ONE Alicia est née dans la famille tranquille des Spinnet. Monsieur Spinnet est libraire d’occasion dans le petit village de Pré-au-Lard où elle a grandi toute sa vie, Madame Spinnet travaille en arrière-boutique et négocie le rachat de livres. La librairie n’est pas grande, mais elle a l’avantage de proposer un choix dantesque d’ouvrages et de permettre à tous, et surtout aux plus démunis, d’apprendre à peu de frais. La famille n’est pas riche. A dire vrai, la boutique est leur bien le plus précieux et ils vivent tous quatre à l’étage du dessus. Monsieur Spinnet, Madame Spinnet, Junior et la petite dernière.

TWO Alicia adore deux choses : son grand frère et Poudlard. Depuis toute petite, elle lorgne par la fenêtre de sa chambre sous les combles ce grand château où son père a fait sa scolarité. Elle croise les doigts pour que leur mère les laisse y aller. La dispute a explosée un peu plus tôt au déjeuner. C’est l’été, son grand frère vient d’avoir onze ans… Et ils ont reçu une lettre de Poudlard. Monsieur Spinnet veut qu’il y aille, Madame Spinnet refuse obstinément. C’est elle qui a appris aux enfants à lire, à écrire, à compter, mais aussi à regarder différemment le monde, à sentir la magie. Comme Poudlard est un haut lieu de Magie, Pré-au-Lard est un lieu commode pour apprendre à discerner les flux magiques d’une simple bourrasque ou sensation. Et son frère aîné y excelle. Alicia a arrêté de compter le nombre de fois où il s’est immobilisé pendant leurs jeux en lui demandant si elle sentait le murmure de la magie des lieux. Alicia, elle, n’est pas si intuitive… ou peut-être est-elle trop jeune ? Après tout, elle n’a que six ans.

THREE Il y a eu des compromis. In fine, Monsieur a gagné, et ses enfants sont allés à l’école. Alicia se sent aussi surexcitée qu’effrayée lorsqu’elle est accompagnée par ses deux parents à Londres pour prendre le Poudlard Express en compagnie de son frère aîné qui entamé sa sixième année. Sur son pull, le badge de préfet de Serdaigle brille. Cela fait quelques semaines qu’il ne quitte plus ses vêtements à longue manche, mais Alicia ne sait pas pourquoi. Elle ne sait rien des tatouages qui couvrent les bras de son aîné. Elle se demande bien dans quelle maison elle sera. Sa mère semble contrariée, elle a les lèvres pincées. Alicia sait, maintenant. Elle a appris il y a quelques années que ses parents n’avaient pas la même tradition magique : son père est de l’Ordre d’Hermès, sa mère n’en est pas. Elle ne sait pas encore quelle est la tradition se sa mère. Elle a demandé, mais n’en a pas su davantage, et les tatouages de sa mère sont assez discrets, sur son dos et ses bras, rien qui soit très difficile à cacher avec les vêtements appropriés. Elle a toujours été frileuse, il paraît.

FOUR Pendant sa première année, c’est le choc des cultures. Elle quitte la maison familiale paisible pour être répartie à Gryffondor où elle se lie immédiatement d’amitié avec les jeunes gens de son année, y compris les terribles jumeaux Weasley. Elle ne les a jamais vu aussi sérieux que lorsqu’ils parlent de faire des blagues à quelqu’un. C’est à leur contact et après ses premiers cours de vol qu’elle se passionne pour le Quidditch, et en fin de première année, ils se jurent tous trois de passer les essais pour intégrer l’équipe l’année suivante. La première année de scolarité d’Alicia est assez paisible. Elle se découvre un talent pour les enchantements avec la baguette qu’elle a reçu pendant l’été, et trouve que la magie défensive, c’est quand même super. Son frère lui parle avec animation des cours de runes qu’il affectionne tout particulièrement et ils se retrouvent souvent. Même si son aîné est très populaire, il accorde toujours du temps à sa petite sœur et elle, en retour, l’écoute parler de ses dernières découvertes, même si elle ne comprend pas toujours tout.

