Le ciel s’assombrit bien trop vite par ces longues soirées d’hiver. Un peu de neige, beaucoup de vent, de quoi convaincre n’importe quel badaud de ne surtout pas s’aventurer au dehors. L’idéal serait, bien entendu, de s’installer paisiblement au coin du feu avec un bon livre, un phénix sur les genoux (ça tient chaud, ces bestioles) et un Morsmordre ronronnant sur l’appui-coude (ça détend, ces machins-là), sans oublier, naturellement, un thé de qualité supérieure exquisement servi dans un irréprochable service de porcelaine anglaise. C’eût été, naturellement, le pied… Alors pourquoi diable affronté-je les ruelles de la capitale sous la pluie battante et les assauts du vent ? Foutu hiver ! Ce doit être l’effet « neuf janvier ». Prendre une année supplémentaire et atteindre mes quarante quatre ans doit m’avoir grillé le cerveau.
C’est donc résolu que je me dirige vers l’une des entrées du Ministère, astucieusement camouflée dans une cabine téléphonique. Numéro composé, badge épinglé sur le poitrail. « Severus Rogue, directeur de Poudlard, visite impromptue » de quoi dire tout et rien dans les archives du Ministère. Mais c’est pourtant la rigoureuse vérité : la visite n’était pas prévue le moins du monde. J’ai toujours supposé qu’être directeur de Poudlard donnait une forme de passe droit dans les murs du Ministère…. Surtout lorsqu’il s’agit de bosser pour la tête couronnée. D’un pas sûr, je traverse le hall, croise quelques badauds quittant les bureaux, et emprunte les ascenseurs propres à me mener au bon endroit. Depuis quelques mois, maintenant, j’ai obtenu un laisser-passer de la part de Potter pour l’intégralité des archives du Ministère. Un cadeau dangereux que le savoir du monde magique tout entier. Tout y est : les archives légales, les procès, les archives des journaux, un exemplaire de tout ce qui a été publié en Grande Bretagne magique au cours des derniers siècles, les livres confisqués… ce sont ces derniers, naturellement, qui éveillent le plus mon intérêt. C’est dans ces ouvrages obscurs, interdits désormais, pour certains, que j’ai trouvé la recette me permettant de faire mes premiers essais aux journées portes ouvertes. Si cela avait échoué, nous aurions pu prétendre qu’il s’agissait là d’une autre part de l’attentat survenu… Toutefois, la première expérience a été concluante : le sérum a, semble-t-il, rendu les élèves plus dociles et plus réceptifs à ce qui leur était enseigné pendant la durée de son efficacité. Il a fallu presque un mois pour que les effets s’estompent tout à fait, faisant retrouver à toutes ces jeunes têtes blondes leur liberté d’esprit. Fait intéressant, il semble au passage qu’au plus un sujet est âgé, au plus son esprit oppose quelque résistance à la potion… logique, en soi.
Mais ce soir, je ne viens pas spécialement travailler aux archives. J’ai surtout besoin d’un moment de paix. Je me suis toujours enjoint à ne pas ou peu fêter mon anniversaire, et l’obsession de Minerva à perpétuer la tradition Dumbledorienne de « festoyer » m’a conduit à la savante décision de la réclusion. Me voilà donc aux abords des Archives. Laisser-passez en main, je passe la zone de sécurité où j’ai la surprise de voir le Grand Archiviste, Lord Melchior Fawley. On s’est croisés à plusieurs reprises, mais j’ai surtout eu affaire à ses employés lors de mes diverses venues. Par que le personnel des archives soit très nombreux, cela dit.
« Bonsoir, Lord Fawley. »
La politesse n’a jamais tué le chat, surtout pas celui-là. Melchior Fawley est une légende : les ministres passent, l’archiviste reste. A bien soixante-dix ans passé, il tient encore fièrement l’office des archives du Ministère. Rien que pour cela, le bonhomme est admirable. Je ne connais que trop, aussi, son engagement religieux qui fait parfois jaser les sangs purs les moins attachés à la foi. Certaines familles se plaisent à rester au stade des croyances celtiques, voyant d’un mauvais œil l’irruption d’un Dieu Unique sur les terres anglo-saxonnes. Pour ma part, il faut bien dire que ces préoccupations-là me volent au dessus du crâne.
Mais Melchior Fawley est un bonhomme passionnant. Même s’il ne fournit pas de plan pour ses précieuses archives.
« Comment vous portez-vous ? »
La rencontre est inattendue. Elle fait écho à une conversation que j’ai eue, il y a de cela presque deux mois, déjà, avec Moira. Le titre Prince. Le souvenir de ma mère n’a jamais flotté aussi près de mon esprit au cours des trente dernières années.
Je me suis souvent demandé quel était le projet que Dieu avait pour moi. Pourquoi m’avais-Il mis sur cette terre ? Lesquels de Ses desseins je devais servir par mon existence ? La question semblait d’autant plus importante quand elle venait d’une cruauté, et mon mariage, peut-être plus que tout autre chose, n’a jamais arrêté de la faire revenir dans mon esprit. Edna est morte aujourd’hui, je doute qu’elle ait trouvé une place auprès du Créateur, je ne peux que prier pour qu’elle ne m’ait pas damné avec elle. Jeune, je lui ai souhaité l’enfer que je lui faisais vivre, aujourd’hui je voudrais pour qu’elle se soit sincèrement repentie sur son lit de mort, et qu’une chance lui soit un jour accordée. Et, finalement, est-ce que le but de mon mariage, est-ce que Son but n’était pas de me voir aux Archives du Ministère ? Après tout, sans cette malheureuse union qui m’a presque rendu fou, je serais sans douté resté aux brigades magiques, peut-être aurais-je progressé au sein du département de la Justice Magique – et au vu de mes tendances personnelles, j’en aurai été parfaitement satisfait je pense. C’est ce mariage, et ce qu’il m’a fait commettre comme fautes et comme folies, qui m’a envoyé ici il y a presque cinquante ans maintenant. Et si c’était ma place, finalement, Grand Archiviste ? Après tout, avec ce que cela m’a permis, cela ne serait pas surprenant qu’Il l’ait voulu ainsi… Et puis, je suis étrangement heureux ici, je m’y suis toujours senti à ma place. Je suis l’un de rares à ne m’être jamais perdu dans les dédales des archives, le seul à en connaître les recoins, les chemins tortueux - merci mon Dieu pour ma mémoire. Je veille sur mes archives, vieux dragon protégeant le plus inestimable des trésors : la connaissance. Alors quand notre si jeune ministre décide d’accorder le droit de s’y promener sans me demander mon avis, je peste et je plie à ma façon : qu’ils viennent, ses invités, la porte leur est ouverte ; qu’ils s’y perdent : ils n’auront pas mon aide. Je sais quel courage et quel temps il faut pour retrouver ce que l’on cherche ici sans moi, je m’en amuserai presque. S’ils savaient les mensonges, les demies-vérités, s’ils savaient où chercher… Bah. Ça devrait m’inquiéter tout de même, mais ce n’est pas mon rôle de distribuer les savoirs, et le secret de la longévité au ministère, c’est de rester dans son rôle, au moins en apparence. Cependant je sais bien que si je reste plus tard le soir ces derniers temps, ce n’est par excès de zèle, c’est pour pouvoir jauger les personnes qui viennent se promener dans mes archives.
