Les talons de la Présidente-Sorcière claquent d’un rythme martial dans les couloirs, tempo net et réguliers que certains employés reconnaissent trop pour se risquer à le perturber. Moira Oaks est en mission, déterminée, inarrêtable. On baisse les yeux à son approche. On prie pour ne pas être la cible de ses furies. Tout le département semble soudain mystérieusement accaparé par son office, le regard rivé sur un morceau de parchemin, les photographies d’un dossier ou un quelconque objet magique. On évite de croiser son regard. On prétend ne pas l’avoir vue. Mais la juge n’y prête aucune attention. Que ses subalternes se soulagent : c’est un jeune homme de bien plus d’importance qu’elle compte tourmenter ce soir.
Moira se souvient de la raideur soudaine de son dos quand la note de service a atterri dans son bureau dans la matinée. Une simple note de service, commune à tout l’étage. Potter voulait engager des volontaires parmi les Aurors pour aider à la traque des ennemis du Ministère et devait exposer ses nouvelles dispositions à la presse dans la journée. Il a fallu trois lectures à la Présidente-Sorcière pour s’assurer qu’elle comprenait bien les mots encrés sur le petit bout de parchemin, puis elle est allée écouter la rumeur au sortir de la conférence pour se convaincre qu’il avait bien choisi cette voie. Depuis lors, Moira a fait les cent pas dans son bureau, a hésité plusieurs fois à débarquer à chaud dans celui de Potter pour lui dire sa façon de penser. Car cette stratégie est dangereuse pour le Département de la Justice. Très dangereuse.
Pourtant, elle rejoint Potter sur un point : les équipes du Ministère ont besoin de renfort, et chaque journée noyée dans la surcharge de travail est du temps supplémentaire alloué aux fugitifs pour rendre leur traque plus difficile encore. Trop de mangemorts courent encore les rues, et trop peu d’Aurors sont à pied d’œuvre pour mener correctement les recherches. La Présidente-Sorcière craint qu’une nouvelle armée noire se prépare dehors, les vaincus unissant leurs forces pour frapper une seconde fois et mettre enfin à genoux les institutions qu’ils abhorrent. Potter n’a par ailleurs pas attendu pour se faire de nouveaux ennemis, y compris dans les rangs de ses anciens partisans. On dit que George Weasley lui-même travaille à le faire tomber, et qu’il est loin d’être le seul à s’être laissé séduire par les promesses ennemies.
Le département déjà surchargé craint chaque jour un nouvel attentat et de trop faibles moyens pour y répondre. Recruter paraît tomber sous le sens. Et pourtant… Engager des civils est une absurdité, à tel point que la Présidente ne comprend même pas comment Potter a pu sincèrement y songer. Alors que les Aurors croulent déjà sous le nombre incalculable de dossiers en cours, voilà qu’on leur mettrait dans les pattes des sorciers sans formation, ou si peu, qu’il faudra préparer, surveiller, protéger… Qui s’occupera de ces formations expresses, par ailleurs ? Et qui vérifiera les états de service de ces dévoués volontaires ? Cette « réserve » est la porte ouverte aux espions de toute part, qu’ils soient anciens mangemorts, nouveaux insurgés, ou informateurs étrangers venus fouiner dans les affaires anglaises. Son organisation demanderait plus encore de moyens que ce qu’elle peut en donner, Moira en est persuadée. Et elle ne peut laisser son département courir à la ruine sans tenter d’arrêter l’instigateur de sa perte.
Harry Potter a eu la bonne idée d’installer son bureau non loin du sien. Même étage. Même ambition. Et pourtant, des opinions qui diffèrent sur tant de points. Mais si la divergence d’idées est une chose dont Moira pourrait s’accommoder, le mépris caractérisé de leur jeune ministre lui est intolérable. Elle frappe à la porte d’un air déterminé, attend qu’on l’autorise à entrer, puis pénètre dans l’antre du pouvoir exécutif. Son geste se fait sans violence. Sa voix ne s’élève pas. - Monsieur le Ministre, auriez-vous un moment à m’accorder ? Le ton est respectueux mais ferme, tout comme son regard alors qu’elle referme la porte derrière elle. Elle fait quelques pas dans le bureau sans toutefois trop s’avancer, croisant les bras sur sa veste de tailleur. Elle n’entame pas tout de suite son plaidoyer, certaine que Potter sait déjà la raison de sa venue et soucieuse de lui laisser le temps de retrouver les arguments qu’il a dû préparer toute la journée pour la contrer. Le regard de Moira se fait immédiatement happer par les traits juvéniles de son vis-à-vis, et le vert si familier qui teinte ses iris. Un instant, sa colère tressaille, comme tiraillée par les sentiments contraires que lui inspire toujours ce garçon. L’ardeur de ses désaccords se fond dans la clémence qui naît dans son cœur chaque fois qu’il s’agit de lui. Elle se demande encore souvent ce qu’il fait dans ce bureau du haut de ses vingt-trois ans, s’il a lui-même désiré cette place ou s’il n’a accepté ce poste que sous une pression populaire impossible à gérer à son jeune âge. Elle se demande s’il dort convenablement la nuit ou se rend fou à disséquer à des heures trop tardives les lourdes responsabilités qui pèsent aujourd’hui sur ses épaules. Elle se demande comment il se porte, si sa condition lui sied plus qu’elle ne le pense. Ses prunelles claires tentent de discerner le moindre signe de fatigue sur son visage. Elle ne voit pourtant que les traits de sa mère qu’elle reconnaît si aisément. Comme toujours.
Ses yeux s’abaissent un instant, le temps de recouvrer ses esprits. Elle n’oublie pas les raisons de sa venue, ni la hargne qu’il lui faudra pour la porter. Son regard retrouve sa dureté. Elle fait les quelques pas qui la séparent du bureau du ministre pour y plaquer la note de service qu’il a faite envoyer ce matin à tout le département. La Présidente-Sorcière plante ses iris bien droits dans les siens. Sa voix se fait sifflante. - J’aurais voulu savoir ce que vous cherchiez à accomplir avec ceci. Ses doigts fins maintiennent le papier bien en place alors qu’elle écrase toujours le jeune ministre sous son regard. Son timbre laisse filtrer l’aigreur qu’il lui a fallu refouler toute la journée. - Que les choses soient claires, monsieur le ministre. Vous êtes à une place qui vous donne tous les droits, y compris celui d’ignorer les opinions de tous ceux qui travaillent avec vous. Mais lorsque vos décisions impactent directement mon département, j’apprécierais qu’à défaut d’avoir l’occasion de vous donner mon avis sur la question, vous ayez la décence de me prévenir autrement que par le biais d’une vulgaire note de service envoyée à tous vos collaborateurs, en particulier lorsque vous comptez annoncer vos ordonnances en grande pompe à tout le gratin médiatique. L’affront essuyé laisse encore une répugnante amertume sur sa langue. Elle ne s’est pas montrée à la conférence de presse, refusant d'être considérée comme un soutien de la mesure. Elle est restée panser ses blessures d'orgueil dans son bureau, attendant l’heure propice pour enfin faire cesser les courbettes politicardes et découvrir qui se cache derrière les traits adolescents de leur chef de file. Le temps de l’indulgence s’achève pour elle ce soir. Il lui faut enfin jauger celui qui se fait appeler « monsieur le ministre ».
Le Ministre s’affaire dans son office depuis le petit jour. Mug de café déjà maintes fois rempli depuis les aurores, il orne des parchemins de sa paraphe après les avoir lus et relus avec attention. Ne jamais rien signer dont il n’ait soupesé le moindre mot et la plus mince virgule, c’était ce qui assure une certaine longévité aux politiciens. Il refuse d’être un pion. Bien que personne ne puisse l’apercevoir encore, il sait qu’un jour viendra où l’on comprendra. Personne n’a jamais tiré les ficelles en arrière-boutique. Il est seul maître à bord. Le lionceau a bien grandi, et il est temps, désormais, de revendiquer sa souveraineté.
