| Sam 13 Juin - 12:20 | Lunettes de soleil sur le bout du nez, des petites lunettes rondes, noires, qui donnent un style certain à qui se promène avec un costume brodé du meilleure goût, Tsurushima-sama se promène. Belle journée ensoleillée, Londres Moldu… Évidemment que cela ne peut que bien se passer. Pourtant, les cieux en décident parfois autrement. Comme cet autre jour où, à la tombée de la nuit, en revenant d’être allé visiter Sayuki, la marraine de son fils et son associée à la boutique, il a vu ces loubards se faire un malin plaisir d’emmerder une femme asiatique. Elle n’a pas manqué d’audace lorsqu’elle leur a balancé son sac dans la figure, et il s’est décidé à intervenir. Vite fait, bien fait. Une jeunesse dans le club d’Iaido suivie d’une pratique régulière l’ont rendu terrible avec un sabre. Il n’en avait pas sous la main, bien sur, alors il s’est contenté du tranchant de la paume abattu sans ménagement à la base de la nuque.
Propre. Efficace.
Il a raccompagné la jeune femme jusqu’à chez elle, lui conseillant d’avoir sur elle une bombe au poivre à l’avenir, c’est toujours efficace pour se débarrasser de lourdauds dans ce genre. Ou bien de tenter des cours de self défense : il suffit parfois de peu pour mettre en déroute un assaillant. Elle lui a dit qu’elle était anthropologue, qu’elle était née au Vietnam. Il lui a répondu qu’il était couturier, qu’il était né au Japon. En temps normal, Etsuji est plutôt chauvin et ne fait que peu de cas des autres pays : un vietnamien et un japonais sont à peu près aussi proches qu’un anglais et un polonais. Pourtant, sur ces terres étrangères, occidentales, voir un visage asiatique a quelque chose de rassurant. Même si leurs cultures respectives sont bien différentes… au moins, au moins il y a quelques fondements communs.
Alors ils se sont mutuellement promis d’aller prendre un café ensemble. Ils ont échangés leurs numéros, ils se sont rappelés, et cela a mené, par un beau dimanche, Etsuji dans les rues du Londres Moldu. Il ne sait pas bien pourquoi il a accepté. Cette fille est moldue (et c’est une fille), alors de toute évidence, il ne pourra pas partager grand-chose avec elle… Mais tout de même. C’est un visage amical. Lui qui sortait énormément à Tokyo a une vie plutôt austère ici, à Londres. Il faut dire qu’il est un peu sur la sellette, titulaire d’un permis de résident, d’un permis travail, mais toujours pas à l’abri de la mère de son fils, là-bas, au Japon. Sa pire crainte est peut-être de la voir débarquer pour réclamer son enfant. Ou pire. Enlever son enfant comme elle a déjà tenté de le faire.
Non, vraiment, les temps sont inconfortables depuis déjà de longues années. Alors Etsuji a décidé de s’accorder un petit temps de répit en allant inopinément à la rencontre de cette femme dont il ne sait même pas le nom complet. Dans son téléphone, il n’y a que « Mai Lan ». Il lève les yeux jusqu’à la devanture d’un café. Oui. C’est là. Il entre dans le lieu étouffant, range ses lunettes dans la poche de son veston, avise qu’elle n’est pas encore là et prend une table où l’attendre. Il indique au serveur qu’il attend une personne et le voit s’éloigner. Il prend le menu pour s’occuper les mains et alterne entre coups d’oeils sur le menu et coups d’oeil à la ronde pour s’assurer de bien repérer les angles morts et les coins par lesquels peuvent venir le danger sans éveiller les soupçons. Une vie avec un homme pour lequel le crime a été une seconde nature laisse quelques vieilles habitudes.
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