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Orphelines pensées. Daph x Pando || FB sept 2003
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

P. Pandora Parkinson

P. Pandora Parkinson
MODÉRATRICE & MJ
hiboux : 425
pictures :
Orphelines pensées. Daph x Pando || FB sept 2003 230916321b07e71b7ddd665e37967a7be66e0739
Lun 18 Mai - 1:09




Orphelines pensées.
FB sept 2003 ft. @Daphné S. Greengrass
La tribune est fin prête. Elle pourra paraître dans l’édition de Witch Weekly du 31 septembre 2004, celle qui titrera Astoria Greengrass : agneau sacrificiel. Pandora n’a pas dormi de la nuit, et bien sûr, comme tous les matins après des nuits sans songe, elle n’a pas mangé. C’est parce qu’après avoir écrit la tribune, elle a dû y réfléchir. Et si elle est certaine de son choix, si elle est certaine de vouloir, aussi publiquement, s’opposer à l’Enchanteresse, et si elle est certaine de vouloir que ce billet puisse être lu par tous, elle aimerait pouvoir le cacher à une certaine sorcière. Elle y a pensé à elle toute la nuit, à défaut de pouvoir rêver, quoi que rêves et pensées puissent parfois se mélanger. Elle ne l’a revue qu’à de très rares occasions depuis près de cinq ans, puisqu’elles ont par un jeu du sort un peu extraordinaire évité la moindre rencontre duelle – sans toutefois le vouloir, pas du côté de Pandora, en tous cas. Mais elle n’a pas manqué les funérailles de sa sœur Astoria, qui ont eues lieu quelques jours plus tôt, et dont la cérémonie a été particulièrement austère. Elle n’a pas non plus manqué le meurtre atroce de ladite sœur, dont elle a même été le témoin, comme des centaines d’autres, ce 24 septembre au Ministère de la Magie. Pandora s’applique désormais à se convaincre que véritablement, il le faut, elle doit aller la voir.

Daphné Greengrass.


Elle a été son amie la plus proche, à Poudlard, sa confidente, l’oreille à qui elle a tout dit, là, au creux de l’oreiller. Et puis elles se sont perdues de vue, comme deux copines qui n’ont peut-être pas tant de choses en commun que ça. Ou peut-être deux copines qui se sont trop éloignées, surtout après la Grande Guerre. Pandora en est certaine, depuis Poudlard en tous cas, elle n'est plus la même, jusqu'au prénom par lequel elle se fait appeler jusqu'au pantalon en jean qu'elle boutonne, là, devant son miroir en pied. Elle n’aurait jamais porté ça, avant. Doit-elle se changer, d’ailleurs ? Doit-elle porter quelque chose d’autre, pour pénétrer les terres Greengrass ? Elle fixe son reflet, les pupilles bougeant imperceptiblement, de la droite vers la gauche, le reste du corps figé. Finalement, après quelques éternelles secondes, elle secoue le crâne, rajuste sa frange, et passe un pull en laine noir, à l’effigie de Serpentard, qu’elle a coupé pour qu’il soit un peu court. Il tombe juste en dessous de son nombril. De toute façon, tout sera caché par sa cape, et elle ne restera pas longtemps. Juste le temps de lui faire lire l’article, se convainc-t-elle, qu’elle publiera de toute façon. Quoi qu’elle en dise. Elle ne l’a pas encore envoyé à sa cheffe, toutefois. Elle devra le faire avant ce soir. Mais elle le fera. C’est indispensable. Daphné ne pourra pas l’en empêcher.

Mais elle a tourné l’affaire dans tous les sens, toute la nuit, et définitivement, c’est impossible autrement. Maintenant qu’elles se sont revues, depuis qu’elle a détourné le regard devant le corps brisé par un rayon vert de sa sœur, et surtout depuis qu’elle a vu couler sur les joues de Daphné ces larmes salées quand le cercueil a été mis en terre, elle ne peut y réchapper. Alors, à sept heures, finalement convaincue qu’elle ne s’endormirait pas avant de l’avoir fait, elle a envoyé sa chouette à Exeter, pour prévenir le Manoir Greengrass de son arrivée. Quel culot elle aura de transplaner ainsi sur les Terres de Feu, à quelques jours de la publication d’une tribune qui, elle l’espère, les fera flamber encore un peu plus. Un goût amer envahit la gorge de la sorcière, qui décide ainsi – bien sûr – d’attraper une cigarette. Elle grimpe sur l’alcôve de sa fenêtre pour la fumer, le regard perdu entre les arbres du petit jardin à l’arrière de son immeuble. Il est encore trop tôt pour aller là-bas, sa chouette n’est peut-être même pas encore arrivée. Elle a écrit de l’attendre pour dix heures, elle a encore une petite dizaine de cigarettes à consumer avant d’y arriver. Alors elle tourne et elle retourne le dilemme dans son crâne. De toute façon, maintenant, elle n’a plus le choix, elle doit y aller, puisqu’elle s’est annoncée. Mais comment lui dire ? Tiens, regarde, je profite du décès de ta sœur pour m’opposer à Narcissa Malefoy. Comment le prendrait-elle ? Pandora ne sait pas ce que c’est que d’avoir une sœur, puisqu’elle est fille unique, mais elle les a vues, toutes les deux, interagir entre les murs de Poudlard. Astoria et Daphné Greengrass s’adoraient. Et à défaut de connaître la douleur de perdre une sœur, Pandora sait ce que cela signifie d’être l’ultime survivante d’une famille pourtant séculaire. Elle et Daphné, d’un coup, trouvent ce point commun. Elles sont les dernières, les orphelines déchues pour les uns, les puissantes héritières pour d’autres. En somme, et si Daphné ne le sait pas déjà, Pandora pourra le lui apprendre : elles sont surtout seules.
C’est pour ça que malgré ses plaintes quotidiennes, Pandora ne saurait vivre sans ses colocataires. Malgré les bains éternels de la Miss Harris, et malgré le bazar laissé par Adriene, elles lui permettent de se sentir un peu moins seule. C’est une illusion, certainement, mais ça fonctionne assez bien. La maison gronde, vit, et ça lui permet de se sentir pleine, emplie. La plupart du temps, au moins. Pas ce matin-là, malheureusement, mais c’est un jour particulier.

Finalement, après quelques mégots écrasés dans son cendrier et quelques pages qu’elle a fait semblant de lire, Pandora s’extirpe de l’alcôve, laissant filer Saturne qui était venu se lover entre ses jambes. Elle enfile une paire de mules noires, s’enroule de sa longue cape noire, et enfonce sur son crâne son chapeau pointu. Quand même, ce sont les Terres de Feu qui l’attendent, et puisqu’elle jouira certainement pour la dernière fois du privilège d’y mettre les pieds, autant en profiter. Dans son attaché-case, prêt depuis des heures, est soigneusement rangée sa tribune. Elle tient sur une page. Courte, efficace. Pandora l’attrape, s’assure que sa baguette est bien rangée dans la poche intérieure de sa cape, et puis finalement, elle ferme les yeux, elle visualise le Manoir Greengrass, prête à transplaner.
Mais lle les rouvre. Elle a oublié quelque chose d'important. Sur sa commode traînent des dizaines de bouteilles de parfum. Elle hésite, pour la forme, à glisser quelques gouttes de Larmes Royales derrière ses oreilles. Mais l'heure n'est peut-être pas au cynisme. Alors, bien sûr, elle penche vers un classique, Opium. Moldu et parfaitement divin. Fin prête et étrangement assurée par la fragrance, elle ferme les yeux à nouveau, et cette fois-ci ...

Crac
Quand elle les rouvre, l’immensité du Manoir Greengrass se tient devant-elle. Elle y est allée, plusieurs fois, adolescente. Elle a eu l’impression, quand elle y est revenue pour l’enterrement, que sa pierre avait noircie. Il est au moins aussi froid que le sien ne l’était, juste avant qu’elle ne le vende, tout juste quelques semaines après le décès de son père. Daphné tiendra-t-elle longtemps, seule dans cette immense masure ? Pandora, prise d’une ironie morbide, se jure qu’elle aurait mis la clef sous la porte avant Noël. Les fêtes, sans aucun doute, sont les moments les plus difficiles. Surtout les premières. Elle grimpe les marches qui l’amènent à l’entrée, et la porte s’ouvre avant qu’elle ait le temps de s’annoncer. Douce et impressionnante magie de ces manoirs anciens. Elle regrettait le sien, un peu, parfois. C'était sûrement la raison de la présence d'une gargouille dans son salon, que Georgia lui réclamait quasiment quotidiennement d'archiver à la cave. Impossible. Le parquet craque sous ses pieds, et ça aussi, ça lui manque, un peu. Il n’y a que de la moquette, chez elle, ça ne craque jamais. Mais c’est toujours chaud, sous ses orteils nus. Pandora enlève son chapeau, rajuste sa frange, et se tient là, dans l’entrée, attendant que l’on vienne la cherche. Personne, toutefois. Alors, à pas louvoyant, elle file, et elle sait où elle va. Elle a bonne mémoire, surtout pour ces choses-là, et se souvient bien où se situent les appartements de l’aînée des Greengrass. De la seule héritière, désormais. Elle tente de ne pas faire trop de bruit, de ne réveiller aucun tableau assoupi, au risque qu’on ne la gronde d’être rentrée sans y avoir été invitée. Ses talons se lèvent peu, elle fait en sorte de glisser sur les carpettes qui tapissent les corridors. Et bientôt, elle atteint la porte. Mille fois, elle l’a passée, et pourtant, cette fois-ci, elle hésite. Son souffle se raccourcit, ses jambes tremblent un peu, elle regrette de n’avoir rien mangé, et de ne point avoir une cigarette au coin du bec. Sans reprendre de l'air, sa main se hausse.

Toc-toc-toc

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Daphné S. Greengrass

Daphné S. Greengrass
MODÉRATRICE
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pictures : Orphelines pensées. Daph x Pando || FB sept 2003 68747470733a2f2f73332e616d617a6f6e6177732e636f6d2f776174747061642d6d656469612d736572766963652f53746f7279496d6167652f39303253675170745f75365941673d3d2d3537363838373236362e313533313534656439353333633630373939323037353035363337372e676966
Mar 19 Mai - 1:08


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orphelines pensées

Mandarine, jasmin, myrrhe, sur fond de cigarettes
@Daphné S. Greengrass & @P. Pandora Parkinson

◊ ◊ ◊



Daphné pourrait vomir. Elle pourrait vomir, mais la bile même ne semblait plus vouloir lui remonter l'oesophage. Elle n'avait que sa douleur, qui lui retournait le ventre, et qui lui brûlait la gorge. Elle avait les lèvres desséchées, les doigts tremblants, le teint pâle de ceux qui n'avaient pas assez vu Morphée. Elle n'avait pas profité du confort de son étreinte depuis trop de jours, déjà, l'horreur la maintenant éveillée, les potions soutenant son corps.

La robe noire qu'elle avait porté, il y a quelques jours, était tombée au sol, couvrant les talons carrés, noirs et vernis, qu'Astoria lui avait offert. Son voile noir reposait à leurs côtés, chiffonné, seul testament de l'affreuse réception à laquelle elle avait été obligée d'assister. Daphné avait dû s'y rendre, pire encore, l'organiser, et offrir là des sourires, ici des étreintes, à ces derniers encore des remerciements. Merci d'être là, merci d'être venu. Les amis d'Astoria étaient nombreux, son rire et sa sympathie ayant enchanté des dizaines d'inconnus. Il y avait eu certaines personnes de son année à l'étranger, qu'elle n'avait pas reconnu, il y avait eu des figures oubliées de Poudlard, aussi, et mille visages de l'élite qui murmuraient comme c'était triste, cet événement. À tous, Daphné avait serré la main, sourit brièvement, accepté les mots délicats. Par automatisme, peut-être, son corps s'était activé, trouvant les bons gestes, les bons usages. Ses lèvres n'avaient goûté à l'amertume du sel qu'à sa descente sous terre - l'image trop concrète, trop odieuse, pour que son esprit la dénie.

Depuis, elle errait. Du salon, trop vide, à la serre, trop pleine. De sa chambre, où l'odeur de ses parfums se mélangeaient, lui prennaient le nez trop violemment, à celle d'Astoria, où ses draps d'adolescente couvraient encore son lit. Elle n'avait pas dormi ici, depuis ses noces avec Drago, et l'endroit respirait leur enfance, leur innocence. Sa gorge se nouait d'autant plus fort, quand elle arrivait entre les murs de son domaine, et son corps tremblant se réfugiait parfois entre ses couvertures, à la recherche de sa chaleur.

Les elfes avaient été congédiés depuis longtemps, mais Ombeline passait encore parfois, et plus souvent, depuis l'incident. Ombeline n'était pas son vrai nom, mais Daphné avait depuis longtemps oublié celui que l'elfe portait, avant que sa sœur ne l'eût renommée ainsi, rieuse devant ce nom français découvert dans les missives de leur mère. Ombeline, c'était tendre et doux, ça roulait sur les lèvres, et l'elfe répondait sans mal à ces critères. Père n'aimait pas qu'elles apprécient autant cette pauvre elfe, et leur intérêt eu tôt fait de décliner en grandissant, mais leurs cœurs avaient toujours préféré les douceurs d'Ombeline aux plats et attentions préparés par tous les autres. Alors Ombeline était venue, même après que le nouveau Ministre les eût obligé à les libérer tous, et Ombeline continuait à venir, alors que les sœurs Greengrass n'étaient plus.

Elle déposait des plateaux garnis de mille délices, les préférés de l'aînée, au pas de la porte de sa chambre, parfois même directement sur le bureau, mais jamais les doigts de Daphné allaient s'y perdre. L'éplorée observait sans même les remarquer ces viennoiseries beurrées, ces saucisses grillées, ces thés aux agrumes parfumés. Elle errait, nous l'avions dit, et son errance se refusait aux besoins de la vie. Alors, ses lèvres étaient desséchées, son estomac renversé et ses joues creusées.

