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Le prix des âmes [Theodore]
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

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Ven 22 Mai - 23:24
Le prix des âmes
24 Septembre 2000

Arpentant le monde depuis plus d’un an et demi, tu as décidé qu’il était temps de faire une petite pause, de rentrer au bercail. La tribu te manque. Ta mère et ta grand-mère surtout. Tu ne resteras pas longtemps. Un mois tout au plus. Plus longtemps, tu saturerais. Tu n’es pas faite pour la vie trop sédentaire. Nomade comme les ancêtres fondateurs à l’exception qu’ils fuyaient la menace occidentale alors que toi, tu l’épouseras bientôt. C’est également l’une des raisons de ton retour. Tu te dois d’annoncer tes fiançailles avec Luke à ta famille. Il a demandé ta main en Avril dernier. Bien sûr, tu as accepté. Mais avant, il fallait que tu demandes la bénédiction des Lwas à la Prêtresse du village. Loin toi l’idée de fâcher les dieux et aïeux. Ton compagnon, n’ayant pas nécessité à être présent aux différentes cérémonies et prières vaudou auxquelles tu devais assister, a préféré rester chez lui, à Londres. Ce serait mentir que d’affirmer que sa décision de ne pas rencontrer ton peuple tout de suite ne te déçois pas. Pourtant, tu peux comprendre. Tous ces voyages ont été épuisants et vous avez, tous les deux, bien besoin de vous ressourcer auprès de vos proches respectifs.

Tes proches à toi, ils ont choisi de t’exploiter un peu tant que tu serais présente.  Ils ne sont pas nombreux ceux à parler autre chose que le yoruba. Et parmi les quelques rares anglophones que compte ta tribu, tu es celle qui maîtrise sans nul doute le mieux cette langue. C’est la raison pour laquelle on t’a demandé de jouer les émissaires et les traductrices. Plus tôt dans l’année, trois reliques ont été retrouvés. Cachés dans les combles du manoire Babajaro, c’est l’une de tes nombreuses cousines qui en a fait la découverte en jouant à cache-cache. Après un examen minutieux, la Cheffe a décrété que ces objets étaient chargés d’une vieille magie. Trop ancienne, trop méconnue. Prendre le risque de les utiliser pourrait être dangereux. Pour autant, elle n’a pas pu se résoudre à les détruire. Le cas contraire n’aurait été que blasphème.

Plusieurs personnes ont été contacté afin que vous puissiez vous débarrasser de ces artefacts. Mais personne n’en a voulu. La magie vaudou fait rire. Elle n’est pas prise au sérieux, aussi puissante et réelle soit-elle. Tu as d’ailleurs une sainte horreur du dédain que peut inspirer ta culture à des sorciers d’horizon différent du tien. Ce n’est qu’en ce mois de Septembre que la tribu reçoit une réponse positive à la vente. Probablement grâce à toi de surcroît. Tu n’avais fait que mentionner le nom “Barjow&Beurk”. Cette boutique, tu ne la connais pas. Et tu connais encore moins ses employés ni même s’ils sont fiables. Luke a simplement mentionné ce nom quelques fois, toujours avec un profond dégoût. Tu n’as jamais posé de question sur son mépris pour ces antiquaires. Peu importe à vrai dire. Aujourd’hui, ils te sont utiles, à toi et à ta tribu, et c’est tout ce qui importe.

Envoyée pour escorter votre invité jusqu’au village, c’est à une distance raisonnable du portoloin que tu l’attends. Il n’est ni en retard ni en avance. Pile à l’heure comme espéré. Autour de vous, il n’y a rien d’autre qu’une plaine. Mais tu restes sur tes gardes, prudente. Sait-on jamais. Le moyen de transport utilisé par le jeune anglais n’est pas vraiment des plus réglementaires. Tu lui adresses un sourire de politesse avant de le saluer une fois à sa hauteur. « Monsieur Beurk je présume. Je suis Nia Babajaro. On m’a chargée de vous conduire au village. » C’est sans donner plus de détails que tu lui tournes le dos pour te mettre en route. Peut-être s’attendait-il à ce que tu lui apportes directement les objets ? Et bien non. Ce n’est pas possible. Personne ne veut se risquer à courroucer l’un des Lwas en faisant sortir son artefact de ses terres. Mais tout ça, il n’a pas besoin de le savoir.

Le trajet n’est pas long. Cinq à dix minutes tout au plus. C’est face à une pierre que tu t’arrêtes finalement. Elle n’a, d’apparence, rien de spéciale. Un rocher comme tous les autres qui l’entoure. Pourtant, si l’on s’approche d’un peu plus près, si l’on est plus attentif, on peut y voir une gravure. Il s’agit du vévé d’Ayizan. Lwa dont le nom signifie “Terre sacrée”. C’est elle qui protège le village depuis deux siècles. L’une de tes mains se pose sur le roc chaud à cause du soleil qui cogne dans le ciel. Tu invites l’anglais à faire de même. Une fois la tâche exécutée, c’est un mot de passe dans ta langue maternelle, le yoruba, que tu prononces dans un murmure. Un vent se lève et balaie l’enchantement. Le village se dévoile alors sous vos yeux. « Bienvenue chez les Zierbawa Monsieur. » Le sourire qui étire tes lippes est plus sincères que le précédant. Rares sont les étrangers qui ont pu un jour poser un pied ici.

Les lieux sont étonnamment modernes. L’ancien manoir colonial, aujourd’hui demeure de ta famille, surplombe le reste des bâtiments par sa hauteur. Les rues sont animées par les rires des enfants. Ces derniers fixent le jeune homme avec un intérêt certain. Ils n’ont jamais vu de personnes blanches avant lui et cela a le don de titiller la curiosité qui les anime. Quand les uns se cachent de l’inconnu, les autres suivent ses pas, imitent sa gestuelle. Si bien que tu te vois obligée de les gronder pour que ces petits monstres déguerpissent dans les jupes de leurs mères. Ils n’auraient, de toute façon, pas pu avancer plus loin puisque vous arrivez face à la grande bâtisse dans laquelle vous entrez. La décoration y est particulière. Les portraits des anciennes prêtresses sont accrochés sur les murs. Elles fixent le brun elles aussi. Certaines d’un air réprobateur, d’autres semblent bien plus aimable. Seule Zalena, prêtresse originelle, reste neutre. Elle ne s’abaissera pas à regarder un homme occidental.

