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Voler de nuit [Nasiya]
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Dim 29 Mar - 18:26

Voler de nuit@Nasiya AbasindeErin


10 février 2004

Depuis hier, l'intervention de Potter est sur toutes les lèvres. De toutes les conversations. Chacun y allant de son petit commentaire, de son opinion sur le sujet, d'aucun se lançant dans de grandes envolées musicalo-politico-analytiques pour justifier leur point de vue. Bien sûr des consignes ont été passées, des mots d'ordres transmis de service en service. Et la version que vous en a livré votre chef était claire : interdiction stricte pour les Brigadiers de se livrer à tout commentaire public. Les curieux, les journaleux, les fouineurs... Tous à la porte. Face à l'ampleur possible de la crise que ne manquerait pas de déclencher le procès de Bauer, quelle qu'en soit l'issue, hors de question qu'une faille au sein même du Département de la justice magique ne vienne faire vaciller la fragile position du Ministre.
Mais malgré ces consignes strictes, nul n'aurait su empêcher les employés de Ministère de discuter entre eux. Et qui pour défendre la liberté d'expression, qui pour s'offusquer de la célébration d'un criminel de guerre, qui pour fustiger l'intolérance de Potter, qui pour s'indigner que des enfants aient été mêlés à ces querelles d'adultes... Et toi Erin, qu'en penses-tu ?
Rien.

Comme à l'accoutumée, tu t'es contentée de réponses laconiques, de haussements d'épaules évasifs. Et devant ton mutisme en apparence indifférent, ils en sont repartis à leurs interminables débats, concluant sans doute une fois de plus que tu n'avais décidément jamais le moindre avis. S'ils savaient...
S'ils savaient combien le concert de Reissen t'a mise en colère, combien tu t'es retenue ce jour-là de lever le poing en réponse aux feux d'artifice superbes, venus éclairer le ciel de leur juste rappel. Louée soit Helga, tu étais sous ta forme d'écureuil à cet instant précis, sans quoi... La seule tenue d'un concert faisant l'apologie d'un mangemort reconnu t'avais déjà mise en colère, mais cette mise en scène macabre... Oh, tu ressens encore le frisson de haine pure répandu dans tes veines. Alors non, tu n'es pas convaincue par la position du Ministre... Mais sur le sort réservé à Bauer et sa clique, tu es intransigeante. Pour ceux qui continuent de faire l'apologie de la terreur et du racisme, il n'y a qu'une place. Une île aux murs infranchissables, aux couloirs battus par les vents. Qu'il aille faire croupir ses idéaux nauséabonds à Azkaban.
Alors oui, tu as un avis... Mais tu n'es pas certaine d'être capable de l'exposer en des termes mesurés. Alors mieux vaut ne rien dire, n'est-ce pas ? D'autant qu'il est essentiel, plus que jamais, que tu te fasses discrète. Pas de vagues, pas d'attention sur toi... Une ombre dans le décor. Moira compte sur toi.

Murée dans ton silence, le poids de tes émotions se fait plus fort. Et de toutes ces choses que tu n'exprimes pas, ton subconscient s'empare, se faisant fort de les rappeler à ton bon souvenir au beau milieu de tes rêves. Combien de fois as-tu revu ce pantin au visage affreusement déformé censé représenter le Survivant, au cours du mois écoulé ? Combien de visages d'enfants aux yeux hagards se superposant à l'arrière plan de ces délires oniriques ? Et dire que ces visions d'horreur sont presque préférables aux songes qui peuplent ton sommeil d'ordinaire...
Cette nuit n'a pas fait exception. Perturbée par le discours de Potter, le procès imminent, tu n'as quasiment pas fermé l’œil de la nuit. Sans compter l'idée saugrenue de ton chef, qui t'a dépêchée à Poudlard au pied levé pour remplacer l'une de tes collègues souffrantes... pour une journée épuisante, qui te laisse le cœur ému et l'âme perdue dans tes souvenirs. Qu'il te tarde de pouvoir la raconter à Adele dans les moindres détails... Et si tu passais chez Florian, pour y acheter quelques uns de ses muffins glacés ? Vous les grignoteriez en discutant des derniers événements, ou en regardant les derniers épisodes de Charmed – voir des pseudo sorcières lancer des sortilèges en utilisant leur amour sororal pour tout focus est toujours si divertissant... Allez, c'est décidé, tu peux bien faire un détour par le Chemin de Traverse pour fêter dignement le retour de ta cousine.

En ressortant de la boutique de Florian Fortarôme quelques instants plus tard, tu es absolument ravie. Il t'a composé le meilleur des assortiments et surtout – approche de la Saint-Valentin oblige –, il a confectionné des desserts spéciaux : des muffins fourrés à la glace fruit de la passion, surplombés d'une chape de chantilly mousseuse où s'ébat une minuscule licorne de pâte d'amande, faisant jaillir de sa corne des paillettes en forme de cœur. Absolument par-fait.
Il ne te reste plus qu'à rentrer chez vous, pour y faire un brin de ménage peut-être. À moins que tu ne t'affales sur le canapé... Ce serait tentant, mais votre appartement est dans un bazar indescriptible. Il serait de bon ton que tu lances une lessive aussi. Mais avant que tu n'esquisses un mouvement, la lueur d'une vitrine attire ton attention. Là, derrière les ocres et les dunes de sable, se cache le meilleur Oubliator de tout Londres, et tu pèses tes mots ! De voir ainsi briller sa devanture, un poids semble abandonner tes épaules lasses. Sans une seconde d'hésitation, tu y diriges tes pas, pousses la porte de bois cherchant des yeux le maître des lieux parmi les étagères de guingois. Et lorsqu'enfin tu le repères, ton sourire revient de plus belle.
Nasiya ! Je suis si contente de te savoir de retour !

Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
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Mer 1 Avr - 0:48

Voler de nuit

Rouquine vient échanger messes basses

Les derniers jours ont été des plus étranges. Passé le sourire niais qui reste au visage de tout homme qui vient de rentrer de vacances - d’autant plus niais lorsque dîtes vacances ont été exceptionnelles -, la réalité de la vie londonienne a frappé d’autant plus fort. Les premiers jours, calfeutré dans mon atelier, j’ai tenté de répondre à toutes les commandes que Noah a accepté en mon absence. Je ne vais pas me plaindre, évidemment, il faudrait être fou pour cracher sur toute cette rentrée d’argent, mais mes yeux n’ont pas posé leur regard ailleurs que sur un chaudron ces cinq derniers jours, et cela me rend presque aigri. Chiant, en tout cas, c’est quasiment certain, au vu regard grognon que me lance Noah par dessus le chaudron. Cela m’a permis d’éviter, toutefois, une nouvelle élocution du sacro-saint Potter sur le Chemin de Traverse. Josiah est passé en coup de vent, après le discours, content d’avoir pu poser une question, et d’autant plus content qu’il doit manigancer je ne sais quelle nouvelle collaboration avec un collègue dans l’allée – apparemment, le Weasley a grillé sa chance. Il a grommelé quelque chose à propos d’une enquête interne et externe à Gringotts, et, surtout, a lâché quelques mots au sujet de Bauer, qui va passer par les tribunaux. Sacré Bauer. Je me suis échappé des fourneaux sous les chaudrons, il y a quelques jours à peine, pour recevoir sa sale tronche, beaucoup trop heureux pour un futur condamné. Savoir qu’il va probablement finir dans les cachots me donne un mal de crâne des plus retentissants.

Je ne suis pas du genre à me questionner sur qui je fournis, et pourquoi je les fournis, mais si Engel (@Engel Bauer) finit vraiment en taule, ce n’est pas bon pour les affaires. Et pas bon pour le loustic non plus. Mes potions lui apportent, tout de même, un confort dont il a besoin assez régulièrement pour ne pas sombrer dans ses abysses. Enfermé je-ne-sais-où dans une de leurs prisons anglaises, je ne suis pas certain que mes petits flacons puissent l’y accompagner. Pas sûr que Josiah apprécie, mais il me faudra peut-être lui proposer une nuit de sommeil contrôlée magiquement, avant qu’il ne soit enfermé. Est-ce qu’il l’accepterait ? Le prendra-t-il mal ? On ne sait jamais trop, avec ce sacré bonhomme. Et, surtout, vais-je me taper cinq jours de bouderies de Josiah (@A. Josiah N'Da) pour avoir proposé cela ? Ce serait fort idiot de se remettre à se boudiner au visage, après ces longs jours de septième ciel - et ça, juste pour un petit allemand, tout Bauer soit-il.

