Alors qu’il replie soigneusement l’édition du jour de la Gazette du Sorcier, Damocles se dit que tout de même, le monde part en vrille depuis quelques temps. Il pose le journal sur son bureau, le lissant du plat de la main. Sous des doigts, le titre à la une s’étale, Loi-Potter : Le Ministre essuie un nouveau refus, faisant écho à ce qu’il avait pu lire la veille au soir dans le Sorcier du soir. Qui bloque donc la loi anti-Potter, on se le demande. Certainement pas tous ces Lords de sang-pur, attachés à leurs privilèges comme des moules à leur rocher. Et malgré les efforts du nouveau gouvernement pour les affaiblir, ils ne sont pas encore prêts à laisser leur influence s’étioler au gré des désirs de leur enfant-ministre. Ce n’est pas comme si la position de Potter est assurée, avec ces histoires de coalition qui grondent. Ce n’est qu’une question de temps avant que tout n’éclate, et alors quoi ? Comment cela se passera-t-il, cette fois ? La guerre à nouveau ? Damocles fait la moue au dessus de son café. Il n’est pas vraiment prêt pour une nouvelle guerre. Il n’est pas vraiment prêt pour grand chose, lorsqu’il y réfléchit bien, les derniers mois l’avaient prouvé. Certes, le printemps était arrivé avec ses ciels clairs et son soleil doux, mais il avait également apporté son lot d’emmerdements, particulièrement lourd cette fois ci, avec ses coalitions, syndicats et lois Potter. Il l’avait largué au milieu de la communauté sorcière comme une bombabouse - Damocles se souvient avec amertume de celle qui l’avait touché lors de cette journée catastrophique à la foire des métiers de Poudlard. Fini le volontariat pour lui. - et depuis, le monde part en vrille. Songeur, le brigadier se balance lentement sur sa chaise, d’avant en arrière. Si le monde part en vrille, lui a plutôt intérêt à garder les pieds sur terre et à mettre toutes les chances de son côté avant que tout soit hors de contrôle. Sur ses genoux, le chat s’agite, comme contaminé par son appréhension, et Damocles caresse son petit crâne doux. Au fond de lui, il est content que cette loi Potter ne soit pas passée au vote. Il n’aime pas cette façon de frapper sans retenue sur les sang-pur, il trouve cela dangereux. Et pour être honnête, il aimerait bien la récupérer un jour, cette place au Magenmagot, même si cet abruti d’Horace décide de suivre Narcissa. Mais ce qui l’inquiète le plus, c’est cette création d’un nouveau camp, car cela veut dire faire un choix. Si entre le Ministère et les Malefoy, la décision n’est pas très difficile, l’arrivée d’une troisième voie, pile entre les deux, risque de poser plus de problèmes. Cela veut dire nouveaux partisans, nouvelle propagande, débauchages, reniements de principes, revirements d’idées, tout pour convertir l’ennemi. Ça s’était vu pendant la guerre, tout se jouait à coup d’imperium, d’oubliettes, de legilimens. Il avait fallu avoir le coeur accroché, et l’esprit encore plus. Et si tout cela se reproduit, Damocles veut être prêt, cette fois. Cela fait quelques temps qu’il y pense. Plusieurs années que l’idée lui traverse de temps en temps la tête, plusieurs mois qu’elle n’est plus qu’une simple idée, et plusieurs jours qu’elle est devenue une véritable décision. Mû par un brusque accès de motivation, Damocles se redresse et tire à lui une feuille de parchemin vierge et une plume. De son écriture nette et serrée, il écrit un billet court, précis. Il n’a jamais été très doué pour toues les fioritures propres aux convenances sang-pur, préférant largement les échanges directs aux politesses excessives et interminables. Néanmoins, il fait attention à rester respectueux. Lord Fawley n’est pas n’importe qui, et certainement pas quelqu’un à énerver.
***
Il n’avait pas précisé l’objet exact de sa visite sur son courrier, sollicitant uniquement un entretien avec Lord Fawley, pour commencer, indiquant qu’il avait besoin d’un service, sans préciser lequel. Cela risquait de ne pas plaire au Lord, mais après de longues hésitations, il finalement décidé de ne pas parler de l’occlumancie sur le papier, par peur de voir la lettre s’égarer ou tomber entre de mauvaises mains. Et puis, il avait estimé que cela n’était pas quelque chose qu’on demandait par courrier. Cela aurait été plus simple de solliciter quelqu’un du Ministère, mais il ne connaissait personne d’assez compétent et d’assez fiable pour cela. Il avait également songé à demander à Moira Oaks, mais le silence de la Présidente Sorcière face aux événements du moment l’avaient inquiété, et il n’avais pas voulu prendre de risques. Mais Lord Fawley avait accepté de le voir, lui donnant rendez-vous le samedi suivant. C’est avec soulagement qu’il s’était mis en route, mais non sans une certaine appréhension.
