Que quelqu’un me trouve le fumier responsable de cette félonie ! C’est le cri, mot pour mot, qui a résonné ce dimanche à mon retour dans les murs de Poudlard. Le terme « fumier » désignait bien entendu, sauf preuve du contraire, ce cher Ernst Wilson pour lequel j’avais, avant le cours de ces événements, la plus grande sympathie. Je ne peux croire que ce jeune génie des sortilèges, ce garçon maniéré, unanimement apprécié de ses élèves, patient et doux puisse être lié de près ou de loin à ce coup d’état. Le boursouf masqué est une chose, mais participer à la politisation de l’école par un clip du groupe Reissen en est une autre. En tant que responsable de la chorale de Poudlard il est le premier soupçonné. Je ne veux pas croire, pourtant, qu’il soit coupable. Je ne veux pas croire qu’il ait pu trahir ainsi la neutralité de l’école. Comment, en effet, un jeune homme aussi brillant aurait pu commettre une telle ignominie ? Je ne veux pas le croire, et pourtant le faisceau d’indices est accablant. Cela me glace, me terrifie. Il s’agit de l’un des membres du corps professoral que j’apprécie le plus, j’ai pris coutume de prendre le thé occasionnellement avec lui. J’ai pris sur moi de le traîner à l’infirmerie pour cette sombre affaire de malédiction. J’ai travaillé sur son cas avec Piers. Je ne veux pas croire qu’il ait pu faire une telle chose. Et pourtant, il faut bien se rendre à l’évidence, c’est le coupable tout désigné, et son absence du château ce Dimanche le rend plus suspect encore. J’ai parcouru, avec une partie de l’équipe pédagogique, en long, en large, en travers les couloirs du domaine, j’ai mis à sa recherche les fantômes et les portraits de l’école, je suis même allé jusqu’à demander au Baron Sanglant de s’introduire dans ses quartiers pour vérifier sa présence ou son absence.
C’est à une heure du matin, après avoir retourné toute l’école, fait une annonce glaciale au repas du Dimanche soir et un communiqué menaçant à la Gazette du sorcier qu’il m’a fallu me rendre à l’évidence. Aucun élève de la chorale n’est venu se dénoncer pour sa participation à cette farce… et Wilson est introuvable. Aussitôt les questions ont tourbillonné : des élèves ont-ils vraiment participé, ou cela n’est-il qu’une mascarade ? Comment Reissen a-t-il pu enregistrer cette saloperie ? Ont-ils sévi lors de leur venue à Poudlard pour le bal de Noël ? Lors d’un week-end à Pré-au-Lard ? Mille questions se fracassent dans mon esprit, et la nuit s’étiole, s’allonge. Je dors peu, veille longtemps, et c’est au petit matin que le conseil de guerre peut avoir lieu.
« Severus, mon petit, le jeune Ernst Wilson vient de rentrer dans ses quartiers, il a été aperç... »
Je ne laisse pas le temps à Albus de finir sa phrase que j’ai déjà détalé dans les couloirs, encore vêtu de la veille, des cernes sous les yeux, la mine hagarde pour aller chopper par le collet Wilson. Son absence est quasiment un aveu. Je ne le laisserai pas réduire à l’état de panneau publicitaire pour les idées de Narcissa cette école !
Je tambourine à sa porte. Il ouvre.Avant même de pouvoir esquisser un mot, le voici traîné dans le bureau directorial. Je le fusille du regard, lui intime le silence sous menace d’être stupéfixé et amené de force devant les autorités du Ministère. Par chance, j’en ai sous la main, d’autorités du Ministère. J’envoie Sir Nicolas de Mimsy-Porpington et le Baron Sanglant récupérer Regulus Black et Khan Bohl, le premier en sa qualité de professeur de potions et le second en tant que représentant du Ministère… Il faut croire qu’avoir un brigadier sous la main peut s’avérer utile. Par chance ce dernier est resté dans les murs de Poudlard, j’aurais détesté devoir lui envoyer Fumseck, et le patronus est hors de question. Depuis mes dispute et retrouvailles avec @Moira A. Oaks, je me suis rendu compte que mon patronus ne prenait plus de forme matérielle. Il faut croire que la biche de Lily a enfin trouvé le repos. Que je l’ai enfin laissée partir. Mais cela s’avère désormais très contraignant puisque je me prive d’un commode moyen de communication… Albus a disparu de son tableau, peut-être est-il parti chercher Piers Elliot, redoutant que je fasse tuer ce pauvre Wilson. Je ne saurais dire.
