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Irrévérences {Moira}
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

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Mar 29 Jan - 11:20


IRRÉVÉRENCES
« Epistolaires échanges se font filin d'acier soutenant les mouvements désordonnés, convulsifs, erratiques d'un danseur dans les nuages. Marionnette en représentation, l'orchestrateur rit des agissements de son pantin. Qui tient la croix, qui se récrie au bout du fil ? »

Les noceurs s’en sont endormis dans leurs dortoirs, les quiètes rondes pleuvent sur le marbre des corridors. Sorgue vocifère ses ténèbres et son silence. Étouffement prend l’auteur à son établi installé. Plume en main, le voici qui relit une dernière fois le pli à sceller. Un hibou passe-partout posé sur la fenêtre. Emprunt du plus quelconque des oiseaux de Poudlard. Plumage sombre, œil vif, jabots grattant placidement le perchoir de fortune. Si ce cher Severus savait… Son oiseau s’apprête à voyager jusqu’à la tour de guet du monde sorcier, l’observatoire implacable. Le Ministère de la Magie, et plus précisément, le Département de la Justice Magique.

La prunelle se fait songeuse tandis que Mνήμη, divine souvenance à l’âpre douceur, crache dans les éthers une gueule bien trop connue. Moira Oaks. Histoire de défiance réciproque. Le front haut, le menton volontaire, la mirette brûlante d’une morgue que seuls les justes peuvent afficher sans qu’on ne les gratifie de snobisme. Prête à dévorer le monde avec l’austérité de son chignon et la souplesse d’un corps presque trop entraîné pour une magistrate. Aguerrie, survivante aux horreurs de deux guerres. Le petit chat s’est mué en implacable lionne.

Relecture s’achève. Rêverie bout. L’heure d’avancer pions sur un échiquier déjà damé. Il y a quelque chose de poétique dans l’imminence de la chute. Noirceur gangrène jusqu’aux dernières lueurs pour ne laisser de désespérance qu’une matière sombre, visqueuse, suffocante. Les mains palpent la glaise, lui donnent forme. Lux oririt. Sous l’entête pompeuse d’un papier aux armoiries du Ministère, vestige des années à ramper dans le sillage de Fudge, le nom de l’expéditeur étincelle en lettres d’argent. Lucius Abraxas Malefoy.

« Madame Oaks,

Il ne me semble vous avoir adressé mes plus vives et sincères félicitations. Vous voici devenue présidente du Magenmagot à la suite d’un prédécesseur illustre dont il vous faudra honorer la mémoire et les hauts faits. Albus Dumbledore était, paraît-il, le plus grand sorcier de ce temps… Pourrez-vous lui damer le pion un jour prochain ? Vous incombe désormais la lourde charge de m’envoyer à Azkaban, en m’infligeant, si possible, un tourment à la hauteur des exactions que j’ai commises, des meurtres que j’ai perpétrés et des complots que j’ai orchestrés. Des encouragements de ma part dans cette difficile entreprise semblent bienvenus : votre tâche ne sera aisée ni facilitée par moi, j’en ai peur.

Je crois savoir que Monsieur le Ministre est sur les nerfs de ne me voir encore sous les verrous, les bruits vont de bon train dans les couloirs du Ministère, et ma chère épouse me tient informé des vicissitudes du Pouvoir. Je ne peux m’empêcher de vous demander si, à votre avis, c’est de me savoir personnellement dehors qui l’agace le plus, ou si sa mauvaise humeur aurait plutôt à voir avec les envolées politiques de ma chère épouse. Envolées derrière lesquelles, une fois n’est pas coutume, je n’y suis pas. Difficile à croire quand on connaît mon goût pour les intrigues, j’en conviens… mais enfin, quel pouvoir me reste-t-il après ces décennies de guerre ? A ce stade de la lettre, si vous ne l’avez déjà brûlée en vous offusquant des cavalières manières de votre interlocuteur, vous redoutez sans doute que je me sois contenté de vous signer missive pour vous narguer. A nouveau, il n’en est rien.

Je ne me réjouis pas particulièrement de devoir me cacher dans l’endroit le plus improbable qui soit, tâchant de passer inaperçu et d’être vu le moins possible. Pour un homme qui a toujours adoré le monde, c’est presque un regret que de ne croiser âme qui vive. Mais les retraites sont parfois bienvenues pour s’accorder le luxe de l’introspection. Un exercice dont je fus bien trop peu coutumier… Comment va votre épaule ? Je crois me souvenir que vous aviez été lourdement blessée vers la fin de la guerre. Bien remise, je l’espère ? Il serait désolant que vous ne puissiez effectuer correctement votre travail ces derniers jours alors que le Ministère se trouve fragilisé par les récentes déclarations, et de mon épouse, et du Ministre. Tout à fait entre nous, ne trouvez-vous pas que, sans sa cicatrice en forme d’éclair, il a le front un peu haut et vide ? Je me faisais la réflexion l’autre jour lorsque j’ai assisté à sa conférence de presse à propos de l’inclusion de civiles dans les brigades des Aurors. Je ne vous ai pas vue, à cette conférence, d’ailleurs… Qu’avez-vous pensé de cette mesure ? Je m’en réjouis, à titre personnel : il devra sans doute être bien plus aisé de décimer une brigade composite qu’une brigade d’Aurors entraînés. En cas de fuite, Monsieur Potter me prête main forte, on pourrait dire…

Toutefois, la méthode est intéressante : c’est une bonne façon de garder en main la population la plus marquée par la guerre. Leur offrir de pouvoir servir le monde de la magie évite la constitution de brigades indépendantes et de groupes d’allumés de la baguette. La méthode est certes audacieuse, mais non pas dénuée de fondement. Je m’inquiète toutefois pour vous, ma chère… Que pourrait-il bien arriver si, disons, un ancien mangemort s’infiltrait dans ses rangs ? J’aurais belle allure, engoncé dans un uniforme d’Auror, vous ne croyez pas ?

Puisque je me languis de la bonne société, j’occupe mes nuitées à vous écrire. Vous ne m’en tiendrez pas rigueur, je l’espère. Après tout, nous ne nous sommes jamais bien connus lorsque nous nous croisions dans les couloirs du Ministère. Cette correspondance y pourra peut-être remédier.

N’hésitez pas à remettre votre réponse au hibou,
Il sait où me trouver.

Bien à vous,

Lucius Abraxas Malefoy »


Le pli est clos par un sceau aux armoiries familiales des Malefoy. La serre de l’oiseau s’agite un peu lorsqu’un ruban de satin verre roule l’enveloppe autour du jarret avide d’exploration. Paumes diaphanes emprisonnent la boule de duvet le temps d’aller jusqu’à la fenêtre et le laissent s’en aller courir les cieux. A n’en pas douter, la mine de Moira Oaks sera impayable… quel dommage que le dandy ne la puisse contempler.
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Moira A. Oaks

Moira A. Oaks
ADMINISTRATRICE & MJ
hiboux : 1257
pictures : Irrévérences {Moira} B717b481cf18bbbfe428ae91148e4b8e
Jeu 31 Jan - 20:35





octobre 2003

On ne compte plus les soirées trop tardives passées par la Présidente-Sorcière dans son bureau au Ministère, illuminée par la chandelle éternelle à l’entêtant parfum de mûre qui embaume jusque dans le couloir. Quelques nouveaux témoignages venant étayer les dossiers de deux mangemorts incarcérés lui ont été transmis en fin de soirée. Elle les dissèque depuis maintenant trois heures, cherche les vérités et les incohérences, recoupe les indications qu’on lui donne avec celles qu’elle avait déjà en sa possession. Tant de sorciers disent avoir vu de « curieux hommes en noir » au détour d’une ruelle, jureraient avoir reconnu tel ou tel mangemort au quai numéro 2 de la gare de King’s Cross… Démêler le vrai du faux est la partie la plus fastidieuse des enquêtes, quand des témoignages fallacieux ne viennent pas davantage brouiller les pistes. Les partisans du Lord noir sont loin d’avoir tous disparu.

Soudain, un son trouble sa quiétude, comme un crissement aigu qui la fait sursauter. Les prunelles bleues de la Présidente-Sorcière parcourent rapidement chaque recoin de son bureau, s’agitent à la recherche de la source de ce bruit, jusqu’à ce qu’un second crissement attire son regard vers sa fenêtre. Perché, bien sage derrière sa vitre, un hibou au pelage sombre râcle l’obstacle sur sa route pour qu’on veuille bien l’en débarrasser. Les yeux de Moira s’écarquillent. Qui peut bien lui envoyer une missive aussi tardive ? Qui l’enverrait ici et non chez elle si ce n’est quelqu’un qui connaît assez son professionnalisme pour penser qu’il n’est pas encore assez tard pour que son bureau ne soit déserté ? Et surtout, qui ne passerait pas par le service de distribution de courrier du Ministère pour l’envoyer directement dans son bureau, évitant tous les intermédiaires ? Les questions qui s’entrechoquent dans son esprit la laissent interdite un instant, immobile sur sa chaise, jusqu’à ce que le volatile laisse échapper un piaillement agacé qui la force à se lever de son siège pour lui ouvrir. D’un battement d’ailes, l’émissaire s’envole jusqu’au perchoir qu’occupe habituellement Foul’camp, son nyctibius, et lui lance un regard courroucé. On n’a pas idée de laisser ainsi un hibou dehors avec un vent pareil ! Moira lève un sourcil et s’approche sans frémir.

A sa patte, une lettre scellée d’un cachet rouge pend fièrement. Le nom de Moira est écrit à la plume sur l’enveloppe. La destination ne peut donc être pas faussée. Mais le fait que l’oiseau n’ait pas été simplement envoyé au département de la justice la trouble. Quel expéditeur voudrait s’assurer que le pli lui soit ainsi remis en main propre, évitant les regards de ses secrétaires et des autres employés du ministère ? L’hésitation s’étire le temps d’une respiration avant que Moira ne libère l’oiseau de son fardeau, glissant près de son bec une récompense qu’il engloutit avant même qu’elle n’ait eu le temps d’entièrement retirer ses doigts.

La lettre en main, la juge se rapproche lentement de son bureau, faisant jouer ses doigts sur le papier, estimant son poids dans un réflexe aussi humain qu’inutile. Elle retourne le pli pour l’observer de chaque côté, les sourcils froncés, l’air sévère. Et ses yeux s’écarquillent soudain quand elle découvre les détails de l’armoirie incrustée dans la cire rouge.  Son cœur rate un battement alors qu’elle demeure de longues secondes interdite, comme si une présence s’était brutalement matérialisée dans son dos, ricanant par-dessus son épaule et demandant : que vas-tu faire ? D’un geste, elle jette l’enveloppe sur le plateau de bois sombre de son bureau et s’empare de sa baguette. Ses doigts souples lui font désigner l’enveloppe et ses lèvres murmurent un ferme :
- Finite Incantatem.
Précaution résultant de trop nombreux souvenirs de guerre, et de la conscience d’être une cible toute désignée pour quiconque voudrait empêcher les braises des anciens conflits de s’éteindre. Qui donc pourrait mieux souffler sur le brasier agonisant de la révolte que les Malefoy ? L’idée fait glisser un frisson glacial le long de son échine alors que sa baguette s’exécute, la magie faisant légèrement vibrer le bois. Les secondes s’égrènent, interminables. Mais la lettre reste impassible et Moira ne sait pas, étrangement, si ce dénouement la rassure plus qu’il ne l’inquiète.

Laissant échapper un dernier soupir, elle repose sa baguette et observe l’enveloppe, refusant encore de s’en approcher, comme s’il s’agissait d’une bête dont elle évaluait la dangerosité. Les questions se précipitent dans son crâne, se poussent et s’entrechoquent en une cacophonie qu’elle est seule à entendre. Elle s’assied finalement sur son siège et s’empare de la missive d’un geste presque brusque. Ses doigts brisent le sceau avec une certaine satisfaction, la symbolique étant assez plaisante pour adoucir quelque peu le tranchant du piège qu’elle sent se refermer autour d’elle. Puis elle tire de l’enveloppe un papier dont elle reconnaît immédiatement le toucher. L’entête officielle du Ministère étale fièrement ses armoiries alors que ses yeux s’aimantent à la signature qui clôt le message : Lucius Abraxas Malefoy.

L’adrénaline pulse dans ses veines qui s’échauffent brutalement, comme embrasées par une colère sourde qui envahit sa tête et sa poitrine. Le félon se pavane au gré des paragraphes, sa calligraphie longiligne dessinant la preuve de sa survie et son intention de la clamer au nez de ses ennemis. Moira pensait trouver la signature de son épouse, découvrir au fil des lignes l’étalage de ses intentions politiques, pourquoi pas quelque menace l’intimant de démissionner ou de ralentir le plus possible la traque des insurgés sous peine de trouver une nouvelle fois dans son salon la visite imprévue de sorciers désireux de la mettre hors d’état de nuire. Mais il n’en est rien. Et après une dernière inspiration, la magistrate se plonge dans la lecture que sa curiosité l’empêche de refuser.

Son nez se retrousse de dégoût aux premières lignes qui défilent sous ses yeux. L’ironie transpire du papier à en rendre ses mains moites alors que les félicitations mielleuses sifflent à ses oreilles comme si Malefoy lui-même venait les lui souffler. Mais le reste des confidences fait délicatement se froncer ses sourcils, son intérêt piqué au vif par les indices épars qu’elle distinguent d’une phrase à l’autre. Ainsi Lucius est bien vivant, et caché quelque part en Angleterre, bien loin des pays exotiques où plusieurs Aurors pensaient le trouver. La hyène est restée tapie dans leur ombre, louvoyant dans leur sillage, attendant son heure. Le savoir si proche est à la fois une crainte et un soulagement : Malefoy est plus dangereux, mais également plus facile à atteindre.

