01.01.2004Les douze coups de minuit. Une nouvelle ère. Quelle connerie. Au loin elle entendait des cris de joie. Sans effort elle imaginait les gens qui s'embrassaient et se sautaient dans les bras en se souhaitant le meilleur pour l'année à venir. Elle percevait les éclats lointain d'un feu d'artifice. Un haut le cœur vint la secouer. Elle n'avait pourtant rien bu. Elle n'en était pas arrivé à cette extrêmité. Fêter la nouvelle année en hermite était déjà suffisamment déprimant, elle refusait en prime de s'abaisser à se saouler toute seule. Elle avait pourtant eu des projets. On la submergeait de projets depuis près d'un an. Pour l'empêchait de tourner en rond. Mais elle était parvenu sans trop savoir comment à faire croire aux uns qu'elle était déjà prise avec les autres et aux autres que les uns l'avaient convaincu à faire la fête avec eux. Des petits mensonges qui convenaient à tout le monde. Elle ne savait pas trop si ses amis étaient réellement dupes ou s'ils avaient compris qu'il ne servait à rien de se battre. Que malgré le temps qui passait, elle restait cette insupportable tête de mule qui toujours faisait ce qu'elle voulait.
Minuit avait sonné ses douze coups. Elle aurait pu aller se coucher et chercher vainement ce sommeil qui l'avait abandonné. Mais elle n'arriverait pas à dormir, c'était un combat perdu d'avance. Elle le savait. Sur la pointe des pieds, elle traversa la maison. Il n'y avait pourtant personne qu'elle pouvait craindre d'éveiller. L'habitude, toujours. Elle sortit finalement sur la terrasse. L’air de ce début d’année était glacial et le cœur de la nuit n’arrangeait rien. Le ciel d’encre était dégagé et nombreuses étaient les étoiles qui le parcheminaient. Dans son imaginaire torturé, il y en avait toujours une qui brillait plus que les autres. Elle l’avait choisi un peu au hasard, sans trop savoir pourquoi celle-ci plus qu’une autre. Mais jamais n’avait-elle changé d’avis depuis. Elle s’installa sur un vieux transat oublié là et resserra la couverture de laine qu’elle avait enroulé par dessus son manteau. Elle fixa de longues minutes ce ciel qu’elle avait si souvent observé par le passé. A la recherche de réponses qui jamais ne venaient. Le silence était devenu son compagnon d’infortune depuis trop longtemps déjà. Elle qui avait grandi dans les rires et les cris d’allégresse. Qu’il était loin ce temps où l’insouciance était sa plus précieuse alliée. Une épaisse colonne de vapeur s’échappa de ses lèvres alors qu’elle poussait un long soupir.
« Salut beau gosse. » murmura-t-elle alors à l’intention du ciel noir.
« Ouais. Je sais. Ça fait...un moment qu’on a pas parlé toi et moi. Je sais pas trop pourquoi. J’ai eu besoin de prendre mes distances, je crois. Tu sais, d’aller de l’avant. De me prouver que je pouvais m’en sortir sans toi. Et puis, on peut pas dire que tu sois très bavard mon vieux. » Un rire nerveux la secoua tandis que d'un revers de manche elle essuyait rageusement une larme qui roulait le long de sa joue. Une seule et unique larme. La dernière fois qu'elle s'était laissé aller à ce morbide rituel, elle n'avait pas de bague au doigt. Elle avait cessé ensuite. Parce qu'il avait fallu qu'elle lâche du lest. Pour ne pas totalement devenir folle. Mais folle elle le devenait chaque jour un peu plus. Parler au ciel ne changerait plus grand chose.
« Tu m’en veux pas, hein ? Ça veut pas dire que je pensais pas à toi tout ce temps. Tu le sais bien. C’est juste que… Bon sang, tu serais le premier à me traiter de dingue, Weasley. Je le dis à chaque fois et pourtant je continue. Toujours aussi têtue et imbuvable, tu me connais. Certaines choses ne changent pas, fort heureusement. » Elle esquissa un rictus incrédule, marqua une pause, quitta le ciel des yeux et se concentra subitement sur ses mains qu’elle gardait serrées l’une contre l’autre, maintenues entre ses cuisses dans l’espoir de les protéger du froid.
