L’écureuil file ventre à terre dans l’herbe humide de rosée qui lui chatouille le ventre. Son cœur palpite à folle allure, ses poils encore hérissés des périls auquel il vient d’échapper. Vif, il se glisse sous un buisson d’épineux, grimpe le long du tronc noueux d’un vieux chêne qui déploie sa formidable ramure en direction de ses compagnons de terre. À peine l’ombre d’une hésitation, déjà le petit animal s’élance sur l’une de ces branches chargées de jeunes feuilles. S’avance jusqu’à ce qu’elle ploie sous son poids, prend appui sur ses pattes arrière pour se propulser d’un bond vers l’érable voisin, qu’il délaisse bientôt au profit d’un peuplier. L’absence de la lune plonge la forêt dans une obscurité impénétrable où les ombres se jouent des peurs et des légendes. L’infime reflet des étoiles sur la végétation luxuriante lui suffit pourtant à trouver son chemin, à deux toises au-dessus du sol. Au loin, le hululement d’une chouette se fait entendre. Ses oreilles se dressent à l’écoute de ce danger potentiel et il bifurque davantage au nord. La destination importe peu. Moins que de mettre le plus de distance possible entre lui et ces lieux où il s’est aventuré par hardiesse, sans y être le bienvenu. Une demi-heure durant, il court, vole, file comme le vent sur la canopée, ne laissant dans son sillage que le bruissement des feuilles et le lent balancier des branches dérangées par sa fuite éperdue. Bientôt, d’autres hauteurs se dessinent à l’horizon, différentes des arbres qui l’entourent. Fines et pointues, comme lancées à l’assaut du ciel nocturne. Ces formes effilées, l’écureuil les connaît. Et il sait que les bois tout proches sont de ceux qu’il vaut mieux ne pas pénétrer, qu’on soit homme ou simple rongeur inoffensif. Trop de créatures y résident qui se feraient un plaisir de l’ajouter à leur menu du soir. Alors, prudent, il se rapproche de la lisière, sautant à terre dans un dernier bond.
Devant lui s’étend un village silencieux, endormi. En cette heure tardive, seules quelques chandelles éclairent encore de leur flamme tremblotante les fenêtres muettes. Esquivant l’allée principale du bourg où flânent encore quelques silhouettes, il se faufile, discret, dans les rues désertes, traverse barrières et haies qui clôturent les jardinets sans éveiller quiconque, pas même le molosse qui dort paisiblement dans sa niche. Rien ne bouge, rien ne vit, hormis cette faune dans laquelle il se fond discrètement, croisant deux mulots chargés de provisions, soucieux de rejoindre leur abri avant que ne surgisse un quelconque prédateur, rapace ou couleuvre. Mais lui n’a nul terrier où trouver refuge et il sait d’avance que les forces lui manqueront pour rejoindre ses pénates. Il faudra bien, pourtant, qu’il trouve où passer la nuit. Mais où ? Ses yeux perdus valsent alentour, cherchant une réponse, une idée. Et soudain, il sait. Tu ne peux pas faire ça ! hurle une voix en lisière de sa conscience. Pourquoi pas ? rétorque une autre, encore sous le coup de l’émotion. Il ne nous attend pas !, insiste la première, raisonnable. Personne n’attend la mort, pourtant elle vient quand même. Un silence. Une hésitation. Et la peur qui n’en finit plus de tenailler ses côtes, chassant la raison sans ménagement. Moi non plus, je ne veux plus attendre. Tout est dit. L’écureuil poursuit sa course folle jusqu’à l’approche de ce portail immense qui se dresse au centre d’un mur de pierre. Malgré l’apparente délicatesse de son fer forgé, il le sait infranchissable. Pour lui, tout du moins. Et maintenant ? Nous voilà bien avancé ! De longues minutes, il reste là, aux aguets. Calmant les battements fous de son cœur en furie. Mais est-ce la crainte de ce qu’il a laissé derrière lui ? Ou une appréhension à la pensée de ce qu’il s’apprête à faire ? Ce n’est qu’une fois apaisé, qu’il prend finalement une profonde inspiration. Abandonnant les senteurs boisées de l’humus tout proche, le doux contact de la terre sous ses pattes, le chant du vent dans ses moustaches, son corps s’étire, s’allonge et se redresse.
Un instant, tes yeux hagards se perdent dans le vide, alors que tu reprends pied dans cette autre réalité. Tes doigts glissent le long d’une boucle rousse, incertains, descendent et palpent chaque membre, chaque carré de peau avant que tu ne t’autorises un profond soupir. Tu as réussi ta transformation, Merlin merci. Et maintenant ? D’un mouvement de tête, tu balaies cette question un peu trop pertinente et ton regard revient à la haute silhouette du château qui se détache sur le ciel étoilé. Tu cherches à repérer, parmi les lueurs tremblotantes celles qui pourraient correspondre à la tour de Serdaigle… Mais celle-ci te tourne le dos, offrant à la vue de ses occupants le lac plutôt que Pré-au-Lard. Et maintenant… Faire un crochet par la Forêt Interdite ? Absurde. Et dangereux. Attendre patiemment que quelqu’un arrive ? Improbable, à cette heure tardive. Escalader le mur d’enceinte ? Ridicule. Tu en serais bien incapable et, en outre, il est bien plus symbolique qu’autre chose. D’autant que toute intrusion risquerait de déclencher une des multiples alarmes mises en place par ce directeur paranoïaque. Et si tu te moques bien de lui causer une frayeur en pleine nuit, ce serait mettre tes amis professeurs en porte-à-faux, le Ministère tout autant… Sans parler des élèves qui ont eu plus que leur lot de difficultés ces derniers mois.
Alors quoi ? Alors rien. Il ne te reste qu’à tourner les talons, retourner vers Pré-au-Lard et espérer que Mrs Rosmerta ait une chambre pour toi aux Trois Balais. Il te faudra trouver une raison convaincante à cette arrivée tardive, bien sûr, mais tu sais qu’elle t’hébergera, ne serait-ce que par amitié pour ta grand-mère. Oui, c’est le plus raisonnable. De toute façon, la simple idée de venir jusqu’ici était… Après tout, rien ne dit qu’il aurait été heureux de te voir. Surtout ainsi, à l’improviste. Tu sais comme il déteste être pris au dépourvu. Et même au-delà de l’effet de surprise. Vous vous êtes croisés à plusieurs reprises, dernièrement, et après ? Ces sourires, vos échanges… Ce n’était que de la politesse, voilà tout. Il a toujours été courtois, avec tout le monde. Cela ne signifie rien. Rien du tout. Ce n’est pas parce que tu t’es surpris dernièrement à t’endormir – sans même avoir recours aux potions de Nasiya ! – en songeant à cette nuit sur son épaule, à cette danse inattendue, à ces bribes de conversation volées ici et là qu’il en va de même pour lui. Ne t’aurait-il pas écrit, envoyé un hibou, si c’était le cas ? Et toi, pourquoi ne l’as-tu pas fait ? Toujours cette petite voix. Parce que j’avais peur ! Peur de déranger, peur d’imaginer. Peur de cette étincelle d’envie que vos rencontres ont insufflé dans ton cœur trop fragile. Peut-être que lui aussi, il a eu peur… Peut-être, oui. Impossible à savoir. Et tellement vain. Ce sont des inepties, tu le sais aussi bien que moi. Las, sur un dernier regard attristé tu tournes les talons, reprenant la route pavée en direction du village où s’éteignent progressivement les dernières lueurs tandis que les couche-tard rentrent chez eux. Tu fais un pas de côté pour esquiver un passant allant en sens inverse, presses l’allure – il ne faudrait pas trouver porte close en arrivant ! –, tentant de chasser les débâcles de cette soirée de ton esprit, de ne pas penser à… « … Lemony ? » Oh douce Helga ! Le passant...