FIVE En deuxième année, Alicia échoue à rentrer dans l’équipe de Quidditch… il faut dire qu’il ne manquait pas de poursuiveur : seulement de batteurs, et elle a eu beau faire un score honorable, personne ne peux battre les jumeaux Weasley à ce petit jeu là. « Des cognards humains » a plaisanté Olivier Dubois. Mais Olivier trouve qu’elle vole bien, même si elle ne pratique pas depuis longtemps et la propose comme réserviste auprès de Charlie alors capitaine de l'équipe : un de leurs poursuiveurs doit bientôt partir… alors avec un peu d’entraînement, elle pourrait faire le job. Alicia est évidemment aux anges. Elle peut s’entraîner avec l’équipe et continue de briller en cours de sortilèges, notamment. La seule matière où elle semble définitivement nulle, c’est la botanique… le jour où elle arrivera à faire pousser autre chose que des ronces, ça tiendra du miracle. C’est parce qu’elle veut aller trop vite, lui dit Madame Chourave… ça ne l’aide pas beaucoup à s’améliorer : adolescente, c’est une pile électrique

SIX Les années à Poudlard se suivent et ne se ressemblent pas. Ça aurait pu être la fin de l’équipe de Quidditch avec le départ de deux de leurs joueurs de septième année, c’est une renaissance avec l’arriver du plus jeune attrapeur depuis un siècle. Alicia trouve finalement son équilibre. Troisième, quatrième, cinquième année. Poudlard est secoué d’affrontements : le couloir interdit, la chambre des secrets, les détraqueurs. Alicia fait de son mieux pour garder la tête hors de l’eau et peut compter sur ses amis. Plus que jamais, elle est attentive à son entourage et tient bon dans la tourmente. Elle est là pour son équipe d Quidditch et pour ses amis. Elle travaille âprement et peut compter sur la présence des jumeaux Weasley, en particulier Fred, pour la soutenir en cas de coup de mou. Lorsque l’été de sa cinquième année arrive, et avec lui les BUSEs, c’est un soulagement. Ce que ces dernières années lui auront appris, c’est que la carrière de briseur de sorts semble être faite pour elle : un soupçon de duel (le club de duel animé par Rogue et Lockart lui a beaucoup plu), de la magie, parfois de haut vol, des runes, de l’arithmancie, et des puzzles. Et beaucoup, beaucoup d’aventure !

SEVEN L’été de sa cinquième année, Alicia se retrouve brutalement confrontée à sa famille. Si la tradition de sa mère a toujours été un questionnement continu, lointain, Alicia a pris l’habitude que sa mère lui enseigne à écouter la magie, à la ressentir pendant l’été, qu’elle lui envoie des bouquins de théorie magique pendant l’année et qu’elle l’enjoigne à continuer la méditation dans ses lettres. Comme la méditation a toujours aidé Alicia quand elle se sentait un peu chamboulée, elle a toujours écouté les conseils maternels… jusqu’à ce fameux soir. Monsieur Spinnet est de sortie. Sa mère est assise dans un fauteuil, l’air grave, son aîné est revenu les voir pour l’occasion. Un seul mot résonne. Euthanatos. Un seul mot franchit les lèvres d’Alicia : Non !

EIGHT C’est après avoir refusé de subir le rituel, s’être fâchée avec sa mère et son frère aîné et avoir entendu presque trois semaines de disputes ininterrompues entre ses parents à propos de la façon dont Poudlard aurait « perverti » leur fille qu’Alicia retrouve enfin la sécurité de son école. Pour la première fois, sa mère ne l’a pas accompagnée jusqu’au Poudlard Express. Alicia ne connaît pas grand-chose aux euthanatoi, mais elle en sait assez pour n’avoir aucune envie de tuer quelqu’un pour intégrer les rangs de la tradition. Cette année-là, tout est perturbé par le tournoi des trois sorciers. Alicia n’aime pas vraiment cet évènement qui fait office de démonstration de force où des gamins risquent leur vie pour amuser la galerie : ça lui rappelle peut-être un peu trop l’image qu’elle se fait du rite euthanatos où un adolescent tue pour amuser les autres membres de la tradition.

NINE Sa dernière année est celle aussi qui marque le réel début de son expérience de la guerre : Voldemort est revenu et Ombrage sévit à Poudlard. Alors évidemment, elle s’engage dans l’AD, moins pour ses ASPIC que pour ce que cet engagement représente : un premier choix politique, un premier positionnement. Elle se perfectionne et apprend beaucoup. Et lorsqu’enfin tout le monde est obligé de reconnaître le retour de Voldemort, elle sait que c’est à la fois une victoire (s’il voulait agir dans l’ombre, c’est rapé) et le début de nouvelles tourmentes.