Aujourd’hui, c’était plutôt calme, la journée ne m’a pas réservé de surprise. Je tire sur ma pipe, regardant mon assistant remballer ses affaires et se préparer à rentrer chez lui – il trépigne le pauvre depuis bientôt quatre heures, il s’ennuie. Il est jeune, et ça ne doit pas être la chose la plus passionnante du monde de trier les copies de tout ce qui a été rédigé au ministère dans la journée quand on a vingt ans et un caractère impétueux comme le sien. Un recalé d’un autre département qui a atterri ici pour mettre un pied dans cette grosse machine qu’est le Ministère de la Magie - je ne lui donne pas six mois avant d’abandonner. Son impatience m’amuse et m’agace en même temps. « Rentre chez toi, je vais finir seul. » Ses remerciements me parviennent alors qu’il est déjà en train de s’éloigner. J’entends la personne chargée de laisser entrer ou sortir les personnes dans les archives le saluer et grommeler qu’elle rentrerait bien aussi, puis plus rien. Pendant un moment, il n’y a plus que comme son que le crépitement du tabac qui brûle dans ma pipe et mes lentes inspirations, il n’y a plus que moi face aux casiers et aux étagères.
Je tourne la tête en entendant que l’on vérifie l’autorisation de quelqu’un, et c’est l’air calme et impassible que je regarde entrer l’un de ceux que Potter laisse librement accéder à mes précieuses archives. Severus Rogue, directeur de Poudlard, qui semblerait presque surpris de me croiser ici. « Bonsoir, Lord Fawley. » Je crois que j’ai connu sa mère, il y a longtemps. Eileen Prince, c’est ça, visage aussi cireux que celui de son fils, charmante cependant dans mes souvenirs, d’une certaine façon... « Comment vous portez-vous ? » Je lui accorde un sourire et me penche en avant pour lui tendre la main. « Bonsoir Rogue. Plutôt bien je vous remercie, et vous ? » Je lui désigne une chaise à mon bureau. « Est-ce que vous accepteriez de prendre un thé avec moi avant de retourner à vos lectures ? Je trouve assez dommage que nous n’ayons pas pris le temps de discuter un peu alors que vous venez ici régulièrement depuis quelques temps. » Si nous nous sommes croisés, je ne pense pas avoir pris le temps d’échanger avec lui. Et pourtant, un mangemort repenti, un ancien protégé de Dumbledore en un sens, un proche de notre ministre actuel d’une certaine façon, le directeur de la plus prestigieuse école de magie au monde… Il n’y a pas de raison que cette conversation ne soit pas au moins passionnante. Je désigne ma pipe. « L’odeur du tabac ne vous dérange pas ? Je crois qu’on m’a demandé de cesser du fumer aux archives, mais c’est une habitude que j’ai du mal à perdre. » Je suis vieux, j’ai fumé pendant plus de cinquante ans à ce bureau, cette pipe, c’est l’ancien Grand Archiviste qui me l’a offerte en prenant sa retraite ; ce n’est pas que j’ai du mal, c’est que je n’ai aucune envie d’arrêter. « Il n’est pas un peu tard pour venir se perdre dans mes archives ? Qu’est-ce qui vous emmène ce soir ici ? » Mes archives. C’est sorti presque tout seul. Ce n’est même pas exactement un reproche, juste une constatation, un fait. Potter peut donner les droits d’entrée à qui il veut, il peut être à la tête du Ministère : ici, c’est mon domaine.
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Cecil A. Selwyn
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Les heures doivent souvent paraître bien longues pour qui est coincé dans ces sombres archives jour après jour. Elles dégagent quelque étincelles de sérénité, pourtant, pour qui a déjà atteint la sagesse des ans. Ou qui aime se perdre dans les rayonnages jusqu’à ce que le temps lui-même ne s’efface pour offrir un goût d’éternité au lecteur. Les bibliothèques ont toujours eu sur moi cette effet apaisant. Cette ivresse vertigineuse qui attire l’homme jusqu’aux mots les plus obscurs, jusqu’aux sens les plus celés sous des couches de cryptage. Non, décidément, cet endroit est bien plus exaltant que n’importe quelle grotte en terre étrangère. Pût-on y trouver de l’or, je suis à peu près certain qu’ici, il doit y avoir un secret permettant de transformer le plomb en or, au moins temporairement. Minerva m’en voudrait sans doute beaucoup si je dévaluais le cours du gallion par une obscure entreprise de fausse monnaie.
Je me suis toujours demandé pourquoi il n’y avait pas plus de faussaires que cela dans le monde de la magie. Ce serait sans doute une activité plus prolifique et moins risquée que le cambriolage ou l’appartenance à un corps d’excités pro-sang-pur… C’est donc non sans une certaine surprise que ma route croise celle du vieux Lord Fawley, l’un des aînés entre ces murs, si l’on éclipse le cas très spécifique et tout vampirique d’Augustus Rowle. Plus surprenant encore, le bougre se montre des plus affables. Je n’ai jamais été certain de savoir sur quel pied danser avec les plus hautes couches de l’aristocratie sorcière. Ma mère en faisait partie, elle a tenu à m’inculquer quelques notions de base de l’étiquette, bien sûr, mais je ne suis pas de cette élite et il est bien ardu d’oublier que si ma mère fut rose coiffée d’épines, mon père fut plutôt de ceux qui rampent sous terre pour aller casser du charbon et alimenter les feux mourants d’un industrie minière moldue. Et l’on se demande pourquoi, avec un boulot si ingrat, il s’est tourné vers l’alcool. Je n’ai jamais su ce que ma mère avait pu voir dans cet homme pour lui chambouler l’esprit : une chose, cependant, a toujours été certaine en ce qui me concernait. Celui dont elle s’est éprise, je ne l’ai jamais connu.
« Bonsoir Rogue. Plutôt bien je vous remercie, et vous ? Est-ce que vous accepteriez de prendre un thé avec moi avant de retourner à vos lectures ? Je trouve assez dommage que nous n’ayons pas pris le temps de discuter un peu alors que vous venez ici régulièrement depuis quelques temps. »
Il faudrait être sot pour refuser pareille invitation. De plus, s’il faut vraiment être honnête, la raison de ma venue ici ce soir est davantage de l’ordre de la fuite que de l’érudition. Poudlard est parfois un peu trop bruyant pour moi. Je dois me faire vieillissant.
« Je vais bien, je vous remercie. Ce serait avec plaisir, Lord Fawley. »
Le voilà qui lorgne par dessus la pipe qu’il prépare, comme pour percer les secrets que je cache derrière l’ingratitude d’une apparence austère. Je suppose que ce doit être là une habitude de vieux briscard des salons que de jauger l’ennemi. Mais je me sens toujours vaguement inopportun en présence de pareilles sommités. J’ai sur Potter l’ascendant de l’âge permettant de rabrouer notre bon ministre lorsqu’il s’égare un peu trop avant dans de dangereuses contrées, mais je ne puis certainement pas me targuer de la même prééminence sur ce bon lord Fawley. Non, à côté de lui, je suis un bambin jouant avec ses chaudrons. Dumbledore était l’un des rares sorciers à me faire sentir mon insignifiance. Je suppose que ce type de fréquentation occasionnelle peut m’épargner les dangereuses ivresses d’un égo aussi démesuré que celui de feu Potter (et feu Black).
« L’odeur du tabac ne vous dérange pas ? Je crois qu’on m’a demandé de cesser du fumer aux archives, mais c’est une habitude que j’ai du mal à perdre. - Aucun problème, je vous en prie. »
Question de convenance. Il n’a pas l’air vraiment enclin à essayer beaucoup d’arrêter le tabac. Je suppose qu’il doit y avoir quelque chose de jouissif à n’en faire qu’à sa tête et être excusé de tout parce qu’on est le vieux lord Melchior Fawley. Je me suis toujours demandé si ce n’était pas là une prérogative des personnes âgées que d’être impunissable… Dans quelques décennies, peut-être sera-ce mon tour d’y goûter. Mais j’en fais déjà abondamment à ma tête, je dois le confesser.