Je ne comprends vraiment pas l’entêtement de mon aimé à se sentir concerné par toutes ces histoires, ce spectacle de Bauer, les manigances de la Malefoy, les réponses à petits pas de ce tout jeune premier Ministre. Je n’ai pas compris il y a sept ans, ça ne va pas commencer maintenant, vous me direz. Sauf qu’il y a sept ans, je me suis tiré, envolé. Je l’ai laissé là, avec son engagement, sa bonne morale, et je me suis fourré loin, le plus loin possible d’ici. Maintenant… Maintenant, ce n’est plus possible. Maintenant, j’ai refait un bout de vie ici, et je suis avec lui, contre lui, douceur inégalable. Si la situation doit exploser à nouveau, je sais totalement qu’il me sera impossible de repartir, comme avant, comme si de rien n’était, le coeur en lambeaux sur son palier, mais loin de cette situation. Non, c’est impossible. Alors il faut, que, d’une façon ou une autre, j’arrive à comprendre ce qu’il ressent, pour ce pays, pour sa politique. Comprendre, déjà, rien que ça. Mais pas aujourd’hui, pas tant que la situation ne presse pas d’avantage. Aujourd’hui, je reste, comme il me l’a si bien craché à la figure des années plus tôt, un bon petit lâche. Un bon petit lâche qui a besoin de repos.

Mes mains claquent sur le plan de travail, où la morve de sauterelle rebondit. À trop attendre que mes ingrédients prennent dans la marmite, mon cerveau s’en ramollit et me font penser à toutes ces idioties de choses. Hors de question d’y passer plus de temps. Je pousse le cahier vers Noah, le suppliant du regard de prendre ma suite, et déjà, mes yeux font le tour de l’atelier, grommelant dans ma barbe, à la recherche de quelque chose à faire. Noah lève les yeux et scande : 


-  Stop, sors de là, tu vas me rendre fou. Va dans la boutique, tiens, tu veux, et réorganise-moi un peu ton bazar. 



Aussitôt, mes yeux pétillent. Cela fait bien plusieurs mois que je n’ai pas réarrangé les étagères, et c’est, déjà, la meilleure des façons pour que les clients passent un peu plus de temps dans la boutique, à tomber sur de nouveaux produits en cherchant leur flacon fétiche, mais surtout, la meilleure manière de m’occuper. À moi la décoration, les nouvelles étiquettes, mes produits préférés remis en avant. Avec la démarque de Saint-Valentin, en plus, il me faut refaire ma vitrine, pour attirer les coeurs solitaires et les amants passionnels. Un sourire se fond sur mes lèvres, et je claque Noah dans le dos, le remerciant de cette idée. Il roule des yeux, moqueur, mais je n’y prête pas attention, et écarte d’un large geste les voiles ocres pour rejoindre ma petite boutique.



Les étagères, brinquebalantes, semblent sur le point de s’écrouler, les flacons se touchent les uns les autres, l’encens depuis le comptoir fait presque fumer la pièce, mais ce petit paysage me fait toujours autant sourire. Rien ne valait un désordre organisé pour faire croire aux gens que vous étiez l’authentique même, la perle rare de boutique indépendante qu’il recherchait. Construire une atmosphère, disait souvent Wassim, est la principale source de succès. Fais-les rêver, à peine posent-ils un oeil sur ta devanture, et laisse-les s’engouffrer dans ton univers dès qu’ils y mettent un pied, lui assurait-il, ses petits yeux verts pétillants de la sagesse de ceux dont on ne doute d’aucun de leur propos.

Alors, sourcils froncés, j’observe mon bazar et réfléchis à comment l’organiser différemment, pour renouveler mon ambiance. Je traîne dans les différentes allées, concentré, ne faisait attention à rien d’autre que mes petites étagères, claquant des doigts de la main droite, où mon anneau trône en chef, pour envoyer valdinguer ça et là des gammes de produits. L’exclamation, toute heureuse, d’une voix féminine sur ma gauche me fait sursauter, et je manque d’en faire tomber les produits en lévitation. Ils atterrissent, tant bien que mal, sur l’étagère d’en face, survolant de près le crâne de l’inconnue arrivée à l’improviste. 



L’inconnue pas si inconnue que ça, d’ailleurs, je réalise en laissant mes prunelles tomber sur elle. Elle a le sourire aux lèvres, sa crinière rousse lui encadrant le visage aussi joliment que d’ordinaire. Aussitôt, son sourire se reflète sur mes lèvres, et j’ouvre grands les bras d’enthousiasme :


- Ça alors, ce n’est que ma charmante McAllister ! Je suis surpris, j’ajoute en haussant un sourcil, taquin, je t’attendais de passage bien plus tôt que ça, tu m’as fait me languir de toi de longues journées, dis-moi !



Je tape dans les mains pour que le bazar fait derrière nous reprenne un tant soi peu sa place dans les étagères, libérant le passage jusqu’au comptoir du fond.



- Tu viens pour la commande habituelle, j’imagine ?
Awful

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Dim 5 Avr - 1:36

Voler de nuit@Nasiya AbasindeErin

Une cascade de flacons non-identifiés manque d'atterrir sur le haut de ton crâne et tu lâches un petit cri de surprise étouffé, rentrant la tête dans les épaules, comme dans l'espoir d'y échapper. Fort heureusement, le maître des lieux veille au grain, et les précieuses fioles finissent sans encombre leur vol sur l'étagère derrière toi.
Un instant, en le voyant ainsi occupé, tu crains de déranger le maître des lieux en plein rangement. Mais l'idée n'a que le temps de t'effleurer avant qu'il n'ouvre les bras, un sourire immense venant illuminer son visage. D'une boutade, il t'accueille, amenant sur tes joues une timide rougeur dont tu sais par avance qu'il rira. Vraiment, à l'entendre, on jurerait qu'il n'attendait que toi ! À moins bien sûr qu'il ne soit juste un excellent commerçant... ce dont tu ne doutes plus depuis longtemps.

Tu te souviens comme si c'était hier du jour où tu as découvert cette boutique... que dis-je, ce petit coin de paradis ! Vous étiez attablées chez Florian, Adele et toi, quand avait eu lieu l'inauguration d'une nouvelle enseigne à l'atmosphère pour le moins... marquante. Ta cousine avait éclaté de rire, absolument hermétique à la douce aura qui se dégageait des sables mouvants dans la vitrine. « C'est un attrape-moldu ! » avait-elle décrété avant d'en revenir à son assiette. Tu n'avais rien ajouté, sans pouvoir détacher tes yeux. Et quelques jours plus tard, mue par la curiosité, tu t'y étais aventurée, seule. Une part de toi prétendait n'être venue que pour t'assurer que tout était en règle – ce qui était passablement ridicule, l'A.L.C.O.O.L. n'acceptant pas n'importe qui au sein de la plus prestigieuse rue commerçante du Londres sorcier. Mais en réalité, tu voulais découvrir ce qui se cachait derrière cet exotisme de façade. Et tu n'avais pas été déçue.
Sur d'interminables longueurs d'étagères se pavanaient des fioles plus différentes les unes que autres. Oh, elles n'avaient pas grand chose d’impressionnant, à première vue. Et pourtant... Chacune était une petite merveille, un monde à part entière, dans un écrin de verre. Et la meilleure aide que tu aies trouvé pour supporter ton quotidien et éloigner tes cauchemars réminiscents.

Alors dire que tu es ravie de le savoir de retour... Le mot est faible. Tu avais désespérément besoin qu'il revienne ! Depuis deux semaines déjà, tu es à cours de ses délicieux rêves et le manque se fait douloureusement sentir. Pire, il laisse la porte ouverte à tout ce que tu interdis à ton subconscient d'exprimer, en le privant de sommeil naturel. Et tu sais, d'avance, que les retrouvailles imprévues avec Malachy ne manqueront pas d'aggraver les choses, bien qu'elles t'aient emplie d'une puissante émotion.
Ton enthousiasme n'est donc pas feint, tandis que tu le suis vers le comptoir. Tu en profites pour y déposer ton précieux fardeau sucré, avant de te tourner vers lui. Malheureusement, les journées filent plus vite qu'un sombral au galop en ce moment.Tu remets en place une mèche rebelle, tes doigts s'attardant une seconde sur ton front las. Qu'il sera doux de s'assurer une nuit de sommeil en ces temps troublés. Et d'autant plus avant la tenue du procès exceptionnel qui aura lieu demain... L'ensemble de la Brigade est mobilisée, et vous aurez fort à faire. Entre la surveillance de l'accusé, l'établissement des cordons de sécurité pour le grand public et la presse, le maintien de l'ordre si la séance venait à déraper, ce qui n'est pas la dernière crainte de la Présidente-Sorcière... Rarement tu as vu Moira Oaks aussi troublée, et cela n'augure rien de bon. Pour qu'elle en appelle à son droit de retrait... c'est que l'heure est plus grave encore que ne le pensent les sorciers britanniques. Non, tu n'es définitivement pas sereine quant à la tournure des événements du lendemain. Cela vous promet une journée éreintante, et tu auras grand besoin de repos. Avant comme après.

