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ça fait mauvais genre | fawley&parkinson
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

P. Pandora Parkinson

P. Pandora Parkinson
MODÉRATRICE & MJ
hiboux : 425
pictures :
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Lun 8 Juin - 12:06




ça fait mauvais genre
ft @Ernest C. Fawley, FB. 7 octobre 2003
Tous les premiers mercredis du mois, à midi, au Petit Ogre ces derniers temps, dans un quelconque restaurant où ils pourraient déjeuner et échanger autour de divers sujets, de façon générale. Tous les premiers mercredis du mois depuis plus de trois ans, et pour la première fois, Pandora n’a absolument aucune envie d’y aller. Elle a peu dormi, et dans sa corbeille est balancé le brouillon d’un petit mot qu’elle n’a pas eu le courage d’envoyer. De façon générale, elle n’est pas bien brave, mais là, elle tente de se convaincre, face à son miroir, que c’est précisément parce qu’elle est brave qu’elle n’a pas envoyé son hibou à la recherche d’Ernest pour annuler leur rendez-vous. Elle va y aller, la tête haute, comme sa mère lui aurait dit de le faire. Pourtant, il leur est arrivé de s’écrire, à l’un comme à l’autre, pour se dire que ce mois-ci, ça ne le ferait pas, et ce pour une quelconque raison. Le fait est toutefois que la raison est ici bien loin d’être quelconque. Pandora a publié quelque chose, un papier, une colonne, une tribune, un billet, elle ne sait plus bien comment l’appeler, mais en tous cas, si elle est bien certaine d’une chose, c’est qu’elle ne veut pas écouter Ernest Fawley lui en faire un commentaire. Elle croit savoir comment il va réagir, et c’est là que se joue son manque de courage : elle refuse de se confronter à ce qu’il va vouloir lui dire. Alors elle a joué avec l’idée d’annuler, elle a écrit le petit mot, elle a même sorti son hibou de sa cage. Mais finalement, elle a donné une friandise au rapace, et elle a jeté le papier. Elle ira.  

Alors, elle se rassure comme elle peut. Peut-être n’aura-t-il pas lu la tribune. Dans ce cas-là, elle ne lui en parlera pas. Elle évoquera d’autres faits d’actualité. Pour trouver quelque chose à raconter, elle feuillette la Gazette du jour – 7 octobre 2003 – à la recherche d’inspiration. Rien. Ou plutôt, exclusivement des faits liés de près ou de loin à l’assassinat d’Astoria. Par Agrippa ! Le journal termine dans le poêle, et Pandora secoue les braises alors que sa colocataire faire cuire des œufs. L’odeur lui donne la nausée. Pourtant, elle est bien décidée : avec Ernest, tout ira bien, et ainsi, elle va manger. Elle n’a pas petit-déjeuné, pour être sûre qu’elle aura de la place. Sa gorge est nouée, elle ne sait pas bien comment elle fera pour avaler autre chose que quelques feuilles de salades, mais s’il le faut, elle se forcera. Elle fera mine, aussi, qu’il n’y a aucun problème. Et puis elle le regardera dans les yeux, comme elle le fait d’habitude. Mais allez, peut-être qu’il ne l’aura pas lu. Elle fait glisser quelques croquettes dans la gamelle de Saturne. Lui, il a toujours faim. Elle le regarde manger avec attention, moustaches ravies et cracs distinctifs. Elle aime faire ça, même si Adriene trouve ça bizarre : elle regarde les autres dévorer leurs assiettes à défaut de pouvoir le faire elle-même.

Elle dévale finalement les escaliers, chausse une paire de tennis à lacets – dehors, il pleut – et attrape son parapluie au manche en bec de perroquet qui a un jour appartenu à feu Mrs Parkinson. Encore elle ? ça fait deux pensées dévouées à sa mère en moins de dix minutes. Si Pandora trouve confort auprès de la pensée de sa matriarche, c’est que l’heure est véritablement sombre. Ne lui reste ainsi qu’à allumer une cigarette, à glisser sous sa cape étoilée, et à filer au travers de Londres pour joindre le Chemin de Traverse à pieds. Elle marche, ça lui creuse l’appétit et ça lui change les idées. Elle croise des voisins avec lesquels elle fait la conversation, elle aide un vieux moldu manifestement perdu à trouver son chemin, elle use de tours et de détours avant de joindre le Chaudron Baveur. C’est qu’elle est partie trop tôt, elle s’en rend compte quand elle regarde le minuscule cadran de la montre trop grande qui glisse depuis son poignet jusqu’au haut de sa paume. Chez elle, elle trépignait à force de s’imaginer la scène, encore et encore, alors elle a dû sortir pour changer d’air, sans doute. Sa colocation est d’ordinaire à une demi-heure de marche du Chemin de Traverse, Pandora s’arrange ainsi pour que le trajet dure une petite heure. Dans un kiosque, elle achète un magazine moldu, qu’elle feuillette en marchant. Si Ernest la voyait lire ce torchon, certainement la questionnerait-il sur ce qu’elle est en train de faire. Ça a été son rôle, ces trois dernières années : la questionner, la tourmenter de quelque biais qu’il aurait sans doute aimé lui refiler. Il l’a tirée vers le haut, surtout, la poussant à assumer pleinement son rôle de journaliste, à écrire des articles pointus, riches, documentés, sourcés … C’est à lui qu’elle a présenté en premier le contrat que lui proposait Witch Weekly, après plusieurs mois de piges. Elle pensait refuser, certainement parce qu’une jeune femme au sang-pur soumise à un contrat autre que celui du mariage, ça faisait mauvais genre. Elle ne s’était jamais non plus imaginé travailler dans la presse féminine, avant la guerre. Ernest n’avait pas ostensiblement tenté de la convaincre d’accepter, il avait été plus fin que cela, il avait parlé de sa propre passion pour le métier. Elle était repartie du restaurant où ils avaient déjeuné ce mercredi-là avec le contrat signé de sa plus belle plume.

Parviendra-t-il à la convaincre qu’elle a fait une erreur, cette fois-ci ? C’est certainement ce qu’elle craint le plus. Pandora pousse la porte du Chaudron Baveur et salue d’un signe de tête le barman. Il est bon de s’entourer des bavards, quand on fait son métier, même ceux qui ne se lavent qu’un jour sur quatre.  Elle ne s’arrête pas à son zinc pour prendre un café et écouter ses potins, pas cette fois-ci tout du moins. Il est midi désormais, elle file vers le Chemin de Traverse. Ses cheveux sont épaissis et désorganisés par l’air pluvieux, elle passe ainsi une main dans sa frange, tentant de s’arranger. Ça la rassure. Elle passe la porte du Petit Ogre, annonce à la serveuse son nom : « Parkinson, s’il vous plaît ». Celle-ci la reprend, sourire taquin aux lèvres : « Lady Parkinson, par ici s’il vous plaît ». Le cœur de Pandora manque un battement. Elle n’y échappera pas, et semble ne l’admettre que maintenant : Ernest l’aura lu, si même l’idiote de serveuse du Petit Ogre peut le lui évoquer, c’est impossible autrement. Ils sont installés près du mur végétal, et c’est à peu près le seul élément qui réjouit la sorcière. On ne peut manger dans ce restaurant qu’avec une réservation, et la salle commence déjà à se remplir. Au moins, à défaut de manger ou de profiter du moment, le cadre sera appréciable.

Elle ressort son magazine, et poursuit la lecture du dossier exclusif sur ledit Michael Jackson. Il aurait violé des enfants. Charmants, ces moldus. La police serait en train de préparer un dossier pour le tribunal. Elle allume une nouvelle cigarette du bout de sa baguette, et la laisse se consumer entre ses lèvres peintes sans trop tirer dessus. Ernest s’échappe de son esprit un moment, parce qu’elle est amusée de lire ce magazine dans un restaurant chic comme celui des Price. Ils devraient changer le nom de l’enseigne, songe-t-elle. Le Petit Ogre, ça ne fait pas chic. L’ombre de Fawley vient bientôt assombrir le papier glacé, parce que finalement, elle n’a pas tant d’avance que cela. Elle relève le crâne pour lui jeter une œillade avant de pousser sa chaise pour se lever et le saluer, cigarette toujours vissée entre les lèvres.  « Bonjour. Je n’ai encore rien commandé, je viens d’arriver. Comment vas-tu ? ».

Elle fait mine que tout est bien, que rien ne change, qu’elle est en terrain connu, que rien ne change de ses habitudes. Pourtant, elle a bousculé son monde, la semaine dernière, et pendant trois ans, Ernest, qu'elle ose parfois surnommer Ernie, a fait partie de ce monde-là. Elle n'a pas voulu le bousculer lui, en particulier. C'est sans doute l'effet qu'elle aura produit. Mais elle jure : ça n'était presque pas volontaire.

code by EXORDIUM. | imgs by tumblr | 1380 mots + Saturne + inventaire x2

Ernest C. Fawley

Ernest C. Fawley
Super vilain
hiboux : 41
Jeu 1 Oct - 23:07
« MAIS QUE MERLIN EMPORTE CETTE FOUTUE GAMINE ! »

Ernest Fawley avait explosé. Le visage blême. Les jointures livides, à force de serrer le papier glacé. Elle avait osé. Elle avait osé, par Merlin.

Dans son poing crispé, il serrait toujours le magazine, déjà froissé. Sous ses doigts, le portrait de Lady Parkinson, ses yeux sombres, son sourire à peine esquissé adressé au vide qui se dressait face à elle, le joli minois s’affichant grave, sérieux, presque immobile sur la photographie.

Pandora avait osé.

Le titre valsait encore sous ses yeux, le narguait, de ses belles capitales impeccablement imprimées, de leur police sobre et élégante. Le serpent qui se mord la queue. Et de manière éloquente le reptile se glissait, entre les boucles des caractères, se faufilait à leur pied pour finalement se dévorer lui-même, inlassablement, ses écailles d’encre noire luisant sous les reflets du papier glacé.