« Il n’est pas un peu tard pour venir se perdre dans mes archives ? Qu’est-ce qui vous emmène ce soir ici ? »
Sourire en coin. La question a le mérite d’être classique et de m’emmener donc sur un terrain connu : celui de la conversation plutôt que de l’inquisition.
« Eh bien je suppose que c’est le seul moment de la journée où je puis m’échapper de Poudlard pour venir visiter ce haut lieu de savoir sans faillir à ma charge de directeur. J’espère que ma présence ici aussi tardivement ne contrarie pas le déroulement de votre soirée ? J’avoue avoir pu faire progresser significativement un certain nombre de mes recherches tant professionnelles que personnelles depuis que j’ai le privilège de pouvoir venir ici. »
Et il faut gracieusement oublier de préciser que ledit privilège a été accordé par Potter au nez et à la barbe de l’hôte de ces lieux. Ne jamais se mettre à dos l’impétueux Lord Fawley. Après tout, les chefs d’état passent et trépassent et lui est toujours là, indéboulonnable et increvable. Il faut certainement ne pas le sous-estimer.
Un « pop » fait frissonner l’air tandis que théière et tasses apparaissent sur le bureau. Il semblerait qu’au Ministère aussi, les elfes de maison soient d’une redoutable efficacité. Cela me fait penser que je n’ai jamais pris le temps de lire le nouveau code sur les êtres magiques pondu par Potter et Granger, sinon les résumés faits dans la presse. Il faudrait peut-être que je mette le nez dedans.
« Avez-vous beaucoup de visiteurs dans vos archives ces derniers temps, Lord Fawley ? Je ne croise jamais foule le soir, mais en journée, peut-être ? »
Quoi ? Je n’ai jamais prétendu être un grand conversationniste, et il faut dire que je suis, aussi, curieux de savoir si le laissez-passer en ma possession est une pièce unique ou si, au contraire, Potter, dans un élan tout gryffondorien, a décidé de forcer la main à Lord Fawley pour rendre les archives plus ouvertes et accessibles à tous.
Ma question n’est pas là pour simplement lancer une conversation. Je scrute, je guette, j’interroge. Quel est cet homme qui va et vient dans mes archives ? Faudrait-il que je sois attentif aux documents qu’ils parcours, ou est-ce un autre de ces idiots qui ne comprennent pas l’importance, le danger et l’enjeu de ce lieu ? Je ne sais pas quelle réponse à cette question que je ne lui adresse pas me satisferait le plus, j’imagine que les deux puissent m’agacer, la première étant peut être un peu plus inquiétante, la seconde elle plus navrante. Je crois que j’aimerais autant, quitte à ce qu’il puisse aller et venir librement dans mes précieuses archives, que ce soit un homme intelligent. « Eh bien je suppose que c’est le seul moment de la journée où je puis m’échapper de Poudlard pour venir visiter ce haut lieu de savoir sans faillir à ma charge de directeur. J’espère que ma présence ici aussi tardivement ne contrarie pas le déroulement de votre soirée ? » Je lui adresse un sourire amusé et poli. C’était le genre de chose qu’on me disait rarement au temps où mes cheveux n’avaient pas blanchis, où mon âge ne me donnait rien de vénérable en soit ; et pratiquement jamais avant que ne vienne à mon doigt la chevalière Fawley. Sans être Lord et avec ne serait-ce que vingt ans de moins, il aurait sans doute été normal que je propose à un visiteur régulier des archives un thé et que je cherche à le cerner par simple curiosité, que je reste tard au Ministère pour m’éviter de rentrer dans un grand manoir vide trop tôt. « J’avoue avoir pu faire progresser significativement un certain nombre de mes recherches tant professionnelles que personnelles depuis que j’ai le privilège de pouvoir venir ici. » Mon sourcil se hausse malgré moi. Je lui demanderais bien frontalement sur quoi portent ses recherches, mais si jamais il s’agissait de quelque chose de sensible, je risquerais simplement de le braquer et de n’en rien obtenir. Il faut y aller par petites touches, mais sans sous estimer Severus – après tout c’est un Serpentard lui aussi, il connaît la ruse et ses applications. Il me verra venir à mille lieux si je ne joue pas finement mon coup. Je prends une bouffée de tabac, et je jette un regard vers la porte. Un sentiment d’attente me revient, une réminiscence du temps où Millicent Bagnold était ministre, et où à cette heure il lui arrivait de se joindre à moi pour discuter. J’allumais ma pipe, et comme si je l’avais invoquée elle arrivait en trottinant dans ce bureau, prête à passer des heures à parler de tout et de rien pour me donner un prétexte de ne pas rentrer retrouver Edna trop tôt. Aujourd’hui, elles dorment toutes deux de leur dernier sommeil, je prie pour que le Créateur ait eu pitié d’elles – et en lieu et place de ma vieille amie se tient Severus Rogue. « Je vous remercie, mais si j’avais eu plus important à faire ce soir je ne vous aurais pas invité à prendre un thé. Comme je l’ai dit, je suis navré que nous n’ayons pas pris la peine de discuter alors que vous venez souvent ici, alors c’est une belle occasion. »
Le bruit marquant l’apparition de la théière se fait entendre. Je pose ma pipe pour nous servir chacun une tasse - à l’odeur je peux dire qu’il s’agit de mon préféré, un thé noir aux fruits rouges. Je souris en remerciant mentalement les elfes du ministère. « Avez-vous beaucoup de visiteurs dans vos archives ces derniers temps, Lord Fawley ? Je ne croise jamais foule le soir, mais en journée, peut-être ?» Je rallume ma pipe et me cale plus confortablement au fond de mon fauteuil. « Si vous pensez à des visiteurs comme vous, qui sont libres d’aller et venir comme bon leur semble, ils sont rares, l’ont toujours été et pour le salut du monde magique j’espère qu’ils le resteront. » Je jette un regard vers les archives, très exactement vers la section qui contient les registres des sorciers – et les faux documents que j’ai moi-même confectionné pendant la guerre. « Après il y a du passage en journée, la politique de réformes de notre ministre force de nombreux juristes à consulter les archives des différentes lois qui ont un jour été en vigueur dans le monde magique sorcier par exemple. Il y a toujours quelques personnes qui mènent des recherches précises et qui obtiennent l’autorisation de consulter certains documents. Quelques historiens, quelques chercheurs… Et il y a toujours eu les épris de généalogie qui se cherche un passé glorieux ou des explications.» Je tire une nouvelle bouffée de tabac. Et les idiots qui essaient de venir négocier avec mon assistant l’accès à des sections plus délicates sans y avoir été autorisé. Ces gênants, ce sont sans doute les plus nombreux. « Il faudrait voir avec mon assistant pour savoir combien de personnes cela représente très exactement – mais je ne vais pas vous mentir, vous n’êtes pas à l’endroit le plus animé du ministère. Le gros de notre travail consiste plus à consigner les évènements du présent, pas à guider les visiteurs. » De toute façon, je doute que mon assistant ne retrouve lui-même sont chemin dans certaines sections. Il apprendra à la dure, comme je l’ai fait moi-même (mais sans mes facilités), et comme m’avait dit l’avoir fait l’ancien archiviste. Cela m’arrange bien, moi, que l’on ne fournisse pas de plan précis, cela m’évite Je lui désigne sa tasse. « Le thé vous plaît j’espère ? » je lui adresse un sourire que je veux le plus amical possible. Si la vie politiques m’a appris quelque chose, c’est que les échanges importants commencent souvent par des bavardages plein de banalités. Mes doigts font rouler le sceau fawley autour de de mon index, j’ai pris l’habitude de l’effleurer dès la mort de mon père pour rappeler que j’étais moi aussi un animal politique, et pas à négliger. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici, n’est-ce pas ? « Comment se passe la vie à Poudlard dîtes-moi ? Comment vos étudiants vivent-ils l’année après ce terrible attentat en automne dernier ? » Je parlais avec Myrtle quand cela a eu lieu, et je ne dirai pas non à un nouveau point de vue sur le drame.