Je me sens presque détaché. Le Ministre joue de la plume, lorgnons sur le bout du nez. Il brandit sa signature comme l’arme ultime de ce monde… Ce n’est peut-être pas tout à fait faux. Il m’arrive de me sentir à l’étroit dans ce corps tout chargé de l’exécutif. Qui suis-je sinon un gamin trop jeune pour l’armure que je revêts ? Un garnement qui croule sous le pouvoir qu’il a lui-même conquis ?
L’entrevue avec Severus Rogue aux aurores m’a donné du grain à moudre et secoué plus que de raison. L’impassibilité parfaite du masque ministériel se fendille et la couronne paraît désormais bien lourde à porter. Le Ministre ne doute pas, jamais. Il sait que sa nuque est assez solide, que son port est assez altier. Il sait qu’il a prévu toutes choses et que chaque élément entraînera précisément le suivant. Il sait qu’il fait ce que son ennemi de jadis aurait dû faire : agir intelligemment plutôt qu’être guidé par sa frayeur d’être déchu. Tom Elvis Jedusor était-il ainsi dans sa jeunesse avant que la paranoïa ne le frappe ? A-t-il vibré pour quelque chose avant de vouloir défier la mort pour rester à sa place, au faîte du monde ?
Le Ministre comme moi le savons : plus on est haut, plus la chute se fait douloureuse. C’est un trait commun des dictateurs et des hommes de pouvoir de redouter la déchéance. Il nous faudra, à notre tour, nous en soucier. La plume suspendue dans les airs, une mine d’intense réflexion sur le masque du Ministre, je tressaille lorsque la porte s’ouvre à la volée pour laisser entrer précisément celle dont j’ai entendu parler le matin même. Le Ministre lève les yeux vers son aînée et lui indique promptement la place devant son bureau.
« Je vous en prie, Madame Oaks, entrez, fermez la porte derrière vous et installez-vous. Puis-je vous servir quelque chose pendant que vous me direz ce qui vous amène ici ? »
La réponse vient s’abattre sur la table avec une main vengeresse. Le Ministre tressaille. Je me maugrée. Foutu Rogue, il avait vraisemblablement raison… J’aurais dû l’engager comme conseiller avant même de prendre le pouvoir… Car c’est bien beau de faire assassiner son prédécesseur, mais encore faut-il se débrouiller pour ne pas subir le même sort. Qu’a dit Severus Rogue encore ? S’en faire une alliée. Soit. Elle vitupère, non sans raison. Il faut donc arrondir les angles.
« S’il vous plaît, Madame Oaks, asseyez-vous. »
Soupir las s’échappe du masque où se composent désormais les marques d’une fatigue extrême.
« Vous êtes la deuxième aujourd’hui à me faire cette remarque. Le Directeur de Poudlard a débarqué ce matin, aux aurores, dans ce bureau pour m’exprimer avec sa redoutable et coutumière verve la stupidité de cette décision entre autres mises en garde de son refus de voir le Ministère commettre la moindre ingérence dans les affaires de l’établissement, soutien psychologique aux témoins des attentats du mois passé compris. Vraiment pas un thé ou un café ? »
Le Ministre s’est levé, dos droit, épaules un peu voûtées. Il a son mug à la main qu’il entreprend de remplir à nouveau au percolateur enchanté dans un coin de l’office. Beaucoup trop de café ces derniers jours.
Revenu à son bureau, il pose sa tasse à sa place et pose devant Moira une tasse contenant la substance demandée par la magistrate, ou, si elle n’a rien choisi, du café. Il se rassoit en rajustant machinalement le col de sa chemise froissé sous une cravate sombre.
« Je reconnais volontiers ma maladresse sur cette décision et la façon dont elle a été annoncée, aussi vous prie-je de m’excuser, madame Oaks. Pareil cas de figure ne se reproduira plus, je m’y engage. »
La mine est un peu penaude tandis que les doigts se crispent un peu nerveusement sur la tasse. Le Ministre a détourné le regard quelques secondes. Regrets manifestes.
« Je pensais bien faire… » Avoue-t-il à mi-voix. « Je suis désolé. » Il daigne enfin regarder sa vis à vis dans les yeux. Je ne me connaissais pas ce talent d’acteur… Il faut croire que toute cette année passée à m’entraîner n’aura pas tout à fait été en vain. Ma voix se module un peu pour perdre les rigueurs officielles.
« Le département de la Justice est dans un état préoccupant, vous ne pouvez pas le nier. Peu de fonds, trop peu de personnel. Et d’un autre côté, nous avons tous ces gens qui ont combattu, forcés par la guerre, contre les Mangemorts. Une partie d’entre eux souhaite encore s’engager, et vous le savez. Les avoir sous votre supervision ne serait-il pas préférable plutôt que de courir le risque de voir ces gens dans la nature sans aucune mission pour canaliser la soif de sang que les combats ont allumé ? Des mangemorts courent toujours, la population est encore en alerte. Ces vieux briscards combattants ont toujours une arme à portée de main qu’ils pourraient être tentés d’utiliser. J’espérais que cette réserve permettrait d’encadrer ces civiles que les décennies passées ont transformé en mercenaires. Votre génération comme la mienne a grandi sur les champs de bataille. J’avais un an la première fois que j’ai été frappé par un impardonnable, quatorze lorsque j’ai été torturé pour la première fois… Et je ne suis pas le seul. Et vous le savez. Vous savez comme moi combien il est difficile, lorsque la guerre s’achève, de revenir à la paix, de dormir la nuit, de cesser de guetter la moindre ombre dans la rue. Vous savez qu’il faut du temps. »
Une gorgée de café humecte le gosier du ministre.
« L’idée m’a été soufflée par les pratiques d’un certain nombre d’armées moldues. Là bas, la création d’une réserve est monnaie courante : ces gens ont des métiers, une vie normale, mais ils savent qu’ils ont aussi un engagement pour leur patrie en cas de besoin. En contre-partie, ils sont formés, encadrés. Nous pourrions ainsi éviter les débordements de civiles trop zélés qui redouteraient encore des attaques de mangemort. Nous pourrions grâce à l’aide de médicomages de Sainte-Mangouste, leur faire passer des évaluations psychologiques nous permettant de déceler plus aisément des cas de syndromes post-traumatiques. En intégrant partiellement ces gens au sein du département de la justice, nous pouvons empêcher la création de milices privées et les ramener tout doucement à une vie civile plus normale. L’idée était de mettre en place une mesure de transition et susciter, peut-être, des vocations chez les aurors. Ne vous êtes vous pas plainte maintes et maintes fois auprès de mes prédécesseurs du manque de moyens humains comme financiers de votre département ? Il va sans dire que la création de ce corps s’accompagne des dotations nécessaires au bon fonctionnement du département. Les budgets sont votés dans deux semaines, comme vous le savez. J’ai proposé un renforcement conséquent des dotations du département de la Justice ainsi que de celui des affaires courantes. Il devrait y avoir quelques négociations, mais la situation d’après-guerre dans laquelle nous sommes devrait justifier assez aisément le soutien financier à votre département. »
La voix de l’officiel est désormais un peu plus affirmée bien qu’elle demeure marquée d’un léger tremblement. Talent d’acteur consommé… il faudra que j’en parle à Severus Rogue… après l’avoir fait étroitement surveiller par l’un ou l’autre elfe de maison, naturellement.