C’est une petite femme trapue qui vous rejoint dans le hall du manoir. Aïssata est ta tante. Celle qui deviendra cheffe. Celle qui l’est déjà un peu tant l’actuelle est âgée. Elle se présente promptement, s’agitant jusqu’à vous. Entre ses doigts potelés, elle porte un plateau d’argent qu’elle dépose délicatement sur la table au centre de la pièce. Ce n’est pas le plateau qui est intéressant, mais les objets qui y sont déposés soigneusement. Ton index fin pointe chacun des objets alors que tu en fais la description. « Le talisman porte le vévé de Mami Wata. Tant que le porteur reste fidèle à lui même et à ses convictions, probablement à la personne qui partage sa vie aussi, il sera sous la bénédiction de Mami Wata. Par contre, elle le maudira à la seconde même où celui ci aura rompu une promesse. Cette pièce est frappée, d’un côté par le symbole de Marinette et de l’autre par celui d’Ayida Wedo. En général, on peut l’utiliser pour poser des questions aux Lwas. Si la pièce tombe sur Marinette, le chemin emprunté - par exemple - est dangereux, sinon il est sans risque. Le dernier artefact est une boîte que l’on ne peut, ni ne veut ouvrir. Baron Samedi protège son contenu. Ou nous protège du contenu. Il se peut que l’objet à l’intérieur soit maudit. » Silencieuse après ton monologue, tes yeux sont posés sur l’anglais. Tu le laisses toucher, examiner, regarder à sa guise. Tant qu’il est respectueux avec ces reliques, tout ira bien.
(c) DΛNDELION


1255 mots

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Sam 23 Mai - 1:44

le prix des âmes
- 24 septembre 2000 - @Nia Babajaro



Il n’y a pas un bruit dans la boutique, en dehors du cliquètement de l’aiguille de la montre de Beurk. Le vieillard a les yeux rivés dessus. A ses côtés, Theodore se tient droit, une main serrée sur la poignée d’une sacoche en cuir légèrement usée, l’autre tendue devant lui, à quelques centimètres d’une botte élimée. Cela fait huit jour que la date de son voyage a été fixé et que le portoloin a été créé, il n’est pas question de manquer son départ. Pour éviter toute erreur d’inattention, le voyage se fait un dimanche après-midi, alors que la boutique est fermée aux visiteurs, et ils sont deux à suivre des yeux l’aiguille des secondes, tandis qu’elle parcourt inlassablement le tour du cadran, sans jamais varier.
Cela fait seulement un mois qu’il a rejoint Barjow et Beurk et pourtant, c’est le troisième voyage qu’il effectue pour eux. La première fois, il s’était rendu en Serbie, dans un petit village aux murs blancs sur les rives du Danube, afin d’y récupérer les canines d’un vampire. Puis en Tunisie, récupérer l’urne où d’après la légende, un Djinn avait un jour élu domicile. Cette fois-ci, la botte l’emmènera au Nigeria, non loin de Port Harcourt, et c’est à peu près tout ce qu’il a besoin de savoir sur sa destination. Il sait qu’on l’attend sur place, qu’il ne doit pas céder plus de mille deux-cent gallions pour la vente, et qu’une fois l’échange conclu, il devra revenir sans s’attarder.
Beurk lève soudain une main, mais Theodore est déjà prêt. Il regarde l’aiguille de l’horloge du magasin qui, bond par bond, s’approche du douze. Lorsqu’elle effectue son dernier saut, son doigt se baisse pour se poser sur le cuir doux et vieilli de la botte.

La première chose qui le heurte alors que ses pieds entrent en contact avec le sol, c’est la chaleur écrasante qu’il règne dans l’atmosphère. Le soleil brille haut dans le ciel, écrasant ses rayons ardents sur son visage clair, brûlant ses yeux pâles peu accoutumés. La seconde chose, c’est l’absence. Autour de lui, tout n’est qu’horizon et vide à perte de vue. Il s’attendait à voir une ville proche, à un village, à une maison, à quelque chose. Mais rien. Alors il lève le menton, ferme les yeux, ouvre ses narines et inspire profondément, pour laisser un long soupir filer entre ses lèvres. La sueur froide qui lui couvre le dos colle sa chemise à sa peau, le rafraichissant presque. Lorsqu’il ouvre les yeux, il n’est plus seul.
La jeune femme qui lui fait face est à peine plus âgée que lui et lui sourit en se présentant. Il lui rend son salut en inclinant brièvement la tête sans lui rendre son sourire.
« Alabaster Estias Beurk. Je vous suis. »
Il a remarqué que plus le long qu’il donne est long, moins les gens le retiennent. Plus les syllabes se ressemblent, moins les gens le comprennent et plus ils l’oublient. Et se faire oublier, c’est précisément ce qu’il veut. Il emboîte le pas à sa guide, concentré sur sa respiration. Cette plaine l’angoisse, il ne peut pas s’enfuir. Bien sûr, il pourra toujours retoucher la botte pour rentrer, mais sans les objets, pas de prime. Salazar sait pourtant qu’il en a besoin de cet argent.

Quelques minutes à peine après avoir commencé à marcher, il sent la sueur couler sur son front et ses cheveux se plaquer sur son crâne. Ses vêtements noirs captent toute la chaleur de l’après-midi tandis qu’il avance, suffoquant dans l’air mortel. Le climat plus frais de l’Angleterre lui manque déjà. Caché sous sa manche longue, il sent la baguette plaquée contre son avant-bras. Il voudrait l’utiliser, un mot seulement et la fraîcheur d’un vent doux viendrait lui envahir le visage. Mais il ne peut pas. La magie laisse des traces, et il ne peut pas se le permettre. Les seuls sortilèges qu’il s’autorise sont ceux qui lui permettront de vérifier que les reliques qu’il vient chercher sont authentiques, et là encore, cette baguette qu’il utilise n’est pas la sienne. Il ne sait pas à qui elle appartient, mais elle lui obéit, et c’est le principal.

Alors qu’ils marchent dans vers l’horizon vide, sans destination apparente depuis presque dix minutes, la jeune femme s’arrête finalement. En face d’elle, une pierre qu’il n’avait pas vue et sur laquelle elle pose sa main, l’invitant à faire de même. Sans hésiter, il l’imite, effleurant de ses doigts le dessin gravé à sa surface. Il l’a déjà vu, ce dessin, alors qu’il faisait les recherches concernant ces mêmes objets qu’il vient chercher. Il en est certain, mais il ne se souvient plus de sa signification. Alors qu’il fouille sa mémoire, la ville se dessine autour de lui, les rues apparaissent, les murs s’élèvent, les silhouettes frémissent dans la chaleur brûlante, et quelques secondes plus tard, le grouillement de la vie l’entoure. L’ombre fraîche d’un bâtiment s’étend sur lui et il ferme les yeux, appréciant ce répit soudain. L’horizon a disparu, il respire.
Le reste du trajet se fait dans le silence. Il ne fait pas attention aux enfants qui lui emboîtent le pas, mais il n’aime pas ça. En Angleterre, il est invisible, ici tout le monde le remarque. Il aurait dû penser au Polynectar, mais maintenant il est trop tard. Ce n’est qu’à l’abri des murs de la plus grande des demeures que l’inquiétude qui le serre se relâche légèrement. Ici, il n’y a que les yeux des portraits pour l’espionner. Des femmes uniquement. Il songe avec ironie que chez lui, ce ne sont que des hommes dans les portraits. Les tableaux de femmes sont dans le salon des femmes. Il ignore ces regards qui ne sont pas tous bienveillants, et se focalise sur les objets que la petite femme vient d’apporter. Elle parle d’un anglais approximatif, mais il ne l’écoute déjà plus, trop fasciné par les reliques qui trônent devant ses yeux.

