Cela fait plusieurs mois, maintenant, que tu portes le deuil de ta mère. Ne pas en avoir été très proche de son vivant ne rend pas plus facile sa disparition. Distante ou proche, froide ou joviale, triste, en colère, brisée, ça restait ta mère. Ta vie a repris son cours mais elle a perdu de sa saveur. Il y a toujours, sur ton palais, ce goût de cendres, et dans ton coeur le poids du véritable secret de ta naissance. Ta croyance t’enjoint à la miséricorde. Prendre en pitié plutôt que haïr. Mais tu ne peux pas t’empêcher de sentir tout ton être se serrer à chaque fois que tu penses à tes origines. Tu es né d’un viol. D’un crime. D’une blessure qui s’est infectée toute la vie durant de ta mère. Tu as vu le jour, certes, grâce à Lucius Malefoy, mais tu as aussi du endurer la souffrance silencieuse de ta mère. Sa distance, ses silences. Tu aurais connu une enfance plus heureuse sans Malefoy, sauf que sans lui, tu n’aurais pas été là non plus pour te faire cette réflexion.
Tu en as parlé avec ton père. Lui seul sait, pour le moment. S’il n’était pas là, tu serais à la dérive, mais tu sens bien qu’il te faut multiplier les ancres. Il a sa propre peine à porter et ne peut pas en plus endurer toute la tienne. Tu as donc résolu de te tourner vers l’autre figure tutélaire qui t’a toujours compris, Severus Rogue. Ton ancien directeur de maison, celui qui t’a recommandé à Sainte Mangouste au sortir de Poudlard. Si Malefoy t’a donné la vie, ton père un foyer aimant, lui t’a offert une carrière. Tu as toujours trouvé que les Serpentards avaient une position particulière à Poudlard : le reste de l’école se méfiait de vous pour avoir été la maison qui avait abrité « tous les sorciers qui avaient mal tourné ». C’était oublier que des mangemorts pouvaient venir des quatre maisons et que tous les serpentards n’avaient pas l’avant-bras marqué au fer rouge. Mais tu as toujours trouvé que certains professeurs encourageaient la mise au ban de la société de tes paires, les poussant à se replier sur eux-mêmes et à se radicaliser. Tu te souviens par exemple de la vieille McGonagall qui avait sa petite préférence pour ses Gryffondor, ou de Dumbledore qui semblait les favoriser éhontément. Tu te souviens encore de cette année où vous aviez gagné la coupe des quatre maisons, mais non, il a fallut que Dumbledore alloue à quatre Gryffondor des sommes astronomiques de points pour avoir « sauvé l’école »… Comme si affronter Voldemort plutôt que d’aller chercher de l’aide était une bonne idée !
Tu y reprenses maintenant avec une bouffée de tendresse. Rogue était tout sauf impartial. Il vous défendait, vous, les vert et argent, parce que personne d’autre ne le faisait… Mais aussi parce que lui-même, dans sa jeunesse sans doute, avait du subir l’ostracisme dont vous étiez les victimes consentantes. Tu n’as pu te rendre compte que des années plus tard, en parlant avec ton père, que la plupart de tes congénères se satisfaisaient de cette position de victimes incomprises. Toi, tu n’as jamais pu t’y résoudre. Tu avais peu d’amis gryffondor, mais la grande majorité de ton cercle amical était composé de serdaigles et pouffsouffles. Tu traînais peu avec tous ces héritiers de la bonne société aristocrate, tu préférais, de loin, les gens plus simples et plus accessibles sans toutes ces traditions pour brider leur spontanéité. Tu te souviens de l’héritier Malefoy se pavanant comme un prince… Ton petit frère. La pensée t’arrache un pincement au coeur. C’est bien pour ça que tu t’es résolu ce soir à venir voir Severus Rogue. Tu lui as envoyé un hibou en début de semaine, il a répondu rapidement comme toujours, et tu es désormais à l’heure prévue. Tu lances une poignée de poudre de cheminette dans l’âtre de la salle de repos des infirmiers de Sainte Mangouste et tu atterris directement dans le bureau de ton ancien directeur de maison. Tu t’epoussettes et lance un evanesco sur le sol pour enlever la suie. Tu lui adresses un grand sourire quoi qu’un peu fatigué après ta journée de travail. D’ailleurs ton badge professionnel d’infirmier à Sainte Mangouste pend toujours autour de ton cou. Tu as encore oublié de l’enlever. Tu te dépêches de l’ôter et le fourrer dans ta poche.
– Bonsoir professeur, merci de me recevoir. Comment allez-vous ?
Tu as toujours su faire la conversation à nul autre pareil, et surtout, depuis quelques mois, tu t’es rapproché à nouveau de Severus Rogue. Le décès de ta mère t’a permis de réintensifier ton contact avec lui : ta mère ne l’aimait pas beaucoup… le côté mangemort, sans doute. Même si on sait désormais qu’il a été un espion pour Dumbledore pendant la guerre, il n’empêche qu’il a connu des situations infernales. Toi, tu lui voues beaucoup de respect pour tout ce qu’il a pu accomplir, mais tu sais que ce n’est probablement pas l’avis de la majorité. Et pour quelqu’un d’aussi traumatisée par les mangemorts que ta mère, tu supposes qu’il devait incarner le mal à l’état brut, peu importe ses actions.