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Il y a quelque chose d’apaisant, d’indolent au fait de se perdre dans les illustres archives du Ministère en compagnie de nul autre que l’imposant, et néanmoins bien plus accessible qu’on pourrait le croire, Lord Melchior Fawley. Je me souviens, enfant, combien il m’impressionnait, et combien je l’ai admiré adolescent. Je me souviens aussi qu’il est de ces rares personnages issus du Monde de la Magie dont ma mère m’a parlé. Je n’ai jamais su exactement ce qui a précipité son départ dans le monde moldu : un coup de foudre ? Fuir un mariage arrangé ? Une dispute autour du titre de Lord / Lady Prince ? Je sais seulement que ma mère n’était pas belle, que ce que je suppose être les effets de la consanguinité l’avaient rendue fragile, et qu’elle a sans doute été malheureuse de bout en bout dans sa vie de femme mariée. Car même ma présence ne parvenait plus, sur la fin, à faire pétiller son regard.
La voix paisible de Lord Melchior Fawley brise le fil de mes pensées, et je reporte mon attention sur lui, presque détendu pour la première fois depuis le début de la semaine. Il faut dire que les remous de la vie étudiante de Poudlard ne sont guère favorables à l’épanouissement professionnel d’un chercheur… Et surtout pas d’un directeur de Poudlard. C’est donc avec une certaine volupté que je profite de ce moment d’accalmie avant la tourmente… Et quelle tourmente ! Si je l’ignore encore, dans l’ombre, bientôt, tout bientôt, un concert funeste se prépare.
« Je vous remercie, mais si j’avais eu plus important à faire ce soir je ne vous aurais pas invité à prendre un thé. Comme je l’ai dit, je suis navré que nous n’ayons pas pris la peine de discuter alors que vous venez souvent ici, alors c’est une belle occasion. »
La théière apparaît dans un « plop » sonore. Les elfes de maison du Ministère semblent aussi diligents que ceux de Poudlard.
« Si vous pensez à des visiteurs comme vous, qui sont libres d’aller et venir comme bon leur semble, ils sont rares, l’ont toujours été et pour le salut du monde magique j’espère qu’ils le resteront. »
Je ne peux que deviner combien il a du être difficile pour Potter de m’obtenir ce pass… ou pas. Peut-être l’a-t-il simplement imposé à Lord Fawley sans lui demander son avis, et peut-être devrais-je l’avertir de ne pas se mettre à dos si puissant Lord…
« Après il y a du passage en journée, la politique de réformes de notre ministre force de nombreux juristes à consulter les archives des différentes lois qui ont un jour été en vigueur dans le monde magique sorcier par exemple. Il y a toujours quelques personnes qui mènent des recherches précises et qui obtiennent l’autorisation de consulter certains documents. Quelques historiens, quelques chercheurs… Et il y a toujours eu les épris de généalogie qui se cherche un passé glorieux ou des explications.Il faudrait voir avec mon assistant pour savoir combien de personnes cela représente très exactement – mais je ne vais pas vous mentir, vous n’êtes pas à l’endroit le plus animé du ministère. Le gros de notre travail consiste plus à consigner les événements du présent, pas à guider les visiteurs. »
Tandis qu’il parle avec une paisible assurance de son travail, de ses archives dont il semble si épris, de son domaine, un petit coeur de pouvoir au sein du Ministère, je sirote le thé. Les vertus relaxantes de la boisson chaude, ou le contexte, peut-être, m’ont conduit à me caler confortablement sur le siège pour écouter avec intérêt l’un des doyens de cette communauté magique.
« Le thé vous plaît j’espère ? - Il est parfait, Lord Fawley, je vous remercie. »
Et le fil de la conversation revient sur une interrogation à laquelle je m’attendais. Les mémoires sont encore fraîches du mois de Novembre et de la terreur des étudiants.
« Comment se passe la vie à Poudlard dîtes-moi ? Comment vos étudiants vivent-ils l’année après ce terrible attentat en automne dernier ? »
Je pose la tasse sur la table devant nous avec délicatesse, le temps de réfléchir à une réponse satisfaisante.
« Chacun gère comme il peut ces événements traumatisants… Pour certains d’entre eux, c’est le deuxième de l’année, déjà : certains septièmes années étaient présents au vernissage de Septembre... »
Ce même vernissage qui coûta la vie à l’une des gamines les plus adorables que la maison Serpentard ait connue… une excellente potionniste aussi. Mes doigts se crispent un peu, mais la présence de Lord Melchior Fawley a quelque chose d’apaisant. Ce doit être le son de sa voix, maîtrisé, tranquille. Je le connais trop peu, ce Lord, mais c’est l’un des rares à siéger au Magenmagot trouvant grâce à mes yeux avec, peut-être, Augusta Londubat qui a longtemps assuré la régence du titre pour son petit-fils unique. Une femme forte et incisive. Une vieille mégère acariâtre et pourtant bienveillante. Une grande amie de Minerva, me suis-je laissé dire… Cela n’a rien d’étonnant tant les similitudes entre les deux femmes peuvent être frappantes !
« Évidemment, nous avons pu bénéficier de l’appui de Sainte Mangouste pour aider les élèves les plus troublés par tous ces événements. Si les plus jeunes ont une certaine résilience, les plus âgés n’ont déjà que trop souffert avec la dernière guerre et les récents événements. »
Certains étaient à Poudlard en première ou deuxième année lorsque j’ai pris la direction de l’établissement pour le compte du Seigneur des Ténèbres. Ils ne sont plus très nombreux, il est vrai – tous des septièmes années – mais il en reste quelques uns. Et je sais que la génération de jeunes adultes d’aujourd’hui doit beaucoup de ses faiblesses à nos erreurs d’antan.
« Le monde de la magie a besoin de paix, Lord Fawley, et j’ai bien peur que de bien sombres heures ne cessent de s’avancer... »
Mot prophétique s’il en est. Et l’esprit glisse avec douceur sur un sujet autre et semblable à la fois.
« Mais dites-moi plutôt, Mylord, comment vont les choses au Magenmagot ? Je suppose qu’il doit y avoir quelques tensions croissantes ? Après tout, le conseil abrite autant de sorciers issus de la noblesse sorcière de notre pays que de magistrats nés dans des couches bien plus diverses de la société. »
Pensées filent, murmure à mi-voix.
« Et je suppose qu’avec la guerre, nombre de sièges sont vacants. »
Donc, sans doute, celui d’Antarès Prince, mon grand-père maternel. La lignée Prince, comme bien d’autres, s’est, à ma connaissance, éteinte lorsque ma mère a pris la tangeante avec mon moldu de père.
