-Cliché 1-

ISO élevé  ; focal grand angle  ; vitesse  à toute berzingue
Qui n’a jamais rêvé d’ouvrir une porte menant à un autre monde ? Qui n’a jamais été un héro doté de pouvoirs extraordinaires. Qui n’a jamais fait d’un bâton une baguette, d’un regard un laser, d’une main un fusil ? Qui n’est jamais devenu, sorcier, superman ou pistolero ? Pour la plupart des gens, cela reste un jeu. Des délires d’enfants que l’on relèguera bien vite au placard des souvenirs grotesques qui ne scient plus à la carrure sérieuse de l’adulte. Mais si vous pouviez être les deux. Si une fois grand, une fois adulte, la magie ne disparaissait pas tout à fait de votre vie. Telle fut l’étrange et fantastique surprise qu’eurent les Crivey, en recevant la lettre à l’écriture verte émeraude, un début d’été 1992.

Le fils ainé de la famille, Colin était invité à étudier à Poudlard, école de sorcellerie. Si les parents Crivey crurent d’abord à une blague, qui, quoi que drôle, n’emmènerait pas leur gamin au fin fond de l’Angleterre. La visite d’un membre de l’établissement avec force de pédagogie et de démonstration eut tôt fait de les convaincre que les bulles de savon que produisait leur fils et qui n’éclataient que quand il le désirait n’était pas un simple problème de shampoing. Pendant un an, Dennis, le fils cadet, s’émerveilla par procuration des découvertes incroyables que faisait son frère. A travers les photos mouvantes qu’il envoyait sans cesse, les bouquins qu’il lui prêtait et ceux que ses parents lui ramenaient, le gamin appris tout, ingéra tout avec une soif infatigable. Dans son cerveau, pas un seul instant il ne se posa la question de ses propres capacités magiques. Il était persuadé d’être un sorcier. Tout était alors prétexte à le faire valoir. Une ondée printanière impromptue, des petits pois sauteurs, des tartines tombées du bon côté… Le problème étant qu’il s’en venta un peu trop en petite classe anglaise moldue. Il eut beaucoup de mal à être accepté par ses semblables et fut quelque peu chahuté par les plus hautes pommes du panier. Mais il était si convaincu et constant que même les cogneurs de quenottes se lassèrent de ce minuscule blondinet à rousseur. L’été suivant fut parmi les plus beaux de sa vie. Colin lui décrivit la moindre de ses journées, les cours, les professeurs, dont un certain Rogue pas commode, une Macquelquechose stricte, des cours de balais volants, d’enchantements et de festins royaux. L’année suivante, il eut le droit d’accompagner son frère sur le chemin de Traverse pour l’achat de ses fournitures. Le gamin bourré d’adrénaline aurait pu battre un dragon lancé à la poursuite de son œuf. Tout lui apparaissait incroyable, stupéfiant, fabuleux, renversant, hallucinant, colossal… bref, ses parents crurent entendre le dictionnaire de l’émerveillement, trois fois d’affilé.
Un an encore à attendre la fameuse lettre. A écouter les exploits d’Harry Potter, à rêver de le rencontrer, ses amis, Hagrid le demi géant, Dumbledore le sage, Miss Teigne la chatte du concierge. Cette panoplie de personnalités et créatures qui vivaient sans lui tout un tas de merveilleuses et terrifiantes aventures. Il devint un tantinet insupportable dès le début de l’été tant et si bien que ses parents l’envoyèrent chez son oncle Stemblay en Ecosse aller calmer ses nerfs dans les lacs et la pêche du brochet. Sa patience culminant autour du zéro et des poussières, ce fut le premier été où il n'attrapa pas un émietté de poisson. Et enfin, elle arriva.