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Cecil A. Selwyn
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Que le jour croisse ou décroisse, il est des affres qui demeurent immanquables. Certains sont des souvenirs par trop présents, d’autres sont des craintes lovées dans les tréfonds des entrailles. Mes boyaux se tordent ainsi à la mémoire de certains événements dont je ne suis pas peu honteux et qui souilleront mes mains jusqu’à mon dernier souffle. Avoir livré la prophétie à Voldemort est un de ces crimes, mais ce n’est ni le premier, ni le dernier, et peut-être pas le plus terrible. Il a toujours eu une place particulière sur ma conscience pour avoir conduit au trépas de celle qui fut à la fois ma meilleure amie et mon amour de jeunesse, mais ce n’est pas la seule vie que mes actions ont détruit.
Avant-bras révélé, j’observe la marque de la honte fanée sur ma peau. Je la parcoure du bout des doigts, la porte comme la cicatrice d’un passé douloureux. La tâche s’épanouit sous l’effleurement de mes phalanges, caresse lointaine. J’ai toujours eu les plus ambigus des sentiments pour cette marque. Jadis symbole de l’allégeance folle qui était la mienne, la voici pour signer ma plus grande erreur. Ma plus grande folie. Ma plus grande rédemption. Car les ténèbres ne peuvent que servir à embraser plus férocement encore la plus aveuglante des lumières. Mes années de service auprès des mangemorts a été une terrible méprise. Mes années dans l’Ordre du Phénix m’ont permis d’apaiser un peu ma conscience, mais sans doute pas suffisamment pour me permettre un sommeil paisible la nuit. A chaque seconde de mon existence, je n’ai eu de cesse que d’expier jusqu’au dernier souffle, jusqu’à l’ultime remord mes fautes.
Me pardonnerai-je un jour ? L’avenir seul me le dira. Et lorsque je contemplerai sur mon lit de mort la grande faucheuse, peut-être aurai-je enfin une réponse à apporter à mes tourments. La manche est ramenée sur la pâleur blême de la peau, le poignet reboutonné. S’il est un signe que je ne voudrais pas laisser paraître aux yeux d’Uriel, c’est bien celui-là. Le petit a déjà souffert assez par cette marque quoi qu’il ne le sache pas. Ou pas tout à fait. La nuit où son destin a été scellé fait partie des pires souvenirs que l’on m’a extrait de la mémoire, mais pas un qui fut retenu contre moi. Ou peut-être qu’il le fut sans que les principaux acteurs n’en aient connaissance. Cette nuit-là, j’ai fait partie d’un raid de mangemorts qui n’avaient d’autre mission que de terroriser les nés-moldus et nos opposants. L’un de ces groupes était composé de jeunes femmes. Nous étions nous-même de jeunes homme dévorés par la noirceur de nos actes. Nous avons fondu sur nos proies, qui pour les torturer, qui pour les violer. En temps de guerre nous nous pensions les maîtres du monde. Nous n’étions que des pions arrogants. Et nous avons broyé ces vies. Je me suis maintes et maintes fois demandé si la femme que j’ai blessée et meurtrie cette nuit-là était encore en vie, mais je n’ai jamais osé la chercher, de peur, peut-être, de savoir que mes actes l’auront conduite au trépas ou à la folie.
L’une de ces victimes a vu toutefois son calvaire s’empirer. Neuf mois plus tard, elle était parturiente. Onze ans plus tard, son fils venait à Poudlard et était réparti à Serpentard. Qu’aurais-je pu faire sinon me sentir coupable et le protéger ? Qu’aurais-je pu faire sinon veiller sur cet enfant de née-moldu jeté dans la fosse aux requins ? Qu’aurais-je pu faire sinon me remémorer cette nuit chaque jour, chaque heure, chaque seconde des sept années qu’il passa à Poudlard ? J’ai su très peu de choses de sa vie familiale, seulement quelques scintillements épars laissant voir une vie heureuse avec un beau-père aimant. Qu’aurais-je pu espérer de mieux pour celui qui aurait pu être mon fils si j’avais fait partie des bourreaux de sa mère ? Je n’ai pu, à le voir grandir, que soupçonner l’identité de son géniteur. Un soupçon plus qu’une assertion. Mulciber et Malefoy sont tous deux blonds et hautains. Mais je ne puis croire que Malefoy aurait été assez peu précautionneux pour mettre enceinte une de ses victimes.
Lorsque la cheminée s’active d’un brasier viride, je me suis installé dans le fauteuil derrière mon bureau, un semblant de sérénité retrouvée. Me voici debout pour accueillir le jeune homme. Je sens une appréhension sourde me tordre les boyaux. La guerre a détendu nos bonnes relations, et je n’eus que d’éparses nouvelles de lui après ses années à Poudlard jusqu’à devenir directeur de Poudlard. Me croyant Mangemort, il a, sans doute au grand soulagement de sa mère, cessé de m’écrire. C’st donc le ventre crispé et la gorge nouée que je m’approche de lui pour lui serrer la main, esquissant un sourire en le voyant se débarrasser à la hâte de sa carte professionnelle. Il m’est difficile d’éprouver pour lui autre chose que de la fierté. Son départ dans la vie lui promettait mille tourments, et c’est pourtant un jeune homme bien droit dans ses chausses qui se tient devant moi.
« Bonsoir professeur, merci de me recevoir. Comment allez-vous ? »
Je prends sa paume dans la mienne, la serre chaleureusement.
« Je vous en prie, Uriel, je vous remercie de votre lettre, je suis heureux de vous revoir. »
Et c’est vrai. Il y a peu de mes anciens élèves pour lesquels je me suis investi avec autant d’intensité émotionnelle. Un Serpentard. Le fils d’une des pires expériences de ma vie. Qu’aurais-je fait s’il avait été mon enfant ? Cette question lancinante m’a toujours cisaillé l’estomac. Il aurait pu l’être. Ai-je moi aussi un enfant caché, laissé comme une malédiction à sa mère ? J’ai toujours espéré que non, mais de cela, je n’ai jamais eu de certitude. Y a-t-il un petit Rogue quelque part qui me maudisse d’avoir détruit son enfance et la vie de sa mère ? Y a-t-il un enfant qui fut né et tué par une mère au bord de la folie voyant chaque jour dans les traits de son bambin ceux de son violeur ? La question fait naître un vertige, la main d’Uriel est lâchée comme si elle m’avait brûlée. Je l’invite à s’asseoir, la paume engourdie comme si elle s’était appliquée à caresser un fer chauffé à blanc.
