainsi à admettre que la lycanthropie prenait une place très importante, puisqu’il devait l’évoquer pour se définir. C’était dramatique.
Pourtant, alors qu’il posait sa patte sur la clef, et que celle-ci l’embarquait vers Pré-Au-Lard, il relativisait : ça avait été couteux, mais finalement, ça n’aurait pas pu mieux se passer. Encore une fois : elle n’était pas partie en courant, et plus que ça, elle avait accepté qu’il lui écrive une lettre, et qu’il lui envoie cet article dans lequel il était apparu. Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas eu à faire cette confession à une fille, à tel point qu’il songeait au fait que Mara n’était pas une fille, pas plus qu’il n’était un garçon. La guerre était passée par là, et l’âge adulte aussi. Maintenant, il fallait parler d’un homme qui rencontrait une femme qui lui plaisait, et ainsi, qui devait s’avouer un peu en lui racontant son vice le plus terrible. Malachy rougissait à cette idée, glissant un bout de viande crue dans la gueule de la bête qui l’amènerait jusqu’à Poudlard. Les Sombrals étaient laids, mais doux. Les Loups étaient de sublimes créatures, mais c’était eux, justement, qui étaient bestiaux et laids. Mara lui avait plu, s'avouait-il. Par Séléné. Une claque dans sa gueule aurait été moins surprenante.
Mais il devait la revoir, alors. Il devait avaler cette confession, admettre que la lycanthropie le définissait, gérer ça avec son reflet dans le miroir, et ne pas lui en tenir rigueur. Elle n’avait rien fait d’autre que poser des questions vers lesquelles il l’avait lui-même amenée. Elle avait paru intéressée, elle aussi, il ne l’imaginait pas, n’est-ce pas ? Il avait même deviné même une petite déception, quand leur entrevue s’était ainsi raccourcie, non ? L’avait-il rêvé ? Il était sûr d'avoir lu cela dans son regard, quand il s’était levé et s’était approché un peu d’elle pour la remercier de lui avoir accordé ce temps. Il s’était excusé, aussi, de l’avoir embêtée avec ses questions, et avait dit, à nouveau, qu’il ferait ce qu’il pourrait pour que Jude garde son secret. Il avait payé son chocolat chaud, là non plus, sans lui laisser le choix, et puis il avait filé, la queue entre les jambes, quelques pièces de monnaie laissées sur la table. Quel con. Elle lui avait plu.
Arrivé au Château, près de trois quarts d’heure après avoir quitté Mara, Malachy s’était décidé : il ne tarderait pas à lui écrire. D’abord pour l’article, et puis, il trouverait une excuse pour la revoir. Il ne savait pas encore quoi, mais il trouverait.
Foutue Jude. Peut-être ne la tuerait-il pas tout de suite.