Il ne connait pas bien la magie vaudou. Lorsqu’il a eu vent de l’annonce de la vente de ces objets, c’est l’intuition qui l’a poussé à en parler à Beurk. Ce n’est qu’après avoir envoyé le hibou qu’il a commencé ses recherches poussées. Et si ce qu’il a découvert s’avère juste, ils pourraient en tirer un excellent prix, et sa commission n’en serait que meilleure. Alors que la jeune femme lui explique les pouvoirs de chaque artefact, il sort ses lunettes pour mieux les examiner, évitant soigneusement de les toucher. Ne jamais exposer sa peau nue à un objet inconnu. La brûlure sur son majeur gauche est là pour le lui rappeler.
La première relique est intéressante pour deux raisons. La première, c’est qu’elle se vendra bien. Il voit déjà son acheteur, ou plutôt son acheteuse. Il s’agira d’une femme riche, désireuse de se garantir la fidélité de son époux volage. La seconde, c’est que le charme qui emplit ce talisman ressemble au Serment Inviolable. Transférer les effets d’un Serment Inviolable sur un objet, c’est quelque chose qui mérite qu’il s’y intéresse. S’il pouvait réussir à copier le charme… Mais jamais Barjow ne le laissera faire. Cet objet est trop précieux pour qu’il prenne le risque de laisser son apprenti l’examiner et peut-être l’endommager. Barjow le dit souvent, du haut de ses vingt ans, Theodore est bien trop ambitieux et bien trop confiant dans ses capacités. Mais lui sait qu’il peut le faire. Il faudrait juste qu’ils lui en donnent les moyens. La seconde pièce est aussi intéressante, c’est celle qui partira le plus rapidement, car celle qui présente le moins de risque. Honnêtement, il ne crois pas vraiment en son pouvoir. De la simple superstition, comme certains croient aux cartes ou aux feuilles de thé. Mais il la prendra quand même. En revanche, la troisième lui fait froncer les sourcils. Si ce que la Nia Babajaro avance est vrai, c’est peut-être l’objet qui s’avèrera le plus insolite, et par conséquent celui avec le plus de valeur.

Il est également possible que tous ces objets soient des babioles sans aucun pouvoir, et que la jeune femme cherche à l’escroquer. Mais il y a des moyens très simples de s’en assurer. Il se tourne vers la jeune femme et la regarde, la détaillant pour la première fois. C’est curieux de trouver ici une personne qui parle si bien anglais, alors que la plupart des habitants qu’il a vu ne semblent pas capables d’aligner trois mots. Mais cela ne veut pas dire qu’il peut lui faire confiance. Il se penche pour ouvrir sa sacoche et en tire une paire de gants qu’il enfile, avant de faire un signe en direction des objets. Après avoir obtenu l’accord pour les manipuler, il considère les reliques un instant. Il ne veut pas prendre le talisman, alors il commence par la pièce, la plus inoffensive en apparences. Il la lève et la fait tourner entre ses doigts, examinant les gravures qui frappent ses faces.
« Pourquoi est-ce que vous voulez vous en défaire ? »
Il ne comprend pas pourquoi autant de tribus, de clans, de communautés cherchent à se débarrasser d’artefacts manifestement anciens et chargés de magie. Puis il pense à la quantité d’objets précieux qui se trouvaient cachés dans le manoir et qu’il a dû vendre pour survivre. Ces gens sont probablement dans le même cas que lui, au final.
« Le talisman. Est-ce qu’il faut le porter autour du cou pour en subir les effets, ou l’avoir sur soit suffit ? Dans sa poche, par exemple. »
Ce qu’il veut vraiment savoir, c’est est-ce qu’il peut le transporter sans risque.


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Sam 23 Mai - 17:14
Le prix des âmes
24 Septembre 2000

Vendre ces objets était, pour toi, une hérésie. Ils étaient la propriété des Zierbawa. Celle des Babajaro. Et l’idée seule qu’un autre sorcier, probablement de bas étage, peut-être même l’un de ces nés non-magique, puisse en être le propriétaire t’écoeure profondément. Tu as bataillé pour pouvoir les garder. Tu as promis de t’en occuper avec respect. De prier les Lwas. De leur rendre hommage. Mais les femmes les plus influentes de la tribu ont toutes refusé catégoriquement. On te dit irresponsable, aveugle, quant tu veux simplement conserver ton patrimoine. Tu n’es pas bête. Pas complètement. Tu comprends bien leurs inquiétudes. Or, tu n’es plus une petite fille fragile. À un mois de tes vingt-deux ans, tu es assez adulte pour gérer ces objets. Assez puissante aussi. Tu n’es que naïveté Nia. La prêtresse, sorcière la plus forte, refuse d’y toucher. Et toi, tu espères pouvoir les emmener à l’autre bout du pays en toute impunité ? Jeune idiote.

Tu n’as pas vraiment eu d’autres choix que de te plier aux volontés du conseil. On ne te voyait déjà pas d’un très bon oeil à cause de ton sang et de ta tendance à ne pas rester longtemps au pays. Tu n’aspires pas à attirer plus de problèmes à ta chère mère. Et c’est pour réparer un peu tes années folles, celles où tu as été tout simplement insupportable, que tu as accepté de les aider pour la transaction. Aussi douloureux soit-ce pour ton petit coeur de voir ces objets, dont tu ne connaissais pas l’existence quelques mois plus tôt, être vendu à un anglais sans doute ignare et hermétique à ta culture.