Wilson est installé sur l’un des sièges visiteurs et semble avoir suffisamment de contenance pour ne pas s’offusquer verbalement du traitement que je viens de lui faire subir : menacé, emmené de force aux aurores, traité comme un renégat qu’il est peut-être. Je cherche sur son visage une trace de duplicité, je scrute dans ses yeux la moindre étincelle qui pourrait confirmer ou infirmer sa participation à cette mascarade. S’il est coupable, je suis dans mon droit, s’il est innocent, je pourrais perdre définitivement l’un des meilleurs professeurs de sortilèges que l’école ait compté. Je le scrute, je le dissèque.
« Vous savez pourquoi vous êtes là, n’est-ce pas ? »
La voix est glaciale, la baguette à portée de main, dans ma manche, fermement maintenue contre mon bras dans son fourreau. Qu’il me donne une seule raison de m’en servir, une seule.
« Dans quelques instants, Regulus Black, notre potionniste résident, et Khan Bohl en sa qualité de brigadier vont passer cette porte et m’assister pour tirer au clair votre participation ou non à la mascarade qui eut lieu hier sur le Chemin de Traverse. »
Un silence. La pièce baigne dans la pénombre. Les dernières volutes de la nuit ne se sont pas encore dispersées et l’horizon demeure d’un bleu soutenu, quoi que la noirceur nocturne s’étiole légèrement.
« Vous savez de quoi je veux parler, n’est-ce pas ? Reissen a donné un concert pendant lequel fut diffuser un clip vidéo de leur dernière chanson dans laquelle on peut entendre des choeurs d’enfant. Ladite chanson s’achève sur un remerciement à la chorale de Poudlard… Chorale dont vous êtes le responsable. »
Un tambourinement m’interrompt. Khan ou Regulus ? Ou les deux ? Je scrute, je décrypte. J’analyse la réaction de Wilson une brève seconde avant de faire entrer le ou les nouveaux venus. Que l’inquisition commence.
Khan a l’impression de n’avoir pas dormi lorsqu’une apparition le tire du sommeil. Dans la chambre où il s’est effondré après avoir fouillé le château toute la soirée, encore tout habillé, Nick Quasi-sans-tête est apparu. Le fantôme de Gryffondor semble alerte. En même temps, ça n’a pas besoin de pioncer un fantôme, contrairement aux humains. Il se frotte les yeux, pendant que le fantôme s’excuse de l’avoir dérangé dans son sommeil. S’assoit en grognant comme un ours blessé pendant qu’il lui dit que Rogue a retrouvé le fuyard. Génial ! Il aurait pas pu rentrer tout de suite et leur épargner une trop longue nuit à errer dans les couloirs ? Le brigadier regarde sa montre. Il n’est même pas encore huit heures. Il a dormi quatre heures, à tout péter. Ça va être mortel d’assurer les cours dans cet état. Il s’étire, se lève, récupère sa baguette sous son oreiller et cavalcade dans les couloirs.
Cette fois, il sait au moins où aller pour trouver Wilson. Tout le monde a fouillé tout le château en long, en large et en travers pour le retrouver. Il imagine très bien pourquoi on l’a fait demander : si Wilson est coupable, clac, au Ministère pour prendre une déposition. A coup sur, Rogue va porter plainte pour usage abusif d’un club scolaire ou une connerie comme ça. Il faut dire que c’est un sacré coup. Rogue n’a jamais paru très opposé au régime politique en place. C’est de notoriété publique que le Ministre et lui ne se supportent pas… Pourtant, Khan ne l’a jamais entendu s’opposer à lui ouvertement. Il semblerait donc que malgré leurs sentiments respectifs bien connus, Rogue soit plutôt neutre ou favorable aux décisions gouvernementales destinées à mener l’Angleterre vers le progrès. Rien que pour cela, Khan apprécie Rogue. Ils auraient toutes les raisons de se détester, pourtant : Rogue est sarcastique, grognon, c’est un ancien serpentard et en plus, il a la marque des ténèbres. Mais si la Justice l’a lavé des accusations et lui a filé un ordre de Merlin pour actes héroïques pendant la guerre, il faut croire que ce n’est pas un si mauvais bougre !