Cela faisait trois jours, peut-être quatre, que sa sœur avait trouvé résidence éternelle. Elle n'avait pas encore totalement assimilé la chose. Même lorsque la bière s'était enfoncée dans la terre, que les larmes s'étaient déclenchées, y associant le souvenir de l'acte répété pour son père et sa mère, même alors, Daphné n'avait pas pris pleine conscience de la chose. Elle comprenait l'idée, elle l'entendait bien - car, enfin, ses pas résonnaient seuls sur leur parquet craquant, et sa voix demeurait l'unique trouble du lieu. Elle l'appelait encore, pourtant, persuadée que si elle disait son nom, elle tournerait la poignée, et traînerait des pieds jusqu'à elle, avec cette moue agacée. Elle n'avait plus traîné les pieds depuis ses quatorze ans, mais Daphné l'avait toujours vue plus jeune qu'elle ne l'était, de toute évidence. C'était une enfant, un petit bout de jeune femme, sa petite sœur.

C'était pour cela qu'elle se refusait à dormir, aussi. Si elle fermait les yeux, passait la nuit, et qu'au réveil, Astoria ne répondait toujours pas, il serait bien plus difficile d'ignorer la réalité. Il lui faudrait poser des mots sur cette douleur qui la martelait, et Daphné avait toujours préféré se détourner des choses compliquées. Alors elle errait, d'un appartement à l'autre, répliquant ce jeu d'enfant, où l'aînée allait chercher la cadette habilement cachée. Elle n'était réfugiée nulle part, seulement, chaque pièce toujours plus vide.

Elle avait fini par arrêter, les jours se confondant, son corps ne se détachant plus du fauteuil de velours imposant qui trônait au centre de sa bibliothèque. Elle se perdait dans l'odeur des livres, dans la comfort des pages trop frêles entre ses doigts, et lisait encore et encore les mots d'Ovide. Elle les murmurait, comme si elle les contait à Astoria, à l'image de ces soirées emmêlées l'une à l'autre dans le lit gigantesque de l'aînée, où sa voix douce venait lire en déliés de français la traduction des mythes romains. Ses lèvres étaient toujours éhontément sèches, et Ombeline glissait des carafes d'eau sans fonds sur le plateau de garniture. Elle avait croqué dans un morceau d'orange, ce matin-là, et l'acidité avait brûlé les craquelures de ses lèvres, son œsophage bilieux, et le fond de son estomac, trop vide.

Elle avait continué sa lecture, plutôt, refusant d'écouter son corps fatigué, sa tête qui tournait. Ç'avait été trop fort, seulement, à un moment, alors elle s'était redressée d'un geste brusque, les pas claquants vers son bureau, farfouillant à mouvements précipités dans ses tiroirs à préparations. Un philtre revigorant s'était glissé entre ses lèvres, lui tirant un soupir de soulagement, et ses doigts avaient survolé les ingrédients du philtre apaisant. Daphné avait fermé les yeux, de longs instants, avant de laisser retomber sa main. Pas encore. Ses paupières s'étaient ouvertes, dans un sursaut, alors qu'un bruit retentissait dans l'espace.

Ça venait du salon, et Daphné se figea. Elle referma les tiroirs d'un geste violent, les fioles à l'intérieur clinquant l'une contre l'autre, et sa longue chemise de nuit blanche virevolta autour de ses jambes alors qu'elle se précipitait en direction du bruit.

- Astoria ?

La question lui avait échappé dans un souffle, et déjà la bile lui remontait, ses pensées lui martelant l'impossibilité de cette situation. Elle continuait d'avancer, pourtant, corps tremblant, doigts se refermant sur la poignée, tirant brusquement la porte vers elle.

Évidemment, ce n'était pas sa sœur qui se tenait derrière le panneau de bois. La silhouette qui s'y détachait lui coupa tout de même le souffle. Daphné sentit ses yeux se rétrécir, son coeur s'accélérer, et elle dût humecter ses lèvres. D'un geste embarrassé, elle referma ses bras sur elle, honteuse de se révéler à celle qui lui faisait face dans cet accoutrement-là.

- Pansy, balbutia-t-elle.

C'était bien elle, avec ses cheveux noirs, cette frange qu'elle lui connaissait si bien, ce carré court qu'elle connaissait si mal, ce pantalon bleu qui faisait si moderne, et ce parfum. Daphné ne le reconnaissait pas. Il était fort, il était enivrant. Mandarine, jasmin, myrrhe. La cigarette, par dessus ces odeurs, omniprésentes. La pluie, aussi, qui constellait sa cape. Sa sueur, son hésitation. Daphné respirait trop fort, ses sens trop agités. Elle préféra faire un pas en arrière, secouant la tête.

Cela faisait des années, qu'elle n'avait pas mis les pieds-là. Les jeunes femmes ne s'étaient pas croisées depuis des siècles. Tant de vécu s'était déroulé, depuis. Pansy la ramenait à une vie autre, un passé si différent. Un passé plein d'Astoria.

Daphné étouffait.

Elle passa une main précipitée dans ses cheveux, agitant des mèches folles, d'un blond trop sale.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

1312 mots (c) oxymort

P. Pandora Parkinson

P. Pandora Parkinson
MODÉRATRICE & MJ
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Orphelines pensées. Daph x Pando || FB sept 2003 230916321b07e71b7ddd665e37967a7be66e0739
Ven 22 Mai - 23:18




Orphelines pensées.
FB sept 2003 ft. @Daphné S. Greengrass
Pandora sent son corps qui se glace, alors que la voix de Daphné l’appelle. « Pansy », qu’elle dit. Ça fait longtemps qu’on ne l’a plus appelée comme ça. Désormais, c’est Pandora pour tout le monde, Ms. Parkinson pour certains, et bien sûr, Lady Parkinson pour l’élite. Si Daphné l’appelle comme ça, c’est bien qu’elles ne se connaissent plus. Ou peut-être est-ce Pandora qui ne sait plus qui elle est, cette Pansy. Sa tête tourne, un peu, de voir Daphné, là, comme ça. Elle est en tenue d’intérieur, une chemise de nuit qu’elle serre contre elle, visiblement honteuse d’apparaître ainsi face à elle. Elles se sont vues mille et une fois en petite culotte, adolescentes, mais elles sont adultes, désormais. La pudeur est née, alors. Pandora ne bouge pas, figée, alors que face à elle, Daphné s’agite. Elle passe une main dans ses cheveux défaits, et dans sa voix, à nouveau, elle peut entendre toute sa détresse. Elle lui demande ce qu’elle fait là, et c’est un souffle qui s’échappe de ses lèvres, pour toute réponse.

Un jour, pendant sa quatrième année, Pandora a eu ses règles pour la première fois depuis des mois. Elle s’est étonnée, croyant s’être débarrassée de ces menstrues depuis quelques mois déjà, puis elle s’est goinfrée au petit déjeuner, et Draco l’a remarqué. Il s’est moqué d’elle, et quelques instants plus tard, elle a reçu un courrier qui lui annonçait le décès de sa mère. Alors elle a quitté la Grande Salle en courant, son pied battant la pierre froide, jusqu’à joindre les cachots, et finalement, son dortoir. Elle s’est jetée sur la cuvette des WC, et elle a pleuré. Comment osait-il ? deux doigts dans la gorge. Comment pouvait-il encore se moquer d’elle, alors qu’elle faisait tout pour être jolie, jolie pour lui ? des larmes qui perlaient au coin de ses yeux. Elle faisait tous les efforts du monde, elle mettait des collants à résille sous son uniforme, au grand dam du règlement du Château, et il continuait de rire d’elle ! tout le petit déjeuner qui disparaissait dans un torrent d’eau. Puis, Pandora s’est brossé les dents jusqu’à ce que ses gencives saignent, et quand finalement, elle a rejoint son le dortoir, Daphné l’y attendait. Ses larmes ont redoublé, en la voyant-là, assise sur son lit. Elle s’est jetée dans ses bras, et elle a pleuré. Pour quoi ? Pour qui ? Pour Draco, ou pour sa mère ? Pour sa mère, ou pour Draco ?
Daphné se tient devant elle, toute défaite, et c’est cette journée-là qui se rappelle à la mémoire de Pandora. Le premier jour de son premier deuil, qu’elles ont partagé ensemble. Pandora, qui s’appelait encore Pansy à l’époque, est restée dans son lit toute la journée. Daphné est allée en cours pour elle, elle a pris des notes, elle a annoncé à sa place la nouvelle à leurs professeurs, et le soir, elle l’a rejointe dans son lit, l’a enlacée de ses bras, et elles ont dormi ensemble. Elle a su tout ce qu’il fallait faire, sûrement parce qu’à l’époque, elle, elle a déjà vécu ça. Elle a perdu sa mère, elle doit savoir ce que c’est. C’est comme ça que Pansy s’explique qu’elle la laisse se plaindre de Draco alors que bien sûr, le garçon est d’une importance minime par rapport au drame qu’elle vit à ce moment-là. Mais Pansy a besoin de ça, à ce moment-là, et Daphné semble le comprendre : elle parle de Draco pour ne pas parler de sa mère.

Le jeu est donc le suivant : de quoi a besoin Daphné, là, tout de suite ? Pandora doit-elle lui rendre la pareille, être celle que Daphné a un jour été pour elle ? Doit-elle laisser tomber son attaché-case au sol, écarter les bras, et lui proposer la même une étreinte éplorée qu’elle a un jour reçue ? Ou alors, doit-elle faire semblant de ne pas voir la détresse dans son accoutrement, dans ce plateau rempli de victuailles laissé entier, si ce n’est pour une orange à peine entamée ? Doit-elle faire croire qu’elle n’entend pas, dans sa voix, les larmes qu’elle a dû pleurer, tous ces jours, après la disparition d’Astoria ?
Pandora ne peut pas, toutefois, lâcher sa mallette, pas plus qu’elle ne peut ouvrir les bras pour y accueillir Daphné. Elles ne se connaissent plus. Elle l’a appelée Pansy, ça fait cinq ans qu’elles n’ont plus eu de conversation, et Pandora ne peut plus prétendre la connaître par cœur, comme ça a un jour été le cas. Et surtout, elle l’a vu, ce mouvement. Ces quelques pas que Daphné a fait, en arrière. Son cœur s’est serré, parce qu’elle l’a vu effrayée de sa présence, ou en tous cas, manifestement mal à l’aise de la savoir là. Alors elle serre l’anse de l’attaché-case un peu plus fort, ses doigts en deviennent blancs. Elle ne bouge pas plus, ne souhaitant pas faire peur à l’animal sauvage que semble être devenue Daphné. « Witch Weekly entreprend-elle alors par bafouiller, la voix basse. Elle ne l’a même pas saluée, n’a pas enlevé son chapeau, n’a pas prononcé son prénom. Elle ne sait plus comment faire. Elle est comme sciée en deux, mais cherche à se reprendre. Je travaille pour Witch Weekly, tu sais ? L’édition de mercredi sera dévouée à Astoria. Je n’ai pas participé à sa rédaction, sauf pour une tribune. » Les mots sont sortis les uns après les autres, sans qu’elle puisse bien les retenir. Elle les a préparés, pourtant. Mais rien ne se passe comme c’était prévu.

Sa cheffe lui a demandé d’écrire sur Astoria, pourtant. Son sourire s’est même écarté de quelques mille dents blanches quand elle a appris que sa journaliste frangée était invitée aux funérailles les plus plébiscitées – et les plus exclusives – de la Grande Bretagne magique. Mais Pandora a répondu qu’elle n’écrirait rien à ce propos. Si elle a pu se le permettre, c’est surtout parce qu’elle a précisé qu’elle préparait autre chose. Une tribune, a-t-elle alors expliqué, dans laquelle elle utiliserait la mort de Lady Malefoy pour s’attaquer à l’autre Lady Malefoy. Elle a aussi précisé que s’il y avait besoin de remplir quelques pages, elle a bien quelques articles de mode prêts à être envoyés, et sa cheffe a souri. Ça suffirait bien. Rita Skeeter s’occuperait du juteux, pourquoi ne pas laisser la Lady en piquer d’autres. Pandora reprend alors, tentant de rencontrer les yeux de Daphné. « Je veux te la faire lire. Avant de la transmettre à ma cheffe. J’espère que ça te va ? »

Sa main se dénoue un peu de l’anse. Elle tourne la tête, s’autorise quelques mouvements. Elle cherche un peu de place, en fait. Elle commence à avoir chaud, sous sa cape en laine. Elle se mordille la lèvre, avant de lever les yeux vers la porte. « Ombeline » se risque-t-elle à demander, le voix basse. Ça fait longtemps qu’elle n’a pas appelé un Elfe de maison, mais elle reconnaît dans le plateau de petit-déjeuner l’œuvre d’une de ces créatures. Et là encore, un souvenir la prend, à bras le corps. Elle se souvient quand elles étaient enfants, jeunes adolescentes, peut-être, un printemps dans le Manoir d’Exeter, et qu’elles avaient salit leurs hautes bottes de cuir à force de promenades dans les bois. Alors Pansy, depuis cette chambre, avait crié le nom de l’Elfe, et avait ordonné qu’elle nettoie. Elle n’avait pas dû dire autre chose que ça, nettoie.
Mais elle n’est plus cette Pansy, désormais, et quand Ombline apparaît dans la chambre, elle lui adresse un sourire soulagé. Reconnaissant, même. « Ah ! Je suis heureuse de te savoir-là, Ombeline. Peux-tu nous débarrasser de ce plateau s’il te plaît, et faire un peu d’ordre ? » L’Elfe ne s’étonne point de sa bienveillance nouvellement trouvée. Peut-être est-ce ce qu’elle a toujours trouvé, chez les Greengrass. « Très bien, Maîtresse Parkinson », répond-elle. Elle s’exécute donc, faisant de la place à Pandora pour qu'elle puisse poser sa mallette sur le bureau. La journaliste s'empresse alors de l’ouvrir et d'en sortir l’article, fraîchement tapé sur sa machine à écrire. Elle en a écrit plusieurs versions, avant d’arriver à celle-ci, qui la convainc. Elle pose la feuille unique sur le bureau, offerte à la lecture de la parfumeuse. Pandora retire aussi sa cape, qu’elle donne à l’Elfe avec son chapeau. Avec eux, elle laisse partir son paquet de cigarettes. Tant pis.

A défaut de trop d’intimité, à défaut de savoir qui Daphné est devenue, elle choisit de lui montrer qui est Pandora Parkinson. C’est peut-être pour ça qu’elle a mis ce jean, et pas une robe de soie. Parce que la soie, les bigoudis, les elfes de maison, ce n’est plus elle. Mais encore une fois, Pandora en est certaine : l’héritière Greengrass aura vendu sa propriété avant Noël. Elle se sera sentie trop seule dans cette immense masure, tout lui aura rappelé son père, sa mère, ou sa sœur, et elle vendra. Et peut-être qu'après, elle lâchera les chemises de nuit, et dira adieu à Ombline.