Les railleries qui suivent parviennent miraculeusement à contracter sa lèvre en un rictus qu’elle peine à mater. Le timbre nasillard de Malefoy se rappelle à son esprit avec une facilité déconcertante, souvenir encore très net des nombreuses années qui les ont vus se fréquenter quand ils travaillaient ensemble au Ministère et que leurs piques rythmaient leurs rencontres quasi-quotidiennes. Les images qui lui reviennent se teintent d’une étrange nostalgie, comme un justicier réalisant la défaite de son adversaire et regrettant alors le temps de leurs luttes acharnées. Lucius avait le verbe tranchant, des idées radicales, une façon effrayante de les propager. Mais il demeurait chez lui comme un honneur presque chevaleresque qui l’empêchait de se livrer aux bassesses communes pour n’attaquer que là où l’ennemi aurait une occasion de se défendre, sorte de loyauté dans le combat qui était parvenue avec le temps à faire naître chez Moira une estime pour celui qui reste encore aujourd’hui son meilleur ennemi. Elle retrouve ce souci dans les mots qu’elle parcoure, une sensation qui détend peu à peu ses muscles alors qu’elle arrive en bas de la page.

Ses yeux s’élèvent pour recroiser ceux du hibou qui, se sentant épié, cesse presque immédiatement de se gratter sous l’aile pour fixer résolument la Présidente de ses yeux jaunes.
- Si seulement tu pouvais me dire où se trouve ton maître… lui murmure-t-elle.
L’oiseau feule en se réinstallant sur son perchoir. Aurait-il donc intégré les principes d’une loyauté sans faille ? L’idée fait sourire la magistrate alors qu’elle relit rapidement les passages les plus intéressants de la lettre. Se renfonçant dans son siège, elle réfléchit de longues minutes sur le comportement à adopter, la façon la plus sage de répondre à ce qui s’apparente moins à une fanfaronnade qu’à une première tentative d’approche de la part d’un homme en fort mauvaise posture. Les rangs des mangemorts ont fortement dégrossi depuis la fin de la guerre, et ce malgré les récentes défections recensées parmi les anciens soutiens de Potter. Elle devrait transmettre la lettre aux Aurors, fournir à ses enquêteurs toutes les informations disséminées dans les lignes, traquer le hibou, pourquoi pas ? Tout faire pour retrouver Malefoy et lui offrir une place en cellule à la hauteur de ses exploits mortifères. Ou alors, elle pourrait lui répondre, satisfaire sa curiosité tout en l’encourageant à de nouvelles confidences, favoriser un contact pour glaner le plus d’informations possibles, seulement elle, pour éviter tout risque de fuite, et mener la barre comme elle l’entend. Un tel choix déplairait fortement au Ministre s’il devait être découvert, à n’en point douter. Peut-être irait-il jusqu’à lui coûter sa place ? Peut-être, oui…

Elle soupire, son pouce frottant distraitement un de ses sourcils. Elle recroise le regard de l’oiseau qui s’ébroue de l’autre côté de la pièce, comme s’il s’impatientait. D’un geste de baguette, elle fait léviter vers lui une seconde friandise qu’il dévore sans rechigner. Ses doigts tapotent frénétiquement sur le bois du bureau. Moira se relève, fait quelques pas dans la pièce pour s’aider à réfléchir. Elle s’étire et se rassied, relit la lettre, la repousse, puis la replie dans son écrin qu’elle porte jusqu’au coffre-fort disposé dans un coin de son bureau. Elle lève le sortilège de protection, elle tourne le verrou pour entrer la combinaison connue d’elle seule et ouvre la lourde porte métallique donnant accès aux dossiers les plus sensibles en sa possession. Elle repousse les classeurs d’un geste précautionneux pour atteindre une petite boîte en bois sombre poli. Deuxième sortilège. Une formule à peine murmurée. La petite clé tourne d’elle-même dans son verrou, et l’écrin s’ouvre pour recueillir la lettre ainsi dissimulée. Puis, tout se retrouve scellé comme il l’était.

Retournant à son bureau d’un pas déterminé, Moira s’empare d’une feuille en tout point semblable à celle qui lui a été envoyée, prolongeant la plaisanterie sous sa propre plume. Les armoiries du Ministère lui semblent bizarrement risibles désormais. Elle débouche un encrier, prend de quoi écrire et dessine ses premières lettres à qui veut tant la contacter. Courbes féminines s’élancent en douces arabesques sur le papier.


« Cher Lucius,

vous ne serez sans doute pas surpris de l’étonnement qui m’a étreinte à la découverte de votre missive. Serait-il possible que dans votre fuite, vous ayez trouvé le temps et les moyens de m’écrire ? Je ne saurais dire à quel point vos efforts me flattent, surtout lorsqu’il s’agit de me féliciter pour mes nouvelles attributions. Vous n’avez après tout que trois petites années de retard, ce qui, de là où vous êtes, représente certainement un exploit. Suis-je la seule à bénéficier d’un tel traitement de faveur, dites-moi ? Je suis soudain curieuse…

Tant de bruit court à votre encontre, que l’on cherche à deviner le lieu de votre retraite ou que l’on vous croie mort, oublié quelque part, abandonné de tous, jusqu’à votre femme. Vous fascinez bon nombre de mes collaborateurs, je crois. Mais cela change-t-il de ce dont vous avez l’habitude ? Nul doute que Harry Potter s’intéresse tout particulièrement à votre cas, comme beaucoup de ceux que vous saluiez autrefois dans les couloirs de cette institution, mais n’ayez crainte : votre cas particulier n’est devenu qu’une tache d’encre noyée dans une autre bien plus grande que votre chère épouse s’applique à étaler. Dormez donc tranquille, pour quelques jours encore. Nous ne vous retrouverons pas demain. Mais cela ne saurait tarder.

Que donne votre salvatrice introspection ? J’imagine l’exercice ardu pour qui a tant d’erreurs à reconnaître sur son parcours. Ne soyez pas trop dur avec vous-même : les plus graves d’entre elles suffiront bien à vous tenir occupé pour les dix années à venir. Ne vous encombrez pas des quelques trahisons et autres broutilles qui les accompagnent. Après tout, la plupart de ceux qu’elles concernent auront tôt fait de vous les faire payer. J’y veillerai sans doute, comme vous l’avez souligné, car telle est la lourde charge que j’ai choisi de porter.

Je ne m’étonne guère de votre opinion sur la dernière stratégie du Ministère, ni de votre examen de ses faiblesses qui se trouve en vérité assez proche du mien. Il semblerait que notre département vous ouvre donc la petite porte. J’aimerais tant vous voir vous y engouffrer. Vous dévoilerez-vous un jour prochain, le visage affublé d’un masque de métal, drapé dans une longue cape noire que vous repousserez d’un geste théâtral pour annoncer le début de votre règne ? J’ai toujours rêvé d’assister à pareille mise en scène. Ne vous jouez donc pas ainsi de ma patience. Infiltrez les Aurors, cher ami, que j’aie le plaisir de vous y dénicher moi-même.

En attendant votre retour dans nos couloirs (dont je me languis, soyez-en certain), nous voilà donc à nous écrire. Et je ne cesse de me demander ce qui peut bien légitimer pareille prise de risque pour vous. Je ne doute pas que ma personne vous fascine, mais de là à mettre en péril votre cavale exemplaire… Vous ennuyez-vous tant dans votre prison sans barreaux que la simple idée de me savoir en train de vous écrire adoucit vos insomnies ? Qu’aimeriez-vous donc savoir de moi, monsieur Malefoy ? Ma couleur préférée ? Le prénom de ma mère, peut-être ? Ou la date de mon anniversaire pour que votre hibou m’apporte un petit quelque chose le jour venu ?

Allons, étouffez ces interrogations qui hantent déjà ces minutes que je passe à vous écrire. Quelle raison a bien pu vous faire accepter de prendre le risque de m’envoyer ce hibou ? Nous n’avons jamais pris l’habitude de nous cacher nos intentions, n’est-ce pas ?

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments les mieux choisis.

Bien à vous,

M. »


Une seule lettre clôt sa réponse, ronde et sensuelle, à l’image de toute son écriture. Elle ne se relit qu’une fois avant de sceller son pli d’un cachet de cire aux armoiries du Ministère. Autant emmener l’ironie jusqu’au bout de la procédure. Elle n’écrit pas le nom du destinataire sur l’enveloppe, ne tient pas à risquer plus qu’elle ne le fait en répondant déjà à celui qui s’approche un peu trop de ce qu’on appellerait « l’ennemi public numéro 1 ». A la place trône un majestueux « L. » qu’elle écrit avant de se relever pour rejoindre l’impatient hibou qui semble n’attendre que de rentrer chez lui. La magistrate attache solidement la missive à sa patte avant de le guider jusqu’à la fenêtre.
- Va donc retrouver cette crapule. Et sois heureux que personne ne te suive cette fois.
Comme s’il s’indignait, le volatile s’ébroue une en émettant un cri perçant avant d’étendre ses ailes et de sauter de son bras pour s’élancer dans la nuit sombre. Moira le suit du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse au loin. Il est parti vers le Nord. Mais ce nouvel indice est si maigre qu’elle ne peut s’empêcher de sourire.

(2561 mots)

©️ ACIDBRAIN

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Ven 1 Fév - 21:20


IRRÉVÉRENCES
« Epistolaires échanges se font filin d'acier soutenant les mouvements désordonnés, convulsifs, erratiques d'un danseur dans les nuages. Marionnette en représentation, l'orchestrateur rit des agissements de son pantin. Qui tient la croix, qui se récrie au bout du fil ? »

Silences nocturnes se sont délités à mesure que naît le jour. Un hibou lâche sa livrée avant de s’en aller par la fenêtre. Fraîcheur d’Octobre. Nuitées paisibles. Gorgée de polynectar tandis que l’oeil amusé parcoure les premières lignes d’une missive par trop familière. La verve magistrate se fait délice pur entre les babines. Alors que Poudlard s’éveille, le jeune Wilson, magister ès sortilèges, crochète une plume sur l’établi.

Bâtarde cursive couvre papier prélevé cette fois dans la réserve toute personnelle du précédant directeur de Poudlard. Comme une moquerie, les armoiries de l’école de sorcellerie brillent avec douceur au dessus du nom d’Albus Dumbledore. Le fuyard a à sa disposition une ressource infinie d’échantillons propres à susciter l’atterrement chez sa correspondante.


« Chère Moira,

Je savais que dans votre infinie mansuétude, vous prendriez la peine de m’indiquer votre gracieuse bienveillance quant à ce retard léger dans mes félicitations. A dire vrai, je ne suis rentré que depuis peu sur le sol anglais et ai, par conséquent, du rattraper quelques nouvelles qui m'avaient échappées. Par chance, mon épouse m'a fourni nombre de vieilles coupures de la Gazette du Sorcier et m'a régulièrement tenu informé de ce qui se passait sur nos belles terres après la chute du Seigneur des Ténèbres.

J’ai voyagé beaucoup en Europe. Savez-vous comme sont accueillants certains villages perdus dans les landes ? J’y ai pris beaucoup de bon temps à deviser philosophie et magie avec les plus improbables personnes que l’on puisse soupçonner. Je vous parlerai d'elles une fois autre, si vous le désirez. Je suis allé en Russie, parfois, en Hongrie, souvent, en France, de temps à autre. Fait amusant, saviez-vous que les Choristes Célestes ont encore pignon sur rue dans la scintillante Paris ? Leur loge est enchâssée dans de vieux bâtiments près du Sacré Cœur, dissimulée savamment et accessible seulement aux membres de leur tradition et à quelques rares initiés dont je fis partie. Je vous y proposerais bien un petit tour pour assouvir votre curiosité, mais je crains que vous puissiez vous méprendre sur mes intentions : malgré l’esthétisme des plus imanquables de votre joli minois dont je me souviens bien et que je contemple parfois dans les coupures de presse, je suis un homme fidèle à son épouse. Et puis cela ferait mauvais genre de me voir avec une magistrate. N’ayez aucun regret, charmante Moira, vous n’aviez pas l’ombre d’une chance.

Aussi étonnant que cela puisse vous apparaître, mon introspection avance à grands pas. Contrairement à ce que vous semblez penser, je n’ai pas une si haute opinion de moi-même que je sois incapable de reconnaître ma lâcheté, ma bassesse, ma violence et mes fautes durant cette guerre. Ces années d’échappées belles au nez et à la barbe des forces de l’Ordre m’ont au moins apporté une sérénité relative que je ne pensais jamais ressentir de mon existence. Je n’expierai ni dans cette vie, ni dans un au-delà les forfaits que j’ai commis, mais j’achèverai au moins mon existence en respectant enfin le blason de la famille dont j’ai été déchu : « Un Malefoy ne se soumet pas ». J’ai par trop courbé l’échine au cours de mes jeunes années, et je n’ai, désormais, plus rien à perdre puisque mon nom, ma fortune, ma famille, mes jeunes années m’ont été ôtées.

A dire vrai, je suis très curieux de vous voir essayer de me retrouver. Et, si vos équipes ou vous même y parvenez, j’espère que vous porterez à mon crédit les efforts que j’aurai déployés pour vous échapper lorsque vous ramènerez ma dépouille à Londres. Vous ai-je, par ailleurs dit que les rives de la Tamise étaient très doux en cette saison ? J’y vis, l’autre jour, une charmante tête s’y promener… Comment s’appelait-elle encore ? Je l’ai sur le bout de la plume… Ah, oui. Lestrange. Le seul des trois qui vous échappe toujours, naturellement. Il m’a pressé d’adresser son meilleur souvenir à la famille du défunt Auror qui tenta de l’interpeller il y a quelques mois… Mais honnêtement, je trouve qu’il est d’une rare grossièreté que de narguer une pauvre maisonnée endeuillée. N’êtes-vous pas d’accord ?

Vous pourriez arguer que je vous nargue vous mais il est évident qu’il n’y a rien de comparable. Primo vous n’êtes, à ma connaissance, pas endeuillée. Secundo, aussi merveilleux que cela puisse paraître, je ne vous nargue pas, je recherche la compagnie toute épistolaire de votre vif esprit, nuance. Vous savez comme sont piètres les cerveaux de ce monde et comme la réclusion est une peine perpétuelle pour le fugitif. Je me rendrais bien pour bénéficier plus coutumièrement de vos bons mots et de l’acier effilé de votre répartie, mais nos échanges tourneraient vite court : vous me laisseriez sans nul doute pourrir dans une cellule. J’aime donc mieux ma liberté relative et le plaisir de cette nocturne correspondance. Aurorale, à dire vrai, le jour s’accointe à l’horizon. Vous pourrez profiter de votre thé matinal – ou de votre café – en savourant cette lettre que n’aura manqué de vous apporter un oiseau détourné. Vous pouvez lui jeter un sort de pistage si vous le désirez, il ne vous mènera qu’à vos propres locaux : c’est une chouette du service du bureau d’artisanat moldu gracieusement prêté à ma personne le temps d’une lettre.C'est fou ce que l'on peut obtenir lorsqu'on demande poliment avec une baguette magique à la main... Il devrait y avoir un rapport d'incident à propos d'un détournement d'oiseau dans ce service d'ici peu sur votre office, je le crains. Ne me pardonnez pas, c'est un petit vice personnel que de venir de temps à autre arpenter les couloirs du Ministère.