Parler de mon travail et revenir au sien. Je ne sais pas s’il est bon d’être directeur de Poudlard de nos jours – les problèmes qu’il rencontre cette année n’ont pas grand-chose à voir avec ceux qui ont marqué la guerre. Les temps changent, et pas pour le mieux. Ce n’est certainement pas la première fois que l’antique château connaît des troubles, j’étais étudiant du temps de Jedusor, j’ai vu le risque de voir le domaine fermer ses portes définitivement de mes yeux d’adolescents. Mais c’était un monstre antique, une vieille menace. Un attentat, ce n’est pas la même chose. C’est curieux d’ailleurs, j’étais avec Myrtle quand c’est arrivé, nous parlions de tout et de rien, de la vie, de la mort, de Potter aussi. Je revivais le drame de ma jeunesse pour ne pas partager celle des autres – sans le savoir bien sûr. « Chacun gère comme il peut ces événements traumatisants… Pour certains d’entre eux, c’est le deuxième de l’année, déjà : certains septièmes années étaient présents au vernissage de Septembre... » J’acquiesce. C’est une folie tout cela, cette presque guerre civile et les victimes qu’elle cause. Les trop jeunes victimes, souvent. « Évidemment, nous avons pu bénéficier de l’appui de Sainte Mangouste pour aider les élèves les plus troublés par tous ces événements. Si les plus jeunes ont une certaine résilience, les plus âgés n’ont déjà que trop souffert avec la dernière guerre et les récents événements. » J’acquiesce en tirant une bouffée de tabac. Il ne faut pas pour autant surestimer les plus jeunes, ce n’est pas parce qu’ils peuvent encore encaisser qu’il faut se permettre de les laisser sans protection et écoute. « Le monde de la magie a besoin de paix, Lord Fawley, et j’ai bien peur que de bien sombres heures ne cessent de s’avancer... » Je soupire, et porte ma main à la croix autour de mon cou. Je ne pourrais être plus d’accord avec lui, sur le besoin de paix, sur la tempête qui gronde. Elle gronde déjà. Ce qui a déjà eu lieu cette année ne laisse pas de doute possible…
« Mais dites-moi plutôt, Mylord, comment vont les choses au Magenmagot ? Je suppose qu’il doit y avoir quelques tensions croissantes ? Après tout, le conseil abrite autant de sorciers issus de la noblesse sorcière de notre pays que de magistrats nés dans des couches bien plus diverses de la société. Et je suppose qu’avec la guerre, nombre de sièges sont vacants. » Il a dit la dernière phrase plus bas, comme à lui même. Je souris, mais ce n’est pas vraiment un sourire aimable ou amical. Et bien, nous y sommes. Lord Melchior Fawley face à Severus Rogue. Il ne faudrait pas que je lui porte des intentions qu’il n’aurait pas, bien sûr, mais ce genre de question, ce n’est jamais innocent. Les troubles au Magenmagot. Vaste question… « Si vous pensez que les tensions sont seulement croissantes au Mangenmagot Rogue, c’est bien parce que vous n’y avez jamais mis les pieds. J’y siège depuis quarante quatre ans en comptant l’année où j’ai assuré la régence du titre pour mon père quand sa santé s’est mise à décliner, et je ne crois pas qu’il n’y ait jamais eu une séance de paix parfaite et totale – ou alors, c’était un mensonge qui cachait une vérité bien pire. » Je caresse la chevalière Fawley, sans que ce sourire, ce sourire carnassier ne me quitte. « Il y a toujours eu des tensions, il y en aura toujours. La plupart d’entre nous savons vivre en bonne intelligence la plupart du temps tout en nous déchirant à l’heure de nous y retrouver. Mais il est vrai qu’en ces temps troublés, on y entend une tempête gronder. » Les partisans de ma nièces, les opposants à Potter, les partisans de Potter, les indécis… « Ce qui est remarquable cependant, c’est que la situation présente a retourné une partie des vieilles alliances, on voit certains de ceux qui se sont déchirés depuis des siècles se soutenir, et inversement. Je ne vous cache pas que cette situation est inédite. » Ça a quelque chose de troublant, quoique rafraîchissant. A chaque nouveau Lord, on se jauge, on s’attend – chaque nouvelle tête peut apporter son lot d’incongruité. Je l’ai été moi-même sans doute à l’époque, reprenant le flambeau de mon père sans apporter les mêmes soutiens que lui, sans applaudir les mêmes discours. Mais c’est un processus lent, normalement. Or la situation actuelle, plutôt que de changer un pion sur l’échiquier, a retourné la table et tout remis en place autrement. « Et pour votre dernière… remarque. » Je me redresse sur mon siège et saisit ma tasse de thé. « Oui, il y a un certain nombre de siège vacants – dont certains qui ne seront malheureusement plus occupés avant longtemps. Entre les emprisonnements, les morts, les familles qui s’éteignent, ce sont des heures compliquées pour le Magenmagot. C’est à se demander comment il a tenu jusqu’ici, car après tout ce ne sont pas les premières crises que traversent le monde sorcier… » Je dois me l’avouer, quoique je ne le dirai pas, que de voir que Tom a pu faire tant de dégât et Grindewald si peu me laisse presque amer. « Quoique le fait que le Ministre puisse aussi s’octroyer le titre de Lord Black laisse présager des possibilités pour des membres plus... éloignés dirons-nous de récupérer la charge. » Je prends une gorgée. « Il n’y a pas que la guerre qui vienne à bout de nos membres, il y a nos traditions. Et la position particulière qu’a ici le jeune Potter, comme beaucoup des positions qu’il a pu prendre d’ailleurs, tend à les bousculer quelque peu. Il devient envisageable de revoir certains de prérequis pour se voir attribuer le titre et sa place. Dieu seul sait jusqu’où, d’ailleurs. » Je repose ma tasse. « Vous avez un intérêt particulier pour les affaires que nous y traitons ou pour les sièges qui y sont vacants, ou ce n’était qu’une simple curiosité de votre part ? » Toujours ce sourire – après tout, je n’oublie pas que se tient devant moi le petit fils d’Antarès Price, le dernier qui pourrait réclamer cet héritage. Et après tout, pourquoi pas… Rogue a été un agent double, triple même pendant la guerre, il a l’habitude de côtoyer une partie des membres du Magenmagot, c’est le directeur de Poudlard, un homme que l’on pourrait imaginer raisonnable et compétent. Un animal politique aussi, en quelque sorte.
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La lassitude est quelque chose de devenu bien trop commun dans la folie de ce monde. Le sait-il, pourtant, Severus Rogue, l’acariâtre directeur de Poudlard, qu’il n’est pas au bout de ses peines en ce beau mois de décembre 2003 ? Il ignore encore tout de ce qui se trame, de l’emballement qui se prépare. S’il avait eu don de double vue, sans doute aurait-il démissionné et se serait-il barré en Andalousie ! Mais à qui se ment-il ? Evidemment qu’il n’aurait pas fui. Pour fuir, il faut encore avoir un semblant d’instinct de conservation, et plus les ans avancent, plus Severus Rogue se rend compte qu’il n’en a aucun. Depuis le premier jour, il a réussi, de mauvais choix en mauvaise foi à se mettre dans des situations toutes plus indésirables les unes que les autres. Qui cela surprend-il encore, les folies de Severus Rogue qui, envers et contre tout, s’entête à demeurer seul sur le pont d’un navire échoué ?