Les mains dans les poches, la chemise froissée, il toque à la porte du bureau du Directeur et y entre lorsqu’on l’y invite.
« Bonjour monsieur le directeur. Vous vouliez me voir ? »
Aussitôt, il remarque Wilson. Il n’arrive pas à lire ses émotions sur son visage, mais il a l’air un peu pâle dans la pénombre. Khan suppose que lui aussi, il aurait été un peu pâle, vu la gueule que tire Rogue : on dirait qu’il a avalé des oursins empoisonnés. A coup sur, ça va saigner. Il regarde rapidement autour de lui : ils sont trois, pour le moment, dans la pièce. Mais il va sans doute y avoir d’autres personnes. Khan a l’intuition que Regulus Black pourrait en être. Il voit bien que Rogue est suffisamment déterminé pour en arriver à des solutions légèrement discutables comme un sérum de vérité. Il faudrait d’ailleurs vérifier si tout ça est bien légal…
Bon. Rentrer à Poudlard : fait. S'assurer que tout le monde va bien : fait aussi. Enfin, il n'y a personne à l'infirmerie, ce qui veut dire que tout le monde va bien, pas vrai ? Donc voilà, mission accomplie. Par contre, maltraiter Wilson pour l'envoyer au bureau directorial : pas moyen. Et c'est pas faute de bonne volonté : j'aurais été ravi de mettre à l'épreuve les trucs et astuces de duel que m'a tant bien que mal inculqué mon cher et adoré grand frère. Mais le bougre était resté introuvable. J'avais envisagé d'en faire part à mon directeur préféré, mais la gueulante qu'il avait poussée au dîner m'avait convaincu de poursuivre un peu mes recherches... en vain.
J'ai fini par laisser tomber -pour l'instant. Vue l'heure, de toute façon, il y a de solides chances que Wilson soit dans sa piaule, enroulé dans un plaid en pilou à siroter un chocolat chaud agrémenté de marshmallows... à moins que je ne sois simplement en train de transférer mes désirs immédiats sur lui. Avec la probabilité qu'un étudiant aléatoire débarque dans mon bureau, le pilou est hors de question, et si mon chocolat était trop chaud, les éventuels visiteurs intempestifs risqueraient la brûlure au troisième degré.
C'est donc alors que je rajuste mon noeud papillon en contemplant mon verre d'eau à moitié vide qu'une voix douce interrompt le fil de mon insomnie. Piers, très cher, je crains de devoir interrompre votre soirée. Je me pince l'arrête du nez, subitement irrité.
Bonsoir, Professeur Dumbledore. Quelqu'un est sur le point de mourir ?
J'espère que votre présence empêchera la survenance d'un tel événement. Je n'ai même pas besoin de me tourner vers les portrait pour deviner son regard pétillant d'amusement. J'avais souvent hésité à virer ce cadre, le plus souvent vide, mais il fallait admettre qu'avoir une ligne directe avec le bureau du directeur n'était pas dénué d'avantages.
L'américain ?
Seul le silence me répond ; Albus est déjà reparti, sûrement curieux de suivre le déroulé des événements… et par Merlin, je ne vais pas rater ça ! Ce n'est pas comme si j'arrivais à dormir, de toute façon.
Je rajuste sommairement mon costume, froissé par cette journée mouvementée, ayant officiellement décrété que j'avais la flemme d'utiliser un sortilège de défroissage cette nuit. Par acquit de conscience, j'embarque mon nécessaire de premiers secours, un ensemble de potions et de concoctions toujours utiles… et bien sûr, mon livre-bibliothèque de poche, indéniablement la meilleure invention de l'histoire du monde sorcier.