Comme s’il ne pouvait s’en empêcher, comme s’il lui fallait vérifier encore et encore qu’il ne s’était pas trompé, qu’il ne s’était pas égaré, Ernest relisait, encore et encore, la tribune, collée en bout de page, poussée là par d’autres articles, insignifiants ceux-là.

Son regard, secoué de tics nerveux, balayait la page. Par endroit, les fines lettres disparaissaient dans les plis du papier, écartelées ou englouties par les sillons qui creusaient la feuille froissée. Il ne s’y arrêtait pas, c’est à peine s’il lisait, pour dire la vérité. Il connaissait déjà presque par cœur le contenu de la tribune, et ses lèvres s’agitaient comme pour murmurer les mots avant même que ses yeux ne se portent dessus.

Un charme captivant… des contes, un secret magique, une morale… la destruction du monde magique.

Les mots revenaient, en boucle, inlassablement, avec leur musique propre, âpre, cette révolte enfantine, le ton criard des marmots qui se rebellent contre l’ordre établi.

Nous retrouvons, ahuris, les vices qui nous ont emmenés à la guerre.

Il fulminait. Une fois de plus. Que s’était-il donc imaginé en relisant le papier ? Toujours la même rage, la même hargne, la même haine qui l’enflammait à la lecture des mots de sa protégée. Et l’envoi :

Par la présente, j’annonce ainsi solennellement ne point quitter le Royaume-Uni Magique pour rejoindre lesdites Terres de Feu.

La signature venait immédiatement :

Lady Pansy Pandora Parkinson.

Il soufflait, il éructait, irrité, agacé. Cette fichue gamine, cette maudite traîtresse à son sang, cette vermine amie des sangs-de-bourbe.

Ses narines se dilataient, sa bouche tordue en un rictus ridicule, ses lèvres tordues, ses sourcils exagérément froncés, absurde pantomime de colère, de dégoût. Une dernière fois il avait relu le papier, et puis, c’était la fois de trop, ses doigts crispés s’étaient refermés sur le papier glacé pour le broyer, pour l’étouffer, comme il rêvait de l’étouffer elle. Cette maudite Lady Parkinson, comme elle osait se présenter. Dernier outrage qu’elle faisait aux siens.

De dépit, il jeta au sol le magasine froissé, sa couverture déchirée, quelques pages pendant tristement comme un condamné à son gibet. Comment, comment avait-elle pu oser écrire cet infâme torchon ? Elle, elle dont la famille avait figuré parmi les plus fidèles, elle osait commettre cette attaque lâche, cette attaque sans nom, elle osait piétiner le sacrifice des siens, le sacrifice de leur sang, bousculer cet édifice fragile construit au prix d’un intense labeur, envers et contre tout, dans ce monde ravagé par la dégénérescence et l’ensauvagement décadent. Et elle se jetait dedans, égoïste, infantile, ravageant tout ce qui avait coûté tant de larmes par pur orgueil, par pur égocentrisme. Une traîtresse, une traîtresse à son sang, à son rang, à elle qui se drapait de ce titre ridicule de Lady.

Il fulminait. Son bureau, brusquement, se transformait en une cage étroite ; il y étouffait. Il avait lu les journaux du jour avant même de se rendre au siège de la Gazette, préférant son confort casanier à l’agitation de la rédaction. Il n’y avait souvent, dans le Witch Weekly, rien de bien intéressant, rien qu’il ne sache déjà, du moins dans les grand trait. Sa protégée, parfois, le surprenait. Il accusait alors le coup avec élégance, presque avec plaisir, avec une certaine note de fierté.

Mais là… Là…

Il voulait l’agripper, la secouer, la frapper, presque, le visage tordu par la colère. Cette petite idiote, cette sale pimbêche qui osait s’attaquer aux siens. De rage, il faisait les cents pas, erratique, avançant résolument dans une direction avant de revenir immédiatement sur ses pas.

Derrière l’agacement, derrière l’irritation, il sentait poindre la haine, la haine pour cette gosse qui gâchait tout, qui attaquait les siens, pour le plus grand plaisir du Ministère. Il voyait déjà les sourires convenus, de ces sangs de bourbe, de ces hybrides, de toutes ces créatures qui promouvaient l’abâtardissement des races. Il entendait leurs rires déjà, de petits rires, bien sages, bien polis, pour commencer. Et puis des rires de plus en plus gras, des rires de triomphes. Si même une Parkinson se ralliait à eux, imaginez donc ! Il entendait le ricanement de Potter, les éclats cristallins de Granger, qui s’esclaffaient de concert, heureux de cette belle réussite. Et tout ça pour un bête, pour un stupide accident.

« Cette maudite, cette foutue, cette sale pimbêche », sifflait-il, en boucle, le visage déchiré par la haine.

Il lui en voulait, il lui en voulait mortellement.

Ce qu’il ne s’avouait pas, ce qu’il n’osait s’avouer, c’est que ce n’était pas de la haine qu’il ressentait, ce n’était pas de la colère, pas de la rage. Mais une blessure, une sale blessure à l’orgueil, une plaie purulente qui suintait, humide, perlée de jaune. Il s’en foutait, il s’en moquait éperdument, qu’elle trahisse les siens. Qu’elle fasse ce que bon lui semble – même s’il n’osait formuler cette pensée.

Non.

C’était une amie qui l’avait trahi. Et cela, il pouvait bien se le cacher, cela lui faisait terriblement, atrocement mal.

Une amie l’avait trahi.


D’un bond, il rejoint son bureau.

Une lettre. Il fallait qu’il lui écrive une lettre. Qu’il lui fasse entendre raison. Qu’elle s’explique. Qu’elle se secoue, qu’elle s’excuse, qu’elle corrige ce faux pas hasardeux. Elle s’était égarée, voilà tout, rien qui ne puisse se réparer. Elle avait agi bêtement, sous le coup de l’émotion.

Mais il savait bien, que ce n’était pas vrai. Qu’elle lui avait tourné le dos. Qu’elle avait tourné le dos aux siens. Qu’elle avait renié son sang. Une traîtresse, qui ne méritait rien d’autre que le sort réservé aux traîtres.

Avec irritation, il saisit une feuille vierge, une plume.

« Lady Parkinson. »

Il marqua une pause.

Les mots, déjà, revenaient à son esprit.

Nous retrouvons les vices qui nous ont amené à la guerre.

Cette foutue crétine égocentrique, que savait-elle, elle, de la guerre, elle qui s’était enfuie, elle qui s’était terrée en France, alors que tout s’effondrait. Le visage rigide, il se pencha, cassé en deux, au-dessus du papier, griffonna en caractères serrés, ses veines pulsant au rythme de sa haine, de sa colère, pulsant au rythme des larmes rageuses qui jamais ne couleraient le long de ses yeux.

« Le moment, peut-être, est mal choisi pour vous faire une confession. Je tiens néanmoins à vous dire que la confiance, en cette époque si troublée, est un bien extrêmement précieux. Un bien que moi-même je n’accorde qu’avec parcimonie et, me semblait-il, toujours avec justesse. Force est de constaté que je me suis égaré. J’ai eu le tort, je le reconnais volontiers, de vous accorder ma pleine et entière confiance, de vous soutenir contre vents et marée vous, ainsi que vos projets. A la lecture du Witch Weekly de ce jour »

Il s’interrompit brusquement.

Des vices. Quels vices, bon sang, quels vices ! Il n’y avait que des armes, que des armes sorties pour lutter contre la dégénérescence de leur race. Tant pis s’il fallait que d’autres en paient le prix.

Il se relu. Grimaça. Face à lui, les cases étroites de son calendrier s’alignaient, comme autant de divisions prêtes à se sacrifier pour assurer la bonne marche du temps. Nous étions le 1er ; la case du mercredi 7 octobre, déjà, était sagement annotée.

Dîner avec P. P. Parkinson, 12h, au Petit Ogre.

Il soupira. Soit. Ils s’expliqueraient en face. Et avec dépit chiffonna le courrier déjà entamé, pour le jeter dans sa corbeille. Le regard noir, il se contenta d’enfiler son pardessus, d’attraper son chapeau, pour s’en aller rejoindre la rédaction, sans rien manger, sans rien boire, l’estomac broyé par la colère et le dépit.





Il pleuvait. La pluie, en dégringolant, engloutissait la ville. Elle effaçait les monuments, dans le lointain, estompait les vitrines embuées, délavait les rares couleurs qui, sous le ciel plombé, osaient encore défier l’automne.

Londres, ce jour-là, avait revêtu ce manteau pesant de brume. L’humidité étouffait tout ; les quelques arbres, tristement, laissaient leurs feuilles tomber au sol, leurs teintes rougeoyantes noyées dans les flaques brunes. Les visages, aussi, étaient fermés, recourbés, s’abritant de l’intempérie ; le pas s’allongeait, trottinant presque, et c’en était une tristesse de voir ces silhouettes fluettes, engoncées dans des vêtements aux longs pans ruisselant, courir d’un abri à un autre, sans jamais n’oser s’arrêter pour observer ne serait qu’un détail, un éclat de lumière, un animal égaré, un visage souriant – mais aucun visage ne souriait sous l’averse.

Ernest, lui, marchait sans hâte sous la pluie.

Le temps maussade lui convenait.

Il avançait sans trop préoccuper des directions. La force de l’habitude le poussait vers le Petit Ogre. Il arriverait à l’heure précise, par le chemin le plus court, avec une froide précision mécanique. Sans même avoir à y songer.

A vrai dire, il n’avait pas vraiment envie de s’y rendre. Il lui avait fallu relire la tribune de Pandora avant d’enfiler son long pardessus. Il ne s’était même pas indigné. A quoi bon ? Elle lui avait tourné le dos. Voilà tout. Il n’y avait rien à y rajouter.