Les artefacts lui sont présentés un à un. Le talisman de fidélité. La pièce divinatoire. La boîte au contenu inconnu. Le jeune homme pointe les objets et, une fois ton accord donné, s’empare de celui qui semble le moins redoutable des trois. « Ces reliques sont sans aucuns doutes plus vieilles que la tribu elle-même. La magie qu’elles renferment est trop ancienne, trop incertaine pour qu’on prenne le risque de les garder. Mais on ne peut pas non plus les détruire ni les sortir du village. Les dieux pourraient être contrariés. » Expliques-tu calmement. Les Lwas pourraient y voir là une trahison. Qu’ils maudissent ta famille est bien la dernière chose dont tu as envie. C’est aussi cet argument qui t’a fait lâcher l’affaire sur ton désir de les prendre pour toi. « N’ayez crainte, vous ne risquez rien à les emporter avec vous. » Enfin ça, c’est ce qu’affirme ta tante, ce que tu t’es contentée de traduire. Elle a raison, probablement. Elle s’y connait bien mieux que toi après tout. Aïssata est catégorique alors que toi tu aurais donné plus de nuances. Il ne risque sûrement rien mais que cela ne l’empêche d’être précautionneux. Enfin. Ce ne sera bientôt plus ni ton problème, ni celui de ta tribu. Ce qui peut lui arriver en dehors de vos terres t’importes assez peu au final.

À la seconde question du brun, elle se tourne vers toi, ta tante, un air d’incompréhension déforme ses traits ronds. Tu te vois obligée de traduire. Après tout, tu es là pour ça. On t’a quand même flanqué d’une baby-sitter. Comme si tu n’étais pas capable de conclure la vente seule, et surtout de façon honnête. C’est dire toute la confiance que l’on te porte. Elle répond. En Yoruba évidemment. Et te voilà à jouer les interprètes. « L’avoir sur soit suffit. Cependant, les effets sont bien moins puissants qu’en le portant autour du cou. D’ailleurs, se débarrasser de l’amulette ne rompra pas la malédiction si infidélité il y a. » Ce genre de talismans ne sont plus fabriqués chez les Zierbawa, jugés trop dangereux, trop maléfiques. Pourtant, tu as quand même eu l’occasion d’en observer dans d’autres tribus, d’autres civilisations. Tu as pu en voir les effets. Ils sont divers et variés. Malchance, infertilité, pauvreté, maladie. Mami Wata est impitoyable avec les infidèles.

(c) DΛNDELION


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Sam 23 Mai - 21:02

le prix des âmes
- 24 septembre 2000 - @Nia Babajaro



La pièce tourne entre ses doigts, brillante. Son apparence n’a rien de particulier, mais elle reste belle. Certain pourraient vouloir la posséder uniquement pour l’esthétique qu’elle dégage, et pour la satisfaction de pouvoir dire aux autres C’est une ancienne relique divinatoire Yoruba. Le nom fleure l’exotisme et le mystère, il fera briller les yeux des plus naïfs et la convoitise des plus ignorants. Et le propriétaire de la pièce se gorgera d’orgueil, ravi d’avoir acheté cette babiole chez Barjow et Beurk et de la faire passer pour plus qu’elle n’est réellement.

La réponse que la jeune femme à sa question ne le satisfait pas, et il referme ses doigts sur la pièce avant relever ses lunettes sur son front et de regarder en direction de son interlocutrice. Il n’aime pas cette approximation, la question était claire, la réponse se contredit. Il plisse les yeux, attentif au moindre détail des mots prononcés par sa guide. Il sait qu’il est en position de faiblesse, en territoire inconnu, plongé dans une culture qu’il ne connait pas. En cas de doute, il vaut mieux ne pas conclure la vente du tout et rentrer sans les objets. S’il se trompe et dépense l’argent de Barjow et Beurk dans de fausses reliques, non seulement il est sûr de perdre son travail, mais il devra en plus rembourser la somme qu’il a perdu, et il sait pertinemment qu’il n’en a pas les moyens. Il s’agit donc de faire preuve d’une prudence accrue.
« On ne peut les sortir du village, et pourtant vous êtes prêts à me les laisser les emmener jusqu’en Angleterre ? Vos dieux sont indécis. »
Il n’aime pas ces voyages. La pression qui s’abat sur ses épaules à chaque fois qu’il quitte le pays l’épuise. Chaque seconde lui demande une concentration excessive pour ne pas risquer l’erreur. Il ne doit pas se tromper dans sur les objets qu’il examine, il ne doit pas se tromper dans le prix qu’il offre, il ne doit pas commettre d’erreur en se déplaçant, chaque mot qu’il prononce doit être minutieusement calculé, chaque sort qu’il lance risque de laisser une trace. Et cette chaleur, par Salazar. Il s’essuie le front de sa manche, nerveux. Si la prime que lui donnait Beurk pour ses voyages n’était pas aussi conséquente, il refuserait probablement de les faire. Mais à sombral donné, on ne regarde pas les dents, et à chaque fois il s’exécute.

Même si la fille affirme qu’il n’y a aucun risque à ce qu’il dérobe ces reliques à leurs terres, il reste dubitatif. Les malédictions vaudous ne sont pas à prendre à la légère, et Merlin sait que les adeptes de cette magie sont fourbes et trompeurs. Ils aiment jouer sur les mots dans leurs formulations, ils nuancent toutes leurs promesses et il y a toujours un vice caché dans leurs serments. Devant lui, les deux femmes se parlent dans leur langue, l’excluant de la conversation, et il se raidit. Il n’a aucune confiance en cette tribu. La petite voix aiguë de la prudence lui murmure de fuir, mieux vaut rentrer penaud que rentrer perdant, mais celle de la convoitise, plus chaud, plus enrobante, le pousse à rester. Il pose ses yeux sur la petite femme plus âgée, celle qui ne parle pas anglais. Que fait-elle ici ? Beurk avait parlé d’un unique contact, et voilà qu’elles étaient deux face à lui. Elle ne parle même pas sa langue, mais elle a l’air d’en savoir plus que la jeune femme au sujet des reliques.

Il hoche la tête en écoutant la réponse de la jeune femme. En transportant ce talisman jusqu’en Angleterre, il prend déjà un risque. Le trajet n’est pas long, certes, en une heure à peine il se retrouvera dans la boutique et pourra se débarrasser de ces objets et de leur magie sournoise, mais c’est une heure suffisante pour que tout puisse arriver.  Il repasse rapidement tous les livres qu’il a lu sur les traditions de ce peuple, leurs dieux, leurs cultes. En temps normal, il aurait cherché à contacter un historien de la magie spécialisé dans le vaudou, mais tout s’était fait trop vite. A peine en avait-il parlé à Barjow et Beurk qu’ils avaient  déjà envoyé leur réponse, et il n’avait eu qu’une semaine pour effectuer ses recherches. Tout ce qu’il n’avait pas pu déterminer de lui même, il allait devoir l’obtenir de ces femmes, en espérant pouvoir leur faire confiance.
« C’est beaucoup trop vague. De quel type d’infidélité parlons-nous ? Est-ce que le simple fait de penser à une situation d’infidélité suffit, ou est-ce que seul le passage à l’acte déclenche la malédiction ? »
Il hésite. Ce petit objet est probablement le plus dangereux des trois. Le coffret ne présente aucun risque tant qu’on ne l’ouvre pas, si tant est qu’il contienne bien un objet maudit, tandis que ce talisman… Le simple fait de l’avoir dans sa sacoche peut lui porter préjudice. Une pensée de travers et le voilà maudit. Les événements ne vont déjà pas en sa faveur ces derniers temps et il n’a certainement pas besoin de s’attirer les foudres d’une divinité vaudou.

