L’Écosse. Que m’en avait-on dit avant que je ne vienne ici ? Ah oui, un temps de chien, trop humide, un peu froid, et gris. En levant le nez vers la lucarne de mon cagibi, je ne peux qu’être d’accord. L’Écosse est dure et massive. Ancienne. Moins dure, massive et ancienne que la mère Russie, cependant. Poudlard est presque confortable après Durmestrang. Petite vie de château pour nantis, loin des steppes gelées de la Sibérie.
Le félin gronde en moi. Il recherche non pas la chaleur de l’âtre mais les rigueurs de l’hiver. La saison des neiges est encore loin. Nous sommes à peine aux portes de l’Automne, et les arbres n’ont pas encore commencé à virer au rouge. Non, il fait frais, moche et humide. Je repousse avec lassitude ma plume. Je m’adosse contre le bois de la chaise. Trop de paperasse, trop de procédures. Le Ministre est vraiment un jeune con. Un rapport d’incident au bureau de l’éducation tous les mois ? Il veut être tenu au courant de ce qui se passe entre les murs de Poudlard, c’est certain. Que craint-il ? Que des insurgés y viennent trouver refuge ? Sottises. Severus Rogue veille au grain. Le bougre a l’air de tenir à la neutralité des lieux. Moi-même je dois me montrer prudent. Il pourrait deviner mes sympathies. Il les connaît peut-être déjà. Loin d’être con, le Directeur de l’établissement.
Je me laisse aller à la rêverie lorsqu’un boucan résonne au loin. C’est signé Peeves. Une semaine ici, et je sais déjà reconnaître son forfait. Je bondis hors de ma chaise, ouvre la porte, et jaillit, métamorphosé dans le couloir adjacent. L’esprit frappeur est en train de semer des feux fuseboum dans le couloir. A se demander comment il se procure ces inventions. L’autre jour, c’étaient des bombabouses. Les étincelles ricochent sur les murs tandis qu’il en allume une nouvelle plâtrée. La panthère des neiges poursuis sa course jusqu’à ce qu’elle rattrape la silhouette piaillant de l’esprit frappeur. Je me transforme à nouveau en homme et brandis la baguette magique, impérieux, pour dissiper toutes ces conneries.
« Finite ! » Les feux tombent au sol, les étincelles disparaissent. Ne reste plus qu’un silence de mort et l’esprit frappeur visiblement courroucé d’avoir été interrompu par le nouveau pion. Ah ça, l’Intendant, il agit plus rapidement que le vieil Argus Rusard, et il va bien falloir s’y faire ! Quelques insultes bien senties, quelques menaces de l’autre côté, et ma némésis de toujours disparaît dans une obscène flatulence. Je sais que je n’ai aucune raison de me gargariser de cette victoire : cette subite disparition ne peut signifier qu’une seule chose : le Baron Sanglant ou Severus Rogue sont derrière moi. Les deux, peut-être, il avait l’air pressé. Je me retourne et trouve en effet le Directeur. D’un geste de baguette, je fais disparaître les vestiges de l’apprenti artificier.
« Monsieur le Directeur. »
Le dos raide. Presque au garde à vous. Je redoute déjà l’opprobre : c’est intendant de Poudlard et ça ne fait pas mieux que son prédécesseur.
512 words (c) Fortuna
Cecil A. Selwyn
MONSIEUR LE DIRECTEUR
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Le hasard n’a que partiellement sa place dans une activité directoriale. Je le sais mieux que personne bien qu’à ce poste depuis peu de temps. Les jours se suivent, ressemblants et inédits à chaque fois. Certains invariants demeurent. Peeves en est un. Tintamarre résonne dans le couloir, emplit les murs d’un assourdissant écho. Une étincelle volette jusqu’à moi, explose sur ma joue dans une pichenette légère. Feux Fuseboum. Maudits soient les Weasley et leurs inventions de malheur ! L’imprécation se noie dans un souvenir dénué de toute colère et teinté d’un amusement certain : mille neuf cent quatre-vingt quinze. Une Dolorès Ombrage échevelée fuit une armada de ces fusées. Son cri retentit dans les halls de l’école tandis que crépitent les inventions des jumeaux artificiers juchés sur leurs balais. Cognards humains, batteurs de l’extrême, mauvais élèves mais brillants inventeurs.
Je ne peux refréner totalement l’élan de sympathie que me prend la mémoire. Il est toujours si aisé de glorifier le trépassé… Je ne sais ce qui est advenu de George Weasley. Les rumeurs de sa disparition serpentent de bouche en oreille, mais je ne l’ai plus recroisé. Et à quel Weasley de ma connaissance pourrais-je demander des nouvelles du terrible trublion qui fut jadis cauchemar de l’ensemble du corps enseignant ? Amusante pensée tandis que je me dirige vers l’origine de la débandade. Peeves s’y amuse. Vieux réflexes. Je fais volte face pour trouver le Baron Sanglant. L’ayant longuement côtoyé dans ces cachots, je sais en quels lieux j’ai une chance de le trouver. Je le surprend à agiter ses chaînes pensivement en contemplant l’armoire d’une salle de potions.