« Je vais bien, et vous, Uriel ? Comment se passe votre travail ? Je crois que vous êtes désormais infirmier à Sainte Mangouste ? »
Poids sur l’estomac. Yeux baissés, papillonnants. Bon dieu, je me sens aussi désarmé qu’un papillon face à un oiseau vorace. Et il faut le dire, cesser de repousser l’inévitable.
« Je suis désolé pour votre mère, Uriel. Je l’ai appris par la Gazette du Sorcier. Veuillez accepter toutes mes condoléances. »
Je l’observe, presque apeuré de le voir s’écrouler de désespoir dans mon bureau.
Tu es heureux de sentir une certaine cordialité entre ton ancien professeur, désormais directeur de Poudlard, et toi. Tu as vécu un moment difficile quand il a fallu s’en éloigner. Ta mère était sa plus féroce détractrice et te houspillait pour que tu ne t’approches pas de lui. C’est ce que tu as fait pour la préserver, et tu as peu à peu cessé de lui donner des nouvelles ou de le rencontrer. Tu imagines bien pourquoi, maintenant, ta mère était si insistante. Elle avait de quoi haïr les mangemorts avec tout ce qu’ils lui ont infligé. Mais tu ne t’es jamais demandé pourquoi elle détestait spécifiquement Severus Rogue. Tu supposes que ça doit être une haine générale de toute personne portant la marque des ténèbres.
Votre conversation commence comme toutes les autres. Une affaire polie entre un ancien enseignant et un ancien étudiant. Mais pas que. Il y a quelque chose d’autre. Severus Rogue, que ta mère le veuille ou non, et quoi que disent ses opposants, a été un pilier dans ta vie. Fils de sorcière née moldue, tu n’étais personne à Serpentard. Tu n’avais ni nom, ni renom ni argent. Tu n’étais qu’un sous-fiffre destiné à devenir le souffre-douleur de toute une maison. Mais quelqu’un t’a sauvé de ce destin. Severus Rogue, à sa manière. Tu as toujours admiré l’impression qu’il donnait de se foutre complètement de l’avis d’autrui. C’est en le voyant évoluer, les premières semaines à Poudlard, que tu t’es dit que tu pourrais t’inspirer de lui. Tu t’es mis à être aux antipodes de ce qu’on attendait d’un serpentard. Tu as été sympa, avenant, presque charmeur. Et ça a marché. Tout le corps professoral t’a mangé dans la main. Les élèves de Pouffsouffle, Serdaigle, Gryffondor aussi, plus rarement, t’appréciaient. Et surtout, tu as su briller aux yeux de ton directeur de maison. Tu as su lui montrer que le vert et argent pouvait aussi être autre chose que le paria de l’établissement… ou du moins espères-tu qu’il a reçu ce message.
En te mêlant aux autres, tu t’es assuré une forme de protection. Ce qui se passe à Serpentard reste à Serpentard… Avec toutes les connexions que tu avais, on t’a laissé tranquille de peur qu’un scandale explose. La maison n’avait déjà pas une si bonne image, qu’est-ce que ça aurait été si on apprenait que ses membres malmenaient l’un des leurs ? Qui plus est, un des leurs qui était apprécié par les autres ? Tu as eu de la chance, tu le sais.
Au moment où tu t’apprêtes à répondre à la demande polie de ton ancien professeur, il lâche cependant la bombe. La raison pour laquelle tu es là. Tu le vois mal à l’aise. Tu supposes qu’il n’est jamais facile de savoir quoi faire face à un ancien élève.
– Je vous remercie, professeur. Mon père et moi tenons le coup, même si c’est très dur pour lui. Cela faisait plus de vingt ans qu’ils étaient mariés, tout de même. Nous avons commencé à mettre de l’ordre dans les affaires de ma mère, ce n’est pas évident, mais nous en avons besoin, je crois.
Tu hoches gravement la tête, plus troublé que tu ne le voudrais. Tu te souviens encore de l’intense sentiment de trahison qui t’a bouffé l’estomac quand ton père et toi avez décidé de faire finalement des cartons presque quatre mois après le meurtre de votre être aimée à tous les deux. Tu as encore le ventre qui se tord un peu. Tu as la gorge sèche, tu te la racles avant de reprendre.
– A vrai dire, Professeur, c’est un peu suite au décès de ma mère que je viens vous voir. Il y a quelque chose dont j’aimerais vous parler et sur lequel vous pourriez peut-être m’aider. Je ne sais pas si vous le savez, mais mon père, Jonas Lewis n’est en fait arrivé dans la vie de ma mère que lorsque j’avais trois ans. Lorsqu’il a a épousé ma mère, il m’a aussi adopté et c’est pourquoi je porte son nom aujourd’hui…
Tu te tords les main d’angoisse. Ton masque de jeune homme parfaitement sympathique se fissure et tu sens un peu de cette franchise te revenir. Parfois, il ne faut pas tourner autour du pot.
– Mais il se trouve que le nom de l’homme qui m’a donné naissance figurait dans le testament de ma mère, ainsi que les circonstances exactes de ma conception. Saviez-vous que Lucius Malefoy avait violé ma mère ?
