Une adresse, un lieu de rendez-vous. C’est tout ce que l’on t’a donné par voie de hibou le matin même. Une adresse dans une enveloppe portant le sceau de l’ambassade Egyptienne. Tu n’as pas du faire beaucoup d’effort pour deviner d’où venait la lettre. Ton coeur a papillonné, papillonné si fort. Tu a serré le papier contre ton coeur, et pris la route pour rejoindre l’endroit. Malgré ta discussion avec @Erin McAllister, malgré les mises en garde de @Nasiya Abasinde, malgré la rencontre inopinée avec Lord @Melchior C. Fawley, lorsque tu as vu l’enveloppe, ton coeur a bondit et la bague que tu as gardée autour du doigt s’est comme embrasée. @Djouqed t’a répondu. Djouqed t’a entendu. Tu as appelé depuis le Londres Moldu pour demander un rendez-vous au nom de Mr. Lewis avec l’ambassadeur, précisant que c’était un dossier urgent. On t’a envoyé sur les roses, bien entendu, mais le lendemain même, tu as reçu cette enveloppe. Tu sais que Djouqed est derrière tout ça, et ton coeur frissonne d’expectative.
Alors tu as pris la route pour te rendre au lieu dit. Un hôtel luxueux t’attendait. Tu commences à connaître la chanson, as-tu pensé en voyant l’enseigne sobre, noire et or et les cinq étoiles briller obstinément dans la clarté des réverbères. Tu es entré, t’es approché du comptoir, as demandé une chambre réservée au nom de Lewis. En moins de temps qu’il n’en a fallu pour le dire, tu t’es retrouvé avec un badge dans la main et t’est engouffré pour le quatrième étage de l’immeuble. La lumière tamisée des couloirs t’a causé un frisson le long de l’échine et une drôle de sensation au creux de l’estomac. Tu devines ce qui se passera inexorablement au cours de la soirée, mais tu as besoin de parler à Djouqed. Trop de choses se sont passées. Nasiya, Melchior, Erin… Et surtout ta rencontre avec @Lucius A. Malefoy qui est loin, très loin de t’avoir laissé serein.
Tu ne sais même pas par où commencer, même pas quoi lui dire en premier. Alors tu as poussé un long et lent soupir, glissé la carte dans le lecteur et t’est engouffré dans la pièce. Tu as découvert une chambre d’hôtel spacieuse, luxueuse, bien plus que celle où tu t’est offert à Djouqed la première fois. Un coin de repos avec divans et fauteuils t’attends. Sur la table basse, une théière de laquelle montent les senteurs de l’orient, et à côté de cette théière, une silhouette bien trop connue dont les yeux te percent jusqu’aux tréfonds de ton âme. Alors pour te donner contenance, tu as enlevé ta veste, l’a soigneusement mise sur un cintre dans la penderie et t’est approché de lui plus lentement que tu n’aurais voulu. Tu t’es glissé derrière le canapé où il est assis, a laissé inopinément le dos de ta main effleurer sa nuque avant de t’installer sur un fauteuil à côté de lui. Une distance de sécurité bien nécessaire… Car la façon qu’il a de te regarder te fait fondre de l’intérieur.
– Bonsoir Djouqed, merci pour l’invitation.
Tu ne sais pas vraiment par où commencer. Toutes les voix résonnent dans ton esprit. Alors tu te lances en caressant machinalement du pouce la bague à ton doigt devenue une amante indispensable.
– Comment vas-tu ?
C’est une façon comme une autre de briser la glace, tu supposes. Et peut-être cela chassera-t-il de ta tête la tentation de le prendre dans tes bras et de te pelotonner contre lui. Qui aurait cru qu’un Euthanatos deviendrait ce qui se rapproche le plus de ce que tu considères comme un doudou ?
A peine quelques instants après qu’Uriel ait appelé l’Ambassade d’une cabine téléphonique moldue, une note échouait sur le bureau de l’ambassadeur. Si un monsieur Uriel Lewis appelle, ne lui donnez aucun rendez-vous mais indiquez moi directement son appel, avait-il demandé. Les secrétaires se doutent que ce Monsieur Lewis est un homme important, aussi se sont-elles exécutées immédiatement. Elles se sont empressées d’informer l’Ambassadeur de l’appel passé et l’ont laissé ensuite seul maître de ses rencontres avec ce jeune homme. Moldues, elles n’ont jamais entendu parler d’Uriel Lewis, les secrétaires. Le personnel sorcier de l’Ambassade est en réalité très restreint, constitué exclusivement d’Euthanatoi dans la mouvance des Zahab que Djouqed a pris soin de faire placer, petit à petit, depuis 1998, à l’Ambassade. Sa fascination pour le Royaume Uni et son rêve de faire ployer le genou à l’ancien colonisateur ne date pas d’hier.
