Tu te laisses attendrir et fléchir bien trop facilement. C’est peut-être que tu as envie de le croire. Envie de croire qu’il a montré cette nuit plutôt que ce matin son vrai visage. Et ce qu’il dit fait sens. Tellement de sens. Cela n’ôte pas l’arrière goût que laisse en bouche la révélation de son statut. Sorcier. Euthanatos. Un combattant, te laisse-t-il entrevoir à demi-mots. Un guerrier. Un assassin. Un mercenaire. Un tueur à gages, peut-être. Tu te demandes ce qu’il fait ici, à Londres. La curiosité le dispute à l’effroi. Qu’est-ce qu’un tel homme peut venir chercher ici, dans un club moldu ? Et toi ? A-t-il un homme dans chaque port ? Fait-il de si jolie déclaration à tous ? Tu ne peux pas t’empêcher de caresser la bague autour de ta phalange, pas plus que tu ne peux résister à la douce chaleur de ses paumes lorsqu’il enserre les tiennes. Tu frissonnes à chaque contact de ses lèvres sur le dos de ta main, et finis par soupirer, incertain de ce qu’il sortira de cette rencontre.
Il y a tant de choses que tu veux savoir et que tu redoutes de savoir dans le même temps. Tant de choses que tu veux entendre de sa bouche et en même temps dont tu ne veux surtout pas avoir connaissance. Mais tu ne peux pas résister. Il paraît que c’est très Serdaigle d’aimer résoudre des puzzles et élucider des mystères. Très serpentard, peut-être, aussi, si on tient compte des bénéfices. Très Gryffondor, sans doute, de se jeter dans une telle situation sans réfléchir… Et dire que tu aurais pu être Pouffsouffle si le Choixpeau n’avait pas finalement choisi le serpent plutôt que le blaireau. Et la pensée du serpent te ramène à la bague, qui te ramène à Djouqed qui te ramène à la fracassante nuit d’extase que vous avez partagé. Tu rougis, tu soupires à nouveau, tu retires tes mains avec douceur pour mieux te rapprocher de lui sur le lit. Tu t’adosses à la tête de lit, tu te laisses couler contre Djouqed et pose la tête sur son épaule. Tu as besoin de réfléchir, mais tu as aussi besoin de réconfort. Et cette deuxième nécessité prime sur la première.
« J’ai tant de questions… Qu’est-ce que tu es exactement ? Un mercenaire ? Un tueur à gages ? Qu’est-ce que tu fais, ici, à Londres ? Et moi ? Que suis-je pour toi ? Juste un coup d’un soir ? »
Tu n’as passé qu’une nuit avec lui. Ça va trop vite, beaucoup trop vite. Tu n’es pas comme ça, d’habitude, tu te le répètes. Tu n’es pas du genre à sauter dans les bras d’inconnus dont tu ne sais pas le nom, pas du genre à draguer dans des boites de nuit. Pas du genre à redouter le matin après une nuit aussi fracassante, et la séparation. Tu veux le revoir. Lui aussi, il te l’a dit. Mais tu es tellement désemparé en ce moment que tu as besoin de l’entendre encore une fois de plus, au moins. Et surtout... tu veux qu'il reste à tes côtés. Encore un tout petit peu. Tu ne peux te résoudre à le quitter et rentrer chez toi. Pas maintenant. pas tout de suite.
Il l’entoure de ses bras, cet Uriel tremblant sous ses paumes. Il sent son coeur se déchirer de voir les tourbillons d’émotions traverser le visage de son ange. Alors l’assassin le serre contre lui, peau à peau, et il laisse le silence s’installer entre eux. Il est là pour lui. Il veut prendre soin de lui. Djouqed ne se sent ce genre d’élans protecteurs qu’avec sa famille. Il se souvient des heures passer à réconforter ses enfants, à parler avec ses épouses, à les tenir contre lui comme il le fait pour Uriel. Il perd ses lèvres dans la masse folle des cheveux de son amant et il caresse ces épaules tremblantes. Il écoute les questions d’Uriel et ne comprend que trop les insécurités qui y sont cachées. Sous ses dehors de lions, Uriel est un agneau. Il est fort mais non pas invulnérable. Fier mais non pas craintif. Encore jeune, si jeune. Djouqed préfère ne pas songer à ses enfants aînés qui doivent avoir à peu près le même âge que son amant. Il entend déjà les reproches de Cirine, sa fille aînée, et pourrait presque la voir croiser les bras et lever un sourcil lorsqu’il lui présentera Uriel. Djouqed ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire à cette pensée.
« J’ai tant de questions… Qu’est-ce que tu es exactement ? Un mercenaire ? Un tueur à gages ? Qu’est-ce que tu fais, ici, à Londres ? Et moi ? Que suis-je pour toi ? Juste un coup d’un soir ? »
Mais le réel revient frapper à sa porte. Il sait qu’il va devoir tôt ou tard parler. Il a promis à Uriel la plus parfaite des honnêtetés et entend bien honorer sa promesse avec lui comme il l’a fait avec Dana et Laïla avant lui. Le cas est un peu différent puisqu’il doit réfléchir au cours des choses. Il ne peut quand même pas aller demander la main d’Uriel à son père… ce qu’il a fait jadis pour Dana et Laïla. Il glisse sa paume le long de la nuque d’Uriel, effleure la base de son crâne.