« Tu me manques, Fred. J’passe mon temps à me demander ce que tu aurais fait si tu avais été là, à quoi nos vies à tous auraient pu ressembler. Je sais, je t’avais dit que j’arrêtais mais j’y peux rien. Ma vie part en lambeaux et tout ce que je suis capable de me demander c’est ce que toi tu fais Là-Haut, à quoi tu penses, à qui tu parles, si tu veilles un peu sur nous. Je sais bien que tu veilles sur nous. Mais tu sais, moi je me débrouille. Fais moi confiance. C’est George qui a besoin de toi. Moi...je crois que malgré moi j’ai appris à vivre avec ton absence. » Ce n’était pas l’entière vérité, elle le savait bien. Mais l’avouer à haute-voix était au dessus de ses forces. Elle avait besoin de continuer à se bercer d’illusions. Les dernières qu’il lui restait en tout cas.
« Ouais, on part de loin, hein. J’sais bien. Moi non plus je pensais pas m’en sortir. Moi aussi je pensais que j’allais finir par sombrer. » Noyée dans un océan de remords, de culpabilité. En se persuadant qu'elle n'était même pas légitime pour éprouver le moindre chagrin. Ce qui n'arrangeait rien à son cas. Période ô combien difficile à laquelle elle refusait de penser.
« Sans lui je sais pas trop où je serais. Toi tu l’sais peut-être. Longtemps j’ai cru te trahir avant de comprendre que c’était peut-être la meilleure chose qui pouvait nous arriver à tous les trois. » Elle sentit les larmes lui monter aux yeux et les sanglots bientôt s'échappèrent sans qu'elle ne puisse les contrôler.
« J’ai merdé, Fred. Putain si tu savais comme j'ai merdé. J’me suis plantée. Genre vraiment. Je pensais qu’on avait réussi à s’en sortir. Qu’on s’était guéri l’un l’autre. J’ai eu tort. J’suis pas certaine qu’il puisse jamais guérir. J'suis désolée. J't'avais promis de veiller sur lui. Et j'me suis plantée. J'te demande pardon. »Si elle pleurait toujours, ses sanglots se firent silencieux. Elle ne prenait même plus la peine d'essuyer les larmes qui glissaient le long de ses joues. Elle se se contentait d’admirer les points lumineux du ciel. Jamais l’ancienne lionne n’aurait imaginé sa vie ainsi. Elle avait pourtant tout eu pour être heureuse. Dix ans auparavant le chemin de son existence paraissait clair et libre de toute embûche. Insouciante, solaire, populaire, amoureuse. Avec l’arrogance de la jeunesse, elle imaginait sa vie se dérouler sans encombres, ignorant alors que la guerre était à leurs portes. Et tout bientôt imploserait entre ses doigts.