La pièce est toujours dans sa main, réchauffée par sa paume. Peut-être devrait-il s’en remettre aux superstitions des Zierbawas. Doit-il faire confiance à ces femmes et acheter ces reliques ? A défaut d’avoir un réel pouvoir, peut-être la pièce l’aidera-t-elle à prendre une décision. Marinette, danger. Ayida Wedo, et la voie est sûre. Heureusement qu’il est tombé sur les symboles de deux Lwas au cours de ses recherches, sinon il aurait été incapable de discerner les deux. Il lance la pièce d’une impulsion du pouce et la suit des yeux pendant qu’elle tournoie dans les airs avant de la rattraper et de la plaquer sur son poignet.


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Dim 24 Mai - 0:12
Le prix des âmes
24 Septembre 2000

Il pinaille. S’attarde sur des détails sans importance, sans utilité. S’il relève chaque formulation de phrase légèrement approximative que tu évoques, il n’a pas fini. Tu parles bien anglais certes mais elle n’est tout de même pas ta langue maternelle et il arrive parfois que tu n’arrives pas véritablement à décrire ce que tu penses. « Vous ne faites pas partie du “on” Monsieur Beurk. » Affirmes-tu alors. « Vous n’êtes pas de notre peuple ni même un vaudou me trompé-je ? » Question rhétorique, tu sais bien que tu as raison. Tout en lui hurle le bon petit anglais. L’enfant élevé à Poudlard peut-être. Comme Luke. Ces gens là ne connaissent quasiment rien des autres cultures sorcières du monde. Ils sont égocentriques, persuadés que leur magie est la seule valable, que les autres ne sont que figurations. Parfois, ton fiancé tient ce genre de discours, clamant que tu ferais bien mieux de troquer ton médaillon pour une baguette. Que c’est beaucoup plus pratique. Plus conventionnel aussi. Qu’on te remarquera moins. Tu détestes ça. « Sauf votre respect mais les Lwas n’ont que faire de vous. En revanche, si c’était moi qui les emmenais en Angleterre, ce serait vu comme une trahison. L’or que vous offrirez en échange de ces artefacts seront des offrandes. » Tu ne relèves cependant pas la réflexion qu’il ose faire concernant vos dieux. Tu n’as pas nécessairement apprécié ce jugement. Si tu étais seule, tu l’aurais probablement envoyé balader. Peut-être même annulé la vente. Mais tu n’es pas seule. Et ta tante veille au grain. Rien ne doit venir perturber la transaction et encore moins ton mauvais caractère.

La chaleur ambiante n’est pas un problème pour toi. Tu as grandi avec pire. Ce sont les températures d’Angleterre que tu trouves, au contraire, bien trop froides. Si bien que tu ne te rends compte d’à quel point l’atmosphère doit être pesante pour le brun que lorsqu’il s’essuie le front du revers de la manche. Ah ces européens ! Luke est pareil, il ne tient pas longtemps sous les chaudes journées des continents du sud. « Si vous aviez chaud, il suffisait de demander. » Ton pouce droit effleure le médaillon qui décore ton cou et y trace un cercle. Le nom d’un sortilège est murmuré. Aussitôt, une légère brise fraîche se lève dans la pièce. Elle caresse ton visage et il faut avouer qu’elle est plutôt agréable.

D’autres questions sont posées. Des questions légitimes auxquelles tu tentes de répondre au plus proche de la réalité que possible. « Et bien, on parle ici de promesse rompue, d’adultère, d’un changement d’allégeance. Si c’est vague c’est simplement parce que ce mot regroupe beaucoup de chose. La fidélité c’est, notamment, l'honnêteté et la loyauté. » Tu lui expliques avec calme. Son comportement t’agace quelque peu. Il semble chercher la moindre petite bête pour ne pas acheter. Et pourtant tu le comprends un peu. Beaucoup de reliques vaudou sont fausses. Ils sont nombreux à fabriquer des artefacts bidons afin d’escroquer les plus naïfs. Ta culture étant plutôt méconnue, il est aisé de mentir, de jouer la carte de la sincérité alors qu’elle n’existe pas. « Les pensées ne comptent pas fort heureusement ! Si l’on peut contrôler nos actes, notre esprit est bien plus furtif. Je suis certaine que vous comme moi, avons déjà eu des idées considérées comme traîtresse par nos pairs. On en a tous. Tant que qu’on ne passe pas à l’acte, tout va bien. » Et c’est précisément pour cette raison que tu ne peux pas porter ce talisman. Quitter la tribu pour épouser un anglais, même avec l’accord des Lwas et du conseil, est considéré comme une infidélité, aussi injuste soit-ce. Tu aurais pu utiliser ton exemple pour lui expliquer. Mais raconter quoi que ce soit de personnel à un inconnu te donnerait presque des frissons.

Aïssata s’impatiente. Elle ne comprend pas pourquoi l’anglais met tant de temps à se décider. Surtout à repartir. Elle rouspète dans son coin et tu es obligée de la réprimander toi même. L’hôpital qui se fout de la charité. Elle qui a passé son temps à te pourrir l’existence et à te disputer, à cet instant précis les rôles sont inversés. Quand le jeune homme lance la pièce, ses yeux s’écarquillent. Elle grogne que ce n’est pas un jouet mais tu ne te donnes pas la peine de traduire ses propos médisants. Elle veut que tu fasses des efforts pour que tout se passe bien mais c’est elle qui fera tout rater. Et dire qu’elle est censée être l’une des femmes les plus sages du village. Quelle tristesse qu’elle ait hérité de la place de ta mère dans la haute société de votre tribu.

Un air amusé se dessine sur ton visage alors que ton regard fixe Alabaster. A-t-il décidé de soumettre la vente à la volonté des Lwas ? Ou bien a-t-il demandé quelque chose de plus précis, plus personnel ? Il faut l’avouer, ta curiosité est piquée. « Alors ? Les serpents ou la croix ? » Demandes-tu presque impatiente, un sourire aux coins des lèvres. Tu as simplifié les symboles à ce qu’un non initié aux rites vaudou verrait en premier sur les vévés. Les serpents pour la douce Ayida Wedo et la croix pour la cruelle Marinette.