« Il y a, par ailleurs, une autre idée qui m’est venue et sur laquelle j’aimerais votre avis. Vous n’êtes pas sans savoir que l’un des grands fléaux de la décennie précédente a été l’évasion massive de mangemorts de la prison d’Azkaban. Afin de prévenir le renouvellement de cet… exploit, je songeais à faire placer le lieu sous sortilège de fidelitas. Ainsi, même ceux au courant de l’emplacement de la prison pour leur travail, par exemple, ne pourraient y emmener de personnel extérieur sans l’accord d’un gardien du secret. Cette mesure ne pourra pas être tenue secrète, malheureusement, trop de personnel travaille dans la prison pour qu’il n’y ait pas de risque de fuite, mais nous pouvons les minimiser par des serments empêchant de révéler l’information et l’identité du gardien du secret à ceux qui auront été accrédité à se rendre sur place. Le lieu deviendrait ainsi introuvable, ce qui empêche toute mission de « sauvetage » de l’extérieur. Cela concernerait bien entendu surtout le quartier de haute sécurité et, en particulier, les détenus pour crimes de guerre. Qu’en pensez-vous ? Auriez-vous quelqu’un de confiance à recommander pour garder ce secret ? L’idéal serait bien entendu que cela soit quelqu’un du département de la justice qui soit le plus à même de régir ce domaine. »
La question danse dans l’oeil du Ministre sans qu’il n’ait besoin de la formuler, vous, peut-être, madame Oaks ?
Acide libéré d’une traite. La morsure fait tressaillir le pilier central du Ministère, et Moira n’en rate pas une miette. Enfermée dans son aigreur, elle se délecte presque de ces quelques secondes où elle le trouve déstabilisé, se rassure à lire quelque incertitude chez celui qui s’est toujours montré si droit, si sûr, si inflexible… Un instant, il semble retrouver les failles propres à son âge et la vision, loin de décevoir la juge, la soulage au contraire en fissurant le roc inébranlable que Potter demeurait jusqu’alors. Pour la première fois depuis sa prise de pouvoir, Moira a l’impression de pouvoir l’atteindre. Alors, quand il l’invite une nouvelle fois à s’asseoir, elle n’hésite qu’une dernière seconde avant d’accepter, cessant ici la guerre des tranchées pour faire un premier pas vers une discussion plus saine.
Croisant élégamment les jambes, le dos enfoncé dans l’épais dossier ainsi offert, Moira sourit aux confidences du Ministre. Severus l’aurait alors une nouvelle fois devancée ? La nouvelle ne la surprend que peu. Leurs avis peuvent diverger sur de nombreux sujets, mais elle imagine aisément les réticences qui ont pu traverser le potionniste. La discussion entre les deux hommes n’a certainement pas manqué de piquant. Leur rivalité d’antan est aussi célèbre que leurs noms respectifs et Severus n’a jamais été du genre à cacher ses opinions quand il a la liberté de les dire. Sa liberté semble d’ailleurs ne plus accepter aucune chaîne désormais, pas même celle du Ministère dont il dépend. Poudlard restera décidément toujours un haut lieu de résistance.
Les traits tirés de Potter inquiètent quelque peu la juge maintenant qu’elle a l’occasion de les détailler. Même sa démarche paraît plus lourde que celle dont elle avait le souvenir. Elle cède alors une nouvelle fois du terrain quand il tente une seconde approche, ne voulant pas davantage l’accabler. - Un café sera très bien. Merci. Il revient avec deux tasses fumantes et en glisse une dans sa direction qu’elle prend volontiers. Potter se rassied, réajuste son col. Moira a toujours trouvé que la cravate lui allait mal, comme un artifice censé crier au monde sa légitimité et qui ne dévoilerait finalement que ses doutes quant au bienfondé de sa nomination. Engoncé dans son costume, on dirait un môme ayant emprunté la veste de son grand frère... La chemise seule lui conviendrait mieux.
Ses excuses caressent toutefois son orgueil meurtri. Moira observe les crispations de son visage, ses yeux qui se détournent. « Je pensais bien faire. » Sur ce point, elle n’a jamais douté. La maladresse du Ministre perd ses atours d’arrogance et la magistrate répond alors avec un calme retrouvé : - Je serais une bien piètre collaboratrice si je ne venais pas à votre rencontre quand certains agissements ne me semblent pas prendre le bon chemin. Mais le Ministère survivra à ce petit écart. N’en parlons plus. Elle prend une gorgée de café. Celui-ci est plus corsé que le sien. Elle se demande combien de tasses Potter ingurgite chaque jour mais ne se permet pas de le lui demander. Elle écoute à la place le discours qu’elle est venue chercher, attendant des raisons d’abandonner ses craintes et de croire à cette réserve qu’on lui vend comme la solution aux déboires de son département.
Potter parle bien. C’est une qualité qu’elle lui a toujours reconnue. Alors elle le laisse développer son idée sans l’interrompre une seule fois, et quand vient son tour de défendre sa position, son ton est aussi posé que le sien. - L’état du département de la Justice me préoccupe autant que vous, et je ne démentirai pas avoir maintes fois demandé une augmentation de nos moyens. Celle-ci n’avait cependant toujours pas été évoquée et vous imaginez donc les nombreuses réticences qui étaient les miennes. Toutefois, même si nos dotations sont effectivement renforcées, cela ne règle pas tous les problèmes auxquels vous nous confrontez. Une gorgée de café vient ponctuer sa phrase, lui laissant quelques instants pour trouver ses mots. - Les réserves des armées moldues auxquelles vous faites allusion ne sont pas composées des mêmes citoyens que les nôtres. Vous l’avez dit vous-même : nos générations ont grandi sur les champs de bataille. De trop nombreux sorciers gardent les séquelles de ces années de conflit, et beaucoup continuent de crier vengeance des années après la mort du Seigneur des Ténèbres. En intégrant ces sorciers aux rangs des Aurors, vous prenez le risque de voir nos rues envahies de pseudo-justiciers, et ceux-ci pourraient être bien plus dangereux que les mangemorts car ils auront toute légitimité à se déplacer en plein jour. Une seconde de silence s’installe sans qu’elle ne quitte une seule fois le Ministre du regard. Un léger soupir amorce sa phrase : - La vérité, monsieur le ministre, c’est que je crains que la grande majorité d’entre nous ne soit privée de vie normale pendant encore de longues années. Les blessures sont trop profondes. Les souvenirs encore trop vifs. Et toutes vos précautions ne vous garderont pas des débordements que vous craignez. Cette réserve sera pour beaucoup l’occasion d’une vengeance offerte sur un plateau, et si nos médicomages sauront écarter la plupart des sorciers inaptes à soutenir les Aurors, certains se montreront toujours assez fins pour échapper à vos filets. A l’heure qu’il est, je ne cherche pas à vous dissuader de monter une telle entreprise, votre annonce à la presse ne permet plus de faire machine arrière. Mais je viens vous prévenir : j’aurai besoin de nombreux médicomages, formateurs et encadrants. De très nombreux. Vous savez les Aurors déjà débordés. Je ne peux leur demander de jouer aux professeurs quand Lestrange, Malefoy et d’autres sont encore en cavale, tout comme je ne peux exiger d’eux qu’ils prennent la responsabilité de sorciers sous-entraînés pendant leurs missions. La traque des mangemorts est déjà bien assez complexe pour leur éviter ce handicap. Ils ne doivent ni se perdre à assurer la protection de civils sur le terrain, ni être mis en dangers par des coéquipiers incapables de se défendre face à des mages noirs. Alors je vous demande de garder ces sorciers de réserve loin des missions les plus délicates. Il en va de leur sécurité comme de celle de nos agents. Mais surtout, je vous demande une fermeté exemplaire à la moindre suspicion d’un de nos hommes. Si un Auror nous fait part d’inquiétudes quelconques au sujet d’un réserviste, je veux que celui-ci puisse être radié des listes avant même le moindre dérapage. Nous sommes d’accord ?