-Cliché 2-

ISO lumineux  ; focal adaptée  ; vitesse  nimbus 2000
Alors c’était ça de passer la porte d’un monde nouveau. Un peu frais quand même. Mais la sensation était grisante, toutes ces bulles autour de lui, elles lui chatouillaient le visage, s’échappaient de son bouche et de son nez pour remonter à la surface. Lui descendait, lentement mais sûrement. Des algues aux allures caucasses de têtes allongées passèrent devant ses yeux, des lumières étranges et des sons ouatés lui parvinrent. Une légère gêne à la poitrine, à peine un enserrement des poumons ressenti que surgit devant lui une énorme masse sombre. Il n’eut pas le temps de bubleber d’avantage qu’un corps mou et longiligne rampa le long de sa jambe et entoura solidement sa taille. Un large œil jaune fendu d’une pupille d’un noir abyssal éclaira les ténèbres. Une seconde plus tard et il crevait la surface de l’eau. Une poigne surhumaine attrapa son col de chemise et il se retrouva aux côtés d’Hagrid qu’il avait à peine entre-aperçu sur le quai de la gare, faute à sa taille de minus.

« Hey gamin ! Tu m’as fait une peur bleue. Tout va bien ? » Malgré son ton de ténor d’outre-tombe, la douceur s’incarnait dans cette montagne de muscles qui venait de le sortir des flots.
« J’ai vu une pieuvre… mais elle était ... comme ça… » Il mima une largeur de bras qu’il aurait étendu jusqu’au bord de l’embarcation si Hagrid ne l’avait pas lesté de son manteau en peau de taupe qui lui tomba sur les épaules telle une chape de plomb. Voilà une aventure qu’il raconterait à Colin dès le pied posé sur terre. Etre tombé dans le lac noir de Poudlard ne devait pas avoir lieu tous les quatre matins. Bon la vérité c’était qu’il s’était un peu trop penché en voulant sonder les flots sombres et qu’un petit collègue fort sympathique l’avait aidé à les voir de plus près. La répartition envoya ce dernier à Serpentard, sans préjugé aucun.
Griffondor accueilla le jeune rescapé et Poudlard devint pour Dennis une seconde maison, en plus cool. Toujours émerveillé, toujours collé à son frère ainé qui lui même collant Harry donnait une procession aussi amusante qu’horripilante. Dennis ayant appris le moindre couloir de l’école ne tarda d’ailleurs pas à en apprendre des plus secrets qui lui permirent de redoubler de vigueur auprès du jeune sorcier à la cicatrice. Etudiant brillant mais dissipé, Rogue lui-même eut du mal à calmer les ardeurs du jeune griffon et ce ne fut qu’après une séance de retenue particulièrement pénible que le jeune Crivey parvint à tenir sa langue durant les cinquante minutes des cours de potions.
Excellent en botanique et sortilèges, la métamorphose a toujours mis ses nerfs à rude épreuve, demandant une concentration extrême que le papillon d’antan avait du mal à engager. Dès sa 2e année à Poudlard, Dennis rejoint l’armée de Dumbledore créé par Harry lors de sa 5e année. Interdit pourtant aux 2e année, il accède à Pré-au-lard par l’un des nombreux passages secrets dont il a connaissance et assiste ainsi à la première réunion de l’AD. Sa détestation pour Ombrage s’en retrouve décuplée le jour où cette dernière lui confisque le nouvel appareil photo que son frère lui a offert pour Noël. Il le volera d’ailleurs très rapidement après, profitant des examens et du spectacle détonnant des jumeaux Weasley pour s’introduire dans le bureau de Rusard. Dans sa précipitation et pour protéger son appareil photo, il a piqué un sac attrapé sur le vif. De retour dans la salle commune, il a voulu reprendre son appareil photo et est quasi tombé dans le sac sans fond qu’il avait volé. Il s’en sert depuis pour y mettre tout son fatras.