L’eau battait contre son pantalon, s’infiltrait le long de son col. Le bruit sourd des gouttes, sur le feutre de son chapeau, l’enveloppait. Il s’en moquait. Il se moquait de tout. Egaré, presque. Froid. Impassible. Incapable de la moindre émotion.

Un commerce, sur le bord du chemin de traverse, affichait les unes des différents journaux. D’un œil aveugle, il balaya les titres de la Gazette. Le même contenu, médiocre, les mêmes bavardages quotidiens, auxquels il contribuait. Sans plus guère de fierté. Cela faisait une semaine qu’il avait du mal à mettre du cœur à l’ouvrage. Il ne savait pourquoi.

Le visage fermé, il entra, se contentant d’attraper le Witch Weekly. A peine quelques mots, quelques mornilles, de quoi payer le magazine. Le numéro l’attendait sur son bureau, dans la rédaction. Mais il ne savait quoi, il fallait l’acheter, avoir ces feuillets glacés avoir lui, comme pour se justifier, comme pour, il ne savait quoi. Garder un lien avec Pandora, peut-être.

Il sortit en toute hâte, la couverture glacée sous le bras.

Il ne voulait pas rester là, il voulait fuir cette présence humaine, trop pressante, trop oppressante. Les bavardages, les sourires, les rires. Tout cela insupportait le sang pur.

La pluie, encore. Il avait laissé quelques traces boueuses, dans son sillage, il retrouvait les flaques, l’étreinte glacée de l’averse qui pesait sur son manteau, tambourinait contre le feutre.

Et soudain, il eut envie de pleurer. Il ne savait pas pourquoi. Il ne savait pas ce qui lui arrivait. Trop de lassitude, trop de fatigue, trop de… Trop de tension, peut-être. Au bureau, il voyait les infos lui filer sous le nez pour aller se nicher, une ou deux pages plus loin, sous la signature d’un autre. On lui avait fait la remarque. Le soir, il dînait dehors. Rentrait tard. Comme s’il voulait éviter de se retrouver seul chez lui. Enfermé face à cette boule de papier, face au magazine froissé qui traînait au sol.

C’est triste, la trahison d’une amie.

Il songea un moment à faire demi-tour. Mais à quoi bon. Elle devait déjà l’attendre. Ou, tout du moins, devait-elle être déjà en route. Par ce temps. Cela n’aurait pas été correct.

Déjà, l’enseigne du Petit Ogre se dessinait. Il apercevait la lumière mordorée dévorer la pluie, s’étaler sur le trottoir, jusque sur la rue. Par bouffées, quelques éclats de rires s’en échappaient, quelques discussions emportées. L’averse ne parvenait pas à étouffer ce brouhaha de vie, incontrôlable. Le service venait tout juste de commencer, mais, déjà, la chaleur du repas, des conversations, la vie en somme, se soulevait comme une masse invisible, enflait jusqu’à déborder des fenêtres à petits carreaux.

Ernest, lui, se surprit à traîner la patte. Il n’avait pas envie de chaleur. Il n’avait même pas faim. Le froid l’oppressait, gênant même sa respiration, ses poumons encombrés par l’humidité environnante. Mais il sentait son corps, il se sentait frissonner, dans cette étreinte de pluie. Pour autant qu’elle soit désagréable, la sensation le faisait vivre. Il existait, quoi ! Là, seul, sous l’averse. Il ralentit encore, une rigole d’eau dégoulinant de son chapeau jusqu’à son dos, quelques gouttes dégringolant sur son nez alors qu’il levait la tête.

Il était arrivé.

La chaleur l’étouffa, lorsqu’il poussait la porte. D’un seul coup, il était enveloppé de lumière, du sourd bruit de fond des conversations joyeuses, de ces odeurs de cuisine qui frappait la narine. La pluie, dehors, tombait toujours, mais elle n’était là qu’un souvenir qu’on se tâchait d’oublier, par des rires forcés.

D’un regard, il embrassa la salle, sans parvenir à distinguer Pandora. Etait-elle seulement venue ? Il fronça les sourcils. Non, non, elle l’aurait prévenu. Peut-être. Il regrettait déjà l’averse.

D’un geste, il se débarrassa de son chapeau de feutre, du grand manteau qui le calfeutrait. Le pardessus, gorgé d’eau, pesait son poids, replié sur son avant-bras.

Il fit un pas en avant, presque à contrecœur, écœuré par l’atmosphère joyeuse qui se dégageait du restaurant. Déjà, on se dirigeait vers lui, pour le placer.

« J’ai une réservation, se contenta-t-il de répondre, distant. Une table avec mademoiselle Parkinson. »

Il avait insisté sur le mademoiselle.

Face à lui, la serveuse souriait, beaucoup trop pour que cela puisse paraître sincère.

« Lady Parkinson vous attend. »

Il prit l’affront en pleine face. Sans ciller. Une douche froide, après l’averse. L’irritation, brusquement, revenait. Il revoyait la signature, au pied de la tribune, en caractères fins. Lady Pansy Pandora Parkinson. Il serra les dents. Ne dit rien. Se contentant d’emboîter le pas et celle qui le guidait à travers la salle qui, déjà, se remplissait.

Il savait que le papier de la sang pure avait fait son petit effet. Il ignorait à quel point. La réalité, brusquement, se rappelait à lui. Le magazine était passé de main en main, le long des comptoirs, le long des trottoirs. L’affront fait à l’aristocratie sorcière était à la mesure du nom qui signait. Une trahison, une ignoble, immonde, exécrable trahison, d’une qui, pourtant, avait toujours été bercée dans la tradition la plus pure.

Un tic déforma son visage, en un demi-sourire, comme un spasme. Il été mal à l’aise. Irrité, déjà. Apeuré, peut-être.

Allons bon. De quoi aurait-il peur ? De cette pimbêche ? Il allait lui faire la leçon. La remettre dans le droit chemin. La faire s’excuser. Se confondre en pardons. Elle ne tiendrait pas, la pression, la pression devait être trop forte. Tous les sangs purs, qui se retournaient sur elle, leurs regards, leurs remarques acerbes, les bavardages… Il allait lui offrir cette voie de sortie. Signe un texte, dans la Gazette s’il le faut, rectifie le tir, avant qu’il ne soit trop tard… Il allait l’aider, il allait regagner son amie.

Il l’aperçut, au loin, attablée à la place que lui désignait la serveuse. Elle lisait. Un magazine, moldu.

Elle osait.

Elle osait s’afficher ainsi. Dans le plus mauvais goût qui soit. S’abaisser, s’avilir, se mettre en scène, se montrer en spectacle, là, à la vue de tous, après ce qu’elle avait écrit, à feuilleter de la presse de caniveau, de la presse moldue, et la plus infamante qu’il soit, pour autant qu’il puisse en juger.

Les vices de la guerre, eh ?

Il sentait la colère monter, encore et encore, par vague. Un spasme, qui tordait son demi-sourire. Les sourcils froncés. Et ce malaise toujours ancré en lui. Qui croissait. Qui croissait toujours, enflait, jusqu’à compresser ses tripes, son cœur, ses poumons.

Il allait devoir s’attabler avec elle, face à elle, avec ces mauvais… papelards entre eux deux. Une humiliation cinglante, pour le journaliste qu’il était. Il rougissait, il palissait, il n’aurait su dire, pris de frissons, étouffant de chaleur. Et le mépris. Et le dégoût.

La serveuse, déjà, lui tirait sa chaise.

Pandora, elle, se leva, le salua d’un clin d’œil, cigarette à la bouche. Elle paraissait sincèrement heureuse, insouciante. Presque ravie de le voir, pour autant qu’il pût en juger.

Il s’assit, plus lourdement qu’il n’aurait voulu.

Pouvait-elle faire semblant ? Faire comme s’il ne s’était rien passé, comme si elle n’avait pas déclaré la guerre aux siens, à tous ces sorciers de bonne naissance ? A lui.

« Bonjour. Je n’ai encore rien commandé, je viens d’arriver. Comment vas-tu ? ».
Elle l’insupportait, elle l’insupporte déjà. Qui lui avait collé cette gamine dans ses pattes ? Il culpabilisait. Il se sentait responsable d’elle, malgré lui. Il se sentait coupable de cette tribune, de ses mots, de son geste. Comme s’il l’avait cosignée, presque. Comme s’il y avait un peu de lui dans ce texte. Ne l’avait-il pas poussé dans cette voie ? Ne l’avait-il pas poussé à prendre la plume, à se libérer de ses craintes, de ses poids, de ce carcan, de ce sentiment poisseux de n’être qu’un imposteur, au moment où le tampon encreur frappait la feuille vierge, et lorsqu’on lisait les mots noirs sur le papier glacé des kiosques ?

Il avait failli quelque part. Il aurait dû voir la tempête venir, il aurait dû la prévenir… Mais elle, elle ne lui en avait pas dit le moindre mot.

Il ne répondit pas à la journaliste, se contenta de se tourner vers la serveuse.

« Un whisky. Sans glaçon. »

Et d’un geste trop sec, il saisit le menu que l’on lui tendait, sans un mot, sans un remerciement, un ombre sombre passant sur son visage. A peine consentit-il à lever la tête vers la jeune sang pure, comme pour affronter son regard – mais celui-ci ne s’arrêta que sur le magazine moldu, posé entre eux deux, indécente barrière entre leurs deux corps.

Il siffla.

« Retirez-moi donc cet infâme torchon indigne d’une sorcière de votre rang, mademoiselle. »

A nouveau, il avait insisté sur ce dernier mot. Il fallait la faire rentrer dans le rang. Coûte que coûte. Ils ne pouvaient se permettre de telles incongruités, l’un comme l’autre. Il ne pouvait se permettre de la perdre elle, avec sa lâche trahison, ce couteau planté dans son dos. Il ne pouvait se permettre de perdre ces rendez-vous, chaque premier mercredi du mois, et les discussions passionnées, et les engueulades, et les critiques, et les rires, et ce dernier verre avant de partir, et ce dernier clin d’œil, avant de partir…

Il ne pouvait pas.