Accoudée au comptoir, tu observes Nasiya s'activer d'un air absent. Sa question te fait toutefois revenir sur terre, et tu hoches la tête, ton sourire las revenant sur tes lèvres. On ne peut rien te cacher ! À vrai dire... Tu hésites une seconde avant d'achever ta phrase, craignant qu'il ne te réponde par la négative.Je me demandais si tu pourrais m'en donner davantage ? Que je ne sois pas dans le désarroi la prochaine fois que tu disparaîtras à nouveau Merlin sait où ! Dans ta phrase, ponctuée d'un sourire, pas la moindre note de reproche. Juste le besoin viscéral d'assurer tes arrières pour les semaines troublées qui s'annoncent.

Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
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Mar 7 Avr - 1:06

Voler de nuit

Rouquine vient échanger messes basses



Les quelques mots taquins ont à peine quitté mes lèvres que ses joues rosissent déjà, et un rire me soulève le torse. Je n’en rajoute pas plus, pas maintenant, préférant m’activer pour libérer un peu d’espace afin de la guider vers le comptoir. Elle y dépose ses achats, une multitude de petites gourmandises vomissant le sucre. Je fronce les yeux en voyant cette débauche de sucreries, surpris de voir la brigadière se laisser aller à ce genre de plaisirs. Mes pieds s’étaient quelque fois aventurés dans la boutique voisine, pour goûter certains des parfums glacés dont mes clients et connaissances étaient friands, mais jamais leur montagne de confiseries et pâtisseries, bourrées de sucre glace, n’avait su me tenter. Je détourne mon attention de cette offrande de Saint-Valentin, ajoutant plutôt, avec un sourire en coin :

- C’est à cause de l’amant qui t’a offert ces mignardises, que tu ne viens plus me voir ?

Sa réponse est toutefois toute autre, mettant ses absences sur le compte d’une vie mouvementée. À qui le dit-elle, je gronde mentalement, songeant à la folie qu’ont été les derniers jours. Je secoue les mains, l’air de dire que cela n’est rien, que ça se calmera, cette vie de folie, mais mes yeux sont aussitôt attirés vers ses gestes à elle, cette mèche rebelle remise en place, ces mains presque à moins dix à l’heure tellement elles semblent porter mille et une fatigue et, surtout, ce front plissé. Aussitôt, son poste me revient à l’esprit, ce même rôle que j’utilisais il y a à peine quelques secondes pour médire ses choix de nourritures. Brigadière. Si mes fesses se sont tranquillement reposées dans la jungle mexicaine, puis dans la sécurité de mon petit atelier coupé du monde, ses fesses à elle ont dû s’activer à régler les après-coups du concert déchaîné d’il y a quelques semaines.

Sa présence ici ne fait plus aucun doute, ce n’est pas qu’une visite de courtoisie, où mes douces vannes aux odeurs de flirt lui auraient manqué. Non, ce qui lui manquait, ce sont mes petites fioles, scellées spécialement pour elle. Ça n’y manque pas, son sourire étire ses lèvres, et encore cette fatigue qui émane de chaque pore. Elle est là pour sa commande – mais pas celle de d’habitude, petit Nasiya. Ce soir, la jeune femme en demande plus. Au cas où je disparaitrais, tente-t-elle d’expliquer, avec un air tranquille.

Je fronce les sourcils, et déjà ma langue tape contre mon palais, réprobatrice. La jeune femme, dont la rousseur réveillait toujours en moi des frissons en souvenir du passé, sait déjà combien c’est une mauvaise idée. La dose a augmenté, peu à peu, au fur et à mesure des derniers mois. Elle a été une des premières à franchir mon chambranle, fascinée par ma drôle de vitrine, et s’est bien vite abandonnée à la douceur que peuvent lui apporter mes potions. J’ai compris, à la lourdeur dans son oeil, à ses rires un demi-temps en retard, que la jeune femme n’ait pas si fraîche et heureuse qu’elle le laisse paraître, et ses choix de potions ont vite confirmé mes doutes. Les besoins de rêves s'enchaînent, et ses demandes pour plus, juste un peu plus, légèrement plus pressantes. Les choses ont semblé se calmer, ces derniers mois, mais voilà qu’elle retombe dans ses travers.

Il y a des années je n’aurais probablement eu aucun remords à augmenter son nombre de fioles, à lui conseiller ma magie la plus poussée, à me faufiler dans son esprit, pour l’habituer à ma présence, au soulagement idéalisé que je pourrais lui apporter. Il y a quelques années, mes doigts auraient déjà attrapé les siens, et mordillé le bout de son oreille, joueur, pour la tenter jusqu’à moi. J’aurais glissé mes mains sur son crâne, lui aurais promis nuit de rêve, et de folie, les deux pour le prix d’un, promis, ma tendre.

Il y a quelques années, donc, j’aurais été un homme sans remords, sans morales. Depuis, pourtant, mon coeur semble s’être affaibli, mon envie de basculer dans l’illégalité s’est effondrée, et je me retrouve à vouloir prendre soin de cette belle inconnue, à vouloir assurer un commerce des plus tranquilles. Je me retrouve, pire encore, à vouloir utiliser ma voix, mes mouvements, la magie que je peux y faire peser, pour la rassurer, et l’enjoindre à se confier. Se confier, doux Moïse, se confier.

- Erin, je m’engage aussitôt, soufflant son nom, on s’était mis d’accord, pas plus de trois par semaines.

Mes traits se font plus doux lorsque je tends l’index vers son visage, effleurant le haut de sa joue, qui commence presque à se marquer de l’intérieur d’épuisement, quelques secondes à peine.

- Je connais ces traits, jolie rousse. J’ai vu des milliers de gens passer devant moi, avec cette même tête, ce même poids sur l’épaule, qui viennent me demander mes petits flacons miracle. Sauf que mes petits flacons, c’est comme ce condensé de sucre dans ton paquet. Un ou deux, et on les savoure. Trois ou quatre, et le sucre nous écoeure. Déjà, pourtant, le sucre s’est faufilé en nous, et nous pousse à croire qu’on a goût à rien sinon à ce sucre-même. Deux secondes de silence pèsent, avant que je ne reprenne, petit sourire aux lèvres : Et si je me fiche bien des trois quarts de la population et de leur problème d’addiction, je ne peux pas laisser ma cliente préférée tomber là-dedans, enfin. Un petit clin d’oeil, pour conclure le tout. Plutôt que de me vider mes stocks, on va procéder autrement.

Je fais le tour du comptoir, mes hanches évitant soigneusement une pile de cartons entassés, pour lui effleurer le coude, l’enjoignant à suivre mes pas vers les étagères en guingois sur la gauche. Une toute nouvelle flopée de produits, aux mêmes thématique, mais aux boucles repensées.

- On va refaire un tour dans mes petites variations, et changer ta routine. Et entre deux explications de flacon, tu vas surtout m’expliquer pourquoi ton visage de poupée a les joues si tirées ! Ça ne peut pas être ce concert, toi aussi ? Ils vous ont tant renversé le coeur, cette bande de rockeurs ?
Awful

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Ven 10 Avr - 18:53

Voler de nuit@Nasiya AbasindeErin


La remarque de Nasiya te tire un regard en coin, teinté d'une moue désabusée. Heureusement que tu n'attends pas après de potentiels amants pour t'offrir ce genre de douceurs. Il marque un point, ceci dit... Depuis combien de temps n'as tu plus passé une nuit entre d'autres bras que ceux de ton lapin en peluche ? Combien d'années sans t'autoriser ni passion, ni tendresse ? Comme si tes pertes n'admettaient pas que tu puisses savourer de nouveaux instants de bonheur. Alors tu t'enivres de travail jusqu'à en perdre la tête, te gaves de pâtisseries, tout en sachant que leur goût, aussi magique soit-il, n'égalera jamais celle d'un homme. Et de potions miracles pour oublier, quelques heures seulement, combien tu es seule et malheureuse.