Je me souviens que j’avais les mains froides, je tremblotais et j’étais à la traîne. Tu ne devais pas les trouver si froides car malgré tout, tu les laissas dans les tiennes. – Oldelaf - Les mains froides
- 21.03.2004
J’avais fini par faire la paix avec moi-même. L’adolescent trop grand, trop maladroit, trop bigleux, trop maigre, trop mal à l’aise en société, je l’avais laissé derrière moi, presque oublié. Il est revenu quelques fois dans mon esprit, m’arrachant un sourire et une pointe de tendresse. Ah qu’est-ce que j’étais con, ah qu’est-ce que j’étais jeune… Ça n’avait plus vraiment d’importance. Il y avait eu Emma, l’Allemagne, le retour, Poudlard, la science, et tout ce tas de petites choses qui font la vie, le quotidien. Je n’avais plus eu envie de me comprendre ou de me changer moi, je voulais comprendre et changer le monde.
Alors pourquoi ça revient, maintenant ?
J’aurai trente ans dans deux mois, j’ai un travail que j’aime, des amis, et je n’ai clairement pas fini de comprendre le monde, ni vraiment commencé à le changer. Pourquoi est-ce que quand je me regarde dans la glace, je revois ce gosse qui m’insupportait, cet enfant que je n’aimais pas être ? J’ai la réponse à ma propre question sur le bout des lèvres, et je crois que celle-ci me fait me sentir encore plus con.
Je devrais lui écrire, lui proposer de faire quelque chose.
J’aimerais être plus courageux. J’aimerais être plus charmant aussi, ne pas avoir à porter ces lunettes épaisses, être plus athlétique, ne pas donner l’impression de nager dans mes chemises, avoir le nez plus fin, le teint moins pâle, les yeux plus grands, l’allure plus assurée. Je devrais lui écrire. Elle ne m’a pas écrit, elle. Enfin, je veux dire, on est en 2004, ce n’est pas nécessairement à moi de faire le premier pas ? Si elle en avait vraiment envie, elle me l’aurait dit, non ? Ça n’a pourtant pas eu l’air de trop lui déplaire, au carnaval, de danser… Je lui ai proposé, à ce moment-là, qu’on se revoit. Mais il y avait le monde, Malachy, Dennis, les beignets, les couronnes… Est-ce que c’est pour cela que cela a été oublié, que cela est resté lettre morte ? Ou est-ce que ça ne l’intéresse juste pas ? Et si c’était de la politesse de sa part ? Et si je me faisais des films ? Je veux dire, c’est quand la dernière fois que j’ai… Euh... Quelques mois, non, un an, plus ? Ouais, fin 2002, facile. Ça ne me manquait pas.
Mais Erin me manque.
Son parfum me manque, son rire, sa voix, sa façon de se tenir, de me regarder. Ses cheveux.
J’ai vraiment un problème.
Turing vient s’accrocher à mon pantalon de velours, planter ses griffes dans ma cuisse pour me sortir de ma rêverie. Je pousse un petit cri en essayant de le repousser, et il me crache dessus en me toisant. C’est qu’il se prend un sacré caractère l’animal. Il voit que je me prépare à partir, et il me signifie son désaccord. « Je ne vais pas loin et je reviens vite. » J’attrape sa balle à friandise qui traine à côté du bureau, et lui lance, mais il l’ignore royalement. Je ne sais pas pourquoi je me suis ennuyé à lui acheter autant de jouets vu qu’il préfère encore s’amuser avec mes boutons de manchettes et mes écouteurs si je les laisse trainer. J’hausse les épaules et avise mon reflet dans la glace. J’ai vraiment l’impression de retrouver ce gosse que j’ai été, je nage dans mon pull gris même si le manteau cadre un peu ma silhouette, mes cheveux font n’importe quoi, mes lunettes sont trop grosses. Je laisse pousser ma barbe depuis quelques temps, pour essayer de casser cette image, et je dois au moins admettre que je rencontre plus de succès que pendant mon adolescence. Bah, ça ira très bien, ce n’est pas comme si j’avais prévu de voir de monde ce soir. Je rentre ma chemise qui dépasse dans mon pantalon, et accroche à mes manches les boutons de manchettes isolants – il fait encore froid en soirée à cette époque de l’année. Un instant, je contemple mes poignets. J’ai offert les même à Erin, quand nous nous sommes vus il y a un mois. Enfin, prêté je crois, plutôt, mais j’en ai racheté depuis alors c’est du pareil au même. Est-ce qu’elle les porte ? Est-ce que ça lui est utile ? Est-ce que je pourrais agir comme un adulte en l’invitant ou en passant à autre chose ? J’aimerais être plus courageux. Merde.
**
Je n’ai pas vu la soirée passer. Je me suis posé aux Trois Balais, avec un verre et L'Alchimie : art ancien et science médiévale. Je crois que ce sont les propos de Regulus qui m’ont poussé à me renseigner sur le sujet – et qu’est-ce que je regrette maintenant de ne pas l’avoir fait plus tôt. J’étais tellement absorbé par ma lecture que je n’ai pas tout de suite remarqué Turing qui m’avait suivi à mon insu et qui dormait à présent calmement sur mes pieds, pas plus que je n’ai vu les clients arriver et repartir, les gens se retrouver et se séparer, et les veilleurs tardifs finalement aller se coucher. « Professeur Anderson ? Je ne veux pas vous mettre dehors mais… » La voix de Mrs Rosmerta a fini par me tirer de l’ouvrage, et j’ai sursauté, presque paniqué, en constatant l’heure sur l’horloge qu’elle me désignait. Ah bah, je vais être frais en cours, demain matin. Chat sur les talons, délesté de quelques mornilles et passablement agacé de ne pas avoir été attentif à l’heure, c’est en soupirant que je me lance dans la rue glacée, traversant rapidement les rues maintenant presque désertes alors que les lumières s’éteignent aux fenêtres. Il faut que je trouve quelqu’un qui s’y connaisse vraiment en alchimie, il y a vraiment des possibilités d’utiliser la matière pour envisager certaines sciences toutes moldues d’un œil sorcier. Devant moi, une silhouette s’écarte comme pour me laisser passer alors que je fais de même, et nous nous dépassons l’un l’autre en partant dans une direction différente. J’avais réussi à ne plus penser à elle, pendant plusieurs heures, à me concentrer – et il faut que je croise une rousse à la même allure, une rousse qui lui ressemble tellement que… J’ai un doute. Je m’arrête, et c’est à ce moment là que la voix s’élève derrière moi. « … Lemony ? » Je reste interdit, immobile, perdu un instant. Est-ce que je rêve ? Je me suis endormi aux Trois Balais, assoupi, et je m’imagine sur le chemin du retour ? Je me retourne lentement, pour aviser celle que je viens de croiser. Si c’est un rêve, j’aimerais ne pas me réveiller tout de suite, s’il vous plaît. Qui est-ce qu’il faut que je prie pour cela ? Dieu, Rowena, la science, la nature ? Laissez-moi juste dormir quelques instants de plus, assez pour la voir, pour lui parler… Je cligne des yeux alors que le doute n’est plus permis : c’est bien elle. Un courant d’air glacé me fait frissonner et me tire de ma léthargie. « Erin ? Je… Qu’est-ce que tu fais là ? » C’est comme si tout mon corps venait d’être secoué, et je reviens sur mes pas en grandes enjambées pour arriver à son niveau plus vite que je ne m’en serai cru capable sans courir. « Tu vas bien ? Tu... tu n’as pas trop froid ? » Est-ce que si je la touche, je vais me réveiller ? Quelles sont les chances que cela soit réel, que je la croise ici, ce soir, si tard ? « Tu vas aux Trois Balais ? Tu... tu... tu veux que je t’accompagne ? »
De longues minutes ont été nécessaires pour reprendre ton souffle, abandonner derrière toi les terreurs de la soirée – il s'en est vraiment fallu de peu que tu n'échappes au service de sécurité de l'Enchanteresse, dont les sortilèges éclatent encore au fond de tes prunelles tout comme l'image de cette ranger de cuir qui n'a manqué que de quelques pouces ta queue panachée. Tu en jurerais, accroupie là-bas près du portail immense, l’air avait retrouvé le chemin de ta poitrine oppressée. Alors pourquoi te manque-t-il à nouveau ? La réponse est pourtant si simple…
Lemony. Il est là, devant toi, apparition improbable en ce début de nuit. Avec ses lunettes au bout du nez, sa mèche en pagaille, ses mains enfoncées profondément dans les poches de ce manteau tout droit sorti d'une série policière moldue, sa besace sans doute pleine de livres et d'objets électroniques curieux. De ses yeux, tu ne peux que deviner le bleu, dissimulé par les ombres nocturnes. Qu’imaginer leur surprise, à peine distillée par ces mots intrigués auxquels succède déjà l’inquiétude qui t’épargne de répondre à cette question trop complexe. Car il enchaîne déjà, soucieux de savoir comment tu vas, si tu as froid, s’il peut t’accompagner quelque part. Gentleman jusqu’au bout des ongles, jusqu’au bout des manches où brillent des boutons similaires à ceux qui ornent tes poignets en écho. Si attentionné qu’un sourire ému traverse ton visage fatigué. C’est tellement lui… Exactement tel que tu aurais pu l'imaginer. Si parfaitement lui que du fond de ton corps encore tremblant monte une vibration. Tout à coup, ce cœur qui t'avait presque oublié se pointe à ta porte et se remet à cogner.