P. Pandora Parkinson

P. Pandora Parkinson
MODÉRATRICE & MJ
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Ven 23 Oct - 0:34




ça fait mauvais genre
ft @Ernest C. Fawley, FB. 7 octobre 2003
Pandora a le complexe facile, surtout face à ceux qu’elle considère comme des êtres supérieurs à elle.

Car à son avis, il existe bien une échelle entre les hommes et les femmes qui l’entourent. Pas de ces pensées qu’il est bon de partager, ces derniers temps, mais c’est ainsi qu’elle a grandi. On lui a inculqué ce système et on lui a indiqué où était sa place sur l’organigramme. Cet arbre qu’on lui a dessiné prend racine dans l’idée quasi-universelle de la supériorité des hommes sur les femmes, et se nourrit aussi de l’idéologie sorcière de la supériorité d’un sang sur un autre. Rajoutez-y une lecture assidue du Registre des Familles au Sang-Pur, et vous trouverez ce qui permet à Pandora de justifier qu’elle croie en pareille idéologie : on la lui a apprise, on en a bourré son crâne plus facilement qu’avec un impero sur une tête de linotte, puisque ça s’est fait dès sa prime enfance. Elle ne saurait ainsi faire sans. Elle évite, toutefois, de l’admettre à voix haute, et tente, tant bien que mal, de s’en débarrasser, parce que la conséquence première d’une telle hiérarchisation du peuple dans lequel elle évolue, c’est la considération qu’elle n’est pas en haut de l’échelle – loin de là, même. Parfois, elle se satisfait du travail accomplit : elle vit avec une née-moldue, qu’elle n’oserait jamais considérer comme inférieure à elle sous prétexte de son sang. Elle a ainsi trouvé d’autres raisons de détester Granger que celle, trop facile, qu’elle ne soit qu’une sang-de-bourbe. Plus que ça, sans doute, elle irait s’excuser auprès de Ginny Weasley de l’avoir un jour traitée de traître à son sang si ça pouvait lui permettre d’être invitée à une de ces soirées très exclusives chez le couple Beckham – des moldus, par Agrippa ! Elle croit donc qu’il n’y a plus grand-monde en dessous d’elle, qu’elle s’est débarrassée de cet apprentissage martelé à coup de baguette sur le bout de ses doigts par sa mère. Et puis, elle croise le regard de Ernest Fawley, et tous ses efforts semblent se noyer dans le Lac Noir. A défaut de trouver qui placer sur les échelons inférieurs au sien, elle n’a aucun mal à savoir qui sont ceux placés au-dessus d’elle.

Pandora a le complexe facile, donc, et surtout face à ceux qu’elle considère comme des êtres supérieurs à elle.

Ernest Fawley fait partie de ceux-ci. C’est un sang-pur, comme elle, mais surtout, par-dessus tout, plutôt, c’est un homme. Ça importe peu s’il n’est pas l’unique héritier de la branche principale de sa famille – comme c'est son cas. Il n’a pas besoin de cela, puisque lui a la chance d’être né avec quelque chose entre les jambes. *shlap*. Un coup de baguette imaginaire sur ses doigts vernis dispensé par le fantôme de Mrs Prudence Parkinson, qui aurait détesté entendre sa fille dire pareilles grossièretés, même en pensées.
Pandora s’est levée, pour le saluer. Elle a attendu qu’il lui accorde cette politesse, un bonjour, même dans le regard, à défaut d’un baiser sur le dos de sa main qu’elle se doute ne pas mériter. Elle n’y a pas droit, Ernest s’assoit sur sa chaise sans même que leurs iris ne puissent se croiser. Elle se mord la lèvre un instant, avant de se rasseoir à son tour. Comment a-t-elle pu s’imaginer, même une seule seconde, qu’il n’aurait pas lu sa tribune ? Elle ravale sa fierté et entame donc la discussion, l’air de rien, comme si Ernest ne l’avait pas déjà heurtée par sa dureté. Il la martèle une seconde fois, refusant sciemment de lui répondre pour préférer s’adresser à la serveuse. Il veut un whisky sans glace, et il est à peine midi. C’est un sentiment de peur qui commence à gagner Pandora, qui se sent à chaque instant un peu plus petite, à chaque instant un peu plus Pansy. C’est insupportable, et pourtant, elle ne parvient pas à combattre cette angoisse qui la gagne à mesure qu’Ernest s’installe face à elle. Sûrement lui faudra-t-il de l’aide, à elle aussi, pour terminer ce déjeuner en un seul morceau. Alors, quand la serveuse se tourne vers elle, elle fait mine d’hésiter un moment, avant d’enchérir : « La même chose, s’il vous plaît. » Elle tire sur sa cigarette avec avidité – elle préfère la vodka, d’ordinaire. Il doit le savoir, en trois ans de rendez-vous hebdomadaires, il l’a sans doute déjà vue boire quelques martinis dans ces grands verres à pied coniques, et avec deux olives, s’il vous plaît. Mais il veut se donner des allures, il veut faire l’homme, à prendre son whisky sans glaçon. Elle aussi, elle peut faire ça.

Elle ne peut pas faire autrement qu’obéir, toutefois, quand il exige d’elle dans son anglais raffiné qu’elle range le torchon qu’elle est en train de lire. Elle a tapé juste, sans doute, et sans le vouloir non plus. Elle a simplement voulu se détendre avant le déjeuner. Oublier la perspective qui l’attendait avec quelques pages d’un magazine en papier glacé. Il n’a pas apprécié, alors elle pince les lèvres et écrase sa cigarette dans le cendrier devant elle avant d’enrouler le magazine pour le glisser dans son sac sans fond. Que peut-elle faire d’autre ? Lui tenir tête ? Lui faire lire l’article sur les viols de petits garçons ? Elle est pourtant certaine qu’il en aurait apprécié le contenu. Mais elle en est bien incapable.
Elle ne sait pas bien, d’ailleurs, comment elle est parvenue à venir jusqu’au petit Ogre. Elle ne tarde pas à s’allumer une nouvelle cigarette. Si Ernest cherchait à reconnaître chez elle le signe d’un trouble, il le verrait-là. Même en période de stress, elle ne fume pas autant. Sans dire un mot de plus, Pandora se cache derrière son menu. Elle le parcourt du regard sans parvenir à le lire – elle le connaît déjà, de toute façon. Elle prend toujours la même chose, quand elle vient ici. L’assiette avec les gambas qui porte le nom d’une des deux jumelles – Le Nesta. Une entrée en guise de plat ; parfait pour une petite pimbêche qui note systématiquement dans son carnet à spirales combien de calories elle a ingéré pendant son repas. Reste que là, elle a envie de vomir, et qu’elle n’a pas encore réussi à croiser le regard d’Ernest.

S’il y a bien une personne capable de la faire se sentir ainsi, comme une idiote, comme une moins-que-rien, comme une petite sotte, c’est lui. Ce fichu Ernest Fawley et ses grands airs, sa petite moustache et son chapeau qui lui donne des airs de ripoux new-yorkais des années 1950. Ernest Fawley et son job à la Gazette du Sorcier, son intelligence, ses beaux mots et ses manières. Mais surtout, Ernest Fawley qui a lu strictement tout ce qu’elle a écrit, et qui a eu un mot à en dire à chaque fois. Qui a commenté avec plus ou moins de suffisance et de cynisme, sans doute, mais jamais de mépris. Or, Pandora est à peu près certaine que c’est cela qui émane de l’allure que se donne Ernest aujourd’hui ; c’est ce qu’elle devine chez lui sans être pourtant parvenue à croiser son regard. Elle laisse tomber le menu, tire une nouvelle latte sur sa cigarette, plus légère, et se convainc que c’est ce qu’il faut qu’elle fasse : croiser son regard. Il ne veut pas lui parler ? Soit. Il ne veut pas lui répondre ? Grand bien lui en fasse, le déjeuner sera plus rapide s’ils ne se lancent pas dans un nouveau débat dont ils auront oublié le point de départ passé 15 heures. Mais il n’échappera pas à son regard.

Ainsi, Pandora refuse d’avoir honte. Il peut lui faire peur, vouloir créer des complexes, mais la honte, par Agrippa, elle la refuse. Elle cherche son regard, lèvres toujours pincées, désormais certaine qu’elle ne dira plus un mot avant qu’il ne le fasse. Pourtant, elle en a, des choses à lui dire. L’a-t-il lue, cette fichue tribune ? Qu’a-t-il à en dire, alors ? Qu’il balance ses couleuvres, elle est prête à les entendre, puisqu’il a toujours un avis sur tout, sur chacun de ses moindres mots, il doit bien en avoir sur ceux-ci aussi, n’est-ce pas ? Est-ce un avis attendu, a-t-il détesté, évidemment, la considère-t-il comme une journaliste de bas-étage qui écrit sur des choses que, de toute évidence, elle ne comprend pas ?
Pandora est à peu près certaine saura lui répondre. Elle ne l’a pas écrit en une nuit, ce papier, elle en a pesé tous les mots, elle a milité auprès du comité éditorial de son magazine pour qu’il soit publié, elle a menacé de le vendre à la Gazette s’ils ne le publiaient pas chez-eux. En somme, elle a risqué sa carrière chez Witch Weekly pour qu’il paraisse, pour que toutes les sorcières – et tous les sorciers, manifestement – du monde magique anglais puissent le lire. Par Agrippa, elle en même est fière, de ce papier ! Elle n'a pas dormi de la nuit et n'a pas mangé depuis deux jours rien que pour savoir quoi lui répondre, à lui, celui qu'elle s'imagine être son plus grand détracteur, alors qu'il a pourtant été son premier allier, et que s'il y en a un qui peut, qui doit, même, comprendre d'où vient cette tribune, c'est bien lui.