Oh douce Helga, tu t'es trouvée tellement désemparée de trouver porte close ces dernières semaines. Dans l'intenable folie qui s'est emparée du monde magique suite au concert controversé de Reissen, la fatigue t'accable. Tiraillée entre ta loyauté envers tes employeurs, la mémoire de tes disparus, la colère d'assister à l'apologie d'un homme nauséabond entre tous, tu te perds chaque jour un peu plus. Les pensées vont et viennent. Intenables, inarrêtables, incontrôlables. Sapant toujours un peu plus ton énergie et tes forces, étiolant les sourires sur tes lèvres jusqu'à peau de chagrin. Mais ce soir, Morgane merci, tu vas enfin pouvoir dormir. D'un sommeil profond, réparateur, que nul rêve indésiré ne saura troublé. Tu en as tant besoin...

Déjà, tu vois l'ombre d'un désaccord se profiler dans le regard sombre du maître des lieux. Si tu connais ses recommandations – votre « accord », comme il l'appelle ? Évidemment. Sans doute mieux encore que les lois de Gamp sur la métamorphose élémentaire. Mais après deux semaines d'abstinence, n'as-tu pas le droit à quelques doses supplémentaires en compensation ? Ton profond soupir exhale un rien d'agacement, alors que tu tentes de négocier. Tu ne comprends pas, je...Mais il ne te laisse pas le temps d'achever, continuant sur sa lancée, avec ce geste d'une douceur inégalable. Si tendre qu'il infuse un brin de culpabilité dans ton regard las. Bien sûr qu'il comprend. Bien sûr qu'il est de ton côté et que son refus n'est motivé que par une réelle inquiétude pour ta santé. Alors tu le laisses poursuivre sans plus rien dire, la commissure de tes lèvres se retroussant même sous son trait d'humour. Cet homme est insupportable, il sait toujours exactement les mots à employer pour faire fléchir. Mais que l'on essaye pas de te faire prendre des fléreurs pour des chats, tu es absolument certaine qu'il sert le même boniment à chacune des clientes trop fatiguées qui passent quotidiennement le pas de sa porte.

Sur un hochement, tu lui emboîtes le pas, t'attachant à le suivre scrupuleusement dans le dédale d'étagères de son antre aux merveilles. Tes yeux courent, papillons inconséquents face aux mille lumières des fioles qui vous entourent. Certaines étiquettes en sont limpides : Sérénité, Plaisir, Ailleurs. Oh, ailleurs, quelle bonne idée. Quitter le froid et la grisaille de cet interminable hiver londonien pour une plage de sable fin, les reflets émeraudes d'une mer calme sur les récifs coralliens... Comme ils sont loin, ces paysages idylliques, loin du ciel uniformément nuageux qui gronde au dehors. Loin de ces troubles qui n'en finissent plus. Sans cesser de flâner, tu lèves les yeux au ciel dans le sillage de ton hôte. Mon cœur n'a pas beaucoup de compassion pour ce genre de provocateurs anarchistes. Ce « concert », comme tu dis, n'avait rien d'un simple show musical et ses répercussions sont... risquent d'être catastrophiques. Tu te retiens d'en dire davantage – pas un mot, brigadiers ! Mais le mordillement de ta lèvre inférieur n'exprime que trop l'ampleur du problème à peine soulevé par ta réponse évasive.
Ton doigt se perd sur une fiole plus petite que les autres, dont tu ne parviens pas à décrypter l'étiquette en pattes de Billywig. Sans toutefois oser y toucher, tu suis du bout de l'ongle la courbe délicate de son écrin de verre, admirant les reflets nacré qui y dansent, valsant du bleu à l'indigo, du turquoise à l'émeraude. Qu'est-ce que c'est, celui-ci ? Tu restes fascinée par ce ballet de couleurs, dont le doux balancement t'apporte déjà un rien du repos que tu espères pour ce soir.

Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
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Dim 12 Avr - 17:10

Voler de nuit

Rouquine vient échanger messes basses



Un soupir lui échappe déjà, son minois venant m’offrir des sourcils froncés, l’envie de riposter débordant de ses lèvres. Mes mains s’activent, mon index venant effleurer sa joue, m’autorisant un contact avec une facilité débordante. S’ils se crispent à chaque fois, ces biens gentils anglais, déstabilisés par l’aisance avec laquelle le contact se fait, la jeune femme semble s’être habituée, depuis le temps, à mon besoin de toucher. Ses yeux se font moins agacés, juste un peu, suffisamment pour que ma tirade se fasse plus enflammée, l’encourageant à me faire confiance, à ne pas se mettre en danger. Alors, ma main retombe, mon sourire se forme, et le sien me répond en retour, les lèvres à peine relevés mais la lassitude retombée. Du moins, bien cachée. Qu’à cela ne tienne, d’ici sa sortie d’Ô Marchand’Sable,  son coeur sera d’autant plus allégé, et ce sourire bien davantage marqué.

Les mains sur les hanches, je m’aventure au milieu des étagères, les yeux furetant ça et là, à la recherche d’une petite perle de plaisir à lui proposer. Je ne la regarde déjà plus, quand elle me répond, mais ses mots sont trop plein d’un orage à peine contenu pour que je comprenne qu’elle a les traits crispés, et les lèvres à deux doigts de déballer ce qui lui pèse sur le coeur. Je demeure silencieux, de longues secondes, ne sachant trop quoi répondre à ses mots. Des répercussions catastrophiques ? À quel point ce pays va-t-il mal, jusqu’aux plus profonds de ses tripes, si un vulgaire concert les fait se renverser ainsi ? Je retiens un soupir, reposant pourtant mon regard sur elle, une expression posée sur le visage. J’allais la rassurer, baragouiner quelques mots dont je ne pense pas grand chose, quand déjà elle pointe une fiole en face d’elle. Mon dos se redresse aussitôt, et d’un geste large je viens attraper le flacon au dégradé de bleu qui a attrapé son attention. Les yeux pétillants, je claque des doigts, et l’encens qui se propage depuis le comptoir prend peu à peu l’odeur de l’iode de la mer, du sable chaud qui brûle les pieds, des feux de bois où tout juste poissons pêchés sont préparés. Je ferme brièvement les yeux, inspirant profondément. Mes prunelles viennent alors chercher celles de McAllister, les doigts jouant distraitement avec la petite fiole.

- Toi aussi, tu as besoin de vacances, ma belle – quel judicieux choix. Tu sais, j’ai beau répéter à tous mes clients que les doses de réalité sont absolument proscrites pour vos rêves, ce que vous voyez mélangés dans vos boucles de rêve, c’est totalement puisé dans tout ce que j’ai pu vivre. Pas absolument tout, je te rassure, j’ajoute tout de même, avec un petit clin d’oeil, en pointant discrètement du doigt la potion de Plaisir rouge bordeau qui repose à côté de celle qu’elle a choisi. Celle-ci, du coup, c’est un des flacons d’Ailleurs. Celui-là précisément est empli de la douceur de vivre portugaise, je lui révèle, avec un sourire nostalgique.

Réfugiés dans les maisons blanches, à la toiture orange éclatante, des maisons carapatées au sommet des falaises du littoral portugais, les doigts enlacés dans ceux de Marco. Cela fait des mois que je n’ai pas pensé à lui – grand Dieu, peut-être même des années. Il avait la peau olive, la peau trop douce, les cils trop longs, qui venaient se prendre dans les miens quand nos baisers s’enflammaient. Il avait une maison, aussi, dans les hauteurs, les terrasses donnant sur l’océan qui se fracassent contre les falaises d’Azenhas Do Mar. Cette boucle de rêve, c’est un condensé des douceurs d’amandes, dégustées sur les terrasses de pierre, bordés par le soleil, c’est un mélange des liqueurs de cerises, dégluties du bout des lèvres, c’est un amalgame des sourires et des expressions portugaises, qui respirent le soleil. C’est un condensé de bonheur, finalement, qui transpire de l’ailleurs.

- Je ne sais pas si tu as eu l’occasion d’y voyager – mais imagine, des murs de mosaïques, le souffle chaud du vent, l’odeur de la mer, les guitares des enfants sur la mer, les rires qui sortent des cantines familiales, le mélange pourtant contradictoire de l’exaltation et de la tranquillité est réuni dans ce petit flacon. Un vrai bonheur, promesse de son créateur ! que je lui jure, sourire resplendissant.

