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La Seconde fois comme une farce - ft. David Collins
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

Ernest C. Fawley

Ernest C. Fawley
Super vilain
hiboux : 41
Dim 17 Mai - 22:24
Le hibou se tenait debout, à côté de lui, ses grands yeux jaunes le fixaient, de cet éternel air inquisiteur. Ernest Fawley, lui, tapait frénétiquement à la machine. Le ventre noué. Le visage fermé. Ses doigts valsaient, sans qu’il ne prenne le temps de réfléchir, courbé en avant, le regard figé sur le papier qui sortait progressivement, ligne après ligne.

Sur son bureau, il avait écarté les liasses de documents, les livres, les carnets, pour ne laisser que le bref message qu’avait porté l’oiseau. La missive ne tenait qu’en deux lignes, anonymes.

« Deux élèves renvoyés de Poudlard suite au concert.
Scandale. »

Rien de plus.

Le contenu était déjà trop limpide.

Après l’emprisonnement des six de Reißen, c’était au tour de l’école, humiliée par le concert, de donner sa propre réponse aux événements. Après la tragédie, la farce. Et à chaque fois, des sanctions disproportionnées.

Il avait donné l’alerte dans la rédaction. Il prenait l’affaire en main. Qu’on lui réserve un portoloin pour Poudlard, qu’on lui laisse une place pour le journal du soir.

Ne surtout pas laisser le sujet dans les mains des supplétifs du ministère. Aux partisans de Potter et Granger, à ceux qui justifieraient à longueur d’article la décision de l’école. Ne surtout pas les laisser gâcher l’information.

Déjà, les tampons encrés dansaient sur le papier. Une première brève. Pour allumer la mèche du scandale. Rien de plus qu’une étincelle, bien calibrées. Quelques centaines de signes tout au plus. Les caractères noirs s’alignés, resserrés, en lignes bien droites, prêts à s’envoler. Prêts à partir à l’assaut, en une colonne compacte.

Autour de lui, les cris habituels de la rédaction s’envolaient. Les uns réclamaient une photographie manquante. Les autres répliquaient de l’autre bout de la salle. Elles avaient bien été développées, ces photographies, ils avaient fait leur part du travail !

Un peu plus loin, un journaliste s’indignait de voir son titre modifié. Pauvre égo meurtri. Tu ne sais pas écrire, voilà tout. Un autre encore s’inquiétait de savoir dans quelle page s’envolerait son article dédié à la botanique. Vous comprenez, cette nouvelle découverte dans les forêts d’Amazonie… Cela risquait de bouleverser le marché des potions, absolument, il en était certain, on l’en avait assuré. Et il trottinait aux côtés des éditeurs tout en argumentant, sa prose à la main, brandie comme une preuve, et sa robe qui s’envolait dans son sillage.

Autour d’eux, les notes voletaient d’une table à l’autre.

Ernest Fawler ne prêtait aucune attention à l’incessant ballet. Il ciselait sa bombe. Froide, impartiale. Comme toujours, évidemment.

L’histoire était si scandaleuse qu’il n’avait pas besoin de la tordre.

A côté de lui, le hibou le regardait toujours. Impavide. Il ne l’avait jamais aperçu auparavant, ignorait tout de son propriétaire.


L’information pouvait être fausse, évidemment. Il avait tiqué en voyant le courrier. Il ne pouvait pas se permettre le moindre faux pas. Mais l’occasion était si belle. Il ne pouvait pas la laisser à qui que ce soit d’autre.

Déjà, plusieurs hiboux s’étaient envolés des volières de la Gazette du sorcier. Il lui fallait une confirmation, le plus rapidement possible. Il savait à qui adresser ses lettres. Ses chers amis bien installés au sein du Ministère avaient dû en entendre parler. Les couloirs déjà, devaient bruisser du scandale. Peut-être la décision était-elle-même partie du bureau du Ministre. Il aurait tout donné, pour voir la tête de Potter, face au spectacle, ahuri face au coup de génie de Reißen.