Je m’étonne qu’une femme comme vous ne puisse pas s'ébaudir de ce que notre cher Ministre a en tête. Je pensais pourtant que vous seriez première à lui prêter main forte ? En incluant les électrons libres mais puissants dans les rangs des Aurors, Potter s’assure qu’ils ne se retournent contre son camp, qu’ils soient surveillés étroitement, et, le cas échéant, qu’ils puissent être arrêtés rapidement avant d'avoir pu s'allier à d'autres partis. Ce qui transparaît de ses récentes décisions et allocutions dans la presse est une apparente volonté de ramener et maintenir la paix dans le monde magique. Sans doute a-t-il été plus traumatisé qu’on pourrait le croire par la guerre. Pour cela, au moins, je le rejoins : nos terres ont besoin d’une pacification avant que les conflits ne deviennent une habitude. Rappelez-vous, ma chère, à quoi ressemblaient ces années de guerre : la suspicion, la souffrance, les combats, les raids. Vous étiez aux procès de chacun de mes anciens acolytes. Vous avez entendu les témoignages sous veritaserum, vu les souvenirs extraits. Vous savez donc que le combat de Potter est juste. Il est jeune, toutefois… Mon seul regret est de n’être actuellement dans les murs du Ministère pour voir les derniers lambeaux d’enfance laisser place au politicien. Bientôt, il deviendra redoutable si aucune main ne fauche sa vie dans les mois à venir.

Est-ce le moment pour moi de vous annoncer l'imminence d'un attentat ? Je pourrais laisser le doute planer dans votre esprit, mais je me dois de vous le confier : je ne prévoie nullement de tuer ou de faire assassiner Harry Potter. A dire vrai, j’apprécie assez le politicien qu’il est en train de devenir : encore un peu trop d’idéalisme, et quelques maladresses sur les médias, mais il grandira, sans nul doute, et mènera le monde de la magie vers une ère nouvelle. Peut-être vivrais-je assez longuement pour la voir si vos hommes ne m’arrêtent ou si la malédiction qui gangrène mon corps m’en laisse le temps. Vous n’avez aucun moyen de savoir si je dis vrai ou si j’affabule ce dernier point, mais sachez seulement que si vos Aurors ne m’attrapent suffisamment rapidement, le temps fera peut-être meilleur vengeur qu’eux. Cela ne doit pas signifier, cependant, que je veuille être saisi. J’aime pouvoir m’éveiller dans un lit confortable le matin et entendre piailler les oiseaux par ma fenêtre.

Enfin, puisque vous me posez une très pertinente question sur la raison de ma prise de plume, permettez que je vous en pose une en retour. Si vous y répondez de façon détaillée, je répondrai à mon tour de façon détaillée. Si vous y répondez brièvement, je me ferai également moins loquace, et si vous la dédaignez, je continuerai à vous écrire des missives vous décrivant la vue de ma fenêtre et l’avancée de mes introspections sans plus daigner répondre à votre bien légitime interrogation. Je ne désire pas vous cacher mes intentions, mais je suis devenu joueur sur mes vieux jours.

Ma question, donc : quel est votre plus grand désir, Moira ?

Veuillez agréer l’expression de mes meilleures dispositions d’âme à votre sujet, Madame la magistrate,

Bien à vous,

Votre dévoué ennemi publique numéro 1
(je l'espère ; je serais fâché que d'autres s'arrogent à ma place cette distinction) »



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Moira A. Oaks

Moira A. Oaks
ADMINISTRATRICE & MJ
hiboux : 1257
pictures : Irrévérences {Moira} B717b481cf18bbbfe428ae91148e4b8e
Jeu 7 Fév - 0:24





octobre 2003

Moira aimerait dire qu’elle n’a pas attendu la réponse, que la lettre de Lucius est tombé dans les méandres les plus obscurs de sa mémoire, oubliée comme un détail noyé dans le rythme acharné de ses journées. Elle aimerait dire qu’elle n’a pas désiré cette réponse, qu’elle n’a pas attendu ce hibou tous les soirs, qu’elle n’a pas fréquemment regardé dehors pour surveiller son arrivée. Elle aimerait dire que cette correspondance l’agace plus qu’elle ne l’amuse.

Mais Moira n’a pas pour habitude de se mentir.

Alors, son rictus fend largement son visage quand les serres d’un hibou reviennent crisser sur sa vitre, et c’est presque en hâtant son pas qu’elle vient quérir sa nouvelle missive. La feuille de parchemin dévoile cette fois les armoiries de Dumbledore. Les sourcils de la magistrate se haussent, son incompréhension criante sur son visage. Comment cette fouine est-elle parvenue à se procurer un tel papier ? Mes ces questionnements futiles sont vite oubliés quand ses iris bleus se mettent à parcourir les lignes de son bien aimé rival.

Le nez se retrousse. Les soupirs s’amusent. Le verbe de Malefoy est encore une fois intact, ses répliques aussi piquantes qu’autrefois. L’inverse l’aurait certainement déçue.

Revenant à son bureau, elle s’empare d’un papier tout en relisant la lettre, et note d’une main à la manière d’un brouillon les informations qu’il laisse filtrer entre ses phrases. Si son hibou met quelques heures à lui arriver, Malefoy ne peut se trouver à Londres. Mais il ne peut pas non plus se terrer très loin. Elle note :
« Voyages de L. Malefoy en Europe (?) – Russie, Hongrie, France.
Lestrange à Londres depuis l’automne.
Malefoy en Angleterre. Pas à Londres. Etendre les recherches en campagne. »

On frappe à sa porte. Sa secrétaire passe timidement la tête dans l’interstice de la porte.
- Madame Oaks ?
- Laissez-moi deviner. Un détournement d’oiseau ?
La petite écarquille les yeux alors que sa patronne n’a même pas encore levé les siens.
- Mais comment le savez-v… ?
- Il vient de rentrer à la maison.
D’un vague signe de la main, elle désigne le perchoir sur lequel le hibou étend fièrement ses ailes en observant l’intruse de ses grands yeux jaunes. La secrétaire reste interdite de longues secondes avant de demander :
- Mais… Qui voudrait détourner un hibou pour nous le rendre si vite ?
Moira lève le regard vers elle. Elle fait passer son hésitation pour un moment de réflexion avant d’ajouter simplement :
- Je n’en ai aucune idée.
La petite pince les lèvres. Son imagination ne semble pas plus productive que celle de sa patronne.
- Très bien. Je vais essayer de me renseigner. Voulez-vous que je m’occupe du hibou ?
- Non, laissez-le là. J’aime assez sa compagnie.
La secrétaire fait un dernier signe de tête et glisse en refermant la porte du bureau :
- D’accord. Je vous laisse travailler.
- Holly, attendez une seconde... Tenez ! Donnez cela à Sanders, vous voulez bien ?
Elle lui tend alors son papier et ajoute :
- On a de nouvelles pistes. La source est anonyme, mais ça vaut le coup de jeter un oeil.
La secrétaire lit rapidement avant de souffler en repartant :
- Ce sera fait.
Et la porte se referme délicatement derrière elle.

Feuille. Plume. La lettre de Malefoy retrouve sa grande sœur dans le coffret sous clé. La magistrate regagne sa place et griffonne sur une nouvelle page que le hibou semble déjà attendre de porter à son précédent envoyeur. Les mots viennent plus facilement qu’elle ne l’aurait cru.


« Cher Lucius,

la visite de votre oiseau ce matin a rassuré ma petite secrétaire qui s’inquiétait de le savoir dehors, capturé par un mystérieux scélérat. Dieu sait quels sévices elle a bien pu imaginer pour ce pauvre volatile. Aucun qui ne rivalise votre ingéniosité en la matière cependant, j’en suis certaine. Il est des domaines dans lesquelles vous excellerez toujours plus que le commun des mortels.

Vos réveils sont-ils tous si cruellement matinaux ? Je m’inquièterais presque pour votre santé si votre confort n’était pas le dernier de mes soucis. Quelles pensées vous empêchent donc de dormir ? Serait-ce des regrets de vos exactions passées ? La crainte qu’un mangemort plus fourbe que vous ne se décide à vous trahir un jour prochain ? Avez-vous encore des alliés sur qui compter Lucius ? Ou êtes-vous si incertain soudain que c’est vers moi que votre désespoir vous tourne ? Je me demande si votre chère épouse est au fait de cette correspondance que vous avez débutée avec moi. Sait-elle également pour cet œil que vous traînez sur les coupures de presse pour peu qu’une photo de mon profil s’y trouve ? Que dirait-elle de votre fidélité si tout lui parvenait aux oreilles ? Oh, n’ayez crainte. Elle n’a rien à attendre de moi, pas plus que le Sacré Cœur. Il est de notoriété publique que j’ai toujours préféré les bruns.

Je suis heureuse que dans votre fuite vous ayez au moins trouvé à vous distraire, même si la compagnie de Lestrange n’est pas de celles que j’apprécierais le plus. Mais je suis surprise de vous voir vous adonner à des provocations si faciles dans vos écrits, d’autant que votre conception du deuil me semble bien restrictive. Si j’ai eu la chance, il est vrai, de ne connaître aucun drame au sein de ma famille, j’ai, comme bien trop de sorciers, perdu moi aussi des proches, et ce bien avant la bataille de Poudlard. Je suis certaine que le nom de Lily Evans ne vous est pas étranger. Après tout, elle est la mère du jeune homme qui a vaincu votre maître. Je n’ose croire que parmi les victimes que vous avez compté dans vos rangs, aucune n’ait fait naître chez vous l’ombre d’une tristesse au prétexte qu’elle ne portait pas le nom Malefoy. Astoria Greengrass a-t-elle eu l’honneur de vous voir la pleurer ou n’était-elle, elle non plus, pas digne de votre deuil ? La famille par alliance compte-t-elle dans votre vision si sélective de la peine ? Je vous ai toujours cru moins insensible que vous en avez l’air. Je serais étonnée d’apprendre que j’avais tort. Mais comme le monde entier le sait, vous ne seriez pas le premier à tromper mes instincts.

Votre sollicitude pour notre jeune ministre serait presque touchante si elle ne sortait pas de votre bouche. Pour adoucir vos inquiétudes, et peut-être faciliter votre sommeil, je tiens à vous assurer que Potter n’a rien à craindre de moi, et surtout pas ma défection. Nos possibles désaccords n’affaiblissent guère notre détermination à remplir notre but commun qui vous concerne bien évidemment au premier plan. Les soutiens de Potter sont en effet confortés par ses dernières décisions et notre travail pour un retour à la paix continuera de porter ses fruits. Je ne doute pas que l’accalmie actuelle vous sied, mais je serais bien hypocrite si je vous disais que vous en profiterez longtemps. Nulle paix durable ne s’est construite sur un sol vicié, et votre arrestation ainsi que celle de tous vos camarades constituent le socle sur lequel nous comptons évidemment nous appuyer. Je ne peux donc vous laisser votre confort et vos oiseaux, j’en ai peur. Quoique, si vous m’êtes aimable, je pourrais faire un effort sur la literie de votre cellule.

Je tenterai de ne pas laisser au temps le plaisir de vous prendre avant moi. Notre rivalité dure depuis si longtemps, Lucius… Il serait triste que nous terminions sur un match nul, ne pensez-vous pas ?

Je reconnais par ailleurs votre délicieuse malice, bien que je ne pensais pas la retrouver dans pareilles circonstances, quand un refus catégorique de ma part briserait sans doute tous les plans que vous avez en tête pour la suite des événements. Mais vous savez que ma curiosité m’a souvent poussée à suivre les voies les moins sages, et le jeu que vous proposez a le mérite de me sortir quelque temps des dossiers de vos acolytes qui encombrent mon bureau.

Vous souhaitez donc savoir mon plus grand désir ? Je pourrais vous répondre comme beaucoup le retour d’un être cher perdu dans cette guerre, l’arrestation de tous les fugitifs que nous n’avons pas encore retrouvés, la paix, tout de suite, pour toujours… Je pourrais désirer la gloire, la reconnaissance de mes pairs au-delà de ma nomination à la tête du Mangenmagot, marquer de mon nom les pierres éternelles du Ministère. Ou simplement que votre plume se brise pour que vous cessiez à jamais de m’écrire. Mais tout cela, en plus de manquer d’originalité, aurait des répercussions si grandes que je préfère m’en tenir à un souhait moins effrayant.

Une heure. Je crois que je voudrais une heure loin de tout questionnement, une heure loin de cette incertitude permanente qui nous étrangle tous depuis la fin de la guerre. Une heure où je ne doute de personne, en particulier pas de moi. Une heure sans craindre que mes alliances ne soient que des illusions, sans m’inquiéter de ce que vous et vos acolytes pouvez bien fomenter à quelques lieues d’ici. Juste une heure, sans peur ni réflexion. C’est un luxe dont je me sens privée depuis de longues années, et Lord Voldemort ne peut s’attirer tout le mérite de cette privation. Tant d’autres ont fait s’immiscer les doutes dans mon esprit, rongeant peu à peu tout ce qui pouvait s’apparenter à de réelles convictions. Alors j’aimerais une heure remplie d’insouciance, sans autre considération que de savoir que je respire et que mon cœur bat toujours.

Je ne sais si ma réponse vous satisfera. La sincérité n’est pas toujours gage de récompense. Ce n’est certainement pas vous qui me contredirez.

En attendant vos confidences après les miennes, je vous promets de penser à vous ce soir quand la fatigue m’emportera et que je dormirai profondément quand vos regrets continueront de vous tenir éveillé. Cela réduira, je l’espère, le poids de votre solitude le temps que je vienne vous trouver.

