Quand j’étais petite, ma mère me racontait souvent les histoires de sa famille, de mes grands-parents, des traditions qui nous absorbaient et nous guidaient, telles de petites fleurs rythmées par les saisons. Elle me parlait de sa jolie petite commode, dans laquelle elle enfermait tous ses trésors, ou toutes les petites choses auxquelles elle tenait. Aujourd’hui, mes doigts parcourent la poignée en bronze de sa commode, et mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va s’envoler. A mon tour d’ouvrir les tiroirs. Elle y a enfermé tout un tas de choses, auxquelles sont rattachés ses souvenirs de jeunesse, ses aventures, ses plaisirs. Et je ne peux m’empêcher de sourire quand je tombe sur des objets m’appartenant, comme une simple sucette, une peluche, une couverture.
Je suis née le 13 Février 1980, la veille de la journée des amoureux, dans la petite ville de Ketchikan en Alaska. Je suis de celles qui ne sont ni d’une race, ni de l’autre, ceux qui sont ni d’un pays, ni d’un autre, ceux qui sont tout et rien à la fois. Je suis sang-mêlé. Ma mère Laura est une moldu originaire d’Alaska, tandis que mon père Norian est un sorcier londonien. Ma mère m’a racontée qu’ils s'étaient rencontrés lors d’un voyage en France; la ville des amoureux avait su les rapprocher, la distance avait fini de les lier. Ils étaient éperdument amoureux, et leur différence n’a jamais été un frein. J’aime leur relation, ou du moins, ce qu’elle était il y a quelques temps. Ils se sont mariés, ont emménagé à Ketchikan, ville natale de ma mère, mais aussi la mienne. Ils avaient une jolie petite maison, avec un jardin, et une allée constamment enneigée qui désespérait mon père et faisait rire ma mère. J’adorai cette allée. J’y jouais tellement souvent, que mon père m’y avait construit une cabane juste à côté.
« A quoi bon avoir un jardin si tu passes tout ton temps dans cette allée ? » Aujourd’hui encore, je me demande bien ce qu’il y avait avec cette allée pour que je l’aime autant. Peut-être la vue, qui donnait sur un immense lac, au lieu de la montagne que l’on voyait du jardin. J’aimais voir l’eau et quand j’ai pu avoir l’âge d’aller faire du patin, mon allée n’avait plus aucun intérêt.
Mes premiers pouvoirs se sont manifestés vers mes huit ans. Mon père était fier que je lui ressemble autant, et ma mère avait simplement peur que les autres enfants ne m’acceptent pas. Elle avait raison, car les moldus ne sont pas tous comme elle, et les regards des gens peuvent parfois être aussi blessants qu’un sort. Voilà pourquoi, après quelques soucis avec d’autres élèves de mon école, nous avons déménagé pour Londres, ville natale de mon père. Il m’avait déjà raconté tout ce qu’il y avait à savoir sur Poudlard, l’école de magie, sur la partie sorcière de Londres, avec les boutiques et restaurants réservés à ceux qui pratiquent la magie. J’étais contente de pouvoir connaitre un peu plus mes origines sorcières, même si ma petite ville et mon lac gelé me manquaient. Quand j’ai eu onze ans, et que j’ai pu enfin rentrer à Poudlard, je trépignais. Tout allait enfin pouvoir commencer, et on allait m’apprendre à contrôler cette magie qui faisait rage en moi. J’ai eu le droit d’avoir un animal de compagnie, comme tout élève. A l’animalerie, papa m’a choisi Hemka, ma jolie chatte noire. Elle était si jeune, j’avais peur de la briser quand je l’ai prise dans mes bras. Mais elle était solide, et d’un regard, elle me montrait qu’elle était là pour moi.
Mes premières années à Poudlard étaient plutôt calmes, je restais dans mon coin, j’apprenais. Je fais partie de ces gens qui vivaient dans l’ombre d’Harry Potter. J’étais rentrée chez Gryffondor, mais je pense bien que peu de monde savait qui j’étais, qui je suis. Je suis plutôt discrète, enfin, quand ça m’arrange en fait. Ça m’a bien aidée, car j’ai pu me consacrer à mes amis, et à ma scolarité. Je ne connais pas vraiment Harry, bien que j’étais de son côté lors de la bataille de Poudlard, et que je partageais le dortoirs avec Hermione. Mais c’est bien tout ce qui nous lie.