D’autres courriers étaient partis pour le Ministère, pour Poudlard. Il leur laissait l’opportunité de répondre. Sait-on jamais.

D’un geste sec, il arracha la feuille à sa machine à écrire. Balaya du regard les quelques centaines de caractères alignés fièrement, comme au garde-à-vous. L’information brute, agrémentée d’un rappel des faits. Il reposa le papier sur son bureau, saisit sa plume, inscrivit simplement, à l’encre rouge :

« Attente confirmation avant publication. »

Et il sortit sa baguette. Sous ses yeux, la feuille, se plia, se replia sur elle-même, comme brusquement chiffonnée. Et l’oiseau de papier ainsi réalisé s’envola vers les éditeurs, prêt à se glisser dans les pages. Prématurément, peut-être. Mais autant anticiper.

Le sentiment d’urgence, toujours, étreignait son ventre. Un coup de sang, un coup de fouet face à l’information. La peur, aussi, du faux pas.

Il fallait faire vite, devancer la rumeur elle-même. Cela allait être un nouveau coup de tonnerre, la réplique de l’emprisonnement des six de Reißen. Le Ministère ne pourrait plus faire illusion après tout cela.

D’un geste précipité, il se saisit encore d’une nouvelle feuille.

« A votre aimable disposition pour toute information complémentaire. Avec la plus haute discrétion, bien entendu, chaque fois que vous le jugerez nécessaire.

Bien à vous,

Ernest C. Fawley. »

Et le hibou s’envola vers son anonyme informateur.






Il tenait encore dans son poing le chausse-pied. Autour de lui, les rues enneigées étaient désertes. Il n’avait pas fallu longtemps, pour lui réserver un portoloin pour Pré-au-Lard et déjà, en connaisseur des lieux, il se dirigeait vers les Trois Balais.

Simple réflexe de journaliste. C’était autour d’une table que se déliaient le plus les langues, et l’intérêt de la conversation allait croissant si celle-ci était bien fournie.

Malgré le froid de février, les rues de la ville étaient animées. Çà et là allaient et venaient les nombreux étudiants, profitant d’un rare moment de loisir pour sortir sous la pâle lueur du soleil hivernal. Mais les visages étaient fermés, les conversations, discrètes. Pas d’éclats de voix. Pas de rires. Juste ces murmures. Ces regards vides, ces têtes baissées. Et le crissement de leurs pas dans la neige.

Au loin, sur les hauteurs, se dressait la silhouette du château.

Il ne servait à rien d’interpeler les jeunes sorciers, là, dans la rue. Oh, il pouvait toujours leur arracher une vague confirmation, quelques menues précisions. Et puis ils s’échapperaient, comme une volée de moineau apeurés. Ils s’éparpilleraient. Sans qu’il n’ait rien d’intéressant à raconter.

Il sentait déjà que l’information était vraie. Qu’il fallait l’exploiter soigneusement, précautionneusement. Prendre son temps. Du moins, le temps qu’il pouvait s’accorder, avant l’horaire de bouclage de l’édition du soir. Il n’avait que quelques petites heures devant lui. Un temps à peine suffisant, peut-être. Peu importait. Il trouverait bien le moyen de faire parler quelques élèves.

Déjà il poussait la porte des Trois Balais, s’accoudait au comptoir, commandait un whisky pur feu. Déjà revenaient les vieilles habitudes. Les vieux souvenirs de ses dernières années à Poudlard. Mais il était pour travailler, à présent.

Les éternels débats de la pureté du sang lui restaient à l’esprit, certes. Cette éternelle bataille pour renforcer la tradition. Défendre leur héritage commun. Leur puissance. Il se souvenait des discussions acharnées. Quel sort pour les né-moldus, pour les sangs mêlés ? Quelle place leur accorder ? D’où venaient les cracmols ? Quelle place pour la magie des créatures magiques ? Eternels débats théoriques, éternelles discussions, sur lesquelles s’accordaient bien souvent ses amis, fiers de leur appartenance à Serpentard.