Prenez bien soin de vous. J’arriverai bientôt pour prendre le relais

Bien à vous,

M. »


Le pli revient à la patte du coursier que Moira relâche tant que personne n’est là pour l’épier. Elle le regarde une nouvelle fois disparaître, le visage affublé d’un sourire étrange qui a du mal à la quitter.


(1719 mots)

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Dim 10 Fév - 12:09


IRRÉVÉRENCES
« Epistolaires échanges se font filin d'acier soutenant les mouvements désordonnés, convulsifs, erratiques d'un danseur dans les nuages. Marionnette en représentation, l'orchestrateur rit des agissements de son pantin. Qui tient la croix, qui se récrie au bout du fil ? »

Pli scellé entre les mains, l’aube façonne de rougeoyants éclats sur les flocons chus durant la nuit. Enchantement de désillusion, le corps se fait caméléon, longeant brique des murs. Cahors s’entrechoquent lorsque brûlent les astres dans le levant. Il suffit d’un seul être. Rôdant dans la pénombre, l’ex-taulard devine silhouette aux abords de Barjow et Beurk. Baguette roule entre les doigts lorsque murmure frappe le dos d’une jeunesse conspiratrice. Imperium. Aussitôt le garçon vient-il se musser dans les recoins des ténèbres et quérir de son maître nouveau la missive qu’il lui faut délivrer. Mains étrangères s’égarent dans les poches du jeunot. Marchandise volée. Post scriptum ajouté à l’attention de Moira.

Oeillades tandis que disparaît l’enfançon. Agite corps comme un pantin jusqu’au Ministère. Entrée subreptice, enregistrement de sa baguette, de son identité. « Je suis là pour voir Madame Oaks, j’ai des informations concernant Malefoy. Je ne parlerai qu’à elle, il a des taupes ici. ». Bran-le-bas de combat. L’on craint fuites et mouchards au sein du Ministère. La réceptionniste – Holly – prend les décisions qui s’imposent. Mutisme. Elle fait entrer le jeune homme après l’avoir guidé par portes dérobées. Trop peu savent qu’il est dans les murs, cet anonyme respirant jeunesse.

Tête brune, air quelconque. Petite frappe recensée dans les dossiers mais se tenant à carreau depuis quelques lunaisons. Le voici introduit dans le bureau de la magistrature. Il annonce. « Je suis ici pour des informations sur Malefoy. Vous êtes bien Madame Oaks ? Je ne puis délivrer ces informations qu’à elle. » Assurance prise, il lui tend une enveloppe aux audacieuses armoiries de Durmestrang et attend. Son œil désempli d’émotions.

Chère Moira,

J’ose espérer que vous ne vous serez pas offusquée du temps mis à vous répondre. Sept jours et six nuits, je vous l’accorde, se sont écoulés depuis la bonne réception de votre missive. Les vicissitudes de la vie courante, cependant, m’ont appelé vers d’autres horizons. On enterrait ma belle-fille en début de mois, comme vous le savez, et si je n’ai pu, à regrets, venir honorer une dernière fois le vif esprit d’Astoria et le souvenir de sa droiture d’esprit à ce moment, je me suis autorisé un petit passage par les terres de ma Famille pour y prendre des nouvelles des miens. Mon fils, comme cela ne vous étonnera pas, n’est guère en forme, et je m’inquiète pour lui. Je m’inquiète enfin pour lui après avoir été le pire père que l’on puisse imaginer… Je ne dois pas être loin de tenir le menton à celui de Severus, et vous savez pourtant qu’il a jeté son fils sur la voie du crime. Il est presque étonnant qu’il n’y ait eu jamais de parricide dans la lignée Malefoy… Je suppose que dans mon aveuglement, j’ai dû être chanceux que mon fils n’ait eu la force de caractère du directeur de Poudlard...

Un mot sur les terres Malefoy actuellement détenues par mon fils et mon épouse, tout de même. Ces propriétés étant actuellement hors de la juridiction du Ministère, je me permets de vous rappeler que vous ne pouvez poursuivre mon épouse et mon fils pour avoir accueilli un fuyard, merci bien, ma chère. Je m’en voudrais que ma bien aimée Narcissa ne soit à nouveau abusivement placée sous bonne garde des Aurores la prochaine fois qu’elle ira prendre le thé chez quiconque vivant encore dans le territoire régit par le Ministère. Ce serait regrettable, n’est-il pas, de dédaigner à une belle-mère endeuillée la possibilité d’être rassérénée par ses proches. Et elle n’a que peu apprécié son petit séjour dans les geôles de haute sécurité du Ministère… cela ne vous étonnera pas, je suppose.

J’attendais aussi les premières neiges pour vous répondre. Or j’ai su qu’il avait neigé, cette nuit, à Londres. Ces hiémaux frimas ne pourront que faire un cadre agréable à votre lecture de ces feuillets aux armoiries d’une école où j’ai souvent songé à envoyer mon fils. Mais je me suis toujours admis avec répugnance qu’il était probablement trop attaché à la culture anglaise pour s’épanouir pleinement dans les froides landes sibériennes. La sulfureuse réputation de l’école est toutefois largement usurpée, si vous voulez mon avis : Durmestrang a pâti des agissements de feu Grindelwald et des mauvaises décisions de quelques uns de ses directeurs. Si j’avais eu quelque goût pour l’enseignement, sans doute y serais-je allé chercher une nouvelle carrière… Peut-être n’est-il pas trop tard ? J’ai toujours eu un don pour les enchantements et la métamorphose… Croyez-vous qu’il soit trop tard pour passer maîtrise dans ces domaines ? La vieille Minerva McGonagall ne me semble plus si loin de la retraite : qu’en pensez-vous ? Peut-être devrais-je briguer son poste ? L’américain que Severus a engagé pour succéder à notre bon Filius Flitwick me semble un peu jeune pour l’espérer débaucher dans les prochaines années. Quelle idée de laisser enseigner un homme à l’accent si ridicule à nos enfants… Il pourrait altérer la belle prononciation de la langue anglaise de nos petites têtes blondes. Ne le redoutez-vous pas ? Traitez-moi de passéiste si vous le voulez, mais enfin… les américains sont tellement grossiers, parfois.

Par ailleurs, je doute que Severus Rogue dont la réputation n’a été lavée qu’à grande peine, m’engagerait, même pour faire enrager notre cher Ministre… Dommage. Je suis certain que j’aurais été un fantastique enseignant. Comment va-t-il, d’ailleurs ? Je crois me souvenir que vous aviez quelque inclination pour le grand brun qui effraie désormais des générations d’élèves et de parents d’élèves. Vous l’avez, en tous cas, bien aidé lors de son procès. J’étais dans la salle, j’ai vu avec quelle solennité vous avez contribué à ce procès, appelant au calme et à la mesure lorsque s’échauffaient les esprits. La justice ne peut avoir meilleur chantre que vous, je présume. Je n’attendais toutefois pas meilleure réponse que la vôtre : je ne doute pas que vous n’aurez de repos tant que je ne serai à la place qu’est la mienne à vos yeux. Aux yeux du monde également. Toutefois, je suis un vieil homme tirant sur sa fin, et je crains bien que mon petit confort quiet compte. Il vous faudra donc agir promptement.

Je ne puis, chère Moira, que souhaiter que vous trouviez un jour cette heure loin de la difficile charge qui pèse sur vos épaules, et que vous puissiez goûter à l’instant présent, en compagnie de vos souvenirs, ou peut-être d’un être cher. Le silence et la solitude sont parfois des vertus lorsqu’elles viennent entrecouper un quotidien par trop agité, mais peuvent se faire prisons redoutables lorsque nulle agitation ne vient plus les troubler. On naît cependant aussi solitaire et taiseux que l’on ne meurt, et m’y voici préparé, je dois le dire. Vous m’avez demandé pourquoi je vous écrivais… Voyez-y le testament d’un vieil homme que trop peu ont connu au-delà de la façade d’arrogance et de stupidité qu’était la sienne. Est-ce que je regrette les décisions de ma jeunesse ? Certaines. Mais que valent les tourments d’une seule âme face aux atrocités commises par sa main dans sa folie ? Je n’espère nulle rédemption et n’aspire qu’à une paix pour moi et pour ce monde que j’ai contribué à mettre à feu et à sang.

Ma déchéance et mes voyages m’ont guidés vers de bien singuliers chemins de pensées, et vers d’étonnantes révélations intérieures. Je vous l’ai écrit mais vous n’avez relevé : je suis allé à Paris, auprès des Choristes Célestes. Connaissez-vous cette tradition ? Savez-vous quelle est sa particularité ? Je vous laisse y songer et me donner votre réponse dans une missive prochaine, car je sais que vous répondrez. Vous ne romprez pas le contact : l’occasion de remonter la piste jusqu’à l’un des ennemis publiques du Ministère ne se perd pas.

Contrairement à ce que vous semblez penser, je ne déteste pas Harry Potter. Il m’a libéré d’un maître dont le joug pesait trop durement sur les dernières années. J’ai sacrifié les seuls choses qui importaient aux ténèbres d’un homme fou – était-il homme encore ? – l’avenir et la sécurité de mon fils. Trop aveuglé, trop fier, sans doute, je n’ai vu venir ce qui aurait pourtant dû être évident. La ruine. Aucun avenir stable ne peut naître de la conquête impérieuse et de la folie dictatoriales. Le Seigneur des Ténèbres était violent, trop violent pour que son règne pût être éternel. Cherchait-il le pouvoir ? Je me le suis toujours demandé. Sa quête était intérieure : il était effrayé par la mort, par la défaite. Fuite en avant, m’a-t-il semblé, les dernières années. Harry Potter était devenu son obsession. Le tuer était son obsession. Il a vu dans ce garçon l’ennemi qu’il voyait autrefois dans Albus Dumbledore. Mais s’il avait connu le second, il ne connaissait pas le premier et ne cherchait à le connaître. Il aurait pu vouloir le ravir, l’élever, l’amener à sa cause, il ne l’a jamais fait. Il n’a voulu que le détruire en vertu d’une prophétie. Les voyants n’ont que le pouvoir qu’on leur donne. J’ai toujours été persuadé que ne pas prêter attention à ces messages cryptiques était pour le mieux. Si vous m’offriez la possibilité de connaître mon avenir, je la dédaignerais volontiers : il est souvent mieux de bénéficier de l’illusion de liberté que l’on possède.

Vous m’avez demandé ce que j’attendais de vous, voici la réponse que vous escomptiez : une rencontre avec Harry Potter. Lieux et heures à sa convenance. Ce n’est pas une reddition ni une tentative de meurtre. J’ai, je crois, des réponses aux questions qu’il pourrait se poser. Ne s’est-il jamais demandé qui avait été son ennemi ? Quels chemins tortueux ont pu pousser son esprit malade à croire sur parole les élucubrations d’une devineresse ? Car il aurait pu refuser d’y croire. Il aurait pu n’en jamais rien faire ou envoyer d’autres, à sa place, tuer les enfants Potter et Longdubat pour désamorcer la prophétie. Il aurait pu se rire de Severus lorsqu’il lui a amené ce savoir. Mais il y crut, et cette croyance seule a amené plus de morts, de douleurs et de sang qu’on pourrait le croire.

Je ne vous demande pas de transmettre séance tenante ma demande à votre Ministre. Pensez-y, et si vous vous y sentez inclinée, un jour, faites-le.

Bien à vous, ma chère Moira,

L.


Prenez bien soin de vous, chère Moira, et n’oubliez pas de lever l’Imperium du jeune sorcier dans votre bureau en possession de cette lettre. Ce cher petit a obligeamment accepté de faire un détour par les locaux du Ministère pour vous remettre ma missive au lieu de faire ses emplettes dans l’Allée des Embrumes. Dites-lui de ma part qu’il n’est guère prudent d’aller se fournir chez mon vieil ami Caractarus Beurk en poudre d’obscurité du Pérou : celle des frères Weasley est de bien meilleure qualité, et il est moins suspect d’entrer dans leur boutique que dans celle de Beurk (bien que je doive reconnaître que la petite Veredis est certainement un argument de poids pour fréquenter cette dernière : la vie de cette jeune femme est passionnante). Que ma victime ne cherche sa poudre d’obscurité… Je la lui ai empruntée.

Bien à vous, chère Moira,

L.





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Moira A. Oaks

Moira A. Oaks
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Lun 18 Fév - 14:37





novembre 2003

- Madame Oaks ?
Le visage de Holly passe dans l’interstice de la porte de son bureau, l’air soucieux. Le tremblement dans sa voix ne plaît pas à sa patronne qui sent son dos se tendre presque immédiatement.
- Qu’y a-t-il, Holly ?
- C’est… un jeune homme, madame. Il demande à vous voir.
Un sourcil de Moira se hausse.
- Qui est-ce ?
- Je ne sais pas. Il dit s’appeler Andy Swedon. Il ne veut parler qu’à vous.
- A-t-il au moins dit ce qu’il voulait ?
Une hésitation. Puis la petite lâche :
- Il dit avoir des informations sur Malefoy.
Adrénaline pulse dans le sang. Les battements de son cœur s’emballent. Il faut une seconde trop longue à Moira pour ordonner, d’une voix qu’elle peine à maîtriser :
- Faites le enter.

La secrétaire s’efface et tient la porte à un jeune sorcier, le teint pâle, les cheveux bruns, qui entre d’un pas machinal sans une fois croiser son regard. Moira se lève et contourne son bureau pour se rapprocher, ses prunelles détaillant l’intrus comme s’il cachait une bombe dans l’une de ses poches. Elle glisse à Holly, sans la regarder :
- Laissez-nous.
La secrétaire hésite mais s’exécute après un dernier regard vers l’inconnu. La porte se referme discrètement derrière elle, laissant la magistrate avec son mystérieux informateur.

