Feuille de parchemin étalée sur son bureau, toujours intacte. Les doigts de Moira jouent distraitement avec le coin depuis de longues minutes. Aurait-elle pensé connaître un jour une hésitation si flagrante face à une simple convocation ? Aurait-elle cru être ainsi sujette à l’angoisse qu’elle sent poindre dans sa poitrine depuis ce matin à la seule idée de devoir recevoir Regulus Black ?
Il faut dire que le nom du professeur occupe depuis longtemps les sphères restreintes de ces patronymes connus de tous. Mais celui des Black comporte à lui seul tellement de teintes différentes qu’il est difficile de prévoir à l’avance le type de personnalité qu’on s’apprête à affronter. Famille de sang pur. Traitre à toutes les allégeances. Un frère de l’Ordre du Phénix. Une cousine mangemorte. De quel côté penche le dernier frère depuis sa rédemption ? Sur ce point, Moira n’a que peu d’indices si ce n’est celui qui l’intéresse le plus depuis le désastre des portes ouvertes de Poudlard : le dragon qui est sorti de cet œuf n’était autre qu’une créature de nécromant, et il se trouve que le professeur de potions de Poudlard est connu pour s’être plongé depuis longtemps dans l’étude de cette magie noire. D’autre part, bien qu’il ait quitté les rangs du Seigneur des Ténèbres et ne semble pas vraiment nostalgique de la guerre, Regulus Black n’est certainement pas le plus fervent soutien de Harry Potter. Que son frère ait été le parrain du Ministre n’affecte certainement que peu sa considération pour le garçon si l’on en croit les racontars. Mais de là à fomenter un attentat en plein Poudlard, au milieu d’élèves, dont sa propre fille… Moira y croit peu. Pourtant, elle ne peut se résoudre à éliminer cette piste tout de suite. Tant de limites ont été franchies pendant la guerre, qu’importent les conséquences sur les civils, les proches, ou même les enfants. Edwa Black se trouvait peut-être au mauvais endroit au mauvais moment malgré les précautions de son père ?
Prenant une longue inspiration, Moira trempe finalement sa plume dans l’encre et dessine ses premières lettres sous les armoiries officielles du Département de la Justice.
Monsieur Black,
j’espère que les esprits à Poudlard se sont rassérénés et que votre fille se porte bien après les événements tragiques qui se sont déroulés lors des portes ouvertes de l’école. J’ai appris que Meadow Quinn était prise en charge par l’équipe de soins intensifs de Sainte Mangouste qui a déjà constaté quelques améliorations de l’état de ses mains. Les médicomages espèrent qu’elle pourra un jour reprendre les entraînements de quidditch où j’ai appris qu’elle faisait preuve d’un talent certain. Je le lui souhaite de tout cœur.
Le Département de la Justice Magique mène, comme vous vous en doutez, une enquête minutieuse cherchant à lever le voile sur l’identité et le mode d’action du responsable de cet attentat. Tous les témoins clés de cet incident sont ainsi invités à se rendre dans les locaux du Ministère afin de nous remettre une déposition. Il me semble que vous avez été aux premières loges pour assister à ce tragique événement. Aussi, accepteriez-vous de me rencontrer ce jour dans mon bureau situé au cinquième étage du Ministère ? Ma secrétaire, Holly Brown, est déjà prévenue de votre arrivée prochaine.
Veuillez agréer l’expression de ma sincère considération,
Moira A. Oaks Présidente-Sorcière Ordre de Merlin, seconde classe
Pli scellé de son cachet officiel, la juge soupire une dernière fois avant de se diriger vers le perchoir et d’attirer l’attention du volatile extravagant qui la suit depuis ses jeunes années. Le regard inénarrable de Foul’camp plonge dans l’azur du sien. Il émet un petit cri strident qui fait sourire son amie de toujours alors qu’elle présente son avant-bras pour qu’il y prenne place. - Mission de la plus haute importance aujourd’hui, Foul’camp. Tu retournes à Poudlard. - *Cuiiiick* ? - Tu as une convocation à remettre à Regulus Black, dit-elle en attachant la lettre à l’une de ses pattes. Ne traîne pas, tu veux ? L’oiseau s’ébroue et l’observe, l’air complètement égaré, comme à son habitude. Moira glisse une friandise dans son bec avant d’ouvrir la fenêtre de son bureau et de murmurer, encourageante. - Ne me déçois pas, trésor. Allez, va ! Envol maladroit. On croirait qu’il tombe plutôt qu’il vole les premières secondes qui suivent son saut dans le vide. Le cœur de Moira s’est arrêté un instant. Il la fera mourir de peur un jour, elle en est sûre.
a plume glisse tranquillement sur la surface du parchemin. Il annote le devoir qu’il a sous les yeux, ni bon, ni mauvais. L’élève peut mieux faire, si seulement il prenait le temps de relire ses cours ! Ses BUSE ne sont pas loin, il n’a pas intérêt à rater son année. Il expose sa remarque en haut du devoir, inscrit la note finale, très moyenne et s’apprête à passer au devoir suivant.
Bruissement d’ailes.
L’animal s’est déjà posé sur le bureau quand Regulus lève les yeux. Réprimant un hoquet de surprise, il fixe l’étrange volatile qui vient délivrer sa missive. Il n’a jamais vu pareil oiseau de sa vie, dont le faciès a quelque chose de fou. A croire que la bête s’est prise un poteau en cours de route. Étrange créature dont il ignore le nom. Il sera bon de se renseigner, ne serait-ce que par simple curiosité.
Les longs et fins doigts du professeur attrapent l’enveloppe cachetée du sceau du Ministère de la magie. Une boule d’angoisse se niche dans l’estomac du bonhomme. Son instinct tire une alarme que lui seul entend. « Prends garde » susurre une voix à l’oreille de sa conscience alerte. Il déplie la lettre et se met à lire frénétiquement.
Moira A. Oaks, Présidente-Sorcière.
Le Magenmagot.
Après le triste évènement qui s’est produit lors des portes ouvertes, il est tout naturel que le mangenmagot enquête activement. Surtout qu’il s’agit d’un attentat contre le ministre de la magie, au sein d’un lieu réputé sûr comme Poudlard, au milieu de jeunes enfants et qu’une élève a été sérieusement impliqué et blessé. Il relit encore la lettre.
« Accepteriez-vous de me rencontrer ce jour dans mon bureau […] ? »
Il est dangereux de refuser un rendez-vous quand celui-ci est donné par une éminence du Ministère de la magie, quelque soit le degré de politesse employé. C’est encore plus dangereux lorsque l’invitation a pour sujet un crime commis pour lequel sa propre personne peut s’avérer suspecte.
Après avoir averti Severus Rogue de son absence, Regulus transplane dans l’Atrium. La place est surchargée de monde, comme d’habitude. Le portrait de Potter trône en son centre, son regard sérieux fixe la foule derrière des lunettes rondes. Notre homme fend la foule, sa lettre en main, et s’approche du sorcier en charge de l’accueil.
- Motif de la visite ? Demande ce dernier en inscrivant le nom de Regulus dans son registre.
- Mme Oaks souhaite que je fasse une déposition sur l’incident récemment produit à Poudlard.
- Oh… oui, je vois, fait le sorcier en consultant l’une des notes qui s’étalent devant lui (un avion en papier vole jusqu’à lui, se déplie et se pose élégamment parmi les autres notes, au grand damne du sorcier!). J’ai été prévenu de votre arrivée.
Le sorcier le soumet à divers sondes magiques, enregistre sa baguette magique, avant de lui tendre le badge avec son nom et le but de sa visite. La sécurité du Ministère a visiblement été renforcé. Normal, en fait. Regulus salut brièvement son vis-à-vis avant d’emprunter les ascenseurs.
La cage dorée est bondée. Serrés les uns contre les autres, les sorciers se dispatchent dans les étages du Ministère sans un regard pour autrui.
« Cinquième étage » annonce une voix féminine.
Regulus sort de l’ascenseur comme un boulet de canon. Il respire enfin. Les heures de pointes sont un enfer. Le professeur s’avance dans le couloir, au vieux tapis rouge mangé aux mites qui absorbe ses bruits de pas. Les portes sont trop nombreuses, le visiteur s’y perd. Quelque fois, le nom et la fonction d’un sorcier ou d’une sorcière sont mentionnés sur une plaque de cuivre, d’argent ou d’or, selon le prestige de l’occupant du bureau.
- Monsieur Black ?
Une jolie petite voix féminine retient son attention. La jeune femme qui s’approche de lui lui tend une main amicale en se fendant d’un superbe sourire.
- Holly Brown, la secrétaire de Mrs Oaks.
Bafouillant un pathétique « bonjour », Regulus serre la main tendue. La jeune femme l’invite ensuite à la suivre. Il lui emboîte le pas en silence, les épaules voûtées. La porte qu’elle ouvre est finement ouvragée, portant fièrement le nom de sa propriétaire sur la plaque dorée qui trône en son centre. « Entretien sur Rendez-vous » précise-t-elle comme pour assurer à tous que Mrs Oaks est une femme très occupée. Un peu intimidé, Regulus entre dans une première pièce, assez petite, où officie la secrétaire.
- La porte du fond, précise cette dernière en se replaçant derrière sa machine à écrire. Mrs Oaks vous attend.
Il n’en doute pas. Il se peut même que cette femme ai réservé sa journée rien que pour lui. Il déglutit. Il ne l’a jamais rencontrée, mais il a entendu certaines rumeurs à son sujet. Par réflexe, le professeur ferme son esprit, prêt à la moindre intrusion. Quelque chose qu’il n’a plus fait depuis des années et des années. Il se sent quelque peu en danger.
Enfin, il se décide à passer la porte. Il toque, entre, se présente à la femme blonde et noble qui le fixe derrière son bureau. En un sens, Mrs Oaks lui rappelle Narcissa, sa cousine.
- Bonjour, Madame. Je suis Regulus Black. Vous m’avez gentiment invité pour entendre mon témoignage sur les évènements douloureux qui se sont produits aux portes ouvertes de Poudlard.
Il sort de sa poche la lettre reçu le jour même du curieux volatile de la dame. Oiseau qui se nettoie les plumes dans un recoin de la pièce. Toujours aussi spécial.
- Je suis à votre disposition, ajoute-t-il en tentant de se montrer le plus aimable possible.
Il n’aime pas se retrouver dans cet endroit. Jusqu’ici, le Ministère l’a laissé tranquille, ne l’interrogeant même pas sur ses années de disparition, ni sur sa soudaine réapparition. Là où se trouvait autrefois la Marque des ténèbres, sa peau le picote désagréablement. Elle va certainement le juger, tenter de le coincer, peut être. Mais il n’est pas encore certain des intentions de cette honorable dame.
Trois petits coups sur la porte de son bureau font se relever les yeux de la magistrate avant de le visage souriant de sa secrétaire ne passe dans l’embrasure. - Madame Oaks ? - Oui ? - Regulus Black vient de passer les contrôles dans l’Atrium. Il devrait monter d’une minute à l’autre. Léger tressaillement du myocarde. Moira répond un peu à contre-temps : - Très bien. Faites le entrer dès qu’il sera là. Holly acquiesce d’un signe de tête avant de refermer délicatement la porte, laissant à sa supérieure tout le temps qu’il lui faut pour se préparer.