Et peut-être, mais il s'agit sûrement-là de l'espoir fou d'une journaliste trop ambitieuse, peut-être que cette tribune se rappellera à sa mémoire. Peut-être se souviendra-t-elle du jour où Pansy Parkinson est venue lui apporter ce billet qui désignait Narcissa Black comme coupable de la mort d’Astoria Greengrass. Et peut-être alors que les deux héritières orphelines, autrefois meilleures amies, pourront se retrouver.

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Daphné S. Greengrass

Daphné S. Greengrass
MODÉRATRICE
hiboux : 194
pictures : Orphelines pensées. Daph x Pando || FB sept 2003 68747470733a2f2f73332e616d617a6f6e6177732e636f6d2f776174747061642d6d656469612d736572766963652f53746f7279496d6167652f39303253675170745f75365941673d3d2d3537363838373236362e313533313534656439353333633630373939323037353035363337372e676966
Dim 24 Mai - 21:07


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orphelines pensées

Mandarine, jasmin, myrrhe, sur fond de cigarettes
@Daphné S. Greengrass & @P. Pandora Parkinson

◊ ◊ ◊



Les doigts de Daphné glissèrent entre ses mèches et tombèrent contre son ventre. Sa question était tombée, presque agressive, dépourvue de tout savoir vivre. Elle ne l'avait pas invitée à entrer, ne s'était pas demandée comment elle se portait, comment sa vie allait. Non, Daphné n'avait vu que la tenue de Pansy, sa coupe étrangère, ses doigts figés sur sa mallette, et ne s'était que demandée ce qu'elle faisait ici.

Ici, à la porte de son appartement privé, dans l'aile gauche du manoir, où leurs pas avaient claqué sur le parquet trop souvent. Elles avaient passé des journées entières, à chaque vacance, que ce soit en plein été ou la terre ensevelie par la neige, à se retrouver ici, à profiter de la présence l'une de l'autre. Elles avaient murmuré des secrets, contre les taies des oreillers verts pâles de l'aînée, elles avaient poussé Astoria hors de la pièce, quand elle se faisait trop curieuse, et que la discussion devenait trop intime. Il y avait eu des mots murmurés sur Blaise, à l'époque, qui faisait battre son cœur, elle en était persuadée. Elle se souvenait encore, après tout, de l'émoi qui la prenait, dès qu'elle se retrouvait allongée près de Pansy, leurs corps se frôlant, à murmurer combien Blaise la comprenait bien, lui. Ces souvenirs, ces discussions, seulement, étaient le résidu d'une époque passée, oubliée.

Depuis, Pansy ne s'était plus glissée entre ses draps, ses paroles n'avaient plus été celles qui lui apportait réconfort. Entre temps, il y avait eu Grasse, il y avait eu les Terres de Feu, Théodore toujours plus présent, Astoria toujours aussi captivante, mais Pansy n'avait pas été. Elle ne l'avait revue, mais finalement qu'à peine croisée, à l'enterrement. Elle lui avait dit des formules de condoléances elle aussi, très probablement, comme tous les autres, et peut-être ses mains s'étaient-elles attardées quelques secondes supplémentaires sur les siennes, avant que le défilé des adieux reprenne son cours.

Qu'elle se retrouve ici, quelques jours après, Daphné ne le comprenait pas. Elle ne comprenait plus grand chose, ces derniers temps, mais cela la soufflait tout autant. Toutes les étiquettes gravées dans chacun de ses gestes, pourtant, s'étaient vues disparaître, oubliées, reléguées au fin fond de l'esprit. Elle se sentit plus honteuse en réalisant ce manque de tenue, qui ne faisait que s'additionner à l'image déjà déboussolante qu'elle lui offrait. Elle voulut ouvrir la bouche à nouveau, s'excuser, redresser le dos, claquer des doigts pour appeler Ombeline. Il aurait suffit de quelques gestes, d'un sursaut dans l'esprit, pour que l'aînée et l'unique Greengrass reprenne le contrôle. Il n'en fut rien, toutefois, elle demeura bête et brisée, face à cette femme si connue, pourtant si éloignée. Pansy.

Pansy, qui resserra ses doigts sur sa mallette, toujours aussi immobile, et qui ne lâcha que quelques mots. Witch Weekly. Non, elle ne savait pas. Elle secoua la tête alors, ce geste révélant ses pensées. Elle ne savait pas, elle ne s'imaginait pas Pansy travailler. Certainement pas au Witch Weekly. Elles l’avaient lu, parfois, adolescentes, exemplaire attrapé sur la table basse de Millicent, qui ne leur reprochait jamais rien. Daphné gardait le silence, toujours, yeux dévisageait Pansy. Cela n'expliquait pas sa présence ici.

L'édition de mercredi. Astoria. Articles. Une tribune. Daphné se figea, ses prunelles s'assombrissant. Elles devenaient grises, elles devenaient froides, trop effrayantes, quand la colère la prenait. Écrire sur Astoria, ils le faisaient tous. Ils détournaient les mots, ils scandaient sa beauté, sa maternité, ils racontaient l'enfant à venir, ils se faufilaient dans son passé, comme s'ils pouvaient la comprendre, comme s'ils la connaissaient vraiment. Ils écrivaient Astoria, ils la donnaient au monde, alors qu'elle ne voulait que la garder pour elle. Si elle l'avait gardée à elle, tout ce temps, jamais cela ne serait arrivé. Si elle avait été forte, si elle n'avait pas changé, si… Elle n'entendait plus rien, perdue dans un remou de culpabilité. Les souvenirs affluaient, la douleur pétrissait son cœur, secouait son ventre. Le bleu de ses yeux s'était perdu au loin. Elle n'entendait qu'à peine les derniers mots de Pansy. J'espère que ça te va, disait-elle. Daphné ne savait pas quoi. Elle cligna des yeux, déglutit. Son attention retrouva un semblant de concentration, se focalisant sur la brune qui se tenait encore sur son pas de porte. La jeune femme laissa ses bras retomber, déboussolée. Elle n'avait pas suivi. D'un geste, pourtant, elle donna son accord.

Elle la vit entrer, alors, se dévêtir, investir les lieux. Daphné resta immobile, plantée au milieu du salon, déstabilisée. Ses doigts effleuraient la longueur de sa robe de nuit, jouaient avec sa dentelle. Pansy trouvait parfaitement sa place au milieu de son espace, appelant là Ombeline, lui donnant ici un ordre, et Daphné ne pouvait qu'observer cette valse d'organisation qu'elle aurait dû mener. Elle s'éclaircit la gorge, alors que deux pas gracieux la firent se rapprocher de Pansy. Elle avait enlevé sa cape, donnée à Ombeline, et dévoilait toute sa tenue. Un pull de leur maison, coupé si étrangement, un pantalon bleu, d'un tissu inconnu. Ses yeux se perdaient sur elle, le profil qu'elle lui révélait, et ce qu'elle y lisait laissait Daphné toute aussi déstabilisée. Pansy travaillait, Pansy s'habillait comme eux, Pansy venait chez elle et posait une feuille, une seule feuille, sur son bureau, comme si la clé de toute cette situation y reposait.

L'aînée s'approcha, son regard glissant de la silhouette à la feuille qui se détachait, donc, sur ce bureau où un semblant d'ordre avait été remis. Ses doigts effleuraient le papier, où les mots qui s'y détachaient n'étaient pas tracés à la plume. Daphné observa longuement la tribune, son regard accrochant ça et là quelques mots. Le serpent se mord la queue. L'Enchanteresse. Lady Astoria. Martyr.

Elle n'en lit pas plus, sa main s'écrasant sur le papier, ses paupières se fermant brusquement. Elle inspira, longuement. Elle ne voulait pas lire ce papier. Elle ne voulait pas lire ce que Pansy Parkinson avait à dire sur sa sœur, à elle. Elle ne voulait pas savoir comment son amie, celle qui avait partagé tous ses secrets d'enfant, allait utiliser la mort de sa sœur. Elle ne voulait pas, surtout, penser à cela. À cette mort. Parce qu'elle devrait l'admettre, elle devrait lire des mots qui la confronterait à cette réalité, et Daphné s'y refusait. Tout allait bien, elle l'avait dit.

Astoria était morte, pourtant. Elle n’avait pas le choix.

Alors elle recula, attrapant d'un geste la feuille. Daphné se laissa tomber dans le fauteuil en velour, et son maintien de tête reprit, quelques instants durant, le port altier qu'elle maîtrisait si bien. Ses jambes se croisèrent, son autre main se crispant sur son genou, les jointures se faisant blanches. Daphné darda son regard sur Pansy, froide.

- Tu viens, quelques jours après, alors que nous n'avons pas échangé depuis des mois, des années, pour me faire lire un papier ?

Sa voix s'étrangla presque, sur les derniers mots, mais elle se contint. L'héritière Greengrass secouait la feuille, furieuse.

- Toi aussi, tu vas faire ton chiffre sur ma sœur ? Tu vas faire briller ta plume, sur son décès ? Elle est morte, Pansy, et ce sont des mots que cela t'inspire ?

Ses yeux se firent humides, l'obligeant à cligner des paupières pour chasser les larmes brûlantes qui s'y accumulaient.

- Que les autres le fassent, ils ne la connaissaient pas. Mais toi, tu me fais cela ? Pire, encore, tu viens me le faire lire ?

Le papier tremblait, entre ses doigts.

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P. Pandora Parkinson

P. Pandora Parkinson
MODÉRATRICE & MJ
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Orphelines pensées. Daph x Pando || FB sept 2003 230916321b07e71b7ddd665e37967a7be66e0739
Jeu 28 Mai - 0:27




Orphelines pensées.
FB sept 2003 ft. @Daphné S. Greengrass
Daphné ne sait pas qu’elle travaille pour Witch Weekly. Comment est-ce même possible ? Elle secoue le crâne en signe négatif, et Pandora ne peut la croire. Daphné ne sait pas qu’elle travaille pour Witch Weekly, alors qu’elle, elle a tous ses parfums alignés sur sa commode. Pensées. le premier, odeur infernale qu’elle n’a jamais pu porter. Il lui irait bien, pourtant. Mieux encore que l'Élégante, celui qui lui ressemble le plus, à son avis. Elle a aussi Grasse, et son si joli flacon, et Solitude, qu’elle a porté été comme hiver. Larmes Royales, qu’elle ne pourrait désormais plus porter, et Fatalisme, très fort, culotté, plus que Daphné ne l’a jamais été. La Mutine, qu’elle aurait pu faire glisser sur ses poignets, quand elle avait 14 ans. Qu’elle aurait adoré, sûrement, même. Et puis le dernier, Funambule, qu’elle a acheté quelques jours à peine avant l’assassinat d’Astoria, et qu’elle portait en ce jour funeste. Elle les connaît tous, et Daphné n’a pas entendu les rumeurs qui ont pourtant fait rage auprès des sang-purs – l’héritière Parkinson forcée de travailler pour un vulgaire journal, mauvaise imitatrice de Rita Skeeter. N’a-t-elle pas cherché à savoir ce qu’elle est devenue, n’a-t-elle pas suivi son parcours de loin, comme Pandora l’a fait pour elle ? Un sentiment de trahison la prend au corps et au cœur. Est-ce qu’elle l’a oubliée ? Ces cinq années, certainement tumultueuses, ont-elles suffit à effacer tout à fait leur souvenir ?
La journaliste est déçue, au moins autant qu’elle ne l’est quand elle voit les yeux de Daphné parcourir vite, trop vite, le papier. Elle ne lit pas, Pandora peut le voir, elle parcourt le papier du regard en quelques secondes. Elle essaye de comprendre, tente de ne pas lui en vouloir, mais en plus de ne pas lire, Daphné s’étrangle. Elle ne lit pas, mais elle juge, avec une dureté qui rappelle à Pandora sa mère. Il y a comme une méchanceté dans sa voix quand elle fait son commentaire, parce qu’elle ne s’attaque pas au billet, mais elle s’attaque à elle. Pas à la tribune, pas à ses mots, mais à sa personne. Et elle l’appelle Pansy, encore, et ce prénom crisse dans son oreille comme une craie sur un tableau noire. Comme une lame qu’on affute et qu'elle lui planterait dans le cœur.

Qu’est-ce qu’elle aurait voulu, Daphné ? Que Pandora lui porte le thé et lui tende son épaule pour qu’elle y pleure, alors qu’elles se sont tellement éloignées que la Greengrass ne sait pas que Pansy ne s’est plus présentée par ce prénom depuis plus de trois ans ? Ou alors, aurait-il fallu qu’elle publie sans lui dire sa tribune, signée de son nom et de son titre, et mentionnant l’assassinat de sa sœur ? Et cela dans un magazine dont le numéro était, en plus, tout dévoué à Astoria et dont elle aurait découvert à sa lecture l’hommage macabre et particulièrement lucratif ? Ou, pire encore, est-ce qu’il aurait fallu, pour qu’elle la satisfasse, qu’elle se prive de pareille opportunité de faire entendre sa colère ? Alors qu’au nom de l’Enchanteresse, Astoria avait été assassinée ? Les dents serrées, ouvrant à peine la bouche, elle jure, la voix basse : « pour qui te prends-tu, Daphné ? Ne la lit pas, la tribune, si tu ne le souhaites pas. Je n’en ai cure, ce ne sont que des mots. Mais n’aie pas le culot d’interpréter mes intentions. » Elle s'arrête, souffle, et reprend : « J’ai … – elle bégaye – j’ai adoré ta sœur – sa voix se brise. Je croyais que tu le savais. » ses bras sont lourds, son échine se courbe, ses yeux ne parviennent pas à rencontrer les siens. « J’ai été élevée seule, jusqu’à ce que je sois envoyée à Poudlard. J’étais seule jusqu’à que je te rencontre, et que je passe mon premier bout d’été chez toi, et que je rencontre Astoria. J’étais seule, et puis je vous ai eues, toutes les deux. Sept ans durant. » Une larme coule sur sa joue, alors qu’elle serre les dents. Elle l’essuie tout de suite, refusant que Daphné la voie, parce qu’elle n’en a pas encore fini. La machine est lancée, maintenant, et finalement, elle cherche son regard. « Comment oses-tu suggérer pareilles ignominies, assise depuis ce fauteuil où je vois encore la silhouette d’Astoria, qui du haut de ses huit ans nous lisait Ovide ? » Encore une larme, qu’elle laisse couler, cette fois-ci. Ce jour-là, Daphné lui a raconté qu’elles faisaient ça souvent, avec leur mère. Avant qu’elle ne meure. C’est la première fois qu’elles parlaient de ça, de la mort. Elles avaient onze ans, et bien sûr, Pansy avait imaginé sa mère morte. Ça n’arriverait que trois ans plus tard. « Ne te trompe pas, je ne prétendrai pas connaître la douleur que tu dois vivre depuis samedi dernier. C’était ta sœur, pas la mienne. Mais c’était justement pour ça que je l’adorais – elle est secouée d’un frisson, alors qu’un maigre sourire mélancolique écarte son visage. Parce que toi tu l’adorais. Et que fut un temps, Daphné, j’aimais tout ce que tu aimais. »

Un souffle.