Moira n’a pas le temps de demander quoi que ce soit que le petit fait entendre sa voix monocorde, dépourvue de toute émotion. Il veut s’assurer qu’elle est bien la destinatrice de son message, répétant une fois encore qu’il n’acceptera aucun intermédiaire. La respiration de la juge se trouble un instant alors que les pièces du puzzle s’assemblent devant elle. Ses sourcils se froncent. Elle approche encore de deux pas en murmurant :
- Oui, c’est bien moi.
Le sorcier lui tend alors une lettre et la chaleur qui envahit le corps de la magistrate répand son ire jusque dans son moindre capillaire. Il ne lui faut pas plus longtemps pour tout comprendre, et alors qu’elle dévore les derniers mètres qui la séparent du jeune homme, sa main fébrile vient quérir la lettre si brutalement qu’elle en froisse le papier. Armoiries de Durmestrang. Plus rien ne la surprend. Mais cette fois, elle ne sourit pas. Son regard revient au jeune sorcier qu’elle devine déjà ensorcelé par ce scélérat. Son air s’attriste un instant. Elle lui glisse en s’éloignant :
- Ne bougez pas, Andy. Je reviens tout de suite.
Puis elle ouvre le pli sans ménagement pour lire la missive. Son regard dur devient enragé au fil de sa lecture. Un claquement de langue clôt son déchiffrage avant qu’elle n’aille s’installer à son bureau et s’emparer d’une plume qu’elle trempe sèchement dans l’encre. Son écriture est saccadée, abrupte comme ses pensées.

« Avez-vous perdu l’esprit ?

Je pensais pouvoir compter sur une prudence réciproque, mais vous défiez une fois de plus mes prévisions mêmes les moins sages. Ai-je largement surestimé votre intelligence à croire que la discrétion ferait partie de l’accord tacite que nous avons conclu à poursuivre cette correspondance ou vous amusez-vous sincèrement à m’imaginer soupçonnée d’accointance avec vous et votre misérable clique ? Je n’arrive pas à croire que vous veniez vous pavaner jusque dans les couloirs du Ministère, en faisant s’infiltrer un pauvre garçon sous Imperium pour livrer vos messages comme un vulgaire hibou. Vous n’en êtes pas à votre premier impardonnable, me direz-vous, mais pensez-vous sincèrement que ces agissements jouent en votre faveur ?

Et vous osez ensuite me rappeler les droits de votre famille ? Gardez vos rappels à la loi et autres leçons de bonne morale. On ne saurait rêver pire professeur. Sachez que je ne laisserai jamais à votre femme, pas plus qu’à votre fils, l’occasion d’humilier mon département grâce aux lois qu’il a lui-même créées. Je compte en revanche rapidement leur rappeler celles qu’ils ont oubliées, et peu m’importe qu’ils apprécient le traitement que je leur réserve. Cela vous contrarie-t-il ? J’aimerais m’en assurer.

Et puisque nous en sommes réduits à écrire clairement les règles du jeu, gardez les noms de sorciers bien plus honorables que vous hors de vos esprits viciés. Je ne supporterai ni vos sarcasmes ni vos présomptions quant à mes fréquentations. Vous dépassez des limites que je compte bien préserver et je crois que vous paradez au point d’oublier qui est en position de force. Car vous semblez penser que je ne saurai jamais vous trouver sans que vous l’ayez vous-même décidé. L’isolement vous rend bien prétentieux. Ne pensez pas un seul instant que votre traque soit ralentie par nos échanges, vous risqueriez d’être surpris un beau matin à la porte de votre planque. Et autant vous dire qu’il serait dangereux pour vous que cette correspondance m’ennuie, car si mes plaidoyers peuvent prêcher la mesure, vous savez tout aussi bien que tous les sorciers passés devant moi n’ont pas bénéficié du même traitement. Je ne suis pas du genre à me laisser attendrir par votre santé fragile ou vos légitimes regrets de père, que les choses soient dites. Je m’en voudrais que vos illusions ne soient brisées qu’une fois votre carcasse entravée sur la chaise qui vous attend au Magenmagot.

Mais même si vous bafouez la bienséance depuis des années déjà, je ne peux vous cacher ma sidération à la lecture de vos derniers mots. Je devrais pourtant être habituée à votre désinvolture depuis des années, me direz-vous. Mais de là à vous voir me demander un entretient avec Harry Potter… Je n’ose imaginer les excès qui sont dorénavant les vôtres pour que vous puissiez imaginer un seul instant que je vous laisse approcher le Ministre à moins d’un kilomètre. Et surtout, que gagnerais-je à vous faire une telle faveur ? Les questionnements philosophiques de Potter sont le cadet de mes soucis et je ne sers que la communauté magique que vous avez meurtrie. Pourquoi vous donnerais-je l’opportunité d’approcher le Ministre, dites-moi ? Que vaut votre parole ? Comment l’évaluer ? Vous ne m’avez à ce jour pas donné une seule preuve de bonne foi et je commence à me demander l’intérêt de cette correspondance. Ne vous méprenez pas : j’apprécierai toujours la lecture que vous m’offrez. Mais vos nouvelles exigences changent assez le ton de nos échanges. Alors comprenez que je vous fasse part des miennes.

Vous dites aspirer à la paix. Les Choristes célestes ne sont visiblement pas parvenus à vous montrer le chemin. Qu’avez-vous donc trouvé auprès d’eux si ce n’est cet apaisement que je ne suis pas sûre de vous souhaiter ? Je vous avoue ne rien connaître à ce culte… Eclairez donc ma lanterne, cher Lucius.

Et une dernière chose : je vous renvoie votre jeune émissaire afin que cette lettre vous trouve aussi facilement que les dernières. Je vous conseille de me le renvoyer dès demain accompagné d’un hibou, que je le libère moi-même de l’Imperium que vous lui avez jeté. Vos derniers agissements m’empêchent de croire en votre bon traitement le concernant, j’en ai peur. Je vous demanderais donc de me le renvoyer sain et sauf, que je m’assure personnellement qu’il regagne sa famille sans plus rien risquer de votre part. Il va sans dire que je vous interdis d’user de nouveau de moyens aussi infâmes pour me joindre, et que je vous conseille fortement de ne plus jamais prendre le risque d’impliquer d’autres témoins de vos combines. Vous ne devez la pérennité de nos échanges qu’à la vivacité d’esprit de ma secrétaire qui a eu la bonne idée de ne pas faire passer ce pauvre garçon par la grande porte. Qu’il se présente discrètement à Holly demain, comme aujourd’hui. Elle saura quoi faire.

Soyons clairs. Ce manège ne concerne encore que vous et moi, et je compte bien conserver les choses ainsi tant que rien ne me convaincra de les changer. Alors, convainquez-moi.

N’oubliez pas qui dépend de l’autre dans cette relation que vous avez initiée, Lucius. Je ne sais pas encore la finalité que vous avez imaginée pour cette correspondance dans votre fameuse tête blonde. Mais contrairement au plan que vous fomentez dans votre coin et dans lequel je dois sans doute avoir un rôle quelconque à jouer, je n’ai pas besoin de vous pour continuer ma traque. Et je vous trouverai, Lucius. Soyez sûr que je vous trouverai.

M. »

Pas de politesse, cette fois. Un « M » jeté comme un crachat en bas de la page. Elle ne prend pas la peine de se relire, pas plus qu’elle ne ménage l’enveloppe au moment de sceller le pli. Elle se relève vivement pour rejoindre Andy Swedon et son visage se fait plus doux, plus triste, quand elle arrive à sa hauteur. Elle prend délicatement sa main pour y glisser sa missive, l’air contrit. Elle murmure :
- Tenez, Andy. Prenez ceci, et apportez-le à votre maître. Revenez-moi sain et sauf. Faites attention à vous…
Son regard est si vide… Le voir ainsi est un crève-cœur. Mais Moira se fait violence : elle veut savoir ce qui se trame dans le cerveau perfide du patriarche Malefoy et n’a que cette seule piste pour y parvenir. Elle guide alors le jeune sorcier jusqu’à la sortie et appelle Holly pour qu’elle le raccompagne, aussi discrètement qu’elle l’a fait venir.

(1540 mots)

©️ ACIDBRAIN

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Ven 22 Fév - 11:59


IRRÉVÉRENCES
« Epistolaires échanges se font filin d'acier soutenant les mouvements désordonnés, convulsifs, erratiques d'un danseur dans les nuages. Marionnette en représentation, l'orchestrateur rit des agissements de son pantin. Qui tient la croix, qui se récrie au bout du fil ? »



Trouble. L’adrénaline bat la tempe. Le sang pulse, les cris résonnent. Fantômes de souvenirs. L’étau se resserre, et bientôt la confrontation avec la magistrate zélée sera inévitable. Folie. Caresses enluminées sur le parchemin d’une gorge où crame le matricule de prisonnier. Dans cette chambrée sordide d’hôtel bas-de-gamme, le taulard effleure le fer imprimé sur sa carne. Engrenages. Assis sur le lit, le gamin attend le bon vouloir de son maître. L’imperium empoisonne son esprit. Le pantin se repose tant que le marionnettiste déchiffre l’écriture furieuse de la juge, un mélange d’émotions embrasant son âme.

Peur. Excitation. La situation ignite son âme d’une exaltation depuis longtemps oubliée. Le patriarche se rêve jeunot aventurier. Sait-elle ? L’homme n’attendait pas de réaction particulière de la magistrate. Il devinait son courroux mais ne savait quelle forme il prendrait. Sait-elle ? Sait-elle que la démence gueule ses suppliques ? Sait-elle que la mania veut être stoppée autant qu’elle veut s’échapper de son carcan ? Suaves contradiction brûlent l’âme du vétéran. Que quelqu’un l’arrête. Que personne ne le stoppe. Que veut-il vraiment ?

Soupir. Une feuille d’un bleu pâle vient caresser le bec effilé de sa plume. Il gratouille à la surface après avoir caressé les armoiries de la prestigieuse Académie de magie française. Baguettes croisées, Beauxbâtons crache sa superbe sur le papelard.

Ma chère Moira,

Ce que vous pouvez être susceptible et dépourvue d’humour ! Mais enfin, soit. Je conçois que la plaisanterie ne soit goûtée par l’éminente représentant des forces de l’ordre que vous êtes. J’aurais dû m’en douter. Je vous renvoie donc le jeune homme, en parfait état, nourri et reposé, ainsi qu’un moyen de me contacter autre qu’une innocente victime sous imperium. Vous noterez tout de même que mon messager précédent jouit d’un casier judiciaire et que, s’il est sans doute plus innocent que moi, il l’est moins que vous.

Vous semblez caresser l’idée que vous m’arrêterez, Moira, et que vous êtes en position de force car je n’ai d’autre moyen que vous d’atteindre Monsieur le Ministre. Je crains bien que vous vous berciez d’illusion, ma chère.Vous n’êtes certainement pas mon seul moyen d’atteindre Harry Potter. Le plus exaltant car j’ai toujours apprécié votre verve, mais définitivement pas l’unique. Il est, en revanche, tout à fait probable que vous m’arrêtiez un jour prochain… Toutefois, je vous le demande : préférez vous un arrêt pacifique parce que nous sommes en bonne entente, ou bien préferez-vous venir me cueillir au milieu de décombres après que je me sois délecté de la destruction des lieux moldus et sorciers les plus emblématiques de la ville de Londres ? Cela ne serait-il pas dommage que la famille royale disparaisse dans un nuage de fumée ? Que les musées soient pulvérisés avec leurs visiteurs ? Que le Ministère soit aux proies avec quelques maléfices particulièrement retors ? Que votre Ministre soit enlevé ? Que des centaines de famille périssent ?


J’ai beau chercher une paix intérieure, Moira, je n’en suis pas un chaton dépourvu de griffes pour autant : n’oubliez jamais que ni vous ni moi ne sommes totalement en position de force face à l’autre. Il n’y a, dans notre jeu, ni dominant, ni dominé. Nous discutons parce que nous le voulons bien. Si vous préférez rompre cet échange pour revenir à des méthodes plus martiales impliquant son lot de pertes civiles, je vous en prie, faites-le moi savoir ; quoi que cela ne m’enthousiasme pas, je dois certainement pouvoir reprendre quelques unes de mes vieilles habitudes pour vous agréer.

Venons-en aux questions que vous disséminez entre deux sarcasmes : vous pourriez me faire une telle faveur pour avoir l’occasion d’arrêter l’un des ennemis du Monde de la Magie. Ne serait-ce pas exaltant que de voir un partisan du Seigneur des Ténèbres se rendre à la justice, convaincu par votre seule verve et celle de votre Ministre ? Vous pourriez même rester tout le temps de notre conversation pour vous assurer que je ne tente pas d’assassiner votre précieuse petite tête couronnée. Il y a mille façon d’utiliser  à votre avantage cette faveur que vous me feriez. Ne vous apprend-on donc aucune base de la négociation au barreau ? Allez, laissez-moi vous donner quelques idées. Vous pourriez, après avoir négocié les conditions de ma rencontre avec le Ministre…
- m’arrêter avant d’avoir rencontré le Ministre.
- m’arrêter après avoir rencontré le Ministre.
- me tuer dès que je serai en vue.
- me torturer si cela vous plaît.
- me placer sous imperium pour me faire espionner mon épouse
- ou la tuer.
- ou tuer mon épouse et mon fils.
- me proposer un marché avantageux pour vous.
- me placer à Azkaban sans procès.
- me faire subir le baiser des détraqueurs.

Dois-je poursuivre cette liste ? Je puis vous donner d’autres suggestions, si cela vous agrée. Je suis toujours ravi d’aider les forces de l’ordre à capturer un dangereux criminel.

Vous exigez une preuve de ma bonne foi. Soit. Que voulez-vous, Moira ? Souhaitez-vous que nous nous rencontrions ? Voulez-vous que je toque civilement à votre porte de bureau en demandant un entretien ? Je puis le faire, si c’est ce à quoi vous aspirez. Contrairement à ce que vous semblez croire, le Ministère n’est pas si bien gardé. J’étais dans l’assemblée lorsque Potter a donné sa dernière conférence de presse.

En voici une, tout de même. Je vais vous dire ce que je sais des attentats du Ministère : ils ont été commandité par une personne suffisamment riche pour se payer les services des Euthanatoï qui ne sont pas exactement, comme vous le savez, les exécutants les moins onéreux du marché. Je sais également que le nom de l’euthanatos retrouvé mort est Jack Monroe. Je trouve cela regrettable, c’était un très bon officiant ; j’avais eu recours, il y a une quinzaine d’années, à ses services. Monsieur Monroe a par ailleurs une famille : un frère et un neveu portant tous deux ce même patronyme.

