« Vous plus que tout autre savez l’immensité de la tâche qui nous attend avant que l’année ne commence sous les meilleures auspices Severus, et ô combien nous en sommes loin. » avait-elle lâché d’un ton abrupt, en dardant ses yeux clairs dans le sombre regard de l’encapé de noirceur. « Je n’aurais pas dû croire que vous laisseriez une chose ridicule comme mourir se mettre en travers de votre chemin, alors que vos obligations envers Poudlard vous appelaient. »
C’est une des premières choses que Minerva McGonagall avait soufflé à son collègue de vingt ans et désormais directeur, alors qu’il revenait d’entre les morts et embrassait du regard les ruines branlantes et travaux titanesques secouant Poudlard. À en croire les récits, il n’y avait pas un mais deux Survivants réchappés du courroux du Seigneur des Ténèbres, deux destins contraires et pourtant entremêlés dont les nœuds et rencontres ne manquaient pas d’érafler le monde balbutiant de la magie.
Presque quatre années s’étaient maintenant écoulées depuis le retour de Severus, et, sans qu’il n’y ait forcément de lien de cause à effet, le monde n’était pas encore tombé en miettes. Minerva s’en réjouissait, autant qu’une vieille sorcière écossaise au cuir tanné pouvait s’en réjouir : avec modération, l’air réservé et les narines pincées. Aussi demeurait-elle méfiante et vigilante, surtout quand la nouvelle d’une rencontre entre le Ministre de la Magie, le bien-aimé Harry Potter, et le Directeur de Poudlard, le moins-adoré Severus Rogue, se lova dans son oreille. Circonspecte mais pas opposée, elle avait accusé réception de la nouvelle sans donner l’impression d’y accorder grand cas, se replongeant derechef dans la lecture d’un article – pourtant moyen et approximatif – du Mensuel de la métamorphose. Tout au plus jetait-elle de temps à autre quelques œillades dans le parc, depuis sa fenêtre elle avait bonne vision de qui entrait et sortait de l’école, et ne manquerait pas de cueillir le fruit encore mûr.
Car, si elle se serait bien abstenue d’abrutir le Directeur de conseils et sermons avant son siège du ministère, il était tout bonnement indispensable qu’elle ait un compte-rendu frais de la rencontre – ne serait-ce que pour savoir si Potter allait investir l’école d’une armée d’Auror à la première lueur du jour prochain.
Et enfin elle le vit, virant dans l’herbe grasse en direction des imposantes portes d’entrée. Le visage indéchiffrable, elle lui trouva néanmoins l’œil curieusement vaporeux, peut-être même soucieux, à moins qu’une buée sur ses lunettes et une appréhension de l’esprit lui en aient donné l’illusion. Quelle que soit la réalité, elle ramassa promptement ses robes – d’un vert bouteille soutenu, tissu lourd et velours – et prit le chemin de l’entrée, non sans sur sa route vilipender deux premières années qui se coursaient en poussant de petits cris d’animaux.
Elle s’était souvent demandée, alors qu’elle avait été mise au courant par Albus du dangereux double-jeu adopté par son espion et informateur, ce qu’il adviendrait de Severus Rogue quand tout serait fini. S’il survivait. Elle avait imaginé qu’il serait un jeune garçon perdu, un Peter Pan moderne dérivant dans le néant maintenant que le but de son existence était atteint. Minerva avait un château empli de filles et garçons perdus, généreusement produit par une seconde guerre des sorciers violente et mortelle, et plus d’expérience qu’elle n’en avait jamais voulues pour les aider à retrouver leur chemin. Et quand elle vit émerger Severus, sa haute et sombre silhouette dessinée par le contrejour, une impression douloureuse fila dans sa colonne vertébrale et c’est le visage grave qu’elle le livra à une étude soutenue de son expression et de sa démarche.
« Severus » Un accueil courtois et habituel, bien qu’une oreille avertie puisse discerner une lichette d’inquiétude au fin fond de l’intonation de la lionne. « Vous n’êtes pas enchaîné ni flanqué de miss Granger. Bien. » Pas de quoi défriser son chignon savamment serré sous son chapeau de sorcière, donc. « Est-ce présomptueux de croire que votre… Entrevue s’est bien déroulée ? » Elle répugnait à prononcer le mot convocation, son expérience du maître des Potions lui faisant croire qu’il goûtait peu à l’autorité du Ministre.