Un léger soupir s’échappe des narines de la juge alors qu’elle laisse jouer ses doigts sur le bord de sa tasse de café vidée il y a plus d’une heure. Son appréhension revient accélérer les pulsations de son cœur sans qu’elle ne comprenne vraiment encore ce qui l’inquiète tant à l’approche de Black. Son angoisse en est presque risible. Ses sourcils se froncent. Elle fait claquer sa langue d’agacement en donnant un léger coup du pied pour faire pivoter son fauteuil et chercher dans les yeux de son compagnon à plumes un peu de réconfort. Triste idée de celle-là… Foul’camp la fixe de ses deux énormes billes jaunes comme si elle venait de le menacer de mort. Qu’a-t-elle fait dans une vie antérieure pour mériter pareil familier ? Quelque chose de grave, vu sa dégaine, à n’en point douter…
L’oiseau a toutefois le bon ton de la distraire quelques instants, allégeant de manière certes involontaire mais néanmoins efficace le poids qui compresse la poitrine de sa maîtresse. Le visage de Moira est ainsi bien moins fermé quand on toque à sa porte une seconde fois. Sa voix ne tremble pas quand elle répond un sobre : - Entrez. Et le battant dévoile un faciès qui semble étonnamment aussi préoccupé que le sien.
Moira se lève dès l’instant où entre Regulus Black, soucieuse de ne pas paraître comme une sorcière glaciale toisant ses concitoyens à distance derrière son bureau du Ministère. Elle contourne le meuble et fais les quelques pas qui les séparent pour lui tendre une main chaleureuse, ferme mais sans agressivité. - Monsieur Black. Merci de vous être déplacé. D’un geste, elle l’invite à s’approcher pour prendre place sur le siège en face de son bureau alors qu’elle s’éloigne vers la cafetière après avoir récupéré sa tasse. - Puis-je vous proposer quelque chose ? Un thé ? Un café ? Elle se sert un café et apporte au professeur la boisson qu’il désire si ce dernier lui en a demandé une, puis elle rejoint son fauteuil où elle s’assied en buvant une première gorgée. Il lui faut quelques petites secondes pour parvenir à croiser enfin fermement le regard de Regulus Black et jouer les premières cartes de la partie qui s’annonce. Il est temps pour elle de se faire une opinion de ce mystérieux nécromancien.
- J’espère ne pas vous avoir arraché à d’autres devoirs importants à Poudlard. Nous essayons de ne pas trop retarder les avancées de l’enquête pour éviter de laisser trop de marge de manœuvre aux criminels que nous cherchons à appréhender. Malheureusement, les indices sur ce genre d’affaires s’estompent vite… J’espère que vous comprenez mon urgence. Un sourire aimable avant que son cou ne s’infléchisse légèrement sur le côté. - Comment va votre fille ? Edwa, il me semble… J’ai cru comprendre qu’elle se trouvait malheureusement à côté du Ministre quand celui-ci s’est fait livrer l’œuf ? L’attention, bien que sincère, n’est pas entièrement désintéressée. Il est toujours bon de rappeler l’humain avant le professionnel, en particulier face à quelqu’un qu’on cherche encore à séduire. Mais la magistrate n’en oublie nullement le but de la convocation de Regulus Black.
Alors qu’elle prend une autre gorgée de café, elle s’installe plus profondément dans son siège et avance ses premiers pions. Son ton se fait plus grave : - L’attaque que nous avons subie à Poudlard est… sans précédent. Nous savons d’ores et déjà que nous n’avons pas affaire à un amateur outrageusement chanceux qui serait parvenu par une succession de hasards à défaire toute la sécurité du château et à faire s’animer un dragon mort-né. La nécromancie est un art auquel peu de sorciers s’essayent et ils sont encore moins nombreux à parvenir à un résultat probant. Mais ce n’est certainement pas à vous que je vais apprendre cela… Son regard se fait plus perçant alors qu’elle va au bout de sa pensée : - J’ai entendu dire que vous aviez quelques connaissances en nécromancie. Elle garde un air sérieux sans toutefois se montrer accusatrice. Moira ne cherche pas à l’effrayer bien qu’elle comprenne toute la menace que peut représenter une phrase comme celle-ci dans le contexte qui est le leur. Laissant quelques secondes à Black pour organiser ses idées, elle reprend, toujours sans chercher à l’inquiéter : - Je suis assez curieuse de savoir ce que vous pensez de cette créature que nous avons abattue dans les jardins de Poudlard. J’ai vu beaucoup de choses durant ma carrière au Magenmagot, mais je dois avouer que j’ai rarement eu affaire à cette magie noire, et plus rarement encore de façon aussi puissante. Avez-vous une idée de la difficulté que comporterait la maîtrise d’un tel sortilège ? Les Aurors nécromants se font malheureusement terriblement rares et, si Moira ne connaît pas encore assez son vis-à-vis pour le considérer comme digne de confiance, elle ne peut délaisser une telle occasion d’avoir un avis éclairé sur la question. Regulus Black dispose d’une expertise dont peu de ses connaissances font preuve et il est un des rares à pouvoir l’aider à dégager le profil du sorcier qu’ils traquent.
Cependant, Moira n’oublie pas qu’avec les rares pistes qui sont les siennes, Regulus Black se trouve indéniablement en bonne position pour prétendre à la mise en place d’un stratagème tel que celui qui leur a été servi à Poudlard. L’homme est professeur à Poudlard, de quoi disposer de tout le temps et la liberté d’action nécessaires pour faire pénétrer un artéfact corrompu dans l’enceinte du château bien avant le jour des portes ouvertes et la mise en place des protections du directeur. Il est également un des rares nécromanciens reconnus de son temps et se trouvait d’ailleurs étonnamment bien équipé pour soigner en urgence les plaies de la jeunes Meadow Quinn, la principale victime de cet attentat. Prévenance à toute épreuve ou intuition qui ne doit rien au hasard ? La juge se garde bien encore de trancher, mais là est tout l’enjeu de cet entretien auquel elle a convié le professeur de potion. - Ne vous alarmez pas de la question que je vais vous poser, monsieur Black, mais j’essaye de comprendre à qui nous pouvons avoir affaire. Elle laisse planer un temps de silence avant d’asséner son premier coup. - Seriez-vous capable de reproduire un tel sortilège ?
P oignée de main en guise de salutation, sourire aimable et une invitation chaleureuse à s’asseoir à sa guise en face de son bureau. Mrs Oaks a soigné son entrée. Regulus refuse poliment le café, hésite à accepter le thé proposé : Il n’est pas impossible que cette femme n’ai pas préparé l’entretien en songeant utiliser à son insu du Veritaserum. Même si les meilleurs occlumens sont capables de résister aux effets puissants de ce sérum de vérité, il vaut mieux demeurer prudent et ne pas tenter le diable. Par dessus le marché, il convient également de ne pas paraître trop méfiant. Pour la plupart des gens, ceux qui se referment sur eux-mêmes et se montrent étonnamment timorés ont forcément quelque chose d’inavouable à cacher.
Après ce premier échange cordial, l’attitude de la Présidente du Magenmagot change radicalement. Exit la femme chaleureuse qui s’inquiète du confort de son invité, la tigresse en elle se dévoile. Elle entre dans le vif du sujet sans laisser quiconque le temps de dire « ouf ! ». Regulus inspire profondément. Ce n’est pas plus mal, les joutes frontales sont un gain de temps et minimisent le risque de malentendus.
- N’ayez crainte Madame, je comprends l’urgence de la situation. J’ai assez eu le déplaisir d’être aux premières loges pour convenir autant que n’importe qui de censé qu’il est primordial d’arrêter le criminel qui n’hésite pas à sacrifier des innocents pour atteindre sa cible.
Sa tasse de thé est dans ses mains. Elles ne tremblent pas, la surface du liquide demeure invariablement lisse. Le professeur de potion hume avec un réel plaisir le parfum qui monte à ses narines. Un véritable thé indien, de grande qualité. Mrs Oaks s’y connaît autant qu’elle sait recevoir. Regulus devine qu’elle doit savoir également mener un interrogatoire avec le même goût et dextérité.
La magistrate enchaîne aussitôt sur un sujet plus délicat qui noue immédiatement le ventre du sorcier : Edwa. Une fois encore, son inconscient transpose le visage de sa fille sur celui de Meadow Quinn. Combien de fois s’est-il répété que ce fou aurait pu jeter son dévolu sur sa propre fille ? Il songe encore aux mains massacrées de la pauvre jeune fille à qui il a porté secours. Au traumatisme qu’elle gardera certainement à vie. Comment va-t’elle par ailleurs ?
- Edwa, oui… Elle était en train de demander un autographe au Ministre de la magie. Elle fait la collection de carte chocogrenouille, et elle a voulu profiter de l’occasion pour demander cette faveur à Mr Potter. Elle… je crois qu’elle a eu de la chance. Les réflexes de Mr Potter ont été salvateurs pour elle, et la promptitude des secours a fait qu’il y a eu plus de peur que de mal… exception pour la « livreuse ».
Le souvenir des tourments de Miss Quinn lui arrache malgré lui une grimace qui traduit l’horreur de la vision.
Mrs Oaks ne le laisse pas vraiment reprendre ses esprits. Elle le matraque de remarques, suppositions et doutes. Visiblement, cette femme a bien étudié la question, retourné le problème dans tous les sens. Elle n’attaque pas au hasard, elle sait parfaitement ce qu’elle cible. Une personne particulièrement compétente… donc dangereuse. Mais il faut bien une personne de cette trempe pour espérer stopper les exactions d’un fou criminel. Alors Regulus écoute et encaisse certains sous-entendus. Il la laisse parler, le questionner, et pendant ce temps, son esprit trie les informations, analyse tout ce qui peut l’être et ordonne ses pensées.
Seul un imbécile s’imaginerait que cette convocation n’a en aucun cas le but de l’interroger sur ses activités de nécromancien, voire d’être amené à le soupçonner. En vérité, tout le monde doit à présent le suspecter.
Mrs Oaks semble tourner cela à la simple curiosité. Cette convocation passe presque pour une simple demande d’expertise sur la question de la nécromancie à quelqu’un connu pour étudier ces pratiques. Il n’est point dupe. Elle ne peut pas prouver que c’est lui. A dire vrai, il fait un coupable bien trop idéal. Regulus esquisse un sourire aigri. Le véritable coupable lui a peut être tendu un piège pour mieux se couvrir.
- Chère Madame, lâche enfin le professeur en ayant minutieusement étudié l’énigme du dragon et de son créateur, vous avez raison : j’étudie la nécromancie. Je ne nie pas posséder un petit laboratoire dédié à mes recherches. Sachez toutefois que le directeur de l’école est au courant de la nature de mes recherches personnelles et m’a autorisé à les poursuivre dans l’enceinte de l’école tant que cela n’a pas d’incidence sur les cours ou sur les élèves.
Il se garde d’expliquer que sa fille Edwa l’a déjà enjoint de cesser ces sombres activités. Affaires privées, Mrs Oaks n’a pas nécessairement besoin de ce point de détail. Le thé entre ses mains refroidi. Il n’y a toujours pas touché, son esprit demeure hermétiquement clos. Sans le montrer il s’est mis sur une discrète défensive.
- Je suis donc bien placé pour comprendre la complexité du procédé qui a mené à la création d’une telle créature. Quoique le terme « abomination » convienne mieux. Cependant, même si j’ai en tête toute la méthode de création, je ne me suis jamais laissé tenté de tester la réalisation d’un tel maléfice.
Son regard froid croise sans ciller celui de la magistrate attentive. Il est déterminé à défendre son honneur sans avoir à trahir ses convictions.