Contre toute attente, je ne suis pas derrière ces attentats. Pensez-vous que j’aurais pris le risque de tuer par erreur ma femme, mon fils ou ma belle-fille qui étaient juste à côté de Potter ? Non, je me serais approché suffisamment pour tuer Potter de mes mains sans qu’aucune bavure ne soit possible. Si moi, un simple mangemort, puis penser à ça, comment croire qu’un professionnel ait pu faire une telle erreur ? Êtes vous certaine que la cible de l’attaque était bien Monsieur Potter ? J’ai, pour ma part, quelques doutes.

Enfin, vous me questionnez sur le Choeur Céleste. Je suis déçu. Je pensais que vous auriez la curiosité de faire quelque recherche… Mais je suppose que le mode de livraison de ma dernière missive vous aura découragée de faire des heures supplémentaires pour votre correspondant préféré. Je vais donc vous raconter ma première rencontre avec l’une d’entre elle. Elle se prénomme Abaigh Kelly ; vous pourrez la trouver dans le petit village côtier de Doagh, tout au nord de la République d’Irlande. C’est une vieille femme ayant vécu plus d’un siècle, je vous en prie, ne la malmenez pas si vous vous rendez au lieu-dit pour l’interroger. Après la Bataille de Poudlard, je me suis enfui, comme bon nombre de mes paires. Contrairement à beaucoup d’entre eux, j’ai immédiatement quitté le Royaume Uni et ai commencé par me réfugier en Irlande. Sitôt passé la frontière, j’ai marché, marché, marché encore, de jour comme de nuit. Je flottais dans un état second, l’esprit encore tout plein du fracas des bataille, les paumes encore tremblantes des vies fauchées, des blessures reçues et infligées. Je suis arrivé au petit matin, après avoir suivi le contour d’une falaise, à ce petit village de pêcheurs. En saison morte, il ne doit guère y avoir plus d’une centaine de résidents, et la vieille Abaigh est la matriarche du village.

C’est une femme étonnante. Petite, le visage dur et fermé, elle incarne à perfection la rudesse si caractéristique des habitants des villages côtiers. Elle a sur la mine cet air bourru que seuls nos aînés accoutumés à la difficile vie de pêcheur peuvent avoir. Sa vie, elle l’a passée sur les côtes, à trier le produit de la pêche que ramenaient son mari, ses fils, ses petits-fils désormais. Tisser des filets ne présente aucune difficulté pour elle, pas plus que de vider les poissons ou ouvrir les coquilles. Mais ce n’est pas sa plus remarquable caractéristique, loin s’en faut. Abaigh est une Choriste Céleste, et je dois dire, une maîtresse en son art. Elle parle peu, car chacun de ses mots est une flèche, un don, et comme toutes les puissantes sorcières ayant traversé ce siècle, elle est avare de ses cadeaux. Lorsque je suis arrivé, aux aurores, dans cette petite ville, je me suis effondré sur un banc posé au sommet d’un a-pic rocheux. La vieille était là, regardant le soleil se lever en réparant des filets. Le disque rouge flambait à l’horizon, et pas une fois elle ne m’a jeté un regard. Je croyais que c’était une moldue, alors je lui ai raconté. Tout. De toute façon, quelle importance puisque je l’oublietterais juste après ? Des premiers souvenirs que j’avais de mon enfance aux dernières exactions du champ de bataille. Pas une seule fois elle n’a laissé son ouvrage, pas une seule fois elle ne m’a regardé. Lorsque ma voix s’est tarie, elle m’a simplement demandé : « Est-ce que tu te sens mieux, petit ? » Sa voix. Ses intonations. Je ne pourrais jamais vous les décrire Moira. Il faut les avoir entendus pour se rendre compte de ce que sont les Choristes Célestes.

Nous utilisons la magie avec notre baguette, nous braillons des enchantements, faisons des mouvements. Eux n’en ont pas besoin. Aucun geste superflus lorsqu’Abaigh travaillait à son filet, ses doigts seuls se mouvaient. Le reste de son corps était d’albâtre. Une immobile figure dans le levant. La voix seule de la vieille était chargée de tant de modulations, de tant de puissance magique que j’en suis resté abasourdi. Je crois qu’elle aurait pu tenir tête au Seigneur des Ténèbres si la guerre l’avait intéressé. Mais c’est une vieille femme, et les guerres ne l’intéressent pas. Elle est en dehors du temps. Une apparition. Je me suis maintes fois demandé si elle existait vraiment… Et j’ai pourtant passé un mois chez elle.

Je suis ensuite parti en France à la rencontre de ses pairs. Personne ne connaissait la vieille Abaigh, tout le monde, en revanche, connaissait Abaigh Kelly, l’une des plus grandes Choristes Célestes foulant encore cette terre.

Chacun des mots que j’ai reçus d’elle a été une offrande, chère Moira, un jalon. Je ne me suis jamais senti autant en paix que dans cette cabane de pêcheur à réparer des filets en écoutant une vieille femme chanter des épopées en vieil irlandais. Pour la première fois, je me suis senti en accord avec le nom que je porte. Lucius, la lumière.

Je pourrais vous narrer le reste de mon exil, le reste de mes cheminements, mais cette lettre s’en trouverait bien rallongée… disons que vous en saurez davantage dans une prochaine missive. A moins, bien entendu, que vous ne préféreriez que nous interrompions cette correspondance pour en revenir à des exactions criminelles, bien entendu.

Bien à vous,

Lucius Abraxas Malefoy

PS : saviez-vous qu'il reste des héritages dans l'enseignement dispensé à Beauxbâtons de cette longue tradition française des Choristes célestes ? S'il est vrai que les Choristes ont bien souvent été associés au Christianisme (quoi de plus transcendant que le chant grégorien, je vous le demande) il serait réducteur de voir en eux une simple expression magique d'une religion moldue.


Jeune homme se pointe au Ministère. Silhouette familière pour Holly. Il est attendu, elle le sait. Son œil est toujours aussi vide. Il emboîte le pas à la secrétaire et s’en trouve enclos à nouveau dans le bureau de la magistrate, chouette hulotte à l’épaule, lettre dans la main. Il semble reposé et ne paraît pas blessé. Ses vêtements ont été changés pour un apparat des plus discrets et ses cheveux coiffés. Il a l’air presque bien portant si l’on exclue le regard sans vie de ce corps ensorcelé. Il tend l’enveloppe à Moira sans un mot. « Il m’a demandé de vous indiquer que vous manquiez cruellement d’humour et que la chouette s’appelait Proserpine ; il m’a aussi demandé de faire une déposition. Alors voilà, je vole à la tire sur le Chemin de Traverse. Au cours des dernières semaines, je me suis fait mille deux-cent trente-trois gallions, quatre mornilles et deux noises en revendant des bijoux ou dérobant des bourses. J’ai aussi touché cette gamine qui s’était perdu derrière Gringotts à la nuit tombée. » La mirette pensive répond aux accents mécaniques de la voix désemplie d’émotion.

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Moira A. Oaks

Moira A. Oaks
ADMINISTRATRICE & MJ
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Mar 5 Mar - 15:27





novembre 2003

Trois coups rapides sur sa porte qui pivote avant même qu’elle n’en ait donné l’ordre : il n’en faut pas plus à Moira pour comprendre que son petit messager est revenu du repère du serpent. Sa nuque se hérisse alors que Holly fait entrer le jeune sorcier. Sa démarche est toujours aussi raide, son regard toujours aussi vide. L’emprise de l’Imperium est intacte, mais le garçon ne semble pas blessé. Le soulagement de la magistrate s’entend dans les profondeurs de son souffle alors que son regard se pose que la petite chouette que Swedon tient à l’épaule. Malefoy aurait-il respecté à la lettre chacune de ses instructions ? Elle n’arrive pas à y croire. D’un signe de tête, elle congédie pourtant la secrétaire qui referme consciencieusement la porte derrière elle, laissant retomber un silence dans le bureau qui met quelques secondes à se dissiper.

Le garçon tend une enveloppe d’un bleu délavé quand Moira s’approche de lui et sa voix monocorde perce de nouveau, identique à celle qu’il avait la veille. Un rictus mauvais étire la lèvre de la magistrate alors qu’elle s’empare du pli qu’il tient, reniant d’un froncement de son joli nez ce manque de dérision dont elle est accusée. La suite des confidences du messager pique cependant son intérêt et c’est avec un air légèrement désabusé qu’elle observe ses traits pâlots et inexpressifs. Quelle tristesse de voir de jeunes sorciers dévier ainsi des chemins les plus sains… Un soupir quitte ses poumons avant qu’elle ne tire sa baguette de sa poche. Elle invite le garçon à s’asseoir sur une chaise et le regarde s’exécuter sans mot dire. Son bras s’élève, désigne l’imprudent qui s’est perdu le mauvais jour dans l’Allée des Embrumes. Le geste est souple, la formulation impeccable.
- Finite Incantatem.
Et avant même que l’effet de l’Imperium ne se dissipe entièrement, elle lance d’une voix ferme :
- Incarcerem.
Les cordes ensorcelées se matérialisent au bout de sa baguette et s’enroulent entour des pieds et des accoudoirs du siège avant d’entraver les membres du garçon qui retrouve difficilement conscience. Le sorcier cligne des yeux plusieurs fois avant de sentir la morsure de ses liens et sa respiration s’emballe. Il tente de libérer ses poignets, laisse échapper un grognement aigu, assez pathétique, avant d’enfin lever le visage pour découvrir la silhouette de sa geôlière, élégamment perchée sur ses escarpins. Moira l’observe un instant, la bouche légèrement pincée. Il a un regard bovin. Elle le préférait presque sous Imperium. D’un pas suave, elle retourne à son bureau sur lequel elle s’appuie quand elle entend le petit marmonner :
- Qu’est-ce que… ?!
- Bienvenue au Ministère. Je suis Moira Oaks, Présidente du Magenmagot. Et vous êtes Andy Swedon, voleur à la tire sur le Chemin de Traverse. Vous avez tendance à vous perdre dans des ruelles peu fréquentables, jeune homme. Votre dernière rencontre sur l’Allée des Embrumes n’a pas été votre plus fameuse. Vous avez passé les dernières 24 heures sous Imperium. Vous risquez de vous sentir un peu vaseux pendant quelque temps. Mais, croyez-moi sur parole, vous n’y penserez bientôt plus car nous avons tous les deux beaucoup de choses à nous dire. Sachez d’ores et déjà que je connais bien plus de vous que vous ne le voudriez sûrement, comme votre petit faible pour la jeune Veredis Beurk, ce qui est de loin votre écart le plus compréhensible. Un café ?  
Moira récupère son mug hurleur sur le côté de son bureau pour aller le remplir sans même jeter un œil à son prisonnier qui éprouve encore, incrédule, la solidité de ses liens. Il peine à retrouver l’usage de la parole, mais finit par bredouiller :
- Qu’est-ce que je fais ici ?
Lentement, Moira revient prendre place contre son bureau, son mug fumant délicatement tenu dans sa main droite. Elle gronde :
- Vous tentez de sauver vos miches.
Les yeux de Swedon s’écarquillent. Son teint devient livide. La sensation pour Moira est assez plaisante. Elle prend une gorgée de café avant de reprendre :
- Nous savons pour vos petits trafics rue de Traverse et autant vous dire que vu le temps dont nous disposons pour les petits délinquants dans votre genre, votre procès risque fort d’être expéditif. Laissez-moi vous dire que cela est rarement en la faveur de l’accusé. Or, il se trouve que vous avez peut-être des informations qui pourraient nous être précieuses et je suis donc prête à vous offrir un marché.
- Un marché ? répète-t-il, l’air bêta.  
Deuxième gorgée de café. Moira se redresse et énonce avec une gravité presque troublante.
- Vous me dites ce que je veux savoir, et nous oublions tout de votre petit recel.
Les sourcils du jeune sorcier se froncent. L’hésitation qui le parcoure est palpable. Moira lui laisse quelques secondes pour ordonner ses idées, ce qui, vu l’énergumène, doit prendre un peu plus de temps que la moyenne. Une troisième gorgée de café plus tard, elle lance d’une voix énergique :
- Alors ? On s’évite un vilain procès ?
Swedon soupire. Ses yeux balayent la pièce sans bien savoir ce qu’ils cherchent à trouver. Il semble complètement perdu. Le silence s’alanguit de longues secondes avant qu’il ne revienne croiser le regard de la magistrate.  
- Qu’est-ce que vous voulez savoir ?
Le sourire de Moira est triomphant. Elle repose sa tasse et croise les bras sur sa poitrine avant d’avancer son premier pion sur l’échiquier.
- Que faisiez-vous dans l’Allée des Embrumes hier ?
Il réfléchit un instant.
- Je me suis perdu.
- Faux. Vous achetiez de la poudre d’obscurité du Pérou chez Barjow et Beurk.
Les yeux de Swedon s’écarquillent. Il semble se liquéfier.
- Je vous répète les règles du jeu : vous me dites tout ce que je veux savoir ou vous passez les six prochains mois à Azkaban avec des camarades bien moins impressionnables que vous. Pas de tricherie. Un seul joker. Vous venez de le jouer. Nous sommes d’accord ?
Le sorcier déglutit et répond :
- Oui.
- Bien. Alors reprenons. A quoi vous sert cette poudre ?
Il se racle la gorge et se met à zyeuter les lacets de ses chaussures.
- C’est pratique pour disparaître en cas de pépin. Si jamais je manque de me faire prendre. Et… Ca me permet d’approcher mademoiselle Beurk.
Rictus de la magistrate.
- Très bien. Qui était avec vous hier dans la boutique ?
- Personne. Rien que moi et mademoiselle Beurk.
La voix de Moira s’agace. Elle siffle.
- Vous vous souvenez de ce que je vous ai dit concernant notre accord, n’est-ce pas ?
- Oui, oui. Je sais, madame. Je vous jure qu’il n’y avait que nous ! Je vous le jure !
Les sourcils de la magistrate se froncent. Incohérence. Le garçon ne semble pourtant pas mentir.
- Comment expliquez-vous que vous vous soyez retrouvé sous Imperium dans ce cas ?
- Je suis sorti de la boutique sans encombre. C’est un peu plus loin qu’il y a eu… ce trou noir.
- Avez-vous remarqué quelqu’un dans la ruelle avant cela ?
Une seconde interminable. Puis le sorcier balbutie.
- N… Non.
Le soupir de la juge est plus éloquent qu’elle ne le voulait. Ses mains viennent s’agripper au plateau en bois de son bureau alors qu’elle grogne, désabusée :
- Faites un effort, Swedon. Il va falloir me donner plus que cela.
- Je vous assure, madame Oaks. Il n’y avait personne. Je veux dire… Personne qui ait attiré mon attention plus que cela. Il y a juste eu ce murmure et plus rien…  
- Une formule ?
- Je ne sais pas… C’est possible.
Un soupir encore, et le jeune homme se tend sur sa chaise. Sa voix se précipite.
- Je ne mens pas, je vous assure.
- Et je suis censée vous relâcher parce que vous avouez avoir acheté une poudre que je savais déjà en votre possession et que vous avez entendu un murmure indiscernable de la part de quelqu’un que vous n’avez pas vu ? Allons, Swedon, soyons sérieux…
- Je vous le jure, il n’y avait personne, à part une vieille femme et un homme que j’ai dépassé en voulant retourner au Chemin de Traverse.
- A quoi ressemblait cet homme ?
- Je ne sais pas… Vous savez, on évite de dévisager les gens dans l’Allée des Embrumes…
Un claquement de langue. Les deux mains de Moira claquent en tombant sur ses cuisses alors qu’elle se lève pour se diriger vers la porte.
- Eh bien, c’est dommage.
- Attendez. Attendez ! C’est vrai que je ne l’ai pas vu mais… Il portait un long manteau sombre et…
- Cela ne me suffit toujours pas.
Elle pose une main sur la poignée quand la voix du jeune homme l’arrête, implorante.
- Il était blond ! Il avait de longs cheveux blonds, très clairs… Madame Oaks, je vous en prie. C’est tout ce que j’ai pu voir, je le jure.
La nuque de la magistrate se hérisse.
- Des cheveux blonds ?
Le sorcier sent l’ouverture et s’y engouffre. Il sue à grosses gouttes.
- Oui ! Oui, j’en suis sûr ! Des cheveux blonds qui tombaient plus bas que ses épaules. Il était mince et… et je ne sais pas quoi vous dire de plus. S’il-vous-plaît…
Moira réfléchit un instant. Elle ne lui a pas dit l’identité de son assaillant. Il ne peut pas avoir inventé un tel détail. De longs cheveux blonds… Quelle meilleure caractéristique que celle-ci pour désigner son meilleur rival ? Lentement, la main de la juge quitte la poignée et Moira s’adosse au mur, recroisant les bras sans laisser une seconde de répit au jeune sorcier.
- Vous souvenez-vous de quoi que ce soit d’autre des vingt-quatre dernières heures ?
- Tout est très flou, je… Je ne suis pas sûr.
- Savez-vous si vous vous êtes déplacé ?
- Déplacé ?
- Avez-vous pris le train ? Volé sur balai ? Transplané ?
- Non… Non, je ne me souviens pas. Je crois que j’ai seulement marché.
- Vous êtes donc resté à Londres ?
- C’est possible, mais je n’ai aucune certitude. Madame Oaks, je vous en prie… Je ne comprends rien à ce qu’il se passe. Je vous ai dit tout ce que je savais. J’aimerais vous aider plus mais…
Il hésite une seconde avant d’oser demander :
- Ai-je fait quelque chose de grave quand j’étais sous Imperium ?
La voix est tremblante, bouleversé. Swedon semble sincèrement terrorisé. Le visage de Moira se penche légèrement sur le côté. Pour la première fois, le petit arrive presque à la toucher. Sa voix s’adoucit. Elle murmure, rassurante :
- Non. Ne vous inquiétez pas. Vous n’avez rien fait qui puisse vous être reproché.
Un profond soupir de soulagement s’échappe de la gorge du jeune homme qui laisse ses épaules s’affaisser. Sa tête se penche en avant comme pour étirer toute sa nuque. Ses poings se détendent enfin pour laisser ses mains reposer, inertes, sur les accoudoirs. Moira ne le presse pas. Elle imagine aisément l’angoisse qui doit être la sienne, brutalement réveillé d’une léthargie dont il ne se souvient presque de rien et catapulté dans le bureau de la présidente du Magenmagot pour un interrogatoire auquel il ne s’est pas préparé. La peur du jeune homme demeure encore accrochée à son ventre, mais ses tiraillements s’apaisent. Il ne relève le visage qu’après de longues secondes, le regard éclairci d’une lueur d’espoir.
- Vous me croyez alors ? Je ne vous cache rien madame Oaks, je vous le promets…
Elle réfléchit un instant avant de souffler :
- Oui.
Nouveau soupir de soulagement.
- Merci… Merci beaucoup.
Le garçon respire mieux. Sa voix tremble moins. Il déglutit une fois encore avant de demander :
- Vous allez me libérer alors ?
Une seconde. Une seule seconde avant que tout espoir ne se brise. D’un geste, Moira ouvre la porte de son bureau pour lancer d’une voix forte dans le couloir :
- Sanders !
Swedon s’étrangle.
- Qu’est-ce que vous faites ?
Son rictus fait dévaler un frisson glacial le long de sa colonne.
- Mais vous m’aviez promis !
- Pour le vol à la tire, oui.
Sourire carnassier de la juge. Swedon panique et réessaye maladroitement de se libérer de son siège. Sa voix se fait suppliante.
- Attendez !
Mais la carrure imposante d’un Auror se dresse bientôt dans l’embrasure de la porte et le jeune homme se fige, tétanisé. Sanders passe la tête dans le bureau pour chercher le regard de sa supérieure.
- Moira ?
La Présidente-Sorcière l’accueille avec un sourire chaleureux. Elle désigne Swedon du menton.
- La petite agressée derrière Gringotts la semaine dernière. Je crois que ce jeune homme a quelques petites choses à te dire sur le sujet.
- Ah oui ?
L’Auror fronce légèrement les sourcils, un rictus intrigué flanqué sur le coin des lèvres. Il s’approche de quelques pas avant d’enfoncer ses mains dans les poches de son pantalon.
- Je te demande pas comment il s’est retrouvé là ?
- Non.
- Parfait.
Un haussement d’épaules et le voilà à hauteur du jeune sorcier. D’un coup de baguette, il le libère de ses liens magiques et l’attrape sous le bras pour le guider hors du bureau en grognant un ferme :
- Allez, bonhomme ! On va discuter tous les deux.
Puis il glisse en refermant la porte derrière eux :
- Je te tiens au courant, Moira. A plus tard.  