Mais à présent, tout cela s’était fait plus diffus. Plus mécanique. De la flamboyance idéaliste ne restaient que les calculs matérialistes. Des stratégies. Des manœuvres. Et son travail, son inlassable, machiavélique propagande.

Accoudé là, il ne songeait plus guère qu’à ses papiers à présent. Il réordonnait sa brève. Y mêlait les bribes de conversations saisies au vol. Déjà on venait vers lui : un hibou express, venu d’un agent du ministère. Quelques lignes.

« Information validée, pas plus de détails. Amitiés. »

Le hibou s’était déjà renvolé.

Il lui faudrait creuser, creuser plus encore, pour faire crever cet abcès de silence. Exiger davantage de place, plus de lignes, plus de caractères, s’étaler sur plusieurs colonnes, dès le soir-même. Il lui faudrait demander un hibou, pour en informer ses supérieurs. Ne pas leur laisser le choix. L’information était trop belle.

Déjà il avait ressorti, du revers de sa veste, la copie soigneusement pliée de son premier jet. Il raturait, réécrivait, ajoutait des remarques à la marge. Sur le comptoir, entre son verre et son chapeau, son carnet, déjà ouvert.

Il lui fallait une proie. Un étudiant impressionnable, mais bien informé. Quelqu’un qu’il pourrait faire chanter, danser, bavarder. L’alcool aidant, si besoin était, si ce n’était la magie. Un risque, certes, au pied du château de Poudlard. Mais si le jeu en valait la chandelle…

Déjà, il balayait la salle du regard. Eviter les groupes trop nombreux. Eviter ceux qui portaient leur imbécilité sur eux. Il lui fallait du solide, du croustillant. Pas des approximations.

Il y avait bien cet élève, seul, qui venait d’arriver. Ses grands yeux étonnés qui scrutaient l’espace, ses cheveux bouclés, par-dessus un visage constellé de taches de rousseur. L’air un peu égaré, peut-être, oui, mais intelligent. Il l’avait remarqué, aurait juré Ernest Fawley. Et cela, déjà, était un bon signe. L’air fier, aussi. Cela aussi, c’était tant mieux. Il n’y a rien de plus aisé à flatter qu’un être fier. Surtout un gamin. Un peu d’attention de la part d’un adulte, que dis-je, d’un journaliste de la Gazette du sorcier. Il ne pourrait pas se retenir de montrer toute l’étendue de son savoir.

Ernest Fawley sourit, se passa la main le long de ses fines moustaches. Avec attention, il replia sa copie, la rangea au creux de son veston. Il pourrait la ressortir bien assez rapidement, et pour l’abonder, cette fois, de vrais échanges, de vraies informations. De vraie indignation puérile, il espérait.

Lentement, il porta son verre à sa bouche, laissa couler dans son gosier le liquide ambré. La chaleur de l’alcool emplissait sa gorge, ses poumons, tout son corps.

Il était heureux. Méchamment heureux. Il allait pouvoir se rassasier d’actualité, de scandale, d’indignation. Tout cela au service de la bonne cause. Plus que l’alcool, c’était l’adrénaline qui réchauffait son corps. L’adrénaline du métier, malgré lui. De l’information. Sortir de l’information. Une information chaude, une information capitale, de celle qui ferait bouger les lignes, de celle qui ferait parler, dès le soir même, dans toutes les maisons des sorciers du Royaume-Uni, dans tous les coins de comptoir où pourrait traîner le journal. Il souriait, largement, en regardant le jeune adolescent.

Avant même qu’il n’ait pu s’aventurer plus en avant dans la salle ou qu’il n’ait pu commander au comptoir, Ernest Fawley l’interpelait déjà.

« Quelle maison ? »

Il lui fallait accrocher sa proie, ne pas la laisser prendre le large. Il avait décidé que celui-là serait sa source, lui et personne d’autre. Et il ne laisserait personne d’autre, d’ailleurs, l’approcher et s’en emparer.