Finalement, Pandora lâche son regard, essoufflée et échevelée. Elle tire son attaché-case vers elle, presque avidement. Et puis, de façon sûrement inattendue, obéissant seulement à ses jambes qui tremblent trop, elle se laisse tomber sur le parquet pour l’ouvrir à nouveau. Daphné est installée au bureau, elle ne peut alors plus l’ouvrir-là, ce que demanderait pourtant la bienséance sans doute adaptée à la solennité du jour. Mais elles seraient trop proches, et l’air est électrique.
Ça ne sera pas la première fois que Daphné verra Pandora assise par terre, et celle-ci ne peut pas respirer son air, elle ne peut pas être à côté d’elle et l’effleurer, c’est impossible, tant justement, elle a besoin d’air. Alors elle fouille, sort des papiers, des pages s’envolent, il y a des trousses, des plumes, un béret, tout le bordel de sa mallette sans-fond. Elle est sûre, sûre et certaine qu’elle a un paquet, quelque part là-dedans. Sa recherche est frénétique, ses mains tremblent. Un Accio serait plus efficace, mais elle en est bien incapable. Et quand, finalement, elle met la main sur le graal, elle l’ouvre, et il est vide. Elle soupire, l’écrase dans sa main, et enrage. Assise par terre, ses cheveux décoiffés par l’émotion, le regard plus noir qu’elle ne l’a jamais eu, elle poursuit alors. « Tu ne sais pas qui je suis. Que Théodore m’appelle encore Pansy, passe encore. Que Draco ne sache pas que je travaille pour Witch Weekly … Il le regrettera bien assez tôt. Mais toi. Je ne vais pas justifier les raisons qui m’ont poussé à écrire cette tribune. Elles m’appartiennent. Mais je ne te permettrai pas de suggérer que je veux me faire du chiffre sur le dos de ta sœur. » Jamais de la vie. Qu’elle publie cette tribune un peu par ambition, sans doute. Mais pour l’argent, ou pour déshonorer Astoria … Jamais de la vie. Elle l’a écrit parce qui c’est ce qui s’est imposé à elle quand elle a vu le corps d’Astoria tordu par l’éclat de lumière verte. Elle n’a alors plus pu, par son nom et par la nature de son sang, être comptée parmi ceux qui soutiennent Narcissa Malefoy. Si elle continuait encore à laisser croire ça, prise dans cet entre-deux dans lequel elle est déjà restée de trop longs mois, elle se détesterait. Précisément à cause d’Astoria. Et sûrement à cause de Daphné, aussi.

Pandora range avec précaution le bazar qu’elle a causé, maintenant. Elle a honte, mais plus que ça, elle a chaud, avec ce pull et cet air chargé de colère. Elle n’aurait pas dû venir. Mais maintenant elle est là, assise par terre, et elle ne peut plus bouger. Elle ne peut pas même rappeler Ombeline, pour que celle-ci lui ramène ses cigarettes. Elle ne peut que rester-là, comme une idiote, une idiote qui ne peut pas laisser les choses ainsi. Elle n’aurait pas dû lui parler ainsi, et elle le regrette déjà. Daphné a perdu sa sœur, alors tout ce qu’elle dit, tout ce qu’elle fait, sous ce prétexte, est excusable. Qu’est-ce que Daphné a bien pu éveiller en elle, alors, pour qu’elle réagisse ainsi ? Pourquoi ses mots ont-ils été aussi insupportables à son oreille ? Qui est Daphné pour elle, et pourquoi son avis, et même son pardon, désormais, importent-ils autant ?

Quand elle a tout rangé, elle ne bouge plus. Elle ramène ses jambes sous son menton, les serre contre sa poitrine, et attend sa sentence. Le bon sens voudrait qu'elle s'excuse, mais elle ne sait comment. Alors elle garde le silence, et elle aimerait que Daphné l'y autorise. Elle aimerait qu'elles se taisent et qu'elles restent là. Comme quand elles étaient adolescentes, et qu'elles faisaient semblant de dormir, allongées chacune dans leur lit, chacune dans leur chambre, puisqu'il y avait suffisamment de place, dans cette immense manoir. Jusqu'à ce que l'une des deux ne rejoigne l'autre, et que finalement, elles puissent dormir.  


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Daphné S. Greengrass

Daphné S. Greengrass
MODÉRATRICE
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pictures : Orphelines pensées. Daph x Pando || FB sept 2003 68747470733a2f2f73332e616d617a6f6e6177732e636f6d2f776174747061642d6d656469612d736572766963652f53746f7279496d6167652f39303253675170745f75365941673d3d2d3537363838373236362e313533313534656439353333633630373939323037353035363337372e676966
Ven 29 Mai - 0:10


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orphelines pensées

Mandarine, jasmin, myrrhe, sur fond de cigarettes
@Daphné S. Greengrass & @P. Pandora Parkinson

◊ ◊ ◊


Son bras retomba contre le flanc du fauteuil, tremblant trop pour maintenir l’effort. Daphné inspira, profondément, ses narines frémissantes, l’odeur de l’orange entamée lui cognant contre le fond du nez, les arômes de thé froid lui chatouillant l’esprit. Elle n’y portait aucune attention, pourtant, tout son corps tendu, ses pensées tournées vers un seul même réceptacle. Pansy, qui se tenait là, droite, visage décomposé. Elle semblait blessée par ses paroles, son fiel se déversant avec facilité dans les fissures qui se faisaient de plus en plus visibles. Daphné garda le silence, pourtant, refusant de s’excuser, prenant presque plaisir à ce spectacle pathétique. Elle puisait dans l’horreur qui se dépaignait sur les traits de Pansy, son désarroi, elle s’en contentait, parce que le sien lui semblait alors moins unique, moins odieux. Il était partagé, ne serait-ce qu’au centième, et cela rendait sa colère brûlante presque douceâtre.

Le regard de Pansy devint noir, pourtant, ses lèvres assassines, et ses mots firent suffoquer l’héritière Greengrass. La feuille lui échappa presque, alors qu’elle dressait le dos, détournait la tête, douchée. Elle n’était personne – simple fille abandonnée, soeur éplorée, sorcière comme il en existait mille autre. Elle avait été son amie, ne l’était plus ce soir, ou jamais leurs mots n’auraient claqué ainsi. Elle n’était personne, oui, elle n’était que colère froide qui bondissait là où elle le pouvait. Ses paupières se fermèrent brusquement, refusant de se confronter aussi radicalement à ses mots qui lui brûlaient l’être. Elle aimerait se relever, la faire taire, sa main blanche tremblante plaquée contre ses lèvres terribles, mais son corps était trop faible, ses bras trop lâches.

Elle bégaya, Pansy. Ses mots butèrent contre ses lèvres, faisant s’ouvrir les yeux de Daphné, qui sentit un noeud des plus terribles lui nouer la gorge, lui serrer la nuque, alors qu’elle entendait enfin ce qu’elle cherchait à lui dire. Elle l’avait adoré. Le passé la terrassa, presque autant que les mots qu’elle continuait à lui avouer. Daphné secoua la tête, cachant ses yeux de sa main libre. Elle ne voulait pas la voir. Elle ne voulait pas l’entendre. Sa fureur s’était évanouie, remplacée par une douleur quasi physique. La main retomba, accompagnée de larmes trop chaudes, atterrit sans bruit contre ses jambes croisées. Pansy les avait eus, sept ans durant.

Pansy, Daphné – et Astoria, parfois. Souvent, même, quand les talons noirs de Pansy claquaient contre le bois de leur maison. Elles se réfugiaient ici, dans ses appartements à elle, et se blottissaient comme elles le pouvaient contre ce canapé. Elles serraient les tasses de porcelaine entre leurs mains, murmuraient messes basses, et parfois son bras s’abandonnait à des caresses contre le dos de Pansy, alors qu’Astoria leur récitait Ovide. Si Daphné, trop égocentrique peut-être, raffolait du mythe de Daphné, sa cadette s’en était lassée ; elle préférait le mythe de Phaéton, connaissait par coeur celui de la constellation de la grande et petite ourse, et berçait leurs soirées de toute la diversité divine.

Ses joues, trop froides, trop creusées, semblaient brûler sous chaque larmes qui s’y fondaient. Elle passa des doigts tremblants sur sa peau, chassant au loin ces traces de sa douleur. Elle respirait mal, le corps malmené, elle suffoquait, débordée par sa peine qui s’enrichissait de celle de Pansy, renversante. Daphné voyait ces larmes, qu’elle ne cachait plus, elle entendait dans sa voix la souffrance qu’elle partageait. Elle réalisait, surtout, combien elle avait attendu ces mots.

Il n’y avait eu personne, autour d’elle, qui puisse comprendre. Oh, un centième seulement, un dixième peut-être. Personne, toutefois, ne connaissait Astoria comme elle. Théodore ne la connaissait que femme, finalement. Drago – elle ne voulait pas y penser. Pas déjà. La rancoeur gonflait à peine. Il n’y avait que Pansy, encore vivante, qui ne sache combien Astoria était importante. Combien elle était vivante, si pleine d’esprit, tant aimée.

Elle l’adorait. Elle l’adorait, malgré ses humeurs enfantines, parfois, malgré leurs disputes incessantes, malgré cette année passée loin l’une de l’autre, malgré leurs coeurs qui n’aimaient plus les mêmes choses. Oh, comme elle l’adorait. Sa petite soeur. Elle n’avait pu que voir, évidemment, combien Pansy portait le même regard sur Astoria, ce petit pétillement au fond de l’oeil, cette fierté de la connaître, cette gamine trop franche. Elles étaient si différentes, toutes, si bien trouvées pourtant. C’était l’évidence même, qu’Astoria soit adorée, que Daphné le soit tout autant, que Pansy les couve ainsi.

Ce toi, ce toi si singulier, perçait les murs érigés de Daphné, mettait à mal les troubles qui l’assaillaient déjà. Elle demeurait coite, bête, regard trop vide, larmes trop chaudes. Elle aurait voulu se lever, serrer Pansy contre elle, comme elles le faisait, à l’époque, leurs étreintes trop faciles, et seul réconfort de temps trop durs. Pansy avait tout dit au passé, seulement, et les temps pesaient entre elles deux, laissaient Daphné trop droite dans son fauteuil, figée dans sa désolation.

Elle détourna la tête, plutôt. Elle se donnait du temps, son regard se figeant sur l’orange abandonnée. Elle détailla la peau, les fils blancs, se concentra sur l’odeur acide, fit tout le nécessaire, urgemment, pour oublier les mots qui la marquait au fer blanc et les larmes qu’elle n’avait cesse de chasser. Il fallait qu’elle réponde, qu’elle se défende. Il fallait que Pansy comprenne, combien c’était dur, mon Dieu, qu’elle seule pouvait l’entendre. Qu’elle ne pouvait pas, pas déjà, lire sur sa soeur. Qu’elle regrettait les mots dits – non, c’était faux. Elle ne les regrettait pas, pas encore, parce que le dégoût de savoir sa soeur faire la une pour sa mort lui brûlait encore trop la gorge. Mais elle devait lui dire qu’elle savait combien elle aimait Astoria. Qu’elle le savait, évidemment – parce que tout ce que Pansy dévorait des yeux, tout ce qu’elle acceptait dans son cercle, Daphné faisait l’effort de regarder aussi, elle, reine du mépris.

La brune la prit au dépourvu, alors, s’écroulant au sol. Daphné détourna les yeux de l’orange, ses prunelles bleues, presque grises des larmes, maintenant, retombant avec surprise sur son corps à même le sol, ses mains folles qui vidaient son sac. Elle ne comprenait plus rien, encore. Les doigts maigres de Pansy qui se refermèrent, avec trop de lassitude, sur un paquet vide, éclairèrent l’esprit de Daphné. Elle souffla, gardant toujours le silence. Que faisait-elle encore ici ? Au sol, devant elle, plus pathétique même que la femme en deuil. N’avait-elle pas honte ? Daphné avait honte pour elle, refusant de poser ce même regard sur sa propre personne, qui se barricadait derrière un torrent d’excuse. Elle n’en avait pas fini, seulement, Pansy. Son regard était noir, bien trop noir, et Daphné sentit ses yeux s’emplir de larmes. Encore, encore des larmes, trop de larmes. C’était pour cela, qu’elle buvait ses philtres, qu’elle détournait les yeux, qu’elle ne parlait pas d’Astoria. Elle pleurait tant, sinon, qu’elle pourrait se nourrir de cette eau déversée.

Le fiel de Pansy ne s’arrêtait pas, toutefois, même confronté à ses yeux trop humides.