Djouqed s’emploie donc à prendre un soin extrême de ses pions et de ses pièces sur l’échiquier. Uriel est de ceux-là, mais pas seulement. Ses sentiments pour le jeune homme sont étonnamment sincères. Il se sait fasciné, envoûté par cet ange blond qui a croisé sa route. Et il sait déjà que tout ceci ne peut se finir que de deux façons : la reddition ou la mort. Il est trop enivré de la présence du jeune homme pour accepter de le laisser partir. Il le sait, il le sent. Uriel pourrait être sa victoire comme causer sa perte. Alors il faut être prudent… prudent et féroce pour garder ce qu’il considère déjà comme sien.
Il a donc envoyé un lieu de rendez-vous à son amant. Un hôtel du meilleur goût. Djouqed a aussi autre chose dans sa poche intérieure. Une clef. Un appartement de fonctions moldu qu’il n’utilise pas. Il espère pouvoir le prêter à Uriel pour lui offrir un asile s’il devait se cacher des journalistes du monde magique, mais il ne sait comment Uriel pourrait interpréter ce geste. Il la garde sur lui depuis quelques jours, obnubilé à l’idée d’avoir ce lieu, pour Uriel et lui seuls. Il a un double soigneusement rangé dans ses affaires. Il sait qu’ils pourraient tous deux avoir un havre de paix par ce biais avant qu’Uriel ne soit prêt à intégrer sa famille. Son clan.
Il a rêvé plusieurs fois d’une folie. Uriel, le corps orné des tatouages de sa tradition. Une folie dont il ne parvient pas à se débarrasser. Il sait que cela ne prendra sans doute pas place dans cette vie-ci… ou peut-être que si, après tout. Qui sait à quoi pourrait s’astreindre quelqu’un d’assez fou, ou désespéré ? Mais il veut chérir aussi la pureté d’Uriel… C’est à ce cruel dilemme que réfléchit Djouqed en attendant Uriel dans la chambre d’hôtel où il l’a convoqué. Bel Uriel, pur Uriel… ou bien Uriel déchu, ange de la mort né des cendres d’un monde détruit ? Les deux possibilités font frissonner Djouqed bien plus qu’il ne s’y attendait. Aussi est-il fébrile lorsqu’il entend le badge biper dans l’entrée de la chambre et qu’il voit la silhouette familière du jeune homme. C’est la deuxième fois, seulement, qu’ils se retrouvent, et Djouqed se sent pourtant déjà immédiatement détendu par la seule présence du jeune homme à ses côtés. Un pion magnifique. Un amant féroce. L’Euthanatos se sent dangereusement proche de se mettre à se soucier du jeune homme et de son bien être. A qui ment-il ? Il a déjà commencé à s’attacher à lui, il le sent.
La paume d’Uriel lui effleure la nuque. Un frisson dévale l’échine de l’Ambassadeur. Cette rencontre ne pourra pas s’achever chastement si son amant continue de chercher à le séduire de la sorte. Il l’observe : Uriel a l’air agité, mal à l’aise. Il s’est passé quelque chose. C’est une certitude qui frappe le coeur de Djouqed. Reste à savoir quoi, exactement.
« Bonsoir Djouqed, merci pour l’invitation. Comment vas-tu ? »
L’Ambassadeur commence par servir une tasse de thé à Uriel et la pousser vers lui sur la table basse avant de se caler à nouveau sur son divan, jambes croisées. Il envisage Uriel, soupèse son regard, scrute son visage. Il perçoit la solennité du moment, il devine qu’Uriel a peut-être des doutes. Ils ne se connaissent, à vrai dire, pas assez pour qu’il s’abandonne aveuglément. Alors Djouqed sait. Il sait que les prochains instants seront déterminent. Sa voix grave roule dans le silence.
« Bonsoir Uriel. Je t’en prie. Tu as bien fait d’appeler à l’Ambassade, j’ai demandé aux secrétaires moldues de systématiquement me prévenir si un certain « Uriel Lewis » devait appeler. Je suis là pour toi, Uriel, tu le sais. Je serai toujours là quand tu en auras besoin. »
Il sourit, pose les coudes sur ses genoux et se penche en avant pour mieux voir son amant, pour mieux se rapprocher de lui. Il tend la paume et effleure le dos de la main d’Uriel la plus proche dans une caresse aussi légère qu’un rêve. « Je vais bien, et toi ? Je sens que quelque chose te préoccupe. Je peux t’aider, si tu veux. »
Il se veut rassurant, enjôleur. Il sait qu’il y arrive d’ordinaire assez bien, mais Uriel lui fait perdre tous ses repères. Il ne veut pas se montrer trop insistant. Seulement être là de façon inconditionnelle pour lui. Pour celui qui les asservira tous ces anglais, conquerrera leurs terres et règnera sur leurs familles… en tous cas il a certainement déjà commencé la conquête de son coeur.