Un élève de Poufsouffle laissa traîner ses yeux curieux dans leur direction et chuchota avec une discrétion toute adolescente à l’oreille de sa camarade, ce qui lui attira l’attention et la remarque du Professeur McGonagall, loin d’avoir perdu la main en la matière. « McSmith, vous me devez deux rouleaux de parchemins sur les sortilèges de transfert. Pour hier matin, si je ne m’abuse. » Le ton sévère fit perdre son sourire et ses couleurs au malheureux. « Je les attends ce soir sur mon bureau, où Poufsouffle perdra cinq points. Vous feriez mieux de ne pas traîner. »
834 mots
Cecil A. Selwyn
MONSIEUR LE DIRECTEUR
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Lénifiante sensation glisse sur la vieille carcasse d’une chauve-souris dépenaillée. Cimier blanc flanche sous le hurlement lugubre des vents balayant la lande. A-pic. Falaise où se fracasse l’écume bouillonnante. Suinte l’argent miroitant de la tempête, réfléchi dans les nuées par le tintamarre d’une tempête approchant. Le ciel bas crache ses nuages, gueule ses ouragans à venir. Et les flots se déchaîneront dans un avant-goût d’Apocalypse. Les vagues cavaleront jusqu’aux rocs, écraseront les remparts, s’infiltreront dans les moindres fêlures. Le pan de terre s’effondrera, et il n’en restera plus que miettes éparpillées par le courant. Impétuosité d’un changement à venir. On ne peut endiguer les ondes pas plus que l’on ne peut empêcher le perpétuel mouvement des âges. On ne peut que canaliser de toutes ses forces l’eau en priant pour les mutations se fassent en douceur.
Potter… Potter est cette flotte qui grignote le territoire de ma conscience d’une crise sans précédent. Prendre la marque dans mes jeunes années était allé de soi, aussi stupide que fût-ce cette décision. Abdiquer ma folie pour une autre au nom d’une brassée de Lys était aussi une évidence. Rien, dans cette nouvelle route, n’a la saveur de la flagrance ni l’odeur de la certitude. Tourbillon chaotique gonde sous le derme, dans le crâne. Tempêtent mille et une raisons de poignarder cet allié temporaire. Y répondent autant d’arguments faisant ployer le genou dans une vassalité nouvelle. Servir. Le vœu de toute une vie. Deux maîtres, déjà. Troisième cahote-t-il sur mon chemin ? L’échine d’un homme de main peut-elle longuement se rêver dépourvue de la pesanteur du joug ?
L’école est non loin. Quelques heures de marches, un battement de cil en transplanant. Les éléments se prennent dans mes robes pour arracher la noirceur démesurément infime de ma silhouette au promontoire où elle s’est hasardée. Tache dans le décor. Irrégularité dans l’étendue viride de la plaine balayée par les bourrasques. Pour un peu, je ferais figure de trist’Icare. Tant voulut-il s’élever vers la radieuse Liberté qu’il en heurta le sol de la servitude. Poudlard peut attendre encore le temps de quelques soupirs son auguste tête couronnée. L’oeil noir flamboie sous les nuages d’onyx. Tourmente clame le monde. Déferlement d’eau, d’air, de foudre. Orageux présages brunissent le ciel d’une inquiétante nuit.
Potter m’a bouleversé. Plus que je ne pourrais le croire. Plus que je ne veux l’admettre. Solitude et fracas des éléments répondent au bris de la contenance d’un espion retraité. Ironie. Se faire moucher par un marmot devenu homme. Un lion devenu serpent. Albus aussi avait cette finauderie, le gamin est allé à bonne école. Mnémos. Souvenance jaillit avec force, embrase l’esprit des occultes saignées d’une réalité trop pesante : Harry James Potter, fils de mon ennemi, gamin turbulent, héros du monde magique n’est autre qu’un roublard petit orvet couvant sous la crinière enflammée des Griffons. Réalisation m’arrache un amer éclat de rire. Hilarité tonitruante grondant. Folie. Folie ministérielle. Folie directoriale. Folie dictatoriale. Empires dansent sur la toile encor’ vierge d’un monde de la magie à reformer. Pour un peu, le rêve de Potter se ferait presque sulfureuse séduction.
Paume jetée sur le front, passée sur le visage tandis que flanchent les premières larmes célestes. Bientôt, l’averse clamera la terre pour sienne et l’abreuvera de sa confuse désespérance. Il est temps de rentrer, Minerva doit attendre. Crac. Et les perles de cristal s’abattent sur néant.