☆☆☆☆☆24.10.1981Un étrange anniversaire. Elle a bien son gâteau. Elle a bien ses bougies. Elle les compte, il n'en manque pas. Les quatre sont là. Quatre ans, c'est chouette. Mais pourtant ça n'a l'air de faire plaisir à personne. Sa mère a l'air préoccupée. Comme trop souvent en ce moment. Ce n'est pas de sa faute, elle travaille beaucoup. Elle n'est jamais là et quand elle rentre du journal c'est toujours avec des mauvaises nouvelles qu'Angelina n'a pas le droit de connaître. Parce qu'elle est trop petite. Mais à présent, elle est grande et toute naïve qu'elle est avec ses quatre bougies, elle est persuadée que les adultes vont désormais lui révéler toute l'ampleur de leurs tourments. Son père essaye de faire bonne figure, de rattraper un peu l'ambiance. Si gaga de sa fille qu'il est prêt à tout pour apporter un semblant de normalité à cette existence si désolante. Maman qui travaille trop. Papa qui ne travaille plus du tout, la guerre ayant mis un coup d'arrêt au championnat de Quidditch. La guerre. C'est un drôle de mot qu'elle ne connait pas encore. Dont elle ne parvient pas à capter toute l'essence, toute la noirceur. Angelina tout ce qu'elle aime, c'est lancer les Souaffles que son père rapporte des entraînements. C'est écouter les histoires que lui raconte sa mère quand cette dernière se trouve dans un bon moment. C'est courir après le chat et chanter à tue-tête les airs qui lui parviennent aux oreilles. Elle boude parfois dans ses mauvais jours. Pour des broutilles d'enfant qui lui paraissent insurmontables. C'est une petite fille pleine de vie qui ne parvient pas à comprendre que partout autour d'elle, dans le monde des sorciers, rôde la mort. Fort heureusement pour elle, une semaine après cet étrange anniversaire tout serait terminé. Voldemort serait vaincu, ses pouvoirs anéantis par un enfant bien plus jeune qu'elle. Cette guerre là finalement elle n'en gardera nul souvenir. Et le reste de son enfance se poursuivra tout à fait normalement. Sous les meilleurs auspices.
01.09.1989Elle s'assoit sur le tabouret presque trop haut pour elle qui est pourtant grande pour son âge. Elle sent tous les regards sur elle. Elle si excitée le jour où elle a reçu sa lettre, n'en mène pas large maintenant. Plus de retour en arrière possible. Son existence est en jeu. On pose ce drôle de chapeau tout rapiécé sur le sommet de son crâne. Il est trop grand pour elle, il lui tombe un peu sur les yeux. Elle doit avoir l'air d'une andouille. Elle redresse le bord d'un revers de la main, finit par glisser ses doigts entre ses longues tresses brunes. Elle attend. Quelques secondes à peine. Mais tout ça lui a semblé une éternité. Elle peut presque sentir son cœur battre dans ses oreilles.
« GRYFFONDOR ! » Un frisson lui parcourt l’échine. Elle met un certain temps à retrouver ses esprits. Sent la main du professeur MacGonagall lui retirer le Choixpeau et l’inviter ensuite à quitter l’estrade pour laisser d’autres qu’elle prendre place. Courage et force d'esprit. Voilà ce que le Choixpeau a vu en elle. Du côté de la table des lions, c’est l’allégresse. Elle les rejoint bien vite, le sourire jusqu’aux oreilles, sur-excitée par tout ce qui l’attend ici, à Poudlard. En rejoignant les membres de sa nouvelle maison, elle passe devant la file d’élèves de première année qui attendent comme elle de savoir sous quelle bannière se poursuivra leur existence. Elle croise deux paires d’yeux espiègles et parfaitement identiques. Les jumeaux à la chevelure de feu avec lesquels elle a sympathisé dans le train lui adressent de larges sourires satisfaits auxquels elle répond aussitôt. Lors de leur voyage à bord du Poudlard Express, ils ont laissé entendre que chaque membre de leur famille avait appartenu à la maison Gryffondor. Et alors qu’elle leur adresse un signe enjoué de la main, elle espère sincèrement qu’il en sera de même pour eux. Ils lui inspirent confiance et elle a la certitude de s’être déjà fait des amis.
