Déjeuner en paix

@Alicia Spinnet

13 mai 2004

Une Coalition.
Ce matin, les couloirs du Ministère ne font que bruisser au rythme de ces mots qui courent et se glissent dans toutes les alcôves, dans chaque bureau. Ceux qui n'ont pu assister à l'impressionnante conférence de presse convoquée la veuille par les conjurés ne cessent d'en réclamer le contenu à ceux ayant eu la possibilité de s'y rendre. Bien sûr, il y a la Gazette, ses titres et ses exclamations. Et cet article de fond pour résumer leur programme : réunification, apaisement des tensions entre la vieille Angleterre magique et le monde moderne qui se profile par les nouvelles générations. Panser, enfin, les blessures de la dernière guerre en proposant une voie nouvelle, un entre-deux qui ne soit ni l'effrénée tentative de réforme absolue proposée par Potter, ni le conservatisme boueux, dégoulinant d'injustice proposé par la Malefoy.
Oh douce Helga, l'idée t'enthousiasme tant ! Lorsque le mot t'est parvenu pour la première fois, tu n'as trop su qu'en penser – et la nuit ne t'a guère laissé le loisir de t'appesantir dans la question. Mais au fil des jours, ton enthousiasme n'a fait que grandir, et leur programme réconciliateur a sonné comme le point d'orgue de tes attentes. Soyons honnêtes deux minutes, serais-tu si prompte à te rallier à leur cause, si @Moira A. Oaks n'en était pas l'une des têtes pensantes ? Probablement pas. Intéressée, sans aucun doute, mais plus prudente, plus mesurée dans ton soutien. Mais leur bataille est loin d'être remportée. Nombreux seront les inquiets, les sceptiques, les mécontents qui leur reprocheront de ménager la mandragore et l'hypogriffe. @Theodore Nott l'a fort bien démontré, avec sa harangue hargneuse à l'encontre des deux conjurés. C'est ce que tu expliques à l'instant à Carol-Ann, avec un rien de lassitude, tandis que tu lui décris la réaction du jeune homme pour la quatrième fois consécutive. Depuis que la secrétaire de la Brigade a appris que tu étais présente à l'événement, elle ne t'a plus lâché d'une semaine, à ton grand désespoir. Enchaînant les questions, les réponses, les réflexions avec son habituel débit… Merlin, tu ne sais plus comment t'en débarrasser !

Le salut se faufile sous la forme de l'une de ces notes manuscrits qui volettent d'un bout à l'autre du Ministère. Délicatement plié, le parchemin se pose sur ton bureau, porteur du sceau du département de détournement de l'artisanat moldu. Son arrivée ne manque pas de faire taire Carol-Ann l'espace d'une seconde, trop occupée qu'elle est à tenter d'en déchiffrer le contenu par-dessus ton épaule, mais tu dissimules le message à sa vue. Avec soulagement, tu reconnais l'écriture fine d'Alicia – les messages en provenance de ce département sont bien trop souvent parmi les ordres de mission les plus rasoirs qui soient... Et aussitôt, tu bondis sur tes pieds, adressant à l'inarrêtable secrétaire un sourire navré. « Il faut que je file, désolée. On m'attend à l'artisanat moldu... À tout à l'heure ! » Et sans lui laisser le temps de réagir, tu contournes ton bureau à grands pas, utilisant cette technique millénaire, seule capable d'épargner un énième monologue de Carol-Ann : la fuite.
Ce n'est qu'une fois dans le couloir et assurée qu'elle ne t'a pas emboîté le pas, que tu prends le temps de relire le message plus posément. Votre déjeuner ensemble ! Tu l'avais tout à fait oublié, pour être franche. Tu jurerais pourtant avoir annoté le rendez-vous quelque part, sur l'un de ces nombreux post-it que tu colles un peu partout autour de ton poste de travail, les enchantant pour qu'ils se rappellent à toi au moment importun, mais celui-ci a visiblement manqué son office. Qu'importe, le rappel tombe à point nommé et, retournant le parchemin, tu y griffonnes quelques mots en réponse, à l'aide de cette plume auto-rechargeante que tu as emplie d'encre à humeur. Cette dernière est d'un joli orange joyeux ces derniers temps, et tu ne te lasses pas d'en voir la chaude couleur chaque fois que tu prends la plume.

Citation :

Salut Alicia !

Toujours partante pour qu'on déjeune ensemble ce midi, oui ! RdV dans 10 minutes au Dragon Gourmet ?

E.

La note sitôt envolée, tu te diriges d'un pas tranquille vers les ascenseurs pour rejoindre le restaurant du Ministère où tu déjeunes plus souvent qu'il ne le faudrait, trop souvent appâtée par les délices de Bernard l'elfe de maison.