Elle lui reprochait de ne pas savoir. Le toi claquait dans les airs, comme le sien l’avait fait, quelques instants plus tôt. Il pesait, avec une aigreur qui agressait les narines de Daphné et lui donnait l’envie de se détourner, de détourner la tête, loin de tout, loin d’elle, loin de ses reproches. Déjà, flottaient à la surface de sa mémoire, embourbée dans une brume faussement apaisante, des bribes de discussion, des images volées. Il y avait Astoria, Witch Weekly à la main, qui lâchait un hoquet de surprise en découvrant le Pandora P. en bas d’article. Il y avait Théodore, qui lui murmurait que c’était Pansy, qu’elle se faisait appeler comme cela, maintenant. Il y avait tous ces gens, qui murmuraient que l’héritière Parkinson écrivait. Elle écrivait, parce qu’elle avait besoin d’argent, probablement. Quelque chose s’était foncé, dans les prunelles de Daphné, quand elle avait appris cela, et toujours ses yeux s’étaient détournés des articles. Pansy avait préféré travailler, écrire dans cet hebdomadaire d’adolescente, plutôt que de lui parler, de lui proposer un projet, de compter sur elle. Elles s’étaient déjà trop perdues, alors, pour qu’elle ne pense à lui prendre la main ? Daphné venait tout juste de lancer ses parfums, pourtant, et le nom qu’il portait, son premier exclusif, ce pensées. affolant, cet odeur qui ne la quittait pas, avec laquelle elle s’était lancée, Daphné pensait que Pansy comprendrait. Qu’elle verrait la main tendue, l’appel désespéré. Mais non, Pandora Parkinson écrivait. Pandora – boîte de Pandore, ouverte, révélée au monde, se taillant un profil nouveau. Alors, bien sûr que Daphné avait détourné les yeux, et tout fait pour oublier. Elle s’était réfugiée dans cette politique nouvelle où Astoria et sa jeune union la guidait. Elle avait brillé de sa verve, de ses Larmes Royales, de tout ce qui l’occupait, toujours plus, toujours plus fort. Se souvenir qu’elle travaillait chez Witch Weekly, aujourd’hui, c’était alors une tâche trop impossible, qui ne coulait pas d’évidence.

Elle ne voulait rien lui révéler, pourtant, refusant à ses oreilles, sa mine si lasse, le plaisir d’apprendre que Daphné avait trop souvent regretté son absence. Qu’elle avait secoué la main, chassant les remarques curieuses d’Astoria à son sujet, le ventre miné par le désespoir. Pansy manquait à sa balance, et la voir réapparaître, dans de telles circonstances, une nervosité si fragile la secouant, ce n’était pas ce que Daphné souhaitait. La situation la désemparait telle qu’elle demeurait coite, alors que le philtre ne semblait plus savoir comment apaiser ses tourments. Ses yeux ne quittaient pas la brune, qui rangeait soigneusement chaque affaire bazardée, qui se complaisait dans son silence, la bombe passée, et qui renouait avec son corps, torse serré contre ses genoux. Elle ne disait plus un mot, laissant simplement le poids de ses mots remplir d’aigreur la pièce. Daphné n’était pas Drago, n’était pas Théodore. Elle était ce toi qui déstabilisait Pans – Pandora.

Pandora.

Le mot sonnait trop étrangement dans ses pensées, et Daphné ne pouvait encore s’imaginer le faire culbuter contre sa langue, qu’il cogne dans le monde, prononcé. Pandora. Elle connaissait son deuxième prénom, bien sûr, comme Pans–dora savait que le sien était Salomé, comme elles connaissaient la date de naissance l’une de l’autre, comme Daphné savait qu’elle avait un grain de beauté, là, juste au dessus de la lèvre, et un autre, derrière l’oreille, qu’elle avait remarqué il y a des années, alors que ses doigts caressaient lentement le crâne de Pansy, cherchant à soulager son corps de la perte subite de sa mère. Elle connaissait ses tics, la manière dont elle remettait sa frange, dont elle réajustait ses vêtements, dont elle se plaisait dans le silence, parce qu’elle pouvait tout à fait le contrôler. Elle les avait connues, en tout cas, toutes ces habitudes. Celles de Pansy.

Pandora, elle ne la connaissait pas.

La jeune femme avait raison. Qu’elle soit Pandora ou Pansy, pourtant, Daphné sentait cette même déchirure en elle à l’idée qu’elle avait osé énoncer. Faire du chiffre, sur sa soeur. La brune avait répété ses mots avec presque davantage d’horreur que la blonde quand elle les avait assénés. Ça avait été prononcé trop vite, lâché trop fort – presque aussitôt, elle avait regretté. Pas tout à fait, trop embrumée, trop colérique, pour totalement s’en vouloir de ces mots et des maux qu’ils allaient créer. Voir le visage de Pansy – seigneur, non, Pandora – se tordre ainsi, sa verve retomber entre elle ; face à cela, Daphné ne pouvait que sentir son coeur se briser de cette idée. Elle aimerait la croire, parce qu’elle n’avait jamais voulu que cela, avoir une confiance inébranlable en cette femme, qui avait bercé toute son enfance, son adolescence, sa Pansy. La colère froide, peu à peu éteinte devant le renversement nerveux que lui avait offert la brune, semblait tout à fait disparue, maintenant, chassée par une lassitude et un désarroi certain. Elle avait renversé sur Pandora ce qu’elle avait laissé couver, des jours durant, devant ces courriers incessants d’hommages à sa soeur, de demandes de prise de paroles, d’utilisation odieuse de son décès. C’était si facile, de déverser cela contre elle – trop facile, seulement.  

Daphné poussa un long soupir, relevant délicatement le bras. La feuille étrangère entre ses doigts retomba au niveau de ses yeux, et la jeune femme se força à déglutir pour y reposer les yeux. Elle n’y arriva pas, pas de suite, préférant se redresser d’un mouvement vif. Ses doigts claquèrent, et Ombeline apparut.

- Les cigarettes de Pandora, Ombeline, s’il te plaît. Dans sa cape, je suppose.

L’elfe hocha la tête, disparut, et Daphné n’eut qu’à peine le temps de se laisser tomber, dans une grâce mitigée, au sol près de la brune qu’elle réapparaissait. Ses petits doigts étaient refermés sur un paquet blanc qu’elle tendit expressément à Daphné. Sur un sourire fin, la maîtresse de maison la remercia, l’oubliant bien rapidement alors qu’elle reportait son attention sur Pandora. Pieds sous les fesses, dos droite, la grande blonde tira une cigarette du paquet, l’observant de longues secondes, et la planta entre les lèvres de Pandora.

- Tu effaceras l’odeur, avant de partir.

Elle ne précisa pas davantage – peut-être savait-elle, pour ses parfums, pour son nez. Elle savait, de toute façon, qu’elle sentait mieux que les autres, qu’elle avait toujours eu cette tare là, et que l’odeur de cigarette qu’elle laisserait partout lui inonderait les narines. Un long soupir, alors qu’elle posait la feuille, légèrement froissée maintenant, sur ses genoux, l’étalant du plat de la main. Elle ne savait pas par où commencer.

Elle commença ainsi.

- Personne ne comprend. C’est si dur, si tu savais.

Ses yeux retrouvèrent ceux de Pandora, ses lèvres frémissantes, et ses doigts se firent tout tremblants, sur le papier, alors qu’elle murmura :

- Je l’entends rire, encore, je la vois se pencher sur mes chaudrons, je la vois pointer Drago du doigt, moqueuse de son choix de robe. Des détails absurdes, mais elle est partout, Pans – Pandora.

Elle était encore là, vivante, entière, faite de chair et de sang – le même ! – mains posées sur son ventre naissant, ses boucles brunes retombant contre son dos, son sourire en coin observant tranquillement la maisonnée s’activer. Comment pouvait-elle déjà la voir autrement, l’imaginer pourrir sous la terre ? Le monde entier, Pansy même, souhaitait que ses yeux se posent sur leurs mots, qui l’ancraient sur du papier comme figure figée, morte, vouée à ne plus évoluer. Peut-être n’était-ce pas du chiffre, alors, mais la douleur demeurait toute aussi grande. Un soupir tremblant échappa à l’aînée Greengrass, qui reposa les yeux sur la tribune, gorge nouée.

- Je sais combien tu l’aimes. Elle n’a toujours que trop raffolé de nous avoir toutes les deux. C’est elle, qui a vu la première, pour… ton métier. Daphné déglutit, relève brièvement les yeux, admet d’un souffle. J’ai préféré oublier.

Elle aimerait retourner le papier, laisser ses mains glisser sur le dos de Pansy – Pandora ! – et y chercher la chaleur qui avait disparu de sa vie, depuis ce jour fatal. Elle n’en fit rien, pourtant, concentrant enfin ses yeux sur les mots imprimés. Daphné fit glisser son doigt, le long des lettres, suivant les lignes, pour que ses prunelles demeurent attentives, pour que les mots fassent sens. Elle lisait ce que Pandora défendait avec tant d’ardeur. Ce que sa soeur n’avait pas inspiré parce qu’elle était morte – mais parce que c’était nécessaire.

Son souffle se coupa, encore, alors que sa lecture se faisait plus effrénée. Les mots de Pansy glissaient contre son esprit, retombaient avec fracas, y faisaient un vacarme assourdissant. Ils s’affrontaient déjà à ceux tout faits, que Daphné avait ressorti tant de fois, pour défendre les Terres de Feu, la noble cause dans laquelle les familles conservatrices s’engagaient. Ils s’affrontaient, et décimaient, lames fatales, tous les mots qu’elle connaissait si bien. Daphné demeurait bête, devant cette tribune, le torse se soulevant trop vite, trop fort. Il avait fallu la mort de sa soeur, alors, pour que Pansy fasse le choix de ne pas les rejoindre. Il avait fallu ce crime en trop, pour qu’elle décide que la cause de l’Enchanteresse était illusoire. Daphné ne savait pas quoi penser, ses convictions luttant avec la prose si implacable de Pandora.

- Tu écris bien.

Elle soupira ces mots, yeux toujours figés sur le papier, lui balançant noir sur blanc toutes les contradictions qui l’assaillaient déjà, depuis qu’Astoria s’était retrouvée coffin sous terre. Elle n’avait pas voulu s’y confonter, à cela aussi, l’héritière Greengrass, parce que la réalisation lui glaçait le sang. Elle avait ouvert les yeux, une fois déjà, et les avait braqués tout entier sur cette cause que Pandora mettait si bien à mal. Comment pouvait-elle les détourner, comment pouvait-elle admettre qu’elle s’était lancée à corps perdu dans ce qui l’avait ainsi détruite ? Elle secouait la tête, boule dans la gorge, refusant de l’admettre.

Pandora, quelque chose au fond d’elle le savait déjà, avait bien trop raison, en écrivant cette tribune. Elle sentait son coeur se tordre, devant ces métaphores de contes, trouvant presque là un hommage à Astoria, qui aimait tant les histoires, et se détestait de ne pas réussir à s’outrager, à détester Pansy d’écrire cela, maintenant. Une phrase, plus que les autres, renversait Daphné, qui aurait aimé l’effacer, ne jamais l’avoir lue. Elle n’invente rien, ne créé rien, au contraire, nous retrouvons, ahuris, et tous les jours un peu plus, les vices qui nous ont emmenés, par deux fois déjà, à la guerre. Elle avait déjà entendu, ces murmures vils, ces rumeurs monstrueuses, à l’enterrement même, de cette élite dans laquelle elle baignait, et qui se complaisait à murmurer que Narcissa était la cause de cet attentat, que le Ministère et les Aurors finiraient par le lui faire admettre. Que sa famille, sa belle-famille, avait causé, par malheur, la mort de l’une d’entre eux. Elle répèterait les mêmes schémas, alors – tuer des innocents, pour pointer du doigt plus odieux.

Plus odieux, vraiment ? Plus odieux que sa soeur, enfant dans le corps, assassinée ?

Daphné sentait son sang s’échauffer, son coeur battre trop fort – il lui fallait un échappatoire, un réceptacle, il lui fallait exploser. Il n’y avait que Pandora.

- Tu écris bien, mais c’est absurde, ce que tu écris.

Elle releva les yeux, plantant son regard trouble dans celui de Pandora, penchant son dos trop droit vers la sorcière, toujours prostrée.

- Tu es en colère, Pandora, alors tu divagues. Comment nos moeurs pourraient-elles être la cause de ce cercle vicieux que tu décris ? Si Potter n’était pas – c’est là, tout l'écueil. Si Potter et son progressisme n’étaient pas, alors Astoria serait. C’est tout.

Elle voulait s’en persuader, ton trop brute, voix trop hachée, ses mots pleins de cette préciosité d’anglaise trop pur. Elle avait repris cette allure détachée, cette façon de se tenir, comme si elle ne parlait qu’à une camarade quelconque. C’était ce qu’était devenue Pandora, de toute façon, avec ce nom, cette tribune, cette audace.

Venir lui faire lire cela, la confronter à cette horreur.

Daphné se redressa, laissant tomber le papier à ses pieds, et tourna le dos à la jeune femme. Elle ne savait plus quoi lui dire. Elle ne la comprenait plus. Elle s’y refusait, car c’était trop vrai. Et, comme toute vérité, elle était bien trop douloureuse pour qu’une femme comme Daphné n’y croque volontairement, aussi tôt.

3205 mots (c) oxymort

P. Pandora Parkinson

P. Pandora Parkinson
MODÉRATRICE & MJ
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Orphelines pensées. Daph x Pando || FB sept 2003 230916321b07e71b7ddd665e37967a7be66e0739
Lun 29 Juin - 1:23




Orphelines pensées.
FB sept 2003 ft. @Daphné S. Greengrass
La crise s’est calmée, son cœur s’apaise, l’hystérie de ses traits disparaît petit à petit. Le corps recroquevillé, fœtale, le menton posé sur ses genoux, Pandora se sent contenue. Ça lui arrive souvent se s’installer ainsi dans l’alcôve de la fenêtre de sa chambre, cendrier devant elle, jambes serrées contre sa poitrine, Saturne ronronnant non loin de là. Ça l’apaise, surtout quand il pleut, dehors, et qu’elle en est protégée, installée à l’intérieur. Déjà, adolescente, elle s’enfonçait dans les fauteuils de cuir de sa salle commune, réchauffée par le feu presque vert du foyer, et par ses cuisses recroquevillées. Elle aime la chaleur et l’hypnose proposée aussi bien par les flammes que par la pluie. Enfant … Enfant, elle ne se souvient pas, mais sûrement n’a-t-elle jamais rien connu de plus confortable et de plus enveloppant que le ventre de sa mère. C’est ce qu’elle fait pour se calmer, et ça fonctionne bien, mais parfois, elle aimerait que ce soit d’autres bras que les siens, qui l’enserrent. C’est paradoxal parce qu’en réalité, elle n’aime pas qu’on la touche, dans ces moments-là. Georgia le sait, et Saturne aussi, alors ils ne l’approchent pas de trop près. Souvent, ils ne sont pas loin, mais ils la laissent tranquille, à sa solitude adorée. Adriene, parfois, lui apporte une petite assiette de choses à grignoter, et elle trouve ça gentil. Mais, de plus en plus souvent, ces derniers-temps, Pandora se fait cette réflexion : j’aimerais que ce soit d’autres bras qui m’enserrent.