Le journaliste avait reposé sa plume, et souriait franchement – aussi franchement qu’il le pouvait. Oh, il n’était pas l’agitateur, il n’était pas le propagandiste, le polémiste, l’ardent défenseur de la pureté du sang. Il n’était qu’un ancien élève de Poudlard, journaliste, certes, mais surtout un ancien élève qui profitait de son travail pour faire ce pèlerinage, pour retrouver les ambiances perdues, les années perdues, et la douceur des souvenirs. Et qui en profitait pour échanger avec de jeunes sorciers comme pour se raccrocher à ce temps passé, innocemment, et leur donner les conseils d’un ancien.

Le jeu n’était-il pas crédible, après tout ?

Invité

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Invité
Jeu 4 Juin - 23:11
Mais enfin, tu sais où tu l’as mis ! Là, dans ce sac. Dans la petite poche. Mais si voyons, à chaque fois tu te dis « Elle est pratique cette poche, je tomberai dessus direct. » Mais non, à chaque fois, tu cherches comme un damné dans tous les endroits improbables où tu aurais pu perdre ton porte-monnaie, alors que tu le places toujours à l’endroit intelligent que tu as été si fier de découvrir. Mince mais quel sorcier inutile tu fais ! C’est pas possible, trois ans à Poudlard et ça cherche encore ses affaires vainement, comme un vulgaire Moldu, au lieu de lancer un Accio Portefeuille. Tu as besoin d’aide mon pauvre. Heureusement que je suis là.

« Miaou »

Mr Binx sauta lestement de la chaise depuis laquelle il jugeait sévèrement son abruti de maître. Il se frottait au cuir du sac en question, en se maudissant lui-même de ne pas être doté de parole. Sa vie en serait bien plus simple. Il miaulait de déception.

Au concours de l’arrogance, David avait été bien avisé, lorsqu’il pénétra pour la première fois dans la Ménagerie magique, de se diriger vers ce grand chat au port majestueux et au poil sombre. N’empêche que le bestiau pouvait se targuer d’être utile car, attiré par le miaulement agacé, l’adolescent se ressaisit et empoigna son sac pour découvrir qu’il était prêt pour sa sortie à Pré-au-Lard.

Malgré les accusations qui fusaient de toutes parts entre les défenseurs des Malefoy et le ministère, le mois de février annonçait des réjouissances attendues en ces lieux peuplés de boutons germés que sont les collèges. Mais en passant dans les couloirs de Poudlard, on pouvait croire que plus personne n’y pensait. Plus personne ? Si. Quelques irréductibles dragueurs résistaient toujours et encore à la morosité ambiante. De fait, David profitait de ce weekend pour acheter quelques cadeaux aux dulcinées qu’il avait prévu de charmer. Oui, au pluriel, parce qu’on ne sait jamais. Le garçon est prévoyant. Ou trop ambitieux, selon le point de vue.

Il se mit en marche et croisa quelques camarades sous les effluves réconfortantes de Honeydukes, croisa le regard timide d’une Gryffondor adorable et se saisit de quelques Fondants du Chaudron supplémentaires. Au cas où. Il fit un tour du côté de Gaichiffon pour choisir un foulard mauve qui irait parfaitement à sa camarade de cours de runes et d’oghams favorite. C’était sa préférée, mais le jeune homme était malin et voulait couvrir ses arrières en ne se spécialisant pas trop vite dans la conquête d’un seul coeur. Et il avait toujours aimé frimer auprès de ses copains. Raison pour laquelle il resta fixé cinq minutes devant la vitrine de Scribenpenne, malgré le froid, imaginant quelle plume pourrait ravir la 6e année, dont il ne savait pas le prénom, qui occupait la troisième place en partant de la fenêtre, au fond de la bibliothèque. Il finit par entrer et se décida pour une plume de faisan : élégante, originale mais pas tape-à-l’oeil.