« Je voulais te voir, je… »
Oh douce Helga, depuis combien de temps n'as-tu plus ressenti ce genre d'émotion ? Tu ne comprends pas trop ce qui t'arrive, tu crois d'abord à une erreur. Mais il bat, ce traître, il bat sans discontinuer, rivant tes prunelles sur son visage à peine éclairé par les étoiles. Et tes poumons qui semblent si vides… Combien de temps alors ? Oh, tu ne le sais que trop bien. Depuis Neil. Soit approximativement six ans, trois mois et une vingtaine de jours. Six années sans ressentir le moindre tressaillement, la moindre vie dans ce cœur laissé à l’abandon par les affres de la guerre. Six années sans amour, sans chaleur pour faire pulser le sang dans tes veines. Six foutues années sans vivre, ni rêver. J’ai oublié comment rêver. Six années trop engoncée dans ta douleur pour réaliser combien tu manquais de douceur, de tendresse malgré toutes les attentions prodiguées par tes proches. Combien tu manquais de cette forme de douceur. Jusqu’à ce matin-là, quelques semaines plus tôt. La bouche pâteuse, la nuque raide et ankylosée, les tempes flirtant avec une sévère migraine, le ventre retourné par le trop-plein d’alcool consommé la veille. Matin difficile, s’il en est. Mais Merlin t’en soit témoin, depuis tu aurais échangé tout l’argent de ton coffre à Gringotts, tous les réveils alertes du monde contre la somme de ces inconforts, pourvu que son épaule soit là, à côté de toi. Tout contre toi. Alors qu’est-ce que tu attends ? Elle est de retour, la petite voix. Trop insistante, trop agaçante à pointer précisément chaque doute qui te tenaille. Je ne peux pas. Est-ce un rire, qui ricoche entre tes pensées affolées ? Ce n’est qu’un pas en avant… Rien de plus ! C’est tellement plus… Tes yeux se perdent sur ces deux pieds qui vous séparent, remontent à son regard toujours interrogateur, toujours dans l’attente de cette réponse qui ne vient pas franchir tes lèvres. Les secondes s’éternisent – ou n’est-ce que dans ta tête que le temps ralentit, aux prises d’un retourneur fou ? Je t’en prie, qui sait ce qui aurait pu nous arriver ce soir ? Et la petite voix qui revient, qui tremble, qui vibre, qui implore. J’ai besoin de savoir que l’on peut rêver encore…
Rêver encore. S’émerveiller. Espérer. Rêver à nouveau. D’un avenir. D’un rire. D’un rayon de soleil. D’un présent. D’une trille d’oiseau. D’une main qui cherche la tienne. D’une peau à caresser. D’un cou à respirer. De bras à retrouver. D’une discussion. D’un livre échangé. D’une assiette partagée. D’une nuit. D’une journée. Ou de plus. De lui. De toi. De… vous ? L’as-tu fait, ce pas en avant ? Tu n’en as pas conscience, pourtant tes lèvres ont trouvé les siennes – Merlin, elles sont si douces… Et dans cet instant suspendu, ce rêve en demeure, tu espères – oh, tu espères si fort ! – que le réveil ne sera pas brutal…
Je me souviens que j’avais les mains froides, je tremblotais et j’étais à la traîne. Tu ne devais pas les trouver si froides car malgré tout, tu les laissas dans les tiennes. – Oldelaf - Les mains froides
- 21.03.2004
C’est elle, c’est bien elle. Elle porte une robe de sorcier noire, une cape noire, mais avec l’obscurité, même en me rapprochant, je n’arrive pas vraiment à lire sur ses traits. Je plisse les yeux, elle paraît pâle, peut-être fatiguée – ou alors ce n’est que la nuit, que mon imagination. Pourquoi est-elle là, si tard, ainsi vêtue ? « Je voulais te voir, je… » Je reste suspendu à ses lèvres sans que la suite ne vienne. Tu quoi ? Je sens mon souffle se faire plus court, mon ventre se tordre. Me voir, moi ? Est-ce que j’ai fait quelque chose ? Ce n’est pas comme si j’avais planifié nos rencontres... Peut-être que c’était le carnaval, le problème ? Je n’aurais pas dû boire cette potion, je n’aurais pas dû l’inviter ? Ou au contraire, peut-être que c’est parce que je ne lui ai pas écrit, que je ne lui ai pas dit que je voulais la revoir et du coup elle m’en veut ? Peut-être qu’elle a quelqu’un dans sa vie, quelqu’un qui s’agace de me savoir ici, quelqu’un qui a compris ce que je… Peut-être qu’elle n’aime pas les hommes et veut mettre les choses au clair ? Peut-être que c’est juste moi le problème, que je suis trop maigre, que j’ai de trop grosses lunettes, que je parle trop, que je ne sais pas me peigner correctement, que je suis trop lâche, que je ne suis pas un assez bon sorcier… Enfin Lemony, qu’est-ce que tu avais en tête ? Qu’est-ce qu’une fille comme elle pourrait bien te trouver, à toi ? Elle est… Magnifique ! Et gentille, et patiente, et forte, et c’est une animagi. Elle n’a besoin de personne, et certainement pas de quelqu’un comme moi ! Alors que le silence semble s’éterniser j’ai l’impression que chacun de mes complexes me revient en place face, que je me vois comme se voyait l’adolescent que j’étais, et je ne suis pas vraiment beau, pas si intelligent, trop têtu, trop distant, trop égoïste. Et pourtant elle est là, juste là, et il n’y a pas l’air d’avoir de colère, ni de mépris dans son regard. Tu quoi, Erin ? Les mots ne passent pas mes lèvres, ils meurent avant d’avoir atteint ma gorge – et à leur place il n’y a plus qu’une boule qui monte, qui grossit, qui me paralyse de plus en plus. J’ai l’impression d’avoir conscience de mon corps comme cela m’était rarement arrivé, le froid qui mord ma nuque, le vent qui agite mon manteau, le sac qui me lime l’épaule, l’espace entre nous me semble presque tangible, compacte, épais. Et pourtant elle le traverse, et au milieu de toutes ces sensations, du froid, du doute, et de la peur, il y a quelque chose d’incroyablement doux, incroyablement tendre qui vient secouer tout mon être, chasser les idées noires, remplacer mes pensées.