- Je ne m’intéresse pas à la nécromancie pour arracher des êtres à la Mort et les utiliser comme arme. A dire vrai, Madame, c’est surtout sa forme primitive qui m’intéresse et qui consiste à établir le lien étroit qu’il existe entre les vivants et les morts. J’essaye de comprendre les mécanismes de la mort, et savoir ce qui se produit lorsque… une âme passe de l’Autre Côté. Dans un sens, étudier les fantômes de Poudlard est plus intéressant pour moi que de tripoter des cadavres. Alors les mutiler, transformer puis en faire des espèces de zombis pour les envoyer à l’attaque comme on le ferait avec certains animaux dressés pour cela, non merci. Fort peu pour moi.
Lassé de tenir cette tasse inutilement entre ses doigts, sans jamais avoir envie de goûter son contenu, il la pose sur le bureau, peut être un peu plus sèchement qu’il ne le voulait. Il est en colère. Pas contre la magistrate, qui ne fait que son travail. D’ailleurs, s’il avait été à sa place, lui même aurait suspecté toute personne connue pour pratiquer la nécromancie. Non, il est furieux contre le terroriste. Il ne le connaît pas, mais il devine déjà l’abjection de son âme. Une âme si noire qu’elle ne se préoccupe ni du destin des vivants, ni de l’intégrité des morts. Et il a peur pour ses enfants. Car c’est à cause de ce genre de comportement, de la part d’un grand nombre de Mangemorts, qu’il a souhaité quitter le cercle des Partisans du Seigneur des Ténèbres. Regulus a une âme bien trop noble pour supporter l’adage « la fin justifie les moyens ». Pas d’accord !
- Vous voulez comprendre ? Bien. Je vais vous expliquer quelque chose, tirez-en les conclusions qui vous plairont. Chaque professeur à Poudlard a soigneusement réfléchi à l’évènement qui s’est produit. Nous sommes tous certains que les protections de l’école étaient optimales, aucun intrus ne pouvait pénétrer l’école sans se faire repérer. Et encore moins en sortir après le drame. Nous sommes donc arrivés à la conclusion que le terroriste était déjà à l’intérieur des murs avant la mise en place de toutes ces protections, et qu’il n’est pas reparti depuis. En d’autre terme… il est probablement toujours à Poudlard et nous ne savons pas exactement dans quelle direction chercher. Bien évidemment, tout le monde a remarqué le niveau de connaissance et de pratique extraordinaire que requiert le maléfice utilisé. Tout le monde a reconnu l’empreinte d’un nécromancien. Et je serais incroyablement stupide pour ne pas imaginer une seule seconde que les regards se portent naturellement vers moi. J’ai conscience que mon innocence est mise en doute, et j’aurais été très clairement inquiet de ne pas vous voir me convoquer pour que je m’explique sur le sujet.
Il se calme quelque peu. Agresser la magistrate n’est pas une bonne stratégie, mais elle a touché à son intégrité, et toute personne saine d’esprit a bien entendu horreur que l’on chatouille son intégrité.
- J’ai bien les connaissances pour produire la créature qui a attaqué Mr Potter. Je ne nie pas avoir une bonne dose de connaissances en magie noire, non plus, pas plus que je renie le fait d’avoir été pendant une courte période un Mangemort.
Il frotte nerveusement son avant-bras, là où doit se situer la Marque des Ténèbres. Sans lui, elle s’est estompée et ne ressemble plus qu’à un vague souvenir d’un passé honteux. A travers elle, il a été en mesure de deviner les affres d’une guerre en sorciers qui s’est déroulée sans lui.
- Je ne suis probablement pas le seul. Vous savez Mrs Oaks, le Seigneur des Ténèbres s’intéressaient aux questions de la nécromancie et il cherchait activement un moyen de vaincre la Mort. Je ne doute pas un instant que ses plus fidèles partisans aient tenté de l’imiter, que ce soit pour acquérir simplement plus de gloire et de pouvoir, que par peur de la mort, ou encore par souhait d’obtenir des moyens efficaces pour abattre l’adversaire. Une guerre n’est pas propre, et quand j’en ai prit connaissance, j’ai tenté de tourner le dos à tout cela. C’est pourquoi j’ai disparu pendant des années. J’essaye de protéger mes enfants des horreurs de la guerre, mais malgré mes efforts… Edwa… allez savoir qui va pâtir de la folie de ce terroriste la prochaine fois qu’il compte sévir. J’ai très à cœur que cette folie s’arrête. Pour mes enfants.
Pincement violent au cœur. Il voulait simplement protéger ses enfants. Il a quelque part échouer. Il s’est montré un peu trop naïf et sûr de lui. Sirius se serait bien payé sa tête, tiens. La lassitude le marque, comme le soir où il a eu cette longue discussion avec edwa sur son passé et ses motivations à entrer à Poudlard comme professeur.
- Si vous me demandez qui je suspecte, Madame, je vous réponds que je n’en sais rien. Ou plutôt si : Certainement quelqu’un dans le personnel de Poudlard. J’ai passé presque la totalité des portes ouvertes à observer les invités, les élèves n’ont certainement pas le niveau pour réaliser un tel tour, et vu que je n’avais pas de raison valable de m’inquiéter des agissements de mes collègues, je n’ai pas fait attention à eux. A la limite, je réponds du directeur qui a passé son temps à passer d’invités en invités. Sans compter que tous les invités ont été soumis aux détecteurs avant de les laisser repartir. Le coup vient forcément de l’un d’entre nous.
Il fixe à nouveau la magistrate avec la lueur de celui qui veut en découdre.
- Mrs Oaks, plus j’y pense, plus je me dis que vous feriez bien de suspecter n’importe qui à Poudlard. Moi compris, bien naturellement. Je suis certainement sur le haut de votre liste de suspect. Pour ma défense, des invités ont dû me croiser, de même que quelques élèves. J’étais avec une première année quand Miss Quinn est sortie de nulle part, nous a croisé et s’est dirigée vers le Ministre. Elle avait l’air ailleurs, totalement absente et obnubilée par sa destination : Potter. Tout ce qui l’entourait l’indifférait. Nous sommes d’accord qu’elle a subi un sortilège d’Imperium remarquablement réalisé. La personne qui en est l’auteure a l’habitude de pratiquer. Je suggère un ancien mangemort. Là encore, ça ne joue pas en ma faveur.
Il eut un rictus amer en passant une nouvelle fois la main sur son avant-bras. A force, il va finir en détention provisoire à Azkaban. Il ne pourrait pas en vouloir à la magistrate pour cette décision. Mais peut être que justement, il existe un peu trop d’éléments évident à son encontre.
- Certainement que la personne paraît de confiance. Je ne crois pas que Miss Quinn se serait laissée si facilement approcher par un parfait inconnu et encore moins quelqu’un qui serait connu pour être un criminel. Miss Quinn est définitivement une victime, pas une complice. Là encore, on ne peut supposer que les seules personnes qu’une élève viendrait à faire totalement confiance est un membre de l’équipe éducative de l’école ou un Auror. Il me paraît raisonnable de supposer que vous répondez de chacun des Aurors du Ministère. Je vous laisse demander s’il en est de même à Severus Rogue pour son personnel. Je ne connais malheureusement pas assez l’ensemble de mes collègues pour répondre à cette épineuse question. Et je doute sincèrement que mes collègues me connaissent assez pour affirmer ou infirmer mon éventuelle implication dans cette affaire.
L’oiseau dans le bureau le perturbe un instant. Ses yeux étranges, son allure de volatile déséquilibré captent étrangement son attention. La nature décalée de l’animal tranche violemment avec l’attitude impeccable et rigide de sa maîtresse.
Le professeur de potion fait ce qu’il peut pour aider la haute figure de la justice magique dans son enquête, et il s’est également escrimé à démontrer son innocence. Il a peur qu’il n’y ai cependant pas assez de preuves pour le disculper définitivement, ni s’il a su se montrer convainquant. Ce n’est pas simplement son innocence ou sa liberté qui sont en jeu. A s’imaginer qu’il est certainement LE coupable, le magenmagot pourrait bien se focaliser sur la mauvaise personne et laisser le véritable coupable agir encore un certain temps à sa guise, provoquer de nouveaux drames, s’en prendre à d’autres victimes innocentes pour atteindre Potter.
Il n’ose d’ailleurs pas admettre à la femme devant lui qu’il possède quelques griefs contre le Ministre de la magie : spoliation d’héritage, entre autre. Et puis, il n’a pas apprécié qu’il se permette de libérer Kreattur sans l’assentiment d’un membre vivant de la famille Black. Narcissa ne l’aurait pas permis en tout cas. Et Regulus tient énormément à cet elfe de maison. Nounou, ami, confident si besoin en est… l’elfe a plus compté pour lui que certains membres de sa propre famille. En fait, il considère Kreattur comme de la famille. Être libéré des Black, ça a peut être été comme être chassé de la famille pour ce vieil elfe à la fidélité plus solide qu’un roc. Mais ces griefs sont bien trop puérils pour justifier une tentative d’assassinat aux méthodes aussi odieuses. Ou alors, il faudrait avoir une case en moins.
Il croise ses doigts devant lui, et songe encore à sa famille. Edwa ferait encore certainement un long laïus sur les conséquences de la nécromancie.
- Je m’étonne, Mrs Oaks. Le Ministère ne possède donc pas de nécromanciens à son service ? Je pensais que le département des mystères ne se priverait guère des services d’un ou deux d’entre eux. Ils seraient certainement plus à même que moi de vous expliquer le processus qui a amené la création de ce bébé dragon mort né. D’ailleurs, d’où vient-il ? La plupart des dragons naissent, vivent et meurent dans les réserves qui leurs sont dédiées et ils sont surveillés par des magi-zoologistes compétents. D’autres viennent des élevages des gobelins, et très rares sont les dragons à vivre hors de la surveillance de la communauté magique. Je pense que remonter aux origines de ce dragon mort-né est une piste à exploiter.
La curiosité a prit le pas, et Regulus réfrène un rougissement naissant de ses joues. Loin de lui l’idée d’expliquer à la magistrate comment faire son travail. Mais il se pique à ce petit jeu d’enquête. Lui aussi aimerait savoir qui s’est amusé à ce labeur contre-nature, qui trouble la quiétude de la fragile paix qui s’est installée. Qui a osé mettre en danger sa progéniture… avant de le lui faire payer amèrement. Le père en lui n’attend qu’une chose : le moment où il pourra enfin tordre le cou à celui (ou celle d’ailleurs) qui s’amuse à se servir des enfants des autres pour assassiner des gens.
Un très malsain sentiment de rancune assombri ses traits un instant. Une ombre terrifiante qui s’est une fois de plus manifestée le temps d’un battement de cil. Cette ombre qui avait terrorisé Edwa. S’il peut assurer encore maintenant que ces ténèbres en lui ne lui feront jamais de mal, il en doute sévèrement pour l’auteur de l’attentat. Et il ignore encore ce que la partie sombre de son âme est capable de faire.
Mrs Oaks a intérêt d’attraper le coupable avant que Regulus ne lui tombe dessus.
L’attaque se veut rapide, l’affront inévitable. Le nécromant et la magistrate se jaugent sans savoir encore de quel côté penche vraiment l’allégeance de l’autre. Il y a longtemps qu’être juge au Magenmagot n’est plus gage de pureté de l’âme et Moira le sait. La méfiance flotte entre eux comme une brume humide, rendant l’air lourd et quelque peu étouffant. Pourtant, ni l’un ni l’autre ne s’assènent de premier coup.
Pas encore.