« Monseigneur le Baron, je crains que Peeves ne fasse encore des siennes. »
Hochement de tête silencieux. Nous nous comprenons depuis longtemps et économisons temps et paroles. Il me suit, flottant à peu de distance. Je peux deviner, toute proche, la substance glaciale de son ectoplasme. Immatérielle impression d’avoir la peau prise dans un étau de glace. J’ai toujours eu peu de goût pour la présence des spectres, mais je me dois de reconnaître leur utilité dans certains cas… Présentement, par exemple. Notre arrivée sur les lieux du crime fut leste, mais moins que celle du nouveau concierge, Hieronymus Vasiliev qui avait déjà immobilisé l’ensemble des pétards en vol. Beau geste du russe dressé de toute sa menaçante hauteur en rempart entre le château et son occupant dangereux. La présence du Baron fit son office, et nous fûmes bientôt seuls au milieu d’un champ de bataille. L’Intendant et le Directeur. L’étudiant de Durmestrang et le Serpentard.
Main tendue pour réduire l’espace entre les deux membres du personnel, j’adresse mine imperturbable au nouveau recruté, et attends de sentir sa poigne dans la mienne.
« Belle réactivité, Monsieur Vasiliev. Vous vous ferez aux apparitions impromptues de Peeves. Notre esprit frappeur fait presque partie du décors, malheureusement. »
Demi vérité s’exhale de mes lèvres. Je teste toujours mon personnel les premiers temps de leur recrutement, et Monsieur Vasiliev ne pourra faire exception.
« Je passais précisément vous voir, j’ai quelques petites choses à discuter avec vous. Allons dans votre bureau, si vous le voulez bien ? »
Tandis que nous regagnons l’office, je demande innocemment : « Tout va bien dans vos nouvelles fonctions ? Vous parvenez à prendre vos marques ? »
Salve de bienveillance avant que ne commence mon petit test.
L’ambiance est soudainement devenue étrangement solennelle dans le couloir de Poudlard. Le Directeur, l’Intendant. Les yeux ne se lâchent plus. Mon dos raide me fait me sentir au garde à vous. Je crains le moment où l’on me remerciera. En fait de licenciement, il semblerait que cela soit une marque de reconnaissance. Ma paume touche celle du directeur. Peau brûlante qui me met mal à l’aise, comme si la pénétrance de son regard trouvait une continuité dans la chaleur de sa peau. Cet homme est définitivement déstabilisant… et c’est probablement pour ça qu’il est le directeur.
« Merci Monsieur le Directeur. N’y a-t-il aucun moyen de congédier ce spectre importun ? Me permettriez-vous de chercher un moyen de le bannir du château ? »
Je ne suis pas nécromancien, pas plus que je ne suis versé dans les mystères divinatoires de la mort. Mais j’apprends vite, et je connais beaucoup de choses. Je ne doute pas que s’il me permettait d’essayer… Mais je rêve sans doute éveillé. On ne raisonne pas les esprits frappeurs, et l’on ne peut que rarement les renvoyer aux limbes. Mais cela a déjà été fait, si l’on en croit les légendes. Hérésie que de passer à l’occasion de tester un rituel si exaltant !
Nous nous mettons en route vers le bureau. A mesure que j’ouvre la marche, directeur sur les talons, je sens mon coeur s’enfiévrer d’une angoisse. Severus Rogue est un homme puissant. « Severus Prince », même, si l’on en croit la liste des Sangs-purs dressés par Narcissa Black-Malefoy. L’ancien mangemort refuse pourtant de marquer son appartenance à notre camp. Quelle ironie, lui qui fut le bras armé du Seigneur des Ténèbres. Un espion, à ce que l’on raconte. Bien sur. Son histoire est connue, j’ai lu la biographie écrite sur lui par Rita Skeeter. « Severus Rogue, Saint ou Scélérat ? » Un livre partial qui soulève bon nombre de questions.
Une fois dans le bureau de l’Intendance, je propose à mon vis à vis du thé. J’aurais pu le faire faire par les elfes de maison, mais il y a certaines tâches que je prends plaisir à faire sans magie et sans recourir aux services d’autrui. Gestes assurés. Pourtant, j’ai l’impression de trembler tout entier d’expectative. Enfin, le Directeur se décide à parler. J’ai posé la théière sur la table avec un peu plus de lenteur que ce que j’aurais voulu. La délicatesse de l’homme angoissé.
