Le bruit de nos pas résonne dans les couloirs. Le mien est lourd, traînant, alors que celui de
@Edwa D. Black est plus fluide et léger. La grâce avec laquelle elle marche me rend presque jalouse. Son allure est-elle naturelle ou bien lui a-t-elle été inculquée par ses parents ? Dans le dernier cas, question éducation, ça ne doit pas rire chez les Black. Chez moi, c’est plutôt l’inverse : fait ce qu’il te plaît. Attention, je ne dis pas que je suis mal éduquée ! Je dis juste que mon père ne m’a certainement pas élevée à la manière rigide et contraignante des familles Sang-pur traditionnelles.
Edwa est un bourgeon prometteur qui ne demande qu’à éclore et devenir une superbe fleur. Elle a l’air très épanouie en tout cas. Sa bonne humeur et sa détermination la font rayonner.
Edwa parcoure les couloirs comme si elle était chez elle. Elle connaît parfaitement le chemin menant à l’endroit où elle souhaite se rendre : ici, en l’occurrence, la salle du professeur Bohl où nous espérons le trouver. C’est comme si le doute n’avait pas sa place avec elle. J’esquisse un sourire embarrassé, car une fois encore, la différence entre cette ravissante Troisième année de Serpentard et moi est flagrante. Et le pire, c’est qu’elle ne semble pas s’en rendre compte. A moins, qu’elle n’en ai que faire… ce qui tend à la rendre plus fascinante et énigmatique.
Pourtant, je doute qu’elle n’ai réellement que faire du jugement d’autrui. Tout comme je sais maintenant que le passé de sa famille la trouble plus qu’elle ne consent à le montrer. Elle se pose beaucoup de questions, n’hésite pas à avouer lorsqu’elle se montre inapte et si elle se trouve confrontée à un problème, elle met tout en œuvre pour le résoudre, ou au moins le contourner. Je l’admire. En secret. C’est presque honteux pour moi qui suis son aînée.
Et tandis que ses pas la portent (la transportent?) vers son nouvel objectif du jour, elle m’encourage à poursuivre mes rêves et la voie que je souhaite ardemment emprunter. Avec elle, mes déboires semblent s’envoler d’un revers de la main. Je sais qu’en vérité, ce n’est pas aussi simple que cela, mais la manière d’aborder la chose d’Edwa donne l’impression que la difficulté à aborder est moins complexe et ardu qu’il n’y paraît.
J’opine du chef, imaginant l’échoppe de mes rêves sur le Chemin de Traverse, ou dans la rue principale de Pré-au-Lard. Un lieu qui ferait un pont entre monde moldu et monde magique. Où les nés-moldu, comme ce Serdaigle dont ma camarade me conte les mésaventures logistiques, trouveraient une alternative pratique et confortable aux traditions rigoristes et archaïques des sorciers Sang-Pur.
Edwa a raison : Ce serait la classe. Je me demande ce que penserait le professeur Anderson de mes projets. Je devrai en discuter avec lui, ne serait-ce que pour avoir un avis éclairé de quelqu’un qui se préoccupe sérieusement de la question, ainsi que quelques conseils pratiques. Car je ne suis pas folle au point d’imaginer que mon entreprise fera l’unanimité auprès de mes pairs. Certaines personnes, certaines familles, vont probablement tenter de ruiner mon rêve. Tenter de savoir ce qui m’attend exactement relève de la sagesse la plus élémentaire.
- Les moldus n’utilisent plus de plumes depuis longtemps pour écrire.Je me remémore ces longues heures passées à étudier les marchandises proposées dans les librairies moldues. Ces nombreux cahiers, journaux, crayons et stylos. Ces tailles-crayons aux formes amusantes, ces gommes simples et sans magie mais que les moldus ont rendu flashy et odorants. Ces ustensiles de dessin qui feraient tourner la tête à de nombreux artistes. Et ces livres… il n’y a pas un domaine pour lequel les moldus ne s’intéressent pas. J’ai encore en tête les nombreux articles de magazines moldus traitant des dernières technologies à la pointe.
- A dire vrai, nos outils calligraphiques sont à leurs yeux moyenâgeux. Ce ne sont plus que les artistes, les calligraphes, qui utilisent encore les plumes et les encriers. Ils n’utilisent plus également les parchemins. D’ailleurs, ils préfèrent même écrire sur une machine… un ordinateur. Et cette machine stocke en elle tous tes écrits, tes dessins, tes photos… un certain nombre de choses. Le professeur Anderson a enchanté un ordinateur pour le faire fonctionner, non pas avec de l’électricité, mais avec la magie. Comme nous le faisons avec les ondes radios d’ailleurs. Si ça t’intéresse, tu devrais lui demander de te montrer directement l’objet. Je suis certaine qu’il appréciera de voir une élève s’intéresser aux technologies moldues.C’est l’essence même de son cours. Sinon, il n’aurait pas appelé sa matière « étude des Sciences moldues ».
- Mais tu as raison, il faut que je me montre rigoureuse avec les brevets. Je travaille si dur sur mes inventions que je ne supporterai pas de me voir volée. Je me demande si je ne devrai pas consulter une aide juridique.Mais je n’en connais pas. Je ne sais même pas si le Ministère m’offrirait ses conseils si je venais consulter le bon service. Les autres m’ont toujours affirmé que je flirtais avec le pur et simple détournement d’objets artisanat moldus, et qu’ils s’étonnaient que je n’ai pas encore reçu la visite d’un employé du Ministère pour me faire sermonner. Je crois que dans la mesure où mes créations ne font aucun mal aux moldus comme aux sorciers, les gens du Ministère ferment les yeux. Ou alors j’ai simplement la chance de ne pas m’être encore faite dénoncer.
A un embranchement entre plusieurs couloirs, nous tournons. Je me suis laissée guider par Edwa sans même me soucier de savoir si elle prenait le bon chemin ou non. Notre discussion s’arrête à la porte de la salle de classe du professeur Bohl. C’est précisément à cet instant qu’une petite boule d’angoisse naît dans le creux de mon ventre et se met à croître abominablement lorsqu’elle ouvre et entre dans la pièce. En vérité, j’appréhende ma rencontre avec ce professeur. Je ne suis ni courageuse, ni charismatique et encore moins rentre-dedans et me retrouver confrontée à un homme qui enseigne au quotidien la défense contre les arts obscurs me glace.
La salle de classe n’est pas vraiment avenante. Il y a une espèce de rigueur, presque militaire, dans cette pièce. Elle m’intimide, m’oppresse. Son décor me rappelle sans cesse son usage : l’art de repousser ou de détruire les Forces du Mal. Des esquisses, dessins, et autres illustrations ornent les murs de pierre épais et froids, et représentent des créatures dangereuses, des effets de sortilèges interdits… visions effroyables en totale opposition avec ma vision d’un monde idyllique où tout le monde aurait sa place et où personne n’aurait envie de taper sur son voisin. Oui. Je suis Poufsouffle dans l’âme, impossible pour moi de le nier. Et d’une certaine manière, j’en suis très fière. Mais je ne serais tout de même pas contre un peu de témérité de temps en temps.
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