Elle saura quoi lui dire, mais ne parlera pas la première.

Les boissons apparaissent magiquement sur leur table, tandis que Pandora songe qu'elle pourrait même pousser le vice en disant que c’est lui qui l’a poussée dans cette direction. *shlap*. Non, ça, elle ne le dira pas. En plus d’être une petite sotte, elle ne voudrait pas être traitée d’impertinente.

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Ernest C. Fawley

Ernest C. Fawley
Super vilain
hiboux : 41
Dim 6 Déc - 23:53
« La même chose, s’il vous plaît. »

Ernest manqua de s’étouffer.  Cette sale garce impertinente. Elle osait le défier. Sciemment. Le journaliste avait presque sursauté, au son de sa voix.

Il avait encore, dans son esprit, l’image de cette femme encore trop jeune, avec cet orgueil presque ingénu, cette ambition dévorante, cet air de défi mutin qui lui faisait lever la tête, toujours, le menton dressé, mâtiné d’insouciance juvénile, festive. Mais il savait que sa cadette l’écoutait. Presque religieusement. Le respectait. L’estimait. Qu’elle avait conscience de sa valeur, de sa valeur à lui, Ernest Fawley, a lui qui avait dû ramper, qui avait su grimper envers et contre tout, contre tous ces jeunes chefs ambitieux et bien-pensants, les échelons au sein de la Gazette. Il se savait être un modèle, il se savait lu, entendu, écouté, et il prenait orgueil de ces conseils distillés, de ces appréciations distribuées presque avec hauteur. Il était du monde des puissants, après tout. Du moins les côtoyait-il au quotidien. Fidèle laquais de leurs humeurs. Et elle, bien sûr, l’élève modèle, venait après lui. Il s’en enorgueillait. Et, quand bien même il pouvait tenter de le dissimuler, il appréciait cette tête de mule ambitieuse, son intelligence vive, cette folie douce qu’elle parvenait à glisser dans sa plume, dans ses papiers. Elle avait, après tout, du talent.

Elle avait surtout le talent de l’irriter.

Il haussa un sourcil.

Elle le défiait.

Le journaliste se sentit touché dans son orgueil. Lui, le grand professionnel, voyait s’effriter sa propre image sous ses yeux. Le respect était parti, ne restait que la mine mutine de celle qui lui faisait face, ouvertement, peut-être pour la première fois de cette manière. Qui rompait ses habitudes pour aller sur son terrain. Sur ses plates-bandes.

Il n’osait pas réagir.

Que c’était-il passé, pour que tout s’efface ainsi, pour que leurs longues conversations s’étiolent, pour que se perde le respect mutuel, le respect qu’elle lui portait, le respect qu’elle lui devait.

Le souvenir des mots lui revenait.

Les vices qui nous ont emmené à la guerre.

Comment s’était-elle perdue ? Comment l’avait-il perdu ? La jeune journaliste était ambitieuse. Elle allait devenir, assurément, son égale. Pour ne pas dire sa concurrente. Il ne lui manquait pour cela peut-être quelques années. Rien de plus. Un peu de pratique, des bonnes relations, surtout, des liens avec tout ce beau monde – pourvu qu’elle ne gâche pas ce réseau par ces sottises d’histoires moldues. Et elle partageait ses conceptions, elle partageait sa vision du monde. Il en était persuadé, il voulait le croire, aveuglément, peut-être.

Il jeta un regard en biais à la jeune sorcière. Elle fumait. Avec ce même air de défi. Exhalant la fumée au milieu du restaurant, le visage légèrement de biais, pour ne pas ajouter à l’insulte. La fine cigarette ne lâchait pas ses doigts, ne lâchait pas ses lèvres.  

Elle avait rangé cet immondice de torchon moldu, mais continuait à fumer, avec toute cette nonchalance provocatrice, se dénudant de toute la rigueur auquel devait être attaché son rang, et son sang.

Une autre cigarette. Le visage de la sorcière qui se dérobe derrière la carte, derrière la fumée. Il a beau l’observer, exaspéré, rechercher la moindre petite trace de culpabilité, elle fuit, elle fuit son regard. Elle le renvoie à lui-même, à son propre orgueil, à ses propres pensées furibondes, lui glissant entre les doigts comme un poisson aux écailles d’argent. Du vent. Rien que du vent et de la fumée, une femme du vent.

Dans cette fuite de mauvaise élève, elle le renvoyait à ce rôle de mauvais professeur, tout juste capable de râler, de rouspéter, d’éructer, de lui faire la leçon.

Il voulait la rappeler à l’ordre, il voulait retisser ce lien qui le reliait, ce lien de confiance. Une confiance rompue.

Devant leurs deux corps immobiles, les deux verres identiques étaient apparus, bercés de la même couleur ambrée, avec cette même vapeur d’alcool qui les enveloppait.

Ernest attrapa le sien. Il voyait la sorcière se dérober, et entendaient ces mots tourner en tête, ce venin, ce venin craché au visage de l’enchanteresse, de ceux de leur sang, de ceux de leur rang, de leur classe, de leur tradition.

L’alcool vint frapper sa langue, caresser sa gorge de son âpre chaleur.

Le journaliste attendait qu’elle rabatte sa carte, qu’elle ose enfin le regarder, qu’elle lui parle bon sang ! Elle paraissait presque fière d’elle. Fière de son coup. De sa trahison. De sa folie. Et elle fumait encore, comme une moldue, la fine cigarette entre ses doigts fins. L’odeur âcre irritait la gorge du sang pur. Mais il ne voulait pas protester. Il ne voulait pas lui donner ce plaisir, ni ce pouvoir sur lui. Il n’en laissait rien paraître, les pupilles dilatées. Se contentant de siroter, doucement, son whisky.

L’alcool, doucement, se lovait en lui, se mêlant au rythme régulier du sang dans ses veines, aux pulsations répétées. Les mots lui revenaient sans cesse à l’esprit. Il les lisait comme s’il avait le magazine devant lui. Il entendait presque le glissement des écailles de ce serpent entremêlé aux caractères de titraille. Le serpent qui se mordait la queue. Et elle. Quel serpent l’avait piqué pour qu’elle renie tout.

Une mort ne suffisait pas. Une mort ne changeait rien – il y en avait tant ! Il y en avait eu tant, au fil des années, que ça en était devenu presque banal, une mort de plus. Un fait divers. Un gros titre. Un gros tirage. Rien de plus qu’un sujet chaud, pour un corps froid. Elle ne pouvait pas se laisser ébranler par une actualité. Ce n’était pas… professionnel. Et puis d’abord rien n’avait été prouvé. Aucune revendication n’avait été émise quant à l’attaque, si ce n’étaient ces mots – mort à Potter. Mais n’importe qui aurait pu les dire. Y compris des agents provocateurs, y compris un fou, égaré dans cette folie. N’importe qui de sensé aurait pris ses distances avec l’événement.

Pandora, toujours, fuyait son regard.

Non – déjà, elle reposait le menu sur la table, sans prendre la peine de se tourner vers un serveur, sans prendre la peine d’appeler qui que ce soit prendre sa commande. La cigarette, doucement, retrouva le baiser de ses lèvres, les braises mordorées s’illuminant sous son souffle. Elle repoussa sa main, exhala la fumée blanche. Et osa enfin le défier du regard. Bravache. Rebelle. Une sale adolescente teigneuse. Prête à se battre.

Ernest eut un rictus, ricana.

« Pandora. »

Il ne savait même pas quoi lui dire. Tout cela lui paraissait tellement futile. Cette posture rebelle, ces mots rebelles, cette fichue manie de se mêler de culture moldue. Elle aurait pu être une grande journaliste, cette gamine de six ans sa cadette. Si seulement elle ne s’était pas perdue dans ces imbécilités. Si seulement elle n’avait pas trahi sa race.

Il la regarda de haut en bas. D’un regard condescendant. Elle était encore trop jeune. Encore trop jeune pour grandir. Trop jeune pour lui faire de l’ombre. Aucune épaisseur. Aucun corps. Seulement ces pulsions idiotes.

Du venin, des mirages et de la violence.

Il ricana.

L’idéalisme fourvoyé de ceux qui espèrent tout déconstruire, tout balayer, tout détruire.

Elle oubliait que ces mirages et cette violence avaient forgé leur sang. Que leurs familles dominaient l’Angleterre, qu’elles prévalaient dans le monde sorcier, pour une raison, une seule et unique raison. Elles avaient des valeurs. Et elle, la pimbêche rebelle, foulait du pied un millénaire de valeurs sacrées. Elle trahissait les siens. Et se sabordait elle-même.

Et le sabordait lui.

Et le trahissait lui.

Qui l’avait aidée. Qui l’avait portée. Qui l’avait défendue.

Qui lui faisait confiance.

Il but une nouvelle gorgée. Reposa son verre, et eut un air mauvais, vicieux, agressif. Quelle raison avait-il de se dissimuler face à cette folle ?

« J’espère, au moins, que vous avez bien réfléchit à ce que vous avez fait. »

P. Pandora Parkinson

P. Pandora Parkinson
MODÉRATRICE & MJ
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ça fait mauvais genre | fawley&parkinson 230916321b07e71b7ddd665e37967a7be66e0739
Jeu 10 Déc - 21:57




ça fait mauvais genre
ft @Ernest C. Fawley, FB. 7 octobre 2003
Que fait un serpent quand il se sent menacé ? Il se dresse et il attaque. Peut-être pas dans la réalité, les éthologues diraient sans doute qu'ils préfèreront mille fois un rocher derrière lequel se cacher à la frontalité, mais dans l'imaginaire commun, c'est le cas. Ainsi, plutôt que de glisser jusque sous la terre, notre vipère fait le choix de l'imaginaire, à l’instant où Ernest ose ricaner et avant même qu’il n’ouvre la bouche pour parler. Elle attaquera.

