ft. @Piers A. Elliot ( 1 009 mts )

En temps normal, elle se serait battue. Évidemment, elle aurait continué d’insulter ce pauvre Piers jusqu’à ce que ses oreilles ne se mettent à siffler. Peut-être s’en serait-elle pris à ses ancêtres, à sa grand mère, et à tout ceux qui pouvaient le toucher, de près ou de loin. Mais ce soir… Ce soir, elle était épuisée. À chaque nuit passée sans pouvoir fermer l’œil, à se contenter d’un vulgaire sommeil léger, elle perdait de son mordant. Son moral s’affaiblissait. Et même son enseignement se faisait inefficace. Elle se rendait bien compte que le contenu de ses cours était moins passionnant. Moins complets. Déjà qu’elle n’était pas la plus compétente des professeurs, si elle se mettait à dispenser un contenu inutile, elle ne ferait pas long feu ici.

Une nuit. Une nuit tranquille. Bordel, oui...

C’était ce que lui promettait la petite fiole posée à côté de lui et sur laquelle Hekate portait un regard presque avide. On aurait disposé devant un cocaïnomane un sachet de poudre blanche qu’il ne l’aurait pas regardé autrement.

“ … Merci.”

Un merci sincère. Loin de tout ce marasme de sarcasme dont elle avait l’habitude d’enrober la plupart de ses paroles. Mais rien n’aurait pu contenir le soulagement qui avait réchauffé son estomac à l’idée d’une belle nuit tranquille. Même enfermée ici, à l’infirmerie. En fait même, c’était plutôt rassurant. Hekate n’avait pas particulièrement confiance en Piers. En fait, si parmi toutes ses connaissances, il lui fallait effectuer un classement, force était de constater qu’il n’atteignait même pas le top 10. Mais malgré tout, le savoir dans le coin était rassurant. Peut-être que cela faisait trop longtemps qu’elle vivait seule. Oh, comme elle aurait aimé que Caïn soit là…

“ Laisse tomber, pour l’alcool et le tabac. Je vais aller fumer une clope sitôt sortie d’ici, et je repasserai dans une heure avec toutes mes affaires et après avoir donné à manger au chat. Deux heures avant d’aller me coucher… Ca devrait aller, non ? Quant à l'alcool, promis. Je n'y toucherai pas ce soir. J'en ai pas besoin.”

Déjà, la jeune femme sentait renaître en elle de l’enthousiasme, et elle se surprit même à décocher un sourire joyeux à l'homme qui se présentait comme son sauveur, ce soir là. Qu'il en profite. Ca ne serait pas tous les jours comme ça. Même les lits qui s’étendaient le long des murs lui paraissaient d’un confort absolu à présent qu’elle savait qu’elle aurait la chance de se glisser entre leurs draps pour une longue nuit de sommeil bien mérité.

“ J’ai un ogham en bracelet. Je pense que je vais le laisser dans ma chambre pour être sûre. ”

Sentant que la discussion touchait à sa fin, l’Irlandaise se leva. Pendant une seconde, elle attendit la confirmation de Piers, et se dépêcha d’entourer le flacon de ses doigts pour le glisser dans sa poche arrière. Il lui restait encore un peu de temps, avant le couvre-feu. Suffisamment pour qu’elle puisse repasser par sa chambre.

“ A tout à l’heure. ”

(… )

Hekate avait quitté l’infirmerie, le pas bien plus léger que lorsqu’elle y était entrée, une heure auparavant. Le poids de la petite fiole dans sa poche semblait lui donner des ailes. Selkkie lui fit la fête lorsqu’elle regagna ses appartements.

“ Ouiii bébé ! Maman est là ! Mais elle ne va pas rester très longtemps. Elle découche. Ca n’est pas contre toi, mon amour.”

Elle se pencha pour attraper le chat, qui laissa échapper un petit couinement outré.

“ Mais oui bébé ! C’est pas contre toi ! C’est juste que maman va pouvoir dormir sans vilains cauchemars ! Et en plus, tu arrêteras l’espace d’une nuit de lui mettre tes poils dans la figure. ”

Selkkie se tortilla, et la jeune femme fut obligée de le remettre sur le sol. Sitôt posé, il fila vers sa gamelle. Hekate y remit quelques croquettes, puis arrangea les oreillers du lit pour y faire un petit nid dans lequel il pourrait se lover, à défaut de lui grimper dessus à 3 heures du matin.

(…)

Sa dernière clope avait été fumée voilà une heure. Tout avait été mis en ordre. Ses oghams, son bracelet, même sa baguette avaient été relégués dans le tiroir de sa table de chevet. Elle avait enfilé un jogging, et un débardeur crème, et avait regagné l’infirmerie à pas de loup. Les couloirs déserts témoignaient que le couvre-feu était dépassé depuis déjà une bonne heure, et si certains élèves devaient sans doute jouer les petits malins en se glissant hors de leurs dortoirs, ça n’était plus son problème.

La porte grinça lorsque Hekate entra discrètement. Piers dormait ici, et elle n’avait nullement l’intention de le réveiller si jamais il avait trouvé le sommeil. Les draps blancs des lits luisaient d’une faible lueur fantomatique dans l’obscurité. Elle en avisa un, parfaitement à mi-chemin entre la porte d’entrée et le bureau de l’infirmier, sous la porte duquel la lumière semblait filtrer. Elle tira les draps d’un coup sec. L’odeur de la lessive lui monta au nez, l’invitant à se coucher confortablement. D’une main rapide, elle attacha ses cheveux, et grimpa sur le matelas. Les jambes en tailleurs, il fallut que la jeune femme s’y reprenne à deux fois avant d’ouvrir le couvercle de sa potion, scellé à la cire.

“ Bonne nuit, Elliot.”

Sa voix résonna dans le silence alors qu’elle levait sa main en direction de son bureau, en un toast solitaire dans l’obscurité. Vidé d’une traite, le flacon trouva sa place sur la table de chevet, où elle avait déposé sa montre. Sans prendre la peine de tirer les rideaux qui entouraient son lit provisoire - à quoi bon, elle était seule - elle laissa son corps s’allonger, un soupir s’échappant de sa poitrine lorsque sa tête s’enfonça dans l’oreiller moelleux. Déjà, un picotement agréable envahissait ses extrémités, alors qu’un brouillard doux s’installait dans sa tête.

Rabattant les couvertures sur son corps engourdi, elle plongea dans le sommeil.