A l’instant même où tu es entré dans cette chambre d’hôtel, tu t’es senti comme à la maison. La présence de Djouqed t’inquiète et t’enivre en même temps. Tu voudrais te perdre contre lui, dans ses étreintes, sous ses caresses, et pourtant, tu sais que si vous êtes là tous les deux, ce n’est absolument pas pour vous adonner à ce genre de folie mais bien pour tirer au clair ton implication avec cet homme. Car Erin comme Nasiya ont réussi à ébranler ton parfait petit rêve, Melchior, pis encore, a réussi à faire rejaillir dans ta mémoire tous ces passages qui dénoncent la sodomie et l’amour homosexuel ; Pourtant, ce que tu ressens pour Djouqed est fort, si fort. Une fascination diabolique. Car peut-être est-il le Malin caché sous des traits enjôleurs ?
Tu l’écoutes. Sa voix t’électrise l’échine. Tu prends la tasse qu’il t’a servi et la porte à tes lèvres. Tu es bizarrement ému d’apprendre que tu as un passe droit à l’ambassade au bureau de Djouqed. Cela te fait quelque chose de savoir qu’après un rendez-vous seulement, il pense déjà à toi de la sorte. Tu n’arrives pas à savoir exactement ce qui fait battre ton coeur. Le fait qu’il se soucie de toi de façon évidente, qu’il prenne la peine de parler de toi à des secrétaires, ou qu’il accoure comme ça. Tu sais que tu as un coup de coeur qui n’est pas rationnel pour cet homme, mais tu ne peux pas t’en empêcher. Tu ne peux pas t’empêcher d’être attiré par lui comme un papillon par une flamme. Et ses petits gestes tendent à te montrer que, peut-être, le coup de coeur est réciproque. Cela t’envoie de drôle de sensations dans l’estomac. Alors tu avales ton thé, tu tressailles quand il s’approche de toi et fonds au simple effleurement de ses doigts sur ta peau. Tu as l’impression d’être revenu au temps des premières amours adolescentes. C’est affligeant.
Tu t’efforces de te contrôler quand tu reposes ta tasse, mais c’est si difficile. Tu sens ta résolution s’effriter… Tu sens quelque chose au fond de toi s’agiter. Tu as tellement besoin d’être réconforté, choyé. Tu le sens. Tu résistes à l’impulsion d’aller t’asseoir sur ce canapé, à côté de Djouqed, pour retrouver la chaleur réconfortante de ses bras. Il faut tirer les choses au clair d’abord, c’est le plus important.
– J’ai croisé un « ami » à toi, Djouqed. Nasiya Abasinde.
Tu tournes sa bague autour de ta phalange, tu portes ta main libre à ton doigt et défait lentement l’anneau que tu poses sur la table.
– Il a reconnu la bague. Il a su qui se cachait derrière elle. Et si lui l’a reconnue, il n’est sans doute pas le seul.
Sur ton doigt, tu as l’impression qu’il manque quelque chose. Tu t’es habitué a l’étreinte familière de l’or sur ta peau. Tu essaies de ne pas y penser, de ne pas penser à ce que tu es en train de faire. Car tu as réfléchis, tu dois en avoir le coeur net. Tu dois avoir des certitudes.
– Est-ce que tu essaies de me manipuler, Djouqed, pour je ne sais quel complot politique ? Qu’est-ce que tu faisais dans ce bar ? Est-ce que tu es tombé sur moi par hasard ? Est-ce que c’était prévu ? J’ai besoin de le savoir. j’ai besoin de savoir si je ne suis qu’un pion sur ton échiquier ! Est-ce que tu m’instrumentalises, Djouqed ?
Tu es si désespéré que cela s’entend dans ta voix. Tu t’es levé d’un geste brusque. Tu t’éloignes du fauteuil, tu vas vers la fenêtre, observe à travers le rideau la vie qui bat son plein en contrebas. Tu le connais depuis si peu de temps, et tu es déjà chamboulé par lui, par sa présence, par tout son être. Ta voix s’élève à nouveau, tu essaies de dissimuler ton trouble.
– J’ai rencontré Lucius Malefoy, aussi. Il m’est tombé dessus dans la rue. J’ai besoin de savoir quelles sont tes intentions, Djouqed. Je ne veux pas être un pantin entre tes mains. Je ne devrais même pas… la première fois…
Tu réprimes un sanglot qui te comprimes le coeur. Tu sais ce qu’il te reste à faire. Ce que Dieu te commande de faire même si ça te fend le coeur. Mais toute cette histoire est trop… trop folle. Trop tout. Tu sais ce qu’il faut faire : te resaisir avant de sombrer. Au diable la vengeance, tu l’as vu ramper, brisé, à tes pieds… Au diable toute cette folie, ce n’est pas dans ta religion.