Daphné s’approche, et Pandora se tend. Elle est comme un animal craintif, et subitement, la situation semble s’être renversée. Quand elle est arrivée au manoir, c’était Daphné qui pleurait. Maintenant, c’est elle qui est dans un état pathétique, prostrée au sol. La réalité se rappelle à elle alors que l’héritière Greengrass fait venir son Elfe, et demande qu’on lui apporte ses cigarettes. « Et ma baguette, s’il te plaît », susurre Pandora. Elle n’aurait jamais dû la lui laisser, quelle sotte a-t-elle été de se croire capable de s’en détacher, surtout ici, sur les terres magiques des Greengrass.
Elle est pitoyable. C’est Daphné qui doit s’occuper d’elle, alors que c’est elle qui est en deuil. Alors, c’est un sentiment de honte qui gagne le cœur de Pandora. Elle desserre les jambes, se redresse, et avale sa salive. Elle rougit, aussi, du ridicule de la scène qu’elle a causée, et tremble, quand Daphné la rejoint par terre. A quoi ressemblent-elles, assises-là, sur le parquet, à ne pas pouvoir se regarder dans les yeux ? Ombeline reparaît, elle tend le paquet et la baguette à sa maîtresse, et repart. Pandora salive comme devant le meilleur des plats cuisinés par bonne maman, et elle tend le bras, avide. Daphné la surprend, toutefois, elle ouvre le paquet elle-même, en sort une cigarette qu’elle examine avec attention, avant de *ploc*, la planter entre ses lèvres. Pandora n’a pas le temps de réfléchir qu’elle sent ses doigts contre ses lèvres, et que, mécaniquement, ses lèvres s’entrouvrent pour y accueillir l’oblongue. Le temps s’allonge, ou s’arrête peut-être même, alors qu’elle croise son regard, et subitement, il se précipite à nouveau. « Tu effaceras l’odeur, avant de partir », lui dit-elle, et sur l’instant, Pandora peine à comprendre. Elle cligne ses paupières ourlées d’un trait de liner ; mais oui, bien sûr, l’odeur de la cigarette, comprend-elle finalement, la sotte. Du bout des doigts, elle attrape sa baguette, et bientôt, elle a l’impression de respirer à nouveau. Ses muscles se détendent, l’un de ses genoux rejoint le sol et elle murmure : « bien sûr », comme si elle pouvait dénéguer sa requête toute naturelle, puisqu’elle lui impose déjà une odeur aussi forte que celle de la cigarette à une parfumeuse. Elle ne peut pas se retenir, pourtant, elle tire la fumée avec appétit, soulagée et sûrement ridicule. Elle fait tout de même attention à tout recracher loin de la jeune femme.
Les traits de Pandora se font plus doux grâce à la nicotine, alors que ceux de Daphné se tendent : elle raconte combien c’est dur, et le cœur de Pandora se brise en écho avec le sien. Quand l’aînée des Greengrass évoque sa cadette, Pandora peut la voir, dans ses yeux. C’est si facile, de se souvenir d’elle ; elle était comme un rayon de soleil qu’on se prend dans les yeux, et dont on garde la marque, brûlante, quand on les ferme, éblouie.

Pandora veut renchérir, raconter les souvenirs qu’elle garde d’elle, demander si Daphné se souvient quand elles se sont entraînées, toutes les trois, à danser la valse du Bal de Yule, pendant leur quatrième année. Mais elle ne trouve pas ses mots, troublée par Daphné qui, enfin, l’appelle Pandora. Elle s’est faite à l’idée que @Theodore Nott n’y arrive jamais, mais elle aime que pour Daphné, ce soit possible. En réalité, plus que seulement l’appeler ainsi, elle aimerait que Pandora soit connue de Daphné. Elle aimerait qu’elles se découvrent à nouveau, elle aimerait que Daphné sache ce qu’elle est devenue, ces cinq dernières années. Elle aimerait lui poser mille questions, récupérer le temps perdu, connaître la femme qui est devenue la parfumeuse la plus en vogue du monde magique, et qui est sans doute bien plus que l’héritière éplorée des Greengrass dont on parle aujourd’hui. Mais l’heure n’est pas aux retrouvailles : elle est au souvenir du Soleil. « Tu peux me raconter, si tu veux. Tu peux me parler d’elle des heures durant, je ne m’en lasserai pas. » Il n’y aurait que cela, pour garder Astoria vivante encore un peu plus longtemps : les mots et le souvenir.
Et Daphné alors se souvient. Elle se rappelle que c’est Astoria qui a su la première pour son poste chez Witch Weekly, et sans mal, Pandora se l’imagine. Assise-là, sur ce fauteuil près de l’âtre du Grand séjour, à lire cet article qu’elle a écrit, au début de sa carrière, sur le nouveau look de la chanteuse des Bizarr’ Sisters. Elle voit Astoria écarquiller des paupières en voyant signé Pandora P., au pied de l’article, et monter les escaliers quatre à quatre pour le montrer à sa sœur. Elle a envie de renchérir, de lui demander : dit-m’en plus, raconte-moi ces cinq années que nous avons passé loin les unes des autres, mais Daphné s’est mise à lire. Et cette fois-ci, alors que Pandora tire avec plus de tranquillité sur sa cigarette, elle lit vraiment. La parfumeuse parcourt la page de ses iris bleus comme la mer. Pandora peut presque les voir s’assombrir alors qu’elle bute sur des mots, alors que certains sont trop durs, peut-être mal placés, sûrement inappropriés. Un peu plus encore, et Pandora se détend. Quoi que Daphné puisse dire, ça sera juste. Parce qu’elle aura lu. Et à ces mots-là, la journaliste se sera préparée, c’est certain. Elle les a tous passé en revue, pendant la nuit sans songe qu’elle vient de passer. Et Daphné sait être juste. Son chagrin ne parviendra pas à prévaloir sur cela, pas tout à fait, en tous cas, Pandora en est certaine.

« Tu écris bien. »

La cigarette tremble dans sa main de la journaliste, son cœur ralentit, manque un battement, peut-être. Et puis elle rougit, baisse le crâne, quitte ces iris maritimes au plus vite. Doux compliment inaudible, et vite repris, puisque Daphné y rajoute quelques mots : selon elle, son propos est absurde. Ses paupières clignent, une fois, puis deux, et la Greengrass cherche son regard, que Pandora finit par lui accorder. Elle est dure, jusque dans son œil. Elle n’a pas aimé, mais si elle veut, la journaliste lui accordera l’absurdité. Être absurde, ce n’est pas mentir, ou avoir tort, et Pandora est trop las, désormais, pour tout lui dénier. Et la colère qui gagne à nouveau la voix et le corps de Daphné semble cette fois-ci plus justifiée. Si elle veut critiquer ses mots, au moins les aura-t-elle lus. Alors, quand elle se lève, s’éloigne, Pandora avale sa salive, et accuse le coup. Ça ne lui plaît pas, mais elle ne lui interdit aucune publication, pas encore, en tous cas. Et elle, en tant que journaliste, elle a ce qu’elle est venue chercher : Daphné a lu, elle a réagi, mais rien de plus. Elle n’a même pas bronché à l’idée que Witch Weekly fasse paraître toute une édition en l’honneur de sa sœur – si tant est que cela soit considéré comme un honneur. Pandora a-t-elle envie de débattre, désormais ? Cette discussion lui paraît futile. Nouvelle prise sur sa cigarette. Elle est presque finie, désormais, et la cendre tombe sur parquet. D’un geste mécanique de sa baguette, qu’elle tient gracieusement, index avancé sur le manche, elle la fait disparaître, avant de tirer vers elle, du bout des doigts, son attaché-case, alors que Daphné s’éloigne. L’air  est électrique.

Le fin cylindre entre les lèvres, Pandora se sert de ses deux mains pour ouvrir la mallette et y glisser le papier. L’héritière ne voudra sûrement pas le garder, alors elle le range, sans précaution. Elle en a des copies, à la maison, et celui-ci, de toute façon, a trop vécu pour être envoyé tel-quel à la rédaction. Elle ne veut simplement pas en imposer la vue à Daphné, elle en a sûrement eu assez. Pandora tend ensuite une jambe, puis l’autre, alors que Daphné tourne en rond, l’air d’une lionne en cage. Elle se lève ainsi avec prudence, estomac vide et tête lourde d’émotions, ne souhaitant pas brusquer la jeune femme qui semble en quête d’une proie sur laquelle sauter. Sans mot dire, elle traverse la pièce pour s’approcher de la fenêtre, qu’elle vient ouvrir avec vigueur, pour aérer. Elle regarde le parc un instant, avant d’écraser contre la pierre son mégot. D’un sortilège informulé dont elle a l’habitude, elle le fait disparaître, pour ensuite venir tirer l’odeur de la cigarette vers l’extérieur, et la chasser au dehors. Du même coup, et par inadvertance, à cause de sa magie certainement abîmée par le trouble de ses émotions, elle embarque Daphné dans son sortilège, comme prise dans l’aspiration. Ainsi, sous ses yeux ébahis, les cheveux de Daphné s'agitent et sa chemise de nuit ondule.
Une bouffée de l’odeur de la jeune femme surgit alors aux narines de Pandora. Elle n’est pas parfumeuse, mais elle n’en est pas moins surprise, car une évidence s’impose : ça n’est plus la même que celle qu’elle avait, adolescente. Elle la connaissait à tout heure du jour et de la nuit, elle savait ce qu’elle sentait naturellement, au coucher et au réveil, en été ou en hiver, au sortir de la douche ou après quelques tours de terrain. Elle était familière de cette odeur, douce, fruitée, souvent recouverte par celle de la lessive de Poudlard, qui la troublait tant, et qui comptait parmi les diverses fragrances de son Amortentia. Et maintenant, sa saveur est différente. Pandora peut presque le sentir, là, sur le bout de sa langue. Ça la trouble, alors elle rougit, à nouveau. « Oh, excuse-moi, je n’ai pas fait exprès. Normalement, tu ne devrais plus rien sentir, mais je vais le refaire un coup, pour … enfin, pour ton nez », justifie-t-elle. Elle s’exécute, attentive à mieux maîtriser sa magie, afin de ne pas être prise deux fois dans cet embaumement farouche, encore indompté, trop étranger, qui lui fait dire que la Daphné qu’elle a face d'elle n’est plus celle qu’elle a un jour connu.

Pandora pose ses doigts vernis contre le rebord de la fenêtre, avant de dire, lentement, les yeux rivés vers l’extérieur : « tu as raison, Daphné. Je suis folle de rage. » Elle n’a pas envie de se disputer avec elle. Elle n’a pas envie d’être en colère contre elle, elle n’a pas envie de la forcer à voir sa réalité à elle. Car après tout, ça n’est que ça : sa réalité. Et si Daphné ne veut pas la partager, c’est bien son choix. Ainsi, elle lui accorde la colère : c’est vrai, et peut-être même que ça la rend absurde. Elle se retourne finalement, et pondère sa réponse : elle veut lui répondre sans l’enflammer, mais elle ne peut ni mentir, ni ternir ses idéaux. La fenêtre ouverte et l’air frais matinal aideront peut-être l’ouvrage. « Je suis folle de rage qu’Astoria ne soit plus là, mais ça ne change rien au fait que Potter, en revanche, soit. Il est, et il n’existe pas seul. Il n’a d’importance que celle qu’on lui accorde, il n’est le héros que de ceux qui le voient ainsi. Tu voudrais que lui et son progressisme ne soient pas, certes, c'est sûrement ce qu'il y a de plus sage … Mon propos, c’est que telle n’est pas l’intention de l’Enchanteresse. Elle veut l’opposition franche, elle prône la haine et ainsi elle obtient la guerre. Ça fait un moment que j’ai décidé de m’éloigner de cette pensée, mais je m’y complais depuis tellement longtemps que j'ai eu du mal à la lâcher tout à fait. » Elle n'ajoute pas qu'elle regrette que cette décision ait été prise en conséquence à la mort d'Astoria. Sûrement Pandora n'aurait-elle pas dû attendre son décès pour comprendre qu'il lui faut choisir définitivement un parti dans ce schisme qui sépare le monde sorcier en deux entités qui ne savent exister l'une avec l'autre.

Pandora ne sait pas toutefois si elle est très claire, si Daphné va vouloir la reprendre, la faire taire, ou s’énerver encore un peu plus... Elle a envie de lui dire : ce n’est pas ce qu’elle cherche. Elle veut juste répondre. « Tu sais … De tes parfums, c’est Larmes Royales, je crois, qui me va le mieux. Je l’ai beaucoup porté. Celui que j’ai, aujourd’hui, Opium … Je crois que je ne me trompe pas quand je dis qu’on retrouve dans les deux flacons un agrume. » Elle ne le portera plus, Larmes Royales, alors elle devra se contenter de la version de Saint-Laurent. Elle a lancé ça comme ça, avec légèreté, pour dévier le sujet.

Pandora tourne la tête vers le bureau, où l’orange entamée gît. La scène lui évoque Eluard :

La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s'entendre


Son regard se perd dans le parc, à nouveau. La peau de son bas ventre découverte par son pull coupé court se tend avec un coup de vent, alors Pandora referme la fenêtre, ne voulant pas que Daphné attrape froid, dans sa tenue de nuit. Elle étouffe, pourtant. Elle n’avait pas prévu de rester. Juste le temps de lui faire lire la tribune, s’était-elle juré. Raté.

Les fous et les amours
Elle sa bouche d'alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d'indulgence
À la croire toute nue.


Sa mère aurait détesté qu’elle le connaisse par cœur, ce poème, qu’elle ait utilisé ses précieuses leçons de français pour manier la langue Pernelle de façon aussi pervertie. C’est Ana, à Beauxbâtons, qui lui avait prêté son édition, en 1998. De toute façon, Ana a été la source de toutes ses premières perversions.
Pandora étouffe, alors elle tourne le crâne vers Daphné, dont elle cherche le regard, la coupant dans une réponse qu’elle avait peut-être déjà entamée. Elle ne sait pas, elle n’écoute pas. Elle est perdue dans ses songes de terre bleue comme une orange.