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Dim 24 Mai - 23:42

le prix des âmes
- 24 septembre 2000 - @Nia Babajaro



La pièce est brûlante contre la paume de sa main, toujours cachée. Quoi qu’elle lui révèle, la décision finale lui appartiendra à lui. Choisira-t-il de céder aux superstitions d’un peuple inconnu, ou restera-t-il fidèle à lui même et à ses traditions ? Theodore pose ses yeux sur la petite femme dont l’air clairement mécontent traduit de lui même les paroles incompréhensibles pour lui qui s’échappent de ses lèvres. Pas besoin de pièce vaudou pour deviner ce contre quoi elle s’insurge. Que lui, un anglais pose ses sales pattes sur les reliques de son peuple doit l’emplir de rage.  Mais si elle le regarde d’un oeil courroucé, il n’en est pas de même pour la jeune Babajaro. C’est un air presque amusé qui se peint sur son visage alors qu’il manipule sans respect la petite pièce brillante.

Cette jeune femme est différente du reste de son peuple. Elle parle anglais, elle ne dévisage pas son visage blanc comme s’il était une curiosité exotique et menaçante. Elle a voyagé, probablement. Tout pour fuir ce pays brûlant aux ancêtres aigris et aux dieux susceptibles. Elle n’a pas aimé sa question sur le talisman, elle lui a fait comprendre à nouveau qu’ici, il n’est pas chez lui. Il a posé le pied sur des terres dont il ne connait rien, il vient toucher à des traditions qui n’ont pour lui aucun sens et qui le rejetteront s’il venait à mal se comporter. Un avertissement déguisé sous une froide politesse à laquelle il a répondu d’un sourire narquois. Ici, les femmes sont reines, les hommes ne sont rien. elles le prennent pour un idiot parce qu’il est un homme, parce qu’il est blanc, parce qu’il est anglais et parce qu’il est jeune. Il a pris l’habitude de rencontrer cette attitude au cours de ses voyages. Ici, la pureté de son sang n’a aucune valeur, mais lui sait ce qu’elle vaut, peu importe ce que ces Lwas pensent de lui.

Pourtant, malgré ses mots acerbes, elle ne veut pas le faire fuir. Elle veut que la vente soit conclue, elle veut récupérer l’or des offrandes, malgré son comportement. Elle est même allée jusqu’à invoquer une brise légère pour le rafraîchir, sans qu’il ne le demande. Il a froncé les sourcils, agacé par son interventions. S’il ne demande rien, c’est qu’il n’a besoin de rien. Pourtant, l’air frais sur son front a été un soulagement intense, dissipant la lourdeur de l’air et par conséquent de ses pensées. Du regard, il a surpris le geste que sa main a dessiné sur ce médaillon qu’elle porte autour du coup. Evidemment, sur ce continent, les sorciers extatiques sont nombreux. Ils déclinent les baguettes pour se charger d’objets qu’ils disent chargés d’histoire, comme si les baguettes n’étaient que de vulgaires bouts de bois sans vie et sans souvenir. Pourtant, les baguettes sont bien plus élégantes. Il pense à la sienne, restée en Angleterre, dans ce coffret où il l’avait reçue la première fois. Le lien avait été immédiat, à peine ses doigts avaient-ils effleuré le bois lisse et parfumé par la cire qu’il avait su. Rien à voir avec cette branche sans intérêt, plaquée contre son avant-bras, pour laquelle il ne ressent rien. Mais ce médaillon est beau. Il est ancien, il est précieux, la lumière brille sur son contour, et crée un reflet sur la pierre enchâssée en son coeur et sur laquelle le passage du doigt de la jeune femme a laissé une trace. Ce n’est pas pour cela qu’il a été envoyé,  et son regard s’est détaché à regret du bijou.

Elle a tenté de le rassurer, de le convaincre que le talisman ne présente aucun danger pour lui, mais encore une fois, peut-il la croire ? Son but est bel et bien de se débarrasser de ces reliques, pas de le décourager. Des idées traîtresses, il en a eu oui. Pour lui, elles étaient justes, mais pour d’autres, elles n’étaient pas valables. Et ils l’ont fait payer pour ça, au sens propre du terme. Mais ce talisman, même s’il ne s’intéresse qu’à ses pensées n’en reste pas moins dangereux. En ce trouvant ici, hors des limites de l’Angleterre, il viole probablement la parole qu’il a implicitement donné à la fin de son procès, alors qu’on le laissait récupérer ses biens et ceux de son père. Il se soustrait à la surveillance de ses pairs pour venir récupérer des reliques maudites et interdites et les vendre à des sorciers peu scrupuleux. Tout dans ses actions transpirent la trahison et l’infidélité. A la seconde où il posera ses doigts sur le talisman, Mami Wata lancera sur lui sa malédiction. Ou non. C’est ce que lui dira la pièce.

Lorsqu’il soulève doucement sa main pour laisser l’éclat de la piécette apparaître, il lance un regard à la petite femme, dont le visage exprime toujours sa contrariété. Elle l’agace cette petite femme, persuadée qu’il ne vaut rien, qu’il n’est même pas digne de toucher les objets dont elle cherche à se débarrasser sans plus de considération. Puis ses yeux se reportent sur la pièce, où la croix ouvragée apparait. Marinette l’avertit. Dangers, erreurs, pièges sont disséminés sur son chemin. Il ne peut faire confiance à ces sorcières, leur propre Lwa leur tourne le dos. Il lève un regard amusé vers la jeune Babajaro. Ce résultat n’est peut-être pas celui qu’elle attendait, mais Theodore ne s’en formalise pas. Pour ces deux femmes, il n’est qu’un ignorant de leurs traditions. Elles savent qu’il n’y croit pas une seconde.
« Le vévé de Marinette. »
Il ne prendra pas le talisman, quoi qu’il arrive. Pas avec ce qu’il a en tête. Mais le coffret l’intéresse. D’un mouvement souple, la baguette arrive dans sa main.  Un simple sortilège de révélation et il devrait savoir si ce qu’il contient est digne d’intérêt. Il lève les yeux vers les deux femmes et habille ses lèvres d’un sourire rassurant.
« Je ne vais pas les abîmer, c’est juste une assurance. Pour moi. Specialis Revelio
Ainsi, les objets sont bien authentique, la magie qui les habite est puissante. Le talisman et le coffret, surtout. Sur la pièce, elle est moindre, mais pourtant bien présente. Avec un sourire satisfait, il se tourne vers les deux femmes.
« Le coffret uniquement, pour cinq-cent gallions. »
C’est une offre bien basse pour un objet de ce genre, il en est conscient. Mais cette petite femme l’agace.