Ses lèvres se sont posées sur les miennes. J’écarquille les yeux, un instant, et il me semble que je me mets à trembler un bref instant. Et puis plus rien. Je ferme les yeux, et il n’y a plus que la douceur de son baiser, la chaleur de son souffle sur ma peau, la présence de son corps près du mien, son odeur qui flotte autour de moi. Je ressens toujours la fraîcheur de la nuit, mais elle n’a plus d’emprise sur moi. Il n’y a plus qu’Erin, juste là, et mes pieds sur le sol, et le vide au-dessus de ma tête, et le silence autour de nous – juste mon cœur qui bat, juste sa respiration et la mienne qui se mêlent. Je ne veux pas que ça s’arrête, et pourtant il me semble que c’est moi, le premier, qui éloigne mon visage du sien, qui sépare nos bouches. « Erin… » Ma voix est un murmure. Je devine ses traits plus que je ne les vois dans cette obscurité, ses yeux verts, sa peau claire. Je pose mes mains sur ses joues, j’emmêle le bout de mes doigts dans ses cheveux en l’attirant à moi, pour finir de détruire cet espace entre nous, pour l’embrasser, d’abord timidement, puis bien vite avec plus de fougue que je ne m’en serai cru capable si vite. Erin. Je sens sa poitrine se soulever contre la mienne, et je me demande si elle peut sentir combien mon cœur bat dans la mienne. Si elle se doute que mes jambes ne me tiendront plus quand je la lâcherai ? Que je n’ai plus froid, plus peur, grâce à elle. Erin. Je ne sais pas comment, par quel miracle cela est arrivé. Je ne peux pas être en train de rêver, j’avais oublié tout ça, toutes ces sensations, tous ces sentiments – je ne pourrais pas me les imaginer. C’est bien mieux que si je m’étais assoupi. Elle est là, et plus rien n’a d’importance. Combien de temps est-ce que nous restons comme ça ? Un instant, une minute, une heure ? J’ai perdu la notion du temps. J’ai perdu la notion de beaucoup de choses. J’ai déjà dû ressentir ça, il me semble, mais je n’en suis même pas certain – et je me contrefous de l’être, pour une fois. Tant pis pour les certitudes. Tant pis pour la raison, la logique, l’empirisme, l’expérience. Tout est nouveau, tout est neuf, tout est à découvrir, voir, ressentir, expérimenter. Je veux me réveiller avec elle, m’endormir avec elle, parler avec elle, rire avec elle, sortir avec elle, manger avec elle, je veux tout savoir, tout apprendre, tout réinventer, avec elle.
C’est un miaulement que je jurerais indigné qui finit par avoir raison de cet instant d’infini volé à la réalité. J’ai l’impression que tout me rattrape, d’un coup, sans pour autant m’atteindre. Nos lèvres se sont séparées, mon visage est posé contre le sien, mes mains se sont frayées un chemin jusque dans sa nuque. Est-ce que si je la lâche, elle va disparaître ? C’est un risque je ne suis pas prêt à prendre. Le miaulement se fait plus grave, plus insistant. J’ouvre les yeux et tourne mon front contre le sien pour aviser Turing qui nous regarde, à quelques pas. Pourquoi est-ce qu’il a fallu qu’il me suive, ce soir ? J’éloigne ma figure de celle de la jeune femme, sans oser la libérer de mon étreinte. Et si elle regrettait, après coup, si elle songeait que c’était une erreur, si… Turing se fait encore plus bavard. « Oui bon, ça va, je t’ai entendu ! » Ma voix est un peu plus agacée que je ne le voudrais, et le maine coon s’avance pour se poser juste devant nous en me fixant. « Hm. Je te présente Turing. » Je te présente la sale bête qui est en train de me voler le plus grand moment de joie depuis… Va savoir ! Mes mains quittent son cou, non sans défaire un pli de sa cape sur son épaule. Le tissu me semble trop léger, pour la soirée. « Viens, je… Allons aux Trois Balais, d’accord ? Tu vas attraper froid. » Je me dégage d’elle et lui tends la main, en avisant la sienne. Il y a sur ses manches les boutons de manchettes que je lui ai offerts. Je sens que je rougis. « Je suis content que tu les portes. » Erin, douce Erin, jolie Erin… Si tu savais comme cela me rend heureux de songer, que même juste un petit peu, juste comme cela, je puisse être là pour toi.
Le temps semble figé. Le vent ne souffle plus. Les feuilles ont cessé leur bruissement. La chouette, là-haut, celle-là même qui faisait si peur à l'écureuil, s'est tue. Seul le silence règne, absolu. Moment d'infini que rien ne peut rompre, pas même l'écho ténu de ton souffle coupé. Moment trop vite achevé. Il se détache déjà et, dans sa brutalité ordinaire, la réalité reprend ses droits. As-tu rêvé ce baiser ? L'as-tu seulement espéré ? Ce serait déjà un si grand pas en avant… Pourtant non, c'était plus que ça. Sur tes lèvres orphelines, la chaleur des siennes s'attarde encore. Il s'est éloigné, l'instant est terminé. Éphémère, vouée à disparaître. Et sur cette pensée, vague à l'assaut d'un rocher, ton cœur se brise un peu. Ou peut-être pas ? Seul ton prénom lui échappe, suspendu entre vous, parfait miroir du sien dont les syllabes résonnent sans fin dans tes pensées. Lemony... Tu voudrais lui dire... Tu ne sais pas vraiment. T'excuser, t'enfuir, faire marche arrière – tout, n’importe quoi plutôt que de l'écouter. Ce serait trop dur de l'entendre te dire que ton rêve est une chimère. Trop douloureux. Mieux vaut prendre les devants. Lui dire que tu es désolée, que tu n'aurais pas dû, que tu... C'est lui cette fois qui revient vers toi. D'abord ses mains qui frôlent ta peau blême, effleurent tes cheveux... Puis tout son corps, enfin. Terrassant pour de bon le vide qui vous sépare dans un baiser infiniment tendre d’abord, puis plus avide qui te fait chavirer. Frêle coquille de noix, ballottée sur un océan de sensations bien trop vaste pour toi. Pour oser y naviguer encore, il te faut en redécouvrir chaque goutte, chaque remous mais sais-tu seulement encore nager ? Dans le doute, tu t'accroches à lui pour ne pas sombrer, une main sur son bras, l'autre perdue sur sa hanche. Ton cœur bat une chamade infernale entre tes côtes. Oh, comme tu voudrais qu'il dure, ce fragment de toujours…