« Tu ne veux pas qu’on sorte, dans le parc ? J’étouffe, ici, je ne sais pas comment tu fais. »

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Daphné S. Greengrass

Daphné S. Greengrass
MODÉRATRICE
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Ven 31 Juil - 0:28


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orphelines pensées

Mandarine, jasmin, myrrhe, sur fond de cigarettes
@Daphné S. Greengrass & @P. Pandora Parkinson

◊ ◊ ◊




Elle s’était figée, à quelques pas de Pandora, drapée dans sa désapprobation. Pandora ne comprenait rien, mais s’archarnait à agir comme si l'aînée Greengrass était celle à qui tout échappait. Dos tourné, la jeune femme inspira longuement, s’astreignant au calme. Son corps la lançait, ses os semblant cogner entre eux sans cesser, et sa tête lui tournait. Elle aurait aimé se laisser tomber dans son fauteuil, bras entourant ses jambes, et s’y abandonner à Morphée, pour ne plus penser à rien. Fut un temps, Daphné se serait autorisée pareil laisser aller. Elle n’aurait pas réfléchi deux fois à l’idée de s’assoupir auprès de Pansy, dans tout apparat, et sous toutes circonstances. Aujourd’hui, toutefois, son corps ne pouvait que rester droit et figé, à tenter de temporiser ses émois. Pandora n’était pas Pansy, et le souffle de Daphné ne pourrait retrouver sa tranquillité tant qu’elle serait là, juste devant elle, pourtant si loin.

Elle l’entendait bouger, elle entendait son parquet craquer sous ses pas ; elle ne pouvait que s’abandonner à sa curiosité, bras refermés sur le ventre, alors qu’elle se tournait pour lui faire face. Pansy avait ouvert la fenêtre, et l’air devenait d’un coup plus respirable. L’odeur nauséabonde de la Vogue qu’elle avait tenu aux doigts se voyait peu à peu disparaître, et soudainement, un flux d’air magique la prit au dépourvu, secouant sa robe, relevant ses cheveux, révélant trop de sa peau. Elle plaqua ses mains le long de son corps, appuyant le tissu sur ses cuisses pour l’empêcher de trop en dévoiler. Une rougeur vint aussitôt rehausser les joues de la blonde, qui détourna le regard, gênée. Elle ne fit qu’à peine attention aux excuses de son ancienne amie, hochant tout juste la tête pour la remercier de son attention. Elle recommença alors son sortilège, plus contrôlé cette fois. Daphné lissa du plat de la main le lin de sa robe de nuit, et ses doigts trouvèrent son chemin vers ses longueurs. Elle noua distraitement ses cheveux blonds en une natte des plus lâches. Elle lui retomba sur l’épaule, trop fine malgré toute sa longueur, et bien trop rapidement nouée. Elle n’avait plus d’excuses pour ne pas reporter son attention sur la brune.

Elle lui expliquait combien elle était folle de rage, combien il serait absurde de se plaire à croire que Potter n’était pas, ou ne devrait pas être. L’opposition france, c’était Narcissa, répétait-elle. Daphné l’entendait, évidemment, elle ne pouvait que l’écouter et se haïr de se savoir être d’accord, presque, un peu du moins, avec ses propos. Peut-être que si Narcissa n’avait pas été si active dans son opposition, peut-être alors qu’Astoria serait encore là. Non, non – Narcissa devait faire cela à cause de Potter. Elle n’avait pas le choix. Elle réagissait comme elle le devait, de la seule façon dont elle le pouvait. Elle n’était pas l’odieuse, dans tout cela. Pourtant, c’était elle, c’était Draco, qui se trouvaient derrière les barreaux, à subir interrogatoires sur interrogatoires, ciblés tant des doutes du Ministère que de ceux des Insurgés. C’était eux, les soupçonnés d’assassinat. Potter n’avait jamais tué qui que ce soit, n’est-ce pas ? Non, non, elle ne pouvait pas ne plus y croire. Elle ne pouvait pas penser ainsi. Pas maintenant. Que lui resterait-il, si elle ne croyait plus en son Enchanteresse ? Sa gorge se serra, et elle voulut faire un pas vers Pandora, elle voulut la confronter à tout ce qu’elle ne comprenait pas. Parce qu’elle était bien trop privilégiée, Miss Parkinson.

Tellement privilégiée, qu’elle restait là, après avoir défendu son article, alors même qu’il était rangé, qu’elle l’avait lu, et que Pandora aurait pu partir, enfin, leur rendre leur liberté. Non, elle restait là, et lui parlait de parfum. Daphné se figea. Elle ne pensait pas qu’elle savait, ni même qu’elle avait porté ses odeurs. Avait-elle compris alors ? Avait-elle porté ce parfum-là ? Elle lui parlait du Larmes Royales, toutefois. Comment pouvait-elle lui dire qu’elle portait ce parfum, avec tout ce qu’il représentait, alors qu’elle venait de lui avouer comme elle se détachait de tout ce qu’il signifiait ? Pire, qu’elle venait de lui faire lire combien elle crachait dessus. Comment avait-elle changé ainsi ? Qui avait-elle côtoyé, durant ses longues années loin d’elle, pour se construire ainsi, si différente, si nouvelle – si Pandora ? Pourquoi avait-elle le droit, elle, à ce choix, à ce renouveau, alors qu’elle n’avait rien perdu ? Astoria était sa soeur, à elle. C’était sa soeur qui était partie. Pourtant, tout le monde sauf elle semblait trouver une forme de grâce suite à cette perte. Elle pinça les lèvres, détournant le regard. Elle comparait son parfum à Opium. Elle ne connaissait pas. Elle ne voulait pas connaître. L’orange ne lui allait pas. Ce n’était pas l’odeur qu’elle lui associait. Elle voudrait lui dire que pensées. lui irait mieux. Ce furent d’autres mots qui lui échappèrent, pourtant. Des mots d’autant plus las.

- S’il te plaît, arrêtons-là. On ne se comprendra pas, Pans – Pandora. On ne le peut pas. Tu as le choix, toi, de t’éloigner ainsi. Si moi, je – non, c’est absurde, je ne veux pas en discuter plus. Publie-le donc, cet article, Pandora. Publie-le, mais souviens-toi chaque fois qu’il te tombera devant les yeux combien tu t’octroies cette liberté de renier ce qui t’a construite sur les douleurs d’autres infortunés, à qui le choix n’est pas donné.

Sa voix se brisa, sur la fin, et elle resserra ses bras autour d’elle, une fois encore.

- Ombeline te guidera dehors, souffla l’héritière en prenant place, sans un bruit, sur l’accoudoir du fauteuil.

Elle ne la regardait pas dans les yeux, ignorant sciemment sa présence. Pandora ne bougeait pas, pourtant, et le rythme effréné du coeur trop énervé de Daphné ne parvenait pas à s’apaiser.

- Pansy, s’il te plaît.

Pansy, perdue dans sa bulle, perdue dans ses réflexions, fermant distraitement la fenêtre, avant de s’abandonner à son quartier d’orange. Pansy était dans un monde autre, au beau milieu de son espace à elle. Daphné s’éclaircit la gorge ; elle aurait aimé lui dire de laisser le tout ouvert – elle étouffait, sans cela. Elle avait besoin de ce vent d’automne déjà trop fort, de cette fraîcheur de rosée matinale. Elle avait besoin de l’odeur de la terre du Manoir, mouillée par les pluies de la nuit, qu’elle n’avait même pas entendu. Elle avait besoin de toute odeur et toute sensation qui la détournait de celle, déstabilisante, qui lui remontait dans le nez. Elle ne connaissait pas son parfum. Elle n’avait aucune idée du créateur derrière l’odeur qu’elle portait, cet Opium qu’elle semblait tant aimer, et dont elle laissait la trace partout dans son espace. Là, sur les rideaux, là, contre la table, là, contre le tissu du fauteuil, son odeur inconnue qui s’incrustait partout.

Tout, finalement, l’horripilait. Ce pull trop court, qu’elle portait si fièrement, qui faisait se dresser sa peau sous le vent, et qui l’avait sûrement incitée à fermer cette fenêtre. Ses lèvres trop rouges qui défendaient son article avec trop d’acharnement. Ses lèvres absurdes, qui continuaient de parler, alors même que Daphné attendait qu’elle ne s’en aille, et qui lui parlait de sortir. Elle étouffait – c’était elle, qui étouffait. Avait-elle même entendu, ce qu’elle venait de lui dire ? Avait-elle entendu qu’elle l’avait congédiée ? Dehors, Pansy, c’était assez ainsi. Non, elle demeurait là, devant elle, trop frêle, trop fatiguée, et elle étouffait. Daphné secoua la tête, désabusée. Pansy ne faisait jamais ce qu’il fallait. On la croyait sage, on la croyait docile, on la croyait gentille fille – Daphné savait pourtant combien c’était faux, combien elle raffolait bien trop faire le pas à côté, le pas trop fou. Elle était là, après tout, au milieu de son salon, après tant d’années à se voir, à l’insulter puis lui proposer une balade. Merlin, Marie, qu’avait-elle fait pour mériter cela ?

Elle ne savait pas comment lui dire non, lui expliquer qu’elle ne sortirait pas d’ici, qu’elle ne commencerait pas une vie normale, en dehors de ses murs, où Astoria n’existait pas. Elle devait trouver une excuse, n’importe quelle excuse. Elle n’en avait pas. Et à Pansy, elle ne savait pas mentir.

- Tu dois partir, Pandora. Je ne peux pas sortir. Je ne peux pas faire… ça, lâcha-t-elle avec un rictus dérangeant, faisant un geste les englobant toutes deux.

Elle ne savait pas ce que c’était, que ça, mais elle n’en avait pas la force, pas aujourd’hui. Pas demain, non plus. Quand aurait-elle la force de continuer sans sa lumière ? Daphné sentit les parois de sa gorge se resserrer, son souffle se couper, alors elle s’astreignit au calme, inspirant profondément par le nez. L’héritière savait ses yeux s’embuer, alors qu’elle secouait la tête, comme pour chasser tout ce qui remontait – les mots pourtant se bousculèrent hors de ses lèvres, torrents déments de plaintes lancinantes. Elle ne pouvait plus.

- Tu ne tombe pas bien, ça m’épuise, je ne peux pas. Cette discussion, cet article – toi. Pandora. C’est trop, tu ne te rends pas compte de ce que tu m’imposes. Je n’ai pas dormi, depuis, j’ai à peine mangé, je n’ai pris le temps de répondre à aucun courrier, de ne voir aucune tête amie – je ne peux rien faire d’autre que d’attendre ici, et de prier la voir passer la tête par le chambranle de porte, prier que ça ne soit qu’un mauvais rêve, une plaisanterie de maître farceur, un Épouvantard, même, par tous les dieux, et tu voudrais que je sorte, que je profite de l’air frais, que j’arrête d’étouffer ici ? Tu me demandes comment je fais ici, Merlin, Pandora, je ne fais pas, je ne fais rien, je ne…

Elle s’interrompit, détournant vivement la tête, plantant ses dents dans sa lèvre inférieure. C’était assez, de cette mise en spectacle. Ce n’était pas Pansy, face à elle – elle ne pouvait pas. C’était Pandora.

- C’est assez, s’il te plaît, va-t-en.

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P. Pandora Parkinson

P. Pandora Parkinson
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Orphelines pensées. Daph x Pando || FB sept 2003 230916321b07e71b7ddd665e37967a7be66e0739
Dim 23 Aoû - 18:09




Orphelines pensées.
FB sept 2003 ft. @Daphné S. Greengrass
Pandora entend, pourtant, qu’on lui parle. Elle voit, du coin de son œil, les lèvres de Daphné qui s’agitent, son bras qui vient enserrer sa chemise de nuit, comme par peur qu’elle ne s’envole encore. C’était joli, pourtant, quand elle s’est envolée. Pandora entend qu’il se passe quelque chose, mais elle n’écoute pas ce qu’on lui dit. Elle s’est égarée dans son poème, elle est perdue dans ses pensées. Pansy lost in her thoughts. En anglais, ça ne donne rien. Mais en français, comme l’aurait sans doute souligné Anastasia … Pansy perdue dans ses pensées, ou même, Pensée perdue dans ses pensées. Elle aurait ri, Ana. Pandora esquisse un fin sourire alors que, derrière elle, la voix de Daphné se brise et la supplie de l’écouter. Pourquoi n’y arrive-t-elle pas ? Pourquoi ne parvient-elle pas à être là pour elle, toute dévouée ? Elle aurait aimé, pourtant. Si cette scène avait été vécue cinq ou six ans plus tôt, elle aurait pu le faire, sans aucun doute, elle y serait parvenue. Il ne lui aurait fallu qu’un coup d’œil pour savoir ce dont Daphné avait besoin, elle aurait su se taire quand il l’aurait fallu, elle aurait parlé quand ça aurait été le moment de le faire, elle aurait su dire des mots justes et évidemment, elle l’aurait entendue plus qu’écoutée.
Pandora aimerait être capable de ça, elle aimerait la prendre dans ses bras, caresser ses cheveux blonds, et lui dire quelque parole rassurante. Elle en est pourtant incapable. Elle se sent comme en décalage, face à Daphné, plus qu’elle ne l’a jamais été. Elles se connaissent depuis tellement d’années, et pourtant, elle a la sensation de ne plus rien savoir d’elle. Ou peut-être est-ce la douleur d’avoir perdu Astoria qui l’en empêche. Peut-être est-elle plus paralysée qu’elle ne l’admet face à cette perte ; elle n’a pas eu le temps de l'intégrer, trop absorbée dans la rédaction de cet article. Sans doute ne sait-elle pas encore bien ce que va représenter pour elle le décès de la jeune Greengrass, mais elle en sent l’immensité. Et peut-être que de la même façon, Daphné est incapable de recevoir l’attention, les mots que Pandora tente de lui adresser. Peut-être que quand Pandora se fait sourde et qu'en face d'elle, Daphné devient aveugle.