Le ciel est couvert aux abords de Poudlard, mais non pas encore chargé de tempête. Les quiètes bourrasques murmurent chanson tandis que je remonte l’allée, pensif. Claque cape au vent, dansent mèches d’argent sur les tempes. Et les obsidiennes flamboient, incertaines. L’émotion frissonne sous la carne, se délecte d’une carcasse brûlante d’indécision. Vocifère dans la brûlure de mes pensées une plaie béante : le fil est rompu, une sorcière a parlé. Strict chignon remonté sur la nuque. Maintien droit, engoncée dans ses sempiternelles robes vertes. L’écossaise est, dans ces landes, sur un fief fait sien. Sous-directrice, elle pourrait pourtant sans rougir clamer cette école comme sienne, et il est plus qu’évident que les vieilles pierres qui l’environnent sont sa demeure. Familière des lieux, des landes, des forêts, l’on ne pourrait imaginer l’Écosse sans Minerva McGonagall pour faire claironner son essence dans chacune des fibres de sa personne.
« Severus. Vous n’êtes pas enchaîné ni flanqué de miss Granger. Bien. Est-ce présomptueux de croire que votre… Entrevue s’est bien déroulée ? - Minerva, voyons. Depuis le temps que vous me fréquentez, vous devriez savoir que je suis un parfait gentleman lorsqu’il s’agit de notre Ministre. »
Ironie mordante dénuée, pourtant, de la moindre agressivité. Tout au plus la caresse d'un sarcasme. Voilà qui aurait été inenvisageable dans nos poupines années. J’ai haï Potter avec la même force que je révère sa mère. Douloureuses constatations de flambées trop extrêmes d’un cœur bien moins glacé, bien moins sec qu’on pourrait le croire.
« McSmith, vous me devez deux rouleaux de parchemins sur les sortilèges de transfert. Pour hier matin, si je ne m’abuse. Je les attends ce soir sur mon bureau, où Poufsouffle perdra cinq points. Vous feriez mieux de ne pas traîner. »
Sourire à peine esquissé, trop bref pour être saisi. Contrarier la mère des lionceaux n’est jamais une lumineuse idée, et le « jeune homme » que je suis aux yeux de la doyenne du corps professoral – exception faite de Madame Selwyn évidemment – n’a pas oublié les leçons apprises de ses cours de métamorphose et de sa fréquentation en tant que collègue. Vingt-trois années, désormais. Clepsydre s’est remplie à vue d’oeil.
« Minerva, je ne doute pas que vous préfériez que nous ayons cette discussion autour d’un bon repas, et le déjeuner s’apprête à être servi, n'est-ce pas ? Menez donc la danse, je vous en prie. »
Geste courtois de la paume invitant la collègue, l’égale, l’amie à le précéder dans la Grande Salle où se sont déjà regroupés membres du personnel – sauf la plus vampire d’entre eux – et élèves. Prendre place, souhaiter à tous un bon appétit, et voici le corbeau trônant aux côtés de la Lionne.
« Allez-y, Minerva, demandez-moi comment va votre lionceau préféré, je sais que vous en mourrez d’envie. »
Le visage est impassible. L’éclat de rire ne flamboie guère que dans une prunelle habillée de ténèbres, y allumant tout juste assez d’étoiles pour dissimuler l’esquisse d’un trouble.
Difficile de lire le parfait gentleman. Ni ses traits, ni sa posture, ni même l’intonation de sa voix ne trahissent tempête ou accalmie, comment, dès lors, savoir où le vent tourne ? Minerva est femme de méthode et de franchise, sans doute d’ailleurs est-ce pour cela que le Choixpeau lui a préféré la tour de Gryffondor à celle à l’est du château, domaine des aiglons. Aussi posa-t-elle directement la question au directeur, avec, toutefois, un espoir prudent qu’il lui réponde tout-de-go. Sans doute est-ce une fantaisie de directeur, bien souvent ces hommes-là rivalisent d’esprit pour cacher les tréfonds de leurs cœurs. Feu Albus excédait dans l’exercice, au grand dam de celle qui s’essayait parfois à être davantage son amie que sa sous-directrice.
Harponner un élève d’une bienveillante remontrance, laisse le temps à Severus de soupeser ce qu’il souhaite révéler de ce qu’il préfère éclipser. Vieille lionne n’a pas besoin de tout savoir – tout savoir amène à la morosité, au désespoir et à la folie ; tout savoir renferme, solitude et poids du monde deviennent alors seuls compagnons. Elle ne voit pas le fantôme de ce sourire, pourtant celui-ci est rare et précieux. De sa mémoire – infaillible – de Professeur, McGonagall ne se souvient guère des risettes du jeune Rogue. Elève discret, morose, solitaire, doué également, elle en reconnut aisément les traits quand il revint à Poudlard comme collègue et maître des Potions. La mort, la presque-mort, semblait l’avoir changé. Comment pouvait-il en être autrement ?