Quelques minutes de marche plus tard, me voilà à la porte du bureau directorial. J'y trouve évidemment Severus, qui toise Wilson avec le regard que je dois avoir quand un gamin vient me voir après avoir ingurgité l'intégralité de la gamme des boîtes à flemme, mais aussi Khan. Je hausse un sourcil à sa vue, bien qu'il soit logique qu'un représentant du Ministère soit présent, vue la gravité de la situation.
Directeur, Khan… Wilson.
Je les salue d'un geste de tête, incertain de la marche à suivre vis-à-vis du dernier. Posant les yeux sur le portrait du prédécesseur de Rogue, apparemment absorbé dans la contemplation d'un astrolabe, je n'ajoute rien : l'ambiance est déjà assez bizarre sans que j'en rajoute une couche. Et puis, s'ils n'ont pas besoin d'un infirmier, peut-être que mon inénarrable et décapant sens de l'humour saura alléger cette atmosphère pesante… ou au contraire, décupler les envies de meurtres de mon supérieur.
Il ne faut pas croire que parce que les Black au grand complet sont partis très vite du Chemin de Traverse après le coup d’éclat monstrueux de Reissen, que leur dimanche est revenu au calme tout de suite après. Bien loin de là.
Tout d’abord, reprenons le récit des évènements là où il avait été laissé précédemment : Regulus Black, son épouse @Milena Lepchenko-Black et leurs deux enfants ont quitté précipitamment la cohue du lieu du concert pour trouver refuge au Chaudron Baveur où ils ont retrouvé papy Boris déjà bien entamé par quelques tournées alcoolisées. Le vieux bougre, quand il veut, sait se faire des copains. Mais devant les mines sombres de sa petite tribu, l’Ours Slave a exigé de promptes explications. Il en a eu pour son argent, le papy ! Sitôt le récit terminé, il a dessaoulé de suite, et a tenté de se ruer sur la foule encore en pleine émeute. Il a fallu la menace d’un stupéfix lancé par sa fille et son gendre pour le ramener au calme. Papy ramené à son cottage, Milena déposée dans leur petit pied-à-terre à Pré-au-Lard, Regulus Black s’est retrouvé seul avec ses enfants. Il a jugé plus sage de les ramener directement à Poudlard, bien loin du regard inquisiteur de leur maman. Car étrangement, @Edwa D. Black était resté scrupuleusement calme, blême et docile. Trop. Surtout quand on connaît le phénomène. Si Regulus ne doute pas un seul instant que sa fille n’a pas approuvé les actes de Reissen, ni leur défense de la politique anti-Potter, elle donne l’impression de se sentir coupable de quelque chose. Le père devine que son enfant sait des choses. Et qu’elle en a honte. Mais ce n’est pas le bon soir pour en parler. La petite donne l’impression de vomir si elle ouvre la bouche. Regulus se fait prévenant, explique à ses enfants qu’il est là s’ils ont besoin de se confier à lui.
La salle de repos des professeurs est un immense champ de bataille. Le professeur de potions a à peine ouvert la porte qu’un portrait accoure dans sa direction pour lui hurler qu’il est très attendu, que son absence est mal vue du directeur, car ce dernier exige de tout le corps professoral de retrouver dans les plus brefs délais le professeur Ernst Wilson. L’américain est introuvable depuis le retour de @Severus Rogue et ce dernier fulmine.
- Oh pitié ! J’ai une famille que j’ai du ramener et mettre à l’abri. En matière de priorité, elle passe passe avant Wilson et sa possible participation à la mascarade Reissen.
Il va sans dire que le nouveau directeur des Serpentard n’est pas de bonne humeur. La possible participation de la Chorale de Poudlard dans les manœuvres politiques des Insurgés le bouleverse énormément. C’est même lui qui les a invité pour participer au bal de Noël de l’école, parmi d’autres artistes populaires. Visiblement, c’est peut être à ce moment-là que ces loups malfaisants ont approchés les brebis innocentes de Poudlard. Ou bien qu’ils ont discuté de projets futurs avec Wilson. Mais contrairement à Severus, Regulus se refuse d’émettre des conclusions hâtives. Retrouver Wilson est primordial, ne serait-ce que pour avoir la vérité. S’il est innocent, c’est le moment pour l’américain de le faire savoir. Sinon, personne ne pourra reprocher au directeur de l’école de se montrer réactif.