Le professeur accepte une tasse de thé, ce qui tend à rassurer Moira quant à son ouverture. Délicatement, elle lui sert un breuvage indien au goût subtil infusé juste comme il convient, puis apporte le sucre et un pot de lait qu’elle dépose devant @Regulus Black pour le laisser agrémenter sa boisson comme il le souhaite avant de se réinstaller de son côté du bureau. La voix de la juge se veut chaleureuse, presque rassurante. L’objectif et de mettre son vis-à-vis en confiance et de ne surtout pas l’effrayer, au risque de le voir complètement se renfermer et de la priver de toute réponse. Elle prend donc le temps d’expliquer son empressement, de demander des nouvelles de sa fille. Mais aux politesses succèdent rapidement les évocations moins innocentes et les regards se teintent progressivement de reflets plus sombres à mesure que la gravité s’empare du timbre de la Présidente-Sorcière. Regulus Black n’a pas été invité par pure courtoisie et Moira le sait trop intelligent pour en douter.
Presque immédiatement, le regard du nécromancien change comme les subtilités de sa posture. Sans montrer une opposition ferme à ce qu’elle tente de lui faire dire, il perd quelque peu de sa bienveillance maltraitée par le froncement discret de ses sourcils. La magistrate ne tremble pas, mais le « Chère Madame » qu’il lui assène fait légèrement se contracter le bas de son dos. Pourtant, elle ne dit rien. Sans une seule fois l’interrompre, elle écoute, le laisse cracher son aigreur de se voir ainsi traité comme un possible suspect à qui on demande de s’innocenter. Moira n’a pas la malhonnêteté de contredire ses impressions : c’est exactement ce qu’elle lui demande de faire. Alors elle pèse chacun des mots du professeur, note dans un coin de sa tête chaque information qu’il consent à lui confier. Et l’homme se lance dans un long monologue qu’elle se prive bien de couper.
Son premier réflexe est de nier son implication dans l’attentat, évidemment. Comment lui en tenir rigueur ? La nécromancie est une magie complexe loin de se cantonner aux abominations que Moira a vues de trop près à Poudlard. Que Black ne se soit pas intéressé à ce domaine particulier est tout à fait probable. Toutefois, bien que l’homme semble de bonne foi, elle ne tire encore aucune conclusion. Bien des accusés ont défilé sur le fauteuil qu’occupe le nécromancien en ce moment même. Presque tous ont clamé leur innocence. Mais certains ont fini par se raviser…
Le professeur ne touche pas une fois à son thé, un détail que la magistrate ne peut s’empêcher de constater. Les idées de Black fusent, nombreuses, précipitées… Il semble incapable de prendre la moindre pause, même pour se désaltérer, et la tasse finit par rencontrer le bois de son bureau d’un geste brusque, pas entièrement maîtrisé. Sur son perchoir, Foul’camp sursaute, ce qui manque de le déstabiliser. Le regard acéré de la juge se pose un instant sur lui alors qu’il se repositionne maladroitement en émettant de petits cris aigus. Un autre jour, elle en aurait sans doute souri. Mais pas aujourd’hui.
Elle revient à Black, l’air sévère, attentif, concentré sur chaque élément qu’il accepte de lui livrer et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’homme n’est pas avare en informations. Moira n’est pas surprise d’entendre les nombreuses réflexions des professeurs de Poudlard. Un tel fiasco ne pouvait qu’échauder les esprits. Elle n’imagine pas la plaie qu’a dû être Severus depuis l’attentat. Tout a dû être passé au peigne fin. Et plus d’une fois. Si rien de probant n’a été trouvé par les professeurs de Poudlard éclaboussés d’opprobre, elle sait d’ores et déjà que ses équipes ne trouveront rien de plus. L’acidité avec laquelle Black lui jette ses conclusions ne laisse aucun doute à ce propos. Elle ne le reprend pas sur le ton qu’il emploie, pas plus qu’elle ne cherche à arrêter le flot de paroles sous lequel il la noie. Elle se satisfait toutefois de le voir reconnaître les raisons des soupçons qui pèsent sur lui. La colère passée, sa voix s’apaise et Moira ne le presse toujours pas, attend qu’il ait fini de se débarrasser du poids lourd qui semble peser sur ses épaules depuis trois longues journées. L’évocation de son ancienne appartenance aux mangemorts le fait passer une main sur son avant-bras, un geste qu’elle a bien trop souvent vu chez Severus pour ne pas le remarquer. Ses aveux s’accompagnent toutefois d’une douleur qui filtre dans ses dernières phrases, une peur qu’elle sent si distinctement qu’elle l’atteint en plein ventre. Son cou ploie légèrement sur le côté alors que son regard s’adoucit. Elle laisse encore à Black tout le temps qu’il désire pour retrouver sa contenance. Mais le professeur se reprend rapidement et ses conclusions font légèrement se froncer les sourcils de la juge.
Elle n’espérait pas obtenir tant de sa part avec si peu d’efforts.
Ainsi donc, Regulus Black penche comme nombre de ses enquêteurs pour un ancien mangemort, qui plus est membre du personnel de Poudlard. Immédiatement, les noms bien connus de la Présidente-Sorcière défilent dans son esprit. @Severus Rogue. Improbable. Il aurait bien plus à y perdre qu’à y gagner et ses rencontres fréquentes en tête-à-tête avec @Harry J. Potter lui offrent des occasions bien plus favorables pour tenter d’occire le Ministre s’il le désire. @Camille Nott. Impossible. Son allégeance envers Voldemort n’a jamais été que factice et ses amis au sein des mangemorts sont rares. Il n’a pas intérêt à risquer sa place à Poudlard, et encore moins la sécurité de Remy. Il ne peut être impliqué. Pas plus que @Bianca H. Selwyn. Son aide pour freiner la création d’une nouvelle pierre philosophale a été déterminante dans la chute du mage noir et sa trahison lui a coûté un an de sa vie et nombre de ses amitiés parmi les mangemorts les plus radicaux. Alors qu’elle retrouve enfin une vie plus normale, quel intérêt trouverait-elle à fomenter un attentat aussi ignoble contre Potter ? A moins que @Narcissa Black-Malefoy ne lui ait sifflé quelque immondice à l’oreille ? Moira les sait proches, ce qui lui inspire toujours une aigreur et une certaine inquiétude qu’elle se garde bien de dire à Bianca. Mais une telle possibilité lui paraît encore une fois peu probable. Surtout si l’on prend en considération la présence de sa fille dans les jardins. Bianca ne la mettrait jamais en danger. C’est cette même raison qui tend à lui faire croire en l’innocence de @Regulus Black, malgré ses compétences en nécromancie que bien des Aurors ont déjà pointées du doigt, à raison. Reste @Yolanda Yeabow. Cette vipère est sans doute capable de bien des sévices. De tous, elle reste celle à qui Moira trouve le moins de raison d’être l’innocentée. Mais même elle est consciente de son manque récurrent d’objectivité concernant Yolanda. Et surtout, elle n’a jamais entendu parler de compétences quelconques en nécromancie la concernant. Leur seule piste ne mène donc toujours qu’à une triste impasse. La main de Moira se serre sur sa tasse de café qu’elle porte à ses lèvres pour faire passer l’amertume qui lui tapisse la langue avec une autre, plus corsée.
C’est ce moment qu’elle choisit pour intervenir enfin. - Je me rassure de voir vos conclusions si proches des nôtres, monsieur Black, dit-elle avec un demi sourire. Elle prend quelques secondes pour réorganiser ses idées, triant le flot d’informations dont le professeur l’a abreuvée. Puis elle ajoute : - Les éléments que vous soulevez sont les mêmes que ceux rapportés par nos Aurors. L’Impero subi par la jeune Meadow Quinn ne fait aucun doute. J’étais moi-même présente quand le professeur Nott l’en a libérée. Et peu de sorciers sont capables de jeter avec autant de talent un sortilège de cette complexité. Un impardonnable de surcroît. Mais nous savons tous les deux que nombre de mangemorts ne se soucient plus de ce genre de considérations depuis longtemps. Nul doute que tous ceux précédemment évoqués sauraient lancer un Impero tout à fait satisfaisant. Et que plusieurs, si ce n’est tous, s’y sont déjà essayés par le passé. - Vos soupçons concernant vos collègues rejoignent malheureusement aussi les nôtres et je crains que nous ne soyons pas les seuls à avoir fait ce type de conjectures. Les parents d’élèves sont déjà à nos portes. Les hiboux arrivent par dizaines chaque jour pour demander des comptes au Ministère, s’assurer de la sécurité des enfants, et je ne vous cache pas que les noms de tous les anciens mangemorts reviennent régulièrement dans les courriers, y compris le vôtre. Que ces sorciers aient été relaxés ou qu’ils aient déjà purgé leur peine importe peu à une mère ayant laissé sa progéniture à Poudlard. Vous qui y avez vos enfants, je suis certaine que vous pouvez comprendre la crainte d’un parent étant venu à la conclusion, tout comme vous, qu’un terroriste n’ayant aucun scrupule à s’en prendre à des élèves rôde toujours aujourd’hui dans les couloirs de l’école. Une dizaine de famille refusent toujours de remettre leurs enfants à Poudlard depuis les portes ouvertes. Certaines demandent la fermeture pure et simple de l’établissement tant que le terroriste n’a pas été identifié. D’autres, plus nombreuses, se contenteraient apparemment du renvoi de tous les anciens mangemorts connus. Je ne vous cache pas que cette éventualité est d’ailleurs soutenue par plusieurs voix assez influentes au sein du Ministère. Le visage de Moira prend un air grave quelques secondes avant qu’elle ne confie d’une voix légèrement plus basse : - Je ne suis pas de cet avis. Délicatement, la Présidente-Sorcière vient récupérer sa tasse de café avant de laisser sa colonne épouser le dossier de son fauteuil. Elle continue après une courte pause, légèrement pensive : - Voyez, monsieur Black, j’ai rencontré au cours de ma carrière nombre de sorciers que beaucoup considèreraient comme la pire vermine du seul fait qu’ils aient sur l’avant-bras la même marque que celle qui blanchit le vôtre. J’aurais peut-être soutenu leur intransigeance dans mes jeunes années, quand ma vision de la justice ne souffrait d’aucun compromis. Mais j’ai appris avec le temps que les pires allégeances ne sont pas l’apanage des cœurs les plus sombres. Ainsi, je ne nie pas l’amitié que je porte à certains de vos anciens frères d’arme. Severus pourrait en témoigner, tout comme Camille Nott. Je ne m’en cacherai pas auprès de vous non plus. Toutefois, je sais que beaucoup considèrent toujours les mangemorts comme l’ennemi à abattre. Et parfois à raison. Caresse et morsure. La juge se fait lionne au pelage dense cachant le rasoir de ses griffes. Son regard ne quitte pas celui du professeur. Elle poursuit : - Le danger couru par les enfants est réel. Je sais que vous en êtes conscient, tout comme chaque employé de ce département. Mais je ne veux pas prendre le risque de fermer l’école avant d’avoir mis la main sur l’auteur de cet attentat. Si nous renvoyons tout le monde chez soi et que nous laissons le personnel de Poudlard quitter sans surveillance l’enceinte du château, le criminel pourrait s’enfuir sans la moindre difficulté. Je ne peux laisser un nécromancien capable de s’infiltrer dans un lieu aussi sécurisé que Poudlard errer librement sur nos terres. Nous ne pouvons cependant pas non plus mettre l’ensemble des employés de l’école en détention provisoire. Nous pourrions nous concentrez sur les anciens mangemorts, me direz-vous, mais je refuse de prendre le risque de nous tromper. Si le terroriste n’est pas parmi eux, nous le perdrions. Je ne peux l’accepter. Pas après avoir vu de ses yeux les ravages de ses actes sur les mains de la petite Quinn. Pas après avoir été témoin de la chance fabuleuse qui a permis à @Harry J. Potter et @Archibald Rosier de terrasser ce dragon avant qu’il ne fasse trop de dégâts. Tous les visiteurs présents à Poudlard ce jour-là le savent : cette attaque, bien que traumatisante, n’a produit qu’une infime partie des dommages qu’elle pouvait engendrer. Tous les invités ont eu une chance inouïe. En particulier leur cher ministre. - Ainsi, notre seule chance de protéger les enfants est d’identifier et d’arrêter ce scélérat. C’est là que votre expertise nous est précieuse.