Et ainsi, c’est sûrement pour cette raison qu’elle la somme de partir, comme Pandora croit l’entendre, éberluée. Elle vient d’atterrir, de lui proposer de sortir prendre l’air dans le parc, mais Daphné refuse, et plus que ça, elle ne veut plus la voir. Sa voix est dure, elle ne lui laisse pas le choix. Elle ne veut pas aller dans le parc, elle veut juste qu’elle parte, et elle l’appelle Pandora. Le prénom sonne encore plus durement que toute la phrase. Celle qui le porte baisse déjà la tête, prête à recevoir ce qui l’attend, et cette fois-ci, elle écoute. Daphné lui raconte sa souffrance, sa douleur, et Pandora se mord la langue de n’avoir su en prendre la mesure, ou plutôt, de n’avoir su quoi faire d'elle. Et d’ailleurs, elle ne le sait toujours pas, elle se sent impuissante alors que Daphné lui assène sa diatribe. Sûrement mérite-t-elle la dureté de ses mots, Pandora s’en veut, en tous cas, de la crise de petite fille trop gâtée qu’elle lui a imposée, un peu plus tôt. Elle a honte, car c’est Daphné qui aurait dû avoir la liberté de s’effondrer. Elle ne l’a pas fait, pas devant Pandora, en tous cas. Elle n’en a pas eu la place, et c’est de sa faute. Petite sotte.
Elle tire sur son pull, comme pour finalement cacher son nombril, mais se retient de replacer sa frange. En fait, elle a l’impression que si elle bouge plus que cela, Daphné cessera de la cogner de ses mots, et sans doute Pandora a-t-elle besoin de les entendre, petite masochiste qu’elle est. Ça lui remet les idées en place, ça met de l’ordre dans ses priorités. L’article n’aurait jamais dû l’être, et il ne l’aurait jamais été, d’ailleurs, il y a six ans. Pandora ne sait plus ce que c'est qu’être l’amie de Daphné, mais elle peut sans doute le réapprendre. Au moins, elle pouvait essayer. Elle a l'impression que c'est ce que Daphné lui demande. De revenir à il y a six ans, quand elle s'appelait encore Pansy, et qu'elle savait la consoler.

Ainsi, si Daphné la somme de partir, elle lui glisse aussi quelques éléments de sa détresse. Elle lui dit combien c’est dur, combien elle est paralysée depuis le décès de sa sœur, et le cœur de Pandora saigne pour elle. Daphné lui parle de ses obligations et elle ne peut que la comprendre : comment répondre à des courriers qui ne font que lui rappeler son drame ? Comment manger quand, à table avec elle, Astoria ne sera jamais plus là ? Comment peut-elle dormir si c’est pour rejoindre une réalité rêvée où sa sœur serait encore vivante, et devoir ensuite se réveiller ? Pandora a déjà vécu ça, sans doute pas dans une telle souffrance, mais dans quelque chose de similaire, quand elle est devenue orpheline, et qu’il a fallu bâcler le deuil de son père pour se charger de devenir l’héritière d’une famille. Orpheline, Daphné l’était déjà. Maintenant, elle est tout à fait seule, même sa sœur n’est plus. Elle et Pandora sont les uniques héritières de familles centenaires et elles doivent en assumer le rôle. Pour Daphné, bien sûr, c’est impossible, puisqu’elle doit d’abord s’occuper de ne pas s’effondrer tout à fait, avant de se préoccuper du sort de son nom. Et alors qu'elle lui assène une dernière fois de s’en aller, Pandora songe qu’elle peut lui faire une ultime proposition, après lui en avoir déjà demandé tant, avec cette histoire d'article. Comme elle regrette, maintenant. Elle laisse ses bras tomber contre son corps, cherche son regard qu’elle ne trouve pas, Daphné se faisant plus fuyante qu’elle ne l’a jamais été, et lâche d’une voix qu’elle veut douce : « je te prie de pardonner mon intrusion, Daphné. Tu as raison, je vais y aller. Si tu veux, je peux te délester d’un de tes devoirs, et demander à Ombeline de me donner ton courrier. Je saurai répondre aux lettres de condoléances. » En effet, en bonne journaliste, Pandora passe déjà ses journées à écrire des papiers en lesquels elle ne croit pas, et puis, par deux fois déjà, elle a eu à réaliser cet exercice affreux qu’est celui de remercier la gente pour ses condoléances mielleuses. C'est un travail insupportable, et si Daphné voulait en réchapper, elle pourrait compter sur elle.
A défaut de trouver le regard de Daphné, Pandora éloigne le sien pour retrouver sa mallette. Elle traverse à nouveau la pièce vers celle-ci, avant de rajouter, se tournant à demi vers la blonde : « J’habite au 37 Gonzalez Street, maintenant, à Londres. J’ai tout vendu à part cet immeuble. Tu y es la bienvenue, quand tu veux, à l’heure que tu veux. Si tu veux boire un chocolat chaud, si tu veux regarder la télévision ou si tu veux dormir hors d’Exeter … Sens-toi libre de venir. » Daphné n’a jamais vu cet appartement. Pas plus qu’Astoria. Aucun risque d’y trouver son fantôme, ainsi. Pandora en est persuadée depuis qu'elle a posé le pied sur ce terrain, mais elle l'est encore plus après son entrevue avec Daphné : celle-ci ne restera plus longtemps dans cet immense et morbide manoir. Il invivable et étouffant, souvenir gigantesque d'un temps disparu.

La brune attrape son attaché-case du bout de ses doigts vernis, et se persuade d’une pensée que ce ne sera pas la dernière fois qu’elles se verront. Que ce soit pour les lettres, ou parce que Daphné viendra un jour toquer à la porte de la colocation, ou parce qu'elle forcera cette nouvelle rencontre, elle ne la laissera plus filer. Peut-être que d’ici-là, elle aura même compris pourquoi elles sont restées séparées tant de temps. Elle ne sait pas encore comment il a été possible qu’elles sortent de la vie l’une de l’autre, comment elles en sont arrivées à la scène qui vient de se jouer, mais elle n’arrêtera pas d'en chercher les raisons pour pouvoir les réfuter, les unes après les autres. Elle est persuadée qu'aucune d'entre elles n'est valable, c'est impossible, puisqu'elles ont un jour été indispensables l'une à l'autre. Puisqu'elles ont su un jour quel était le mot juste pour apaiser la souffrance, pour abaisser, au moins un peu, le chagrin. Pandora ne tarirait pas de chercher.
Ce désir de la retrouver est né, et le rejet que lui oppose Daphné ne fait que l'en persuader un peu plus. Rien de tout cela n'est naturel : Pandora aurait dû savoir quoi lui dire, Daphné aurait dû souffrir un peu moins grâce à elle. Et si elle ne peut pas lui apporter cet apaisement ce jour, alors, ça serait pour le lendemain. Elle saurait trouver les mots, elle parviendrait à ce que Daphné l'écoute.

Elle trouverait, hors des cris et des larmes, comment apporter à Daphné la tendresse qu'elle perdait avec la disparition de sa sœur.

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Daphné S. Greengrass

Daphné S. Greengrass
MODÉRATRICE
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Sam 19 Sep - 10:47


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orphelines pensées

Mandarine, jasmin, myrrhe, sur fond de cigarettes
@Daphné S. Greengrass & @P. Pandora Parkinson

◊ ◊ ◊



Sa voix avait claqué entre elles, se brisant sur les dernières syllabes. Daphné avait tenté d'y insuffler une rigueur, de glacer le rond de ses lettres, pour que Pansy se fige et détale, petit animal blessé. Son corps l'avait trahie, pourtant, sa voix avait craqué, et la larme avait coulé. Elle glissait, le long de sa joue, roulait dans son cou, et serait suivie par tant d'autres si les dents de l'aînée ne s'étaient plantées dans sa lèvre inférieure, assassines. Elle baissa la tête, cacha cette pluie révélatrice de tous ses émois, tenta comme elle le pouvait d'ignorer la silhouette de Pandora qui ne s'en allait toujours pas. Elle avait été claire, pourtant, plus limpide qu'elle ne pouvait l'être en ces circonstances. Elle ne pouvait pas supporter la présence de Pandora, pas aujourd'hui, pas comme cela. Rien en elle n'écoutait ce qu'elle souhaitait faire, après tout, son corps lâche ayant déjà prouvé combien il ne lui répondait plus ; comment rester près d'elle, alors, et risquer à tout instant de s'écrouler ?

Le sang glacé, la jeune Greengrass réalisait combien les quelques pas qui la séparait de Pandora n'étaient finalement que des milliers de kilomètres, chacun teinté d'années de séparation rendant impossible l'intimité. Elle ne saurait plus comment se tenir, comment agir, face à cette personne là. Cette Pandora, qui venait chez elle, remuait ciel et terre, la confrontait à sa naïveté assassine. Elle ne méritait pas cela, voulait se persuader Daphné. Elle n'en voulait pas, en tout cas. Et elle ne voulait pas de Pandora, pas comme cela non plus.

Alors qu'elle parte, vite. Qu'elle fuse hors d'ici.

Pansy prit la parole - non, c'était Pandora qui s'exprimait. La voix était douce, les mots tout lisses. Elle s'excusait de son intrusion. Daphné regardait expressément le sol, refusant tout contact avec cette étrangère dans son espace. Une intruse. C'était ainsi qu'elle s'appelait elle-même, finalement. L'endeuillée aurait aimé relever les yeux, saisir le poignet trop fin de cette fille qu'elle avait tant touché, tant adoré, pour pouvoir lui souffler comme elle avait besoin d'elle, comme elle n'y arriverait pas, toute seule. Il lui fallait Pansy, parce que c'est ainsi que ca avait toujours été, surtout ici, là, juste ici sur ce fauteuil, Pansy et Daphné, blotties l'une contre l'autre, à écouter Astoria. Il lui fallait cela, pour panser un peu ce cœur à vif, elle voulait Pansy pour panser son cœur, pitié. Tous les mots cognaient fort contre ses lèvres closes, son corps désespérément immobile, car Pansy n'était pas, n'était plus, c'était Pandora, Pandora qui ferait son courrier, si elle le souhaitait.

Daphné secoua la tête, par automatisme. Elle ne répondit rien, pourtant, elle ne savait quoi lui dire, et ne l'aurait pu. Sa gorge était nouée, son corps trop crispé. Les mots tournaient dans sa tête, ce besoin affolant de l'appeler Pansy, de lui murmurer en français un appel à l'aide. Pansy, Astoria, Daphné. C'était mieux, alors. C'était d'autant plus doux. La tête lui tournait, ses yeux trop humides d'avoir fixé le sol ainsi, sans cligner. Elle s'était perdue dans son ailleurs, encore, et Pandora était toujours là. Un frisson lui remonta l'échine, et elle releva les yeux, plongeant une dernière fois ses pupilles trop claires dans celles chargées de peine de Parkinson. Leurs regards se trouvèrent, cette fois, pour la première fois peut-être depuis que les mots s'étaient glacés.

Elle entendit le mot télévision, ne le comprit pas, fut d'autant plus perdue par cette femme devant elle, qui l'invitait à des choses inconnues. Elle l'invitait, toutefois, lui disait de se sentir libre de passer. Daphné n'avait pas tout entendu, mais les mots hors d'Exeter la glaçaient déjà. Quitter cet endroit, c'était quitter les dernières traces d'Astoria. Elle était encore là, au sol, à lire pendant qu'on se nouait les cheveux, et Pandora souhaitait que Daphné s'éloigne, qu'elle l'abandonne ? L'héritière Greengrass déglutit, l'observa retrouver son attaché-case, prendre le chemin du retour. Elle n'avait toujours pas répondu, peut-être n'attendait-elle pas de retour. Il y avait un moment de flottement, tout de même, entre son corps un peu gauche, hésitant à partir tout à fait, sans que Daphné ne dise mot, et celui de l'aînée, trop frêle, qui demeurait figé.

Lèvres entrouvertes, Daphné hésita encore, quelques secondes, avant de claquer des doigts. Ombeline apparut aussitôt, le visage inquiet. Daphné ne l'avait pas appelé d'elle-même, depuis. La jeune femme fit un signe las vers Pandora, soufflant à son aide :

- Raccompagne la vers la sortie, veux-tu ? Bloque les accès à tout le monde, après. Mlle Parkinson propose sa plume, utile plutôt qu'aigrie, cette fois : prends tes dispositions avec elle, si tu souhaites être soulagée des courriers. Je me retire, maintenant, Astoria m'attend, Ombeline, tu sais qu'elle n'aime pas être seule trop longtemps.

La femme était redevenue une enfant, elle s'était perdue dans ses souvenirs, et son regard au sol ne voyait plus que la silhouette enfantine de sa petite sœur, allongée par terre, sur ce parquet trop froid, à plisser sa robe de soie. Mère allait gronder, mais elle ne dirait rien tout de suite, car elle voyait du coin de l'œil la tendresse dans l'œil de Daphné, qui couvait du regard sa jeune sœur. Pandora était assise au sol aussi, à ses pieds, sur un coussin toutefois, et les doigts de Daphné se perdaient dans ses cheveux longs, à nouer soigneusement les plus jolies tresses qui soient. Il y avait des rires, beaucoup de rires, alors la mère Greengrass détourna les yeux de ces jeunes enfants au sol, à salir leurs vêtements, et laissa l'instant perdurer. Daphné pouvait alors se perdre dans ces temps d'antan, presque arrivait-elle à caresser du doigt la joue de la cadette, presque sentait-elle la douceur des cheveux ébènes de sa meilleure amie.

Daphné tourne le dos à Ombeline et Pandora, sans plus y songer, son corps trouvant place sur le fauteuil de cuir, ses doigts déjà faufilés vers la table basse pour attraper Ovide. Elle avait trouvé la page adorée, déjà, et sa voix susurrait à Pansy et Astoria les premières lignes du mythe de Daphné, la rondeur du français glissant sur sa langue trop asséchée. Elle s'épuisera, alors, des heures durant, à lire ces milliers de mots, sa gorge s'étouffant, jusqu'à ce qu'enfin elle ne tombe de fatigue, tête écroulée sur le dossier, livre tombé au sol. Premier somme, depuis, premier dont elle se réveillera groggy, les souvenirs enfumés, l'odeur de Pandora encore trop prégnante autour d'elle. Elle la hantera, peut-être plus encore que le spectre enfantin d'Astoria, car au contraire de sa sœur, c'était une odeur qu'elle ne reconnaissait pas.

Fin du RP

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