24.12.1994Elle rit, Angelina. Avec l'insouciance de la jeunesse. Elle danse, Angelina. Avec l'énergie de ses dix-sept ans. Elle est belle, Angelina. Elle qui rechigne tant à s'apprêter et qui cultive ses allures de garçon manqué, a fait bien des efforts ce soir. Tous l'ont remarqué. Ca lui fait plaisir. Minuit approche, elle n'en peut plus. Ils n'ont pas arrêté. Ils ont dansé, chanté, ri aussi. Beaucoup. Pour tout et rien. Soudés comme toujours les sixième année de la maison Gryffondor. Mais elle profite d'un moment d'accalmie pour discrètement lui prendre la main et le guider à l'écart. S'éloigner du groupe, profiter un peu avant de regagner le dortoir et que tout redevienne comme avant. Mais alors il pose les yeux sur elle et la hardie Gryffondor perd de sa superbe. Elle se sent gauche et un peu bête. Mais c'est elle qui fait le premier pas et pose un baiser chaste sur ses lèvres. Ca le fait rire, lui. Le crétin. Elle se vexe, lui donne un coup sur l'épaule. Fred rit de plus belle et finit par lui rendre son baiser. Front contre front, ils se mettent à rire à l'unisson. Minuit approche et elle aimerait que le temps reste suspendu. Elle sent son cœur qui bat, elle le regarde et perçoit son souffle, comprend qu'il partage son trouble. Ils sourient. Gauches tous les deux. Et un peu bête aussi. Comme quand on a dix-sept ans et qu'on aime pour la première fois.
20.04.1996 Elle glisse un regard vers eux dans lequel se mêle la mélancolie et l'admiration. Ils vont le faire. C'est décidé. Ils vont partir. Peur de rien ces deux-là. Elle les comprend. Cette dernière année, la pire de toutes sans doute. Avec cette harpie d'Ombrage qui règne sans partage sur une école divisée. Il y a eu de chouettes moments pourtant. L'armée de Dumbledore, notamment. Mais leur beau et cher Poudlard est devenu une prison. Eux vont s'enfuir. Elle n'a pas atteint ce niveau de témérité. Elle voit qu'il la regarde. Il lui demande si ça va aller, si elle va s'en sortir sans eux. Il se fout d'elle, l'insolent. Elle lui passe une claque derrière la tête. Il se marre de plus belle. Que ça faisait du bien de les voir rire comme ça. Finalement, avec du recul, elle le remercie de l'avoir laissée tomber. Elle le sait, elle devenait imbuvable. Le stress la rendait méconnaissable et personne n'aurait supporté la moitié de ce qu'elle lui a fait supporter. Elle a cru le perdre quand il a fini par lui dire que c'était terminé. Un mal pour un bien. Au moins a-t-elle retrouvé son ami. Il a eu raison même si elle ne l'avouera pas trop fort devant lui. Voilà, ils vont partir. Comme ça. Et elle aussi dans quelques semaines. Plus sage. Avec moins de panache. Elle les serre tous les deux dans ses bras. Fort. C'est la fin d'une ère. Elle leur sourit comme elle sait si bien faire. Elle se sent étrange. Nostalgique. Pourtant au fond d'elle, elle sait que ce n'est qu'un au revoir.
18.04.1998Un nouveau trou dans le cœur. Un nouveau poids sur les épaules. Aprés l'angoisse, la culpabilité. Elle est amoureuse, Angelina. Depuis quelques temps déjà. Choisissant de vivre sans se soucier de la peur. Mais la peur vous rattrape toujours. Tout ça c'était avant la guerre. Et aimer un né-Moldu en ces temps troubles n'est pas chose aisée. Alors elle a accepté de le laisser partir, suppliant ses amis de toujours de l'aider à l'éloigner, à le cacher des mains mortelles de ceux qui ne rêvent que de pureté du sang. Elle est rongée d'angoisse, Angelina. Elle ne dort plus. Elle perd pied à nouveau et fatalement commet l'irréparable. Cette erreur qui tout à coup n'en a pas vraiment l'allure. Elle ne sait plus trop. Se demande si elle n'a pas cédé à la facilité. Ou au contraire si c'est finalement l'évidence qu'elle a sous les yeux. Elle l'observe, encore endormi dans ce lit qu'elle n'aurait pas du partager avec lui. Fred s'éveille, glisse un regard complice dans sa direction. Sourit. Elle lui rend son sourire pour donner le change. Il s'approche, l'embrasse. Ils savent qu'ils ont fait une connerie. Mais ils en avaient besoin. Pour se sentir vivants. Revenir à l'insouciance de leur dix-sept ans. Oublier un peu la vie qu'est devenue la leur. Angelina savoure. Ferme les yeux, s'abandonne. Besoin égoïste. Mais au fond de son cœur c'est le terrible spectre de la trahison qui grandit. Et la terrible vérité c'est qu'elle ne sait pas lequel des deux seuls hommes qui ont partagé sa vie, elle trahit réellement. Finalement la vérité est plus amère que terrible. C'est bien elle, la première qu'elle trahit.
