Les conversations vont de bon train dans l’assemblée euthanatos. Les propositions fusent. Réponses et oppositions lacèrent le silence et Daniel Monroe observe, impuissant, les événements. Ses confrères et consœurs du cercle de direction des euthanatoi des îles britanniques écoutent, opinent, se crispent, observent. Chacun sait qu’il faudra, ce soir, prendre une décision. L’un d’entre eux finit par intimer le silence à l’assemblée d’un mouvement. Il est difficile de ne pas reconnaître l’irlandais  Declan Malone qui préside usuellement les discussions. Monroe et lui ne se sont jamais bien entendu, paraît-il, mais ce soir, pourtant, il ne fait pas mine de vouloir importuner son rival. Une première, sans doute. Cela prouve à chacun combien l’heure est grave, si qui que ce soit en avait douté un jour.

L’homme s’est redressé et parle avec mesure. Sa voix est posée, basse. Aucune émotion. Aucun parti-pris. Bien futé qui pourrait dire ce qu’il pense à ce moment là. Il est connu pour sa mesure, d’aucuns diraient son impassibilité face à la mort. Mais ce n’est pas de mort dont il s’agit ce soir là. Non. Pire. Bien pire. Il s’agit de politique, et en la matière, il n’a pas son pareil. Alors on l’écoute, et sa voix vrombit dans le silence.

« Nous avons entendu plusieurs propositions pour gérer cette épineuse question. Il faut désormais trancher et cela se fera par un vote, comme à l’accoutumée. Vous qui avez été mis au silence, l’avenir de notre communauté est désormais entre vos mains. Choisissez en vos âmes et conscience et notre Magie agira en conséquence. »

L’instant est solennel. Un membre du conseil passe remettre à chaque participant un bulletin. Il suffit d’y infuser un peu de sa magie pour déclarer son intention sur le papier. Les propositions qui auront le plus de voix seront appliquées, comme toujours. Le fonctionnement démocratique de l’assemblée euthanatos en période de crise est véritablement admirable. Declan Malone reprend paisiblement la parole, son propre bulletin enfermé dans la paume.

« Nous pouvons choisir de rendre publiques les informations que nous avons sur Potter. Cela détruira sans doute sa carrière et celle de ses partisans. Nous pouvons également choisir de garder l’information secrète mais de faire périr le Ministre. Nous pouvons aussi attendre d’avoir plus d’informations et lancer une enquête approfondie de notre côté. Nous pouvons, enfin, décider de confronter en secret le Ministre et faire pression sur lui pour le forcer à coopérer dans cette affaire. »

A peu près toutes les propositions qui ont été évoquées ça et là par les discussions. L’heure du choix est venue. Chacun est prêt. Chacun va pouvoir déclarer anonymement sa prise de position et exprimer son avis. De profonds bouleversements vont bientôt secouer la Grande Bretagne… d’une manière ou d’une autre. Car il ne faut jamais se mettre à dos la tradition la plus soudée et la plus secrète des Îles britanniques. Jamais.