Mais toutes les éternités ont une fin. Et celle-ci s'achève sous le regard courroucé d'un imposant félin dont les miaulements insistants ont eu raison de votre étreinte. Pas tout à fait. Son front reste rivé au tien quelques secondes encore, emplissant tes poumons de son odeur encore un peu avant qu'il ne se redresse pour jeter à l'importun un regard peu amène. Turing, donc. Tes mains restent posées sur son manteau long – tu aurais trop peur de tomber si elles s'en détachaient. Tu vacilles, tu trembles. Tu ris, tu pleures. Larmes d'émotion et de fatigue mêlées, au travers desquelles tu adresses un sourire au chat délaissé. « Enchantée, Turing. » L'image est ironique, bien que ta voix en soit dépourvue de toute trace. Sans minimiser la beauté de l’animal, ni ton désir d’en savoir plus sur le quotidien de Lemony, tu te serais bien abstenue de cette interruption. Mais le principal intéressé ne semble nullement gêné, bien au contraire, d’avoir brisé la magie de cet instant qu’aucun sortilège, aucune potion ne pourrait jamais égaler. De vous avoir rendus à une réalité trop terre à terre que tu peines à réintégrer. Fort heureusement, si tes pensées sont restées éparpillées entre les Terres de Feu, la forêt et ses lèvres, Lemony semble davantage reprendre pied, vous suggérant une solution de repli qui te laisse un instant indécise, avant que tu ne hoches la tête. Car il a raison, bien sûr. Ton corps est encore chaud de ta forme animale, de vos baisers, mais le froid ne tardera pas à réclamer son dû. Et la fatigue, telle une chape de plomb, à déposer son fardeau sur tes épaules, rendues pour le moment extraordinairement légères par cette main tiède dont les doigts sont venus s’entrelacer aux tiens. Leur chaleur se diffuse doucement à travers ta peau, plus efficacement que tous les boutons de manchette du monde. Tu les effleures pourtant, un sourire ému aux lèvres de voir qu’il a remarqué leur présence. « Ils sont parfaits. »
À pas lents, vous redescendez le chemin pavé qui mène au cœur de Pré-au-Lard, Turing toujours sur les talons. Et comme de bien entendu, tes mouvements se sont plus malaisés, plus délicats, trahissant l’épuisement d’une trop longue transformation. Mais peu importe. Tu es trop bien, là, dans le silence nocturne qui vous enveloppe – que dire, dans un moment pareil ? –, les yeux rivés à ses prunelles dont tu ne peux distinguer la couleur, mais que tu devines si semblable à celle de cette fleur sauvage qui fait des ravages dans les cœurs d’enfants. Et dans le tien, à n’en pas douter. Alors tu raffermis simplement ta prise sur sa paume, certaine de ne pas tomber tant qu’il sera là, à tes côtés. Il ne vous faut guère de temps pour relier Poudlard à la grand-rue du village magique, où les dernières lueurs achèvent de s’éteindre. Derrière vous, l’église proche sonne douze coups, qui résonnent à vos oreilles. Fort heureusement, les chandelles des Trois Balais brillent encore derrière les fenêtres aux rideaux tirés. Tu ralentis pourtant, sans oser aller frapper au battant de la porte, ton visage se faisant inquiet, un rien gêné. « Est-ce que… Je vais aller demander à Rosmerta si je peux passer la nuit ici. Je… Je suis désolée, mais est-ce que ça te dérangerait que j’y aille seule ? » Les mots n’ont que le temps de franchir tes lèvres avant que tu ne réalises toute leur maladresse, que tu t’empresses d’atténuer. « Je veux dire, de me rejoindre là-haut, en transplanant ? Ce serait plus… discret ? » Oh douce Helga, tu as si peur qu’il se vexe, qu’il s’offusque, qu’il refuse et tourne les talons. Mais tu ne peux imaginer entrer là, main dans la main avec lui. Rosmerta… Tu la connais depuis son plus jeune âge, aussi bien ses immenses qualités, sa grande générosité que son insatiable curiosité. Franchir ce seuil ensemble vous assurerait à coup sûr des échos dans tout Pré-au-Lard dès potron-minet demain matin… Sans parler de Poudlard et du voisinage bien trop proche de ta grand-mère que tu aimes de tout ton cœur, mais pas au point de lui confier si vite ce qui n’appartient, pour l’heure, qu’à vous.
Tu ne réalises combien tu retenais ta respiration que lorsqu’il acquiesce et, sur une dernière pression à cette main qu’il t’en coûte d’abandonner, tu pousses la porte des Trois Balais. Le grincement caractéristique de l’huis ne manque pas d’attirer le regard de la maîtresse des lieux sur ton arrivée. « Nous sommes fer… Erin ? Mais qu’est-ce que tu fais ici ? Et à cette heure ? » Elle blémit, ajoutant avec inquiétude. « Est-ce que tout va bien ? Jane… » « … est en pleine forme, je te rassure. Je suis vraiment désolée de débarquer à l’improviste à une heure aussi tardive… J’étais… Enfin, je n’ai pas vu le temps passer et je suis épuisée. J’ai peur de ne pas avoir la force de transplaner à Londres ce soir. Aurais-tu un lit pour moi ? » « Évidemment, ma belle ! À cette période de l’année, c’est rare que les chambres soient pleines. Prends donc la première à droite, c’est la plus confortable. Tu veux manger quelque chose ? » « Non, je te remercie, ce sera parfait comme ça. Merci mille fois ! » « Ne me remercie pas et file donc te coucher, tu as l’air lessivée ! » Sur un sourire reconnaissant, tu disparais dans l’escalier sans demander ton reste. La chambre plongée dans le noir s’éclaire sous l’effet du lumos que tu chuchotes sitôt la porte refermée derrière toi. Tu t’empares de la bougie ainsi allumée pour t’approcher de la fenêtre, guettant la silhouette de Lemony. Et dans ce court instant d’attente, tu te surprends à murmurer, le cœur battant. Pourvu qu’il monte. Pourvu qu’il vienne…
Je me souviens que j’avais les mains froides, je tremblotais et j’étais à la traîne. Tu ne devais pas les trouver si froides car malgré tout, tu les laissas dans les tiennes. – Oldelaf - Les mains froides
- 21.03.2004
Sa main rejoint la mienne, et nos doigts s’entrelacent. Depuis combien de temps n’ai-je pas été aussi heureux ? Elle est juste là, à mes côtés, je sens son bras qui se balance contre le mien au rythme de notre marche, je sens son odeur qui flotte toujours autour de moi, qui est sur mes vêtements, et c’est presque comme si ses lèvres étaient encore sur les miennes. Je crois que j’hésite à plusieurs reprises à juste m’arrêter pour la regarder, pour l’embrasser encore – je n’ose pas, et elle aurait froid… Mais chaque pas qui nous éloigne de l’endroit où nous nous sommes croisés éloigne de nous ce souvenir, me tire de ma rêverie et je n’en ai pas envie. Je veux rester ainsi, dans cette espèce de coton dans lequel baigne mon corps et mon esprit ; je ne veux rien ressentir d’autre, je ne veux pas réfléchir, questionner, douter… Juste se dire qu’elle est là, juste se concentrer sur la douceur de sa paume dans la mienne, sur le bruit de ses pieds qui foulent le sol, la cadence de sa respiration. Je sens le rouge me monter aux joues, alors que ces considérations éveillent en moi une certaine sensualité. Ce n’est pas Turing qui me ramène à la raison mais la porte devant nous qui signifie que cette marche nocturne s’arrête ici. « Est-ce que… Je vais aller demander à Rosmerta si je peux passer la nuit ici. Je… Je suis désolée, mais est-ce que ça te dérangerait que j’y aille seule ? » Je cligne des yeux. Est-ce qu’elle a honte ? Est-ce qu’elle a peur ? Est-ce qu’elle va regretter, est-ce qu’elle regrette déjà ? Est-ce que je ne devrais pas me calmer, un peu ? Elle veut simplement être discrète, c’est tout, et ça n’est pas plus mal. Si vous rentrez tous les deux, tu ne comptes pas une semaine avant que la moitié de Poudlard ne soit au courant – et il en est hors de question. C’est votre choix, votre moment, c’est nouveau, agréable, personnel. Ça n’a pas à être su. J’acquiesce en silence, et elle serre doucement ma main avant de la lâcher et de disparaître derrière la porte.