Damocles avait été intimidé par le manoir Fawley lorsqu’il était plus jeune, et alors qu’il contemple la demeure, il se rend compte que c’est toujours le cas. A l’époque, il n’était pas bien grand et le plafond lui semblait terriblement éloigné, s’élevant bien au dessus de sa tête. Aujourd’hui, il n’est pas vraiment plus grand, atteignant tout juste la taille réglementaire pour faire partie de la police magique, et les murs qui se dressent face à lui lui semblent toujours aussi hauts. A moins que ce ne soit le maître des lieux lui-même qui le rende nerveux. Damocles a toujours trouvé Lord Melchior Fawley impressionnant, avec son port haut et sa voix grave. Il le vénérait presque à l’époque où il travaillait aux archives, malgré sa sévérité. Il avait bien aimé ces années laborieusement passées à classer et archiver les moindres papiers du Ministère sous les ordres du Lord. Ça lui plaisait, ce boulot, il y avait forgé cette rigueur admirable pour le travail administratif qui, certes, lui avait valu le surnom de gratte-parchemin à la Brigade, mais lui avait également permis de se démarquer de manière certaine du reste des agents rebutés par la paperasse. Il avait été heureux de quitter les archives pour se propulser au département de la Justice, mais il avait néanmoins senti une pointe de regret lorsqu’il avait fallu dire au revoir à l’équipe et au Grand Archiviste. Et en frappant à la porte à l’heure donnée, Damocles espère tout de même que le Lord a gardé pour lui quelques sympathies. Il sait que Léonard a un temps été très proche de Fawley, aussi étrange que cela puisse paraître, sans savoir si c’est encore le cas aujourd’hui. Un éclair d’incertitude le traverse. Et si Léonard s’était épanché en reproches le concernant auprès de Lord Fawley ? S’il avait déversé son fiel, bavardant sans retenue sur leurs brouilles toujours plus nombreuses, jusqu’à cette ultime dispute qui les avait déchirés ? Damocles connait son frère, et son absence de scrupules à faire passer son aîné pour quelqu’un d’exécrable, même après toutes ces années. De quoi tuer dans l’oeuf toutes ses chances. Mais il chasse rapidement ces pensées.
La porte s’ouvre sur l’elfe de maison de Lord Fawley, qui l’invite à entrer. Damocles le suit, docile, et comme avant, il se sent petit au milieu de la demeure. L’elfe s’incline, exprime ses politesses et lui demande de patienter, tout en lui tendant les bras pour le débarrasser de sa cape de printemps. Et laissé seul, il patiente. Il pose la main sur la poche de son veston gris, machinalement, pour vérifier que sa baguette est bien là, et comme à chaque fois, il la sent sous ses doigts et il se sent idiot de douter ainsi de lui. Heureusement, Lord Fawley paraît enfin, mettant un terme à son attente nerveuse, et Damocles s’avance vers lui pour le saluer. « Lord Fawley. Merci de me recevoir. » Sous le regard clair de l’homme, Damocles l’impression d’être revenu quinze ans en arrière, alors qu’il n’était qu’un jeune diplômé de Poudlard. Ou plus loin encore, quand il n’était qu’un enfant baladé par son père à droite et à gauche, ici chez tel fournisseur, pour le travail, là chez tel Lord, pour les relations. Il était alors impressionnable et impressionné. Désormais, c’est un certain contentement qui le prend en voyant cet ancien mentor. Les discussions avec Melchior Fawley avaient toujours été des plus intéressantes, même lorsqu’il l’admonestait, lui reprochant de ne pas prendre son rôle de futur Lord avec le sérieux qu’il se doit. S’il accepte de lui enseigner l’occlumancie, tant mieux, et s’il refuse, ce sera toujours l’occasion d’une conversation heureuse à l’heure du thé.