02.05.1998Elle est pétrifiée, Angelina. Elle reste là, figée. Le cerveau et les sens engourdis par la nouvelle. Pas un son ne s’échappe de sa gorge. Pas une larme ne coule le long de sa joue. Ni hurlement, ni sanglot. Juste le silence. Le silence après le tonnerre. Elle ignore qui la prend dans ses bras, Alicia sans doute. La complice de toujours. Elle ne sait pas, ne se rend compte de rien. Elle se laisse faire, docile et muette. Les pleurs viennent à ses oreilles, les mines dévastées par le chagrin passent sous ses yeux. Mais elle ne les entend pas, ne les voit pas. Elle ne sait même pas ce qu’elle doit faire, ce qu’elle doit dire. Tel un automate perdu dans un rêve horrifique. Elle le revoit quelques heures plus tôt, son sourire toujours si solaire qui lui attache le cœur. Et cette petite phrase lancée comme un air de rien. « A tout à l'heure. » Un tout petit quelque chose qui attendait un retour, qui promettait tellement plus. Mais la conversation qu'ils s'étaient promis de tenir n'aura jamais lieu. La guerre n’est pas terminée. Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom se fait plus puissant à mesure que les heures passent. Ils luttent tous avec bravoure mais la situation devient critique. L'ennemi leur laisse quelques minutes de trêve, laissant à l'Elu le temps de réfléchir et de se rendre. Mais là, plantée au milieu de la Grande Salle, elle se moque bien de savoir qui peut vaincre ou périr. Morte, elle l’était déjà dans un sens, Angelina.
26.11.1999Tandis qu'il l'embrasse, elle prend conscience que ses lèvres ont le goût du sel des larmes. Ses larmes à elle. Les premières qu’elle ose verser depuis cette nuit terrible de mai 1998. Ce jour où tout a basculé. Ce jour à partir duquel elle a tout envoyé valser. Sa passion, ses rêves, son mec. Ce jour où elle a touché le fond. Elle remonte la pente doucement. Ce n'est pas facile tous les jours, elle a l'impression de ne pas avoir le droit de pleurer. Elle a l'impression de ne pas avoir le droit d'être heureuse non plus. Et elle était là, ses lèvres collées aux siennes. Elle ferme les yeux, se laisse faire, savoure ce moment hors du temps. Puis se recule doucement pour planter ses prunelles ambres au fond des siennes à lui. Elle se sent étrange, partagée entre la surprise et la plénitude. Tout sonne comme une terrible délivrance. Comme une tragique évidence. Fred n’était pas George. Et George ne sera jamais Fred. Si semblables et pourtant tellement tellement différents. D’autres qu’elle auront du mal à le comprendre. Ce n’est pas son cas. Chacun à leur manière ils l’ont aimée. Et elle les aime aussi de façons bien différentes. Elle n’aimait pas Fred comme elle aime George. Elle n’aimera jamais George comme elle aimait Fred. Les jumeaux Weasley avait toujours formé une seule entité. Un tout. Son tout à elle. Ce baiser-là avait un goût doux-amer. Le goût du renouveau. Le goût de l'espoir. Mais l'espoir n'était-il pas précisément le plus destructeur des sentiments ?