La chaleur de la tasse à café se diffuse agréablement dans ses mains et Potter regagne un peu d’assurance. Sa voix tremble moins quand il évoque le désastre qu’a été l’évasion des prisonniers d’Azkaban, et les sourcils de la juge se froncent légèrement quand il annonce la suite de ses décisions. Les réflexions de Moira se précipitent. Elle ne s'était pas préparée à une telle proposition. Le sortilège de fidelitas dispose en effet d’avantages indéniables dans leur situation. Azkaban demeure un lieu stratégique capital, en particulier tant que certains grands noms des mangemorts sont encore en liberté. Mais alors que le regard de Potter se teinte d’une nouvelle lueur, celui de Moira s’obscurcit soudain car elle comprend l'offre sous-jacente. Elle cligne des yeux plusieurs fois, peinant à dissimuler sa surprise. Sa méfiance ressurgit, appelle à la prudence face au jeune ministre qu’elle n’a jamais pris le risque de sous-estimer. Pourquoi ne pas confier cet honneur à un de ses fidèles les plus sûrs ? Cherche-t-il à l’amadouer ? Nombre de politiciens avisés lui conseilleraient certainement d'agir ainsi avec ceux qu’il n’a pas encore dans ses filets. Une partie d’elle aimerait refuser par pur esprit de contradiction, pour conserver cette liberté loin de toute allégeance qu’elle porte comme un étendard. Mais les années lui ont forgé une sagesse qu’elle n’avait pas nécessairement dans ses jeunes années et elle voit trop rapidement l’occasion qui lui est donnée de servir le dessein qu’elle s’est toujours fixé. Que cet acte serve les intérêts de Potter ou non, il sert indéniablement la communauté magique qu’elle s’est juré de protéger, car garder les criminels loin des grilles d’Azkaban, c’est également garder bien au chaud ceux qu’ils sont parvenus à enfermer à l’intérieur.
Le silence ne s’est pas rompu avant de longues secondes, jusqu’à ce que la Présidente-Sorcière revienne croiser le regard de Potter. Hésitant un instant encore, elle prend une longue inspiration avant de répondre : - C’est une idée intéressante. Augmenter la sécurité d’Azkaban me paraît en effet être une priorité. Mais je suis étonnée que vous n’ayez pas pensé à certains de vos plus fidèles soutiens pour remplir cette mission. Kingsley Schacklebolt, par exemple. Il me semble avoir prouvé sa valeur et sa dévotion depuis déjà de nombreuses années à la tête des Aurors. Nul doute qu’il remplirait cette nouvelle fonction avec autant de dévouement que la précédente. A moins que ce dernier ait déjà refusé votre offre pour une raison obscure ? Le regard de la juge se fait aussi éloquent que celui du ministre quelques minutes plus tôt. Elle veut savoir ce qui lui fait lui proposer un pouvoir aussi précieux quand de nombreux noms auraient aisément pu remplacer le sien. Elle veut savoir ce qui l’a convaincu de lui offrir une responsabilité si prestigieuse et quelle manigance s’est sournoisement construite dans son célèbre crâne.
@Moira A. Oaks est une ennemie dangereuse. Le Ministre le sait. Il le sait et la redoute enfin à sa juste valeur. Cette femme a traversé deux crises majeures du monde de la Magie en plus d’une crise personnelle. Car le Ministre sait aussi écouter les racontars et fouiller dans les dossiers du personnel et les vieilles coupures de presse. Il s’est fait une idée assez précise de la Magistrate : droite, fière, efficace, engagée. Elle lui a paru une employée modèle sans histoire, et la voici qui a finalement déboulé dans son bureau. La tête couronnée du Monde Magie l’a sous-estimée : cela n’arrivera plus.
Les épaules se relaxent un peu lorsqu’elle accepte de s’asseoir et qu’elle prend une tasse de café. Ouf. A moins d’incompatibilités de caractère, les mugs ne voleront pas aujourd’hui. Ils sont de toute façon incassables. C’est ce genre de précaution que l’on prend lorsqu’on est Ministre et que l’on ne veut pas affronter de déraisonnables frais de vaisselle !
La Présidente sorcière parle bien. Presque dangereusement bien. Ces arguments sont harmonieusement construits et soulignent des risques auquel le Ministre a pensé, mais en les sous-estimant, là encore. Les Francs-Tireurs, les vengeurs… Est-ce finalement une si bonne idée ? Le doute m’étreint sous le masque ministériel. Est-ce une si bonne idée ? Je laisse filtrer un peu de mon inquiétude. Conscient qu’il faut, avec Moira, apparaître aussi comme un jeune homme de mon âge. Comme cette fragilité est propre à toucher le coeur des justes.
« Vous avez raison, bien sur. »
Soupir las.
« J’ai sans doute sous-estimé les dangers auxquels je confronte la population. Je veux croire, cependant, que cette réserve peut offrir à ceux qui y sont acceptés, le cadre qui leur permettra de revenir à un monde pacifié. La dotation financière de votre département devrait s’en trouver sensiblement augmentée. Je souhaite aussi systématiser la proposition de soutiens psychologiques aux Aurors en premier lieu puisqu’ils sont sur le terrain, mais encore au personnel du Ministère de façon générale. La prochaine réunion concernant les dotations de chaque département est en décembre ; vous pourriez faire remonter à Kingsley toutes vos exigences, bien sur, puisque mes prédécesseurs ont toujours autorisé le directeur du bureau des Aurors à siéger à ce conseil… mais vous pourriez aussi venir en personne à cette réunion pour défendre les intérêts du département de la Justice : A nouveaux ministres, nouveaux invités : j'ai demandé à ce qu'en plus des directeurs de département, les directeurs de bureaux soient présents. Je me dois de vous prévenir toutefois : cette réunion est, année après année, un vrai panier de crabes. »
Comme toutes… Mais enfin, Moira Oaks sera sans doute la plus à même de défendre les frais engagés pour la justice, après tout.
« J’aurais aimé faire doubler ou tripler le budget de votre département, mais je sens que ce sera un combat douloureux. Enfin, l’abrogation des derniers privilèges des sangs purs a permis, grâce à ceux qui ont joué le jeu des impôts, de rééquilibrer le budget, de même que les pénalités payées par les condamnés. Cet argent gagné par la justice devrait être réinjecté pour la justice. »
Logique de base, pense le Ministre. Argument marketing commode, songé-je. Contrairement à mes prédécesseurs, je n’ai pas besoin d’argent, à titre personnel. Je pourrais vivre plusieurs vies sur le nom de Potter et les coffres de mes parents. Je n’ai besoin ni de paye, ni de primes. Mon bien propre est mon bien propre, celui de l’état doit rester dans le circuit public. Une conviction qui fut toujours la mienne : là où l’argent et la renommée s’affrontent, il y a toujours terreau fertile aux convoitises et aux plus grandes bassesses de l’homme.
« Naturellement, dans la mise en place de cette réserve, Kingsley et vous avez le premier rôle pour dicter vos recommandations : il n’est pas question d’envoyer des civils sur des arrestations dangereuses. Le but est bien de vous décharger des problèmes mineurs, de travailler à des opérations de sensibilisation, d’apporter des soutiens logistiques et humains. Il n’a jamais été question d’envoyer des gens qui ne soient pas du métier au devant d’un Malefoy, d’un Lestrange ou d’un Carrow. Et, naturellement, nous appliquerions une tolérance zéro pour les écarts en plus de multiplier les entretiens et la formation. Ce n'est pas, d’ailleurs, la charge des Aurors en poste que celle de l'instruction des nouvelles recrues : l’on peut être un excellent agent de terrain sans être bon pédagogue, et ce serait un dommage et pour la recrue et pour l’agent sollicité que de donner un rôle non désiré à ces derniers. »
Le spectre de Rogue, excellent potionniste, piètre professeur, flotte un peu. Le café coule dans la gorge de l'officiel jusqu’à achèvement de la tasse. Le Ministre s’en trouve, semble-t-il, revigoré. Au moins ses traits se sont-ils un peu apaisés lorsque la discussion a naturellement filé vers l’épineux cas d’Azkaban. Un frisson me parcoure l’échine. Se pourrait-il qu’entre tous, Rogue ait eu raison ? Inspiration, il me faut une idée. Elle traverse mon cerveau en moins d’une seconde.
