Noir.

Galahad est habitué aux ténèbres, il les côtoie régulièrement, peut-être même un peu trop. Face à elles, il ne craint rien, car il se sait pourvu de l'arme la plus formidable qu'il puisse rêver avoir : la baguette familiale des Graves.
Ici, pourtant, tout est différent. Le voilà à présent nu. Vide. Dépouillé de son trésor le plus cher.

Quand il aperçoit que son fin morceau d'aubépine des marais manque à l'appel, son coeur s'emballe. Avec cette relique, il a affronté les pires dangers que le MACUSA lui a demandé de rencontrer, se sentant accompagné, épaulé par son grand-père, l'illustre Lancelot. Sans elle, il est amputé, privé d'un des rares liens qu'il a gardés avec sa terre natale.
En plus d'être aveugle, il est manchot.

Assis sur ce qu'il devine à la dureté du sol être de la roche, Galahad ferme les yeux - bien que la démarche soit sans doute inutile - et se reconcentre. Dans un premier temps, il reprend son souffle, calme son rythme cardiaque, contrôle ses émotions.
Inspiration profonde, expiration appuyée. Dans l'aveuglement qu'il subit, ses autres sens sont exacerbés, si bien qu'il s'entend respirer et se cale sur le rythme de cette dernière pour essayer de s'apaiser. Il repense à sa mission, à sa famille, à son peuple, à tout ce qui lui reste à faire, tout ce pays qui compte sur lui, et parvient finalement à faire redescendre la panique. La Baguette choisit son sorcier, c'est une certitude, mais elle ne fait pas la valeur d'un homme.

▬ Bon, se murmure-t-il à lui-même comme pour se rassurer qu'il est encore capable de parler, voyons voir.

Son trait d'ironie lui arracherait presque un de ses fugaces sourires évanescents si le danger ne l'entourait pas tant. Dans la poche de son manteau, il retrouve la bougie magique que l'étrange apparition lui a offerte au Chemin de Traverse. Si l'enchantement dont elle est dotée lui permet de rester allumée éternellement, il ne peut malheureusement pas s'en servir sans un combustible ou, bien évidemment, sa baguette. Galahad grogne silencieusement en réalisant à nouveau son handicap.

Pendant un temps incalculable, il reste là, dans la même position, à réfléchir à ce qui a bien pu lui arriver. Les scénarii s’enchaînent dans sa tête, les réflexions suivent et les hypothèses se complètent. Sa piste aurait-elle remarqué sa filature, malgré toutes les précautions prises, et l’aurait ensuite assommé et emmené ici ? Possible. Après tout, Bjornson est connu pour avoir assassiné des Aurors expérimentés aux quatre coins du monde et vaincu des protections magiques réputées infranchissables. Néanmoins, Galahad a en lui un pressentiment étrange qui ne cesse de le hanter. Si Bjornson est effectivement derrière tout ça, pourquoi ne l’a-t-il pas tué ? Pourquoi le laisser en vie et se contenter de le priver de baguette ? Un vol ? Peu probable. S’agirait-il d’un jeu malsain, pour voir s’il est en mesure de s’en sortir totalement démuni ? A moins qu’il n’ait été sous-estimé et qu’il le pense mort, même s’il doute de cette possibilité.
Ou alors… Ou alors, il s’agit de quelque chose de totalement différent et imprévisible.

Réalisant qu’il n’a pour l’instant pas suffisamment d’informations pour comprendre, Galahad décide au moins d’agir. Hors de question qu’il reste ainsi à attendre la mort. Il se met sur les genoux, mains par terre, et avance à tâtons vers une direction inconnue, à sa droite. Pivotant légèrement, comme ses entraînements d'orientation à l'aveugle l'ont habitué à faire, il décide d'avancer dans une direction en évitant de changer de cap pour ne pas tourner en rond. Sans la vue, il doit être consciencieux, pragmatique et surtout très efficace s'il souhaite s'en sortir. Avancer tout droit lui permettra, au pire de rencontrer un obstacle, au mieux d’arriver ailleurs.
Au bout de longues secondes - à moins que ce ne soient des minutes... Des heures ?! -  à tâter le sol ou d’autres surfaces, alors que ses doigts et ses genoux deviennent doloris, Galahad ressent comme un changement. Est-ce son imagination qui lui joue des tours ou son environnement est-il vraiment en train de changer ? Ça, ce qu’il pense entendre, n’est-ce pas un bruit ? Et est-ce que c’est de la lumière au loin ?
Entre délire et réalité, Galahad ne change pas de cap. Il avance, toujours inexorablement, vers son destin.