Elle n’est plus là. C’est incroyable combien déjà je me sens vide et seul. Je tremble, secoué par le flot des émotions qui me rattrapent soudain. Il y a de la buée sur mes lunettes, et de l’eau sur mes joues. Je ne suis pas triste, c’est juste que c’est trop, tout cela, trop fort, trop rapide, trop d’un coup. Depuis combien de temps est-ce que je n’avais pas marché main dans la main avec quelqu’un, ainsi ? Je crois que la dernière fois, c’était avec Gustav, à Berlin. Et c’était bien, c’était bon, c’était doux – mais ça n’était pas pareil. Je pensais déjà à mon retour, Orion était venu, c’était agréable, mais ça n’engageait pas à grand-chose. Je crois que je ne veux plus la même chose, que je ne veux pas la même chose, avec elle. Erin n’est pas un jeune moldu dans une ville où je ne vais pas rester, elle fait partie de ma vie depuis ma scolarité, c’est une sorcière, elle habite dans le Londres moldu… Ca pourrait être différent, ça pourrait être mieux. Ça pourrait être la première fois de ma vie que je n’ai pas à choisir entre le monde magique et celui dans lequel je suis né, la première fois que je n’aurais pas à mentir… Est-ce que ce ne serait pas merveilleux ? Ça a l’air merveilleux. Je me secoue la tête. Arrête de déconner mon vieux, vous vous êtes juste embrassés : ça ne veut rien dire. Peut-être qu’elle ne voudra rien de plus, rien du tout après ce soir, peut-être même qu’elle n’apparaîtra pas à la fenêtre. Depuis combien de temps est-elle entrée ? Pourquoi est-ce que je ne la vois pas ? Je devrais peut-être faire le tour du bâtiment ? Je vais faire ça, oui. C’est fou tout de même, de chercher sa fenêtre dans le noir, de tourner et virer ainsi comme un voleur. J’ai vraiment l’impression d’être un adolescent, ce soir.
Où est ce satané chat ? Je viens de revenir à mon point de départ quand je me rends compte de son absence. Est-ce qu’il est entré avec elle ? Ça serait bien son genre, tiens, et il est assez discret pour que ni elle, ni Rosmerta ne le remarque en plus. Est-ce qu’il est reparti à Poudlard ? Est-ce que je devrais l’appeler ? Quelles sont les chances que l’on m’entende, si je le fais ? « Turing, petit petit petit ? » Je me baisse, je murmure, je siffle. Quelque chose, une petite voix dans ma tête se moque de moi. Je suis en train de me concentrer sur l’absence de ce chat pour ne pas penser à son absence à elle. Je soupire. Quelques fois, je déteste mon besoin de tout rationnaliser. Je fais ça pour ne pas penser à ce qui se passera si elle ne vient pas, à ne pas me demander si elle viendra, si elle ne va pas juste me laisser planter là, comme ça. Si elle a vraiment envie que je monte avec elle. Je pense trop. « Turing, mon joli, où es-tu ? » J’ai l’impression que je vais manquer d’air, il faut que je le trouve, il faut que je le voie, il ne faut pas que ça s’arrête, déjà, maintenant. Je relève la tête, c’est idiot, ça ne vole pas un chat – mais en apercevant sa silhouette derrière une bougie à l’une des fenêtres j’oublie immédiatement le maine coon. Je veux la rejoindre, je dois la rejoindre. Je me fige, tout d’un coup.
A quoi ressemble la pièce ? Quel espace est-ce qu’il y aura ? Est-ce que ce n’est pas incroyablement risqué de transplanner dans un lieu qu’on ne connait pas vraiment, qu’on devine à peine ? Est-ce que ce n’est pas spécifiquement le genre de choses que l’on m’a dit de ne pas faire, quand j’ai passé mon permis ? Si, il me semble, et je me suis dit qu’ils étaient vraiment idiots ces sorciers, de s’élancer sans être absolument certains de leur lieu de chute, malgré le danger. Qu’est-ce que je fais ? Est-ce qu’elle m’attend comme je l’ai attendue, est-ce qu’elle s’inquiète que je n’arrive pas ? Je ne veux pas que ce soit le cas, je veux la rejoindre, je ne veux pas la décevoir, pas lui faire peur… Et bien, disons que je suis un idiot, moi aussi, et que la chambre ne doit pas être trop différente de celle dans laquelle j’ai retrouvé Damoclès le mois dernier. J’inspire et je ferme les yeux. Je suis déterminé, je suis décidé. Je m’élance dans le tourbillon.
succès limité | @Lemony Anderson se prépare à transplaner, son coeur bat la chamade et ses mains sont moites. Le sentiment habituel de passer dans un tunnel et d'être compressé par le transplanage le prend, mais quelque chose semble mal se dérouler. Il a l'impression d'être broyé et étiré longuement et sent le contenu de son estomac remonter. Il est pâle, le Lemony Anderson qui transplane sain et sauf chez Erin, et lorsqu'il sent enfin le sol sous ses pieds, ses genoux lâchent, et il tombe en avant. Le sol tangue... Les murs bougent, pourtant Lemony jure qu'il n'a pas la gueule de bois... pour le romantisme, la crise de mal des transports magiques, on repassera...
Je me souviens que j’avais les mains froides, je tremblotais et j’étais à la traîne. Tu ne devais pas les trouver si froides car malgré tout, tu les laissas dans les tiennes. – Oldelaf - Les mains froides
- 21.03.2004
Je transplanne rarement, en fait. J’aurai peut-être dû le mentionner ou trouver une autre solution. Est-ce que j’aurais pu escalader la façade ? Ou lui demander de me lancer quelque chose et grimper ? Non, non, mes bras n’auraient pas soulevé mon corps jusque-là. Je ne suis pas un grand sportif, pas plus que je ne suis un grand sorcier, d’ailleurs. Mais je ne veux pas la faire attendre, je ne veux pas la laisser douter. Je veux être là. Avec elle, pour elle. Je m’engage dans le tourbillon qui m’aspire bientôt, en essayant de me souvenir des leçons. Décision, détermination, destination. Décision, détermination, destination. Pourtant, ça ne va pas. C’était idiot. Je savais que c’était idiot. Merde. J’ai l’impression que tout mon corps se déforme, que l’on me tire, que l’on me broie. La chambre est pourtant là, elle prend forme autour de moi, mais quand je sens enfin le sol sous mes pieds je m’écroule lamentablement. Pour la discrétion, on repassera. Le monde tourne dangereusement, et je ferme les yeux pour ne pas vomir. Merde. C’était stupide. Je suis en train de tout gâcher. Pourquoi est-ce qu’il a fallu que je fasse quelque chose de stupide ? Je me sens mal, et ça n’est pas dû qu’à mon estomac qui semble être remonté jusque dans ma gorge. Comme si j’avais besoin de ça, maintenant. J’ai une vague conscience d’un mouvement dans la chambre, mais ce n’est pas certainement pas Erin qui vient lécher celle de mes joues qui n’est pas posée au sol. J’ouvre un œil, pour croiser le regard félin de Turing. Ah bah, t’étais là toi. Je crois que je le fâcherais si j’étais en état, mais au lieu de ça, seul un murmure passe mes lèvres. « Schnüffler. » Je n’ai rien trouvé d’autre, je ne me sens pas la force d’être original, et je n’ai pas envie d’être vulgaire devant Erin, pas ce soir, pas maintenant. Merde. Je suis une catastrophe. Au moins, je n’ai pas l’impression d’avoir mal quelque part, et quand j’ai ouvert les yeux il ne m’a pas semblé que mes lunettes ne soient cassées. Bon. Il faut que je me redresse. Je ramène mes coudes sous moi et essaie de m’appuyer dessus pour me relever, mais immédiatement je dois me laisser retomber. Mais quel crétin, quel nul, quel abruti ! Ma mâchoire se crispe sous l’effet de ma colère envers moi-même. Respire Lemony, tranquillement. Inspire, expire, inspire, expire. J’ouvre un œil. Merde. Je sens les larmes me monter aux yeux alors que je devine la silhouette d’Erin juste à côté de moi. Pourquoi est-ce que je ne peux pas être meilleur, juste une fois, juste ce soir ? Comment pourrait-elle avoir envie de m’embrasser encore, de passer du temps avec moi, après que je me sois ainsi ridiculisé ? Ma dignité finit de voler en éclat alors que j’éclate en sanglots, incapable de me contrôler. C’est trop, trop tout ça. Trop de sentiments, trop de sensations, trop d’envies, trop de honte. « Je suis désolé, je suis tellement désolé… » Je veux rester près d’elle, parler avec elle, et tout ce dont j’ai envie c’est de rester allongé dans le noir et le silence. « Je suis désolé… » Est-ce que les chewgums calmants pourraient aider ? Est-ce que je pourrais supporter de mettre quoique ce soit dans ma bouche ? Respire Lemony, respire.