Ernst Wilson semble avoir déserté l’école. Toutes les recherches diligentées sont demeurées vaines, et les professeurs ont tous regagnés leurs appartements en étant complètement lessivés. Aucun ne veut croire en la culpabilité de leur collègue. Malheureusement, qu’il ai ou non volontairement contribué à cette bassesse politique, le fait est qu’en qualité de professeur référent de la Chorale de Poudlard, il est moralement responsable des actes de ses élèves. Quoiqu’il arrive, il risque son poste et sa réputation. Le manque de sommeil se fait sentir. Regulus baille, s’étire, et la lassitude remplace peu à peu la colère et la frustration. Pourtant, il se refuse à dormir. Severus est encore à cracher des flammes et il ne se calmera pas à moins d’avoir le coupable sous sa coupe. Le professeur se sert un thé, le plus fort qu’il a en réserve. Il pressent une longue journée mouvementée.
- Monsieur le directeur requiert votre présence dans son bureau.
Avec la dignité qui le caractérise, le Baron Sanglant délivre les ordres aboyés plus tôt par Severus Rogue.
- Je suppose que le directeur a mit la main sur son professeur de sortilèges.
Le fantôme des Serpentard opine du chef, s’abstenant de décrire la scène dans laquelle il a trouvé le maître de l’école et le pauvre professeur captif. Le Baron est très à cheval sur les manières, et il n’a de cesse de tenter de civiliser l’esprit frappeur de l’école, Peeves.
- Très bien, j’imagine qu’il souhaite l’interroger sur son implication dans l’affaire qui nous préoccupe actuellement. Je rassemble mon matériel et j’arrive.
Après une élégante courbette, le fantôme quitte la pièce en passant au travers du mur. Regulus soupire, avale d’une traite son thé en manquant de s’ébouillanter, pousse un juron et s’en va retourner ses réserves pour trouver tout ce qui sera nécessaire à un interrogatoire.
Ses pas résonnent étrangement dans les couloirs vides de l’école. Le professeur de potions songe à l’état de confusion dans lequel doit se trouver sa fille. Elle n’avait vraiment pas l’air bien quand il l’a quittée quelques heures plus tôt. Maussade, il monte les escaliers menant à l’office du directeur. Il croise deux fantômes mais ne leur accorde aucun regard. L’esprit du professeur est à la fois auprès de ses enfants traumatisés et déjà également dans le bureau de Severus. Il redoute de contempler le visage de Wilson, et de découvrir l’expression de son visage. Il craint également ce qu’il pourra entendre de sa bouche. Mais au fond, ce qui l’effraie le plus, n’est-ce pas sa propre réaction ? Les Black ne sont pas des enfants de chœur. Devant la porte, Regulus marque un arrêt, reprend sa respiration. Il se compose en deux secondes un masque de neutralité pure, comme si ce qui allait se jouer dans cette pièce serait parfaitement naturel. La bonne blague ! Il toque à la porte, se glisse dans le bureau et constate la présence d’un « joyeux » petit commité d’accueil pour le petit Ernst Wilson. « Petit » Ernst car celui-ci est tout ratatiné sur son siège, complètement à la merci de la fureur du directeur. Une démence folle se lit sur le visage de Severus, qui donne la nette impression de vouloir serrer ses doigts autour de la gorge de l’américain.