TEN Alicia entame sa formation à Gringotts en tant que briseuse de sorts sitôt sa scolarité finie. Les relations avec ses parents et son frère sont tendues et elle essaie de voir son père plutôt en dehors de la maison. Son frère essaie de servir d’intermédiaire entre leur mère et elle : il voit bien combien combien les deux femmes de sa vie (pour le moment) souffrent à cause de cette histoire de tradition. Il arrange un rendez-vous pour qu’elles se retrouvent en tête à tête, à l'insu de Monsieur Spinnet qui n'a jamais été tellement fana de la tradition de sa femme et se parlent enfin dans un restaurent où le public est largement euthanatos, le Petit Ogre. C’est ce soir là que le gallion de l’A.D. brûle et vibre dans sa poche. C’est ce soir là qu’elle répond à l’appel et se prépare à vivre la bataille de Poudlard. Sa mère est à côté d’elle lorsqu’elle est appelée et refuse de la laisser y aller seule. Bien qu’elle ait une vie d’apparence rangée, Madame Spinnet fait, après tout, partie des exécutants de la tradition.  

ELEVEN Sa première vraie bataille. La première fois que le sang coule vraiment. Lorsque le mangemort se jette sur elle, elle réplique avec le premier sort qui lui passe par la tête. Ça aurait pu être un stupefix, un protegeo, un expelliarmus. Elle a crié un diffindo et vu avec horreur la plaie béante trancher la carotide de son assaillant.

TWELVE Tout est flou. Elle n’entend que les battements de son coeur qui lui fracassent les tempes. Elle sent le vertige et revoit ce liquide rouge bondir d’une gorge tranchée. Elle sent une main sur la sienne. La baguette roule au sol. Un murmure. Lointain. Trop lointain.

THIRTEEN Lorsqu’elle rouvre les yeux, elle a l’impression d’avoir un tintamarre dans la tête. Elle voit son frère à côté d’elle. Il a les manches remontées, les avant-bras tatoués. Sa mère est dans la pièce voisine, affairée aux fourneaux. Alicia ne sait pas quoi dire. Alors il parle. Il lui raconte. Il lui dit tout. Même ces tatouages qui ornent désormais son dos.

FOURTEEN Elle vit la peur au ventre, Alicia. La guerre est finie, mais l’est-elle vraiment ? Voldemort comme Potter ont disparu. Elle y était, à cette cérémonie d’hommage. Un enterrement symbolique pour l’attrapeur dont on n’a pas retrouvé le corps. Elle a présenté ses condoléances à ses proches. Granger, Weasley. Elle a été frappée de ne voir aucune famille de Potter présente. Il n’a jamais beaucoup parlé de sa famille après tout, mais… on aurait pu espéré quelque chose. C’est à la suite de la cérémonie qu’elle prend son courage à deux mains et se rend au ministère fraîchement repris aux mains des mangemorts pour confesser son crime. Mais on lui rit au nez : mademoiselle, vous avez tué un criminel pour vous défendre, on ne va quand même pas vous mettre en taule ! A la rigueur, on peut vous donner une médaille si vous voulez. Elle est dépitée. On s’est moqué d’elle, et personne n’a compris sa douleur morale.

FIFTEEN Les années passent. La guerre pèse sur les épaules. Alicia dort mal. Il est difficile pour elle de ne pas se souvenir de la bataille de Poudlard et de la guerre. Elle se dit parfois que ça aurait été pire si ses tatouages avaient été à un endroit où elle pouvait les voir sans se contorsionner. On les lui a rappelés dans un élan de passion quand elle s’est abandonnée à son crush du moment. Il s’est extasié, elle est immédiatement redescendue de son petit nuage. Beaucoup pensent que les tatouages sont un choix personnel du sorcier. Les siens lui ont été presque imposés. Elle était en état de choc. Elle doute avoir donné son consentement au rituel. Ils sont devenus un motif de honte, pour elle, une marque des horreurs de la guerre. C'est à cette époque que son frère aîné, excellent occlumens et legilimens correct la forme à l'occlumancie : sa mère les a habitués à méditer depuis leur plus tendre enfance, les encourageant à compartimenter leur esprit et à le rendre clair et vif... L'occlumancie n'est finalement pas si difficile. Il lui faudra deux ans pour atteindre un niveau correct et se défaire ainsi de ses cauchemars. Ils ne réapparaissent plus que lorsqu'elle est vraiment à bout, désormais. Toujours les mêmes. Toujours la bataille de Poudlard.