Elle lui offre un sourire avant de vider sa tasse de café et de se lever pour se rediriger vers un meuble près de la fenêtre où sa réserve fumante n’attend que d’être consommée. Le nyctibius, toujours sur son perchoir, s’ébroue sous le regard de leur hôte qui lui est toujours inconnu. Ses deux immenses yeux jaunes le fixent avec une insistance dérangeante comme s’ils pouvaient percevoir la noirceur supposée de son âme derrière la clarté de ses iris. Moira se demande toujours ce que voit son oiseau. Des choses affreuses au vu de l’air sidéré qu’il garde en permanence. A n’en point douter.
Ses doigts graciles s’emparent de la cafetière pour remplir de nouveau sa tasse quand elle entend derrière elle la remarque très juste du professeur. Un sourire amusé affine ses lèvres alors qu’elle se retourne et croise les bras sur sa poitrine. S’appuyant légèrement sur le meuble dans son dos, elle adopte une posture moins protocolaire, une attitude qui lui sied mieux pour qui la connaît bien. Elle ne se départ pas de son sourire quand sa voix souffle en réponse : - Vous avez parfaitement raison, monsieur Black, et nos nécromanciens ont bien entendu déjà rendu un rapport on ne peut plus complet sur cette affaire. Mais il serait bien mal avisé de ma part de me priver d’une expertise supplémentaire, surtout si elle vient d’un spécialiste de votre renommée. Il se trouve aussi que, contrairement à eux, vous avez vu de vos yeux cette créature. Il me semble que votre avis sur la question est donc on ne peut plus précieux. Elle boit une nouvelle fois, réchauffant ses muscles engourdis par le froid de novembre. L’air autour d’eux semble légèrement s’alléger. Elle poursuit alors sans perdre la douceur de son timbre : - Nous avons tenté de trouver l’origine de ce dragon, en effet. Il semblerait que nos agents soient remontés jusqu’à un élevage clandestin en Roumanie, de ceux qui se montrent peu regardants sur les motivations de leurs clients pour peu que leur bourse soit assez pleine pour leur faire détourner le regard. Si l’œuf n’a pas été dérobé une chose est certaine : notre homme disposait de finances conséquentes pour pouvoir s’offrir un tel bien. Très conséquentes. On n’a pas idée du prix que coûte un dragon, même encore à naître, plus encore si ce dernier est issu d’un trafic visant à le faire passer sous tous les radars. - Il nous est encore impossible toutefois d’affirmer la date de son entrée en Angleterre. Les importations clandestines demeurent un fléau contre lequel il est difficile de lutter. Sa voix s’abaisse quelque peu sur la fin de sa phrase. Elle sait mieux que quiconque à quel point ces activités sont difficiles à tracer pour en avoir vu fructifier une sous ses yeux pendant sept ans sans jamais la remarquer. Le souvenir du trafic de son ex-mari assombrit un instant son regard. Elle se demande parfois comment Nathan se porte après neuf ans passé à Azkaban. Elle ne l’a pas revu une fois depuis son arrestation.
Moira boit une nouvelle gorgée de café pour faire diversion et revenir sur le sujet qui les intéresse. - Savez-vous le temps que nécessite un enchantement capable de donner naissance à un tel monstre, monsieur Black ? Certains avis divergent parmi nos nécromanciens et j’aimerais savoir ce que vous en pensez. Je veux une idée du temps qu’il a fallu à notre homme pour préparer son attentat. Si ce sortilège a demandé plusieurs jours, voire plusieurs semaines de travail, il a dû trouver un lieu à Poudlard où se cacher pour ses manipulations. Il restera peut-être des outils, des traces de son activité. Que devrions-nous nous attendre à trouver ? Je dois savoir précisément ce que mes agents doivent chercher dans l’enceinte du château. Où ils ont le plus de chance de découvrir des indices. Le temps presse et toute aide est la bienvenue. Puis, son regard se pose sur la tasse de thé devenue tiède toujours abandonnée sur son bureau. Un léger sourire détend les traits de son visage et Moira souffle alors d’une voix chaleureuse : - Vous ne touchez pas à votre thé. Voulez-vous quelque chose d’un peu plus fort ? Cela peut être un café, naturellement. Mais elle pense également aux quelques bouteilles de spiritueux précieusement gardées dans un buffet dans le coin de la pièce. Elle n’ose cependant pas le lui proposer de vive voix.
A près l’avoir laissé longuement parler (« Merlin, j’en ai la bouche sèche ! »), Moira Oaks dévoile à Regulus Black que ses enquêteurs en sont venus aux mêmes observations et conclusions que lui. Elle en dit même plus que ce qu’il en espérait : ce qui est arrivé exactement à Meadow Quinn. Entendre ce qu’il lui est arrivé lui arrache un frisson d’angoisse : ça aurait pu être Edwa. Mais l’homme se promit de ne pas répéter les détails à sa fille. Elle est déjà suffisamment inquiète pour la jeune Serdaigle, il ne tient pas à enfoncer le clou. Troublé, son regard se fige quelques instants dans le vide, se remémorant malgré lui cette scène où Meadow Quinn les dépasse, Eirian et lui, l’oeuf en main. Ses yeux se contentent de fixer le Ministre Potter, le visage inexpressif. La peur qu’il a ressentit, surtout en sachant sa fille si proche du Ministre. L’oeuf qui éclot avant qu’il ne parvienne à la rattraper. Les sortilèges qui fusent pour abattre la créature, le hurlement de la jeune fille dont les mains sont dévorées par de l’or en fusion. C’est à ce moment-là qu’il reprend le contrôle de ses esprits. Non, il n’a pas envie de se rappeler du reste. De ce moment où il parvient à libérer Miss Quinn de sa gangue dorée et des blessures qui en ont résulté.
Ses yeux se reportent sur l’oiseau étrange. Comme pour se sortir le déroulement du drame de la tête, il se demande tout à coup comment une femme d’aspect aussi strict a pu décider d’adopter une créature aussi originale qu’improbable. S’il n’était pas soumis à un interrogatoire officieux à l’issu duquel son avenir sera certainement décidé, ce décalage l’aurait beaucoup amusé. Sur le bureau, le thé a refroidi. De l’excellent thé, certainement, et la bouche du professeur de potions s’est asséchée à force de parler. Mais la prudence lui interdit de se désaltérer. Il préfère souffrir que de se retrouver piégé. Même s’il n’a rien à cacher, il tient à rester maître de la situation. Il espère que la magistrate n’en prendra pas ombrage. Après avoir écouté son opinion sur les risques de fermeture de l’école, notre homme soupire. Il comprend très bien l’attitude des parents. S’il n’était pas professeur au sein de l’établissement en cet instant, il aurait été certainement de ceux qui aurait retiré ses enfants par prévention. Il se rappelle encore la longue explication qu’il a eu avec son épouse et son beau-père, et combien il a bataillé pour les convaincre que tout était sous contrôle. C’est un demi mensonge, bien sûr, car même si la sécurité est renforcée et que le danger est ciblé, personne ne sait encore qui est le traître qui agit au cœur de l’école, ni comment il a procédé pour exécuter ses plans sans se faire prendre. Tout n’est encore que conjecture. Une réalité qui met bien en peine Mrs Oaks et sa foule d’enquêteur, comme elle le souligne elle-même avec amertume. - Vous avez raison, Madame, concède le professeur. Si nous fermons l’école, nous prenons le risque de perdre la piste la plus sérieuse que nous ayons pour coincer le fautif. Nous le perdrons certainement de vue, et il a de fortes chances pour que nous ne puissions plus avoir accès à des indices capitales ou des preuves. Regulus caresse son menton, pensif. Une soudaine illumination s’est faite dans sa tête. Mais peut être pas du goût du ministère de la magie, par contre. Pourtant, cela ne coûte rien de l’exprimer à voix haute auprès de cette femme de grande influence et possédant un grand pouvoir exécutif. - L’attentat visait Mr Potter. Où qu’il aille, les attaques s’enchaînent. Pour la sécurité des élèves, il serait probablement plus sage que le Ministre renonce à toute sortie officielle, et à plus forte raison à Poudlard. Le criminel ne s’embarrasse pas de savoir s’il y a des dommages collatérales, ou s’il y aura des morts. Tant que Mr Potter sera en vie, le coupable s’acharnera à frapper fort jusqu’à atteindre enfin sa cible. Il baisse la tête. Le voici réduit à aider Potter dans l’espoir de mieux protéger ses enfants. Quelle ironie ! Cependant, son cerveau de Serpentard turbine à toute allure : contribuer à protéger Potter ne mettra-t’il pas l’administration du Ministère dans de bonnes dispositions pour écouter sa requête ? Même s’il lui est désagréable d’imaginer une confrontation avec le Ministre, il garde espoir de récupérer l’héritage des Black. Autant la fortune n’est qu’une simple peccadille dont il peut se passer, autant il souhaite que la maison familiale lui revienne enfin. Potter n’a aucune légitimité pour posséder ce bien ancestral. Il a déjà réfléchi à utiliser l’admiration d’Edwa pour attirer la sympathie du Ministre et le convaincre de rendre au moins ce joyaux de la famille aux derniers des Black.