-Cliché 3-

ISO sombre  ; focal fluctuante  ; vitesse  tachycardie
Ombrage n’était que les prémices d’un monde en pleine bascule. La 2e année du garçon se solda par la mort du célèbre directeur de Poudlard, Albus Dumbledore. A 13 ans à peine, Dennis compris que l’équilibre de l’univers sorcier venait de se rompre et décida avec Colin et l’accord de leurs parents, de ne pas poursuivre sa scolarité à Poudlard. En sursis, les échos des supplices menés sur les né-moldus se multiplièrent et malgré leur jeune âge, les enfants Crivey furent priés de venir se recenser au Ministère de la Magie. Ils ne se présenteront jamais et fuiront le domicile familial. Désormais hors la loi, ils écoutèrent avec attention la radio Potterveille, et apprirent au détour des chroniques que Mme Pomfresh, surnommée Pompom, organisait une évacuation des né-moldus vers une cache au nord de Londres. Ils évitèrent ainsi les nombreuses rafles organisées par Voldemort. Ces mois de survie ont rendu les liens entre les deux frères indéfectibles et quand sonna l’heure de l’ultime combat, ils furent tout les deux prêts rejoindre Potter et les siens pour livrer la bataille finale de Poudlard.

« C’est non j’ai dis non. On m’a appris toute ma vie à soigner. Et aujourd’hui je dois envoyer des enfants au combat ? C’est hors de question. Vous restez là. Vous êtes trop jeunes pour aider qui que ce soit là bas. » le ton de l’infirmière en chef de Poudlard, malgré les sanglots dans sa voix était sans appel. Les deux têtes blondes se regardèrent un long moment avant de s’éclipser dans le fond de la vieille cave qui servait d’abri à la cinquantaine d’enfants qui ne rejoindrait pas les combats. Après un moment qui paru une éternité à Dennis, Colin prit enfin la parole.

« Elle n’a peut-être pas tord tu sais… »
« Bien sûr que si ! On a le droit de se battre, comme tous les autres. Plus que les autres même. C’est nous qu’ils veulent détruire, c’est nous qui avons le plus à perdre. Ils veulent la magie pour eux seuls. »
« Mais tu n’connais pas la moitié des enchantements que eux connaissent… »
« Howard nous en a appris ici. Et puis, Harry en connaissait pas plus que moi quand il a vaincu Tu-sais-qui en première année. Et puis t’es pareil que moi. Et puis… »
« J’ai deux ans de plus que toi. » et là ce fut le déclic. Dans le regard de son frère, il sentit la scission. Eux qui n’avaient fait qu’un pendant ces derniers mois, redevenaient deux, il le poussait vers la sortie. Il pouvait lire en lui comme un livre ouvert. Colin se sentait responsable, il doutait.
« Si tu y vas j’y vais. » Dennis s’était campé sur ses deux pieds, ferme, inébranlable. Il sentit l’ombre d’une hésitation dans les yeux bruns de son frère.
« De toute façon on ne pourra jamais passer Pompom. »
« Si … » un éclat de malice illumina un bref instant les prunelles du petit d’homme avant qu’il n’entraine son frère vers les étages supérieurs. Ils se heurtèrent aux capes noires des sorciers sur le départ, aux dernières étreintes, aux stratégies de guerre sur des coins de table avant d’atteindre les toilettes.

« Oh non… » Colin soupira.
« Tu veux y aller ou pas ? C’est la seule solution. Les canalisations ont dû être construites à l’âge de Merlin parce qu’elles sont plus larges et elles mènent directement dehors. On s’y glisse, et on va jusqu’au porte-au-loin. »
Les deux frères se sourirent. Sentant l’assentiment de Colin, Dennis s’avança vers la cabine. Il ne remarqua pas la main de son frère qui glissait lentement vers sa poche, pas plus qu’il ne remarqua que ses yeux s’embuaient de larmes juste au moment où il prononça.
« Petrificus Totalus ! » Il sentit ses muscles se figer comme chacun pris d’une crampe soudaine et aurait basculé lourdement en avant si son frère ne l’avait pas rattrapé et posé avec une délicatesse infinie au sol. Il posa sa main sur sa joue avant de serrer son épaule sous les yeux exorbités de Dennis.

« Tu vas m’en vouloir Dennis, énormément. Mais tu dois rester en vie. Tu es ma responsabilité. Et tu vas faire de grandes choses une fois que le monde sera débarrassé de sa noirceur. On se revoit très vite. » Ce furent les derniers mots que son frère lui adressa.