08.06.2002Les rires, les chants, la joie. Le Terrier, havre de paix, cocon protecteur par dessus tous. Sous l'immense tente, les mariés dansent sous les sourires attendris des uns, les hourras des autres. Quelques regards chagrins, d'autres sourires crispés. Non, ils ne font pas l'unanimité, ils le savent. Elle le sait. Les autres ne peuvent pas comprendre. Ne veulent pas comprendre. Un nom est sur toutes les lèvres, un sourire dans tous les esprits. Il aurait du être auprès du marié, partager son bonheur et irradier l'assemblée de sa si belle énergie. Mais si tel avait été le cas, tout aurait pu être différent. Elle refuse de penser à toutes les éventualités qu'elle avait si longtemps ressassé. Par le passé il y a fort fort longtemps elle s'était imaginé dans cette belle robe blanche dans le jardin si accueillant des Weasley. Mais dans ces temps d'autrefois, ce n'était pas George Weasley qui lui jurait fidélité. Pourtant elle n'a jamais été aussi certaine de son choix. Peu lui importe les grincements de dents. Elle se perd un temps dans le regard de son époux. Son sourire s'élargit. Complice. Comme ils l'ont toujours été. S'il avait été là, parmi eux, tout aurait été différent. Peut-être. Mais ils devaient aller de l'avant, laisser derrière eux les suppositions, les « et si » et les « si seulement ». Le regard d'Angelina se dirige vers la voûte céleste. Comme un adieu. Elle sourit de nouveau. Elle est heureuse. Elle est entière.
31.01.2003Elle se rapetisse sur sa chaise tandis que les hurlements s'intensifient. Ne pas prendre parti surtout. Ce n'est pas son rôle. Ses yeux naviguent à toute vitesse de sa belle-mère à son beau-père, de son beau-père à sa belle-mère. Personne n'ose bouger. Molly est dans une fureur démesurée. Arthur ne parvient pas à la calmer et sort finalement de ses gonds. Image rare qui vous pétrifie sur place. Toute la famille était pourtant réunie. Tout ce qu'on voulait c'était profiter. Et voilà que tout vole en éclat. Angelina se tait. Elle écoute et trouve certains arguments exagérés. Ne pas prendre parti surtout. Elle se mord l'intérieur de la joue pour tenir ses promesses. Finalement c'est Charlie qui se jette au cœur de la bataille et reçoit aussitôt son châtiment. Elle se sent mal. Voudrait lui venir en aide. Ne pas prendre parti surtout. Trois clans se sont formés. Ceux qui accusent Harry Potter de tous les maux. Ceux qui persistent à le défendre becs et ongles. Et enfin ceux qui trouvent le contenu de leurs assiettes bien plus intéressant que tout le reste. Même ce choix là Angelina n'arrive pas à le faire. La raison voudrait qu'elle se taise. Ne pas prendre parti surtout. Son instinct lui assure que rien de mauvais ne peut ressortir de la gouvernance de Harry, lui qu'elle a connu si loyal et courageux. Des erreurs, il en a fait, elle peut l'entendre. Des erreurs de jeunesse dont les seuls responsables sont ceux qui ont catapulté un gosse à la tête de la société magique. Un gosse qui a peut-être vaincu Voldemort. Mais un gosse quand même. Elle est d'accord avec Charlie. Des erreurs il y en a eu, il y en aura d'autres. Des mécontents il y en aura toujours. Mais Harry n'est pas le mal incarné. Ca la fatigue de les voir se mettre dans des états pareils pour si peu. Les voir s'entre-déchirer pour un putain de truc politique qui n'en vaut pas la peine. Elle mord sa joue à en saigner. Ne pas prendre partie surtout. Elle préfère dessiner dans le reste de sa purée. C'est rapé pour le dessert. Dommage rien dans ce monde ne surpasse les pâtisseries de Molly Weasley. Angelina se tourne vers son mari, cherchant un peu de réconfort. Son regard est sombre. Elle y perçoit une lueur qu'elle n'aime pas. Qui l'inquiète même. Un désastre dont elle ignore alors toute l'ampleur. L'unité de la famille Weasley, source d'admiration sans borne pour ceux qui les connaissent. Angelina a grandi en érigeant Molly et Arthur comme des modèles de bonheur conjugal. Et elle la fille unique ne pouvait s'empêcher de jalouser cette si grande et belle tribu. Elle n'était pas la seule. Mais ce soir-là, sans que personne n'en prenne conscience tout de suite, avant même le dessert, l'unité des Weasley venait de voler en éclats.