– Je ne peux pas, désolé. Je ne peux pas aimer un homme, je ne peux pas coucher avec un homme. Je ne peux pas tuer Lucius Malefoy, aussi salaud soit-il, je ne peux pas faire ce genre de choses. Je ne suis pas un monstre, bon sang !
Tu te retournes brutalement avec l’envie folle de partir.
Les ennuis commencent. Rien d’étonnant. Djouqed observe Uriel, il voit sa contenance se fendiller à vue d’oeil. Il est jeune, Uriel, l’ambassadeur a tendance à l’oublier un peu trop souvent. Jeune. Si jeune. Il ne peut qu’avoir toutes les difficultés du monde à affronter des situations stressantes comme celle qu’il vit actuellement. Alors il écoute, il scrute, et lorsque la tasse tremble entre les doigts d’Uriel avant de revenir se lover sur la table, il sait que son amant va parler.
Djouqed lève un sourcil. Nasiya… Qu’est-ce que Nasiya a pu aller lui raconter ? Une mise en garde, peut-être ? De quoi se mêle-t-il ? A dire vrai, Djouqed est plus amusé que courroucé. Il commence à entrevoir où tout ce récit va mener. Il est, quelque part, heureux que Nasiya plutôt qu’un autre ait agit de la sorte…
« Il a reconnu la bague. Il a su qui se cachait derrière elle. Et si lui l’a reconnue, il n’est sans doute pas le seul. »
Djouqed voit l’anneau d’or briller sur la table, retiré du doigt d’Uriel. La perte semble intolérable pour lui. Sa marque sur ce corps, sa protection sur ce corps. La bague est un signe, un symbole. Il semblerait qu’Uriel l’ait finalement compris. Quelque part, cela n’en rend les choses que plus passionnantes. Djouqed s’est déjà disputé avec ses épouses. Peu fréquemment, mais c’est déjà arrivé. C’est dans sa nature d’exiger en premier, de se heurter à un mur, et de revenir à la raison. Cela se passera sans doute ainsi aussi avec Uriel. Car peu lui tiennent tête, et ceux qui le font gagnent son respect… ou son agacement.
« Est-ce que tu essaies de me manipuler, Djouqed, pour je ne sais quel complot politique ? Qu’est-ce que tu faisais dans ce bar ? Est-ce que tu es tombé sur moi par hasard ? Est-ce que c’était prévu ? J’ai besoin de le savoir. j’ai besoin de savoir si je ne suis qu’un pion sur ton échiquier ! Est-ce que tu m’instrumentalises, Djouqed ? »
Il s’est levé, manifestement au bord des larmes. Djouqed prend sa décision en un claquement de doigts. Il se penche pour prendre la bague délaissée au creux de sa paume, l’effleure avec douceur et se lève à la suite de son amant. Il se tient derrière lui, capture ses silences autant que ses paroles, devine son désarroi, ses doutes. Et ils sont douloureusement nombreux.
« J’ai rencontré Lucius Malefoy, aussi. Il m’est tombé dessus dans la rue. J’ai besoin de savoir quelles sont tes intentions, Djouqed. Je ne veux pas être un pantin entre tes mains. Je ne devrais même pas… la première fois… »
Il ressasse, perdu. Djouqed l’écoute, jusqu’au bout, le coeur battant dans la poitrine. Il a rarement été aussi ému au cours d’une dispute, rarement été aussi touché par l’évidence d’un désespoir. Mais depuis le début, Uriel lui retourne la tête sans qu’il ne se l’explique, faisant ressortir tout ce qui peut rester d’humain au fond de ce coeur de glace. Djouqed est habitué à manipuler et à n’aimer que ses semblables, ses égales, ses épouses. Elles seules ont su toucher les entrailles du serpent et lui arracher un peu de chaleur humaine. Et il s’était résolu à ne jamais connaître cette sérénité grisante avec qui que ce soit d’autre. Jusqu’à Uriel.
« Je ne peux pas, désolé. Je ne peux pas aimer un homme, je ne peux pas coucher avec un homme. Je ne peux pas tuer Lucius Malefoy, aussi salaud soit-il, je ne peux pas faire ce genre de choses. Je ne suis pas un monstre, bon sang ! »
Lorsque son amant se retourne enfin, Djouqed l’attrape, en douceur, l’attire dans ses bras, fermement. Il ne veut pas le blesser, mais il veut qu’il l’écoute. Alors il parle. Sa voix basse vibre d’une émotion contenue. Il se sent fragile, Djouqed, lorsque cela touche Uriel. Fragile en permanence d’avoir le coeur trop rempli pour cet homme qu’il connaît à peine. Mais Uriel a remué quelque chose au fond de lui.