« Kingsley serait le choix évident, bien entendu… Ce qui signifie aussi que sa vie, déjà quelque peu menacée par son statut de vétéran de guerre et de directeur du bureau des Aurors serait encore davantage mise en danger. En outre, si par malheur il arrivait quelque chose au gardien du secret sans que ses prérogatives n’aient pu être transférées par le rituel adéquat, le fidélitas tomberait, et nous serions plus vulnérables encore. En l’état des choses, Kingsley est, je crois, davantage sujet à des tentatives d’assassinat que vous. En outre, être le gardien de ce secret lui interdirait aussi d’aller occasionnellement sur le terrain de peur qu’un accident malheureux ne le dépossède de sa vie… Et je crains que Kingsley ne s’efforce de m’achever si je m’avise de lui interdire quoi que ce soit, fut-ce une mission sur le terrain. C’est un homme qui aime l’action, je peux entendre ça. »
Sourire.
« Et vous, d’un autre côté… Vous êtes une magistrate. Vous semblez, à priori, plus facile à abattre qu’un Auror ayant largement fait ses preuves en duel et sur le terrain. Quel Ministre serait assez fou pour vous marquer d’une cible sur le dos ? Stratégiquement ce serait un coup déplorable que de vous demander de risquer votre vie… Car si un jour l’on découvre que vous êtes la gardienne du secret, vous seriez la nouvelle femme à abattre. Mais vous êtes fiable. Vous avez oeuvré à la mise derrière les barreaux de bon nombre de mangemorts, vous avez participé activement à la reconstruction du Ministère. Un choix fiable mais peu évident au plus grand nombre... Beaucoup penseraient comme vous et Kingsley servirait, en quelque sorte, de leurre… qu’en dites vous ? Ne serait-ce pas parfait ? Prenez le temps d’y songer, je n’attends pas votre réponse de toute urgence, naturellement… Votre anonymat serait préservé autant que faire ce peut : vous ne rencontreriez pas ceux que vous liez à vous : l’accréditation leur serait délivrée sous forme écrite, et le sortilège de Fidelitas interdit à quiconque n’est pas le gardien du secret d’inclure de nouvelles personnes dans le secret. En outre, nous pourrions utiliser une version alternative du Fidelitas dont j’ai trouvé trace dans les archives du Ministère, vous permettant de désigner un ou plusieurs successeurs pour prendre votre charge si vous étiez malheureusement tuée, ce qui évite bien des ennuis... »
Le seul ennui étant que le sortilège en question est sans doute à l'index du Ministère pour une bonne raison... il faudra le tester avant d'exposer qui que ce soit à de possibles effets indésirables.
Le discours est réfléchi, pesé, pensé depuis des heures dans son bureau en attendant l’occasion de pouvoir le livrer au Ministre qui l’a injustement écartée des réflexions sur le fonctionnement de son propre département. Seule dans son amertume, la Présidente-Sorcière a pris soin de peaufiner son argumentaire et de se préparer à affronter l’arrogance juvénile de son supérieur. Mais il n’en est rien. La surprise de la magistrate se lit une brève seconde sur son visage après qu’elle s’est tue, car le jeune homme ne l’a pas coupée une seule fois. Mieux encore, voilà qu’il semble peser chaque objection qu’elle lui a fait et que des doutes assombrissent progressivement ses yeux. Se pourrait-il que derrière cette arrogance qu’elle a cru lire ne se trouve que la maladresse de cette jeunesse si brutalement catapultée au sommet de l’Etat ? Se pourrait-il qu’à trop craindre les défauts de Potter, elle lui en ait inventé certains de toutes pièces ?
Moira cligne plusieurs fois des yeux quand il finit par approuver ses dires, presque sidérée par la facilité avec laquelle les négociations semblent s’engager. @Harry J. Potter était-il déjà si indécis avant qu’elle ne réclame cet entretien, ou est-il de ce genre de politiciens qui changent de position au gré de ceux qu’ils rencontrent ? Moira peine à croire que cet excellent départ ne soit dû qu’à ses talents d’oratrice. Alors bien qu’elle en soit heureuse, une part d’elle ne peut s’empêcher de rester sur ses gardes, décryptant à son tour chaque mot de son tout jeune Ministre en réponse à son plaidoyer. Son soupir est aussi éloquent que le discours qui suit. L’optimisme de ses phrases tranche avec la lassitude qu’elle lit dans son timbre fatigué et les nuances de son regard, mais il demeure pourtant, comme une prise à laquelle Potter se raccroche pour continuer d’avancer malgré la lourde charge qui pèse sur ses épaules. N’est-ce pas ce qu’on attend d’un homme politique, et ce qu’on exige même quand il a son âge ? Cela rendrait presque la Présidente plus conciliante.
Elle plisse légèrement les yeux quand Potter évoque les prochaines réunions du Ministère dont ses fonctions l’excluent depuis toujours. Moira ne peut nier avoir plusieurs fois regretté de ne pouvoir prendre part aux débats et de ne dépendre que de la bonne volonté de ce brave Kingsley pour défendre ses positions. Non pas qu’elle doute de l’honnêteté de son collègue ni de son talent quand il s’agit d’exprimer un point de vue. Mais il leur arrive d’avoir des opinions sensiblement différentes sur certains sujets, en particulier quand ils concernent directement une décision de Potter et Moira ne serait pas surprise d’apprendre que certaines de ses observations n’aient pas été intégralement transmises par le directeur du bureau des Aurors lors de ces fameuses réunions. L’offre du Ministre est donc aussi inattendue qu’intéressante et la juge ne met que peu de temps avant de répondre : - Le Magenmagot n’est pas non plus réputé pour être un haut lieu de bienveillance, y compris entre membres de la Cour, contrairement à ce que nos administrés pourraient croire. Il me semble par ailleurs que vous en avez déjà fait l’expérience dans vos jeunes années ? Le temps a rendu le souvenir assez trouble, de sorte qu’elle ne se souvienne plus avec exactitude des mots échangés ce jour-là ni des collègues qui se tenaient à ses côtés dans les gradins du Magenmagot. Elle se rappelle en revanche avec une précision étonnante la sensation qui l’avait prise ce jour-là en voyant pour la première fois le fils de Lily autrement que dans les photographies de la Gazette du Sorcier. Adolescent aux cheveux bruns accusé d’usage prohibé de la magie en dehors de Poudlard… L’affaire avait pris une tournure si grave qu’elle en devenait difficile à justifier, même pour les juges les plus sévères de l’institution. Sans la défense d’Albus Dumbledore, nul doute que Harry aurait subi un châtiment bien plus strict que celui dont il a écopé ce jour-là. Un bon aperçu de la cruauté que peut renfermer ce milieu pour peu qu’on tombe sur le mauvais adversaire. Il y a bien longtemps que Moira ne se fait plus d’illusion quant à la vertu de sa propre Cour.
Revenant au moment présent, La juge conclut avec un demi-sourire : - Je pense que je saurai survivre à un autre bourbier. Ils échangent un regard entendu avant que le Ministre ne reprenne le fil de ses réflexions.