- Monsieur le directeur, estimés collègues…
Regulus note la présence de l’infirmier de l’école et surtout d’un brigadier du Ministère qui a décidé de grossir les rangs des professeurs depuis le début de l’année. Au moins, Severus a décidé de faire ça dans les règles. Sur les visages de chacun, Wilson compris, les traces d’une nuit longue et amère, dépourvue du moindre sommeil. Le professeur de potions s’approche du bureau et y dépose son sac. Quelques tintements clairs indiquent qu’il est rempli de fioles. De quoi affaiblir l’esprit de Wilson, de quoi le requinquer si son corps montre des faiblesses, de quoi le calmer si ses nerfs lâchent… De quoi calmer le directeur si ce dernier menace également de perdre raison. Il y a également une petite bouteille d’alcool, pour usage médical. Mais la potion la plus importante pour leur affaire se trouve bien en sécurité dans la poche de sa veste. Le Veritasserum est prêt à l’emploi. Oui, oui… cela donne l’impression qu’on va torturer quelqu’un pour obtenir des aveux. Notre homme le sait bien, mais vu l’état du directeur, il devine que les questions morales sont le cadet de ses soucis. Regulus se tient à disposition de son supérieur, et attend la suite sans mot dire. Il plaint déjà Wilson.
S’il est une chose qui agacerait n’importe quel homme bien né (et même mal né, à dire vrai), c’est bien l’audace du mensonge. Je le vois flamber dans l’oeil de Wilson. Je le devine, je le pressens. Est-ce la folie d’une ire mal placée qui m’aveugle, est-ce la suspicion qui embrase mes sens ? Je ne saurais dire, mais jusqu’à preuve du contraire, Wilson est coupable. Je le pressens, je le devine. Je le suppose. Tout comme par défaut, Potter junior était coupable lorsqu’un chaudron explosait dans ma classe de potions. L’oeil s’est durci, les traits se raidissent dans un effroyable masque. Je me sens très harpie prêt à fondre sur ma proie. Il n’est pas question que les coupables de cette mascarade puissent s’en sortir.
j’ai assemblé autour de moi les meilleurs. Regulus Black, Khan Bohl et Piers Eliott a eu le bon goût de s’ajouter. Je suppose que Dumbledore n’est pas tout à fait étranger à la chose. J’ai salué mes collègues d’un geste de la tête. Inclinaison brève, sèche. Personne ne peut vraiment ignorer les raisons de sa présence ici, et surtout pas Wilson. Il semble d’ailleurs étrangement calme. Un peu tendu, certes – qui ne le serait pas dans pareilles circonstances ? – mais il semble essayer de se composer un masque, de garder maîtrise de lui-même tout comme moi je lutte pour ne pas lui décoller les vertèbres d’un enchantement bien placé. Cela accentue ma suspicion. Si Moira était là, elle me serinerait sûrement sur la présomption d’innocence. Mais à circonstances extrêmes, décisions extrêmes. Quand bien même le vieux Bartimeus Croupton et moi fûmes dans des camps opposés pendant un temps, je n’ai jamais dédaigné, contrairement à bien d’autres, ses méthodes extrêmes en situation de crise. C’est encore, je suppose, une chose qui me différencie de mon prédécesseur. La finesse du serpentard ne nécessite pas forcément la mesure dans la réaction.
« Quelle assemblée… Je suppose qu’il est donc inutile pour moi d’affirmer qu’en dépit des apparences, je n’y suis pour rien si vous me pensez à ce point coupable ? Je n’ai pas mis en relation les élèves avec Bauer qui, je dois le rappeler, était présent dans le château lors de la soirée du bal de Noël et aurait très bien pu contacter par ce biais les élèves. Qui les avait invités, d’ailleurs ? N’était-ce pas notre collègue Monsieur Black ici présent ? »
Je ne peux m’empêcher d’admirer la manœuvre. Est-on bien certain que ce jeune Wilson ait été fait pour Serdaigle ? Il n’est pas passé à Poudlard, il est vrai, mais il me semble que s’il y avait dû séjourner, le choixpeau aurait peut-être préféré une autre maison. L’inflexibilité, cependant, doit être ma ligne de conduite dans cette affaire.
« Vous seriez donc innocent, maître Wilson ? Je suis certain qu’il y a une façon bien commode de nous en assurer, n’est-ce pas ? Une goutte de véritasérum, quelques questions, et si, véritablement, vous n’y êtes pour rien et que vos suspicions demeurent, nous pourrons tirer au clair la piste que vous proposer… Après-tout, ce serait la manière la plus simple de vous disculper, n’est-ce pas ? Je veux même bien faire le vœu de ne vous poser aucune question personnelle sans rapport avec l’affaire autre que les questions-test traditionnelles. »
Et je me trouve fort magnanime de lui offrir cette assurance.