… A la réflexion, c’était peut-être un peu trop cash si tu en juges par les glapissements d’étonnement des portraits d’anciens directeurs les plus proches.
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Cecil A. Selwyn
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Malgré la gêne qui a commencé à fleurir les premières secondes de notre entretien, je parviens à celer savamment mon trouble. Il faut dire que des années à affronter les plus détestables situations qui soient fini par laisser un peu d’habileté à l’esquive des plus profondes agitations de l’âme. J’ai donc mis au placard de mon esprit la tenace sensation de n’avoir pas réussi à aider Uriel autant que j’aurais dû le faire dans ses jeunes années, l’angoisse de le revoir soudainement, le souvenir prégnant de la mort de sa mère. C’est sa voix, et sa voix seule qui parvient, cependant, à éteindre tout à fait les braises de mes inquiétudes. Il a ce ton doux, calme, posé qui reflète toute la maîtrise de l’infirmier sur ses émotions. Je ne doute pas un seul instant qu’il fasse des miracles dans son métier avec cette force paisible.
« Je vous remercie, professeur. Mon père et moi tenons le coup, même si c’est très dur pour lui. Cela faisait plus de vingt ans qu’ils étaient mariés, tout de même. Nous avons commencé à mettre de l’ordre dans les affaires de ma mère, ce n’est pas évident, mais nous en avons besoin, je crois. »
Un sourire bref traverse mes lèvres tandis que je hoche la tête. Je n’imagine que trop bien combien l’épreuve peut être difficile. Ma mère aussi est partie trop tôt, laissant dans la maison l’infection de son absence. Et mon père, contrairement au sien, était bien trop aviné pour chasser les fantômes d’un passé dans lequel il se noyait, verre après verre. Je me penche légèrement en avant, signe d’intérêt porté à mon interlocuteur. La détresse est à peine perceptible dans ses mots, et je la devine pourtant. Ou peut-être est-ce le souvenir de ma propre détresse d’alors qui me revient. Puis-je lui dire que j’ai perdu ma propre mère à un âge bien plus jeune que le sien ? Que je comprends sa douleur ? Au moment où je rassemble mes forces pour lui apporter un peu de réconfort, il reprend la parole. Et mon silence respectueux se mue en un mutisme d’horreur.
« A vrai dire, Professeur, c’est un peu suite au décès de ma mère que je viens vous voir. Il y a quelque chose dont j’aimerais vous parler et sur lequel vous pourriez peut-être m’aider. Je ne sais pas si vous le savez, mais mon père, Jonas Lewis n’est en fait arrivé dans la vie de ma mère que lorsque j’avais trois ans. Lorsqu’il a a épousé ma mère, il m’a aussi adopté et c’est pourquoi je porte son nom aujourd’hui… Mais il se trouve que le nom de l’homme qui m’a donné naissance figurait dans le testament de ma mère, ainsi que les circonstances exactes de ma conception. Saviez-vous que Lucius Malefoy avait violé ma mère ? »
Le silence s’est abattu dans le bureau. Les portraits des anciens directeurs sont tétanisés, et je dois certainement avoir l’air tout aussi stupide que ces figures de papier, la lèvre entrouverte, le minois figé. Je suis, je dois l’avouer, ébahi. Non pas qu’il sache, mais que sa mère, miss Mappleton, ait pris la peine de le lui écrire. De le lui avouer. J’ai toujours cru qu’Uriel ne savait rien des circonstances de sa naissance, mais en lisant entre les lignes, je suppose qu’il a toujours su, au moins, qu’il n’était pas le fils de ce « Jonas Lewis ». Je ne l’ai jamais rncontré, pourtant, en cet instant, je suis partagé entre l’horreur de la situation et la gratitude pour cet homme. Car quoi que je puisse avouer : je me sens et me sentirai toujours coupable de cet événement. C’est finalement un raclement sur le bois d’une étagère – Fumseck joue avec une noix – qui me sort de cette hébétude dangereusement quiète. Reprends-toi, Severus.
« J’allais vous proposer du thé, mais je crois que l’on va partir sur quelque chose de plus fort, aux vues des circonstances. Whisky ? Brandy ? »
Le cabinet à liqueur est entrouvert, deux verres, une bouteille. Lorsque l’ambre liquide se fracasse contre les parois lisses et cristallines des récipients, nous voilà en état de vivre l’une des conversations les plus difficiles de mon existence. Je plonge le nez dans le verre, parfume mes lèvres d’une gorgée. Se jeter à l’eau n’a jamais été si difficile, pas même lorsque je me suis égaré dans les bras de Moira. Le gosier s’embrase.
« Je savais ce qui était arrivé à votre mère, oui, Uriel. J’ignorais en revanche qui était exactement l’homme qui a fait tomber votre mère enceinte. J’avais quelque suspicion tout de même. Vos yeux ressemblent beaucoup à ceux de Lucius Malefoy. »
Et maintenant, attendre la tempête. Attendre la colère, attendre les questions. Les doigts blanchissent sous la pression. Les mains sont agripées au verre. Bientôt, le couperet va tomber.
Tu ne sais pas exactement ce que tu es venu chercher en te confiant à Rogue. Une oreille attentive, peut-être. Ou des informations. Les deux, sans doute. En dehors de ton père, Rogue a été la meilleure figure parentale que tu aies pu espérer. Il a veillé sur toi, le fils notoire de sang-de-bourbe échoué à Serpentard. Il s’est assuré de ton avenir professionnel en te plaçant à Sainte Mangouste. Il t’a parfois laissé traîner un de ses livres personnels sur le coin du bureau, sans un mot. Tu le lui rendais systématiquement en l’oubliant à ton tour sur le coin du sien. Il a discuté avec toi de tout, de rien. Et il a été un mangemort. Ou un espion. Les deux.