Mais là n’est pas la question pour le moment. Moira Oaks souhaite son expertise pour avancer dans son enquête. Elle cherche à recouper toutes les informations dont elle dispose, et ne rechigne pas à solliciter un regard nouveau pour explorer de nouvelles pistes. - Un spécialiste de ma renommée, hein ? Il a un rire peu aimable. Ce n’est pas la renommée qu’il poursuit. Les flatteries de Mrs Oaks ne lui font pas oublier qu’il fait un suspect appétissant et qu’il suffit à cette femme d’un geste, un mot, et elle peut l’envoyer à Azkaban dans la seconde. - Je ne crois pas être le plus grand spécialiste en nécromancie, se dépêche-t’il de rectifier. Mais j’espère que mes quelques connaissances sauront éclairer votre lanterne de manière satisfaisante. Il rajuste sa position sur sa chaise, croise les doigts sur ses genoux et réfléchit à la requête. Il mobile toutes ses connaissances pour donner les meilleures estimations à son interlocutrice. - Bien, le rituel permettant de créer pareil abomination est très complexe et requiert une bonne dose de connaissances et de pratique. Il ne serait pas faux de suggérer qu’il a fallut plusieurs experts pour permettre la réussite d’un exercice aussi ardu. Les chances de réussites sont minces. Cela peut aller de plusieurs semaines à plusieurs mois, mais c’est un processus très long et délicat. Il se remémore la liste des fournitures et ingrédients nécessaires. Moira Oaks a raison : Vu ce qu’il faut réunir, et leur rareté, le coupable possède des moyens pour ainsi dire illimité. - Il faut des ingrédients rares, chers, dont certains sont même réglementés. Vous trouverez certainement des traces de leurs achats, je suppose. Il est nécessaire également d’avoir à disposition une forge alchimique bien équipée. Ce genre de laboratoire a besoin d’être aménagé de manière assez spécifique. Il m’a fallut l’autorisation du directeur pour en créer un au sein de l’école et il est doté d’un arsenal de sortilèges de sécurité. Il faut donc une pièce de la taille d’une petite salle de classe pour un laboratoire basique. Et je dis bien basique. Le plus grand laboratoire que je connaisse est de la taille d’un terrain de Quidditch. Regulus hausse les épaules. En vérité, il n’en sait rien. Les possibilités sont malheureusement nombreuses. Mais sachant que l’école est sans cesse soumises à des contrôles rigoureux en matière d’entrées et de sorties d’objets magiques ou non, la logique et la prudence voudraient que le rituel soit effectué à l’intérieur des murs. Il n’y a rien de plus risqué que de devoir passer son temps à sortir en douce de l’école souvent. - On peut garder un tel œuf en stase un certain temps, il suffit de lever la sortilège qui le maintient en sommeil et après un temps déterminé, l’œuf va éclore de lui-même. Donc, on peut relativement bien prévoir le moment de l’éclosion. Suffisamment en tout cas pour le placer au milieu d’une foule et d’y provoquer un carnage. Il doit l’admettre, l’instigateur d’un tel projet a eu énormément de réflexion, de moyen, de temps. Il a brillé de par sa planification. Il est aisé de comprendre pourquoi il ne s’est toujours pas fait prendre et continue de se balader à Poudlard sans éveiller quelques soupçons : il a réfléchi au plan depuis très longtemps et l’a peaufiné au millimètre près. Mais cela doit être d’autant plus rageant de voir un tel plan échouer si près du but. Est-ce que Potter réalise la chance qu’il a eu ? - Mais au moins, cela nous donne une meilleure idée du personnage : c’est quelqu’un qui n’a rien à perdre, n’a guère de morale et est acharné. Il dispose de moyens financiers conséquents et d’un réseau de sorcières et de sorciers brillants et flirtant sans problème avec la légalité. Nous revenons à notre idée d’un ancien mangemort. Mais celui-ci doit faire partie de la caste des Sang Pur riche et influent, qui se sont suffisamment rapproché du Seigneur des Ténèbres pour avoir déjà profité de son « carnet d’adresse ». J’ai entendu dire que l’attentat a été revendiqué par les Carrow ? A son tour d’essayer de glaner quelques informations. Il connaît assez les Carrow, même s’ils ne sont pas des intimes. Et il est assez surprit de les savoir proches des milieu nécromants. Ce n’était pas leur matière de prédilection par le passé. Ils ont toujours préféré l’art d’instiller la douleur à l’étude de la Mort, à l’image de Bellatrix. Mais après tout, tout est possible.
La tension dans l’air semble légèrement s’alléger. @Regulus Black et la Présidente-Sorcière échangent sur un ton plus serein. Tous deux reconnaissent chez l’autre les mêmes soupçons, les mêmes inquiétudes, et l’impression malgré leurs anciennes divergences de se trouver un ennemi commun. Alors, les timbres de voix s’assagissent bien que la méfiance de part et d’autre demeure. Moira la sent chez le professeur dans chaque regard qu’il lui porte, dans ces mots qu’il ne prononce pas, dans cette tasse de thé qu’il refuse de toucher. Elle n’en est cependant pas vraiment surprise. La traque des mangemorts reste le cœur de sa mission même trois ans après sa nomination à la tête du Magenmagot. Sa dévotion ainsi que celle des Aurors a permis de neutraliser une grande partie de la menace et la plupart des grands nom qui soutenaient le Seigneur des Ténèbres sont aujourd’hui morts ou enfermés sous bonne garde à Azkaban. Regulus Black doit connaître bon nombre d’entre eux. Il devait sans doute être proche de certains. Comment réagir autrement, alors, face à celle qu’on peut logiquement considérer comme la responsable de leur chute ?
Pourtant, il parle, et au cœur des indications purement techniques se glissent des inquiétudes de père que Moira ne peut que comprendre pour avoir elle-même ressenti cette angoisse à la seule idée de savoir sa filleule potentiellement blessée. Ses remarques concernant le danger qui accompagne toujours la présence de @Harry J. Potter correspond mot pour mot aux réflexions partagées avec nombre d’Aurors venus faire part de leurs inquiétudes et de leurs recommandations dans son bureau. La sécurité du Ministre semble ne jamais avoir été aussi fragile et la moindre apparition publique devient l’occasion d’un attentat toujours plus ignoble que le précédent. Toutes les sorties dispensables dans l’agenda du Ministre ont immédiatement été annulées et la sécurité largement renforcée à chacun de ses déplacements. Mais l’inquiétude ne quitte pourtant plus la magistrate qui redoute ce déchaînement de violence qui peine à se tarir. Les victimes ne cessent de se multiplier et pourtant, tous savent que la chance leur a encore insolemment souri à Poudlard. Les aptitudes de leur jeune ministre et d’Archibald Rosier ont sans aucun doute évité le pire ce jour-là. Mais qu’une telle attaque ait seulement été possible met en lumière toutes les failles qui existent dans leurs dispositifs de sécurité. La menace qui enserre Harry Potter ne cesse de s’alourdir. Moira craint de plus en plus qu’un attentat réussisse là où tous les précédents ont échoué. La paix survivrait-elle à la perte du héros de la dernière guerre ?
La paix a-t-elle jamais existé ?
Doucement, elle se racle la gorge pour répondre d’une voix calme qu’elle tente de faire la plus rassurante possible : - Les apparitions publiques du Ministre ont été largement restreintes depuis les événements de Poudlard, en particulier en présence d’enfants. Le Ministère ne veut prendre aucun risque inutile et nous sommes tous bien conscients de l’acharnement du ou des responsables de ce dernier attentat. De tels préparatifs ne sont pas pour des tempéraments impulsifs. Ces individus sont puissants et savamment organisés. Nous prenons donc toutes les dispositions pour qu’un tel drame ne se produise plus, naturellement. Elle insiste sur le dernier mot, soucieuse d’assurer à son interlocuteur que les employés du Ministère ont bien évidemment déjà pensé à tous ces manquements légitimement montrés du doigt par les parents d’élèves. Les sorties de Harry Potter doivent désormais tenir de l’exceptionnel tant que ces affaires ne sont pas tirées au clair. L’assassinat d’Astoria Greengrass était encore sur toutes les lèvres quand le dragon s’est attaqué à Poudlard. Si le calme ne revient pas rapidement, la panique mettra rapidement le pays à feu et à sang.
Le grincement ténu qui accompagne le rire de Black fait légèrement se tendre la juge alors qu’elle redresse le menton, retrouvant une posture plus dure quand elle sent reprendre la joute. Un sourire acide étire la commissure de ses lèvres en miroir de celle du professeur quand il affirme ne pas être le plus grand spécialiste en nécromancie. - Notez que je n’ai jamais dit cela… souffle-t-elle alors, sans que la raillerie ne se veule réellement offense. La suite de l’exposé de Black lui fait cependant rapidement retrouver son sérieux et elle écoute avec une attention minutieuse chaque détail qu’il consent à lui offrir. La complexité de processus qu’il lui décrit lui confirme une nouvelle fois que cet attentat ne peut qu’avoir été prévu de longue date. Mais la multiplicité des acteurs impliqués dans la préparation est une assez bonne nouvelle : autant d’intervenants ne font que multiplier les sources et les possibilités d’une erreur de l’un d’entre eux permettant aux Aurors de remonter la piste jusqu’au principal instigateur de cette ignominie. Le profil de leur suspect se confirme également au fil de leurs échanges. La collaboration aisée de Regulus Black en est presque surprenante.
La conversation dévie naturellement sur les rares indications dont ils disposent concernant l’identité des responsables et les rumeurs sont allées bon train après que des témoins ont affirmé avoir entendu Meadow Quinn évoquer le nom des Carrow en livrant l’œuf. Moira n’est pas étonnée d’entendre Regulus Black y faire référence. - Le nom des Carrow a en effet été évoqué. C’est une éventualité que nous prenons au sérieux mais nous n’écartons pas la possibilité de l’implication d’autres noms qui pourraient avoir tout autant de raisons d’en vouloir à Harry Potter et son gouvernement. Après tout, il n’est pas chose plus aisée que de faire revendiquer son acte par une tierce personne quand celle-ci se trouve sous Imperium. Bien des noms lui viennent rapidement en tête. Les Malefoy. Les Selwyn. Les Fawley. Les Beurk.
Les Black.
La juge se tait le temps d’une longue inspiration, de nouveau perdue dans ses pensées. Elle aimerait croire en la sincérité du professeur de potion rien qu’avec ce regard qu’elle a cru déceler quand elle évoquait sa fille. Comme de très nombreux sangs purs, il est clair que Regulus Black se bat pour protéger férocement sa famille et en particulier ses enfants. Elle sait de source sûre qu’il s’est écarté des mangemorts bien avant la fin du Seigneur des Ténèbres et la présence de sa fille si proche du lieu de l’attaque tend également à plaider en sa faveur. A moins que la petite Edwa ne se soit retrouvée là que par un fâcheux concours de circonstances. Les possibilités sont nombreuses et certaines questions, aussi désagréables soient-elles, se doivent donc d’être posées. - Je sais que vous vous êtes éloigné du cercle des partisans de Lord Voldemort il y a déjà plusieurs années. Avez-vous toutefois gardé contact avec certains de ceux qu’on trouve sur ce « carnet d’adresse » ? La vérité est que la juge possède dans ses petits papiers quelques connaissances qui seraient certainement à mêmes de lui indiquer si Regulus Black fait toujours partie de certains cercles apparentés à cette caste qu’il a lui-même décrite. La question est davantage pensée pour évaluer l’honnêteté de ses réponses que pour lui donner des faits dont elle n’aurait pas encore connaissance.
La magistrate a toujours eu tendance à se fier à son instinct lors des interrogatoires. Des années d’expérience au fil des enquêtes et des procès lui ont permis de reconnaître certains signes dans les expressions, de lire sur les subtilités des visages des peurs ou des hésitations que la plupart des gens peinent à remarquer. Pourtant son instinct seul ne peut suffire dans une affaire d’une telle importance. Et surtout, Regulus Black est de ces rares mystères à lui rester complètement hermétiques, impossibles à déchiffrer, ce qui la déstabilise plus qu’elle ne veut bien l’admettre. Un léger pincement de ses lèvres indique le malaise qui est le sien au moment d’indiquer au professeur la suite du traitement qui lui sera réservé : - Monsieur Black, dans la situation qui est la nôtre, vous vous doutez bien que je ne peux décemment pas me passer de faire vérifier votre laboratoire au château. Je sais que l’expérience est des plus déplaisantes et croyez bien que j’en suis désolée. Mais nous ne pouvons pas nous permettre de négliger même les lieux les plus évidents. Trois Aurors vous raccompagneront après notre entretien pour que vous puissiez leur montrer votre forge alchimique. Bien entendu, vous pouvez compter sur la discrétion du Ministère dans cette opération. Nous ferons en sorte qu’aucun étudiant ne soit témoin de cette perquisition pour vous éviter toute situation inconfortable dans votre travail de professeur. @Severus Rogue, vient d’être informé de notre venue prochaine par hibou postal. Si nous ne trouvons rien d’incriminant, ce qui sera le cas, je n’en doute pas, cela ne pourra de toute manière que nourrir votre défense. Sourire en demi-teinte, comme tout ce qui semble émaner de cette discussion. La magistrate vide sa tasse de café qu’elle dépose délicatement sur son bureau. Elle a abandonné l’idée d’offrir un autre breuvage au professeur. Il est clair que celui-ci ne compte pas l’accepter. Le mur érigé entre eux peine à s’effriter, maintenu par une méfiance tenace que la juge sent chez Black sans réussir à trouver un moyen de l’atténuer.