Je repose le flacon à sa place, la laissant faire son choix – tant d’autres flacons se collent l’un à l’autre, dans cette boutique, de toute façon, elle a mille et unes autres options. Celui-ci, il est vrai, lui ferait un bien fou, après ce tumulte gris des derniers jours – mais peut-être que le réconfort discret ou l’étreinte passionnée de mains pleine de désirs lui apporteraient un coup de fouet davantage désiré. Le reste de mon sourire étire toujours mes lèvres alors que je fais quelque pas sur le côté, venant m’adosser délicatement contre l’étagère de bois foncé. Elles ont beau donner l’impression de s’écrouler à tout instant, mes bonnes vieilles constructions sont bien plus solides et ancrées qu’on ne le pense. Je ne suis pas assez fou pour risquer de gâcher des heures de travail, et des dizaines de flacons.

Mon regard est posé sur elle, l’observant discrètement. Sa longue chevelure rousse lui tombe dans le dos, et j’ai un semblant de frisson, comme toujours, de la voir ainsi. Lorsqu’elle me fait face, ses traits sont trop différents de l’amie de Kyoko pour que l’illusion se poursuive, mais le souvenir est là, et me fait sourire quand même. Le repoussant au loin, je m’acharne plutôt à l’observer réellement, à regarder ses traits tirés, la crispation presque invisible de ses mâchoires, le teint un peu plus terne de ses tâches de rousseur. Si j’ai envoyé balader ses paroles de tout à l’heure, pour me concentrer sur mes potions, il m’est compliqué de ne pas y revenir, à la voir malheureuse comme ça. Je m’éclaircis la gorge et m’efforce à mettre en mots ce qui me pèse dans cette situation.

- Tu penses sincèrement que la suite va partir en vrille ? J’ai dû mal à comprendre comment une simple provoc pourrait entraîner de vraies catastrophes. On est quand même loin du climat d’il y a quelques années, non ?

Les attaques, au jour le jour, parfois, le racisme extravagant, la xénophobie mordante, le temps gris qui se mêlaient aux mines maladives, les demandes de potions en hausse… Je fronce les sourcils, pourtant, réalisant soudainement que je ne fais que me plaindre, depuis le concert, d’une demande exorbitante. Mon sixième sens s’est vraiment évaporé, si la crise se révèle véritablement monstrueuse.

- - Le ministre a bien fait une déclaration hier, ça doit pourtant t’avoir rassurée ? Ils seront jugés s’ils le doivent, des enquêtes sont en cours, ou que sais-je. Ça va décourager les plus enflammés par ce type de discours, et d’ici, allez, trois mois, vous n’y penserez même plus à Reissen. À quoi bon se prendre la tête avant même que les choses ne soient réellement explosives ?

Et, même là, le monde entier attend que je revienne le visiter, ou qu’Erin aille le découvrir. Pourquoi s’acharner à rester dans un pays qui s’écroulerait sur lui-même, si vraiment nous devions en arriver là ? Ça, seulement, je ne le lui murmure pas, peu certain qu’elle soit du même avis.
Awful

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Dim 19 Avr - 23:48

Voler de nuit@Nasiya AbasindeErin


Flânant entre les étagères, virevoltant parmi les mille flacons, une odeur légère s'en vient à tes narines, emplit tes poumons d'une douceur de vivre inconnue. Écho de terres lointaines où brille un soleil si chaud, où ses rayons brûlent les peaux de lait comme la tienne, où les boucles de cheveux sont brunes et épaisses, les épaules dorées, les fruits plus sucrés. Où la mer turquoise caresse le sable dans une furie de vagues, si différentes des écumes grises qui heurtent vos falaises écossaises.
Oh, douce Helga, il a raison Nasiya, de suggérer que tu as grand besoin de vacances. Besoin d'oublier pour un temps les affres du quotidien, d'aller t'étendre sur l'une de ces plages baignées de lumières, où la caresse du temps est un délassement plus délicieux encore que toutes potions qu'il pourra jamais te concocter. Partir oui – oh ! pas longtemps, peut-être quelques jours. Ce serait si doux...

Une teinte rosée vient empourprer tes joues à son clin d’œil et ton regard curieux se détourne bien vite des volutes rouge sombre qui voisinent l'objet de ta convoitise. Jamais encore tu ne t'es aventurée sur ces terres inconnues, ces plaisirs faciles. C'est ridicule, sans doute, mais tu ne parviens pas à t'y résoudre. Tromper ton ennui, ton ignorance du vaste monde par des songes exotiques, c'est adoucir tes nuits. Qu'importe que tu demeures les pieds cloués au sol anglais, puisqu'ils existent, ces voyages oniriques. Mais en amour – il ne s'agit pas d'amour, te dirait Nasiya, juste d'une ivresse des sens passagère –, en amour, c'est différent. C'est compliqué. Malgré ce besoin de tendresse, malgré l'envie de passion qui parfois te laisse pantelante, tu t'en sens incapable. Ce serait comme... tricher. Et si tu peux t'en satisfaire sur d'autres plans... Pas sur celui-ci.

Tes doigts courent sur l'étagère, frôlant sans oser les toucher ces centaines de couleur virevoltantes. Tu l'écoutes, attentive, te narrer la douceur de vivre portugaise avec un enthousiasme communicatif. Par les odeurs et la description qu'il t'en fait, de sa voix profonde, tu t'imagines presque déjà partie. C'est dans un murmure un peu honteux, que tu avoues à mi-voix. À vrai dire... Je n'ai jamais quitté le Royaume-Uni. Et tu sens si bête de ce manque béant face aux innombrables expériences de ton marchand préféré. Mais il y a eu des vacances dans la maison de ta grand-mère, Poudlard, tes efforts acharnées pour intégrer le Ministère, la guerre, le deuil... Et jamais tu n'as pris le temps de sortir de vos frontières – à l'exception du déplacement pour la Coupe du monde de Quidditch, mais peut-on compter un terrain de camping irlandais comme un réel voyage ?

Un jour, tu prendras le temps, c'est promis. Tu iras découvrir toutes les merveilleux de par le monde. Un jour. Quand les choses seront plus simples, quand ce sera le bon moment, la bonne personne avec qui partager souvenirs et expériences. Quand tu cesseras de trouver de nouvelles raisons de ne pas emprunter un Portoloin vers la première destination venue. Car s'il te faut attendre que la situation s'apaise ici... Les cheveux blancs auront commencé à strier ta chevelure de feu avant que tu ne mettes un pied sur une terre étrangère.

La question de Nasiya, comme lancée nonchalamment, te ramène aux jours actuels, à la menace latente qui plane au-dessus de cette paix ténue. S'il savait combien la situation est complexe, si délicate qu'il ne faudrait qu'un souffle pour faire voler ce fragile équilibre en éclats... Or, avec ce concert impromptu, ce n'est pas une brise légère qu'ont relâché Reissen et la Malefoy, c'est une bourrasque qui pourrait si vite se faire tornade destructrice... Mais que peux-tu en révéler ? Tu hésites, tu tergiverses, dans un profond soupir. Ce n'est pas si simple... Nous ne sommes pas en guerre, alors la situation est moins critique, bien sûr. Mais elle est fragile. Suffisamment pour qu'une simple « provoc », comme tu dis, puisse tout faire basculer. Pas en guerre, vraiment ? Tu ne peux pas lui dire combien vous êtes inquiets, lui révéler que certains fourbissent déjà leurs armes, pour être prêts le jour venu – car il viendra, c'est une certitude ! Toi-même, tu as déjà choisi ton camp, en acceptant la proposition insensée de @Moira A. Oaks, simple pion dans un conflit qui te dépasse d'ores et déjà. Mais si tu ne peux évoquer la complexité des stratégies qui se mettent en place sur l'échiquier, au moins peux-tu tenter de lui expliquer le sous-titre derrière les images tapageuses des unes de la Gazette. Le Ministre a fait une déclaration, oui. Le problème, c'est qu'il l'a fait trop tard, à tous points de vue. Ceux qui condamnent le concert et ses aboutissements estiment qu'il aurait dû le faire bien plus tôt. Et les soutiens vont crier à l'arbitraire, à la manipulation, l'accusant d'avoir pris le temps de peaufiner un plan, quel qu'il soit. Critiquer le Ministre, même avec des mises en scène aussi controversables, c'est une chose. Le faire en l'honneur d'un mangemort reconnu, c'en est une autre, plus grave.