Entre mes doigts je fais tourner le courrier de Damoclès, un sourire satisfait aux lèvres. Il ne dit pas grand-chose – il me demande un service, sans préciser lequel, et je trouve presque étrange qu’il soit passé par un hibou plutôt que d’être descendu me trouver aux archives. Ce n’est pas comme si c’était loin. J’ai presque craint un instant quelque mauvaise nouvelle, quelque reproche en recevant la lettre. Se ferait-il le porte-parole de sa grand-mère pour me réprimander d’avoir à plusieurs reprises ces derniers temps boudé sa boutique pour préférer celle de la jeune Viviane Goyle-Lestrange ? C’est qu’il me semble que la jeune femme en a plus besoin, mais je comprendrais la rancœur de cette chère âme. Je ne suis même pas certain que cela m’aurait surpris qu’elle use de ses petits-fils pour me faire culpabiliser – elle compte parmi ceux qui savent combien je suis un sentimental et quel genre de tendres sentiments m’évoquent ces garçons. A la rigueur, j’aurais été étonné que cela vienne de celui-là précisément, mais il est des étrangetés que l’âge vous poussent à tolérer sans trop de questions. Peut-être s’est-il rapproché à nouveau des siens, adoptant l’attitude qu’il sied à l’héritier du titre qu’il est censé être ? Rien de tout cela, nul blâme dans ces mots, une simple demande – un rendez-vous, de l’aide. Cela me touche presque de me dire qu’après plusieurs années, il peut encore penser ou vouloir se tourner vers moi. Damoclès compte au nombre de ces enfants que j’ai vu grandir en souriant, sans appartenir pourtant vraiment à la génération que j’ai le plus chérie, né après cette époque où je me voyais moi-même devenir père et je reportais ma tendresse et mes espoirs sur les autres. Mais il s’est démarqué d’une partie des cette jeunesse que j’ai tant aimé de nombreuses et remarquables façons. Déjà, il est allé à Serdaigle, ce qui aurait sans doute pu être vu quand une sorte de trahison à une tradition bien ancrée sans que cela ne m’ait réellement touché : je n’ai moi-même pas gardé de souvenirs si tendres de mon passage chez les serpents – la faute à Tom, surtout. Il a intégré le Ministère sous ma direction un temps, classant aux archives et travaillant avec une admirable application et une certaine rigueur que je n’ai pu qu’apprécier. Maintenant, le voilà maître duelliste des brigades, comme je l’ai moi-même été dans ma jeunesse. Futur Lord avec ça, quoique n’ayant plus la préférence de sa famille, et bien plus raisonnable que je ne l’ai été à son âge… Et surtout, le jeune homme a un avantage sur beaucoup : il n’a jamais pris la marque, il n’a jamais servi Jedusor. Je ne pouvais qu’accepter l’entrevue demandée.
L’heure approche, et je me tiens dans l’un des petits salons de la demeure en attendant l’arrivée du jeune Slughorn. Le courrier est posé sur la table, et mon regard ne cesse de s’y poser sans que la curiosité ne me quitte. Que peut-il vouloir ce jeune homme pour faire ainsi appel à moi ? Aucune idée ne me vient vraiment. Je ne tarderais pas à le savoir, derrière moi Maestro disparaît, signe de l’arrivée de notre invité du jour. Je me relève et m’appuie sur ma canne, prêt à l’accueillir. La pièce est plutôt sobre, comparé à la décoration parfois chargée du Manoir, un reste des goûts de mon père. Il n’y a guère qu’au mur que deux paysages peints, et une croix. Les tapis sont colorés, des fauteuils confortables en velours bleus entourent la table basse en bois vernie finement ouvragée, assortie avec le buffet dans un coin sur lequel est posé un bouquet de lys. Rien de plus : je n’ai pas besoin de prouver quoique ce soit aujourd’hui. Même mon costume gris est sobre, et en dehors de la croix à mon cou et du sceau familial à ma main, je ne porte aucun bijou d’aucune sorte. Mon regard se perds un instant à ma main alors que la pensée me vient, et je souris presque à la vue de l’annulaire libéré de son alliance depuis la mort d’Edna. Se doutait-il, à l’époque où il travaillait pour moi, combien d’heures supplémentaires je pouvais endurer pour ne pas avoir à rentrer chez moi trop tôt certains soirs ? Damoclès apparaît dans l’entrebâillement, précédé par un Maestro tout sourire. Je m’avance d’un pas tranquille. « Bonjour Damoclès, quel plaisir de te voir. » Je suis sincère et je lui tends la main. « Tu vas bien ? » Je lui désigne l’un des fauteuils dans la pièce et m’installe sur celui en face. « Puis-je t’offrir à boire, du thé ou du jus de citrouille peut-être ? » Je ne propose jamais d’alcool, mais je suis presque certain que l’elfe en garde quelque part pour un invité téméraire qui oserait me le demander. Je brûle de questionner le jeune aigle sur ce qui l’emmène, mais je me retiens. Il emmènera le sujet par lui-même assez vite, je l’espère.