-Cliché 4 -

ISO grain visible, bruit important  ; focal trou de souris  ; vitesse0
Il est de ceux qui meurent au combat. Avec bravoure, prouesse et courage. Il est de ce qui meurent avec juste le courage d’y être allé. Et il en est de ceux qui avait tout cela, et qui n’ont pas combattu.
Retrouvé dans les toilettes plus de douze heures plus tard, prisonnier de son propre corps, dans le silence pesant de la maison, Dennis a cru devenir fou. Il en fait régulièrement des cauchemars et ne supporte pas d’être entravé par quoi que ce soit depuis. Le contre sort lancé qu’il apprenait la nouvelle : pas de vainqueur, deux disparitions, le chaos. Et son frère ? Les regards se détournèrent et une rage profonde, sourde explosa en lui et ne mourut que lorsque le corps sans vie de Colin lui fut remis. Les murmures de « il n’aurait pas dû se trouver là… il n’avait pas 17 ans… » furent autant de sortilèges interdits lancés à sa face. Jamais il n’expliqua quoi que ce soit. De toute façon on ne lui demanda rien. Le monde avait bien plus à s’occuper qu’un gamin parmi tant d’autres, mort sous le joug des mangemorts. Profondément brisé, Dennis ne participa pas plus aux combats suivants. Coupé de sa moitié, sentant une culpabilité nouvelle prendre forme, il se terra dans le silence. Tout lui paraissait mouvant et sombre, impalpable et intangible, coincé entre ceux qui ont vécu et ceux qui ne comprennent pas. Entre des survivants et des ignorants. Bien qu’étant une famille profondément aimante et soudée, les Crivey se disloquèrent, rongés par l’incompréhension et la douleur d’avoir perdu l’un des leurs.

-Cliché 5 -

ISO terne  ; focal ajustement impossible  ; vitessecroisière
Quand les temps devinrent plus calmes, on proposa à Dennis de retourner à Poudlard finir ses études, ce qu’il rejeta avec ferveur. On lui parla alors de son pendant américain, Ilvermorny. Créé en partie par un moldu, l’école nord américaine était connue pour ses valeurs plus égalitaires et justes envers les né-moldus. Désireux de fuir une Angleterre ravagée et lourde de souvenirs, le jeune homme accepta l’offre et fut accueilli par la maison de l’Oiseau Tonnerre durant les 4 dernières années de sa scolarité. S’il a perdu à jamais son innocence et son verbe infini, Dennis est un étudiant honnête, particulièrement doué avec les créatures magiques, la botanique et les sortilèges. Il a également suivi des cours de magie sans baguette mais n’y est pas particulièrement brillant. Intéressé par le cours de traditions et cultures du monde, il s’est largement épris de la tradition extatique. Par connaissance, il lui est même arrivé de participer à certaines réunions du Culte de l’Extase qui pendant un certain temps lui a convenu. Vivre l’instant présent, et seulement le présent. C’est à cette époque qu’il a commencé à user de plusieurs drogues plus ou moins douces. C’est également à ce moment qu’il rencontre une dénommée Dalilha, extatique convaincue. On dit même qu’elle a fait de son appareil photo un foci et qu’une brève histoire les a lié. Promis à un autre, les rumeurs sont allées bon train et c’est pourtant cette période de fin d’études qu’a choisi Dennis pour revenir à Londres. Pourquoi, cela reste un mystère, mais on dit que la belle n’était pas si douce, et le garçon pas si attaché. La vérité est tout autre mais personne ne la lui a encore arrachée.
Depuis son retour à Londres il vivote tant bien que mal. Il se tient de loin, au courant des dernières lois votées par le Ministère de la Magie en faveur des créatures magiques et né-moldus mais ne semble pas s’en réjouir plus que cela. Par contact, il est entré au Rotten Tomatoes et y travaille depuis plus d’un an. On le voit parfois dans des bars plutôt louches. Un besoin de se fournir en élixir d’Euphorie ? Il visite toujours ses parents régulièrement et a fêté la retraite de son père laitier en lui ensorcelant une vache pendant toute une soirée pour qu’elle donne un cocktail à base de bière, whisky et de lait. Il voyage énormément et si officiellement, il suit les grands sujets de son journal, il en profite pour étudier les créatures magiques sous marines des autres contrées.