De fait, aujourd'hui, c'est non seulement le Ministère mais aussi le Magenmagot qui sont dans une impasse avec ce procès. S'il condamne Reissen, ils hurleront à la censure, au nom de la liberté d'expression. Mais s'il les acquitte, tous leurs détracteurs le verront comme une insulte à la mémoire des victimes de la guerre – à plus forte raison après les feux d'artifice. Celui qui a fait ça a lié intrinsèquement le concert au souvenir de tous ceux qui sont tombés à cause de Tu-Sais-Qui.
La position du Ministère envers ce fauteur de troubles qui a enflammé le ciel du Chemin de Traverse n'est guère plus amène qu'envers les rockeurs. Mais le coupable est parvenu à s'enfuir et dans ta voix vibrante, tu ne peux dissimuler toute l'admiration que tu ressens face à cet acte grandiose de beauté. Merlin, tu aimerais avoir ne serait-ce qu'une once du courage de celui qui a fait ça.

Au fil de ce monologue, tes yeux n'ont cessé de voleter, de ci, de là, esquivant le regard curieux du Sud-africain. Et tes doigts reviennent à cette fiole qui, la première a suscité ta curiosité et dont il t'a si bien vanté la sérénité. Je pense que je vais tenter une petite escapade au Portugal. Quelles autres merveilles as-tu à me proposer ? En revenir à la raison initiale de ta venue, en cessant de t'éparpiller sur la situation politique, voilà qui serait plus sage.

Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
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Mer 6 Mai - 21:55

Voler de nuit

Rouquine vient échanger messes basses



Un sursaut d'horreur me prend, et se vocalise presque en une exclamation outrée, quand la jolie rousse m'indique n'avoir jamais quitté le pays. Jamais ? Jamais, jamais. Un frisson d'angoisse me remonte l'échine, alors que je m'imagine prisonnier des mêmes terres, des mêmes paysages, des années durant. Quelle sainte horreur. Je me contente de reposer le flacon sur l'étagère, avec un peu plus de virulence que nécessaire, cherchant par tous les moyens comment la convaincre de prendre ce flacon. L'ailleurs, bon sang, comment ne pas vouloir s'y fondre ? Comment rester sur les mêmes mètres carrés, les mêmes brins d'herbe, toute sa vie durant ? Impossible. Cela explique peut-être finalement, pourquoi elle est aussi triste. C'est parce qu'elle n'a vu que ce gris, ce moisi londonien, peut-être, même. Josiah, regarde donc, c'est comme ça qu'on finit, à vivre ici toute sa vie. Bercés par mes potions, incapable de mettre un pieds hors des frontières, le coeur plein d'horreurs. Nous n'allions pas rester ici toute notre carrière, Josiah, promets-le moi. Il faudra que je lui fasse promettre.

Pas maintenant, pas tout de suite - quand il aura arrêté de grogner, déjà, en me voyant chaque instant, mais un jour, quand nos poches seront plus remplies, quand on se sera lassés de notre routine d'ici. Partir, pour ne pas finir comme cette pauvre Erin. Il lui faudrait peu, pourtant, je songe en l'observant, adossé à mon étagère de guingois. Il lui faudrait un regard plus pétillant, un cœur moins fripé. Elle est si jeune encore, à peine plus jeune que moi - nous avions la vie devant nous, encore. Plutôt que de rester plongée dans ce qui la teinte de gris, la jolie rouquine devrait se tourner vers l'instant présent, prendre de plein fouet tout ce que le bonheur du présent peut lui offrir. Lui présenter quelqu'un, alors ? Merlin non, je suis marchand de sable, pas encore Cupidon. Tout ce que je peux faire, c'est l'emmener à l'autre bout de la terre depuis ses rêves. Y glisser de l'espoir, un amour de l'instant. Se laissera-t-elle y prendre ? J'ai envie de lui faire une potion spéciale, rien que pour elle - pas ces flacons tout construits. Quelque chose qui fasse pétiller son cœur de rouquine. Une prochaine fois, peut-être.

Aujourd'hui, elle a la tête trop dans ses pensées, les yeux trop vrillés sur mes étagères, pour être réceptive aux vapeurs de mes chaudrons. Ses pensées, tournées vers ce concert, probablement. Ces paroles me reviennent, et il me faut apaiser ma curiosité. Elle ne s'imagine pas ce pays en guerre, tout de même ? Une hésitation prend ses traits, et elle soupire longuement. Je me redresse d'un geste souple pour venir lui faire face - je ne peux avoir ce genre de discussion si elle me tourne le dos, il me faut pouvoir lire son visage, la tension dans ses gestes. Elle ne va pas tout me dire, jeune brigadière, employée du ministère, trop de choses la maintiennent au secret. Mes sourcils se foncent, alors que mes bras viennent se croiser. La situation serait moins critique, mais plus fragile. J'ai envie de hausser les sourcils, et de balayer ses mots d'un geste. Evidemment que c'est fragile. Ils sont à peine sortis de la guerre. Que s'imaginaient-ils, Potter revenu, tout irait pour le mieux, tout s'apaiserait fabuleusement ? N'ont-ils jamais regardé hors de chez eux ? Les guerres civiles qui ont décimé, ne serait-ce que le continent africain, celles qui durent encore, celles terminées mais dont les répercussions sont chaque jour plus puissantes ? Mon cœur se peine pour l'Afrique du Sud, mes terres encore si fragiles, et je secoue la tête, abasourdi par ses mots.

- Explique-moi, je la presse, d'un signe.

Je garde le silence alors qu'elle semble se libérer enfin, un flot de pensées, qui semblent avoir longuement été réfléchies, s'articule et tombe entre nous. Elle semble de plus en plus remontée, sa voix se faisant plus sèche au fur et à mesure de son exposé. Je l'écoute, donc, silencieusement, tandis qu'elle m'explique les bêtises du Ministre, trop lent dans sa réaction, le peuple qui s'acharnera contre lui, d'un camps ou de l'autre. Je plisse les yeux, peu convaincu. Ils ne vont pas me faire croire, dans tous les cas, que ce pays est une démocratie libre. Un peu de censure, c'est propre à tout pays. Que certains se scandalisent, c'est la mémoire de guerre qui sera honorée, il n'y a aucun doute. Je hoche la tête aux feux d'artifices, me souvenant sans peine de l'émotion de Josiah quand il m'a raconté l'événement. Ça m'agace, je ne vais pas lui mentir, qu'on voit dans cet acte de chanson, par le groupe d'Engel, un acte politique outre mesure. Sans l'événement final, ce n'était que de la provocation à vif, que j'appréciais en tant que spectateur de ce pays, qui me plaît moins quand je vois la mine que ça donne à mes proches, mais une provocation tout de même. Je lance, sourcils haussés :

- Dans ce cas-là, ne serait-ce pas la faute de ces feux d'artifice, d'avoir davantage politisé l'instant ? Sans cela, c'était de la provocation douteuse - associée à Malefoy, très bien, mais ce n'est pas ce que les gens en auraient retenu. Ils auraient vu la critique du ministre, par un groupe qui a l'habitude d'être virulent et provocateur. Ces feux d'artifice...
je me tais, toutefois, parce que je ne sais comment lui dire cela.

Ces feux d'artifice, c'était de mauvais goût ? Bon sang, ce serait idiot de le penser, et je ne peux que songer que cela devait être de la belle magie, en plus, chargée d'âme et de douleur. Mais il faut avouer que ce geste a rendu le concert bien plus fort qu'il ne l'aurait été sans. De qui venait-il ? Est-ce qu'on lui pardonne aussi facilement, à lui, d'avoir mis les noms à vif dans le ciel, d'avoir ressuscité ce qui divise leur peuple ? Je soupire, et grimace :

- Enfin, je veux bien te croire que cela met le gouvernement dans de mauvais draps. Mais est-ce que cela changera véritablement quoique ce soit à la situation ? Les gens qui s'antagonisaient déjà vont simplement continuer à le faire, Erin, et il faudra de longues années pour que le pays sorte de cette boucle-là. Est-ce que ça le poussera à se relancer dans une nouvelle crise ? Je ne le sais pas - mais je ne pense pas que cette mine que tu tires, j'ajoute en venant lui tapoter le front de l'index, soit déjà nécessaire.