Bon. Maintenant il était paré, il était fatigué, et avait froid. Le meilleur moment du shopping est celui où l’on se réconforte avec une bonne boisson chaude, satisfait du travail accompli et de l’argent dépensé. Il ouvrit la porte des Trois Balais et se dirigea d’un pas assuré vers le bar. Tandis qu’il passait commande, il regardait aux alentour, l’air hagard – à la recherche d’éventuels compagnons avec qui discuter. Ne voyant personne pour le moment, il se perdait dans ses pensées – il fallait bien organiser la remise discrète et romantique des cadeaux à ses bien-aimées. C’est alors que l’homme accoudé au comptoir à côté de lui l’interpella.

Un carnet rempli de gribouillis et de notes, ou l’inverse, un verre à whisky vide, une fine moustache et un regard perçant. Il sortait d’un téléfilm, lui ?

« Serdaigle, m’sieur ! »

Il portait une écharpe de cachemire bleu sombre – signe plus discret que les attributs officiels. Il chérissait d’ailleurs ces weekends pour la liberté vestimentaire qu’ils permettaient. Sa garde-robe et les pépites qu’elle renfermait se languissaient de lui la semaine.

« Vous ? »

Bah oui, c’était peut-être un alumni. Et, ne sachant pas à qui il avait à faire, autant être courtois. Comme dit Papa : le réseautage, y’a que ça de vrai.

Ernest C. Fawley

Ernest C. Fawley
Super vilain
hiboux : 41
Ven 24 Juil - 2:01

Un coup d’œil, rien de plus. Le jeune adolescent, discrètement, avait balayé du regard le carnet replié sur le comptoir, juste devant le journaliste.

Ernest Fawley l’observa attentivement. Le gamin avait l’air futé, ses œillades trop curieuses confirmaient sa première impression. Tête de premier de classe, mine trop gentille, jusqu’à en être tête à claque. Un peu trop droit peut-être, presque pincé. Quelque chose d’un peu bourgeois, dans son maintien. Un adolescent déjà trop adulte dans l’estime qu’il avait de lui-même.

Spontanément, avec cette innocence puérile, il répondit :

« Serdaigle, m’sieur ! »

Le journaliste sourit. Evidemment. Tout en lui crachait l’arrogance de la maison de Rowena. Jusqu’à l’écharpe de cachemire bleu sombre, soigneusement enroulée et repliée autour de son cou, comme savent seuls le faire ceux qui sont bien nés. L’orgueil et, toujours, cet excès de droiture parfois un peu rêveur. Si l’on avait voulu personnifier la maison à l’aigle, l’adolescent aura pu faire l’affaire, sans préjuger de sa vivacité d’esprit.

Cela ne l’arrangeait pas vraiment. Ce genre de gamin voulait tout prendre, et ne rien donner. Sans cupidité ni avarice, certes, mais avec l’égoïsme de l’intelligence. Tout absorber. Tout compiler. Apprendre, pour soi, rien que pour soi. Etre le premier, être le meilleur, non pas par ambition, puisque les autres ne comptaient pas, mais par pure rivalité égocentrique. Apprendre pour apprendre. Tant pis s’il n’en fallait laisser la moindre goutte aux autres.

Ernest Fawley préjugeait peut-être trop. Ne pas se précipiter, ne pas trop anticiper. Ce n’était qu’un enfant après tout – non, pire, un adolescent. Une créature imprévisible, donc.

Mais il avait jeté son dévolu sur lui. Au moins, s’il était dégourdi, pourrait-il aller au-delà des banalités habituelles de son âge. Au-delà des révoltes infantiles et des intérêts futiles. Peut-être. Peu importait. Il le presserait comme un citron, de son étreinte reptilienne, sournoisement cordiale, trop douce pour n’être jamais franche. Et il souriait de plus belle.

« Vous ? »

Il était prompt à rebondir. Déjà, il savait s’intéresser à son interlocuteur, ou faire mine, ce qui était le même après tout.