Les questions de budget de nouveau évoquées ont le bon ton de rassurer la Présidente sur les intentions de Potter. Elle acquiesce d’un signe de tête avant que la discussion ne s’oriente sur le fonctionnement de cette réserve à laquelle ils n’échapperont pas. Le Ministre semble cependant enclin à de nombreuses concessions, ce qui la rassure. Son dos se détend visiblement dans le fauteuil alors qu’elle ramène sa tasse de café à ses lèvres. Elle ajoute d’une voix posée. - Nous sommes bien d’accord sur ce point. Des formateurs de métier nous seront d’un grand secours face à un public aussi éclectique que celui que nous nous apprêtons à accueillir. Je pense que les Aurors seront rassurés d’apprendre qu’ils continueront pour leur part de remplir la mission pour laquelle ils se sont engagés. Un regard lourd de sens s’échange avec le Ministre à qui elle ne demande rien de moins que l’autorisation de faire cette promesses à ses agents, une preuve de bonne foi qui l’aiderait certainement à poursuivre leur discussion avec la même légèreté que celle qu’ils entretiennent pour le moment.
Le cas d’Azkaban fait cependant reparaître le poids singulier des grandes décisions et le pouls de la magistrate accélère subrepticement l’allure quand l’idée de devenir gardienne du secret s’immisce dans son esprit. Le sourire de Potter se fait le reflet du sien quand il achève le portrait somme toute très fidèle de Kingsley. Un homme d’action… C’est bien la première idée qui lui vient quand elle pense au directeur du bureau des Aurors. Quant aux nombreuses menaces qui pèsent déjà sur lui, Moira ne peut qu’acquiescer une fois encore. Si la Présidente-Sorcière incarne aux yeux de certains cette justice magique qu’ils condamnent, Kingsley en est le bras armé, celui dont on subit le coup le plus brutal si on a le malheur de croiser sa route. Moira reste protégée par les décisions collégiales. Shacklebolt, lui, est un chef de guerre et, pour nombre de leurs ennemis, la menace qu’ils souhaiteraient le plus vite éliminer.
De toutes les phrases du Ministre, Moira n’en contredit aucune et se trouver autant en accord avec celui qu’elle venait affronter a quelque chose de déstabilisant. Son regard se trouble seulement quand il évoque sa fiabilité. A-t-elle déjà douté de l’appréciation de Potter à son sujet ? Bien sûr. Plus d’une fois. Peut-être parce que, contrairement à lui, Moira se trouve toujours incapable de parier sur la fiabilité du Ministre. Pourtant, la responsabilité qu’il lui offre est difficile à refuser pour quelqu’un de sa nature. Elle s’octroie à peine quelques secondes de réflexion avant de gronder, l’air pensif : - Si nous cherchons à éviter à Kingsley une menace supplémentaire, pourquoi ne pas aller au bout des choses ? Un temps s’écoule encore avant qu’elle ne revienne croiser le regard du Ministre. - Si le but est d’éviter de donner à nos ennemis une raison supplémentaire d’attaquer Kingsley, levons entièrement le doute à son sujet. Affirmez officiellement qu’il n’est pas gardien du secret, pour les raisons que vous venez vous-même d’évoquer. Gardez l’identité du gardien secrète tout en évitant que le moindre soupçon ne repose sur Shacklebolt. Vous protègerez ma couverture sans que cela ne risque de lui faire du tort. « Ma couverture »… Les mots ont été prononcés sans être particulièrement réfléchis, comme si sa décision s’était déjà naturellement prise. Moira ne semble même pas remarquer son incartade. Restant plongée dans ses pensées, elle les livre aussi simplement qu’elles lui arrivent. - L’identité du gardien serait un mystère qui devrait leur résister un certain temps car il est vrai que je ne serais certainement pas le premier choix de bon nombre de sorciers à votre place. Il s’avère que je suis assez honnête vis-à-vis de mes compétences et nous savons vous et moi que je n’ai pas la puissance d’un Kingsley Shacklebolt, ni peut-être même celle d’une Hermione Granger. J’imagine d’ailleurs que… Une hésitation lui fait avorter sa phrase quand les souvenirs douloureux lui reviennent en mémoire, images vitriolées d’une époque qui l’a vue sur le point de dépérir, ses faiblesses éclatées au grand jour pour en faire la risée du département de la justice. Un esprit faible… C’est ce que de nombreux employés du Ministère continuent de penser d’elle près de dix ans après l’arrestation de son ex-mari. Mais si cette réputation est restée une malédiction tout ce temps, il se pourrait qu’elle se montre finalement utile dans le contexte cette guerre qui s’annonce. Moira respire, puis se racle légèrement la gorge avant de reprendre. - J’imagine que vous savez la réputation que certains me prêtent et que vous en connaissez l’origine. Jouez-en si cela vous permet de me discréditer plus encore. Les racontars me suivent depuis si longtemps… Ils ne sauraient plus me toucher. Un si petit mensonge. Une demi-vérité. Moira ne s’attarde pas davantage de peur d’être démasquée, et elle rebondit plutôt sur le dernier point que le jeune ministre a évoqué. - Quelle est cette version alternative du fidelitas que vous avez en tête ? Je ne me souviens pas en avoir déjà entendu parler…
Le Ministre se sent en terrain connu. Cela en fera au moins un de nous deux. J’ai beau sonder mon aînée, je ne parviens à savoir quelle est sa réelle allégeance. La cour. La justice. Sa propre épingle du jeu ? C’est pour cela, et pour l’apaiser aussi, que je lui offre une place dans les conseils. Kingsley l’apprécie, il a déjà maintes fois chanté ses louanges au Ministre. Severus Rogue aussi, pour une raison particulièrement obscure, semble avoir une inclination pour cette femme. Cela éveille mon intérêt, naturellement. Severus Rogue ne fait pas confiance aux gens, jamais. Je l’ai toujours vu prudent, dans ses souvenirs, plus prudent encore ce matin. Mais il a enjoint le Ministre à tenir compte de cette force blonde de la nature.
Sot qui n’écoute les conseils.
J’opine gravement, le souvenir de mes propres rencontres avec le Magenmagot.
« Les procès prennent trop souvent des allures politiques lorsqu’ils sont imposés par un Ministre et non pas par les nécessités. Je ne me souviens pas vous avoir vue dans l’assemblée – vous me le pardonnerez, je l’espère – mais il est vrai que vous deviez y être. Fudge avait un exemple à donner, voilà tout, et cela s’est, finalement, heureusement terminé... »
Même s’il avait fallu se farcir Ombrage en professeure à la rentrée suivante. Une gorgée de café vient humecter le palais lorsque Moira signifie sa volonté de prendre place dans les réunions du Ministère. Un sourire ravi se peint sur le visage encore un peu trop enfantin du Ministre, le rajeunissant d’une décennie. L’adolescent laisse éclater sa joie en claquant des mains près du menton. « Parfait ! Vous recevrez demain matin une convocation pour le mois prochain ainsi que l’ordre du jour de la réunion ! »
Puis la discussion prend cette tournure sombre : l’idée de Severus Rogue ne manque pas de piquant, et le Ministre, quoi que jeune, est parfaitement capable de voir la finesse machiavélique des conseils du directeur de Poudlard. Quel précieux allié. Lentement, la voix de Moira lui laisse entendre la promesse qu’elle abondera dans son sens. Ses conseils sont précieux, retors. Les Serpentard n’ont jamais eu le monopole de la dissimulation. Une collaboratrice précieuse, voilà ce que découvre le Ministre avec ravissement. Sa lassitude est peu à peu douchée par une poussée d’adrénaline : on arrivera à quelque chose, semble-t-il.
« Je vous rejoins totalement sur cette idée de faire annoncer officiellement la procédure en assurant au passage la non-implication de Kingsley. Nul doute que cela devrait suffire à détourner l’attention vers la recherche du gardien du secret. »
Elle s’interrompt lorsqu’il s’agit de rappeler son implication dans l’emprisonnement de son mari. Je tremble un peu à la pensée du sacrifice qu’elle a du faire : sa vie personnelle au profit de la justice. C’est dans une douce voix que se mêlent les mots du ministre et les miens.