Au fil des années, j’ai commencé à développer une forte attraction pour les cours de métamorphose, et j’ai décidé de me spécialiser là dedans. J’en ai passé des heures à jouer avec Hemka, à faire apparaitre des petits oiseaux pour la voir courir après ou sauter dans tous les sens jusqu'à ce qu'elle arrive à en avoir un. Je crois qu’elle adorait que je le fasse, quand elle était jeune bien sûr. Aujourd’hui c’est une vieille minette qui aime son canapé, et les madeleines. Bien sûr au début, je ne savais faire que des sorts de base, mais au fil du temps j'ai réussi à faire des trucs sympas. Les orchidées qui ornent le magasin en sont peut-être la preuve.
Quand mes parents ont su que Voldemort était revenu, ma mère a voulu me retirer de l’école, bien trop effrayée par une guerre en perspective, l’école attaquée et tout ce qui va avec. Mon père a refusé. Il me répétait sans cesse que
« Ce n’est pas tes connaissances qui font de toi qui tu es, ce n’est pas ce que je t’enseigne qui fait de toi qui tu es, ce n’est pas ce qu’on t’ordonne qui fait de toi qui tu es, mais c’est toi et toi seule qui peut faire de toi, une personne à part entière. » J’ai tout de suite compris de quoi il voulait parler. J’ai choisi de rester à Poudlard, même si ma mère avait peur, même si je risquais ma vie. Je voulais défendre mon deuxième chez moi, mes amis, mes professeurs, mon histoire. Car la magie, Poudlard, tout ça fait partie de moi. C’était dur à vivre, certes, mais c’était mon devoir. Je n’ai pas hésité à me battre, même contre ceux qui autrefois partageaient les couloirs de Poudlard avec moi. Mais que voulez-vous, on ne choisit pas ses ennemis.
Je ne vais pas dire que je m’en suis sortie indemne, car on subit toujours les conséquences d’une guerre, même au plus profond de nous même. Je peux juste vous dire qu’il m’a fallu quelques potions pour guérir mes brûlures et quelques séances chez le psy pour oublier un peu l’horreur de cette nuit là. Quand on nous a annoncé que Voldemort était mort, et Harry aussi, ça a été un soulagement et une déception à la fois. Je ne le connaissais pas vraiment, mais ça me faisait quelque chose. Après ça, ma mère a souhaité que je ne retourne pas à Poudlard. Même si l’école n’était pas accessible pour le moment, elle a préférée que l’on retourne en Alaska. Mon père ne voulait pas nous suivre, il avait son magasin de meubles magiques dans le chemin de traverse, et il était hors de question qu’il l’abandonne. Ils se disputaient souvent à cette époque, chacun hurlait qu’il savait ce qui était le mieux pour moi. Moi-même je ne savais pas, comment pouvaient-ils le savoir ?
Mon choix s’est fait lorsque lors d’une énième engueulade entre mes parents, mon père a eu un geste un peu trop déplacé à mon gout.
« Il m’a juste poussée. » Ma mère m’avait répété ça bien trop de fois pour que ça me sorte de la tête. Blessée ou pas, il n’avait pas à la pousser. Je l’ai défié, je lui ai dit que s’il retouchait maman, c’était à moi qu’il allait devoir avoir à faire. J’ai vu ses yeux, j’ai vu cette couleur que je ne leur connaissais pas, et j’ai su, que l’homme qui était en face de moi n’était plus le même. Les différentes attaques en ville, la pression constante due à cette guerre, avait rendu mon père bien trop à cran, bien trop stressé. Il s’énervait pour un rien, il devenait paranoïaque, il changeait. C’est pour ça que quand ma mère a décidé de retourner vivre en Alaska, j’ai décidé de partir avec elle. La question ne s’est même pas posée pour moi, c’était écrit. J’ai travaillé quelques temps, puis maman a fini par rencontrer quelqu’un et s’est remariée. Elle semblait heureuse, et son mari, qui n’avait aucune connaissance du monde magique, avait de quoi la rendre heureuse.