« Si vous pensez que les tensions sont seulement croissantes au Mangenmagot Rogue, c’est bien parce que vous n’y avez jamais mis les pieds. J’y siège depuis quarante quatre ans en comptant l’année où j’ai assuré la régence du titre pour mon père quand sa santé s’est mise à décliner, et je ne crois pas qu’il n’y ait jamais eu une séance de paix parfaite et totale – ou alors, c’était un mensonge qui cachait une vérité bien pire. Il y a toujours eu des tensions, il y en aura toujours. La plupart d’entre nous savons vivre en bonne intelligence la plupart du temps tout en nous déchirant à l’heure de nous y retrouver. Mais il est vrai qu’en ces temps troublés, on y entend une tempête gronder. Ce qui est remarquable cependant, c’est que la situation présente a retourné une partie des vieilles alliances, on voit certains de ceux qui se sont déchirés depuis des siècles se soutenir, et inversement. Je ne vous cache pas que cette situation est inédite. »
Il esquisse un sourire à la remarque sur les tensions, redevient sérieux aussitôt. Il a toujours été fasciné par les briscards qui, comme Melchior Fawley, survivent malgré les tempêtes, gardent le cap, continuent de siéger et de régner dans ce gouvernement dont la moyenne d’âge semble drastiquement chuter à tous les étages. Le Ministre est un jeunot, les lords sont des jeunots pour certains d’entre eux – Nott, Malefoy… Le paysage politique a du bien changer… Le maître des potions demeure pensif, essaie de s’imaginer, de se représenter mentalement tous ces bouleversements dans une salle que, dit-on, son grand-père Antarès a fréquenté jusqu’aux jours précédant son trépas. Il a été actif, paraît-il, engagé, même, sur tous les fronts, dans toutes les batailles. Melchior Fawley et lui ont du se connaître… Et soudainement, le directeur de Poudlard se demande ce que son vis à vis aurait à lui raconter sur ce grand-père qu’il n’a jamais vu. Qu’il a haï, même, toute son adolescence durant. Car il le rendait responsable de tous les maux, cet aïeul inconnu : du mariage malheureux de sa mère aux accès de violence de son père. De leur vie pauvre et chiche tandis qu’il se prélassait dans le luxe et évoluait dans les cercles sang pur.
Comment était-il, cet homme, près à déshériter sa fille et répudier son petit fils ? Etait-ce une question d’honneur – sa fille l’avait deshonorée en s’enfuyant avec le premier moldu venu – ou était-ce un suprémaciste qui se retournerait dans sa tombe en sachant son patrimoine aux mains d’un sang mêlé dont la seule vertu est d’au moins n’être pas né hors mariage ? Severus Rogue n’a jamais cherché à savoir qui était Antarès Prince, pas plus qu’il n’a cherché à récupérer son patrimoine. Pendant des années, il a été consumé par la haine et la volonté de n’avoir rien à faire avec ces gens là.
« Et pour votre dernière… remarque. Oui, il y a un certain nombre de siège vacants – dont certains qui ne seront malheureusement plus occupés avant longtemps. Entre les emprisonnements, les morts, les familles qui s’éteignent, ce sont des heures compliquées pour le Magenmagot. C’est à se demander comment il a tenu jusqu’ici, car après tout ce ne sont pas les premières crises que traversent le monde sorcier…Quoique le fait que le Ministre puisse aussi s’octroyer le titre de Lord Black laisse présager des possibilités pour des membres plus... éloignés dirons-nous de récupérer la charge. »
Il hoche la tête, pensif. Sale histoire que celle du titre Black. Il est incompréhensible aux yeux de Severus que Potter ne l’ait pas remis directement à Regulus Black quand il s’est avéré que ce dernier était miraculeusement en vie et père de famille. De même, il est incompréhensible que Potter n’ait pas brigué le titre Gaunt, jadis héritage de Tom Jedusor… Mais le patrimoine Black est sans doute bien plus intéressant que les reliquats d’une famille désargentée. La tasse de thé est portées aux lèvres, l’esprit vagabonde en de bien étranges contrées.
« Il n’y a pas que la guerre qui vienne à bout de nos membres, il y a nos traditions. Et la position particulière qu’a ici le jeune Potter, comme beaucoup des positions qu’il a pu prendre d’ailleurs, tend à les bousculer quelque peu. Il devient envisageable de revoir certains de prérequis pour se voir attribuer le titre et sa place. Dieu seul sait jusqu’où, d’ailleurs. Vous avez un intérêt particulier pour les affaires que nous y traitons ou pour les sièges qui y sont vacants, ou ce n’était qu’une simple curiosité de votre part ? »
La question prend Severus au dépourvu. Il en suspens son geste et la tasse flotte, tenue seulement par son anse, quelques secondes dans le vide avant de venir se loger à nouveau sur la porcelaine pâle de la sous-tasse. Il esquisse un sourire. Presque imperceptible. Le titre Prince lui a effleuré les idées, une fois ou deux… d’accord, dix ou vingt fois au cours des dernières années. Il est revenu, encore et encore dans ses pensées comme un aiguillon, une épine plantée à même ses chairs. Le Directeur repose la tasse avec douceur et laisse ses paumes se joindre paisiblement sur ses genoux. Il n’a jamais été très à l’aise pour ce qui est de discuter des Prince. Il ne saurait même pas par où commencer, à dire vrai.
« C’était surtout de la pure curiosité qui a motivé ma question, Lord Fawley. »
Il laisse son souffle se perdre dans le néant, il a le coeur battant.
« Toutefois, comme vous l’indiquez vous-même, l’exemple de notre Ministre a certainement donné à réfléchir à de nombreux citoyens de Grande Bretagne. Vous savez certainement que ma mère est née Eileen Prince et que ce siège n’a plus été occupé depuis le trépas de son père, Antarès Prince. Je vous mentirais si je vous disais que je ne me suis pas questionné, ces dernières années, sur la possibilité de briguer l’héritage de mon grand-père. Mais il a déshérité ma mère lorsqu’elle s’est mariée avec un moldu, Tobias Rogue. Une affaire qui a du défrayer la chronique à l’époque, je suppose… Vous l’avez bien connu ? Antarès Prince, je veux dire. Comment était-il ? Je ne l’ai jamais rencontré et n’ai appris sa mort que par la rubrique nécrologique du journal, à l’époque. Je me suis figuré que venir à son enterrement serait sans doute peu apprécié. »
Il s’est fait pensif, Severus Rogue. C’est la première fois qu’il évoque la famille Prince. Il essaie de ne pas afficher la douleur béante dans sa poitrine laissée par cette famille qui l’a répudié avant même de le connaître. Sa mère a eu le courage de ne jamais retourner là-bas. Même lorsque son mariage s’est avéré une plaisanterie. Même lorsque les premiers coups sont tombés. Même lorsque son mari était plus ivre que vif. Jamais. Jamais elle n’est allée les supplier. Courage ou fierté ? Persévérance, piété ou certitude que jamais son père n’accepterait le retour de sa fille unique ? Est-elle restée pour lui, cet enfant qui n’aurait pas été accepté par son père si elle avait rampé à ses pieds et divorcé ? Est-elle restée parce qu’elle croyait à la dimension sacrée du mariage ? Tant de questions et si peu de réponses.
« Et ma… ma grand-mère ? Dorothea née Selwyn, je crois ? Vous l’avez connue ? »
Il ne sait rien d’elle, sinon qu’elle était la petite dernière d’une fournée de filles de grande famille, et, ce faisant, mariée en dessous de sa condition. Les Grand Lords Selwyn associés aux petits lords Prince… Ah ça, son grand-père a du faire un « beau mariage » si l’on se réfère aux critères des sangs purs. A-t-il été heureux pour autant ? D’un autre côté, le mariage d'Eileen née Prince n’était en rien beau et n’a pas été heureux non plus.