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Lun 25 Mai - 4:52
Le prix des âmes
24 Septembre 2000

Curiosité exacerbée qui te pousse à attendre avec impatience le moment où il daignera lever sa main. Ce moment précis où tu pourras observer le vévé dévoilé. Où tu pourras voir laquelle des deux Lwas aura décidé de se manifester. Puis tu lui expliqueras sans doute ce que représentent ces symboles. Lequel est celui d’Ayida Wedo et lequel est à Marinette. Tu lui as évoqué les deux divinités sans lui dire quelle face appartient à qui. Et c’est à ta grande surprise qu’il reconnaît de lui même le vévé de la déesse qui prévient du danger. Peut-être n’est-il pas si ignorant de ta culture finalement ? Toi qui mets tous les occidentaux dans le même panier pour la seule raison que ton fiancé n’est pas très friand de ta civilisation, te voilà quelque peu prise de court.

Il t’impressionne, c’est vrai. Mais tu ne fais pas de remarque. Tu connais la fragilité des hommes et ne souhaites en aucun cas le vexer. Si la vente est compromise, on te mettra tout sur le dos. C’est certain. Alors tu évites au maximum de t’attirer des ennuies. Cependant, la moue qui étire tes lèvres trahit ta pensée. Tu es expressive, peut-être même trop. Il est aisé de lire sur ton visage. Le résultat de ce qu’il pense certainement être du hasard, te déçois. S’il n’y a aucun doute quand au fait qu’il ne croit absolument pas au pouvoir de cette pièce, il pourrait très bien s’en servir comme d’une excuse pour refuser la transaction.

Lorsqu’Alabaster se meut, baguette en main, ta tante est prête à lui sauter dessus. Pourtant, elle n’en fait rien. Elle n’en fait rien parce qu’elle ne peut pas. Ta main agrippe fermement son poignet. Plus précisément, son bracelet qu’elle utilise comme focus. Dans l’incapacité d’y toucher, elle ne peut lancer aucuns sortilèges à l’encontre du jeune homme. Et puis, si elle veut vraiment se défaire de ta prise, elle n’a qu’à se changer en Calao, son animagus. Un oiseau au physique particulièrement singulier, parfait pour cette femme. « Je sais. Faites ce que vous avez à faire. » Le rassures-tu à ton tour, rendant son sourire poliment. Mais Aïssata n’est pas d’accord. Elle se met même à te crier dessus. À tirer sur son poignet pour que tu la lâches. C’est en yoruba que vous vous disputez. Et tu as honte. Si honte. Te donner en spectacle devant un inconnu est vraiment quelque chose que tu n’aimes pas. Mais l’idée que ce même inconnu se donne le droit de jeter un sort à vos artefacts rend ta tante à la limite de l’hystérie.

Ce n’est que lorsque la voix de Zalena s’élève qu’elle se tait enfin. Le portrait a parlé. Elle ne le fait pas d’habitude. Elle communique peu. Pas tant par mépris, bien que cela joue un peu aussi, mais surtout par sagesse. Elle ne daigne se faire entendre que lorsque cela est vraiment nécessaire. Et là, c’était le cas. Elle n’avait rien eu besoin de dire autre chose que le prénom de la femme avec une sévérité qui te fit presque frissonner. La prêtresse originelle ne supportait ni les cris, ni la bêtise. Et Aïssata avait fait preuve des deux en un temps record. Tes doigts se desserrent  finalement de son bijou et c’est avec un embarra que tu peines à camoufler que tu te tournes vers ton hôte. « Excusez la. Elle n’a jamais vraiment rencontré d’étranger et n’est pas familière avec votre magie. Ma tante a eu peur que vous détérioriez les artefacts. » Tu la défends, tentes de faire amende honorable. Comme si tu en avais vraiment quelque chose à faire de cette vieille chouette et de ses opinions arriérées.

Tu arques un sourcil à l’entente du prix qu’il ose te proposer. Cinq-cent gallions seulement ? S’est-il déplacé jusqu’ici dans le seul but de se moquer ? Et bien toi, ça ne te fait pas rire. Peut-être es-tu trop dur en affaire mais ce coffret vaut bien plus que cela, tu le sais. Même la pièce pourrait se vendre le double de ça. Aïssata bougonnes dans son coin, un peu plus discrètement. Elle souhaite que tu lui traduises les moindres paroles du jeune homme. Tu l’ignore promptement. Ce qu’elle peut être pénible quand elle s’y met. Si tu le voulais, tu pourrais être aussi gamine qu’elle ne l’est. À te tirer la manche, à épier votre invité d’un regard méprisant, à refuser de t’accorder la confiance que tu mérites. « C’est trop peu. Je vous le laisse pour… Disons sept-cent cinquante gallions. » La posture droite et fière, tu es campée sur tes positions. Tu ne veux pas descendre plus bas. Un prix plus faible en serait presque malhonnête.

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Mer 27 Mai - 23:48

le prix des âmes
- 24 septembre 2000 - @Nia Babajaro



Qu’est-ce donc qui a fait bondir ainsi la petite femme ? Est-ce l’apparition de sa baguette dans sa main ? Pourtant, elle aurait dû se douter qu’il ne viendrait pas désarmé en terres inconnues. Peut-être a-t-elle simplement peur qu’il abîme ses précieuses reliques. Le bon sens seul devrait pourtant lui souffler qu’il n’aurait aucun intérêt à saborder cette vente. Certainement est-elle sidérée par le manque de respect dont fait preuve Theodore dans sa propre demeure, osant ainsi pratiquer la magie sans leur permission, sous les sourcils froncés de leurs ancêtres peintes. Elle enrage, elle s’offusque, mais la jeune Babajaro la tient fermement. Leurs accents inconnus se mêlent dans une querelle indiscrète. Le ton monte, et plus leurs éclats de voix se font fort, plus Theodore disparaît à leurs yeux. Elles l’oublient, elles ne le voient plus. Immobile et silencieux, il attend. Autour d’eux, les portraits détournent peu à peu leur regards. Leurs prunelles fixées sur Theodore passent sur les deux femmes. Certaines ont une lueur d’intérêt dans les yeux, d’autres froncent leurs sourcils en signe de désapprobation. Et soudain, il est invisible.
La dernière des femmes tourne la tête pour regarder la scène qui se déroule sous leurs yeux. Theodore, n’intéresse plus personne. Sa baguette toujours levée se meut souplement, ses lèvres s’entrouvrent à peine tandis qu’un léger souffle s’échappe d’entre ses dents. La mouvance de l’air se perd dans la brise que la jeune Babajaro a créé. Lorsque l’avertissement du plus grand des portraits claque dans les airs, couvrant les paroles de l’altercation, Theodore n’a pas bougé.  