En 2002, tout a de nouveau basculé, à croire que ma vie n’aime pas être sur une ligne plate et sans rebondissement. Une lettre est arrivée, mais bien sûr, ce n’était pas une lettre classique. Elle volait. Le cœur battant, je l’ai attrapée et je l’ai regardée, vérifiant une bonne dizaine de fois qu’il s’agissait bien de mon nom dans la case du destinataire. Cette lettre venait du ministère de la magie. Que me voulaient-ils ? Je l’ai ouverte, pris une grande inspiration, et la lettre a commencé à parler. J’ai appris ce jour là que mon père était décédé d’un arrêt cardiaque, et qu’il m’avait désignée moi, comme l’unique héritière de son magasin de meubles dans le chemin de traverse. Mon monde s’écroulait. J’avais beau avoir coupé les ponts avec lui, il n’en restait pas moins mon père, et je l’aimais. Je l’aimais tellement. J’ai pleuré, comme jamais je ne l’avais fait. Puis je suis allée voir maman. Je ne voulais pas du magasin, je ne voulais pas le voir, pas y aller, pas le gérer. Mon but était de le vendre et de me débarrasser de tout ce qui me rappelait que mon père ne serait plus jamais avec moi. Cela a pris un peu plus d’un an avant qu’un potentiel acheteur se présente. Lors de la visite, je me suis souvenue du temps que j’avais pu passer dans ces lieux, à jouer avec les canapés qui se pliaient tout seul, avec les balais qui faisaient le ménage, avec les commodes dans lesquels je faisais disparaitre les papiers des bonbons que j’avais mangé sans en avoir le droit. Et la nostalgie m’a retournée le cœur. Je ne pouvais pas vendre, c’était au dessus de mes forces.
En 2003, je suis retournée voir le ministère de la magie, et j’ai pris la décision de reprendre le magasin. Ma mère était contente pour moi, elle disait que j’avais trouvé ma voie et aussi que la magie revenait toujours vers moi. Il m’a fallu pas mal d’huile de coude, et l’aide de mes amis pour redonner à ce magasin, une nouvelle jeunesse.
J’ai été très surprise en apprenant qu’Harry n’était pas mort, coupée du monde, je n’avais pas eu vent de cette nouvelle. Il y avait tellement de choses que j’avais loupé sur le monde magique, et je voulais me rattraper. J’avais lu tout ce que je pouvais sur le sujet, et très vite, j’avais eu vent des dernières mesures qu’il avait prises en tant que ministre. Je ne pouvais pas dire que j’étais contre, mais je n’étais pas pour non plus. Mon monde magique avait bien trop changé, et ce n’était pas de bonne augure. La dernière personne qui avait voulu changer les choses était Voldemort, et quand je vois ce que ça a fait de mon père, je ne peux accepter que cela arrive à nouveau, même si c’est Harry Potter qui en est l’auteur.
Lorsqu'à eu lieu l'attaque contre le ministre, et qu'Astoria Malfoy est décédée, j'ai ressenti un sentiment étrange. Je ne vais pas dire que je l'appréciais, loin de là, c'était une vraie peste quand elle était à Poudlard, et je ne pense pas qu'elle ait changé en grandissant, mais elle ne le méritait pas. Elle était enceinte, et ça n'aurait jamais du tomber sur elle. Quand j'ai su qu'on soupçonnais Drago Malfoy d'avoir commandité l'attaque, je me suis retenue de rire. C'était une blague? Non pas que je pense Drago incapable d'essayer de tuer Harry Potter, mais de là à risquer la vie de sa femme et mère de son enfant à venir? Non. Clairement pas. Mon père m'a toujours dit que ce n'est pas parce qu'on déteste quelqu'un qu'on peut l'accuser de tout. C'est pour ça que j'ai décidé de ne pas écouter toutes les accusations. Néanmoins, j'ai suivi l'affaire d'une petite oreille.
Cette année là, j'ai préféré rentrer un peu en Alaska pour les fêtes, afin de voir ma mère et de passer du temps dans un endroit où le chaos n'existait pas. Mais du coin de l'oeil, ma mère m'a regardée et m'a demandé ce qui me tracassait. Je n'ai pas pu résister et je lui ai parlé. Elle avait le même ressenti que moi sur ce qui se passait. Poudlard avait changé, ainsi que le monde magique, énormément, et elle n'aimait pas ça. Je lui ai parlé des dernières attaques à l'encontre du ministre et du silence dans lequel restait le ministère. C'était tellement... Etrange. Elle m'avait serrée dans ses bras, et m'avait fait promettre de faire attention à moi.
Une fois rentrée chez moi, le Londres magique dans lequel je vivais était devenue sombre, lugubre et oppressant. On ne savait plus de quel côté se placer, qui écouter, et qui éviter. Autrefois j'étais quelqu'un de bien, aujourd'hui je n'en étais plus vraiment sûre. Pourquoi je n'arrivais pas à voir la vérité sortir de la bouche du ministre? Quelque chose en moi avait changé?
