La matinée s’embrase d’un frimas où dansent les premiers flocons d’hiver. Plume s’effrite sur le parchemin. Correction de copies. Les folies des sixième et septième années couvrent le parchemin que l’on rature à grands renforts de tour de poignet.
Quel imbécile utiliserait l’expelliarmus en situation désepérée, sinon Potter ? Ses conneries relatées par la presse semblent devenues parole d’évangile pour toute une génération…
Et ça vous fait des aurors médiocres, après ?« C’est une belle journée, vous ne trouvez pas, Severus ?- La ferme Albus ! Vous savez parfaitement que le temps est infâme !- N’est-ce pas aujourd’hui qu’il y a un match de quidditch ?- Demain. Et arrêtez de m’importuner pendant que je corrige des copies !- Et si vous m’en lisiez un extrait pour m’amuser un peu dans la mort, Severus ? »Soupir de lassitude. Je me demande, une fois encore, ce qui m’a pris de ne pas faire flamber ce fichu portrait. Il est tellement insupportable que ça ne serait que justice. Même Flamel est moins con.
C’est dire.
Oui, j’ai dit con.
La plume est posée sur le rebord du bureau. L’oeil s’est fait suspicieux.
« N’est-ce pas ce soir que la petite Oaks doit venir vous voir pour sa séance de Legilimancie ?- Elle ne viendra pas, Albus, et vous le savez. Si vous pouviez arrêter de m’emmerder, je vous en serais reconnaissant ! »Je replonge le nez dans mes copies, rageusement. Un grand geste, un Acceptable et deux Piètres plus tard, voici le paquet terminé. Les nerfs ne sont toutefois pas apaisés pour autant. Depuis ma dernière – déplorable ? – rencontre avec Moira, j’ai l’impression étrange de marcher sur des charbons ardents. J’ai à peu près autant de stabilité émotionnelle qu’un adolescent boutonneux et hormonal – un peu tard pour la crise d’ado, sans doute ? – et dort à peu près aussi bien qu’un insomniaque hanté.
C’est dire si les cernes sont lourdes sous les yeux, et le teint un peu plus cireux qu’à l’habitude. Rien qu’une bonne potion revigorante ne puisse effacer.
Combien en ai-je bu cette semaine ? . Je pressens déjà l’ire du personnel médical de l’établissement : à coup sur,
@Piers A. Elliot va me tomber dessus au prochain couloir. En parlant de personnel médical…
Un coup discret fait vrombir les gonds.
« Entrez ! »Qui attendais-je ce matin ? Manifestement pas Uriel. Un de mes anciens Serpentards. J’ai toujours eu une affection particulière pour les anciens élèves de ma maison, et celui-là en particulier. Les circonstances troubles entourant sa naissance font qu’il aurait pu être mon fils. Et même s’il ne l’est pas, la culpabilité me dévore les entrailles à chaque fois que je le vois. Avant même que je n’ai pu m’enquérir de la raison de sa présence qui, je le suppose, peut avoir un lien avec le décès trop récent de sa mère, une feuille de parchemin s’abat sur mon bureau sous une poigne d’acier.
« Vous saviez ? »Précautionneux, je prends le parchemin entre mes doigts, redoutant ce qui peut bien s’y trouver pour provoquer pareille réaction. En un mot comme en cent, son père est
@Lucius A. Malefoy. Ce n’est pas vraiment une surprise, mais le voir écrit confirme le peu de goût que j’ai pour cet homme autrefois mon ami. L’estomac se retourne brièvement, la paume tremble mais la voix se pose avec élégance, parfaitement maîtrisée. Les iris se perdent dans les lacs clairs et tourmentés d’Uriel.
« Je n’avais aucune certitude, mais quelques suspicions. »Le parchemin est reposé avec douceur sur l’établi.
« Asseyez-vous, Uriel. Cette discussion ne peut de toute évidence pas attendre. Que savez-vous et que voulez-vous savoir ? Je connais une partie de l’histoire. Pas toute, naturellement. »D’un geste, un service a thé s’est frayé un chemin sur le bureau directorial. La journée va être longue… Mais au moins l’oeil bleu vif, peint sur le portrait de Dumbledore n’aura jamais autant brillé de curiosité.
Pour un temps, au moins, j’oublie @Moira A. Oaks.