« Minerva, je ne doute pas que vous préfériez que nous ayons cette discussion autour d’un bon repas, et le déjeuner s’apprête à être servi, n'est-ce pas ? Menez donc la danse, je vous en prie. » « Vous veillerez à ce que votre récit ne vienne pas m’étouffer, Severus. J’ai entendu Thelma chuchoter qu’elle avait préparé des dundee cakes pour le dessert, je reviendrais probablement vous hanter si vos révélations me foudroyaient avant d’avoir pu y goûter. »
Un hochement de tête entendu plus tard, Minerva suivait l’invitation et gagnait le chemin de la Grande Salle d’où bourdonnaient déjà glapissements d’élèves, clameurs et rires, mélodie qui réchauffait les vieux os de celle qui, pour rien au monde, ne se priverait de leurs chants. Installée dans le siège qu’elle n’avait pas quitté depuis plus de quarante années – par Merlin ! – les yeux clairs de la lionne caressent quelques visages ébaudis et gourmands, qui bientôt ripaillent et ne les regardent plus. Elle a toujours apprécié la disposition de la table des professeurs et du personnel, face à leurs étudiants, rendant leurs conversations à la fois centrales et secrètes. Et c’est une bonne chose car ainsi, aucun élève ne put entendre le pépiement faussement courroucé de la couveuse prise sur le fait.
« Allez-y, Minerva, demandez-moi comment va votre lionceau préféré, je sais que vous en mourrez d’envie. » « Non-sens. Je ne suis pas gâteuse, mais une sorcière expérimentée qui se soucie du devenir du monde de la magie. » La sévérité des traits s’étale quelques secondes suspendues, laisse croire à la gravité des propos, mais l’illusion ne dure qu’un temps et pomme ridée s’étire dans un sourire discret, puis joue avec son âge, gagatise. « Dîtes-moi plutôt comment se porte le petit Potter. »
S’il était mort, blessé, en mauvaise posture politique ou tout autre cataclysme de ce genre, elle était certaine d’être rapidement mise-au-courant. Tous les projecteurs semblaient tournés vers le Ministère en ces temps troublés, et le malheureux Survivant demeurait l’objet de toutes les spéculations. Même si elle le trouvait sensé, progressiste et affuté dans son présent poste, Minerva aurait sans doute préféré que Potter s’abstienne d’occuper cette place ingrate. Le garçon avait suffisamment fait pour eux tous.
« Contenez votre étonnement, mon très cher directeur, mais je suis tout aussi intéressée d’apprendre si les échanges vous ont conforté dans vos certitudes. Car, j’imagine, que le Ministre avait l’intention de les bousculer. » Derrière ses lunettes carrées, ses yeux balayèrent le visage de son collègue et ami. « Et Potter a toujours eu un don quand il s’agissait de vous soutirer quelques réactions. » À dire vrai, elle n’avait connaissance d’aucun autre élève en face duquel Severus avait pu perdre son sang-froid. « Le garçon excelle dans l’art d’attirer le grabuge, et son insolence rivalise avec sa bonté de cœur. » C’était ainsi qu’elle se le figurait, mais elle avait depuis réalisé avec une forme d’effroi que si elle pensait bien connaître l’enfant Potter, le Ministre lui était plus vague et mystérieux.
« Vous-a-t-il réclamé le soutien de Poudlard ? » La rose de discorde posée là, Minerva ne prit pas la peine de l’agiter plus brusquement. Sa propre opinion sur le sujet était tourmentée, bien qu’elle puisse certifier que jusqu’alors, elle et Severus n’avaient pas partagé la même.
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Cecil A. Selwyn
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S’il est une activité bénie de Merlin dont seule la place de Directeur de Poudlard sait octroyer le privilège, c’est bien celle des discussions avec la vieille écossaise. Ou plutôt, le privilège de pouvoir se défendre lorsqu’on se fait houspiller par elle. A l’inverse, elle sait qu’elle a toute latitude en matière d’irrévérence, de sarcasme et de galéjades lorsqu’il s’agit de nos discussions. Y a-t-il plus bel esprit que le sien ? Vif et acerbe, incisif et tranchant comme un lame. Bien entendu, personne ne me l’entendra jamais reconnaître. Pas à haute voix, en tous cas. Ces décennies passées à ses côtés et sous sa supervision font d’elle ce qui est probablement le plus proche d’une figure maternelle à mes yeux, et quoi que je ne fus jamais de ces frondeurs enrubannés d’or et de vermeil, je n’en ai pas moins une confiance absolue en Minerva McGonagall, la lionne des Highlands.
Sa voix tinte, brûlant de cette sécheresse austère si caractéristique lorsqu’elle se prend à moquer son supérieur, usant et abusant des privilèges de l’âge et d’une bienveillante amitié.