Un mangemort, comme Lucius Malefoy.
C’est peut-être ça que tu es venu chercher, en vérité. Des indices, un début de piste. Malefoy est en fuite, tu sais qu’il sera difficile de le confronter. A vrai dire, tu ne sais même pas encore si tu veux vraiment le rencontrer. Peut-être. Peut-être pas. Tu ne saurais pas dire. Quelque chose te pousse par-là, et ton père te dirait que les voies du Seigneur sont impénétrables mais qu’il faut toujours suivre le chemin que montre sa lumière. Tu vois Rogue se décomposer pendant que tu parles. C’est infime : il a pâli et cligné deux fois des paupières. Il ne perd pas sa contenance mais tu as l’impression qu’il est mal à l’aise. Ou bien peut-être que tu projettes sur lui ton propre malaise. C’est possible.
– Volontiers pour le brandy, merci.
C’est la fin de la journée, tu ne vois pas pourquoi tu devrais te restreindre. Et tu sais que l’alcool aide. Il offre un cadre social rassurant et désinhibant. Avec un peu de chance, en buvant, Rogue obtiendra plus d’informations que ce que tu avais espéré lui donner et t’en donnera plus à ton tour. Tu acceptes donc de prendre ce risque pour recevoir à ton tour davantage que ce que tu aurais pu espérer.
Les premiers mots tombent. Tu entends dans la voix de ton ancien professeur quelque chose qui t’interpelle. Une douce fragilité que tu n’as jamais entendue avant. Ce n’est qu’une impression, tu ne sais pas trop quoi en faire. Peut-être que c’est ton esprit qui décrypte là où il n’y a pas de place pour décrypter. Mais la tradition de ton père, de ton vrai père, le seul qui compte, celui qui t’a offert ton nom et t’aime sans condition, celui qui t’a élevé, qui t’a formé, qui est toujours là pour toi et qui s’est astreint à une vie d’austérité par amour pour ta mère et toi, t’a rendu sensible aux modulations, même infimes, des voix. Les Choeurs Célestes portent bien leur nom. Même si tu as eu en main une baguette quand il a fallu rentrer à Poudlard, tes premiers actes de magie, tu les as fait à la voix, ta première rencontre avec la magie, ça a été la voix de ton père, apaisante, confiante. Et c’est pour cela, peut-être, que tu décèles ou crois déceler d’infimes variations dans le timbre du Directeur. C’est cela plus que ses mots qui t’interpelle.
– Comment ? Comment saviez-vous ? Ma mère vous en a-t-elle parlé ? Cela n’a aucun sens, elle vous craignait. Lorsque vous êtes devenu directeur, elle m’avait enjoint à ne plus vous écrire. Elle m’avait supplié.
Les souvenirs se fracassent dans ton esprit. Tu revois les larmes de ta mère, la folie dans son regard. Elle ne t’a pas supplié, c’était bien plus désespéré que cela. Un ordre, une menace informulée, une terreur sans nom.
– Est-ce Lucius Malefoy qui vous l’a dit ?
La terreur de ta mère. Tu lèves enfin les yeux vers Severus Rogue, remarques ses mains crispées sur le verre.
– Vous y avez assisté. Vous étiez là.
Tu n’attends que sa confirmation. Tu le scrutes. Tu espères te tromper. Tu sens quelque chose monter en toi. Tu ne sais pas encore si c’est de la colère ou de la terreur. Tu sens que ça bouillonne. Tu sais qu’à un moment, ça va exploser.
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Le coeur palpite, fracasse les côtes. L’angoisse répond au soulagement d’enfin livrer son âme à l’aveu. Il y a quelque chose de presque libérateur dans le fait de raconter, quand bien même ce soulagement se ferait au prix de la douleur allumée dans le regard d’autrui. Il y a une liberté absolue, terrifiante, vertigineuse dans le fait d’écouter son seul désir de parler sans égard pour la peine infligée. Ces égards, pourtant, reviennent embraser ma mémoire lorsque le verre tinte de l’écho de ma voix et que le bureau tremble de ce qui se joue entre ces murs. Tout est devenu plus solennel. Même Morsmordre, aventurier entre tous, qui s’approchait dangereusement des mollets d’Uriel renonce soudainement à lui bondir sur les genoux, et l’observe, comme piqué de curiosité, tache d’encre pleine de fourrure dans un recoin de la pièce.
Ses questions pleuvent, et avec elles la lame affûtée de l’esprit de ce jeune homme. Je suis presque trop fier de mon ancien élève pour mon propre bien. Il y a quelque chose de douloureusement plaisant dans le fait de le voir si vif d’esprit et si prompt à raccorder les fils de cette grande intrigue tissée à son insu. Quand bien même cela me mènerait à ma perte. J’ai commis tant de crimes que cet épisode n’en fut qu’un parmi d’autres à mon procès, et il a sans doute été facile d’oublier, dans les rangs des jurés, cette pauvre femme violée, bien moins importante peut-être, que des meurtres et de la torture. D’autant que l’éventuelle plaignante ne s’est pas manifestée, recluse dans le monde moldu, ou décédée, peut-être. Je ne l’ai jamais su. En un mot comme en cent, pour me réjouir de la vivacité d’esprit de mon bourreau, je dois être bien masochiste.