« Je suis ambassadeur d’Egypte au Royaume Uni depuis le début du mois, tout à la fois dans le monde moldu et le monde magique. Je suis venu ici avec mes deux épouses et mes deux plus jeunes enfants de dix-sept et quinze ans pour une mission diplomatique. Cependant, je l’ai été, mercenaire. Jadis. Dans ma jeunesse. Il faut voir, je suppose, cette nouvelle carrière politique comme une façon de me ranger. »
Djouqed glisse une main le long de la joue d’Uriel, effleure sa peau, l’invite à lever la tête pour mieux capter son regard. Il a la boule au ventre, l’euthanatos. Il n’imagine que trop ce qu’Uriel peut penser de la polygamie, ou d’avoir couché avec un homme marié.
« Si tu avais été une femme, Uriel, je serais allé ce matin même demander ta main à ton père en priant pour que tu me fasses l’honneur de devenir ma troisième épouse. Mais tu es homme, alors je te courtiserai comme jamais homme n’a été courtisé, je te chérirai comme personne ne t’a jamais chéri, je serai là pour toi, Uriel, et mon amour pour toi fera trembler jusqu’aux rives de la Tamise. Cette anneau à ton doigt, vois-le comme une promesse, comme un gage de mes sentiments pour toi, comme la matérialisation de mon espoir que si, dans quelques années, il me fallait rentrer en Egypte, tu m’accompagnerais et tu prendrais dans ma famille la place que mon coeur te conserve. »
Dans cette société patriarcale des euthanatoi où le mariage s’arrange entre hommes, Djouqed n’a pas été accoutumé à pareille déclaration. Il tremble un peu. L’expérience est si nouvelle pour lui. Les jeux de séduction ne commencent souvent qu’après les noces dans sa culture, où il s’agit pour les deux partenaires de bien s’entendre pour la prospérité de la famille. Mais là, il sait qu’il ne peut attacher à lui Uriel par aucun lien matrimonial. Alors il espère, il prie, et il se sent moins sûr de lui qu’il ne l’a jamais été au cours des décennies passées, et plus rempli d’espoir même que lorsque Dana lui a donné deux fils.
Pelotonné contre ton amant, perdu dans l’ivresse vertigineuse de sa tendre étreinte, tu aimerais que le temps se fige, s’arrête. Que rien ne vienne plus troubler l’instant de paisible contentement. Mais cela même t’es refusé par un flot de pensées envahissantes et de doutes irrationnels. Tu ne peux pas t’ôter de la tête le tremblement qui t’a pris lorsque tu as compris ce qu’était Djouqed, ni mettre à distance la voix de la raison qui te hurle que c’est un homme marié, un assassin, un dangereux personnage. Tu devrais fuir, oui, vraiment, tu devrais fuir. N’importe qui fuirait. N’importe quelle personne censée fuirait, et toi le premier en temps normal. Pourtant, il y a quelque chose d’incroyablement suffocant à se trouver là, près de lui, contre sa peau, les phalanges effleutant son torse, son anneau autour de ton doigt brillant au rythme de la lenteur de tes gestes. Tu traces machinalement sur son torse des symboles en l’écoutant, et lorsqu’il te capture le visage dans une caresse, tu ne peux que te perdre dans l’intensité de son regard. Ses promesses sonnent comme des prophéties à ton oreille et tu sens ton coeur virevolter sous ses doigts.
Tu devrais t’offusquer de ses mots, de son passé qu’il t’avoue avec une pudique retenue. Tu devrais le questionner, encore et encore sur ses motivations, sur ses sentiments. Tu devrais t’offenser qu’il te considère comme une femme à marier dont on doit demander la main à son père, et tu trembles de ses promesses de te faire la cour comme jamais homme de cette terre n’aura été courtisé. Un long frisson te dévale l’échine et te pousse dans ses bras. Alors tu t’y glisses, la tête tournant un peu. Tu entoures de ses bras son torse, glisse la joue contre sa poitrine et tu clos les yeux.
Tu devrais t’enfuir, plutôt. Lui jeter sa bague au visage. Pourtant, lorsque tu te décides à parler, ta voix ne bout pas de tes doutes, pas plus qu’elle ne flambe de la colère que tu devrais ressentir. Non. Elle n’est que voile de tendresse, conquise ode à celui qui s’empare de ton coeur bien trop vite à ton goût.
« En Angleterre, c’est à moi qu'il serait de bon ton de demander ma main et non pas à mon père, Djouqed… Même si j’avais été une femme. »
Et déjà, l’odeur de sa peau t’attire sur les rivages du Nil où des flots tempétueux pourraient bercer vos étreintes. Tes main glissent le long de son dos, remontent jusqu’à sa nuque et tu glisses tes lèvres à la rencontre des siennes, tu presses ton corps contre le sien et laisse l’ivresse de sa présence te faire perdre pied une fois encore. Il a été doux, toute la nuit, une douceur que tu n’arrives pas à concilier avec son passé pour le moins trouble. Alors tu loves ton visage dans le creux de sa gorge, et tenu étroitement contre ton amant, tu te mets à répondre à ses confidences par d’autres confidences. De souvenirs en souvenirs, tu lui racontes tout. Lucius Malefoy, le viol de ta mère. Jonas Lewis ton père, le pot aux roses, Severus Rogue. Tu lui racontes tout, jusqu’à ton adolescence difficile à Poudlard et la guerre au Royaume Uni. Tu lui racontes tout de tes tourments passés et présent, et lorsque viendra à nouveau le soir, épuisé d’avoir trop parlé le jour durant, tu t’offriras à lui et laissera ton corps et coeur entre ses mains, aussi déraisonnable que cela puisse te paraître.