Quand elle a entendu ce bruit, ce rire rauque et méchant, elle a cru l’halluciner tellement elle l’a trouvé décalé. Elle a eu envie de s’en boucher les oreilles, comme si elle entendait une craie crisser sur un tableau noir. C’est ainsi qu’il a d’abord fendu l’air et le silence, hyène qu’il est, en réponse à leurs regards croisés. Puis, il a prononcé son prénom avec un mépris qu’elle croit n’avoir encore jamais entendu dans sa voix. Et enfin, vile, il a recommencé, comme s’il n’en avait pas eu assez, comme si l’échine de Pandora, déjà parfaitement hérissée, en demandait plus. Comme un sortilège mal exécuté, comme cette bouilloire qui crisse au lieu de chanter, il a ricané à nouveau. Ça l’a décidée. Elle attaquera, elle aussi.

Ernest rit, donc, Ernest se moque. Pandora, elle, est terrifiée de ce que cela augure. Que s’apprête-t-il à lui balancer ? Comment va-t-il commencer, alors qu’elle continue de choisir de lui laisser la main ? Quel mépris va-t-il lui asséner par les mots, alors qu’elle a l’impression d’être déjà assiégée par son silence ?

Elle décide de relever le menton, en réponse à son rire. Elle se tient encore un peu plus haute, notre vipère, révélant sans doute l’éclat de ses écailles vertes dans ses iris bruns. Puis, elle aussi, elle prend son verre de whisky, de la main dans laquelle elle tient déjà sa cigarette. Elle a fait ça mille fois, déjà. Répondre à une attaque par une autre. Elle va y arriver, cette fois encore. Elle trouvera une brèche suffisante dans laquelle se glisser. Croit-il qu’il soit le premier à la traiter ainsi ? A la considérer comme cela ? Elle sait y faire, avec les ricanements. Elle les connaît, elle les a pratiqués, elle en a même été la reine, à Poudlard. C’était elle, la méprisante, là-bas. La vile, la peste. Sans doute pour contrer ce qu’elle subissait secrètement ; elle a entendu des perfidies sortir de la bouche de celui qu’elle adorait, de son cher, de son tendre, de son Draco.
Et soudainement, à cette pensée-là, c’est Pandora qui a envie de rire ; de se moquer. Fawley n’a rien d’un Malefoy, et n’a rien, encore moins, d’un Draco. Le petit journaliste à la Gazette est issu d’une branche plus que secondaire, pour ne pas dire tertiaire, de sa famille ; des Sangs-Purs, certes, mais Ernest est fort désargenté. Tertiaire et désargenté. Deux adjectifs qui ne qualifieront jamais, au grand jamais, Draco Malefoy. Même la guerre n’est pas parvenue à le ruiner, alors que tout le monde le savait marqué par le Seigneur des Ténèbres. Et si Pandora a survécu à l’influence de ce garçon-là, sans doute survivra-t-elle au mépris d’Ernest Fawley.

Il boit une nouvelle gorgée de son whisky, et, miroir parfait, infante insupportable, elle l’imite. Elle tente même, exprès, de passer sa langue sur ses lèvres exactement comme lui l’a fait, recueillant les dernière traces du liquide ambré dont elle fait mine de se délecter. Définitivement, elle préfère la vodka. Mais, qu'il continue de se comporter ainsi, et bientôt, et elle desserrera ses jambes croisées pour les tenir comme lui, un peu écartées. Pour qui se prend-il, après tout ? Qui croit-il qu’il est ? C’est cela, n’est-ce pas ? Elle le fait bien ? Il faudra qu'elle commence par prétendre l'indifférence avant de ne pouvoir l'atteindre. Attaquer pour mieux se défendre, se persuade-t-elle et pour mieux protéger sa tribune. Car c'est de cela, dont il s'agit. Défendre son dernier papier, comme elle l'a longtemps appelé. Laisse-moi tranquille, Georgia, j'écris mon papier...

Fawley ouvre le bal, donc. Et puisque face à lui, elle se comporte comme une enfant, il se permet de la traiter comme telle, et lui demande si elle a bien réfléchi à ce qu’elle a fait. Pandora songe encore à sa mère, qui aurait pu lui dire quelque chose de similaire, avant de lui demander de tendre sa paume pour … *shlap*. Elle a dû mal à ne pas baisser le crâne, à ne pas offrir à la vue d’Ernest sa nuque obéissante comme elle l'aurait fait face à Prudence. Elle serre les dents. Il ne l’aura pas. Elle s’est suffisamment battue pour que cette tribune paraisse ; ça n’est pas lui, le petit Ernest Fawley, qui pourra se vanter d’avoir soumis Lady Parkinson quelques jours à peine après sa parution. Elle n’est qu’aux premiers jours de son escalade, elle en est certaine. Son ambition de Serpentard le lui susurre à l’oreille : elle tient sa revanche, le succès est là, au bout de ses doigts, elle ne peut pas laisser Fawley l’en priver.

Elle baisse les yeux, alors. Activement. Pas parce qu’il l’y force, mais parce que c’est la stratégie qu’elle choisit. Il veut la traiter comme une enfant ? Soit. Elle se fera petite fille, alors. Elle minaude un peu aussi, sans doute. Bat des cils. Elle n'a plus sept ans, ni même quatorze. C'est une jeune femme à laquelle on décrit quelques atouts ; pourquoi s'en priver ? Elle prétend, pour sûr, fait semblant de savoir ce qu'elle fait. Elle écarte les lèvres, alors, fait mine de chercher quoi lui répondre, repousse l’envie de porter un doigt à ses lèvres pour feindre la réflexion – elle ne veut pas non plus avoir l'air idiote. Il ne faudrait pas pousser le vice trop loin. Les yeux rivés sur le bois de la table, elle dit : « Tu as raison, Fawley. » Elle fait tourner son poignet, alors qu’elle relève la tête. Là, au bout de ses doigts, sa cigarette tourne elle aussi, créant une volute serpentine de fumée. « J'aurais dû mieux y réfléchir. J'aurais mieux fait de ne pas la publier, cette tribune. » Elle s’interrompt, parce qu’elle essaye de prendre un ton honteux, feignant la soumission. Elle n’y arrive pas. Elle est trop fière de ce qu’elle a fait. Alors elle reprend son souffle – c’est-à-dire, bien sûr, une bouffée sur sa cigarette, et elle plante son regard dans celui d’Ernest. « Pas chez Witch Weekly. C’était idiot. J'aurais dû la faire paraître à la Gazette, tu as raison. Pour toucher un public plus large. Son potentiel est ruiné, maintenant ... Quelle sotte fais-je. »

Et à nouveau, elle baisse la tête. Pour cacher son sourire.

Pandora attrape son verre, et cette fois-ci, sans son étayage, elle en boit une gorgée qu’elle avale bruyamment. Provocatrice. Puis, elle lève sa main, de façon à appeler leur serveuse. Celle-ci se dépêche d’accourir jusqu’à eux, la Parkinson a à peine le temps de faire rouler sa bague d’émeraude autour de son doigt qu’elle est déjà là. « Je vais vous prendre une Nesta, s’il vous plaît. » A nouveau, elle minaude. Sans le regarder, d’abord, mais non sans que ce ne soit tout à fait intentionnel. Elle se penche en avant, vers lui, fixant la serveuse, coude posé sur la table et cigarette quasiment entièrement consumée au bout de ses doigts vernis. Cette fois-ci, elle y a à peine touché, embarquée dans son jeu.

Finalement, elle cherche le regard du journaliste, à qui elle demande, feignant une dernière fois la docilité : « Et pour toi, Ernest, qu’est-ce que ce sera ? »


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Ernest C. Fawley

Ernest C. Fawley
Super vilain
hiboux : 41
Mer 31 Mar - 0:30
Une gamine. Une sale gamine.

Pandora jouait avec ses nerfs, le provoquait, le raillait.

Comme un enfant moqueur, bravant l’interdit, cette flamme de défi dans son regard face aux mines austères des adultes qui le regardent, qui le jugent, qui le condamnent, la désapprobation dans leurs yeux, leurs lèvres pincées, les narines froncées, les sourcils serrés, et lui avec ses grands yeux surpris, et rieurs, enflammés.

Dans une parodie de soumission, La jeune sorcière baissait la tête, délaissant quelques instants son verre pour prendre la posture d’une écolière mutine, une flamme mutine dans ses grands yeux rieurs. Elle le regardait, ironique, battant des cils, comme surprise par sa question, comme une enfant fautive prise sur le fait.

Une sale gamine.

La tête légèrement inclinée, les lèvres entrouvertes, comme dans un soupir à peine exhalé, suspendu le temps de chercher ses mots. Elle le défiait. Le narguait. Provocante. Laissant traîner ce silence narquois.

Et lui, acerbe, la regardait, le regard fixé sur elle, froid, sec, menaçant. Son comportement n’était pas digne d’elle, pas digne de celle qu’il avait guidée, pas digne de celle à qui il avait accordé sa confiance, elle le bravait ouvertement, elle le provoquait, cette sale garce insolente, et tandis qu’elle papillonnait, battant des cils face à lui, il bouillait, son ongle jouant sur le verre dans un mouvement nerveux, attendant qu’elle se révolte, ou qu’elle s’écrase, mais qu’elle parle, qu’elle ne laisse pas traîner l’affront, qu’elle déclenche ouvertement sa colère ou cherche à se faire pardonner. Mais qu’elle cesse ces jeux d’enfants. Le brouhaha alentour même commençait à l’irriter, froid, raide sur sa chaise, sa moustache à demi soulevée dans un rictus d’agacement.