« Comment ? Comment saviez-vous ? Ma mère vous en a-t-elle parlé ? Cela n’a aucun sens, elle vous craignait. Lorsque vous êtes devenu directeur, elle m’avait enjoint à ne plus vous écrire. Elle m’avait supplié. Est-ce Lucius Malefoy qui vous l’a dit ? »
Et puis les yeux se croisent. Il a compris. Presque trop vite, presque trop facilement. Et pourtant, cela ne m’étonne pas. Sa mère a du le mettre en garde contre moi. Il a du deviner que j’ai fait partie des bourreaux de ce groupe de filles quoi que je n’ai pas porté la main sur Isabel Mappleton.
« Vous y avez assisté. Vous étiez là. »
Une gorgée enflamme le gosier.
« Oui. J’y étais. »
L’aveu est douloureux, nécessaire. J’ai menti bien assez longtemps dans ma vie pour ne pas lui mentir à lui. Pas sur ça. Pas alors que sa mère est morte. Peut-être espéré-je secrètement que dans un accès de rage, on vienne enfin écourter mes jours. Malgré les disputes avec Moira, malgré ses paroles de réconfort, il y a encore ces jours où je sens, trop lourds, les souvenirs peser sur mes épaules.
« Nous étions de jeunes mangemorts pour la plupart, avec de grands et nauséabonds idéaux. Nous nous pensions les rois du monde, supérieurs en tous points aux personnes nées moldues. Votre mère a été du nombre de ces filles que nous avions repérées à Poudlard les années précédent notre diplôme. Nous les avons enlevées, nous les avons maltraitées. Nous étions persuadés d’apprendre à ces femmes que le monde de la magie ne voulait pas d’elles, leur rappeler leur place au monde. »
Les phalanges blanchissent, les mains tremblent. La voix se mue en un murmure rauque tandis qu’une boule dans la gorge se forme.
« Je ne saurais jamais assez dire combien je suis désolé pour ce que j’ai commis cette nuit. Ne pas avoir touché votre mère n’enlève rien à ma responsabilité dans son tourment. Je comprends qu’elle vous ait enjoint à ne pas m’approcher et comprendrais qu’après cette discussion vous ne souhaitiez plus avoir de contact avec moi. »
Se resaisir. L’auto-apitoiement ne me va pas. Moira m’engueulerait très certainement. Pourtant, je ne puis m’en empêcher. Parfois, dans ce genre de situation, je me sens brisé, vieux avant l’heure. Avide d’en finir. Aveu soufflé dans un murmure.
« Je pense cependant que Lucius Malefoy ignore qu’il a eu un autre fils. S’il l’avait su… ma foi, vous ne seriez très probablement plus en vie à l'heure qu'il est. »
Tu l’écoutes. Tu as sur le visage un mélange d’horreur et de fascination. Tu n’arrives pas à faire coïncider tous les aspects de Severus Rogue sur cette tête que tu côtoies depuis longtemps. Tu l’as connu en directeur de ta maison. Il a été comme un père, un mentor, un grand frère pour toi quand tu en as eu besoin. Fils de né moldu à Serpentard pendant la guerre, Sang de bourbe, sang mêlé, tu en as eu besoin souvent. C’était le gars qui te laissait des bouquins sur le coin du bureau, qui t’a donné des retenues pour que tu aies un lieu où faire tes devoirs en sécurité, qui t’as donné des manuels d’école lorsque les tiens avaient été détruits par tes petits camarades. Severus Rogue, c’est celui qui t’a recommandé pour Sainte Mangouste, qui t’a poussé à postuler, aidé à obtenir ta formation puis ton job actuel. Severus Rogue, c’est aussi celui qui a regardé ta mère se faire violer…. Par plus d’un homme, manifestement. C’est celui qui savait.
Celui qui savait.
Tu lèves les yeux vers lui. Tu sens que tes prunelles piquent, tu as envie de pleurer, de t’énerver, de casser quelque chose. Pourtant, tu ne peux pas t’empêcher de rester là, comme un con. La bouche s’ouvre et se ferme. Tu ne sais même pas quoi répondre. Une part de toi voudrait qu’il joue la comédie ou qu’il en ait rien à foutre. C’est difficile de s’énerver contre un mec qui semble avoir pris vingt ans depuis le début de la conversation et qui porte son aveu comme Atlas porte le monde sur ses épaules. Tu lui en veux sans lui en vouloir. Tu constates son tourment. Ça n’efface pas ta douleur, tu te sens trahi… et pourtant, tu n’arrives pas à le haïr. Tu n’arrives pas à le gifler, ni à sortir ta baguette pour l’attaquer. Tu vois sa détresse, et elle fait écho à la tienne.
Il savait.
– C’est pour ça que vous m’avez aidé, gamin ? Parce que vous vous sentiez coupable ? Parce que vous saviez ce que ma mère avait traversé ?
Un souffle. Tu ne sais pas ce qui t’énerverait le plus. Qu’il te dise oui, ou qu’il te dise non. Dans les deux cas, tu te sens trahi. Trahi et soulagé d’entendre la vérité. Blessé et content de savoir qu’une pièce de plus trouve sa place dans le grand puzzle de ton histoire. Tu voudrais le haïr, tu voudrais que ta mère n’ait pas eu à subir cela, mais la vérité est bel et bien que tu n’aurais pas pu voir le jour si ça avait été le cas. Depuis que ton père t’a parlé de l’histoire de ta mère, tu vis avec cette hésitation, cette souffrance. Tu es né d’un crime. Tu es né de la douleur de ta mère. Tu es né du pire jour de sa vie… Comment ne pas culpabiliser d’être là ? Comment n’être pas reconnaissant à la foi de ta mère qui seule l’a empêchée de te tuer pour les crimes de celui qui t’a enfanté ? Tu as les mains qui tremblent. Tu aurais besoin de quelque chose de fort. Il reste une gorgée d’alcool dans ton verre, tu la descends, cul sec. L’âpreté de l’alcool met à distance, au moins pour un temps, ta douleur.