« Uriel, écoute-moi, je t’en prie. Je ne veux pas te manipuler, ni toi, ni tes actions, ni tes sentiments. Je me soucie de toi, je tiens à toi. En deux jours de temps tu as réussi à te frayer un chemin dans mon coeur comme personne ne l’avait fait auparavant. Je t’ai promis de ne jamais rien te cacher, alors je vais tenir parole. Viens, reviens t’asseoir, discutons, et si tu veux toujours partir, alors tu le feras, mais je refuse de te laisser sortir de ma vie sur un quiproquo. »
Il l’attire doucement vers le coin salon de la chambre, l’invite à se rasseoir d’un regard implorant. Il se sent si impuissant, Djouqed, si fragile en présence d’Uriel.
« Je ne sais pas ce que Nasiya t’a indiqué à mon sujet mais je l’imagine très bien. Je suis un homme dangereux, un euthanatos qui trempe dans des affaires peu claires. C’est partiellement vrai. C’était vrai, en tous cas, à l’époque où Nasiya m’a côtoyé lors d’une de ses visites au Caire. C’était une autre époque, une époque où la position politique de ma famille n’était pas aussi assurée qu’à présent et où l’Egypte était en proie à un jeune système politique se mettant doucement en place. L’instabilité conduit souvent à des actes douteux, terribles, parfois. Je ne te l’ai pas caché : j’ai été un mercenaire, j’ai pris des vie quand la situation l’exigeait et je me doute qu’un homme comme moi doit être bien loin de ce que tu fréquentes d’habitude. »
Il a le coeur tremblant, menaçant de jaillir de sa poitrine.
« Ma présence dans ce bar n’était pas tout à fait le fruit du hasard, il est vrai. Je te cherchais. J’avais vu ton visage et ton histoire dans le journal, et tu m’as fasciné. Je voulais t’aider, je veux t’aider. Ne le comprends-tu pas, Uriel ? Ce n’est pas moi qui mène la danse, ici et maintenant. C’est toi. Si tu veux tuer Lucius Malefoy, je le ferai pour toi. Si tu veux le livrer à la justice, je le ferai aussi. Si tu veux simplement oublier et le laisser filer, je respecterai ton choix, quelque qu’il soit. Je ne veux que ta tranquillité d’esprit, ton bonheur. »
Même si cela lui coûterait beaucoup que de laisser filer son atout. Il a besoin de fortifier sa place auprès de Potter, il a besoin d’avancer ses pions et mettre à genoux les colonisateurs pour le bien de son pays. Mais il ne veut pas le faire aux dépends d’Uriel. Il ne veut pas sacrifier cet ange sur l’autel d’une gloire éphémère.
« Uriel, regarde-moi, s’il te plaît. »
Il essaie de capter son regard, attend que cet ange lève les yeux vers lui.
« Aimer un homme ne fait pas de toi un monstre, Uriel. Ça ne fait pas de toi quelqu’un d’immoral ou d’anormal. N’as-tu pas aimé le temps que nous avons passé ensemble ? Ne t’es-tu jamais senti attiré par des hommes ? Ou des femmes ? Ou les deux ? Tes attirances ne définissent pas si tu es bon ou mauvais, Uriel. Il y a des hommes mauvais qui ne jurent que par les femmes, des hommes bons qui ne jurent que par les hommes. Qui t’a mis ces idées en tête ? Pourquoi penses-tu que c’est anormal ? »
Il a trop d’hypothèses, pas assez de certitudes. Une religion ? La société moldue ? Sorcière ? Une expérience traumatisante ? Mais il est là, il est là pour que le jeune homme se débatte avec ses démons et il sera là pour l’aider à démêler les fils de son être. La bague s’est réchauffée dans ses paumes, alors il attrape la main d’Uriel et la glisse dans sa paume. « Même si tu ne veux pas la porter, elle t’appartient, Uriel. »
Et avec elle, tous les sentiments de son ancien propriétaire.
Tu t’es retourné pour fuir, tu es tombé nez à nez avec Djouqed. Tu veux lui échapper, c’est lui que tu cherches à laisser derrière, sur ta route, pour te préserver. Pourtant, lorsqu’il glisse ses bras autour de ton corps, tu ne te dégages pas. Au contraire, tu plonges, tremblant, vers lui, et tu laisses ses yeux capturer les tiens. Tu l’écoutes. Il sait où sont tes doutes et y répond, presque avec une précision chirurgicale. Il laisse de côté Malefoy, et Nasiya, et tout le reste. Il ne parle que de ses sentiments pour toi qui font si bien écho aux tiens pour lui. C’est insoutenable, presque. Tu sens ton coeur se retourner en l’écoutant, tu sens ton cerveau te hurler qu’il dit tout ce que dirait un manipulateur. Et pourtant tu as envie, tu as besoin de le croire. Alors tu te laisses guider, avec douceur, et tu reviens vers le coin salon installé dans la chambre. Tu te rassieds à la place que tu as quittée si vivement, et tu le laisse parler. Encore et encore.