À peine tes doigts avaient-ils glissé hors des siens que tu le regrettais déjà. Quoi, après tant de doutes, tant d’hésitations, tant de mal à prendre ton courage à deux mains, tu prends déjà le risque de le voir disparaître ? Pourquoi n’es-tu pas simplement restée là, avec lui, dans ses bras ? Il aurait éloigné ta fatigue, t’aurait préservée du froid mordant de cette première nuit printanière. Tout cela importait moins que de rester là, avec lui, près de lui, tout contre lui. Elle grogne, la petite voix de la déraison, qui se plaît bien trop à t’influencer ce soir. Elle se fâche de te trouver si lâche, si prompte à faire un pas en arrière, loin de lui. Si prête à écouter l’écho de la sagesse qui te souffle que te réfugier aux Trois Balais est la meilleure chose à faire avant que tes forces ne t’abandonnent tout à fait. Ou n’était-ce que l’excuse donnée par tes craintes, face à l’énormité de ce que tu viens d’accomplir, de ce que vous venez d’échanger ? Une façon comme une autre de juguler ce souffle court, cette tornade d’émotions qui t’envahit et à laquelle tu ne sais pas comment réagir – tu l’as embrassé, par Merlin ! Toi qui n’avais jamais, jamais osé faire le premier pas avec quiconque, toi qui peux compter sur les doigts d’une main les rares hommes qui ont su t’approcher. Et pourtant, ce soir sous les étoiles, tu as franchi ce pas immense, trouvé ses lèvres poussée par un besoin irrépressible de vivre. Pourquoi ? Comment ? Oh Merlin, et s’il ne montait pas ?
Tes pensées se bousculent au gré des marches de bois que tu gravis d’un pas mal assuré, une main tremblante agrippée à la rampe polie comme à son manteau quelques minutes plus tôt. Il sentait si bon… Et rien, ni les parfums des produits ménagers appliqués sur les tables que tu viens de dépasser, ni la senteur boisée du vernis, ni les derniers effluves des dîners dégustés là ce soir, ne peuvent effacer l’odeur merveilleuse qui hante encore tes narines, mélange de café et de parchemin. Et lorsqu’enfin, tu poses le pied au palier de l’étage, essoufflée d’avoir seulement monté une quinzaine de marches, tu réalises combien tu as eu raison. La tête te tourne, tes poumons crient avec une détresse que ne justifie pas le peu d’effort que tu viens de fournir. Il faut que tu t’asseyes, que tu te reposes avant d’être emportée, mais pas encore, pas tout de suite. D’abord, allumer ces chandelles, écarter le rideau, guetter sa silhouette dans la rue en contrebas. Mais il n’est pas là, et l’espace d’une seconde tu te sens si stupide. Comment as-tu pu seulement croire qu’il ne tournerait pas les talons sitôt ton regard détourné ? Des larmes d’épuisement et de frustration te perlent aux paupières, chassées d’un regard de manche rageur. Et ce monde qui n’en finit pas de tourner… Tes paumes cherchent le chambranle de la fenêtre pour s’y appuyer, semblant de stabilité face aux vertiges qui te guettent. Et soudain, il est là. Dans la pénombre de la rue, visiblement en quête de quelque chose… Mais quoi ? Un miaulement narquois – oui, il était narquois, tu le jurerais ! – résonne derrière toi, comme une ébauche de réponse à cette question et tu te retournes pour découvrir l’immense maine coon, qui te fixe de son regard insondable. « Turing ? » Tu n’as que le temps de t’interroger – comment donc ce niffleur en puissance a-t-il réussi à te suivre jusqu’ici sans que tu ne t’en aperçoives ? – avant que l’air ne commence à vibrer à côté de la porte. Et soudain, une question t’assaille… Sait-il seulement à quoi ressemble l’endroit ? L’idée n’a pas traversé ton crâne avant cette seconde, tu connais si bien les coins et recoins des Trois Balais, et depuis si longtemps… Mais lui ? Bien sûr, il a été étudiant au château, il y vit désormais… Mais connaît-il l’étage, les différentes chambres, leur agencement, leur… Il est là. Dans un nouveau miaulement, sa silhouette se dessine devant toi, vacille et… « Lemony ! » Oubliées la peur, la fatigue, les craintes, le froid, les vertiges. Tu te précipites au sol, près de lui. Est-il blessé ? Est-il en danger ? Nom d’un sombral, tu sais que tu as du dictame, quelque part dans les poches sans fond de ta robe, mais où, par Merlin ? Où ? En a-t-il seulement besoin ? Tu ne distingues pas de sang sur son corps étendu, pas de traces apparentes de désartibulation… Seulement ces larmes énormes qui roulent, roulent ses joues, sur tes paumes venues encadrer ses pommettes. Ces larmes irrépressibles qui font céder tes digues en retour et se font le parfait miroir de celles qui dévalent et inondent ton visage blême. « Oh Lemony, c’est moi qui suis désolée… Tellement désolée ! » Sans même y réfléchir, tes lèvres cherchent les siennes, les effleurent, les frôlent sans que tu n’oses insister.
Quelques coups, frappés à l’huis de la porte, te font relever la tête. « Erin ? Tout va bien ? J’ai cru entendre du bruit… » Tu fermes les yeux brièvement, te mords la lèvre pour endiguer le sanglot qui secoue ta poitrine, prenant une profonde inspiration pour répondre d’une voix plus assurée que tu ne l’aurais cru possible. « Je suis désolée Rosmerta, tout va bien. Je me suis seulement… cognée. Excuse-moi de t’avoir inquiétée. » L’excuse est facile, si crédible pour quiconque te connaît… Et la tenancière ne semble pas voir là quoi que ce soit d’inhabituel, l’écho de ses pas décroissant bientôt sur un dernier Bonne nuit. Ton attention revient toute entière à Lemony, que tes paumes n’ont pas abandonné une seconde et tu chasses d’un revers du pouce les traces de pleurs qui mouillent encore ses cils. « Je suis tellement désolée… C’était stupide de te demander une chose pareille ! » Raisonnable en un sens… mais définitivement stupide. Le genre de chose stupide dont tu es familière, mais pas lui ! Et qu’il l’ait fait néanmoins fait valdinguer ton cœur un peu plus. « Tu… est-ce que tu penses pouvoir t’asseoir ? » Ta main descend sur son épaule, glisse le long de ses côtes, dans une vaine tentative de l’aider à se redresser. Du regard, tu observes la pièce alentour, à la recherche de la carafe d’eau que Rosmerta dépose dans chacune de ses chambres et qui vous attend effectivement là, sur le guéridon. Hors de portée de ton bras. L’espace d’une seconde, tu manques de céder à la tentation de l’attirer par magie… avant de renoncer. Si forte soit ta réticence à t’éloigner de lui, ne serait-ce que l’espace d’une seconde, il y aurait trop de risques de vous arroser d’une copieuse douche froide. Alors tu te relèves doucement pour t’emparer de la carafe et d’un verre que tu remplis généreusement avant de le tendre à Lemony – oh douce Helga, il est là ! Tu n'en reviens pas... « Bois… Ça te fera du bien. » Première règle d’un transplanage malheureux : boire pour se ré-hydrater, malgré la nausée et le malaise en résultant.