En discutant de tout cela avec Melchior Fawley, il se rend compte combien il en sait peu sur ta famille maternelle. Il ne sait même pas s’ils lui auraient donné l’heure s'il la leur avait demandée.
Ma question semble le surprendre, et il reste un bref instant figé alors que je le fixe. Rogue se reprend bien vite pourtant et repose sa tasse avant de me répondre. « C’était surtout de la pure curiosité qui a motivé ma question, Lord Fawley. » A sa réaction, j’en doute, mais je me garde de faire tout commentaire en continuant de le regarder, petit sourire aux lèvres. « Toutefois, comme vous l’indiquez vous-même, l’exemple de notre Ministre a certainement donné à réfléchir à de nombreux citoyens de Grande Bretagne. Vous savez certainement que ma mère est née Eileen Prince et que ce siège n’a plus été occupé depuis le trépas de son père, Antarès Prince. Je vous mentirais si je vous disais que je ne me suis pas questionné, ces dernières années, sur la possibilité de briguer l’héritage de mon grand-père. » J’acquiesce sans cesser de sourire. Nous y sommes. « Mais il a déshérité ma mère lorsqu’elle s’est mariée avec un moldu, Tobias Rogue. » Je hausse très légèrement les épaules en l’écoutant. Les choses changent - Potter tient bien le titre de Black et ce malgré la présence de Regulus dans le paysage. Nous ne parlons pas de n’importe qui, ici, nous parlons du directeur de Poudlard, d’un homme qui a joué un rôle central dans les différentes guerres qui ont eu lieu ces dernières décennies. « Une affaire qui a dû défrayer la chronique à l’époque, je suppose… Vous l’avez bien connu ? Antarès Prince, je veux dire. Comment était-il ? Je ne l’ai jamais rencontré et n’ai appris sa mort que par la rubrique nécrologique du journal, à l’époque. Je me suis figuré que venir à son enterrement serait sans doute peu apprécié. » Je me pince les lèvres et un instant, mon regard se perd dans le vide. Je fais tourner ma tasse entre mes mains, avant de reporter mon attention sur l’homme qui me fait face. « Oui, je l’ai connu. Je ne sais pas comment votre venue à son enterrement aurait été vécue, je dois vous l’avouer. » Je prends une gorgée de thé en fronçant les sourcils. Comment dire cela ? « Je n’étais pas particulièrement proche de votre grand père, j’en ai peur. Trop de choses nous séparaient. Il était… Et bien… Fier, borné, bien éduqué, intelligent, ambitieux. Pas de mauvaise compagnie, du reste, la plupart du temps. Je crois qu’il a été profondément heurté par le mariage de votre mère par ailleurs, il a changé, un peu, avec celui-ci. Mais de façon générale, nous n’avions ni les mêmes intérêts ni les mêmes ambitions, dirons-nous. Et il était plus proche en âge de mon père que de moi. » Qui ne changerait pas ? Autant je n’ai rien contre les nés moldus, autant je peux aisément comprendre l’horreur d’Antarès voyant sa fille mariée à un moldu (et quel moldu !). Je ne sais pas pourtant si j’aurais été jusqu’à renier mon unique enfant pour cela, mais j’imagine qu’avoir vécu tant d’années en priant pour en avoir un qui n’est jamais venu me fait perdre beaucoup de mon objectivité sur la question. « Et ma… ma grand-mère ? Dorothea née Selwyn, je crois ? Vous l’avez connue ? » Je crois que je trouve cela charmant, un peu, de le voir ainsi m’interroger sur sa famille. Je repose la tasse à présent vide, et me verse à nouveau du thé avant de relever la tête vers lui. « Je l’ai mieux connue que son époux, et c’est principalement par elle qu’il m’a été donné de croisé votre grand père, en dehors du Magenmagot bien sûr. Il me semble qu’elle avait été à Poudlard en même temps que ma mère. » En tant qu’héritier de la famille Fawley, j’ai plus volontiers fréquenté les Selwyn que les Prince – quoique mes différents avec Ephraïm, dont mon âge me rapprochait plus, m’ait rapidement éloigné d’eux. Cela était moins un problème avec la petite dernière de la génération précédente, mariée avec un plus petit Lord. « Elle était plus patiente, plus tranquille. Et elle avait ce genre de douceur que j’ai longtemps associé à ma mère et à son entourage. » Mon sourire et ma voix se font plus tendres, alors que je parle d’elle. Celle de mes mains qui ne tient pas ma tasse s’accroche une nouvelle fois à la croix à mon cou. Puisse-t-elle reposer en paix auprès du Créateur. Je me souviens moins bien, de sa réaction au moment du mariage de sa fille. Etait-elle encore vivante ? Cela me semble trouble, j’étais alors perdu dans mes propres noces, à l’époque, et je n’ai pas pu la croiser au Magenmagot pour juger de cela. « Je ne veux pas vous donner une fausse image d’elle. Si je l’ai appréciée, si elle a été aimable avec moi, c’était une époque où un mariage avec un moldu ne pouvait absolument pas être envisagé. Je ne sais pas comment elle aurait agi avec vous, malgré vos liens familiaux. » Je fronce les sourcils – je trouve cela assez triste, finalement. D’autant que je l’aimais bien, moi, Eileen. « Je suis navré de ne pas pouvoir vous en dire plus. J’ai beaucoup mieux connue votre mère que ses parents, j’en ai peur. C’était une de mes camarades à Poudlard, nous avions quoi ? Trois ou quatre ans d’écart. » Je lève les yeux au ciel, pour essayer de me souvenir. « Trois. Elle excellait aux bavboules et n’était pas mauvaise en potions dans mes souvenirs. Elle m’était sympathique, ou en tout cas plus que certains de mes camarades. » Ma voix reste en suspens, je suppose qu’il comprend le sous-entendu. Tom, et le petit groupe de fidèles amis qu’il avait déjà su réunir – groupe auquel j’avais moi-même pris part dans mes plus jeunes années. Je me demande si sa mère a déjà évoqué le sujet avec lui, si elle avait bien trois ans de moins que moi, alors il était en quatrième année quand elle avait été répartie dans la même maison que nous – et j’étais encore sous sa coupe à cette époque. Nous n’étions pas en âge de nous intéresser aux filles, même si Jedusor était plutôt charmant, et je ne me souviens pas particulièrement de leurs liens à l’époque. « Enfin… Ce n’est pas la peine de remuer ce genre de souvenirs. » Je me force à reprendre un sourire poli, en posant ma tasse sur sa soucoupe. J’attrape ma pipe que je remplis de tabac. « Pour en revenir au titre de Lord Prince… Vous pouvez, si vous le souhaitez, vous soumettre à un jugement de vos pairs, ou plutôt potentiels pairs, pour essayer de l’obtenir. Vous êtes un homme intelligent, vous avez une place centrale dans le monde magique de par votre position à Poudlard, et vous semblez avoir l’amitié du Ministre… » Assez en tout cas pour avoir obtenu de lui un passe-droit pour les archives. « Ce ne devrait pas poser trop de problème. Voyons voir, nous sommes seize à siéger et à pouvoir nous prononcer. J’imagine que compte tenu de votre passé, vous n’auriez pas trop de soucis à obtenir les soutiens de Harry Potter donc, qui a deux voix donc, ainsi qu’Horace Slughorn. Lord Londubat et Lord Malefoy peut-être ? Pour les grandes familles. Pour les plus petites, j’imagine que ce sera plus facile, et que vous compteriez au moins Kingsley Shacklebolt dans vos potentiels appuis… Cela ne devrait pas être trop compliqué d’obtenir l’accord de la majorité… » J’allume ma pipe et tire une bouffée de tabac. « Je ne vois pas en tout cas de raison valable de ne pas appuyer pareille requête de votre part, voir même vous aider à la présenter, si vous le désirez. » Pour durer, pour tenir, il y a des gens dont il est de bon ton de se faire l’ami : c’est le cas d’un homme qui arrive à être le directeur de Poudlard, l’un des personnages phares des guerres passées et qui a obtenu du Ministre le privilège d’accéder à mes archives. En tau moins, si je dois le croiser régulièrement près de mon bureau, ce sera toujours plus agréable.