L’air calme et affable de Lord Fawley rassure Damocles, et il se reproche silencieusement d’avoir imaginé le pire. L’archiviste ne semble pas dérangé outre-mesure d’avoir à l’accueillir chez lui sans même savoir de quoi il en retourne. Au contraire, il a même l’air véritablement heureux de le voir. En lui serrant la main, Damocles se demande à quel point le Lord est seul. En dehors de l’elfe de maison, personne ne semble partager son quotidien entre les murs de cette grande demeure. Il doit bien voir de temps à autre d’autres membres de sa famille, les Fawley sont nombreux, s’il se souvient bien. Mais en dehors de cela, ne trouve-t-il jamais le temps long ? Reçoit-il souvent des visites comme la sienne, a-t-il des passe-temps pour le distraire de ses obligations de Lord du Magenmagot et de grand archiviste ? Damocles s’en veut légèrement de ne le saluer qu’au détour des couloirs du Ministère ou lorsqu’il a besoin d’accéder aux archives, et de ne lui rendre visite qu’à l’occasion d’une requête à formuler. Il apprécie la compagnie du Lord, pourtant, et s’il ne se trompe pas, c’est un parent plus ou moins proche de sa grand-mère. Elle serait la première à lui faire la leçon, lui recommandant d’entretenir cette relation prestigieuse. Elle serait contente de le voir ici. « Je vais très bien, merci. Et vous ? » Damocles n’a pas vraiment de nouvelles de quoi que ce soit à offrir au Lord. Sa carrière stagne depuis des années, uniquement perturbée par ce nouvel échec à l’examen des aurors quelques mois plus tôt, mais il est certain que le mot a atteint les archives depuis longtemps, et qu’il n’apprendrait rien à Melchior à ce niveau là. Il préfère également éviter le sujet de la politique, étant donné le contexte actuel. N’est-ce pas le neveu même de Lord Fawley qui est à l’origine de cette coalition ? Sans connaître les positions de l’archiviste, difficile d’aborder le sujet sereinement. Et de toute façon, ce n’est pas pour cela qu’il est venu aujourd’hui. Quant à sa famille, il ne préfère pas en parler, et cela fait si longtemps qu’il n’a pas eu de leurs nouvelles qu’il est sûr que Lord Fawley est bien plus au courant que lui sur le sujet. « Je prendrais volontiers du thé, merci. » Il s’assoit en face de Fawley, laissant son regard se promener tout autour de la pièce à la décoration simple. Ses yeux s’arrêtent sur le crucifix qui orne le mur. Il n’a jamais compris l’attachement de Lord Fawley pour cette religion inquisitrice qui avait mis un point d’honneur à tenter d’exterminer les leurs par le passé. Comment peut-il embrasser cette doctrine selon laquelle les sorciers, par définition, sont une abomination et où la magie mérite le feu ? Question épineuse, qu’il lui faudra lui poser un jour en trouvant les mots qui n’offensent pas. Plus ardu que cela en a l’air. En attendant le retour de l’elfe de maison, Damocles s’interroge. Doit-il entrer directement dans le vif du sujet, ou faut-il amener la question négligemment, au détour de la conversation ? Il décide d’attendre un peu, que le thé soit servi, au moins. « J’ai tendance à retrouver de vieux amis, ces derniers temps. Et j’ai adopté un chat. » Fait assez surprenant pour mériter d’être mentionné. C’est qu’il s’est malgré lui attaché à cette boule de poils incapable d’autonomie. Il avait confié le chaton à Carol-Ann avant de venir, qui l’avait accepté avec plaisir, heureuse de rendre service et de pouvoir étouffer la pauvre bête sous ses nombreuses caresses. Il songe avec inquiétude au moment où l’animal deviendra trop gros pour qu’il puisse le transporter dans sa poche un peu partout. Il doit bien exister un sortilège permettant de réduire sa taille. Faudrait-il également qu’il soit autorisé. Il devra demander à Aedrian.
Lorsque l’elfe de maison - quel est son nom, déjà ? - revient avec son plateau chargé, Damocles se décide. Mais par où commencer ? « Lord Fawley, comme je l’ai indiqué dans ma lettre, j’ai une faveur à vous demander, et non des moindres. Je souhaiterais apprendre l’occlumancie. » Pour le moment. La légilimencie aussi, peut-être un jour. Pouvoir aller puiser directement dans l’esprit des gens ce dont il a besoin, cela lui donnerait un sacré coup de pouce dans le métier. Mais à vouloir aller trop vite, on se brûle les ailes, il n’en a que trop fait l’expérience. Et beaucoup répugnent à l’idée d’utiliser la légilimencie, étrangement. Damocles guette un signe sur le visage de son interlocuteur, encouragement ou réprobation. Sans savoir pourquoi, il sent le besoin de justifier cette requête inhabituelle. « Cela fait un moment que j’y pense, et avec tout ce qu’il se passe actuellement, je crois que cela va devenir indispensable. Les formations du Ministère sont réservées aux aurors et cas exceptionnels, et je n’entre dans aucune de ces catégories. » Il a toujours trouvé cela idiot, d’ailleurs. A la Brigade, ils ont accès à toutes sortes d’informations, moins sensibles que chez les aurors, certes, mais importantes tout de même. Il fixe Lord Fawley, sans se démonter. « Je n’ai pas envie que n’importe qui puisse entrer dans ma tête. Et je dois avouer que le fait que cela ait déjà pu arriver m'inquiète légèrement. » Pour être honnête, cela lui fait même peur, cette idée d’avoir ses pensées et ses souvenirs à la portée du premier venu. Même si les legilimens ne sont pas si répandus que cela, qui dit qu’il n’en a pas déjà croisé un qui aurait eu l’envie d’aller faire un tour dans ses réflexions ? S'en serait-il rendu compte si cela avait été le cas ?