Moira Oaks est comme un oiseau de proie survolant les prairies pour repérer sa proie. Son œil acéré détecte la moindre faiblesse de son interlocuteur, le moindre changement dans son comportement. Parfois, elle donne l’impression de rendre l’usage d’un sérum de vérité complètement obsolète. Sa gestuelle est étudiée, ne distillant de cruciales informations qu’au compte goutte, quand le besoin se fait sentir. Chaque partie se méfie de l’autre. Pourtant, la langue de Regulus se délie. Sans être loyal au Ministère de la magie, il a à cœur de « plaire » à cette femme si haut placée et très estimée. Comme tout bon Serpentard bien né, il a apprit qu’il est important d’être bien vu des notables et de savoir se créer des relations utiles. Dans la position précaire qui est la sienne, cette stratégie devient vitale. Regulus n’a guère envie de « visiter » une geôle humide à Azkaban, surtout en se sachant innocent.
Cependant, son corps se détend légèrement lorsque la magistrate lui indique que les apparitions publiques du Ministre Potter sont déjà réduites au stricte minimum, avec sécurité renforcée. Mais si les théories du professeur se révèlent justes, ces précautions ne seront probablement pas suffisantes. L’ennemi veut la tête de Potter, et il ne s’embarrasse de rien. Et heureusement, il y a une femme de trempe, Moira Oaks, qui se trouve entre Potter et cet ennemi. Encore faut-il qu’elle soit orientée dans la bonne direction. Il ne connaît pas cette femme, mais il la sent dangereuse, aux abois et qu’elle entend trouver un coupable très vite. Le monde de la magie vacille, s’effraye, doute. Moira Oaks tient à prouver qu’elle est une figure solide, et que le Ministère est encore une force sur laquelle la population magique peut compter. Cette idée manque d’arracher un sourire sarcastique à Regulus. Il se reprend à temps. Il n’a jamais porté le Ministère dans son cœur, un fait commun à tous les Black, quelque soit leur allégeance.
Regulus Black sait pertinemment que malgré tous ses efforts, son nom flottera sur toutes les lèvres. Tout le monde continuera à douter de lui tant que le responsable ne sera pas attrapé, jugé et enfermé. Si Moira Oaks se demande pourquoi tant de collaborations de la part d’un ancien mangemort sur les dents, Regulus sait très bien que tant que forcené n’est pas trouvé, il n’a aucun espoir de vivre en paix, sans compter des répercutions sur sa famille. Les serres de l’oiseau de proie se referment sur le rongeur Black. Sans détour, elle attaque sur ses liens passés avec le cercle des mangemorts. Époque sordide où il découvre l’envers du décor des évènements qu’il imaginait glorieux. Ses mains se crispent. Il se rappelle quelques scènes horribles de crimes dont il se serait passé d’avoir participé. Il était jeune à l’époque, ignorant et sot. - Je n’ai plus fréquenté qui que ce soit depuis que j’ai quitté le Cercle, indique Regulus d’un air pincé. Aux yeux de mes anciens camarades, je suis un traître, même si aucun ne sait exactement ce que j’ai fait à l’encontre du Seigneur des Ténèbres. Je me suis fait passer pour mort et j’ai passé des décennies loin du monde. La seule personne que je fréquente de nouveau est Severus Rogue, autrement, je n’ai reprit contact avec personne et personne n’a cherché à prendre contact avec moi. Aux yeux de mes ex camarades, je ne suis pas digne de confiance. Son doigt tapote machinalement son genou. Réflexion faite, ce n’est pas tout à fait vrai. Mais la personne à laquelle il songe n’a jamais officiellement appartenu au Cercle. Pourtant, il ne peut nier sa dangerosité ni sa détermination. - Ma cousine Narcissa a essayé, mais elle a sans doute été très déçue de mes réponses évasives. Son air se fait plus sombre. Il se sent prisonnier des évènements. Quelle poisse ! - Mais je n’ai absolument aucun contact avec les Carrow. Je suis bien incapable de vous affirmer si leur implication est probable dans cette affaire. C’est bien ce qui m’ennuie. Maintenant, si vous souhaitez savoir qui, chez les nécromanciens, est assez douteux pour prêter main forte à un terroriste, j’ai quelques noms en tête. Mais je pense que vos propres spécialistes les connaissent aussi. C’est un monde assez restreint et ceux qui peuvent se prétendre nécromanciens sont rares. C’est pourquoi nos prestations se monnayent chers. Parfois très chers même. Et l’on revient à ce riche commanditaire… Les Carrow sont-ils assez riches pour organiser pareil coup ? Regulus ne sait pas. Les Lestrange ? Fort probablement. Les Nott également. Mais Camille Nott n’est pas dans les bonnes grâces de ses anciens camarades, à l’image de Regulus. Et il a lui même une fille qui pouvait très bien risquer de se trouver dans les parages du Ministre.
Dans le soucis de démontrer à tous qu’elle agit et poursuit toutes les pistes, Moira Oaks ose demander, sous couvert de la déférence, de pouvoir vérifier son laboratoire. Pendant un instant, l’homme reste figé dans une posture neutre, lointaine, énigmatique. Il ne se leurre pas, derrière la forme se cache une perquisition dissimulée. S’il accepte, Moira s’évite de la paperasse inutile, des maux de tête, et une perte de temps inutile. D’un autre côté, comme tout bon nécromancien, Regulus se hérisse à l’idée de voir son « jardin secret » envahi. Il garde certains secrets, et n’aime pas l’idée que l’on puisse mettre le nez dans ses sujets d’études. Oh, il n’a rien à cacher, mais le problème, c’est que ses notes sont toutes codées. Un ignorant pourrait fatalement trouver cela suspect. Sauf que dans les milieux de la nécromancie ou de l’alchimie, ce genre de pratique est monnaie courante et le moyen le plus efficace pour protéger ses découvertes. Mais s’il refuse, cela sera considéré comme encore plus suspect. Sans parler des ennuis que cela risque d’engendrer. Tiraillé entre deux positions, il est mal à l’aise. Ses sourcils se froncent, et finalement, il prend une décision difficile, radicale, même si c’est à contrecœur. Il doit faire fi de sa pudeur et de sa réserve s’il espère protéger par quelque moyen possible sa famille. - Soit, j’accepte que vous veniez vérifier mon petit laboratoire. Il est certainement préférable de pouvoir lire dans la gazette que Poudlard et ses professeurs ont pleinement collaboré dans la recherche du coupable que de voir que l’école se refuse à une quelconque collaboration. Il faut rassurer la population n’est-ce pas ? Crispé, légèrement furieux. Mais il s’y attendait au final. Les trois Aurors ont intérêt de se montrer corrects et aussi discrets que la Dame l’affirme. Il ne tient pas à subir en plus l’humiliation d’être au cœur de racontars. Il n’existe rien de pire que les racontars. Les gens se basent sur des faits pour broder les mensonges qui les arrangent. Apercevoir des Aurors dans son bureau, c’est prendre le risque d’entendre quelques heures plus tard que ses appartements ont été perquisitionnés et qu’il est sérieusement soupçonné par la Justice magique. - Et puis, ajoute-t’il en tentant de masquer l’amertume dans sa voix, j’imagine que Monsieur le directeur préfère que je me mette volontairement à votre disposition que de me voir faire face à des injonctions officielles. Cela ne lui fera pas particulièrement plaisir, mais l’idée qu’un meurtrier se soit glissé dans son personnel pour frapper au sein de son école et sous son nez doit lui apparaître comme infiniment plus déplaisant. Rien d’incriminant, hein ? En effet, il n’y a rien à trouver de dangereux. De toute manière, beaucoup de monde juge l’étude de la nécromancie comme douteuse et peu de monde considère ses adeptes comme digne de confiance. C’est pourquoi Regulus, malgré sa coopération ouverte et entière, reste méfiant quand à sa relation avec la magistrate. Une femme aussi séduisante, brillante et puissance peut tout aussi bien le protéger que le faire plonger. Il ne faut pas se leurrer, Severus a peut être le bras long, mais pas assez pour éviter tous les ennuis à ses employés. Surtout en ces temps troublés. S’il était à la place de cette femme, il trouverait très tentant de faire fouiller tous les appartements des professeurs. Mais c’est certainement une chose très compliqué à obtenir. Elle a des obligations de résultats, mais elle ne peut pas non plus risquer l’abus de pouvoir. La position de Regulus est certes précaire, mais celle de Moira n’est pas simple non plus. A chacun sa croix.
- Avez-vous d’autres questions, Mrs Oaks ? Le professeur de potions meure d’envie de retrouver l’air frais et la liberté. Non pas qu’il soit piégé dans ce bureau, mais il n’a pas non plus l’impression d’être en possession de sa pleine liberté. Il n’aime pas trop l’idée également de se retrouver escorté jusqu’à Poudlard par des Aurors. Mais il lui faudra faire avec. Au moins, cet entretien se sera avéré intéressant. Moira lui avait fourni quelques pistes, et inversement. Peut être que cette collaboration débouchera sur des suites intéressantes. Mais il a hâte de rentrer chez lui. Souffler, décompresser. Avant de se rappeler qu’avant, il doit subir une fouille de son laboratoire. Il serre les dents. Allez, ce n’est qu’un mauvais moment à passer.
L’inquiétude de @Regulus Black garde sa posture légèrement tendue, et celle de Moira peine à se relâcher en réponse bien qu’elle sente un certain lien s’établir entre eux au fil de leurs phrases. Car tous deux semblent avoir des positions plus ressemblantes qu’elle ne s’y attendait. Qu’importe la position de force qu’elle sait conserver par son statut, la Présidente-Sorcière n’a pas demandé à rencontrer le professeur pour lui faire avouer quoi que ce soit et cette entrevue devait avant tout lui permettre de se faire enfin une opinion de cet ancien mangemort dont le parcours atypique le distingue sans doute de tous ceux qu’on pouvait considérer autrefois comme ses frères d’arme.
Le discours du professeur est assez surprenant pour qui ne le connaît que de nom. La famille Black n’est pas réputée pour ses positions modérées malgré la notoriété qu’a acquis Sirius dans son engagement au sein de l’Ordre du Phénix et en donnant sa vie pour protéger Harry Potter. La marque au bras de Regulus ne s’accompagne évidemment elle aussi que des pires préjugés. Et pourtant, sa colère semble se diriger avant tout contre les instigateurs de l’attentat. De là à considérer Black comme un allié potentiel, il n’y a qu’un pas que Moira se garde bien de franchir. Mais la surprise demeure assez plaisante pour réduire quelque peu la tension de ses muscles.
Affichant une coopération déroutante, presque trop simple, Regulus Black affirme être resté à distance des anciens sous-fifres de Voldemort et se tenir même à l’écart de celle qui se plaît désormais à se faire appeler l’Enchanteresse. L’humilité n’a jamais été le fort de l’aristocratie, d’où qu’elle vienne. La juge grimace légèrement à cette pensée mais se ressaisit assez vite alors que l’évocation des Carrow s’accompagne de la liste des nécromanciens ayant potentiellement pris part à la création du monstre. - Je pense comme vous que nos listes de suspects se ressemblent. Mais il ne nous coûte rien de vérifier cela. Je vous laisserai donner la vôtre à nos enquêteurs si vous le voulez bien. Il serait dommage qu’un nom nous échappe… Sourire entendu, trop professionnel pour paraître vraiment chaleureux. Regulus Black ne lui en tiendra sans doute pas rigueur au vu des circonstances.