01.02.2003Cette fois-ci c’est un hurlement animal qui s’échappe de sa gorge. Le hurlement de celle qui sait que sa vie n’était finalement qu’une triste illusion. Elle pose des yeux embués de larmes sur la lettre qu’elle tient entre ses mains. Refuse de croire ce qu’elle lit. Il est parti. Et parti avec lui leurs beaux projets, envolé leur bonheur conjugal, pulvérisé leur espoir de renouveau. La vérité est là. Ils n'ont jamais été tous les deux. Ils ont toujours été trois. Cohabitant avec un fantôme qui leur a broyé le cœur malgré lui. Elle est bien seule désormais avec pour seule compagnie son chagrin et sa colère.
☆☆☆☆☆01.01.2004Un nouveau frisson mit un terme à la triste rétrospective qu’elle faisait de sa vie. Oui, si Fred conservait une place importante dans son cœur, c’était bel et bien à son frère jumeau qu’Angelina Weasley, née Johnson, devait ses dernières crises de larmes. George qu’elle avait soutenu autant qu’il l’avait soutenue. George qu’elle avait choisi d’aimer en dépit du quand dira-t-on. George qui lui avait laissé entrevoir une issue favorable, une renaissance à laquelle elle avait eu bien du mal à croire. George qui finalement n’avait jamais réussi à aller de l’avant. George qui était parti du jour au lendemain, voilà près d’un an de cela, abandonnant leur foyer pour partir en vendetta et venger un fantôme. Leur fantôme à eux. Que rien ne pourra jamais ramener. Alors pourquoi fallait-il ruiner la seconde chance que la vie leur offrait ? Elle ne parvenait toujours pas à comprendre cette décision et le sentiment d’impuissance avec lequel elle vivait depuis le jour de son départ lui enserrait la poitrine au point de l’étouffer.
Elle ne sentait plus ni ses doigts, ni son nez. Il était temps de rentrer. Retrouver son lit vide et froid. Elle se leva et fixa une dernière fois les étoiles.
« Bonne nuit, Fred. » lança-t-elle doucement, un doux sourire mélancolique au coin des lèvres. Et tandis qu’elle tournait le dos à l’immensité de la nuit pour retrouver la chaleur de l’intérieur, elle fit tourner son alliance autour de son annulaire. Où était George en cet instant ? A quoi pensait-il ? Songeait-il seulement à revenir ? Tout ce qu’elle espérait c’était le revoir passer le pas de la porte et retrouver ce foyer dont elle avait tant rêvé. Retrouver un semblant de normalité dans cette vie déchiquetée. Tout ce qu’elle espérait c’était qu’il ne soit pas encore définitivement perdu et qu’il retrouverait très vite le chemin de la maison. Le chemin de leur maison.