De nouveau seule, la juge s’accorde quelques secondes avant de rejoindre son siège et de récupérer l’enveloppe bleutée que Swedon lui a livrée. Son regard croise un instant celui de la chouette hulotte venue emprunter le perchoir de Foul’camp. Elle est bien plus mignonne que leur précédent messager, à n’en point douter. Un sourire étire le coin des lèvres de la juge alors qu’elle déchire l’enveloppe pour en tirer la nouvelle lettre de Malefoy. Armoiries de Beauxbâtons. Compte-t-il lui faire faire un maudit tour du monde ? Un soupir amusé s’échappe des narines de Moira alors qu’elle se plonge dans sa lecture.

« Cher Lucius,

êtes-vous réellement surpris de voir nos sens de l’humour toujours si différents ? Nous avions pourtant déjà goûté maintes fois par le passé nos divergences sur ce point, ce qui ne nous empêchera jamais, je l’espère, de tenter toujours de nous convertir l’un l’autre. Ne vous offusquez donc pas de mes multiples rebuffades. Dites-vous seulement que vous peinez encore à trouver la faille dans mon armure. Je vous sais assez opiniâtre pour retenter votre chance à l’occasion.

Je prends bonne note de vos conseils concernant le traitement de votre précédent messager. Son séjour au département de la justice vient d’être légèrement prolongé, mais j’imagine que vous vous en doutiez. Je me demande comment de telles informations concernant ce jeune homme vous sont parvenues aux oreilles. Avez-vous de petits espions cachés dans les bas-fonds de notre bien-aimée capitale ou vous infiltrez-vous vous-mêmes dans toute l’Angleterre dans l’espoir d’y dénicher de quoi marchander avec les Aurors ? Si vos talents suffisent à vous faire entrer en conférence de presse avec notre cher Ministre, je ne doute pas de votre capacité à pénétrer où bon vous semble. Je devrais sans doute m’en inquiéter.

Quel visage portiez-vous aux côtés de Potter, dites-moi ? Je ne cesse de me demander si j’aurais été capable de vous démasquer si j’avais été présente. Nous ne le saurons certainement jamais, à moins que vous ne vous risquiez encore à venir rôder sur mes terres. Avez-vous été tenté par une autre action malheureuse, si proche du rival de votre fils ? Des picotements ont-ils assailli vos paumes, vous quémandant d’empoigner votre baguette pour occire l’incarnation de tous vos malheurs ? Ou cette incarnation a-t-elle depuis changé de peau ? Car je crois lire au fil de vos lignes des questionnements incessants dans votre retraite, un flot d’incertitudes qui, je le crois, vous trouble tant que vous sentiez le besoin de les conter aux vieilles femmes de Doagh. Je ne connaissais pas l’existence d’Abaigh Kelly, et je crois, une fois n’est pas coutume, qu’il est de bon ton de vous remercier pour cela. Si vous en doutiez, sachez que je suis heureuse que, malgré l’infortune que je peux parfois vous souhaiter, vous ayez trouvé pendant quelque semaines un calme que toute âme doit pouvoir connaître à une époque comme la nôtre. Peut-être ce sentiment est-il quelque peu égoïste : je serais sans doute déçue de vous savoir trop affaibli. La victoire ne peut devenir éclatante que quand elle était incertaine.

Ne vous méprenez pas sur mes convictions, cher Lucius. Je sais que dans l’entourage de Potter, nombre de sorciers sauraient prêter oreille attentive à vos propositions saugrenues et que si vous avez choisi de frapper à ma porte, rien ne vous empêchera demain de frapper à une autre. Je vous crois cependant un esprit trop vif pour ne m’avoir choisie qu’en raison d’une affinité de caractères. Est-ce pour la place que j’occupe ? Pour ma capacité à atteindre facilement Potter ? Pour la confiance qu’il pourrait me vouer ? Ou pour la simple satisfaction de vous jouer de votre ennemie toute désignée par le système que j’ai embrassé ? Je ne saurais dire. Mais il y a quelque part une motivation autre que mon verbe qui vous a mené jusqu’à moi, sans quoi vous auriez prolongé votre cavale en vous frottant à d’autres esprits plus malléables que le mien. Vous savez que Potter ne compte pas que des alliés, y compris au sein du Ministère. Mais vous savez également que le Ministre a grandi et que le jeune lionceau s’est mué en créature à la fois plus méfiante et plus dangereuse. Combien de ses collaborateurs accepterait-il de suivre s’ils lui demandaient de rencontrer le célèbre Lucius Malefoy à l’abri des regards ? Et combien de ceux qu’il suivrait accepteraient de se livrer à pareille correspondance avec vous ? Si vos possibilités sont si nombreuses que vous le prétendez, je devrais sans doute donner dès aujourd’hui ma démission car mon œil ne serait alors plus aussi acéré que je me plais à le croire.

Je vous en prie, Lucius, ne vous abaissez pas à des menaces si triviales. Je vous ai toujours connu plus raffiné que la plupart de vos frères d’armes et je serais triste de vous voir vous perdre dans d’autres méfaits même une fois votre maître renvoyé aux ténèbres auxquelles il appartient. Et voilà que vous me blessez à m’imaginer moi aussi capable des pires félonies dans le seul but de vous voir enfermé dans une cellule du ministère. Voyez-vous, mes idéaux de justice ne s’arrêtent pas aux portes de mon département, et s’il m’est déjà arrivé de frôler l’immoralité pour arriver à mes fins, je ne suis pas adepte des trahisons. J’aime à penser que j’ai toujours tenu mes engagements, et que je ne donne jamais ma parole pour la sacrifier par la suite. J’ose croire que nous partageons la même droiture, sans quoi cette correspondance s’avèrera bien stérile. Aussi, si nous finissons contre toute attente par donner lieu à cette rencontre avec Potter, soyez sûr que vous en sortirez aussi indemne que vous serez arrivé. Je peux m’y engager dès maintenant si cela nous permet d’échanger sur des bases plus saines. Ne craignez donc ni pour vous ni pour les vôtres concernant cet entretien.

Vous me demandez ce que je désire en échange de cette faveur que je pourrais vous faire ? La réponse est simple : je veux Lestrange. Sans bavure et sans conditions. Vous qui avez eu la chance de le croiser il y a quelques semaines à peine en plein Londres, je ne doute pas que vous saurez facilement retrouver sa trace. Et comme vous l’avez vous-même souligné, un individu si grossier ne sera une réelle perte pour personne. Alors donnez-le-moi, de la manière qui vous conviendra le mieux : transmettez-moi l’heure d’un de ses prochains passages dans un lieu précis, donnez-lui rendez-vous quelque part où mes hommes l’attendront… Abandonnez ce simulacre de loyauté qui vous enchaîne à la vermine et aux tortionnaires. Vous méritez de meilleurs compagnons que ceux que Voldemort vous a offerts. Livrez-moi Lestrange et j’envisagerai de glisser un mot en votre faveur à notre ministre. Si, comme vous l’affirmez, vous n’avez rien à voir dans l’attentat qui a manqué de lui coûter la vie, il se pourrait qu’il vous laisse votre chance comme je vous en ai laissé une.

Je vous remercie d’ores et déjà de m’avoir confié ce que vous savez du commanditaire de l’attentat. Vos impressions ressemblent fort à celles de plusieurs Aurors dont j’ai plusieurs fois reconnu les excellents instincts. Je ne sais pas si le fait que Potter puisse ne pas avoir été la cible de cet attentat me rassure… Les temps sont si troublés, Lucius. Je crains qu’une attaque, d’où qu’elle vienne et qu’importe qui elle vise, puisse rallumer les flammes d’un incendie éteint à grand peine. Je pense que ni vous ni moi ne souhaitons voir basculer l’équilibre chancelant que nous maintenons depuis la mort du Seigneur des Ténèbres. Notre but est le même. Nous n’avons aucune raison de nous opposer frontalement.