« Je vais très bien, merci. Et vous ? » Nous nous installons et je souris au jeune homme qui me fait face. « Très bien, merci. » Les actions de mon neveu ont réussi à chasser de mon esprit la colère et la tristesse provoquées par le procès de Reissen et les actions de ma nièce. Peut-être que cela me peine encore un peu, mais je n’y pense plus autant. Ce n’est sans doute pas ce genre de questions dont il est venu me parler ? Je ne sais pas, Nigel a fait parler de lui, mais j’imagine mal le jeune Slughorn venir me voir moi pour me parler de tout cela. Ou alors, il aura vraiment décidé de sérieusement réfléchir à sa potentielle futur position de Lord ? « Je prendrais volontiers du thé, merci. » Je n’ai même pas besoin de faire un signe à Maestro qu’il a déjà disparu. J’ai un sourire satisfait vers l’encadrement de la porte où il a filé sans que je n’ai le temps de le voir faire avant de reporter mon attention sur l’aigle. « J’ai tendance à retrouver de vieux amis, ces derniers temps. Et j’ai adopté un chat. » J’acquiesce sans répondre. C’est bien. Je n’ai pas vu Fidèle aujourd’hui d’ailleurs, il doit dormir quelque part, il arrivera en cavalant pour demander son lot de tendresse bien assez vite – il est curieux quand je reçois du monde. L’elfe revient déjà, et pose entre nous un plateau où sont posés un plateau et deux tasses, un sucrier, un pot à lait – le tout dans une porcelaine assez fine. Je nous sers en attendant de voir si mon invité du jour va évoquer de lui-même la raison qui l’emmène ou s’il attend que je l’interroge. L’odeur du thé me confirme qu’il s’agit de mon préféré, noir aux fruits rouge. J’aurais peut-être dû demander à Damoclès ce qu’il souhaitait exactement. Je repose ma tasse pour saisir ma pipe sur l’accoudoir de mon fauteuil, et la remplit sans me presser. « Lord Fawley, comme je l’ai indiqué dans ma lettre, j’ai une faveur à vous demander, et non des moindres. Je souhaiterais apprendre l’occlumancie. » J’arrête mon geste et lève mon visage pour plonger mes yeux dans ceux de mon interlocuteur. Ah oui, ça n’est pas rien. Eh bien… Je ne m’y attendais pas vraiment. Je me redresse lentement, et tire une bouffée de tabac alors qu’il continue. « Cela fait un moment que j’y pense, et avec tout ce qu’il se passe actuellement, je crois que cela va devenir indispensable. Les formations du Ministère sont réservées aux aurors et cas exceptionnels, et je n’entre dans aucune de ces catégories. » Je ne réponds pas. C’est mon père qui m’a formé à l’occlumancie et à la legilimancie, mais je me doute bien que ce ne sont pas des formations très accessibles. « Je n’ai pas envie que n’importe qui puisse entrer dans ma tête. Et je dois avouer que le fait que cela ait déjà pu arriver m'inquiète légèrement. » Je repose ma pipe pour saisir ma tasse. « Je comprends. Si cela peut te rassurer, l’utilisation de la légilimancie n’est pas anodine, beaucoup de personnes y rechignent par éthique. Même le veritaserum est encadré alors tu imagines bien que fouiller dans la tête des gens n’est pas non plus accepté. Je ne peux pas te dire que cela n’est jamais arrivé ni que cela ne risque pas d’arriver un jour, ou que je ne comprends pas tes inquiétudes… » Je bois une gorgée de thé en laissant mon esprit vagabonder. Depuis combien de temps n’ai-je pas utilisé la legilimancie ? J’ai fait tellement de mal avec cet art – je me suis fait tellement de mal aussi. C’est comme si le rire d’Edna résonnait tout d’un coup dans ma tête, comme si je pouvais la voir, l’entendre. Et quelque chose de terrible me revient. Je n’aurais jamais d’enfant. Ma main tremble et je repose ma tasse pour ne pas renverser ce qu’il me reste de thé. Au moins, ce sera l’occasion de faire quelque chose de bien de tout cela. « Je veux bien t’aider. » Je me force à sourire et je fais ma voix la plus rassurante possible. « Tu as conscience que je vais donc essayer de pénétrer dans ton esprit et qu’il est plus que probable que tu échoues à m’en empêcher au début ? Je suis extrêmement flatté si tu me fais assez confiance pour cela, mais je ne t’enseignerai rien si tu ne me confirmes pas que tu sais ce que cela signifie et que tu m’y autorises directement. » J’ai trop souvent utilisé la legilimancie malgré les autres, je ne recommencerai pas. Je me demande s’il va soutenir mon regard pour me répondre – si oui, il faudra sans doute revoir les bases. « Enfin, rien en pratique. Théoriquement, je