Les bonnes manières. Toujours les bonnes manières. Le corset des convenances, la droiture de la tradition. Cela était bien. Il devait être de bon sang. Il saurait s’indigner froidement du sort de ses camarades, si l’information était vraie.

Ernest Fawley se leva à moitié, pour inviter l’élève à s’asseoir face à lui, au bout du comptoir, loin des bavardages et des oreilles indiscrètes.

« Oh moi… Il me manquait cette passion que vous avez toujours pour rejoindre votre maison. »

Désignant le tabouret, il fit signe à l’adolescent de le rejoindre, de s’asseoir, là, à ses côtés, comme son égal, comme un adulte.

« La passion de l’intelligence, poursuit-il avec un clin d’œil. Cette belle passion patiente et acharnée ! De ceux qui prennent le temps de lire tout ce qui existe avant d’oser prendre la plume. Une qualité rare jeune homme, et j’ose espérer que vous savez vous montrer digne de vos prédécesseurs ! »

Déjà, il se rasseyait sur son propre siège, comme pour mieux engager la conversation. Qu’il flatte son orgueil. Qu’il l’appâte de compliments sirupeux, qu’il endorme sa méfiance. Jouant l’éternel rôle de l’ancien étudiant, nostalgique des allées du château, pour créer cette complicité factice, par-delà le gouffre des âges.

« Mais vos prédécesseurs pouvaient eux étudier, parler librement, c’est vrai. Il y avait plus de liberté dans les murs de Poudlard. On ne craignait pas, pour un mot, pour une chanson… la sanction. L’école a pourtant toujours besoin de grands esprits, et les grands esprits ne peuvent vivre que libres. Sans la moindre chaîne. »

Les sous-entendus rampaient sur sa langue. Fourbes. Faux. Serpents sinueux, sournois, aussi traîtres que des nœuds coulants se rapprochant, à la dérobée, de leur proie, centimètre par centimètre. Un lent poison, une étreinte douce-amère, de fausses considérations, de faux compliments, de fausses vérités, glissant comme la marée montante autour des voyageurs égarés, là, au milieu de la baie.

Des paroles. Des mensonges. Toujours des mensonges. Il ne savait rien faire d’autre. Ne jamais attaquer frontalement, ne jamais parler ouvertement. Toujours s’esquiver, se dérober, fuir. Un faussaire, lâche, incapable d’assumer ses propres idées. Il tournait autour du pot, louvoyait, fourbe vipère. Mais jamais il n’avait su se lever.

Il avait toujours joué les seconds rôles, les seconds couteaux. Travailleur de l’ombre, fuyant la lumière. Collaborationniste discret, secret opposant au pouvoir en place. Un ver dans le fruit. Rien de plus. Il n’avait pas la stature pour se dresser. Il n’avait pas le courage. Il n’avait pas la franchise. Un être couard condamner à errer sans se battre, mais à mordre, à étrangler, par derrière, toujours par derrière. Méthodes de traître. Méthodes de voleur, pas même de voyous : ceux-ci, encore, pouvaient avoir de l’honneur.

Et il en faisait de même dans son travail. Flattant, mentant, se courbant en de serviles salutations, la colonne vertébrale souple assez pour s’incliner face à la moindre autorité. Oh, le serpent pouvait bien acérer ses crocs, le journaliste pouvait bien acérer s plume. Il n’était pas fort assez, pas encore, il ne pouvait faire face à l’autorité écrasante du ministère, de la gazette, de ce monde sorcier abâtardi par les mélanges des sangs. Le monde autour de lui bougeait trop vite et le traînait. Tout, autour de lui, s’effondrait. Et il n’osait empêcher cet écroulement.

Vivre libre sans la moindre chaîne. La bonne plaisanterie.

Lui serait, à tout jamais, une bête enchaînée. Fuyant le moindre éclat de liberté.

Avec attention, le journaliste examinait l’adolescent qui lui faisait face. Lui faisait partie d’une nouvelle génération. A quel monde appartiendrait-il ? Le gouffre des années les séparaient, creusant la distance entre leurs deux corps, face à face, le long du bar usé par le temps. Il avait beau jeu de ranimer les souvenirs passés de Poudlard. Il ne savait pas même s’ils parlaient le même langage.