A chaque mot qui sort de sa bouche, tu sens quelque chose s’apaiser dans son coeur. Il est franc, il ne te cache rien de ce qu’il est, de ce qu’est sa tradition. Il ne te cache pas avoir les mains souillées de sang. Tout cela, tu le sais déjà. Ça t’effraie et ça t’attire. En temps normal, tu ne serais pas aussi fasciné par ce type de personnage, et pourtant, l’alchimie a pris, se déploie dans ton âme. Tu n’arrives pas à détacher les yeux de ses tatouages, et le son de sa voix te porte. Tu mènes la danse, dit-il. Tu te rends compte que tu as peut-être autant de pouvoir sur lui qu’il en a sur toi. Le lien qui vous unit est naissant. Dangereux, retors, mais naissant seulement. Il ne cache pas les circonstances de sa venue dans ce bar, les circonstances de votre rencontre, de vos nuits d’abandon. Tu fixes ses mains. Et tu lèves enfin les yeux lorsqu’il te le demande. Tu es frappé du tourment d’émotions que tu arrives à y lire. Il a l’air si fragile, si éperdu. Si humain.
Et ses mots. Chacun de ses mots te frappe la mémoire. Tu sens un malaise grandir dans ton estomac, une boule d’émotion monter dans ta gorge, les larmes t’embuer les yeux lorsqu’il te dit, et c’est le premier à te le dire, qu’aimer un homme n’est pas un problème. Tu aimes les filles aussi, tu le sais. Tu crois le savoir, en tous cas. Tu te souviens d’avoir tremblé d’amour pour tes précédentes compagnes, et tu te souviens aussi de ton unique expérience avec un garçon avant Djouqed. Un baiser, un unique baiser lors d’une soirée trop arrosée. Un baiser qui t’a mené directement chez le pasteur… « à la confesse » comme auraient dit les catholiques. Tu te souviens de ces heures, de ces jours, mortifié, à pleurer, à te tourmenter. Tu te souviens de l’étreinte silencieuse de ton père qui t’a consolé mais sans te dire pour autant que c’était normal. « ça va aller ». Son laïus. « ça va aller ». Tu ne doutes pas qu’il a du être soulagé lorsque tu t’es mis à fréquenter une fille presque immédiatement après cet épisode.
Et Djouqed. Djouqed a fini par débouler dans ta vie. Djouqed à qui tu t’es donné le premier soir, le deuxième aussi. Djouqed qui place dans ta paume l’anneau qu’il t’avait passé au doigt. Tu trembles. Tu le contemples. Tu n’arrives pas à parler, les mots sont bloqués dans ta gorge. Alors tu te lèves et tu te jettes dans ses bras, la bague coincée dans ta paume. Tu te loves contre lui en tremblant, et ces larmes qui montent sans vouloir couler. Il n’imagine pas, peut-être, la portée de ses mots. Est-ce que c’était ça, ton vrai problème ? Que ça soit un homme ? Que ça soit un euthanatos ? Que ça soit un tueur à gages ? Que ça soit cet homme fascinant, irrésistible, pour lequel tu veux bien te faire pantin entre ses mains. Tu loves la tête sur son épaule, essaies de reprendre contenance. Tu n’as jamais ressenti une attirance aussi forte et aussi rapidement pour quelqu’un. Cela tiendra-t-il dans la durée ? Tu n’en sais rien, mais à cet instant là, lové dans ses bras, penché sur lui, tu n’as pas vraiment envie de te poser la question. Tu écartes les jambes pour faire passer les siennes entre les tiennes, et tu t’agenouilles sur le canapé jusqu’à reposer sur lui pour mieux l’enlacer, mieux écouter son coeur. Et tu restes là, tu le chevauches, tu le serres contre toi, et tu essaies de calmer ton souffle pour ne pas te mettre à pleurer. Combien de temps restez-vous ainsi ? Tu n’en sais rien, mais tu finis par t’écarter légèrement de lui, tes mains sur ses épaules, ton corps contre le sien, tes cuisses écartées autour de lui. Tu sens le feu te monter aux joues. Ça a été un coup de folie que de venir ainsi contre lui, mais maintenant que tu y es et que tu as repris contenance, tu ne peux pas vraiment ignorer à quel point tout ceci est affreusement… érotique ?
Tu as le visage empourpré, mais tu restes là. Tu ne veux pas quitter l’obsédante douceur de son corps. Alors tu te penches sur lui pour l’embrasser. Tes mains se joignent sur sa nuque et tu glisses à nouveau ton doigt dans cette bague. Tes lèvres s’unissent aux siennes. Tu sens le goût de sa peau contre la tienne, et tu explores sa bouche de ta langue. Tu ne veux que lui. Tu veux te rassurer. Si vraiment tu avais fait le mauvais choix, pourrais-tu être là, contre lui et sentir cette folle sensation de désir naître au creux de ton ventre alors que tu te presses contre son corps ?