Le concert a commencé à semer un peu plus la panique au sein de la société, enfin ce n'est que mon opinion. Ce jour là, alors que d'ordinaire la boutique était fermée, je travaillais. J'avais une commande à passer et mes comptes à tenir un peu à jour. Quand je suis sortie et que j'ai entendue cette musique, j'étais intriguée et en même temps terrifiée. Je n'avais pas du tout eu vent de cet événement, étant commerçante, je devais être au courant. Et ça ne me plaisait pas. Il se passait quelque chose. Je me suis rapprochée, de plus en plus vite, jusqu'à tomber sur ce film, horriblement prenant et dégoutant. Il y avait du monde sur la place, et tous regardaient. Les feux d'artifices ont commencé à gronder dans le ciel, éclairant tout le chemin de traverse. C'était beau, et en même temps de voir cette phrase a continué de semer le doute dans nos têtes. La vérité, voilà bien un mot dont on a oublié le sens. Qu'est-ce-qui est vrai, et qu'est-ce qui ne l'est pas? Aujourd'hui, il est bien trop difficile de savoir ce qui est bien et ce qui est mal.
Quelques jours plus tard, alors que Narcissa Malfoy démontrait qu'elle n'avait rien à voir avec ce concert, des élèves de la chorale avaient été accusés. Ils avaient été renvoyés. Depuis quand l'école est si proche du ministère? Ne nous apprend-on pas la neutralité? De mon temps, c'était le cas, sauf bien sûr quand il s'agissait de Voldemort. S'en est suivi l'emprisonnement du groupe. Les choses auraient pu s'arrêter là, mais nous savons que quand ça commence comme ça dans le monde magique, ça finit toujours plus mal.
Je pense que ça a vraiment dégénéré quand une boutique d'objets moldus a vu le jour à pré-au-lard. Ne vous trompez pas, je suis fière que ma mère en soit une, et je ne dénigrerai jamais le plaisir que me procure mon grille-pain tous les matins. Mais il faut avouer, qu'ouvrir une boutique pareille dans le monde magique n'est pas fait pour rapprocher les différentes sociétés. En soit, je comprend que les sang-purs, bien qu'ils soient réputés pour être assez durs avec ceux qu'ils trouvent différents d'eux et que je ne les ai jamais réellement appréciés. Je ne les connais pas réellement en fait. Mais c'est comme ci on bousillait toutes leurs traditions, leur religion, leurs croyances. Si on venait à faire un boutique magique en plein milieu du Londres Moldu, je ne pense pas que je le prendrai bien, cela me perturberait.
Je ne savais pas quoi faire, j'étais perdue, et je pense que mes amis n'en était pas moins perdus que moi. Quand on se voyait le soir, on ne parlait plus que de ça, certains voulaient quitter la ville et aller s'installer dans d'autres pays pour ne plus avoir à subir toute cette pression entre ministère et Narcissa Malfoy. Moi je ne voulais pas abandonner le magasin de mon père, c'était toute ma vie, toute mon enfance.
Les constructions sur les Terres de Feu, la nouvelle coalition, et certains professeurs de Poudlard qui commencent à revendiquer les choix du ministère, tout ceci devenait de plus en plus stressant. J'aurai pu partir oui, mais je n'avais pas réussi. J'étais restée, et aujourd'hui, je subis. Au fil du temps, au fil des mois, je crois que j'avais fini par me méfier d'Harry Potter, tout comme je me méfiais de Narcissa Malfoy. Non pas parce qu'il avait fait de mauvais choix en tant que ministre, parce que certaines de ses mesures étaient humaines et souhaitaient apporter la paix, mais simplement parce que tout ce chamboulement était sa faute. S'il n'avait pas voulu révolutionner le monde magique, y instaurer une paix avec les moldus, ou bien changer toutes les traditions des elfes de maison (attention, je ne suis pas pour l'esclavage, mais je pense que pour les elfes, c'est dans leur nature et c'est leur mode de vie de servir des sang-purs, s'ils sont bien traités et reconnus, autant leur laisser la possibilité de travailler) tout ceci ne serait pas arrivé. Pourquoi vouloir changer les choses alors que ça fonctionne?
Je ne dis pas que je ne souffrais pas des attaques verbales des anti-moldus (du moins certains gérants de boutiques qui avaient déjà vu ma mère venir avec mon père à l'époque où il avait le magasin, car il ne s'en cachait guère, il en était fier, et qui ne le cautionnaient pas), des attaques de vandalisme sur les vitres de ma boutique parce que je ne me ralliais pas à un ou l'autre des côtés, mais j'aimais mon monde comme il était avant, sans toutes ces guéguerres et ces accusations à tout va. Si j'avais le choix, je crois que je préfèrerai que tout redevienne comme avant.
Aujourd’hui, alors que les messages de l’enchanteresse se font de plus en plus présents, une nouvelle ère gronde en moi et m’appelle. Qui je suis dépend entièrement des choix que je fais, mais les heures sombres à venir m'empêchent de savoir exactement, de quel côté je me trouve.