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« Oui, je l’ai connu. Je ne sais pas comment votre venue à son enterrement aurait été vécue, je dois vous l’avouer. Je n’étais pas particulièrement proche de votre grand père, j’en ai peur. Trop de choses nous séparaient. Il était… Et bien… Fier, borné, bien éduqué, intelligent, ambitieux. Pas de mauvaise compagnie, du reste, la plupart du temps. Je crois qu’il a été profondément heurté par le mariage de votre mère par ailleurs, il a changé, un peu, avec celui-ci. Mais de façon générale, nous n’avions ni les mêmes intérêts ni les mêmes ambitions, dirons-nous. Et il était plus proche en âge de mon père que de moi. »
Les mots de Lord Fawley filent et Severus Rogue se surprend à être attentif, à boire la moindre de ses intonations et à l’écouter avec autant d’attention qu’il écoutait ses professeurs dans sa jeunesse. Il s’étonne, même, ce directeur, de ne jamais avoir eu l’idée avant d’interroger ses aînés pour en savoir davantage. Résigné, il l’a été pendant longtemps. Trop longtemps. Résigné à ne jamais rien savoir de sa famille, à ne jamais rien attendre d’eux. A ne jamais être comparé à sa mère, ni à son grand-père, ni à aucun d’entre eux. Une filiation coupée, un abandon qui l’a blessé toute sa jeunesse durant et a meurtri sa mère pendant toute son existence. Même si elle l’avait voulu, elle n’aurait pas pu revenir dans le monde magique qui l’avait abjurée.
« Je l’ai mieux connue que son époux, et c’est principalement par elle qu’il m’a été donné de croisé votre grand père, en dehors du Magenmagot bien sûr. Il me semble qu’elle avait été à Poudlard en même temps que ma mère. Elle était plus patiente, plus tranquille. Et elle avait ce genre de douceur que j’ai longtemps associé à ma mère et à son entourage. Je ne veux pas vous donner une fausse image d’elle. Si je l’ai appréciée, si elle a été aimable avec moi, c’était une époque où un mariage avec un moldu ne pouvait absolument pas être envisagé. Je ne sais pas comment elle aurait agi avec vous, malgré vos liens familiaux. Je suis navré de ne pas pouvoir vous en dire plus. J’ai beaucoup mieux connue votre mère que ses parents, j’en ai peur. C’était une de mes camarades à Poudlard, nous avions quoi ? Trois ou quatre ans d’écart. Trois. Elle excellait aux bavboules et n’était pas mauvaise en potions dans mes souvenirs. Elle m’était sympathique, ou en tout cas plus que certains de mes camarades. »
Malgré lui, le directeur a laissé s’échapper le fantôme d’un sourire. Sa mère… Il n’en a pas su grand-chose dans sa jeunesse. Certainement pas ce qu’elle avait été capitaine du club de bavboules. Dans sa mémoire, elle a toujours été une femme prématurément vieillie, harassée par un mariage sans joie et empesantie par les problèmes financiers inhérents à la condition de mineur de son mari à une époque où les mines fermaient les unes après les autres dans la région. L’industrie du charbon se délitant, cela avait conduit à bien trop de drames conjugaux. Elle était malheureuse, effacée, et pourtant elle était restée jusqu’au bout. Ce qu’il sait de sa mère, Severus l’a appris après coup, en parcourant les archives des journaux, de la gazette de l’école, de la gazette du sorcier. Patient puzzle qu’il faut reconstituer. Il écoute. Il écoute et il se remémore comme les choses ont été et comme elles auraient pu être différentes.
« Pour en revenir au titre de Lord Prince… Vous pouvez, si vous le souhaitez, vous soumettre à un jugement de vos pairs, ou plutôt potentiels pairs, pour essayer de l’obtenir. Vous êtes un homme intelligent, vous avez une place centrale dans le monde magique de par votre position à Poudlard, et vous semblez avoir l’amitié du Ministre… »
Un pincement de l’esprit. Severus ne sait que trop combien il doit à Potter dans sa situation privilégiée au sein des archives du Ministère. Et il ne sait que trop les actions auxquelles le contraignent son serment et son habitude de servir. Potter est un nouveau maître, après Voldemort et Dumbledore et l’homme ne s’imagine pas encore à quel point l’année à venir le conduira jusqu’à un point de rupture. Jusqu’à un renaissance. Il opine.
« Ce ne devrait pas poser trop de problème. Voyons voir, nous sommes seize à siéger et à pouvoir nous prononcer. J’imagine que compte tenu de votre passé, vous n’auriez pas trop de soucis à obtenir les soutiens de Harry Potter donc, qui a deux voix donc, ainsi qu’Horace Slughorn. Lord Londubat et Lord Malefoy peut-être ? Pour les grandes familles. Pour les plus petites, j’imagine que ce sera plus facile, et que vous compteriez au moins Kingsley Shacklebolt dans vos potentiels appuis… Cela ne devrait pas être trop compliqué d’obtenir l’accord de la majorité… Je ne vois pas en tout cas de raison valable de ne pas appuyer pareille requête de votre part, voir même vous aider à la présenter, si vous le désirez. »
Un temps de réflexion, rapide. Les doigts entremêlés. Le directeur est presque gêné, incertain, en tous cas, de cette décision.
« Je crois que j’aimerais présenter cette demande, oui. Le siège Prince est resté vacant trop longtemps. Je vous remercie Lord Fawley. »
Et il est là, un signe que beaucoup ne voient que trop rarement dans leur vie. Un authentique sourire sur le visage du Directeur de Poudlard, discret, il est vrai, mais un sourire néanmoins. Severus n’arrive pas encore à percevoir exactement ce qui le pousse à accepter, à céder à l’appel de cette famille qui l’a reniée si longtemps. Est-ce un désir de vengeance ? Non. Il n’a plus aucun sentiment de haine ni même d’amertume contre les Prince. Il sait bien que haïr les morts est une imbécillité. Cela ne l’a pas empêché de haïr James Potter, pourtant. Alors pourquoi les Prince ont-ils été épargnés de son courroux ? S’il devait affronter la vérité enfouie au plus profond de son âme, il saurait : il y a toujours, quelque part, ce petit garçon qui rêve d’être un jour intégré à la famille de sa mère et échapper à son moldu de père. Même s’ils l’ont abandonnée, Eileen n’a jamais dit de mal de ses parents. Jamais devant Severus, de sorte qu’il ait gardé, pour eux, cet attrait. Cette fascination. Être un Prince, enfin effacer le nom de son père. Enfin appartenir au monde sorcier, entièrement, totalement. Enfin être reconnu.
1089mots
Je te propose qu'on arrête là pour cette entrevue en décembre et qu'on fasse un saut jusqu'en avril/mai pour rattraper la Chronologie dans un futur rp ? Après tout, il est peut-être temps d'aller affronter la chambre des lords ? Un rp commun ? un vote ? Je sais pas trop comment tu veux la jouer ?