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PS : désolé pour la longue attente
Cecil A. Selwyn
MONSIEUR LE DIRECTEUR
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Severus Rogue, grand méchant de l’histoire. C’est lui. Il le sait. Il ne peut que le ressentir, fiché en plein coeur lorsqu’il regarde le visage d’Uriel se fermer et s’ouvrir à mesure qu’avancent les fils de ses révélations. Il s’attend à chaque instant à recevoir un cocktail de phalanges en pleine face et à entendre, une nouvelle fois, le bruit des os se fracturer au milieu de son nez. Et il l’aura bien mérité, le corbeau noir, Severus Rogue. I’infâme mangemort. Car quoi qu’il fasse, le poids de ses fautes ne s’envolera pas, jamais. Comment pourrait-on lui pardonner ce que lui-même se refuse à pardonner ? Il ne s’est jamais absous de ses péchés, et il se tient grief de la moindre faute de sa vie.
Elles sont nombreuses. Si nombreuses qu’elles en deviennent indénombrables. Et sous ces voûtes célestes piquetées d’une infinité de vices, de souvenirs douloureux, de fautes, de blasphèmes, de sacrilèges, de meurtres, de pillages et de toutes ces infamies dont on l’accuse avec raison, Severus Rogue contemple le désert de son existence. Qu’a-t-il accompli ? Rien. Qu’a-t-il apporté à ce monde sinon un enfer et des landes désolées ? Il a tenté d’expier chacune de ses fautes, mais elles reviennent le hanter à chaque instant. Un homme brisé qui mériterait de mourir, voilà ce qu’il est.
Et pourtant, qui pourrait être prompt à dispenser de la vie et de la mort d’autrui ? Trop souvent les gommes jugent et condamnent. S’il mérite de mourir et qu’il vit, et si ceux qui meurent méritent parfois de vivre, qui peut accorder cette justice là sinon des dieux inexistants dont les idoles sont depuis bien longtemps déchus de leur piédestal ? Alors il se fait une raison quant à sa destinée et plonge dans le regard d’Uriel deux orbes noires tourmentées.
Il ne sert à rien de mentir avec lui. Et si Uriel veut l’achever, il chérira cette compagne de toute une vie enfin avide de l’étreindre pour un dernier long et lent sommeil.
« C’est pour ça que vous m’avez aidé, gamin ? Parce que vous vous sentiez coupable ? Parce que vous saviez ce que ma mère avait traversé ? »
Le silence s’est fait. Solennel et chargé. Les non-dits sont une purée de pois à couper au couteau. Severus suppose qu’une fois dans sa vie, il pourrait s’accorder le luxe de ne pas réfléchir, de ne pas peser mille fois sa réponse avant de la formuler. Il sait qu’il n’a que trop rarement l’occasion de laisser son coeur cracher ce qu’il a à dire, tant il le régente d’une main ferme. Il ne sait plus où trouver de la spontanéité, sinon dans la haine, Severus Rogue. Il se sait un vieux bonhomme, aigri, acerbe, acariâtre qui mériterait mille fois la mort.
Et pourtant il vit. Alors il répond sans quitter des yeux Uriel.
« Oui, et non. Je savais qui vous étiez, Uriel, et ce que votre mère avait subi. Je me sens et me sentirai coupable jusqu’à ma mort. Mais ce ne sont pas les seules raisons qui m’ont poussé à vous aider. Vous étiez un élève de ma maison, il était de mon devoir de vous protéger comme je le pouvais, sans éventer ma couverture auprès des fils et filles de partisans du Seigneur des Ténèbres. J’espérais que votre scolarité ne serait pas un enfer en dépit du fait que vous ayez été fils de née-moldue à Serpentard. j’espérais pouvoir vous épargner un peu les pires exactions qui peuvent arriver au cours d’une scolarité dans un contexte aussi tendu que celui pendant lequel vous avez été élève ici. »
Les phalanges se sont entremêlées, fébriles, tremblantes. Et le coeur est gros, si gros. Lourd, si lourd. Une profonde expiration, un souffle. Lutter pour ne pas laisser les larmes monter aux yeux et pour mantenir la clarté du timbre. Lutter, lutter si fort pour tenir à distance le spectre de nuits éternelles.
Tu l’écoutes, tu l’observes. La vérité est que tu n’arrives pas à détacher les yeux du spectacle devant toi. Severus Rogue brisé. Severus Rogue prématurément vieilli. Severus Rogue rongé par la culpabilité, par son passé. Tu sais ce qu’on dit : le Paradis attend ceux dont le repentir est sincère. Tu peines à voir plus sincère douleur que celle qu’exsude tout l’être du vieux maître des potions. Il a été ton roc durant ta scolarité. La figure forte qui, par sa présence discrète, a toujours su trouver les mots ou les actes pour te remonter le moral. Bourru, il t’aura laissé un livre sur le coin de la table, oublié de fermer à clef la porte d’une salle de classe où faire tes devoirs. Il t’aura donner une retenue pour panser tes bleus, aura oublié de t’engueuler quand tu auras découché une nuit pour dormir dans un endroit plus sécurisant que ton dortoir, t’aura recommandé pour devenir préfet afin de t’accorder les avantages du titre et te protéger, au moins un peu. Il t’a aidé, Severus Rogue, et tu le vois désormais à terre, celui qui t’a fait cette lettre de recommandation pour Sainte Mangouste, celui qui s’est assuré que tu majorerais en potions et en botanique. Il est plus bas que terre, celui que ta mère a craint, celui qui a régné sur Poudlard d’une main de maître au service du Seigneur des Ténèbres.