Autour d’eux, seul un fin brouhaha emplissait l’espace. Ils étaient peu nombreux, trop peu nombreux aux Trois Balais ce soir-là. Leur duo, dans leur coin, détonnait trop. Lui avec son visage trop marqué déjà pour son âge, son air vieillot qu’il traînait avec les peines passées, et le jeune sorcier face à lui ; trop bien dressé pour paraître son âge, mais trop jeune pour parler d’égal à égal. Il y avait quelque chose de louche même à parler ensemble. Sauf à être déjà familiers.

Ernest haussa, mentalement, les épaules. Il ne faisait que son taf.

Il s’accouda plus franchement au rebord du bar, comme il le ferait auprès d’un quelqu’un proche, d’un cousin, d’un neveu, peu importait. D’un geste, il interpella le barman, se tournant vers l’adolescent :

« Tu étais venu prendre un verre, pas vrai ? Il était pour moi, c’est la Gazette qui paie. »

Déjà, il en venait au tutoiement. Ils auraient à se causer. Autant faire tomber ces fichues barrières qui l’entravaient. Le gosse était à lui. Et il voulait être à son aise pour le presser de ses questions, le pressurer de ses délicates informations.

Sans même lui laisser le temps de répondre, de protester, pour la politesse forcément, ou même d’émettre le moindre son, il commandait déjà :

« Une bièreaubeurre pour lui, votre meilleure bière pour moi. En demi. Et c’est pour moi, bien sûr. »

Il lui fallait capturer le gamin, ne pas l’effrayer, ne pas le laisser s’enfuir, le prendre dans son étreinte. Bousculer les choses. Le journaliste sortait le grand jeu du reporter à la Gazette. De l’envoyé spécial, qui ne paie jamais ses factures, et prend pour lui celles des autres – quand bien même certaines pourraient porter à caution, il fallait bien rendre service. Le grand spectacle habituel. Celui du grand journaliste. De la plume, qui se rend sur le terrain, au plus près de l’actualité bouillonnante. De quoi impressionner les esprits faibles.

Les deux verres flottaient vers eux, sans que le barman ne prenne la peine de venir se déplacer. Ils étaient trop loin, il était trop tard. Qu’allait-il à s’embêter. La semaine tirait tout juste sur sa fin, et n’avait, pour lui, pas vraiment commencé donc. Ernest Fawley saisit sa boisson avant même qu’elle ne s’installe, sagement, sur le bois sombre du comptoir, juste face à lui. Déjà le barman leur tournait le dos, indifférent. Le journaliste ne but qu’à peine une gorgée, reposa la bière face à lui, sans plus lui prêter la moindre attention.

Il avait un travail à faire.

Brusquement, il se retourna vers l’étudiant. Il lui fallait savoir s’il avait flairé la bonne proie. Où s’il s’acharnait en vain sur un demi sot, un être fuyant, un joyeux imbécile.

« On parlait de liberté. Les élèves virés. Tu les connaissais ? »

Cartes sur table. Il avait sorti son jeu. Il avait entouré le Serdaigle de ses délicates sollicitations. Maintenant, sans plus attendre, il lui fallait attaquer, mordre. Faire causer l’autre. Il était tard, et tous deux, il le savait, n’avait pas à perdre de temps.

Alors son ton s’était fait plus direct, alors ses intonations s’étaient faites plus sèches. Il jouait le rôle de celui qui parle d’égal à égal, mais qui sait ce qu’il veut, sans passer par des chemins détournés – la bonne blague. Il voulait savoir. Poussé par cet impérieux besoin de… Qu’avait-il sorti, déjà, comme sottise ? La passion de l’intelligence. C’était cela. Cette foutue passion de l’intelligence. Plutôt la soif de goûter au poison qui empoisonnerait Potter pour les prochains jours.

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