Je me souviens que j’avais les mains froides, je tremblotais et j’étais à la traîne. Tu ne devais pas les trouver si froides car malgré tout, tu les laissas dans les tiennes. – Oldelaf - Les mains froides
- 21.03.2004
« Oh Lemony, c’est moi qui suis désolée… Tellement désolée ! » Je tremble, en essayant de contenir mes sanglots. Oh Erin ! Je ne voulais pas lui causer de la tristesse, du souci. J’aurais du trouver autre chose. J’aurais pu trouver autre chose. Il faut que je me calme. Je ne veux pas qu’elle pleure, pas à cause de moi, je ne veux pas qu’elle s’inquiète. J’aimerais qu’elle soit bien, heureuse, légère. J’aimerais n’être pour elle qu’une source de joie, d’apaisement. Je suis un idiot. Ses lèvres frôlent les miennes, me réchauffent un peu malgré le goût salé de ses larmes. Ma belle, ma douce Erin… Elle s’éloigne alors qu’une voix nous arrive de dehors. Merveilleux, et en plus, Rosmerta m’a entendu. Quel cauchemar ! J’écoute l’échange, un peu distrait. La maladresse d’Erin semble être une excuse valable pour la tenancière, et il me semble effectivement que la jeune femme pouvait manquer d’adresse quand nous étions adolescents. Je me pince les lèvres, je peux être gauche parfois, quand je me laisse dépasser par mes pensées ou sentiments, et je me dis que nous ferons une sacrée paire, si elle accepte de me revoir après ce lamentable épisode. Oh Erin. Rien que de penser qu’elle ne voudrait plus me voir, plus m’embrasser, que je ne pourrais plus la prendre dans mes bras comme je l’ai fait tout à l’heure et mes sanglots reprennent de plus belle. Je suis un idiot, et je me déteste. Elle mérite tellement mieux. Est-ce que je pourrais lui offrir mieux, devenir meilleur ? Ça ne m’a jamais particulièrement intéressé, d’être un meilleur sorcier. Comprendre le monde oui, l’expliquer, avancer des théories et les tester, d’accord, ou même être un bon potionniste à la rigueur… Mais je crois que pourrait viser plus haut, viser mieux. Pour être à sa hauteur. C’est une animagus, et moi, je suis incapable de correctement transplanner dans une chambre. Quel idiot, quel nul !… Pourtant ses mains sont toujours sur moi, exerçant une douce pression sur mon corps, elle est toujours là. Ses doigts viennent chasser les larmes sous mes lunettes, et je n’arrive pas à savoir si c’est l’émotion ou la nausée qui me retourne le plus l’estomac. « Je suis tellement désolée… C’était stupide de te demander une chose pareille ! » Je me mords les lèvres. Ce n’est pas elle qui est responsable de mon échec, juste moi. Elle avait raison de me demander de la rejoindre ainsi, d’être discret – c’est notre moment, notre soirée, les autres n’ont pas à être au courant. Il me faut une maison. Je ne peux pas vivre en Poudlard et l’appartement de mon père, je veux un lieu à moi, un nid dans lequel nous pourrions nous poser, nous couper du monde. Ca devrait être possible, non ? Il faudra que je me mette à chercher. « Tu… est-ce que tu penses pouvoir t’asseoir ? » L’une de ses mains glissent dans mon dos alors que j’acquiesce sans y croire. Il va bien falloir que je me redresse oui. Je ramène mes bras sous moi pour m’appuyer dessus et m’asseoir. Les murs dansent, le sol tangue, mais je suis posé contre le lit quand elle se rapproche à nouveau en me tendant de l’eau. « Bois… Ça te fera du bien. » Je hoche la tête avant de prendre plusieurs grandes gorgées. Ça me rafraîchit, et il me semble que ça m’aide effectivement – mais j’ai cette désagréable sensation de malaise qui me rappelle une gueule de bois. Ce n’est pas exactement cela que j’avais en tête en lui proposant d’aller aux Trois Balais. La carafe est à moitié vide quand je la repose sur le sol en tentant un sourire. Il y a de la buée sur mes lunettes, mon estomac est encore trop fragile – mais je me sens un peu mieux. En tout cas, je veux me sentir mieux. Je veux profiter de la soirée avec elle. Peut-être que si je me le répète, je vais me sentir mieux. « Je… Je suis désolé. Je suis moins, enfin je suis… Mais je… » Il y a trop de choses, trop de pensées qui se bousculent dans ma tête. Je suis moins doué qu’elle, mais je ne veux pas qu’elle m’en veuille, qu’elle me juge, qu’elle me méprise. Je veux juste la serrer contre moi, et oublier tout cela. Mes bras partent à sa recherche pour l’attirer contre moi et j’enfouis mon visage dans ses cheveux. Je sens son souffle contre mon cou, je respire son parfum, et petit à petit le monde se fige un peu autour de nous. Comment est-ce que j’ai pu supporter de ne pas connaître la douceur, la chaleur de sa présence pendant toutes ces années ? Je suis un idiot, un niais, mais je crois que rien ne m’a jamais rendu aussi heureux. « Ca te va si on se pose sur le lit ? » Cela me demande beaucoup de volonté pour la lâcher et me hisser sur le lit, même si je sais que c’est pour la retrouver tout de suite. Mes lèvres cherchent les siennes, mes doigts se perdent dans sa chevelure. Erin… Je veux m’endormir comme ça, tous les soirs. Il faudrait que je retire mon manteau et mon pull pourtant, le froid mordant de la nuit ne peut plus nous atteindre ici. Ça me fait un peu peur je crois. Je ne sais pas quoi faire, pas comment faire. Depuis quand est-ce que je ne me suis pas retrouvé dans ce genre de situations ? Je crois que ça ne m’était simplement jamais arrivé comme cela – combien de soirées ai-je passé à simplement tenir la main et dévorer des yeux les précédentes personnes à avoir eu ce genre d’effet sur moi avant de me retrouver dans une chambre avec eux, avec elles ? Je n’ai partagé qu’un repas et une danse avec Erin. Qu’est-ce qui est acceptable, maintenant ? Je devrais quand même pouvoir ôter mon manteau. « Je… J’ai chaud. Pas toi ? » Je me redresse. Il ne faut pas que je regarde trop longtemps autour de nous, ou mon mal menace de me reprendre, et je ferme les yeux pour retirer le trench coat et le poser sur la table de chevet. C’est un peu mieux. J’avise sa cape trop légère et je fronce les sourcils. « Erin… Je peux te demander ce que tu faisais, avant de me retrouver ? » Ce doit être la providence qui a permis notre rencontre nocturne, mais un doute m’assaille. J’ai été aux Trois Balais toute la soirée sans la voir, alors elle ne pouvait pas y être. Etait-elle avec sa grand-mère, qui était avec elle à l’inauguration du Bazar Magicomoldu ? Est-ce que ça me regarde, en fait ? Est-ce que je ne devrais pas être juste heureux qu’elle soit là, qu’elle vienne se blottir contre moi ? « Enfin je… Si tu ne veux pas répondre je… » J’aimerais lui dire que je ne lui en voudrais pas, mais je sais que ma curiosité ne me laissera pas la paix tant que la question restera en suspens.