Oui. Son repentir est sincère. Et tu sais que dans l’espace clos de ce bureau, seul Dieu peut lui donner l’absolution de ses péchés. Pour autant, tu ne supportes pas de le voir comme ça. Tu sens qu’il regrette, qu’il regrette vraiment. Tu devines son dégoût de lui-même, et tu devines plus encore qu’il a tout fait pour ne serait-ce que commencer à repayer la dette qu’il s’imagine devoir au monde entier pour ses erreurs. Alors tu t’accordes une seconde pour penser. Une deuxième pour te décider. Tu restes figé quelques instants, puis tu t’ébroues et tu te lèves, en silence. Tu t’approches de lui et tu le prends dans tes bras, tu ne sais pas comment lui faire comprendre autrement. Tu le serres contre toi, tu veux qu’il le ressente, qu’il le comprenne. Il n’a pas à porter sur ses épaules le poids du monde et le poids du crime des autres. Il faut qu’il fasse la paix avec lui-même. Tu sais que c’est un long chemin, un très long chemin, et tu ne sais pas s’il y arrivera un jour. Tu es ébranlé, tu souffres qu’il ai su sans te le dire, et tu te sens trahi, mais tu comprends, aussi, pourquoi il ne l’a pas fait. Il n’avait que des suspicions, il ne voulait pas détruire ta famille en ramenant de vieilles histoires. Aurais-tu agi différemment ? Tu n’en es pas certain. Il a veillé sur toi, il a fait ce qu’il a pu pour porter sa croix sur la plus longue distance alors que son coeur était transpercé.
- Il n’y a que Dieu qui puisse vous sauver, Severus Rogue… mais sachez que je vous pardonne. Et je vous remercie d’avoir veillé sur moi.
Tu as le coeur battant à tout rompre, et tu sens que des larmes se sont mises à couler sur tes joues.
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Cecil A. Selwyn
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Il est perdu dans son désespoir, le Directeur. Déchu depuis bien longtemps de sa contenance, bouté hors des frontières de sa zone de confort à l’instant même où Uriel lui a avoué savoir. Le voici incapable de contenir ses larmes, les yeux emperlés de la plus terrible des douleurs. Le sait-il, le gamin, qu’il est incapable, depuis cette nuit, de s’affronter dans un miroir ? Le sait-il qu’il est incapable de soutenir son propre regard, son propre visage ? Qu’il est incapable d’oublier les suppliques de sa victime et l’amer goût qui lui est resté dans la bouche bien après qu’il ait rendu à la terre le contenu de ses tripes ? Le sait-il, ce gamin qui se lève, qu’il a en face de lui un monstre ?
Severus a clos les yeux, incapable d’affronter le poids de la présence d’Uriel. Il tente de refréner ses sanglots mais ne parvient pas à retenir les perles qui sillonnent sa face blême. Le fier Directeur devenu une poupée de son. Comme ses ennemis se gausseraient s’ils le voyaient désormais. Comme ses détracteurs se réjouiraient, et comme ils auraient raison de le faire. Severus Rogue a passé sa vie à ne pas supporter la croix posée sur son épaule, incarnation de ses crimes passés, et désormais, alors qu’Uriel se lève sans doute pour partir, incapable de supporter sa présence, le directeur se rend compte qu’il ne s’est jamais aussi peu supporté qu’à cet instant. Se faire Christ saignant dans sa salle de bains ne lui a jamais paru une perspective plus tentante…
Et le miracle se fait. Un effleurement. Un geste. Infime. Tremblant. Il ouvre les yeux pour voir Uriel près de lui, hoquète de surprise en le sentant glisser près de lui. Et le paria s’abandonne un temps à l’étreinte d’un ange.
« Il n’y a que Dieu qui puisse vous sauver, Severus Rogue… mais sachez que je vous pardonne. Et je vous remercie d’avoir veillé sur moi. »
S’il y a bien une chose que n’a jamais été Severus, c’est pieux. Il a toujours considéré que si un Dieu existait vraiment, il n’aurait pas été si cruel que jamais sa mère n’aurait trouvé d’échappatoire autre que le trépas à sa vie misérable. Si Dieu existait vraiment, sa mère serait encore là, libre. Elle aurait divorcé, trouvé un autre homme et refait sa vie. Si Dieu existait vraiment, Lily serait encore là et Potter n’aurait pas été orphelin. Si Dieu existait vraiment… Et pourtant, en cet instant, il écoute, Severus Rogue, assez désespéré pour que la grâce le touche. Plus que la grâce, ce sont les mots d’Uriel qui le frappent. Son pardon. Alors il s’agrippe au corps contre le sien et le serre contre lui sans cesser de pleurer. Il y a quelque chose de libérateur dans les mots d’Uriel. De libérateur et de désespérant. Le pardon d’Uriel vaut bien plus qu’il n’aurait pu le croire. Peut-être est-ce cela qui . Mais si seul Dieu peut apporter le salut à une âme perdue, alors peut-être est-ce le moment de s’avouer vaincu. Car Severus ne croit pas. Il n’a jamais cru, et il se sait inconciliable avec la foi.
Mais Uriel est là. Le pardonne. L’apaise. Alors il le lâche enfin, les paumes tremblantes, incapable de calmer le sifflement dans ses oreilles. Et il hoche gravement la tête, tâchant de se composer une mine plus sereine.
« Merci, Uriel. En quelques mots, vous vous avérez déjà un meilleur homme que je ne le serai jamais. Ne perdez pas cette grandeur d’âme : elle est la seule chose qui vous distingue des bêtes que nous sommes. »
Et il pense chacun des mots qu’il livre à son ancien élève.