Les cernes de Ernst Wilson témoignent de la sale nuit que vient de passer ce dernier. Il n’a certainement pas dormi, comme chacun à Poudlard. Il est presque étonnant de le voir dans le château au lendemain de la petite sauterie des Malefoy sur le Chemin de Traverse, et aux yeux de Regulus, cela tant à plaider en la faveur de l’américain. En tout cas, il n’a pas l’air plus surpris que cela de se retrouver face au directeur. Un peu plus peut être de finir en compagnie également de @Piers A. Elliot et du professeur de potions. L’homme est plutôt calme, et il faut certainement y voir une certaine préparation mentale : Wilson se doute bien qu’après tout le remue-ménage provoqué par Reissen lors du concert, et de l’évocation explicite de la participation de la chorale de Poudlard à cette chienlit, il serait automatiquement pointé du doigt, et le directeur aurait certainement à lui réclamer des comptes. Une ire contenue transpire de chaque pore de @Severus Rogue, et ses yeux noirs assassins foudroient le beau visage de Wilson, qui, malgré la situation, malgré les cernes, malgré la tension palpable, garde un certain magnétisme. Les moments dramatiques mettent volontiers en valeur le bonhomme. L’élégante indignation qui est la sienne à ce moment précis aurait facilement semé le doute dans l’esprit des jeunes filles qui suivent habituellement son cours.
Regulus aurait pu appuyer le plaidoyer de Wilson, en ce sens où le fait qu’il soit responsable de la chorale ne fait pas nécessairement de lui le coupable. Les adolescents sont bien capables de faire des bêtises tout seuls, et le professeur de potions a bien du mal à déceler le motif pour lequel Wilson aurait pu mettre en relation ses élèves et le groupe subversif. A priori, Wilson n’a rien à voir avec les petites manigances de @Narcissa Black-malefoy et de ses soutiens. Sauf que le professeur de sortilège a commis l’erreur de renvoyer la culpabilité sur son homologue potioniste. Ce dernier fronce les sourcils. Bien entendu, il le sait mieux que les autres, lui aussi est pointé du doigt. Tout le monde est au courant que c’est lui qui a invité Reissen au bal de Noël. Sauf que les membres de la chorale faisaient comme les autres élèves : ils dansaient, riaient, profitaient du spectacle en se régalant du buffet. Donc, le contact a forcément eu lieu en dehors du bal.
- Les membres du groupe Reissen ne sont pas les seuls artistes que j’ai invité à se produire lors du bal. A ce moment-là, ils n’étaient qu’un groupe un peu borderline assez populaire, et dont raffolaient nos chers ados. Personne n’y a vu de danger ce soir là, ni ne pouvait prédire de leurs intentions. Pensez-vous, cher collègue, qu’il nous faut aussi nous inquiéter des autres musiciens et chanteurs qui ont participé également à la soirée ?
Le ton et le regard froid, il toise le professeur de sortilèges. C’est bien la première fois qu’il se sent agacé contre cet homme, qu’il connaissait jusqu’ici sous un jour plus courtois. La gravité de la situation le rend donc si sournois ? Il joue à un dangereux petit jeu.
- Mais si vous doutez à ce point de mon honnêteté, je suis tout disposé, pour me blanchir complètement, de boire le même Veritaserum que vous, et d’être soumis aux mêmes questions. Car après tout, vous n’avez peut être pas tort : qui dit que ce n’est pas moi qui ai habilement manœuvré pour duper la vigilance du directeur et de mes estimés collègues ?
Il sort la petite fiole de sa veste, dont le verre brille à la lueur des lampes. Une lueur froide, menaçante. A l’intérieur, le liquide transparent laisse croire à de l’eau, mais le contenu est plutôt du genre à faire avouer les plus intimes secrets à celui qui le boit qu’à étancher la soif. Il ne tient qu’au directeur de décider s’ils en feront usage ce soir, et sur qui.