peux au moins te dire que la legilimancie demande généralement un contact visuel direct, et que tes émotions influent sur ce qu’un legilimens pourra percevoir de ton esprit. La mémoire n’est pas exactement un genre de livre, on ne peut pas en tourner les pages pour remonter jusqu’à ce qui nous intéresse. Il s’agit d’un art qui se basera surtout sur des déductions, et savoir te maîtriser, savoir compartimenter est important. » Peut-être que c’est cela qui m’a permis aussi de réussir si vite à devenir occlumens, et a emmené mon père à m’enseigner rapidement la legilimancie en prime. J’ai dû apprendre à contrôler mes sentiments pour contrôler ma voix – et donc ma magie. Je ne sais pas ce qu’il en sera du jeune Slughorn, quoiqu’il ne fait l’effet de quelqu’un de plutôt mesuré. Serait-il mieux que d’utiliser ma baguette d’ailleurs ? Je vérifie rapidement, mais elle n’est pas dans mes poches – je dois l’avoir laissée dans ma chambre ou dans mon bureau. Certes mon père était un hermétique, et cela ne m’a pas posé de problème… Nous verrons bien. Je sors de ma poche le scrutoscope musical, à défaut de ma baguette, et le pose sur la table entre nous. Son silence pourra au moins assurer au jeune homme que, si j’ai tenu à ajouter cette précision, ce n’est pas pour cacher quelque mauvaise intention.
Le tintement de la cuillère que Damocles fait inutilement tourner dans sa tasse trouble le léger silence qui suit sa déclaration. Peut-être n’a-t-il pas assez tourné autour du pot, finalement. Débarquer et annoncer cela de but en blanc n’était peut-être pas la meilleure façon de faire. Dans le pire des cas, la seule chose qu’il puisse essuyer, c’est un refus. Rien de bien insurmontable, en somme, alors cela aurait été dommage de ne pas tenter sa chance. Mais l’espoir le cloue sur sa chaise, et il boit les paroles de Melchior Fawley avec avidité, pas vraiment rassuré par ce qu’il lui raconte. Réglementer et encadrer la magie n’a jamais été une garantie sûre contre les débordements, loin de là. Et il est presque certain qu’il est plus simple et plus discret d’entrer dans l’esprit de quelqu’un que de lui faire avaler du veritaserum. Quant à l’éthique des sorciers, elle ne lui a jamais paru très stricte. Damocles ne répond pas, et se concentre sur sa tasse et sur le thé qu’elle contient. Il n’est pas friand des infusions aromatisées d’ordinaire, préférant le thé noir à l’amertume classique, mais il sent que ce n’est pas le moment de faire de difficile et avale une gorgée. Pas si mal, finalement. Il lève à nouveau les yeux vers Melchior, et pendant une seconde, un trouble semble envahir le regard du vieux sorcier. Pourtant, Melchior finit par lui répondre, positivement. Damocles lève les sourcils, surpris. Fawley accepte de l’aider, alors qu’il s’était convaincu du contraire. Sans le vouloir, un léger sourire étire ses lèvres. Malgré les avertissements que le Lord énonce, Damocles sent sa détermination se raffermir. Il n’a certainement pas envie de gaspiller le temps de Melchior -ni le sien- en se décourageant maintenant. Il s’attendait de toute façon à quelque chose du genre, et il est préparé. Il hoche légèrement la tête en écoutant les explications, et lorsque Melchior évoque l’efficacité d’un contact visuel direct, son regard s’arrache instinctivement aux yeux bleus qui lui font face. Il se sent légèrement perturbé. Toutes ces fois où il a soutenu le regard d’autres personnes, par simple défi ou fanfaronnade, il s’exposait en réalité. Mais la suite le rassure. Il n’a jamais été du genre à laisser libre cours à ses émotions, plutôt partisan du flegme et de l’impassibilité. Bien sûr, il lui est arrivé de faire vaciller le masque parfois, mais plus les années passent, et moins cela se produit. Le détachement dont il fait preuve lui ont même parfois attiré les reproches de certain, sa famille en premier. A nouveau, il hoche la tête, écoutant avec attention pour ne pas perdre une miette du discours de Fawley. La mémoire, certainement le point faible de tous les êtres humains. Celui qui a accès à la mémoire des autres détient un avantage énorme. Comment a-t-il pu rester toutes ces années sans imaginer une seconde d’avoir à la protéger ? Il se sent stupide, tout à coup. Et s’il était trop vieux pour apprendre correctement ? On sit que la plupart des choses s’apprennent mieux jeune, est-ce le cas pour l’occlumencie ? Damocles fixe le