☆☆☆☆☆18.04.2004 Un dernier regard dans le miroir, regard morne, visage terne. Elle avait encore maigri, elle devait se rendre à l'évidence même si elle refusait encore d'admettre cette vérité qui crevait les yeux. Elle nageait dans chacun de ses vêtements, sa robe de Quidditch comprise. L'entraîneur principal des Pies l'avait remarqué et n'avait pas manqué de lui en faire la remarque. Elle avait botté en touche, agacée. Comme elle l'avait fait longtemps auparavant. Alors qu'elle était encore sur les terrains, lorsqu'elle était encore sa protégée. Il avait été alors le premier (à défaut d'être le seul) à l'avoir confronté sur sa perte de poids spectaculaire, sur ses résultats sans cesse plus mauvais que les précédents, elle qui pourtant promettait tant de belles choses. Elle ne pourrait jamais percer si elle s'obstinait sur cette voie-là lui avait-il balancé au visage. Elle l'avait pris au mot, avait craqué, avait baissé les bras, prise au piège dans la spirale d'autodestruction dans laquelle elle évoluait sans même s'en rendre compte. Ancien coéquipier et vieil ami de son père, l'homme n'avait jamais voulu laisser la jeune fille tomber même alors qu'elle balançait ses vieux rêves aux quatre vents. Il lui avait offert une seconde chance, inespérée. Elle l'avait saisie, confiante. Tout allait mieux alors et tel le phénix elle avait eu la sensation de renaître de ses cendres. Mais depuis les flammes de la destruction l'entouraient une fois encore et son existence lui glissait à nouveau des doigts comme du sable.
Elle se retourna et aperçut les dernières unes qui s'étalaient sur la table du salon. Du Quidditch comme souvent. Et le reste. Nouvelles si anxiogènes qui la dépassaient. Tout n'était que conflits et drames et ça la rendait malade. Le parti de la terrible Enchanteresse, garce qui lui avait tout pris avec ses mensonges fiellés. Le clan ministériel dont les décisions et les actes lui semblaient de plus en plus irréfléchis. Et désormais il fallait compter avec cette Coalition grandissante. Angelina était perdue, elle qui autrefois était pleine d'idéaux ne semblait trouver sa place nulle part. Et tout ça finalement, elle s'en moquait un peu, ne s'y intéressait que de très loin. Elle avait tant d'autres choses à penser. Naïvement, presque imperceptiblement, elle scruta le ciel à la recherche d'un hibou. A la recherche d'une lettre qui ne viendrait jamais. Elle secoua la tête, résignée. Peut-être était-il temps de faire son deuil, une fois de plus. George l'avait aidé à surmonter la perte de Fred mais qui finalement l'aiderai à surmonter la perte de George ?
- En bref:
24.01.1977 Naissance d'Angelina Johnson. Enfant unique, elle est la fille d'un joueur de Quidditch professionnel et d'une journaliste.
Sept 1989 / Juin 1996 Elève à Poudlard dans la maison Gryffondor
1990 / 1996 Intègre l'équipe de Quidditch au poste de poursuiveur
Sept. 1994 Met son nom dans la Coupe de Feu pour devenir la Championne de Poudlard lors du Tournoi des Trois Sorciers. Cédric Diggory (et Harry Potter) lui seront préférés.
24.12.1994 Elle se rend au Bal de Noël au bras de Fred Weasley. Ils échangent leur premier baiser.
Sept. 1995 Devient capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor
23.02.1996 Rupture avec Fred. Elle l'admettra plus tard, totalement angoissée par son nouveau rôle de capitaine, elle devenait de plus en plus difficile à supporter.
Juin 1996 Quitte Poudlard avec des résultats plus qu'honorable aux derniers examens. Si sa mère souhaite la voir s'engager dans une voie « traditionnelle », Angelina préférera rejoindre l'ancienne équipe dans laquelle évoluait son père, les Pies de Montrose, pour suivre elle aussi une carrière de joueuse professionnelle.
Sept. 1996 Rencontre un né moldu avec lequel elle entame rapidement une relation amoureuse.
Janv. 1998 Devant la menace grandissante, elle demande l'aide des jumeaux Weasley pour permettre à son compagnon d'échapper aux griffes des Mangemort.
02.05.1998 Participe à la bataille de Poudlard
08.07.1998 Séparation avec son compagnon.
15.10.1998 Claque la porte de son club sans réelle raison.
08.06.2002 Mariage avec George Weasley
30.08.2002 Accepte de rejoindre les Pies de Montrose afin d'intégrer non pas l'équipe mais le staff.
01.02.2003 George quitte leur foyer pour venger la mort de Fred. Elle n'aura aucune nouvelle ensuite.