Je ne crois pas avoir déjà pris le temps de vous transmettre mes condoléances pour la perte d’Astoria Greengrass. C’était une jeune femme habile et élégante, comme on en compte de nombreuses dans votre famille. Elle y faisait honneur, j’en suis certaine. J’ai été peinée d’apprendre sa perte. J’espère que vous accepterez de me croire.

Cette époque n’est charitable avec personne. Je n’espère pas en sortir inchangée. Personne n’est fait pour subir autant que nous le faisons depuis le début de cette guerre et je sais ne pas être la plus à plaindre. Je ne peux vous promettre de vous garder de tous les tourments qui vous guetterons, Lucius, mais je puis vous assurer que je vous protègerai de quelques-uns si vous me donnez une bonne raison de le faire. Vous me connaissez assez pour savoir que je ne dis jamais ce genre de choses à la légère.

Prenez votre décision, Lucius. Ne vous trompez pas d’allié.

M. »


Lettre pliée, l’enveloppe scellée retrouve la patte de la chouette hulotte qui attend patiemment son fardeau. D’un geste délicat, Moira la guide jusqu’à sa fenêtre en murmurant un doux :
- Va, Proserpine. Hâte- toi. Beaucoup de choses dépendent de toi.
L’oiseau s’envole et la magistrate retourne dans le couloir pour rejoindre le bureau de sa secrétaire.
- Holly ?
- Oui, madame ?
- Monroe… C’est un nom qui vous dit quelque chose ?
- Heu… Eh bien, il y a Pavel Monroe, le secrétaire de monsieur Rosier. Et il y a un second monsieur Monroe au service de réparation des accidents magiques. Je ne me souviens plus de son prénom… Guy ? Giles ? Non… Gideon ! Gideon Monroe. Je crois qu’il s’agit du père de Pavel.
- Mmmh…
Sa secrétaire fronce un peu les sourcils. Elle se permet de demander :
- Voulez-vous que j’essaye de les contacter ?
Moira revient croiser son regard, l’air préoccupé.
- Non, je vous remercie.
Puis elle lui offre un discret sourire.
- Pas encore.

(3872 mots)

©️ ACIDBRAIN

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Mer 20 Mar - 8:50


IRRÉVÉRENCES
« Epistolaires échanges se font filin d'acier soutenant les mouvements désordonnés, convulsifs, erratiques d'un danseur dans les nuages. Marionnette en représentation, l'orchestrateur rit des agissements de son pantin. Qui tient la croix, qui se récrie au bout du fil ? »



Le lys empoisonne l’air de son audacieuse senteur. Belle femme, belle fleur. Redoutable assassine. Redoutable gardienne. La missive s’est dépliée sur un pupitre à l’aube naissante. Les corolles de parchemin se déploient, vrombissant sous les nuées. Proserpine la chouette hulule placidement entre deux gorgées d’eau. Les yeux las parcourent les lignes serrées, serties dans le vélin. Mots tournoient, reproches et billevesées amicales se répondent avec une verve caractéristique. Le sourcil plafonne tandis que la phalange flatte pensivement l’amie empennée qui a apporté le courrier.

Au plus fort de la nuit, personne, encore, n’a eu l’idée de déranger le jeune professeur. Gorgée de polynectar pensivement lapée, un arrière-goût détestable en bouche. La langue flatte le palais d’un claquement sonore, la flasque renfloue le pli de l’habit. Il est d’étranges habitudes qui se prennent si bien, si vite, si aisément. S’abreuver chaque heure des reliquats d’un moldu est devenu une singulière expérience. Presque lénifiante. Devenir autre pendant si long temps est un jeu dangereux. Voir ce visage juvénile dans la glace ferait presque occulter l’imminence de la mort et la pesante gravité des fautes. S’il existe un enfer pavé de bonnes intentions, il tient à une bouteille de cet hideux sirop.

La main fouille pensivement l’office. Tiroir ouvert, feuille s’en exhale. Il est temps de jouer. Vraiment. L’armoirie ministérielle scintille, l’entête du papier gueule le nom de sa précédente propriétaire. « Moira A. Oaks ».

Ma chère Moira,

Quel plaisir que de découvrir cette nouvelle et fort civile missive. J’espère que vous ne m’en voudrez pas de vous avoir emprunté un peu de papier à lettres lors de mon passage chez vous. Je suis un faussaire consommé, vous savez, et très capable de rédiger des faux documents. Mais j’ai trouvé plus amusant de vous rendre le fruit de mon larcin… A dire vrai, j’avais prévu de cambrioler le bureau du Ministre, mais il s’en trouve étonnamment mieux gardé que le vôtre. Il faudrait revoir votre sort d’alarme. Lors de mon passage en octobre dernier, à la conférence de ce cher Monsieur Potter, il était par trop aisé à démanteler. Je portais un visage pour le moins ordinaire, puisque vous me le demandez. Emprunté à un moldu que je m’en suis allé chercher dans un bordel à l’autre bout du monde. Pour des raisons évidentes de sécurité, je ne vous indiquerai, bien entendu, pas quel est mon actuel minois. Je vous sais par trop excitée par la chasse pour vous faciliter la tâche.

Je suis fort aise de savoir mon messager – dont j’ignore le nom, pour être honnête – confié à vos bons soins. Voyez-vous, je ne sais rien de ses activités particulières. Je l’ai simplement surpris dans l’Allée des Embrumes où je fais quelques emplettes parfois. Je l’ai soumis à l’imperium comme vous le savez, pour vous délivrer ma missive et, une chose en entraînant une autre, je lui ai peut-être vivement conseillé de me raconter ses dernières exactions répréhensibles. Mais l’idée n’était certainement pas de chercher spécifiquement une cible à vous confier… voyons, même moi je ne serais pas un si veule ladre, ma chère !

Et puisque nous parlons de viles créatures… Lestrange. Soit. Rien de plus aisé que de vous indiquer où le coquin se cache. Rien de plus malaisé pour vous que de le débusquer toutefois. Il a trouvé refuge dans les ultimes propriétés laissées aux Lestrange. Elles sont gardées contre les intrusions, naturellement, et incartables. Il faudra, par conséquent, débusquer le malandrin lors d’une de ses sorties pour espérer l’appréhender. Il se trouve que, par un heureux hasard de calendrier qui ne doit rien à votre servant, l’homme que vous cherchez devrait être dans le petit village côtier de Walcott à l’est du pays ce vendredi à dix sept heures précises, sur la digue. Cela vous laissera trois jours à la réception de cette missive pour vous préparer. C’est peu, je vous l’accorde, mais je crains qu’un rendez-vous prévu de plus longue date aurait attiré l’attention. Afin que vous puissiez le rencontrer, je vous cède un de mes cheveux. Nous nous rencontrons toujours à visage découvert, et le mot de passe est la devise des Black « toujours pur ». Très ironique lorsque l’on sait que les Lestrange ont compté un moldu dans leur arbre généalogique au quinzième siècle… mais enfin, il y a prescription pour les mésalliances après tout ce temps, paraît-il. L’un de vos aurores pourra prendre mon apparence et l’approcher sans écoper d’un sortilège perdu. Bien naturellement, vous trouverez une histoire rocambolesque pour justifier de votre possession de ce cheveu. Il ne serait dans l’intérêt de personne que l’on sache que je vous l’ai cédé de bon gré.

L’homme est devenu un peu suspicieux, aussi vous faudra-t-il un acteur consommé pour cette mission qui soit capable d’égaler le style pompeux, raffiné et condescendant de votre correspondant favori. Et surtout, sa ponctualité. Un Malefoy n’est jamais en retard. Si votre aurore a plus de trois minutes de retard, Lestrange se sera évaporé. Bonne chance pour dénicher cette perle rare en si peu de temps !

Ne le sous-estimez pas lorsque vous le verrez ; vous voulez une arrestation sans bavure, mais j’espère que vous saurez ne pas m’imputer l’un ou l’autre trépas si vos cow-boys décident de manquer de prudence. Lestrange est un combattant rusé, fourbe et rapide. Il a une préférence notoire pour tout enchantement susceptible de provoquer une agonie longue et douloureuse : cela inclut de briser des os, saigner les chairs et tourmenter le système nerveux avec à peu près tout ce que la Création a pu imaginer d’enchantements morbides. Un évident manque de style si vous voulez mon avis.

Naturellement, arrangez-vous pour ne pas le laisser s’échapper… Il serait regrettable qu’il pût parler de ma traîtrise à d’anciens camarades...

Je me dois de clore hâtivement cette lettre avant de faire un peu de chemin. Même sur les routes, le hibou saura me trouver !

Bonne chasse,
Bien à vous,
Lucius Abraxas Malefoy


Gaudriole éclate les lèvres tandis que se plie le parchemin avec soin. Chemin, oui… le chemin qui mène à la grande salle pour le petit déjeuner. Lénifiante perspective : l’estomac gargouille. Huileuse tache noire grignote la côte. Caresse pensive pour ce sceau mortifère. Enclos dans une feuille légère, un fil d’or pâle se tortille. Long, roulé en pelote, le cheveu d’un meurtrier au visage d’ange. Amusement en perspective : quel aurore aura le privilège d’incarner le bellâtre le plus conspué de ce temps ?


code by bat'phanie

Moira A. Oaks

Moira A. Oaks
ADMINISTRATRICE & MJ
hiboux : 1257
pictures : Irrévérences {Moira} B717b481cf18bbbfe428ae91148e4b8e
Sam 30 Mar - 17:43





novembre 2003

La petite chouette l’observe depuis son perchoir, faisant cliquer ses serres sur le métal en dévorant la friandise dûment glissée dans son bec. Les mains de Moira tremblent, quelque peu fébriles. Mais c’est son cœur qui s’alarme quand elle déplie enfin la missive ainsi livrée. Le toucher du papier l’avait déjà alertée. Mais c’est la découverte de l’entête qui achève de réveiller ses peurs. « Moira. A. Oaks »
Son papier. Sa réserve.

Avant même de lire les premiers mots, la magistrate court à son coffre-fort, lève les enchantements et plonge sa main à l’intérieur à la recherche des dossiers les plus sensibles qu’elle garde ici. Les feuillets s’étalent sur son bureau. Elle en parcourt chaque titre, vérifie que toutes les pages sont à leur place, complètes et intactes. Rien ne semble avoir disparu. Elle vérifie alors son coffret où les premières lettres de Malefoy sont prudemment dissimulées. La clé tourne dans la serrure et Moira tire le paquet de missives. Une. Deux. Trois. Quatre. Elles sont toutes là. Le soupir de la juge est encore plus profond qu’elle ne l’aurait cru. Sa main passe sur son front, tente de lui faire reprendre pied et, d’un coup de baguette, elle remet tout en place avant de réinstaller chaque sortilège de protection. Mais son regard continue de parcourir son bureau à la recherche du moindre élément manquant, du plus petit bibelot déplacé. Carnets, grimoires, photos, plumes enchantées, cartes de visite et tenues officielles… Tout est passé au crible, minutieusement vérifié pour être certaine que rien n’ait été volé. Ou ajouté. Mais elle ne trouve rien. Rien que cette feuille de papier à l’entête si insolente. Malefoy aurait-il poussé le vice jusqu’à risquer toute sa cavale au nom d’une simple provocation ? A moins qu’il n’ait un complice au sein du ministère ?

Les réflexions de Moira s’emballent. Les visages de tous ses collègues passent dans son esprit en une fraction de seconde avant qu’elle ne fasse un effort colossal pour mater son accès de paranoïa. La juge secoue doucement la tête. Cette correspondance la rend folle. Il faut qu’elle reprenne ses esprits, et vite. D’un las lent, elle revient à son bureau où elle récupère la feuille. Echappant un soupir las, elle s’appuie sur le meuble pour débuter sa lecture, et les premières lignes excitent son ire qui pulse dans toute sa poitrine. Elle imagine le sourire narquois de Malefoy quand ses doigts caressaient le papier, passant sur son nom comme on cajole un trophée. Un juron siffle entre ses dents alors qu’elle se force à poursuivre son déchiffrage. Les battements de son cœur s’accélèrent, se saccadent. Puis s’arrêtent, soudain.

« Lestrange. Soit. »

Dénouement brutal. Victoire abrupte. Il lui faut quelques secondes pour réussir à dévier les yeux de ce dernier mot. Un acquiescement si simple. Si rapide. Et si dangereux. Les mains de la juge se crispent sur la lettre, froissant le papier. Elle se force à lire la suite, y découvre tous les conseils qu’elle pouvait espérer, et sa main plonge finalement dans l’enveloppe pour y trouver le dernier présent de son rival : un cheveu blond, si clair qu’elle ne doute pas un instant de sa provenance. Un moment, ses yeux observent le crin qu’elle tient entre le pouce et l’index, songeuse. Tant de risques à prendre. Tant de gains à en tirer. Comment croire en un homme qui l’a tant de fois défiée ? Comment savoir si le traquenard qu’il propose ne sera pas au détriment de ses propres hommes ? Mais comment se détourner d’une occasion pareille ?

Une respiration. Moira remet le cheveu dans l’enveloppe avec la lettre qu’elle cache dans la poche intérieure de sa veste de tailleur avant de sortir en trombe de son bureau pour trouver sa secrétaire qui sursaute à son appel.
- Holly ?
La petite se lève, les yeux écarquillés. Elle balbutie :
- Madame Oaks ?
- Contactez Kingsley Shacklebolt immédiatement. Je veux une réunion exceptionnelle avec nos meilleurs Aurors. Tout de suite.
Moira va pour continuer sa route quand la surprise de Holly la fait s'arrêter.
- Tout de suite ? Mais…
Moira fait volte-face et répète d'une voix très basse.
- Holly. Tout de suite.
La secrétaire reste une seconde pantoise, mais le regard de sa supérieure est trop profond pour qu’elle émette la moindre objection. Elle sent l’urgence, l’appréhension, et la crainte de la magistrate comme rarement auparavant. Quelque chose se passe, il ne peut en être autrement. Alors elle acquiesce, répondant un grave :
- Je m’en occupe.
Un dernier signe de tête et Moira s’échappe. Son pas déterminé claque sur le carrelage du couloir, dur comme son regard. Dans ses veines, la hargne des premières traques est toujours intacte.
On ne se lasse pas de la chasse.
Jamais.

(796 mots)

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