Elle ne semble pas convaincue, ses yeux se réorientant vers les fioles, et saisissant l’ailleurs portugais que je lui faisais miroiter. Je retiens un roulement d’oeil, et lui adresse un sourire fatigué. Soit, pas de politique, mes jolies potions. D’un claquement de doigt, ma chevalière se frottant contre mon index, je visualise trois potions aux quatre coins de la boutique que je fais venir à moi, y ajoutant un accio mental murmuré en xhosa. Aussitôt, une fiole ronde et tassée, une autre allongée et rose pétillante, et une dernière en cube, miroitant d’un opaque étrange, se révèlent à nous. Elles atterrissent entre mes paumes ouvertes, prêtes à les réceptionner, et je les tends à Erin.

- La ronde, c’est de l’eau à la bouche. Tu te réveilleras le ventre grognant de faim, prête à déguster un plateau de scones – non fourni, malheureusement, je souffle avec un clin d’oeil. Cela diffère de personnes à personnes, mais c’est généralement un rêve plein de convivialité, de papilles sustentées. Celle-ci, je lui indique en pointant la rose, c’est l’enfance. Oh, ce ne sont pas exactement les tiens, mais ça t’enfonce dans un sentiment d’innocence, dans le plaisir de redécouvrir des choses simples. Tu en sors – pas niais, mais peut-être… comme épuré ? Certains n’aiment pas trop, ils préfèrent garder leur contrôle et sérieux d’adulte. Je hausse les épaules, peu convaincu. La dernière, c’est une variante de la sérénité – je crois que tu l’as déjà testée ? Enfin, celle-ci pousse le concept de tranquillité au maximum. C’est le vide complet. Comme un trou noir, mais proche du zen de la méditation. Ça t’assure une nuit paisible, parce que vide. Mais pas vraiment vide, en réalité, plutôt comme un... flottement ? Je garde le silence quelques instants, regard songeur posé sur elle, avant de laisser un sourire venir me dévorer les lèvres : bon sang, des années que je les prépare, des mois que je les vends, et je suis toujours autant incapable de vous les décrire simplement. Elles sont toutes uniques, ma belle, tu le sais toi-même très bien. Elles t’emmèneront dans des schémas pré-définis, mais ton cerveau viendra s’y mêler aussi, et sublimer tout ce qu’elles peuvent te proposer. Peut-être que tu as beaucoup rêvé de… allez, de shortbreads, ces derniers temps, alors la fiole ronde te fera un tour du pays des shortbreads, jusqu’à ce que ton estomac gonfle, gonfle, gonfle, et que tu exploses de bonheur. Je ne peux pas tout contrôler, tu le sais bien, conclus-je en haussant les épaules, faussement modeste.

C'est faux, évidemment, car mes potions plus compliquées permettent un contrôle plus défini, et mes sessions extatiques plus encore. Mais cela, ma cliente toute dans les règles n’a pas besoin de le savoir. Je lui adresse un sourire, pour finir, en tendant le doigt vers la fiole rouge, qui la nargue depuis tout à l’heure :

- Et toujours pas d’amants de sable, pour accompagner dans tes rêves la dégustation des muffins sur mon plan de travail ?

Sur un clin d’oeil, évidemment.

Awful

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Ven 19 Juin - 17:38

Voler de nuit@Nasiya AbasindeErin



Un jour, tu partiras. Tu prendras tes cliques, tes claques, Suil sous le bras et tu iras... Tu ne sais pas, à vrai dire. N'importe où. N'importe où, pourvu que ce soit loin. Exotique. Différent. Oh, pas forcément longtemps, pas définitivement. L'Écosse coule trop fort dans tes veines pour que tu puisses envisager de vivre loin de ses falaises, de ses lumières. Mais quelques mois, le temps de voyager. Peut-être même une année. Aller vivre loin de la Grande Bretagne et de ses conflits larvés. Oublier pour un temps les violences et les dangers pour simplement savourer le temps qui s'écoule comme autant de grains de sable balayés par le vent sur une plage immaculée. Un jour, oui. Plus tard. Quand les troubles seront derrière vous. À moins qu'ils ne soient la meilleure raison de s'éloigner, pour te préserver ? Partir, sans se retourner. Fuir.

Non, tu ne peux pas. Tu en es incapable. Tu l'étais à l'époque, alors même que ton engagement dans ce foutu conflit mettait en danger le plus précieux espoir au monde, tu l'es toujours aujourd'hui. Est-ce ton cœur de Poufsouffle, si épris de justice qu'il ne peut envisager de refuser un combat, qui t'interdis de tourner les talons ? Où as-tu passé trop de temps aux côtés de ta Gryffondor de cousine pour finir par partager leur courage insensé ? Au fond, peu importe.
Alors tu parles. Tu expliques, tu raisonnes, tu argumentes. Pourquoi ce concert était une aberration insensée, pourquoi sa tenue risque de mettre le feu aux poudres, libérant des flammes bien plus dangereuses et dévastatrices que les artifices utilisés sur scène. Avec plus de retombées que les étincelles de ces lumières venues illuminer le ciel londonien de leur mémoire intacte.

Toutes les récriminations de Nasiya ne font qu'apparaître un haussement de sourcil contrarié sur ton visage pâle, et tu retiens de justesse un claquement de langue agacé. Il ne comprend pas. Mais est-ce bien ton rôle que de lui expliquer ? N'est-ce pas briser un peu de la confidentialité de ton poste que de lui en confier déjà autant ?
Fort heureusement, il n'insiste pas, reportant son attention sur les flacons si nombreux qui te promettent une nuit paisible, enfin. Tu l'écoutes avec application, consciente de toute la magie, tout l'impalpable qui entoure ces petites fioles capables d'ouvrir tes yeux aux délices et aux merveilles d'un voyage en plein ciel au pays du rêve bleu. Tes doigts glissent le long de l'étagère, sans toutefois oser les effleurer de ta maladresse, avant que tu ne désignes la troisième. Je me souviens de celle-ci, oui. Elle est fabuleuse ! Pour les deux autres, je suis moins convaincue. Comme tu peux le voir, je n'ai guère besoin d'aide pour la pâtisserie...Tu lui adresses un clin d’œil entendu, quoique las. Quant à l'enfance, je ne crois pas que ce soit ce dont j'ai envie en ce moment. Réponse classique, habituelle. Tu jurerais avoir déjà sorti le même genre d'excuse anodine par le passé. Vous n'êtes pas assez proches pour que tu lui confies tout l'ennui qu'a été ton enfance, hors des moments passés auprès de ta grand-mère et de tes cousins. Bien sûr, il est probable que la potion se concentre sur ces instants de bonheur mais jusqu'ici, tu n'as jamais eu l'envie de le vérifier. Une autre fois, peut-être. Quant à celle-ci, dont les reflets carmin suffisent à empourprer tes joues... Il n'en est pas question. Tu adresses au marchant taquin un regard faussement réprobateur, avant de secouer la tête. Oh Nasiya... Non, toujours pas. Par contre... As-tu encore de ces potions que tu m'avais vendu la dernière fois ? Celles qui permettent de voler, sans vertige, sans étourdissement ? Toute catastrophe sur un balai que tu sois, tu adores ces moments nocturnes à t'imaginer filer dans les cieux assombris, tel Peter Pan ralliant l'Île au Crâne. Et tandis qu'il te guide vers un autre rayonnage, à la recherche de ces philtres qui sauraient te convenir, l'écho de son soupir précédent continue de résonner dans tes tympans. Avec prudence, tu t'adosses au comptoir tandis qu'il farfouille. Tu ne dois rien dire, c'est évident. Ne rien ajouter sur ce sujet déjà si délicat. Mais c'est plus fort que toi. Une profonde expiration vide tes poumons avant que tu ne reprennes, d'une voix douce. Tu sais... Tu te trompes, si tu penses que les gens n'auraient vu là qu'une provocation envers le Ministère. La chanson contre Potter était... dérangeante.Tu réprimes un frisson au souvenir de la silhouette décharnée, les lèvres tachées du sang symbolique de ces enfants prétendument sacrifiés sur l'autel de son ambition.Mais elle ne constituait qu'une infime partie du concert qui était lui-même, tout entier, donné en l'honneur d'un Mangemort reconnu, d'un criminel de guerre en fuite. Ne pas réagir, c'était accepter qu'aujourd'hui, six ans après, on puisse en toute impunité souiller la mémoire de ses victimes. Ç'aurait été inacceptable pour tous ceux qui ont perdu un proche, de sa main ou de celle de ses complices. C'est plus fort que toi, le ton se durcit à cette évocation. Tu passes une main fatiguée sur ton front plissé parla contrariété, avant de reprendre, plus calme à nouveau. Cela dit, je t'accorde que le lanceur de feux d'artifice a compliqué les choses. Mais il n'est pas responsable de la politisation du concert, la Malefoy et Reissen oui. Elle en osant organiser cela, eux en acceptant de s'en faire les porte-paroles. Au fond, les feux d'artifice n'ont fait qu'appuyer sur quelque chose que tout un chacun savait déjà, le mettant trop en avant pour qu'il soit encore envisageable de faire le botruc, à se cacher derrière une feuille pour ne pas voir l'arbre qui nous faisait face.Quelques secondes de silence s'écoulent et tu lèves les yeux au ciel, fixant un invisible point sur le plafond. Il a réussi à filer, mais il est recherché. Le lanceur. Pour trouble à l'ordre public. Le Ministère considère qu'il est responsable des émeutes qui ont éclaté après. Le Ministère. Pas toi. Le sous-entendu est évident dans tes mots. Pourtant, tu sais qu'il est responsable, tout autant que les instigateurs et pantins du concert, de la violence qui s'est emparée du Chemin de Traverse ce jour-là. Mais tu restes incapable de l'en blâmer. Pas alors que le nom de Loane brillait certainement, quelque part au firmament.

Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
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Jeu 30 Juil - 15:21

Voler de nuit

Rouquine vient échanger messes basses



La sérénité, donc. C’est sur cette fiole que son choix se porte, balayant la gourmandise d’une remarque, et l’enfance d’un haussement d’épaules. La même réponse, toujours, sous mille variantes. Pas d’enfance. Cela m’échappe, un peu. Non, beaucoup même. Je n'ai jamais souhaité redevenir enfant, profitant bien trop de chaque nouvelle matinée s’offrant à moi, mais il faut admettre que les souvenirs de mon corps enfantin plongé dans les criques de Knysna, à gober l’eau trop salée - voilà des images qu’il fait toujours bon de se remémorer. La jolie rousse n’a-t-elle aucun pet de bonheur, flottant au fond de sa mémoire enfantine ? Aucun avec lequel elle ne souhaite se réconcilier, toutefois, plongeant plutôt tête la première dans ce vide que je peux également lui proposer.

Elle rougit, encore, devant les reflets du filtre coquin, et mon sourire revient. Non, vraiment, aucun homme pour faire pétiller ce regard ? Aucun, me répond-elle, divergeant bien rapidement de sujet. Je secoue la tête, bon joueur, et de la titille pas davantage. L’objectif n’étant tout de même pas de faire fuir ma chère cliente. Je hoche la tête, reprenant aussitôt une attitude plus enthousiaste. Mes gestes sont larges lorsque je la guide vers les rayons proche du comptoir.

Les rêves de vols sont particulièrement populaire à l’approche de la saison de Quidditch. À croire que de voir une brochette de belles personnes s’élever à dos de balai fasse rêver la populace. Si certains pratiquaient à Ouagadou, le quidditch est un sport qui m’échappe bien totalement. Kyokyo en raffolait – peut-être comme l’ensemble des japonais, finalement, et n’était jamais aussi heureuse que lorsqu’un joueur de l’équipe nationale venait trouver quelques heures d’abandon au sein de son institution. Ils avaient le droit aux femmes parmi les mieux gradées, évidemment, qui dansaient, buvaient, faisaient rire, mais qui ne touchaient pas. Ceux-là même qui volaient comme le vent, pourtant, à en rendre envieux les communs, venaient parfois trouver réconfort auprès de quelques gouttes de rêves les plus terrestres. Personne n’est jamais satisfait, jamais totalement heureux - si ce verdict pèse à l’âme, je ne suis pas encore assez hypocrite pourtant pour le regretter.

Je me redresse enfin, main sur la fiole recherchée, d’un blanc nacré aux bulles couleur ciel. Je ne m‘attendais pas à ce qu’Erin reprenne déjà la parole, pourtant, son long soupir annonçant des phrases probablement peu légères. Je reste le dos tourné, faisant semblant d’inspecter les fioles face à moi, à hauteur d’yeux, et tend l’oreille. Elle revient sur le concert, et mon sourcil se hausse. Elle ne fait que ruminer cet évènement qui m’échappe, et son besoin de sérénité ne fait que s’illustrer plus encore. Je ne sais pas si la chanson contre Potter était si dérangeante – je sais simplement que le teint pâle, les poings crispés de Josiah m’avaient peiné, oui, et je ne peux que comprendre sa réaction, face à ce portrait violent, qui avait ensuite circulé dans les journaux, rappel incessant. C’était, toutefois, une image, un jeu, un dupe, une provocation, peu importe le terme – c’était du faux. Du faux de mauvais goût, certainement, mais ils n’avaient pourtant pas éviscéré un des leurs sur la place publique, non ? Leur tolérance de l’horreur était-elle si basse ? N’étaient-ils pas censés être tout juste sortis d’une guerre ? L’horreur, c’était un homme noir corps attaché au panneau de bienvenue d’une ville, c’était un enfant tabassé parce que pas assez blanc, ni assez noir. Ce n’était pas un clip d’un homme interprétant un autre et croquant dans un faux bras en plastique, giclant le sang de scarabée.

Je pince les lèvres, soupire - elle n’a pas fini de parler. Je me retourne, cette fois, et écoute, m’ouvrant à son discours, chassant les images du passé pour compatir à celles de son présent. La culmination de son outrage semble être la lenteur de réaction face à ce concert effectué en l’honneur d’un homme des plus vils. Cette fois-ci, ma tête montre son assentiment. L’injustice, après tout, frappe tout pays. Les magouilles politiciennes n’en épargnent aucun – qui sait, Potter trouvera peut-être un jour le moyen de gracier ce mangemort, si sa famille devait lui apporter le soutien nécessaire, ou s’il devait un jour faire acte noble. Les retournements de situation, en politique, sont tels qu’on ne peut pas toujours les concevoir. Alors son écoeurement, je ne peux que le partager, volontiers.

Ses traits sont crispés, et sa voix encore un peu tendue lorsqu’elle reprend. Le lanceur de feu d’artifices a compliqué les choses, mais ne les a pas politisées, renchérit-elle. Je reste silencieux, encore, alors qu’elle m’explique pourquoi elle pense ainsi. Ma pensée s’affine un peu, alors, et je songe à ce que m’évoque cet énième provocateur. Il a appuyé ce que chacun savait déjà, donc, c’est bien cela qu’elle me dit ? Quel besoin, alors, de venir chatouiller l’essaim, de titiller la Reine, de faire bourdonner ainsi la colère ? Sans cela, l’évènement serait resté au stade d’un acte politique, certes ,d’une provocation sale, soit, mais d’un acte auto-centré, d’un groupe se satisfaisant lui-même. Avec ces explosions, le fauteur de troubles avait fait de l’évènement un acte parlant aux deux, unissant les deux dans l’action. Il le légitimisait, d’une certaine façon – toute cette histoire était d’une trop grande bêtise, je songe en lâchant un énième soupir, observant toujours aussi silencieusement la rouquine, dont le couvercle des aveux semblait s’être grand ouvert. Le poids que prend cette histoire m’agace de plus en plus. Si je pensais mieux comprendre, suite à cette discussion, je ne suis finalement que tout aussi perdu, si ce n’est plus embrouillé.

Sa dernière phrase répond alors à mes propres réflexions, et je grimace de savoir être dans le même cheminement de pensées que le Ministère. Son détachement de son institution, dont elle porte d’ordinaire fièrement l’insigne, ne peut qu’indiquer combien elle n’est pas de cet avis, elle. Il serait absurde de s’engager dans cette discussion, et de chercher plus longuement à s’expliquer combien chaque côté avait raison. Je me contente de hausser les épaules, alors, en posant brusquement sa fiole de rêves sur le comptoir.

- On ne peut pas toujours être d’accord avec son gouvernement, je souffle. Je ne sais pas qui est le véritable fauteur de troubles dans cette affaire, et si même le Ministère va s’en tenir à n’en nommer qu’un seul.

Je fais le tour du comptoir, pour me glisser devant la caisse, étrangement las.

- C’est étrange, tout de même, qu’un gars ait brusquement eu le temps de mettre au point un artifice pareil, alors que personne n’était au courant de rien. Si ça se trouve, ton justicier jouait simplement le jeu de la Lady Malefoy. Sera-t-il encore quelqu’un que seul le Ministère recherche, dans ce cas-là ?

Je la sonde du regard quelques instants, avant de pointer du doigts les deux flacons entre nous.

- Ça te fera 190 mornilles, pour ces deux-là. Autre chose ?


Awful


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