scrutoscope que Fawley a déposé sur la table, lèvres serrées, avant de repousser toutes ses inquiétudes dans un coin de son esprit. « Je n’ai pas spécialement envie que qui que ce soit pénètre dans mon esprit, mais je préfère que ce soit vous plutôt que quelqu’un d’autre. Et je pourrais vous retourner la question, il y a sûrement des choses dans mes souvenirs que vous regretterez d’avoir vues. En ce qui me concerne, j’ai compris ce à quoi je m’expose, et je l’accepte. Je vous fais confiance, et je suis prêt. » il n’a de toute façon pas d’autre choix, et il faut savoir faire quelques sacrifices pour arriver à ses fins. Et il est presque certain que Melchior Fawley ne sera pas du genre à aller divulguer ses secrets aux quatre coins du monde sorcier. Alors qu’avec un inconnu du Ministère, rien n’est moins sûr. Le scrutoscope parfaitement immobile semble confirmer ses pensées. Il espère juste que si Melchior est témoin de certaines de ses erreurs de jeunesse, il sera indulgent. « Je pense être capable de maîtriser mes émotions. Je l’ai toujours fait assez naturellement. » Néanmoins, il a des questions, beaucoup trop. Certaine qui ne sont pas forcément en rapport, certaines qui feraient trop diverger la discussion. L’occlumencie empêche-t-elle les effets d’un sortilège d’oubliette ? Ceux de l’Imperium ? L'occlumencie est-elle un pouvoir actif en permanence, ou faut-il y faire appel à certains moments ? Compartimenter, est-ce la même chose que lorsqu'on isole un souvenir pour le déposer dans une pensine ? Si oui, cela ne lui semble pas vraiment compliqué. Mais quelque chose lui dit que ça n’est certainement pas aussi simple. Ou les occlumens courraient le monde magique comme les doxys les vieux tapis. Et surtout, il se demande si Fawley a l’intention de passer directement à la pratique, ou s’il lui laissera le temps de se préparer avant. « Vous pourriez entrer dans ma tête, là, sans que je m'en aperçoive ? »
« Je n’ai pas spécialement envie que qui que ce soit pénètre dans mon esprit, mais je préfère que ce soit vous plutôt que quelqu’un d’autre. » Mes traits se peignent de fierté et de satisfaction. Cela n’est pas rien, comme preuve de confiance. Voir ce lointain petit cousin prêt à me demander cela, ce jeune homme admirable sous bien des aspects, cela réchauffe un peu mes yeux os. « Et je pourrais vous retourner la question, il y a sûrement des choses dans mes souvenirs que vous regretterez d’avoir vues. En ce qui me concerne, j’ai compris ce à quoi je m’expose, et je l’accepte. Je vous fais confiance, et je suis prêt. » Je penche la tête en l’écoutant, et me retrouve particulièrement amusé de sa prévoyance – touché, aussi, je dois l’avouer. « Jeune homme, mon père, qui m’a appris la legilimencie en me permettant de la pratiquer sur sa personne, était Ministre de la Magie du temps de Grindewald, j’ai été à Serpentard en même temps que Tom Jedusor, j’ai traversé deux guerres sorcières en étant de la famille de certains des mangemorts, je fréquente tous les jours les Lords du monde sorcier et mon mariage, qui a failli me condamner à l’enfer, a duré cinquante et un ans. Tes souvenirs ne me seront peut-être pas agréables, et je te remercie de t’en inquiéter, mais à moins que tu ne sois secrètement un tueur sanguinaire – et dans ce cas je dois te prévenir, il est risqué de venir me demander de t’enseigner l’occlumancie – je pense que la satisfaction que je tirerai à t’apporter mon aide sera plus grande que le possible chagrin que ton esprit pourrait me causer. » Maestro contre la porte semble presque choqué de ma sincérité, et je hausse les épaules à son attention. Ce jeune homme s’apprête à me laisser entrer dans sa mémoire, le moins que je puisse faire c’est encore d’être sincère avec lui sur cela. Devant nous, le scrutoscope toujours immobile et silencieux m’assure que je n’ai sans doute pas fait d’erreur. « Je pense être capable de maîtriser mes émotions. Je l’ai toujours fait assez naturellement. » J’acquiesce sans répondre. C’est une partie de notre éducation, et il est courant de trouver au sein de la noblesse sang pur des occlumens très compétents – s’il avait, en plus, des prédispositions, cela ne pourra être que plus aisé pour lui. Je le crois volontiers, par ailleurs, c’était un jeune homme très calme, travailleur, d’un flegme appréciable quand il travaillait sous ma direction – des qualités qui ne pourront que lui servir ici.