– Je suis désolé d’avoir douté de toi, Djouqed.
Tu lui murmures entre deux baisers. Un souffle, juste un souffle avant que tu ne t’empares à nouveau de sa bouche. Tu laisses une main sur sa nuque, glisse l’autre entre vos corps pour effleurer sa poitrine. Trop de tissus te sépare de sa peau. Tu poses le front contre sa gorge, son épaule, et tu te perds dans les effluves de son parfum.
– J’ai grandi dans la foi anglicane, les pasteurs… les curés catholiques… la Bible… personne n’est très ouvert à l’homosexualité…
Tu raffermis ta prise, glisses ton torse contre le sien et l’enlace. Ta voix vibre d’émotion, se brise dans un hoquet de détresse.
– J’ai grandi en croyant que Dieu punissait le meurtre et les sodomites, et regarde nous... regarde moi moi… je t’aime, Djouqed.
Et ça te fait mal, tellement tu l’aimes. Ça te fait peur, ça te creuse la cervelle d’une douleur insoutenable.
L’ambassadeur est déboussolé lorsque se jette dans ses bras Uriel. Son Uriel. Cet Uriel qui, en moins d’un mois, a creusé un terrier profond au fond de son coeur. Il l’enlace presque aussitôt, le tient contre lui. Il cherche à comprendre, incapable de saisir exactement tout ce qui peut se passer dans l’esprit d’Uriel. Qu’est-ce qui a provoqué une telle réaction ? Qu’est-ce qui a été le déclencheur ? L’anneau ? Sa confession ? Son laïus sur l’amour homosexuel ? Son honnêteté sur les circonstances de leur rencontre ? Djouqed cherche dans ces souvenirs frais le moment où tout a basculé jusqu’à précipiter Uriel contre lui, à califourchon sur ses jambes, lové dans ses bras. Pas que la sensation lui déplaise, loin de là. Avoir Uriel contre lui, à chérir, à aimer, est toujours un don du ciel. Mais il aimerait comprendre.
Alors il attend, Djouqed. Que peut-il faire d’autre ? Il caresse ce dos d’une paume, effleure son épaule, glisse sur sa colonne vertébrale, pose un baiser sur sa joue. Il le tient contre lui, Uriel. Ses doigts finissent par se perdre dans les boucles blondes du jeune homme et il l’enlace comme si sa vie en dépendait. Un souffle d’air, voilà ce que représente, entre autres choses, la présence d’Uriel à ses côtés. Parce qu’il est jeune. Parce qu’il est anglais. Parce qu’il n’est pas de sa tradition.
Il le sent bouger contre lui. Une main du jeune choriste vient se perdre contre sa joue, dans son cou, et son ange l’attire contre ses lèvres. Djouqed se laisse guider, répond avec tendresse au baiser initié par son amant. Il raffermit sa prise sur le corps d’Uriel, le laisse mener la danse et savoure chaque seconde passée avec lui. Il n’a pas fui. L’ambassadeur sent son estomac papillonner de joie. Uriel n’a pas fui. Et il veut lui faire sentir du bout des lèvres tout l’amour, toute la révérence qu’il a pour lui. Qui aurait pu croire en venant au Royaume Uni pour venger ses ancêtres qu’il trouverait quelque chose d’au moins aussi précieux que la ruine d’une couronne destinée à tomber.
« Je suis désolé d’avoir douté de toi, Djouqed. J’ai grandi dans la foi anglicane, les pasteurs… les curés catholiques… la Bible… personne n’est très ouvert à l’homosexualité… J’ai grandi en croyant que Dieu punissait le meurtre et les sodomites, et regarde nous... regarde moi moi… je t’aime, Djouqed. »
Et après le vertige de leur baiser qui a laissé Djouqed le coeur tambourinant, voilà Uriel lové à nouveau contre lui, visiblement insensible à l’effet qu’il a sur l’euthanatos. Alors Djouqed écoute attentivement ce qu’il lui dit, et il a tôt fait de deviner tout ce qui a pu passer par la tête d’Uriel. Il a tôt fait aussi d’imaginer d’où vient cette explosion de soulagement. L’ambassadeur glisse la paume sur la joue de son amant et plonge ses yeux dans les siens. Il se sent nu et comblé en même temps. Uriel l’aime.