SIXTEEN Alicia vient d’être diplômée officiellement. La voilà briseuse de sorts auréolée de son diplôme et de sa première affectation en septembre 2002. Potter est Ministre, il est en vie, et tout semble aller pour le mieux. Elle a appris à accepter un peu plus ses tatouages, d’autant qu’ils l’ont aidée à avoir une perception beaucoup plus fine de la magie et des enchantements jusqu’à lui permettre de se passer de baguette pour les enchantements simples. Elle a beau haïr les circonstances de leur obtention, Alicia sait qu’ils lui donnent un avantage considérable dans son métier. Elle sait aussi que maintenant qu’elle est habituée à percevoir finement la magie et les hauts lieux de pouvoir, elle se sentirait comme aveuglée ou amputée d’un sens si ses tatouages venaient à lui être retirés ou à dysfonctionner. Alors elle essaie de faire la paix avec elle-même. C’était la guerre, elle a tué un homme en légitime défense.

SEVENTEEN Les choses commencent à chauffer depuis octobre 2003. Sa mère et son frère sont sur les dents, elle le voit bien. Et non sans raison. Elle a dans la main ce journal qui parle de l’enquête menée sur la mort d’Astoria. Des euthanatoi. Tout le monde leur crache au visage depuis quelques temps. Elle ne sait rien de cet attentat, sa mère et son frère non plus, mais elle en voit bien les conséquences. Elle porte toujours une couche de vêtement supplémentaire de peur qu’on ne voit son tatouage par transparence de ses vêtements. Elle sent bien qu’il va falloir faire quelque chose. C’est lorsque sa tradition se prend des vagues de haine dans les médias qu’elle commence à se sentir lui appartenir. L’opposition renforce le sentiment communautaire, il paraît.

EIGHTEEN L’épiphanie commence par un haussement d’épaules et un « oh, je veux bien le faire, moi » lâché nonchalamment. Tout le monde la regarde éberluée : après la retraite du vieux Johnny, il y a cette fraîche petite recrue qui accepte de se taper le boulot le plus ingrat du monde : briseur de sorts au département d’artisanat moldu. Le gobelin venu sonder l’équipe pour savoir à qui filer le poste fronce les sourcils. Ça l’embête de filer au ministère l’un de leurs briseurs de sorts compétents, mais… un beau geste pour apaiser l’ire de Potter qui a la banque dans le collimateur depuis ce fameux concert de Reissen sur leur parvis… tant pis, il sera trop tard pour la gamine lorsqu’elle regrettera son choix.

NINETEEN Depuis qu’elle a pris le job, les choses s’enchaînent. Initialement, c’était surtout pour jauger de la situation du Ministère et de ce qui s’y trame. Les euthanatoi sont légion chez les briseurs de sorts, c’est une carrière de choix pour eux, après tout : les tatouages rendent ça si facile de sentir les barrières et les malédictions… c’est ensuite une affaire d’entraînement et de savoir faire. Mais il y a cette réunion des euthanatoi de Grande Bretagne de février qui fait tout basculer. Alicia est de ceux qui votent pour confronter Potter : le Harry qu’elle connaît n’aurait jamais pu basculer à ce point. Jamais il n’aurait essayé d’assassiner des innocents ! Non, pas Harry, c’est impossible ! Le secret lui pèse tant. Elle aurait voulu être là, questionner Harry… mais les aînés en ont décidé autrement. Pas assez gradée bien qu’elle l’ait connu personnellement. Une délégation euthanatos ne peut se permettre de donner dans le sentimentalisme, et il faudrait être aveugle pour ne pas voir à quel point la nouvelle a bouleversé Alicia. Son frère et sa mère sont là pour elle. Ça y est, elle regrette ce job au Ministère où elle risque à toute heure de le croiser dans un couloir sans pouvoir lui demander de comptes.

TWENTY Les euthanatoi au patrimoine national… Au moins elle sait, désormais, ce que les aînés de la tradition ont négocié. Bien plus que le silence ou un avantage. Ils ont négocié leur liberté et leur invulnérabilité face à la justice. Et ça lui tord les boyaux. Elle n’est plus sûre, désormais, qu’appartenir à la tradition soit une bonne nouvelle.