« Madame Oaks, j’ai lu votre dossier. Je n’imagine pas combien a dû être difficile cette période de votre vie, mais il est certain que personne ne vous imaginerait devenir la gardienne du secret alors même que votre ex-mari est incarcéré là-bas. Tout le monde me prendrait pour un fou de vous confier cette tâche, et c’est précisément pour cela que je souhaite vous la confier. Vous avez été trahie de la plus abominable des façons par un homme qui vous était proche, cela aurait pu vous détruire, et vous êtes pourtant assise devant moi, en tant que magistrate et présidente sorcière. La meilleure que le Magenmagot pourrait espérer avoir. Je vous ai vue à l’oeuvre dans une partie des procès qui ont succédé à la chute de Jedusor. Je sais que vous êtes capable d’impartialité, de sévérité, mais aussi de clémence lorsqu’il le faut. C’est parce que les épreuves de votre vie n’ont pas détruit celle que vous étiez que vous pouvez aujourd’hui vous voir confier ce que certains pourraient considérer comme un honneur, mais je considère surtout comme une épée de Damoclès. Si vous êtes certaine de vous et de votre engagement, c’est à la société de Grande Bretagne que vous accordez un honneur, et non pas l’inverse. Jamais l’inverse. C’est nous qui sommes chanceux de vous avoir. »
L’émotion vibre sous le ton maniéré du Ministre. Moira est une femme exceptionnelle et tragique. Exceptionnelle dans sa droiture. Tragique dans sa condamnation à être manipulée, jour après jour, par les hommes. Y en a-t-il eu seulement un qui n’avait pas d’arrière pensée en lui parlant ? Ce que le Ministre vient de dire est ce que je pense : c’est probablement la parole la plus sincère qui a franchit mes lèvres depuis un bon moment.
Mais les détails du plan reviennent à la charge, éloignant le moment intense qui a fait trembler la pièce de silence.
« Ce fidélitas est très simple, en vérité : comme le sortilège originel, il s’agit de placer un lieu sous protection magique. L’endroit devient incartable, introuvable pour qui n’a pas été mis au courant par le gardien du secret. Toutefois, des clauses ont été ajoutées en cas de mort dudit gardien du secret : dans le sortilège régulier, s’il est assassiné, toute personne ayant reçu le secret de lui devient à son tour gardienne du secret… Et vous voyez bien en quoi cela devient dangereux pour le cas qui nous occupe. Dans cette version du sortilège, toutefois, vous pourrez définir une liste de personnes qui seront vos héritières en cas de décès – Merlin nous en préserve, notez bien. Par exemple, mettons que vous soyez la gardienne du secret et que vous nous ayez désigné Kingsley et moi comme successeurs, dans cet ordre : si vous mourrez ce sera Kingsley qui recevra votre charge. S’il est tué, ce sera moi… Et si je suis tué, le sortilège sera malheureusement dissipé. D’où l’intérêt de choisir soigneusement cette liste et de l’organiser astucieusement. »
La tasse est désormais vide. Le Ministre désigne les deux tasses d’un geste, demandant silencieusement à Moira si elle désire une nouvelle tournée. Puis il se lève pour aller remplir la ou les tasses selon la réponse de son interlocutrice.
« Mais ce n’est pas la seule spécificité de cet enchantement : recevoir l’information du gardien du secret ne fait pas de vous un gardien du secret. Mettons qu’une famille veuille visiter un parent incarcéré… Ils pourront être admis à l’intérieur grâce à un mot écrit du gardien du secret valable pour eux seuls – je vous confierai de quoi apprendre cette part de l’enchantement – mais ils ne pourront pas, à leur tour, parler de la localisation d’Azkaban, et, une fois partis, ne pourront pas revenir sans une nouvelle invitation de votre part. »
Rassis, il prend une lampée de café.
« La raison pour laquelle ce fidélitas n’est que peu usité est très simple : très peu de sorciers sont assez puissants pour le lancer. Pour être parfaitement honnête avec vous, bien que je possède en guise de baguette une Relique de la Mort, je devrai probablement prendre un congé après avoir effectué le rituel. L’enchantement se bâtit sur les réserves magiques du lanceur et non pas sur celles du lanceur et du gardien du secret partagés comme le sortilège classique du fidélitas. C’est pour cela, d’ailleurs, que transmettre l’information ne transforme pas en gardien du secret : la mort de ce dernier n’altère pas la nature du sortilège qui, une fois posé, est immuable. Pour lever l’enchantement, il faut trouver et décimer les gardiens du secret. Notez qu’une fois le fidelitas posé, nous pouvons encore modifier la liste de gardiens du secret potentiels, ce qui assure la pérennité du sortilège, génération après génération. »
Hochement grave de la tête. « Que pensez-vous de Janvier pour mettre en place et annoncer la mesure a posteriori ? Cela nous laissera le temps de réfléchir à une liste de gardiens du secret, de perfectionner nos maîtrises des enchantements liés à ce dispositif magique, et nous préparer ? »
Et puis ça fait une amusante façon de commencer l'année 2004 !
Entre-deux déstabilisant. La juge va de surprise en surprise malgré les centaines d’entretiens auxquels elle a participé dans sa carrière. Le Ministre arrogant se fait conciliant, attentif, soucieux d’entendre les conseils que sa longue expérience au sein du Département de la Justice lui permet de prodiguer, et Moira les lui donne, avec ce professionnalisme qu’on lui connaît et cette neutralité qu’elle porte comme un étendard. Aussi pompeuse que soit l’image, l’incarnation de la Justice se doit d’avoir les yeux bandés. Et Moira n’a aucune raison de souhaiter la chute de @Harry J. Potter. Elle tente donc de le guider vers ce qu’elle pense être la meilleure solution, d’atténuer ses ardeurs, de lui faire gagner en patience tout en ne perdant pas de vue le grand projet qu’il semble décidé à mettre en place. Car ce jeune homme en a un, elle en est sûre, et les premières pierres de l’édifice qu’il construit jour après jour lui plaisent au fond plus qu’elles ne la rebutent.
Elle s’amuse de son enthousiasme quand elle accepte de se joindre au prochain conseil et un sourire étire pour la première fois ses lèvres alors qu’elle lève sa tasse pour boire une gorgée de café. Le fils de Lily serait presque attendrissant s’il n’était pas écrasé par une charge aussi lourde que celle qu’il a accepté de porter en devenant Ministre de la Magie. Le sérieux de leur conversation revient ainsi rapidement quand ils évoquent Azkaban et les menaces qui pèsent, déjà nombreuses, sur Kingsley Shacklebolt. Il ne faut pas longtemps à Moira pour décider d’aider son ami à se délester de certaines d’entre elles en acceptant la proposition tacite du Ministre de devenir gardienne du secret. Les pensées fusent dans son crâne, certaines légèrement inquiètes, à s’imaginer endosser une telle responsabilité. Mais voilà des années que sa carrière a rongé la majeure partie de sa vie, depuis que le travail est devenu son échappatoire pour fuir le souvenir de la trahison de son ex-mari qu’elle évoque à peine, au détour d’une phrase, pour donner à Potter de quoi renforcer sa couverture. Un silence s’impose entre eux, quelques secondes seulement.