« Eh bien je réussis à ne plus me perdre dans le château, ce qui est déjà une bonne chose, et je commence à me montrer réactif, je pense. J’ai surpris plusieurs élèves de sixième et septième année faisant fi du couvre-feu pour des rencontres galantes. J’y ai mis fin, naturellement. J’ai également trouvé de quoi occuper les premiers étudiants en retenue confiés par des membres du corps professoral. J’espère qu’une tâche aussi accablante que mettre au propre les anciens dossiers d’élèves d’il y a deux siècles leur fera passer l’envie de venir en retenue. »
Je lève les yeux vers le Directeur, tâchant de masquer ma crainte. Me trouve-t-il à la hauteur ? Ne me remplacera-t-il pas par un autre ? Je sais à quel point ma vie dépend de cet emploi : ici, je peux fournir d’utiles informations à Lady Black-Malefoy tout en acquérant une position respectable dans le monde de la Magie. Je ne suis pas prêt à laisser passer la perspective d’un mariage avantageux afin que survive le nom de Vasiliev.
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Je me suis installé face à Hieronymus Vasiliev et l’observe à présent avec attention. J’ai accumulé sur lui tout ce qu’il était possible de découvrir : sa naissance, sa famille au sang pur, ses grands-parents sympathisants de Grindenwald, son remarquable travail auprès des enfants. Son statut de célibataire endurci. Tous ces indices mènent vers un chemin que je ne connais que trop bien. La pureté du sang appelle la fierté. La fierté ouvre le geste à toutes les extrémités. Êtes-vous de cela, Monsieur Vasiliev ? Là est la question.
J’oeuvre durement pour que chacun ait sa place à Poudlard. Pourrai-je faire confiance à cet homme ? Le mystère est pour l’heure entier. « Merci Monsieur le Directeur. N’y a-t-il aucun moyen de congédier ce spectre importun ? Me permettriez-vous de chercher un moyen de le bannir du château ? »
Un sourire naît sur mes lèvres à l’énigme de cette question. Tant et tant l’ont posée avant lui. Chaque concierge, chaque professeur s’est interrogé. Pourra-t-il y répondre là où tous ses prédécesseurs ont échoués ?
« Cela fait quelques siècles que vos aînés s’y cassent les dents, mais peut-être pourrez-vous y parvenir si vous le voulez… Vos recherches devront en revanche être menées sur votre temps libre, Monsieur Vasiliev, cela va sans dire. »
Tandis qu’il s’affaire, je le détaille du regard : l’homme a cette lenteur slave dans les gestes et les habitudes. Je le sens crispé, vaguement impressionné. J’ignore si cette tension du corps trahit la dissimulation de secrets ou simplement l’angoisse face à un nouvel employeur… je suis très curieux de le découvrir, cependant. Paumes jointes, les avant-bras posés sur la table, je laisse l’onyx d’un œil serpenter sur l’échine occupée jusqu’à ce qu’il revienne vers la table, déposer théière et tasses. La réponse tombe comme chutent les feuilles d’automne : dans une pluie ininterrompue de mots où percent les accents de l’angoisse.
« Eh bien je réussis à ne plus me perdre dans le château, ce qui est déjà une bonne chose, et je commence à me montrer réactif, je pense. J’ai surpris plusieurs élèves de sixième et septième année faisant fi du couvre-feu pour des rencontres galantes. J’y ai mis fin, naturellement. J’ai également trouvé de quoi occuper les premiers étudiants en retenue confiés par des membres du corps professoral. J’espère qu’une tâche aussi accablante que mettre au propre les anciens dossiers d’élèves d’il y a deux siècles leur fera passer l’envie de venir en retenue. »
L’homme semble chercher désespéremment mon approbation, aussi opiné-je gravement. Je commence à supputer que ce métier tient réellement à coeur à Monsieur Vasiliev à moins qu’il ne soit un excellent comédien. Dès lors, il va falloir deviner pourquoi… trop de pistes ne peuvent être laissées de côté.
« Ce me semble un très bon départ, monsieur Vasiliev. Vous trouverez rapidement vos marques, je n’en doute pas, et je suis certain que ces dossiers ont besoin d’être recopiés, en effet. »
L’ombre d’un sourire flotte sur l’encoignure d’une lèvre. J’ai, moi-même, en des temps jadis, imposé pareille tâche à Potter : recopier les dossiers scolaires des maraudeurs. Je me souviens de tout l’accablement du gamin découvrant les sombres exactions de son père. Le moment paraît opportun pour la première salve tandis que le thé infuse.
« Vous accoutumez-vous bien à l’Ecosse ? Cela doit vous changer de la Russie, je présume ? J’espère que vos fonctions nouvelles ne vous empêchent pas quelques excursions au-delà des murs : il y a, par exemple, un vernissage d’exposition au Ministère de la Magie, un soir prochain. Si vous désirez vous y rendre, je puis m’arranger pour libérer votre soirée. »