« Uriel, écoute-moi. Nous n’avons pas la même religion, c’est vrai. Et je ne comprends sans doute pas totalement ce qu’ont pu être tes tourments, mais tous les dieux valorisent l’amour. Tous. Et ce quelques soient les genres. Ce sont les hommes qui font les religions, les divinités qui font la foi, ne commets pas l’erreur de prendre la parole des hommes pour une loi divine. »
Il laisse ses lèvres papillonner sur la peau d’Uriel, caresser sa joue, effleurer sa bouche avant de céder et d’embrasser le jeune homme contre lui. Entre deux baisers, il lui glisse des mots qu’il pense entièrement et absolument, dont il ressent la force au moment même où il les prononce.
« Je t’aime aussi, Uriel. »
Djouqed a toujours été de ces hommes passionnés, qui donnent rarement mais donnent entièrement, absolument. Ses deux premiers mariages ont été du même genre de coup de foudre que celui qu’il a pour Uriel. Et il sait désormais que des quatre compagnes que le Coran lui autorise légalement, il ne restera désormais plus qu’une place. Peu importe qu’il ne puisse officiellement épouser Uriel, le lier à lui par des liens sacrés, il lui gardera toujours cette place là au fond du coeur, il le sait. Alors il l’embrasse avec toute la passion, toute la fougue, toute la sensualité dont il est capable, comme si demain ne devait jamais exister.
Les instants d’éternel se succèdent alors que tu savoures la présence de Djouqed contre toi, les caresses de ses paumes sur ton corps, le murmure de sa voix tout contre ton oreille. Tu te loves dans la chaleur de son corps, t’abandonnes à cette douceur, cette sérénité qui naît de ses mots. Il t’aime. Ton coeur bat si fort alors que tu le presses dans tes bras, tout contre toi. Le feu de la passion répond au vertige du sentiment. Tu murmures à nouveau.
- Je t’aime tellement, Djouqed.
Un souffle lové contre sa gorge. Tu n’as pas pu le retenir. Tu ne peux plus retenir cet aveu et le défaire de ses couleurs d’interdit passionnel. Tu restes là, dans ses bras, à respirer les notes boisées de sa peau. L’encens, la myrrhe, l’or. Tu veux bien croire que les Rois venus d’Orient célébrer la naissance du sauveur aient eu sur leur carne cette même odeur de luxe et de désert. L’appel de l’orient t’embaume l’esprit alors que tu te coules contre lui pour t’emparer de ses lèvres le temps d’un ultime baiser avant de te glisser dans le canapé près de lui, dans ses bras, sans jamais lâcher ton étreinte sur son corps. Tu pourrais rester là, blotti contre lui, pour l’éternité.
Il se passe un long moment pendant lequel tu ne veux pas parler, tu veux juste rester là, profiter du réconfort de sa présence, de la douceur de son corps contre le tien, de l’ivresse de son odeur contre ta peau. Et puis il te faut bien finir par parler. Tu le sais. Car il y a beaucoup de raisons qui t’ont poussé à venir le voir. A l’appeler. La première, c’est cet homme qui a détruit la vie de ta mère.
– Je n’ai eu de cesse de croiser, encore et encore, des gens qui m’ont conforté dans ma volonté de venger ma mère. J’ai vu Lord Melchior Fawley il y a peu. Il était si horrifié… Il m’a proposé de m’aider. Il siège au Magemagot,
Tu laisses ta joue reposer contre son torse. Tu parles lentement, tu cherches à reconstituer les pièces du puzzle. Et autour de ton doigt, le serpent te protège.
– Il y a eu Daphné, aussi… Daphné Greengrass. La sœur d’Astoria qui est… pendant l’attentat de septembre... Elle leur en veut terriblement, aux Malefoy. Elle les blâme pour la mort de sa sœur. On ne peut pas tellement lui donner tort… Si Astoria n’avait pas épousé Malefoy junior elle n’aurait sans doute pas été là.
Tu te redresses un peu pour regarder ton amant, les yeux songeurs. Tu lèves la main pour effleurer sa joue, sa peau, sa gorge nue où dansent des lettres cyrilliques. Tu commences à lui relater ton entrevue avec Malefoy. Tout. Par le détail. Comment Malefoy t’a transplané loin de chez toi, sur les terres de feu. Votre dispute. La façon dont tu l’as frappé. L’arrivée de Drago et la confrontation finale avant que tu ne transplanes loin d’eux.
– Que dois-je faire ?
Ta voix tremble un peu. Tu te sens perdu.
– Il avait l’air si brisé… Je ne veux pas le plaindre, je ne devrais pas éprouver de compassion pour un monstre comme lui, et pourtant… Que puis-je faire ? Je ne veux pas le tuer. Je veux que justice soit faite. Je veux lui arracher son nom, sa famille. Je veux faire disparaître les Malefoy. Comment puis-je à la fois le livrer à la justice et le convaincre de faire de moi son héritier pour détruire le nom Malefoy ? Je ne suis qu’un fils bâtard, jamais je ne serai reconnu comme légitime, même si ce n’est que le temps de démanteler l’empire Malefoy….