C’est alors que les yeux de la magistrate se plissent, car le ton du Ministre change singulièrement, devenant plus doux, plus intime, perdant ses atours strictement professionnels pour revêtir des allures de confidences. Un instant, les souvenirs ravivés font se tendre Moira dans son fauteuil, mais ils sont vite balayés pour laisser place à des compliments si inattendus qu’ils impressionnent la juge un instant. L’air semble se faire plus rare alors qu’elle garde le regard rivé sur Potter et l’émotion qui l’étreint alarme les battements de son cœur. La surprise lui noue la gorge. Elle grave chaque mot dans son esprit sans être capable d’y répondre, se fige dans le dossier de son fauteuil à un point tel qu’elle pourrait fusionner avec le cuir. Elle écoute Potter jusqu’au bout et garde le silence encore de longues secondes, presque sidérée, absolument désarmée. Une part d’elle aurait préféré déceler dans la voix du Ministre même un soupçon de mensonge, l’ombre d’une hypocrisie à laquelle se raccrocher pour retrouver rapidement ses moyens. Mais rien de tel n’a entaché son discours. Seulement cette reconnaissance que Moira n’aurait jamais cru entendre de sa bouche.
Elle déglutit difficilement après un long moment privé de parole, respire encore un temps, puis force sur sa voix pour réussir à prononcer un faible : - J’espère ne jamais vous donner de raison de regretter ces mots, monsieur le Ministre. Je... Je vous remercie. Le trouble lui empourpre les joues encore de longues secondes, et il lui faut le secours de ces attentions strictement professionnelles pour parvenir à lui faire quitter son émoi.
De nouveau, la Présidente-Sorcière écoute avec minutie, retient chaque information que lui livre le Ministre. Une liste de prochains gardiens… Voilà donc tout l’intérêt de cette autre version du fidelitas et en effet, il s’avère particulièrement précieux. Immédiatement, certains noms viennent en tête à Moira, des personnes de confiance, de la qualité de Kingsley. Il leur faudra une liste assez fournie pour éviter une dissipation malheureuse du sortilège si leurs ennemis avaient dans l’idée de se livrer à une chasse aux gardiens du secret. Mais cette suite de noms ne devra souffrir d’aucun doute quant à la loyauté de ceux qui en feront partie. Et de tels alliés sont rares. En particulier par des temps si troublés.
Potter se lève pour retourner remplir sa tasse et Moira refuse poliment d’un signe de la main quand il lui propose un autre café. Combien ce jeune homme en boit-il pour faire se succéder ainsi les tasses ? Les sourcils de la magistrate se froncent un instant à cette pensée, laissant transparaître son inquiétude à voir le Ministre s’infliger ainsi des doses incessantes de caféine pour garder les yeux ouverts et l’esprit vif. Il ne faudrait pas que l’habitude verse dans l’addiction…
La juge opine quand le Ministre lui indique sa capacité à donner accès à la prison à des individus pour un temps donné. Voilà qui leur permettra de contrer l’argument si facile des visites aux prisonniers… Les derniers mots de Potter sont pour les détails de la mise en place du sortilège qui semblent en effet loin d’être anodins. Le visage de la magistrate se fait plus sévère alors que le jeune homme affirme s’attendre lui-même à de grandes difficultés lorsqu’il lui faudra lancer ce sortilège, en dépit des capacités que le monde entier lui connaît désormais et de cette baguette légendaire qu’il a toujours en sa possession. La respiration de Moira se fait plus profonde alors qu’elle se perd dans ses réflexions. Elle revient ancrer ses iris à celles du Ministre quand celui-ci propose un délai de trois mois avant de se lancer dans la procédure. Elle répond d’une voix bien plus assurée que précédemment : - Cela me semble parfait… Cela devrait nous donner largement de quoi nous préparer. Si vous me le permettez, je vous proposerai sous peu une première liste avec certains noms qui me semblent dignes d’endosser une responsabilité aussi capitale que celle de gardien du secret après moi. Bien entendu, je ne douterai de la loyauté d’aucun d’entre eux dans le combat qui nous rassemble. J’aimerais toutefois ne pas uniquement me cantonner à des employés du Ministère, si vous le voulez bien… L’important est que tous les gardiens du secret ne soient jamais démasqués et ne disparaissent avant que des successeurs aient été désignés. Il vous faut des hommes de confiance, mais aussi des hommes qu’on ne soupçonnerait pas à cette place. Que l’on attendrait encore moins que moi, en quelque sorte… Avoir quelques cartes hors du Ministère ne me semble pas dénué de sens si nous voulons brouiller au maximum les pistes et rendre quasiment impossible à nos ennemis d’identifier la totalité des gardiens.
Un tintement dans un coin de la pièce attire alors l’attention de la juge sur une petite horloge disposée dans un coin du bureau et elle réalise que l’heure est bien plus tardive que ce qu’elle pensait. Ses sourcils se haussent un instant alors qu’elle revient à Harry Potter. - Si tard, déjà… Je devrais peut-être vous laisser monsieur le Ministre. J’ai déjà beaucoup abusé de votre temps. Nous aurons l’occasion de rediscuter de tout cela très bientôt. A moins que vous ne souhaitiez me parler d’une autre affaire ? Politesse feutrée ressortie de ses années à fréquenter les hautes sphères. Moira attend docilement que le Ministre mette fin à leur entrevue ou la fasse durer encore quelque peu si d’autres sujets méritent son attention.
Le différend s’achève sur un semblant de paix, un compromis si aisément trouvé qu’il en est étonnant de simplicité. Se peut-il que leurs idées se soient rapidement rejointes ? Face à l’imposant bureau ministériel, la Présidente-Sorcière ne sait encore quoi penser. Mais le soulagement de voir leur dialogue toujours possible n’en est pas moins grand.
L’estime qui habite chacun de leurs regards est aussi évidente que les questionnements qui encombrent leurs esprits. L’un et l’autre savent que leur confiance n’est pas acquise, que des actes devront suivre leurs mots pour que leur collaboration soit pleine et fructueuse. Mais avec ce geste commun et ce projet mené ensemble, Moira pense aller dans la bonne direction. Il n’est jamais plus important d’être proche d’un ministre que quand celui-ci semble tant hésiter à prendre un autre chemin que le sien.
Alors que la fin de leur entrevue s’annonce, les noms de gardiens potentiels défilent déjà dans l’esprit de Moira. Qui donc pourrait accepter un tel risque et se montrer digne de la mission ainsi confiée ? Les alliés du Ministère son nombreux. Ceux qui demeurent inconnus de leurs ennemis sont bien moins nombreux. Il faudra du temps à la Présidente-Sorcière pour mettre au point une liste assez bien pensée pour être présentée au Ministre. Quelques semaines, sans doute, aux nuits encore trop courtes, de quoi se maudire encore longtemps de ne pas être restée cachée jusqu’à la fin de ses jours dans la petite clairière où elle et ses parents se sont abrités en attendant la fin de la guerre. Mais l’ennui n’est-il pas plus dangereux encore pour une femme comme elle qu’un statut de gardienne du secret ?
Alors que Harry Potter l’invite à se retirer, Moira se relève élégamment, réajustant sa veste de tailleur. - Vous pouvez compter sur moi, monsieur le Ministre, répond-elle en relevant le regard sur le jeune homme. Nous nous reverrons d’ici janvier. Je vous laisse terminer ce que vous avez à faire. Elle se dirige vers la porte du bureau et se retourne alors, sa main à peine posée sur la poignée. - Si je peux me permettre, monsieur le Ministre, essayez de vous reposer. Nous sommes tous débordés ces derniers mois, et je ne mentirais pas en prétendant que je ne veille pas moi aussi plus que de raison. Mais la fatigue qui vous étreint devient évidente et je ne voudrais pas qu’on vous perde un mois entier sur ordre de votre médecin. Votre mère m’en voudrait de ne pas vous le dire. Elle ouvre enfin la porte et se glisse dans le couloir. - A vous dis à bientôt, monsieur le Ministre. Un dernier sourire, puis le battant se referme délicatement derrière elle.
(449 mots)
FIN DU RP
hrp:
Aucun souci pour le temps de réponse, dear. Avec joie pour le prochain Rp, mais peut-être pas dans la foulée. Je suis un peu overbookée avec tous les super nouveaux qui ont débarqué ces dernières semaines ! On s'organise ça pour bientôt