Malachy est quelqu’un de bien, il ne laisserait pas quelqu’un, disons une amie proche ou ce qui y ressemble, dans la panade. Lizzie est en persuadée, veut s’en persuader. Elle a hésité, auparavant. Lorsqu’il a semblé clair que Lovelace, malgré toute l’affection qu’il met à écouter ses plaintes, ne pourra pas être un confident modèle. L’employée du Ministère a pourtant bien essayé de lui confier cette boule d’angoisses et de questionnements, ce nœud de colère, ne récoltant que quelques gémissements polis et cet air de profonde interrogation. Le chien n’aurait rien aimé de plus qu’une action claire et simple à réaliser, nécessitant de préférence de poursuivre ou mordre quelque chose.

Il faut avouer que la psychologie canine connaît quelques limites lorsqu’il s’agit de s’occuper d’un humain. Elle a contacté deux de ses sœurs, et deux fois renoncé lorsqu’elle entendait, en arrière—plan au téléphone, des enfants qui réclamaient d’un côté à ne pas rentrer dans leur bain et de l’autre à prendre leur repas. Elle-même s’est jetée sur un paquet de sablés industriels et a eu le temps d’avoir mal au ventre avant que le troisième membre de la famille, frère aîné, ne réponde pas au téléphone. Lizzie a soumis à son chien l’idée d’aller se réfugier chez ses parents. Lovelace est resté imperturbable à cette suggestion, ce qu’elle a interprété comme le signe qu’effectivement, on lui demanderait pourquoi elle était si malheureuse, on lui proposerait un emploi dans l’entreprise familiale et le numéro d’un charmant garçon, généralement l’enfant d’amis de ses parents, resté célibataire pour une raison qui serait rapidement un repoussoir.

Enfer. Elle a songé à envoyer une missive au château de Poudlard, pour réclamer à corps et à cris la présence de Lemony, mais un reste d’intuition l’a dissuadée. Elle n’était plus sûre d’avoir si envie de le voir et qu’un rejet pour une raison ou une autre, à commencer par un rendez-vous galant, lui soit bien supportable.

Un psychothérapeute aurait sans doute remarqué qu’aller voir un ancien petit-ami en s’attendant à ce qu’il réponde parfaitement disponible pour son auguste personne était – peut-être – présomptueux ou le signe d’un attachement encore mal défini. Mais Lizzie avait déjà enfilé une veste légère par-dessus sa chemise, et l’ourlet de son jean était soigneusement fait sur une paire de chaussures de toile moldues – pas ses horreurs que les sorciers prétendent porter.

Elle a claqué sa porte plus rapidement qu’il n’en fallait pour réciter son nom complet et marché tout droit jusqu’au lieu sorcier où elle savait pouvoir trouver un portoloin. S’y rendre en transplanant aurait été bien imprudent, au-delà de ses forces et la nausée en résultant n’aurait rien arrangé. « Oh, ça va. » bougonna-t-elle en direction du chien. Elle aurait juré qu’il y avait une lueur moqueuse dans son regard, sous prétexte que cette compulsion de petits biscuits lui avait été refusée. Il avait fallu d’un rien de temps et un peu d’argent sorcier pour changer de décor. Pour elle, pour le chien. Le museau fièrement levé, humant l’air plus frais de Manchester. Il semblait se souvenir du chemin, et Lizzie s’est laissée entraîner. La soirée était animée, vendredi soir, pas assez tard pour que les étudiants ne soient pas en pleine tournée des bars. La sorcière a manqué de se faire embrasser quelques fois, invitée à boire un verre et autres. Accueil nettement plus accueillant que la mauvaise surprise qu’elle a eue la première fois. Bien plus à son goût.

Fier d’avoir retrouvé le chemin, Lovelace s’est assis devant le côté du bar. Le rideau était tiré et Lizzie n’entendait pas de bruit, même en tendant l’oreille pour faire abstraction de la respiration rauque du chien. Après ces talents de pisteur, un bol d’eau serait apprécié et il gémissait doucement pour le réclamé. Lizzie a hésité quelques instants. La fenêtre de Lemony était entrouverte, laissant passer de la lumière. Tant mieux, elle espérait ne pas avoir à chercher un caillou en pleine ville. Vérifiant par deux fois qu’elle n’était pas observée, Lizzie sortit la baguette de sa poche et lança un sort faisant apparaître de l’eau, visant l’interstice de la fenêtre. Malachy ne pouvait rien avoir craignant l’eau juste derrière une fenêtre. N’est-ce pas ?