Le silence se fait aussitôt, et Theodore lève les yeux vers le portrait. Qui est donc cette femme pour qui il suffit d’un mot pour obtenir le respect ? Une ancêtre, une divinité ? La petite femme semble avoir pris une gifle et malgré son visage mécontent, ses lèvres restent soudées. Theodore répond d’un sourire aux excuses de la jeune Babajaro. Il ne se formalise plus de ce genre de scènes. Il a pris l’habitude des regards agacés, des insultes murmurées sur son passage et de la franche hostilité qu’il rencontre parfois lors de ses voyages. C’est qu’ils n’aiment pas voir d’étrangers sur leurs territoire, encore moins tel que lui. Ils ont peur de tout ce qu’il pourrait leur faire, lui petit sorcier d’à peine vingt ans. Et comme la petite femme, ils ont peur qu’il ne se montre qu’irrespectueux, qu’il détériore, qu’il touche à tout dans son ignorance.

Quand il annonce son prix, la jeune Babajaro écarquille les yeux, à juste titre. Son offre est ridiculement basse, presque insultante. Si quelqu’un s’était un jour permis de rentrer chez Barjow et Beurk et de faire l’affront de leur proposer un tel prix pour un objet, Beurk aurait mis l’insolent dehors avant même qu’il n’ait terminé sa phrase. Pourtant, c’est avec on ne peut plus de sérieux que Theodore a lancé cette offre, et c’est avec le même sérieux que la jeune Babajaro lui donne sa contre-proposition. Il attend quelques secondes, les yeux fixés sur la petite femme. Il se délecte du fait qu’elle ne comprenne pas leur échange. Dans ses prunelles, la colère brûle, elle le déteste. Elle déteste son air, sa peau blanche, ses yeux clairs, sa baguette, sa voix douce, son attitude. Elle est furieuse que son acolyte ne semble pas plus offensée que ça par les manières de cet anglais. Avec un léger sourire au coin des lèvres, Theodore reporte son attention sur la jeune femme. Elle est plus jeune que sa collègue, et pourtant elle paraît plus sage, plus réfléchie. Dans son regard brille une assurance et une détermination qu’il n’a encore jamais rencontrée chez les sorciers qu’il a pu croiser au cours de ses voyages. Elle n’est pas dupe. Si les paroles, ni les actes de Theodore ne la feront changer d’avis. Avec quelqu’un d’autre, il aurait peut-être tenté de marchander. Il aurait orné ses paroles de miel, habillé son visages de sourires et il aurait gagné peut-être une centaine de gallions. Mais son instinct lui dit qu’avec cette jeune femme, toutes ses tentatives seront vaines. Déjà qu’il ne prend que le coffret, elle n’acceptera pas de négocier plus que cela dans ces conditions. Alors c’est un sourire franc et satisfait qu’il lui adresse.
« J’accepte. »

Laissant la jeune femme expliquer à sa compatriote le contenu de cette courte négociation, il sort de sa sacoche un petit coffre en cèdre et le caresse du bout des doigts. Comme pour toutes ses inventions, il y porte une affection particulière. Sur celui-là, le serpent qu’il a gravé sur le bois regarde vers la droite, tandis que sur son jumeau, plus grand et resté dans l’arrière boutique de chez Barjow et Beurk, le serpent regarde vers la gauche. Le bout de sa baguette suit le contour de l’orvet qui se meut soudainement, et dans un déclic, le couvercle s’ouvre. Sans un mot, il saisit les sept-cent cinquante gallions contenus dans le coffret et les pose sur le plateau, pile par pile, lentement, laissant aux deux femmes le loisir de vérifier le compte si cela leur chante.
« Sept-cent cinquante gallions, exactement. »
Il a beau être un Nott ruiné, il n’en est pas malhonnête pour autant. Et surtout, il ne prendrait pas le risque de jouer ainsi avec l’argent de Barjow et Beurk. Ces vieillards sont bien trop pingres pour cela.

Il regrette de ne pas utiliser son coffre pour envoyer directement le coffret en Angleterre. Malgré ses efforts, il n’a pas encore réussi à faire en sorte de pouvoir transporter des objets magiques. Il va donc devoir le transporter lui-même. Avec précaution, il sort de sa sacoche une pièce de tissu qu’il enroule autour du coffret, indifférent aux regards des deux femmes, avant de le glisser dans sa sacoche. Il est content de la transaction. Tout s’est mieux passé qu’il l’espérait, malgré le mauvais départ pris par l’expédition.
Il incline la tête en guise de salut, sans un mot de plus. Il veut quitter cet endroit au plus vite, retoucher la botte, rentrer en Angleterre et regagner son manoir aux pièces familières. Dehors, le soleil est toujours aussi brûlant, plus même après la fraîcheur ressentie à l’intérieur de la demeure. Le trajet du retour s’écoule dans le même silence que l’aller. Ni lui, ni sa guide ne souhaitent revenir sur l’échange qui a eu lieu, et lorsqu’il touche la botte pour repartir et qu’il lève les yeux, la ville a de nouveau disparu, et la plaine lui apparaît dans toute son immensité durant une brève seconde, avant de disparaître pour laisser la place à l’intérieur de la boutique.

Il lâche la botte qui tombe sur le sol avec un bruit mat. Dans la boutique, pas un bruit. Beurk n’est plus là, il est seul. Il fait le tour du comptoir et pousse la porte de l’arrière boutique, se déchargeant de sa sacoche sur la table. Il en sort le coffret et le pose délicatement sur la table. Il s’occupera demain de l’estimer en détail pour pouvoir le mettre en vente. D’un mouvement de son poignet droit, il fait sortir la baguette de sa manche et la pose sur la table, avant de récupérer sa propre baguette avec soulagement. Il n’oubliera pas de sitôt ce passage au Nigeria, mais il n’est pas certain que la famille Babajaro acceptera de sitôt de faire affaire avec eux. L’entretien ne s’était pas exactement déroulé de la façon à laquelle il s’attendait. S’il n’y avait pas eu cette maudite petite femme, peut-être que tout ce serait mieux passé, mais il avait fallu qu’elle soit là et qu’elle s’égosille, qu’elle s’insurge contre lui. Il repense à son regard dégoûté et outré lorsqu’il a lancé la pièce, et un sourire étire ses lèvres. Comme il aimerait voir sa tête à ce moment même.

Avec un rire, il fait tourner la pièce entre ses doigts, laissant la lumière de l’atelier se refléter sur le vévé de Marinette. Il est peut-être malhonnête après tout, mais cette petite femme l’avait bien cherché. Après tout, la pièce était tombée sur Marinette, et n’est-elle pas le Lwa le plus imprévisible ? Elle serait probablement fière de lui.


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