Le cœur de la Présidente-Sorcière accélère légèrement quand vient le moment de l’informer de cette perquisition à laquelle il ne pourra malheureusement pas échapper, qu’il l’accepte maintenant ou leur fasse perdre quelques heures le temps de lancer une procédure officielle, lourde et coûteuse, obligeant ses Aurors à débarquer en grande pompe à Poudlard. On a imaginé entrée plus discrète… Et un tel déploiement de moyens ne serait profitable ni à l’un ni à l’autre.
Moira sent la réticence du professeur de longues secondes, un réflexe qu’on ne peut que comprendre, quelles que soient les affaires dans lesquelles des inconnus annoncent vouloir mettre leur nez. La juge laisse à Regulus Black le temps dont il a besoin pour prendre sa décision, et sa posture se détend imperceptiblement quand elle l’entend finalement acquiescer. Un sourire en coin étire ses lèvres quand le cynisme du nécromancien formule ces considérations on ne peut plus politiques qui ont été inévitablement évoquées entre les murs du Ministère. Rassurer la population. Montrer qu’on agit. Affirmer sa force… Il leur faut bien faire tout ça pour éviter que des débordements ne s’ajoutent aux complications qu’imposent les Malefoy et leurs alliés. Et Moira n’a pas l’hypocrisie de le contredire. - Cela semble on ne peut plus nécessaire en effet. Le sourire de Moira s’élargit quelque peu alors qu’elle sent ces réticences que Black s’acharne à mater. Sa voix s’adoucit quelque peu, se voulant rassurante. - Je ne choisis pas mes hommes à la légère pour une telle mission. Les trois agents du Ministère qui vous accompagneront ont toute ma confiance. Ils sauront agir avec discrétion, vous avez ma parole. Répondez simplement à leurs questions et cette perquisition ne devrait pas prendre trop de temps. Bien entendu, notre expert en nécromancie sera votre interlocuteur privilégié. Un homme capable de comprendre les fonctions de nombre d’ingrédients inconnus pour tout sorcier non-initié et dont l’œil sera assez acéré pour repérer des choses qui ne colleraient pas avec le discours du professeur. Moira a insisté pour qu’il soit présent malgré son emploi du temps chargé. Les deux Aurors s’attarderont sur d’autres détails ne concernant plus uniquement la nécromancie.
Quelques secondes s’écoulent encore avant que Regulus Black ne les dirige lentement vers la fin de leur entretien. Voilà de longues minutes que leur joute a débuté, et Moira ne peut nier avoir elle aussi hâte de mettre fin à cette tension qui les enserre naturellement depuis l’entrée du nécromancien dans son bureau, bien que leur discussion ait été bien moins houleuse que celle à laquelle elle s’était préparée. Souriant avec sincérité, elle se redresse alors en soufflant : - Je ne pense pas pour le moment, monsieur Black. Je vais vous libérer. D’un signe de la main, elle invite le professeur à se lever pour l’accompagner jusqu’à la porte de son bureau qu’elle ouvre délicatement pour appeler sa secrétaire. - Holly ? - Oui, madame Oaks ? fait-elle en levant le new de ses papiers. - Pouvez-vous aller chercher Sanders ? Il sait pourquoi je le fais venir. - Bien sûr. J’y vais tout de suite. La jeune femme bondit de son siège et s’échappe dans les couloirs, ses talons claquant énergiquement sur le carrelage du département.
Les quelques minutes qu’il leur reste permettent à Moira de glisser quelques derniers mots, d’une voix plus basse, comme une confidence. - J’aime à croire que nous sommes du même côté, monsieur Black. Elle tourne le regard vers lui à la fin de sa phrase. - Nos précédentes allégeances pourraient n’inspirer chez nous que de la méfiance. Soyez pourtant assuré d’une chose : je ne vous considère pas comme un ennemi. Puis, plongeant son regard dans celui du nécromancien, elle achève d’un ton plus grave - J’espère que vous ne me donnerez pas de raison de changer d'avis.
C’est ce moment que choisit Holly pour reparaître aux côtés d’un grand Auror aux épaules larges et au visage avenant éclairci par ses cheveux blonds coupés courts. Il porte un pantalon de costume sombre et un veston bien ajusté qu’il n’a cependant pas complété par une cravate qu’il a tendance à considérer comme trop « cérémonieuse ». Ca veste cintrée souligne élégamment sa taille. Il tient un long manteau d’hiver à la main et sourit en arrivant à la hauteur de Moira. La Présidente-Sorcière lui rend son sourire en débutant les présentations. - Monsieur Black, je vous présente Drek Sanders, un de nos meilleurs Aurors. C’est lui qui sera en charge de la visite de votre laboratoire. Elle évite le terme « perquisition » à escient, consciente que tout le monde ici sait pertinemment de quoi il en retourne. Sanders a un sourire quelque peu gêné en entendant le compliment de la Présidente-Sorcière bien que ce ne soit pas le premier qu’elle fasse en sa présence. Tous deux travaillent ensemble depuis de nombreuses années et ont eu plus d’une fois l’occasion de se montrer leur estime mutuelle et cette confiance qu’ils se vouent. L’Auror tend au professeur une main ferme avant de l’inviter à le suivre pour rejoindre le reste de l’équipe. Il s’écarte alors de quelques pas le temps de laisser à Moira le temps de saluer Regulus Black.
La Présidente-Sorcière le regarde quelques secondes encore, tente de se convaincre d’être dans le vrai quant à ses impressions. Cet homme ne peut pas être foncièrement mauvais. Elle en est convaincue.
Délicatement, elle lui tend une main chaleureuse et lui dit avec sincérité : - C’était un plaisir de vous rencontrer, monsieur Black. J’espère que nous nous recroiserons dans des circonstances plus agréables que celles-ci. Elle lui sourit alors et le laisse rejoindre Sanders, l’accompagnant de son regard jusqu’à ce qu’il disparaisse dans les méandres des couloirs.
Le temps s’est comme ralenti dans le bureau de la Présidente du Magenmagot, renforçant le sentiment d’oppression qui étreint nos deux protagonistes. La tension est telle, que l’un comme l’autre ont les muscles bandés. L’un pour quitter ce bureau en cas de soucis, l’autre pour l’intercepter en cas de fuite. Heureusement, ce cas de figure n’arrive point et leur discussion arrive à sa conclusion.
Mrs Oaks montre quelques signes, discrets, et qu’il faut savoir percevoir, d’apaisement. Regulus ne baisse pas sa garde pour autant, méfiant comme le serait un mari soupçonneux à l’égard de sa femme qu’il imagine infidèle. Il suit Moira quand elle l’accompagne à la sortie de son bureau, et l’écoute poliment lui assurer de la qualité et de la discrétion de ses hommes de main. Il en jugera lorsqu’il les verra. Mais au moins, il échappe à une perquisition officielle.
La secrétaire les quitte pour aller chercher le dénommé Sanders, qui est au courant de toute l’affaire. Un léger frisson parcours le corps du professeur de Poudlard. Comme imaginé, cette femme l’a « invité » dans son bureau en ayant tout planifié. S’il s’était montré résistant à toute coopération de bon gré, nul doute qu’il n’aurait jamais quitté le ministère libre et la tête haute. Une femme dangereuse. Encore une. A croire que les femmes, quand la guerre toque à leur porte, possède cet instinct surprenant et effroyable de métamorphose la douce créature en lionne féroce. Une combativité et une efficacité déployée certainement à la sauvegarde du foyer chéri.
Profitant de l’absence de la secrétaire, Mrs Oaks se montre plus intime, si l’on puis dire. Comme un chat ronronnant, elle se permet ce qui s’apparente à quelques confidences, même si le danger transperce derrière ces mots. Elle se félicite de se voir dans le même camp tous les deux et ne le considère pas comme un ennemi. Sa dernière phrase sonne comme un avertissement.
- Madame, sur cette affaire nous sommes alliés, insiste-t-il d’une voix tout juste audible. Mais soyez certaine également que je ne compte pas non plus devenir un partisan du Ministère de la magie. Tant que nous avons des objectifs communs, je saurai me montrer coopératif. Mais n’espérez pas faire de moi un soutien loyal à Mr Potter. Comme un certain nombre de gens, je suis sceptique sur sa capacité à gérer et fédérer la communauté des sorciers.
Il n’ajoute pas non plus qu’il ne fait pas confiance à un jeune sorcier qui a vaincu l’un des plus grands mages noirs de tous les temps dans de mystérieuses conditions, incapable d’expliquer comment il s’y est pris, et pourquoi il n’est réapparu qu’après un an sans avoir jamais donné le moindre signe de vie.
L’énergique Holly revient bientôt, accompagnée d’un Auror qui respire la compétence. Mrs Oaks se montre flatteuse à son égard, ne tarissant pas d’éloges. L’homme rougit, gêné, mais appréciant de voir ses qualités louées par sa supérieure. Visiblement, il lui est dévoué. Regulus se retient de renifler de dédain. Il est important pour lui de paraître sous son meilleur jour aux yeux des autorités ministérielles.
- J’espère que Mr Sanders appréciera sa petite visite, se pique l’ancien mangemort.
La magistrate le quitte après une poignée de main infiniment plus chaleureuse que ne l’a été le reste de l’entrevue. Visiblement, elle ressort de leur entretien enchantée. Le professeur ne sait pas de quoi il en retournera par la suite, mais il a la certitude d’être parvenu à assurer ses arrières, tout en ayant déjà pas mal manigancé pour récupérer légalement l’héritage dont il a été privé.
- Je suis également ravi d’avoir fait votre connaissance. Quand cette histoire se sera tassée, je pourrais sans doute vous inviter chez moi. Ma fille est une grande admiratrice de Mr Potter et je ne doute pas de son intérêt potentiel pour une femme telle qui vous, qui œuvre pour le ministre.
Dans une tentative de paraître aimable, sa bouche sort une vérité qui lui est désagréable. Edwa ne lui facilite pas la vie, et sa jeunesse ne lui permet pas encore de voir le monde avec la circonspection adéquate. Elle ne sait rien des doutes de son père, et ne saurait encore comprendre pourquoi cette réticence affirmée à l’égard du pouvoir exercé par le héros du monde magique.
Un héros brille par sa vaillance, et ses faits d’armes, mais il n’est pas toujours la personne appropriée pour mener une population, surtout en période de paix. Même si l’équilibre est précaire, la guerre n’est pas encore ouverte. Ce ne sont que des passes d’arme timides, et seul le terroriste recherché s’est déclaré réellement en ennemi à abattre, ouvrant le feu, saignant à blanc un ministère encore vacillant.
Regulus passe devant Sanders, et s’engouffre dans les couloirs du département de la justice magique. L’écho des pas derrière lui témoigne que l’Auror le suit, bientôt rejoint par d’autres, certainement ses camarades désignés pour la mission. Une visite, hein ? Blessé dans son égo, Regulus n’a d’autre choix que de voir son intimité violé avec sa bénédiction, afin de se faire disculper. Narcissa aurait certainement bien des choses à dire à ce sujet, mais faire profil bas est une nécessité pour le moment.
Quelques têtes se tournent vers le groupe étrange que constitue les trois enquêteurs dépêchés par Moira Oaks qui précédaient le professeur de potions. Bien qu’il ne portait pas d’entraves, une rumeur commença à enfler à son sujet :
« Il se passe quelque chose autour du Professeur Regulus Black».
Les sorciers ne se disent pas un mot, ils transplanent une fois arrivés dans l’Atrium. Poudlard a été prévenu de leur arrivée et du sujet de leur mission. Regulus serre les dents, espérant que cette journée s’achève bientôt et que ces larbins le laissent vite en paix une fois leur labeur achevé.