« Vous pourriez entrer dans ma tête, là, sans que je m'en aperçoive ? » Je prends une gorgée de thé, songeur. « Il y a trente ans, quand je pratiquais régulièrement, et si tu avais été sourd, peut-être. Mais en raison de mon rapport à la magie, je suis absolument incapable de sortilèges informulés, et c’est une magie que je n’ai plus pratiquée depuis… un certain temps. » Je me suis fait et j’ai fait trop de mal avec. Le teint cireux d’Edna me revient en mémoire – et son regard de défi aussi, alors qu’elle soutenait mon regard. « Il y a de très grands sorciers qui en seraient capables, cependant. Mais nous allons travailler pour que cela ne soit plus un risque pour toi. » Mon sourire se veut rassurant, et je repose ma tasse avant de frotter mes mains l’une contre l’autre. « Je veux bien t’enseigner, mais je te préviens, je n’ai jamais eu à le faire jusque-là. » Si j’avais eu des enfants, les choses auraient certainement été différentes… Mais il n’y a eu dans ma maison aucun petit Fawley à qui transmettre ni mon savoir, ni mes valeurs. « Je ne sais pas ce qu’il y a de mieux à faire, si ma méthode est la meilleure. Je peux simplement essayer avec toi ce qui a marché pour moi. » Et espérer que cela suffise. « De plus, tu ne sortiras pas ce soir de ce Manoir occlumens accompli – c’est un travail de longue haleine dans lequel nous nous lançons, tu as des semaines, peut-être des mois de travail devant toi avant de maîtriser tout cela. » Je n’ai plus le souvenir exact du temps que cela avait pris, pour moi. Damoclès n’est pas pour moi un genre de tête brûlée, et il m’a supporté assez longtemps pour que je lui imagine une certaine patience – mais la précision est importante. Mon attention va à au vieil elfe qui n’a pas bougé, qui attend un signe de ma part pour disparaître. « Maestro, peux-tu aller me chercher ma baguette s’il te plaît ? Elle doit être à mon bureau, ou peut-être dans ma chambre. » Il m’a à peine répondu oui qu’il a déjà disparu dans le couloir. Je ne sais pas si elle me sera utile, mais cela ne sera pas perdu de l’avoir près de moi.
Mon regard bleu se repose sur le jeune Slughorn. « Que dirais-tu que nous essayions rapidement ? Pour voir ce que tu es capable de faire, et que je puisse te conseiller un peu plus précisément ? » Je peux bien essayer simplement avec ma voix pour commencer. J’attends un signe du jeune homme pour poursuivre. « Pose ta tasse. Essaie dans un premier temps de faire le vide dans ton esprit, d’être calme. Respire. »
Je lui laisse un instant, en le fixant avec une certaine curiosité. Je n’ai aucune envie de découvrir ces évènements qu’il pensait pouvoir être choquants pour moi, je ne tire aucun plaisir à l’idée de m’égarer dans sa mémoire – ce sont ses capacités qui éveillent mon intérêt, et son envie d’apprendre. Quand il me semble enfin lui avoir laissé suffisamment de temps, je prends une grande inspiration. « Legilimens. »
succès | @Melchior C. Fawley a beau être un homme un peu rouillé, il ne l'est pas tant que ça, et la legilimancie lui vient assez facilement. Il parvient à lancer le sort sans effort et se glisser dans les pensées de Damoclès avec aisance.
Intervention MJOCCLUMANCIE
échec | Lorsque Melchior a lancé le sort, Damoclès était prêt, aux aguets, avec le formidable arsenal de sa formation de brigadier. Pourtant, il a l'impression que rien ne se passe pendant quelques secondes. Il ne sent aucun intrusion à priori... Est-ce que le vieux a foiré son sort ? Non... là... Un souvenir commence à se former dans sa tête sans qu'il ne l'ait convoqué. Un souvenir d'enfance. Un deuxième, tout aussi douloureux que le premier. Enfin il arrive à sentir la présence de Melchior dans sa tête, mais il est bien incapable de le repousser pour le moment !