« Tu as raison, Fawley. »

Il serra les dents. Cette voix de fausse culpabilité. Cette voix d’adolescente prise sur le fait, trop heureuse de mentir, trop heureuse de jouer la comédie de cette fausse soumission, de cette fausse obéissance. Il la connaissait juste assez pour deviner qu’elle poussait plus loin la provocation, qu’elle voulait le repousser plus loin dans ses retranchements, lui déclarer une guerre ouverte. Il sentait venir le coup lâche, le coup traître, faussement mielleux, fourbe, l’ironie acidulée de cette mioche trop heureuse de se rebeller.

La volute de fumée dessinait un quart cercle entre leurs deux visages. Lui désormais replié dans son fauteuil. Elle, la tête à peine redressée, faussement fautive, le regard toujours fuyant pour dissimuler sa mauvaise joie, le poignet cassé en arrière dans une posture de distinction empreinte, la braise de la cigarette luisant brusquement, ranimée par ce mouvement brusque.

« J'aurais dû mieux y réfléchir. J'aurais mieux fait de ne pas la publier, cette tribune. »

Il resta un moment indécis, interdit. Tout sonnait faux dans ce qu’elle disait. Elle ne pouvait pas lui mentir. Pas à lui, lui qui lui avait tout enseigné. Elle ne pouvait pas se dérober, elle ne pouvait plus fuir, se dissimuler. Elle avait abattu son jeu, les lettres serpentines calligraphiées sur le papier glacé. Et elle persistait à se tenir face à lui. Indolente, insolente.

Elle ne le craignait pas, elle ne le craignait plus. cela il ne le sentait que trop désormais, et cette pensée, fugace, l’inquiétait. Lui. Lui qui avait gravi les tous les échelons envers et contre tout, à la seule force de ses bras à lui, dans un monde tombant en ruine, en lambeaux. Il sentait poindre cette inquiétude sourde, et cette idée l’agaçait toujours plus, comme un aiguillon planté dans son abdomen, discret, douloureux.

Une bouffée de tabac. Il fit mine de ne pas être incommodé par l’odeur. Impassible. Ne pas lui laisser la moindre prise. Ne pas lui donner ce plaisir. Ne pas lui donner la moindre satisfaction. Il attendait. Immobile. Le regard fixe. Et elle plongea son regard dans le sien.

« Pas chez Witch Weekly. C’était idiot. J'aurais dû la faire paraître à la Gazette, tu as raison. Pour toucher un public plus large. Son potentiel est ruiné, maintenant ... Quelle sotte fais-je. »

Il y eu un bref moment de silence.

« Sale petite garce… »

D’un mouvement sec, Ernest avait lâché son verre pour porter la main à sa baguette. Il interrompit son geste juste à temps, jeta un regard circulaire autour de lui, comme une bête aux abois, acculée, essoufflée, la main un moment suspendue en l’air, indécise, juste un instant, avant de retomber mollement.

L’insulte était sortie dans un chuintement à peine audible sous le coup de la colère, entre ses dents serrées, le regard furieux, enragé. Il voulait hurler, hurler sur cette sale gamine, lui envoyer un sortilège, lui arracher des regrets, des excuses, la briser.

Elle osait. Elle osait l’attaquer lui. L’insulter lui. Sur son propre terrain. Elle, cette traîtresse à son sang, cette petite crétine. Et elle jubilait, elle jubilait, évidemment, elle qui baissait la tête de nouveau, qui se dérobait, trop heureuse de son coup.

Il aurait voulu la gifler, ici-même, au vu et au su de tous. La frapper. L’insulter.

La journaliste avait visé juste. Elle savait toucher ce qui lui tenait à cœur. Ce pour quoi il avait souffert, ce pour quoi il avait dû serrer les dents, tout sacrifier, tout donner, son temps, son énergie, ses maigres loisirs, et le reste. Et elle le faisait sans le moindre remord, sans la moindre considération, égoïste, insolente, toujours plus insolente.

Il ignorait si elle avait entendu l’insulte fuser, peu lui importait. Elle devait payer le prix de la trahison, le prix de la provocation, de l’abandon des siens, de son insolence. Il ne cachait plus sa fureur, à quoi bon ? Lui retirer ce plaisir ? Peu lui importait. Qu’elle triomphe donc, cette sale peste, qu’elle triomphe donc, il la ferait pleurer, il la détruirait, la ruinerait. Qu’elle paie le prix de l’encre versée sur ces pages, qu’elle le paie pour chaque exemplaire imprimé, pour chaque lecture, pour chaque discussion enflammée causée par ses mots, pour chaque doute qu’elle avait pu faire naître, pour faire revirement qu’elle aurait pu susciter, pour chacune de ces milliers de trahison nées sous sa plume à elle. Qu’elle verse une larme pour chaque goutte d’encre. Il la briserait.

Autour d’eux, le brouhaha les enveloppait de son souffle apaisant, de ses rires, de ses éclats de voix, de ses tintements de couverts, et les chocs des assiettes que l’on ramassait. L’ambiance chaleureuse du Petit Ogre. Le doux ronronnement du quotidien, qui sonnait faux, qui d’un seul coup se faisait trop bruyant, trop strident, presque insupportable. Ces bouches baveuses, ces mains grasses, ces mains pataudes, ces robes tâchées de sauce, et ces voix, ces voix idiotes, ces conversations absurdes qui lui tapaient sur les nerfs, et ce bruit de déglutition vulgaire, Pandora qui savourait son whisky, qui savait sa victoire, qui savourait son triomphe, sans se défiler face à l’arc courroucé de ses sourcils froncés.

Lui avait ramené sa main, machinalement, contre la paroi translucide de son verre, sans oser le porter à ses lèvres. Il bouillonnait, il ne savait pas quoi dire, les narines dilatées, avalant les jurons, retenant les cris, les insultes qu’il voulait lui envoyait à la face. Il lui fallait de l’air. Il lui fallait le silence. Il allait répliquer, il allait hausser le ton – déjà, le plus naturellement du monde, elle interpellait une serveuse, avec toute son élégance futile, artificielle, mondaine.

« Je vais vous prendre une Nesta, s’il vous plaît. »

Elle continuait sa comédie. Elle continuait la provocation. Il porta son verre à ses lèvres, bu une petite gorgée, le reposa. La brûlure, l’amertume de l’alcool le calmaient. L’irritaient. Il ne savait plus. Il avait soif de haine. Soif de provocation. Et elle le lui servait. Avec sa fausse amabilité. Avec sa fausse docilité. Sa fausse amitié.

« Et pour toi, Ernest, qu’est-ce que ce sera ? »

Il ne jeta pas même un coup d’œil à la serveuse qui, impassible, souriante comme une statue d’albâtre, patientait, debout à leur côté. Il n’allait pas lui faire ce plaisir. Il n’allait pas jouer la comédie. Il bougonna.

« Rien pour moi. »

D’un geste, il congédiait la salariée et son sourire factice, sans la moindre considération pour elle. Pourquoi en aurait-il ? Elle n’était rien elle non plus, elle rampait au bas de l’échelon social, à faire profession de potiche.

Il jeta un regard noir à la journaliste qui lui faisait face.

« Je ne mange pas avec celles qui trahissent leur sang. »

Il voulait se faire hautain, il voulait se faire cruel. Il ne savait comment se comporter. Il lui avait tout appris, à cette sale gamine. Il lui avait montré la voie, il l’avait encouragée. Et maintenant, il lui fallait nettoyer tout ça, tout détruire, tout nettoyer.

« Tu es fière de ce que tu as fait, tu te sens courageuse, eh ? A te révolter ainsi, contre les tiens, contre tout ton monde, non ? Tu te sens forte, de provoquer le monde ? »

Il était amer, sa moustache encore frémissante de colère, de mépris, de haine. C’est son monde, son monde à lui, qu’elle avait bousculé. Il but une brève gorgée, faisant tourner l’alcool dans son verre, devant son visage, dans un mouvement nerveux. Ne pas la lâcher. Ne pas lui laisser le temps de se défendre. Ne pas la faire sourire, ne pas la faire triompher.

« Ce n’est pas tous les jours qu’on accomplit un tel acte héroïque, eh ? Bousculer le monde ? »

Il ricana. Ne pas la laisser répondre. Ne pas laisser suspendues toutes ses questions rhétoriques, ne pas lui laisser d’ouverture, ne pas la laisser respirer.

« Tu n’es qu’une petite gamine égoïste, sans expérience, immature. A aucun moment tu n’as trouvé cela trop facile, n’est-ce pas ? Tu penses avoir bataillé assez, pour triompher, et avec gloire s’il vous plaît, avec les honneurs, avec triomphe ! Sale petite prétentieuse. Tu n’as rien fait. Tu n’as fait que gueuler avec la meute, tu n’as fait que crier dans le sens du vent, crier avec tous les autres, avec la majorité, avec le pouvoir, et ses aurors, et ses sangs-de-bourbes bien héroïques montrés en exemple par le Ministère, avec tous ses brigadiers. Il n’y aucun orgueil, aucune dignité à se laisser porter par ce courant qui détruit notre monde. »

Il lui faisait la leçon. Il détestait cela. Il se surprenait à commenter son travail comme il l’avait toujours fait. La haine. La colère en plus. Le mépris, aussi. Mais il se faisait, de nouveau, conseiller, professeur, pédagogue. Avec agacement, il reprit une lampée d’alcool, laissa le liquide doré brûler sa langue, se glisser dans sa gorge, comme une douce flamme. Ne pas la laisser parler. Ne pas la laisser objecter quoi que ce soit.

« Laisse-moi te dire une chose, Pandora. Tu viens de te faire beaucoup, énormément d’amis, tous bien placés. J’espère que tu en es fière. Parce que moi, je méprise ceux qui rampent, ceux qui courbent l’échine, ceux qui croient se révolter et détruisent ce qu’ils ont reçu en héritage pour mieux satisfaire leurs nouveaux maîtres. Mais crois-moi. Il reste encore des personnes qui savent ce que signifie l’honneur. Et il reste des personnes qui sauront te faire payer le prix de ta trahison. Et s’il le faut, tu peux en être certain, je ferais tout, tu entends ? Tout. Tout pour te faire regretter ton chiffon merdeux. Et moi aussi, moi aussi je te ferai payer ton égoïsme imbécile. »

Il but une autre gorgée, rebascula en arrière dans sa chaise.