« Vous veillerez à ce que votre récit ne vienne pas m’étouffer, Severus. J’ai entendu Thelma chuchoter qu’elle avait préparé des dundee cakes pour le dessert, je reviendrais probablement vous hanter si vos révélations me foudroyaient avant d’avoir pu y goûter. »
Tandis qu’elle hoche gravement la tête, je fronce imperceptiblement un sourcil, affichant une mine soucieuse de plus belle composition.
« Plût à Merlin que nous soyons épargnés de votre spectrale présence dans les murs du château, Minerva. Je vous préfère bien vive et en bonne santé, si cela ne vous ennuie pas : je sais au moins que sous cette forme, vous n’avez aucunement le pouvoir de faire irruption dans mon bureau au coeur de la nuit pour trouver à redire sur mes horaires de sommeil ! »
Facétie prompte sans doute à susciter quelque verte réponse de sa part. Mais où serait le plaisir d’une discussion à bâtons rompus avec le plus vif esprit du domaine ? Claquent les pas tandis que nous remontons l’allée de la Grande Salle pour s’en aller quérir repas. Les victuailles emplissent les plats, l’allégresse monte des quatre tables que je surveille du coin de l’oeil par acquis de conscience. Mine sévère, réprimande sèche roule dans la gorge de Minerva.
« Non-sens. Je ne suis pas gâteuse, mais une sorcière expérimentée qui se soucie du devenir du monde de la magie. »
Avant que ne naisse un masque nouveau sur ses traits. L’affable grand-mère aux yeux pétillants. Jeu de rôles taquin.
« Dîtes-moi plutôt comment se porte le petit Potter. - Je sais que vous me le demandez pour me faire plaisir, Minerva, c’est gentil d’avoir pitié du vieux Directeur que je suis. Pour répondre à votre question... »
La paume crochète la coupe où dort une eau parfaitement limpide, les lèvres en avalent une gorgée.
« je dirais que Monsieur Potter tient une forme olympique pour ce qui est de faire enrager ses anciens professeurs en plus d’avoir acquis les allures ridicules des politiciens à la petite semaine. »
La lionne ne s'émeut et gouaille avec sa finesse d'analyse coutumière. Je n'ai jamais su qui d'Albus ou de Minerva était le plus redoutable.
« Contenez votre étonnement, mon très cher directeur, mais je suis tout aussi intéressée d’apprendre si les échanges vous ont conforté dans vos certitudes. Car, j’imagine, que le Ministre avait l’intention de les bousculer. Et Potter a toujours eu un don quand il s’agissait de vous soutirer quelques réactions. - Indubitablement... »
Marmottement sombre. Je ne puis dire le contraire, et Potter a réussi à m’arracher bien plus que je ne veux l’admettre. L’entrevue secoue encore chacune des fibres de mon corps d’un effarement et d’une indécision des plus troublants.
« Le garçon excelle dans l’art d’attirer le grabuge, et son insolence rivalise avec sa bonté de cœur. - Pour l’insolence, je dois admettre que Potter s’est singulièrement assagi. En matière de grabuge, cependant, je crains que vous n’ayez fini de voir blanchir votre coiffe, Minerva. Notre Ministre a assurément son lot d’opposants, même au sein du Ministère. »
Quelle ironie qu’il en soit réduit à proposer alliance à sa deuxième némésis de toujours. Moi. J’avale distraitement une nouvelle gorgée d’eau alors que Minerva s’emploie, avec sa justesse coutumière à semer la discorde avec élégance et raffinement. Une question. Une seule suffit à crisper délicatement mes phalanges sur le récipient entre mes doigts.
« Vous-a-t-il réclamé le soutien de Poudlard ? »
La coupe est posée sur la table dans un geste mesuré. Le tremblement de la paume trahit le trouble bien que le visage demeure impassible.
« Il a demandé mon soutien personnel, ce qui, en tant que Directeur de l'établissement, revient sensiblement à la même chose que d’exiger le soutien de Poudlard dans l’opinion publique si cela s’apprend. »
Je suis coupé dans mes réflexions par un chahut venant de la table des Serdaigles. Un collègue a tôt fait de bondir et sévir. Quelques premières années se voient gratifier d’une retenue tandis que je m’abîme dans un silence agité. Les doigts pianotent dans le vide, geste mécanique et inconscient que je ne puis retenir.
« J’ai eu du mal à le reconnaître, je dois l’avouer. »
Minerva McGonagall pourra-t-elle déceler la vague étincelle de curiosité dans l’oeil d’un Directeur déboussolé ?