« Moi, au moins, j’ai l’honnêteté de te prévenir. »

Il sentait sa baguette contre lui, la pointe cognant contre sa chair. L’envie lui rongeait de la sortir, de régler cela maintenant, sur le champ. De lui réservait le sort qu’alors on réservait à ceux qui trahissaient leur sang, en une autre époque, pas si éloignée. Alors, on savait ce que signifiait la tradition. Mais il y avait ce brouhaha, il y avait tous ces regards, il y avait tout ce monde autour d’eux, et cet autre univers autour d’eux, délabré, abâtardi, dégénéré.

Pas maintenant, Ernest. Pas maintenant. Elle paierait. Plus tard. Il se le promettait. Par un moyen ou par un autre.

P. Pandora Parkinson

P. Pandora Parkinson
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Mer 28 Avr - 19:05




ça fait mauvais genre
ft @Ernest C. Fawley, FB. 7 octobre 2003


« Sale petite garce… »

Les mots d’Ernest claquent dans l’air, comme les coups de baguette de sa mère sur ses doigts d’enfant. *shlap*. Pandora, elle, tend presque déjà ses paumes. Masochiste qu’elle est, comme quand elle a décidé de ne pas annuler ce déjeuner, alors qu’elle savait qu’elle s’y ferait insulter. Et il n’y est pas allé par le manche du balai. Garce … Combien de fois n’a-t-elle pas déjà entendu ce mot la qualifier ? Trop de fois, sans doute, mais puisque c’est Fawley qui le prononce, c’est pire. Elle fait la maline, tête baissée, petit sourire mesquin aux lèvres … mais c’est une façade travaillée, polie par des années d’expérience. Humiliée par sa mère, d’abord, puis par Draco, ensuite, elle sait faire. Elle connaît ce jeu-là, et d’aucuns diraient qu’effectivement, elle s’y complaît. Elle est habituée à l’obéissance, et à sa tangente : la punition, au moindre écart.

Mais c’est à cela, précisément, qu’elle s’est opposée quand elle a publié cet article. Au ploiement de genou irrésistible que réclame l’Enchanteresse, celui qu’implique l’installation sur ses Terres de Feu et, plus que ça, l’assouvissement à son joug. Pandora refuse de se laisser plus longtemps dicter sa pensée ; plus que ça, elle souhaite enfin pouvoir transmettre la sienne, et c’est précisément ce qu’elle a fait au travers de la parution de son article. Sous sa plume, c’est sa pensée, sa voix, qui s’est déployée. Elle a signé un de ses papiers par son nom, complet, pour la première fois de sa carrière journalistique, et a même eu le culot d’y ajouter son titre de Lady. Elle est d’ailleurs parvenue à le faire publier dans un magazine qui a toujours juré qu’il ne ferait pas de politique, contenu trop compliqué pour les pauvres petites sorcières auquel il veut s’adresser. Elle en est pourtant déjà certaine : les sorcières se jetteront sur l’exemplaire et les ventes exploseront. Peut-être pas autant que pour la couverture de Granger à l’avènement de sa Loi, mais au moins de façon qu’on ne licencie pas son auteure pour faute grave.

Ainsi, Pandora bascule entre ce masochisme inné et son irrésistible envie d’être entendue. C’est ainsi qu’elle choisit de ne pas répondre à Fawley, de faire mine qu’elle n’a pas entendu, après avoir sagement baissé la tête. Plutôt que cela, alors, elle fait venir la serveuse, commande à manger, et se promet que Fawley n’a aucune importance. Que comme tous les autres entre les ailes desquels elle se sent enserrée, par les sabots desquels elle se sent piétinée, il n’aura plus la moindre influence sur elle. Et alors qu’Ernest congédie la serveuse sans considération, elle écrase sa cigarette au fond du cendrier, impassible. Elle sait ce qui l’attend, et se prépare. Elle se recule un peu sur son siège, attrape d’une main nonchalante son verre de whisky et appuie la plante de son pied contre sa chaise. Ce faisant, elle permet à ses jambes de s’écarter davantage, et ainsi à son allure de se faire plus androgyne. Il lui semble qu’elle accueillera mieux, ainsi, les accusations vipérines du journaliste.

La première qui vient fouetter son air est celle d’avoir trahi son sang. Elle encaisse, avale sa salive, serre les dents. Lui ne fait que reprendre son souffle avant de poursuivre. Il lui demande si elle est fière, et alors, elle saute sur cette occasion pour sourire. Légèrement, sans dévoiler la moindre de ses dents, mais tout de même, elle sourit. Ça le rend fou, lui, comme ça la rendra folle, elle, l’Enchanteresse, de savoir la journaliste fière du grabuge qu’elle cause par la parution de sa tribune. Pandora se complaît à songer à cette image-là, d’imaginer qu’elle ait ainsi pu, même l’espace d’un instant, avoir eu l’ascendant sur la très fameuse Narcissa Malefoy. Et une gorgée de son verre vient brûler sa gorge à cette idée-là.

Fawley poursuit, se lance même dans une tirade, que Pandora s’applique à n’écouter qu’à moitié. Ça aussi, elle l’a acquis très tôt dans l’enfance. Sa capacité à anesthésier son ouïe de façon à ne pas entendre les logorrhées maternelles qui, trop souvent, venaient la critiquer. Son regard, aussi, se fait vide, mais certains mots résonnent dans son crâne.  Prétentieuse. Aucune dignité. Une nouvelle gorgée. En même temps qu’il le fait lui, remarque-t-elle, il doit ponctuer son discours d’une petite pause, sa langue le brûlant sûrement d’autant d’insipidités prononcées. Et puis il reprend, plus lentement, d’une voix plus grave, à laquelle elle a du mal à échapper. Il menace. Il lui jure qu’il la fera payer, et cette fois-ci, Pandora serre les dents. Son verre est vide, elle ne s’en est pas rendu compte, et maintenant, elle crève de soif. Ou alors, peut-être plus certainement, qu’elle crève d’envie de voir le liquide ambré glisser sur le visage déjà transpirant de son adversaire du jour…

Quoi qu’il en soit, son verre est vide. Elle le lève, alors, et le fait tourner, au bout de ses doigts vernis. Qu’on vienne le lui remplir, par Agrippa ! Car en face d’elle, Ernest l’accuse de courage, vil comme il est. Il sait qu’une vipère détestera qu’on la compare à un lion, car il est du même nid. Et pourtant c’est ce qu’il fait, lui reprochant même de mauvaises fréquentations au sang de boue. Et puis, plus que ça, il lui demande d’attendre ses rétributions. Comme si elle avait du temps, son temps, à perdre. Elle en laisse déjà suffisamment filer à lui accorder ce déjeuner, alors qu’elle n’a pas faim, et que lui non plus, manifestement. Qu’elle n’ait pas vraiment envie de se laisser insulter beaucoup plus longtemps importe peu, finalement. Elle a la carapace épaisse. Et puis, ce qui importe le plus, c’est qu’elle est fière, et il n’a pas manqué de le lui rappeler. Plus que ça, elle comprend que lui même ne parviendra pas à lui enlever cela. C’était sans doute ce qu’elle craignait le plus ; que sa tribune ne plaise pas, et qu’ainsi, elle finisse par en avoir honte. Elle se rend compte, ainsi, que ce n’est plus Ernest qu’elle cherche à rendre fier. Agrippa. Mais qui, alors ?

Connaît-il ce sentiment, lui ? Aime-t-il ce qu’il écrit ? Que produit-t-il, d’ailleurs, engoncé au même poste depuis quinze ans qu’il est à la Gazette ? Elle ne sait même plus. Elle le lit, pourtant, mais ça ne l’intéresse pas. Non, ne disons pas cela. Ça ne l’intéresse plus.

Et subitement, dans cette lumière cruelle, Ernest apparaît tel qu’il est : minable. Faible couleuvre inoffensive, recroquevillée dans la poussière.

Le verre de la sorcière disparaît de la table, vite remplacé par un nouveau. De la même façon, il est joint par sa salade, venant briser la solennité colérique du moment. Pandora n’a pas lâché son sourire, et il lui semble que cette prise de conscience lui a ouvert l’appétit. Elle se redresse, croise les jambes, se fait de nouveau féminine et reprend ses bonnes manières. La fourchette dans sa main gauche et le couteau dans la droite, elle glisse une première feuille dans sa bouche, cherchant par où commencer. Que lui répondre. Elle est lasse, déjà. « Qu’est-ce que tu vas faire, Fawley ? » Vraiment, elle n’arrive pas à se l’imaginer. Il y a telle une langueur qui émane du corps du moustachu, une telle léthargie, même, à laquelle elle ne parvient pas à s’identifier. « Je ne t’ai jamais vu, en trois ans que nous nous connaissons, prendre le moindre parti, tu ne vas quand même pas commencer maintenant. » Elle croque dans une gambas avec un appétit marqué, et fait mine de ne pas voir la mâchoire serrée de son collègue. C’est qu’elle commence à bien le connaître, maintenant. Il ne fera rien. Car si elle est courageuse, lui, il est lâche. « Je suis désolée de t’avoir déçu, Fawley. Vraiment. Je suis désolée que tu te sentes trahi » Un morceau d’avocat fond sous sa langue, qui apparaît entre ses lèvres. « Je comprends ce qui te met dans cet état. J’ai outrepassé ce que tu m’as appris. » Elle ne le dit pas, mais il l’entend, n’est-ce pas ? Ce qu’elle sous-entend, là, platement.

Que l’élève à dépassé le maître.  

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