« C'est pour la petite bourgeoisie qui boit du Dom Pé' On sort de la cave avec les bouteilles de ton père. Toc-toc-toc, ah mais qui voilà ? Hop-hop-hop, Mara à la porte »
Samedi 14 février.
On est à la moitié du mois. C’est bien dommage d’ailleurs. J’aime bien février. C’est le mois le plus court, moins de jours de travail, moins de gens. Un mois idéal en somme. S’il n'y avait pas cette fête débile dans le but de célébrer l’amour, ce serait parfait. Malheureusement, on ne peut pas tout avoir, n’est-ce pas ? Heureusement pour égayer le peu cette journée à la con, j’ai la compagnie de Mara. Elle ne travaille pas très loin, bien qu’à croire les gens l’Allée des Embrumes est un univers à part, et il y en a beaucoup qui ne considèrent pas être mes voisins de boulot. Un peu comme une éternelle bataille Rive Gauche contre Rive Droite.
Mara et moi avons une petite tradition. Le samedi soir, après la plus grosse journée de la semaine, on se retrouve pour une ou deux parties d’échecs, en fonction des envies. Bon, pour être tout à fait honnête il arrive qu’avec un peu de breuvages alcoolisés, et beaucoup de discussion, et beaucoup de bouffe, bien sûr, on ne termine pas une seule partie. Mara doit sans doute jubiler silencieusement à chaque fois qu’on a pas à finir une partie d’ailleurs.. Je ne lui en veut pas, les échecs sont juste un élément important, vu que tout a commencé par des soirées dédiées à ça, mais aujourd’hui on a dépassé ça. On parle. Je n’arrivais pas particulièrement à lier d’amitié avec des gens avant, et elle le savait. Seulement, petit à petit, on a moins joué, plus picolé, et j’ai même commencé à cuisiner pour elle aussi. Des pommes de terre. Qu’est-ce qu’elle aime ça, ça me fait toujours rire. Elle épousera Monsieur Patate un jour. Quoi qu’il advienne, c’est son destin. Je vous assure, ça pourrait vous faire flipper. Pas moi, hein, moi j’ai pas peur, parce que vu comme je bouffe finalement.. On était faites pour s’entendre. Quoi qu’il en soit, chaque samedi, on se retrouve. Chaque samedi on sait qu’on va se péter le bide et qu’on se réveillera probablement avec une migraine le lendemain. On est encore jeune, alors faut en profiter.
Aujourd’hui nous poursuivons donc cette tradition. Ce soir nous nous retrouverons à nouveau, avec plus ou moins de choses à se raconter, on verra bien. La semaine a été calme de mon côté alors je parlerai surement plus pour rien dire. Ca arrive. Azan était absent aussi, et comme nous sommes unis par les liens sacré des jumeaux.. Plus il est loin, plus je suis irritable, je crois. Il apporte cette chaleur que Mara ne connaissait pas, du temps où nous étions simplement des camarades à Poudlard. Elle ne sait pas son existence d’ailleurs, à mon frère. Je ne parle jamais de ma famille, parce que je n’ai pas envie qu’on me prenne en pitié, ou qu’on puisse connaître l’existence d’un point faible. Peut-être qu’un jour je lui en parlerai, ou qu’elle le rencontrera. Je préfère que ça se passe comme ça, d’ailleurs. Tout ce que les gens savent, c’est que j’ai étudié à Fenghuang, et que je suis arrivée ici. On connaît l’existence d’un parent sans savoir si c’est mon père ou mon oncle. Enfin bon. Ce soir elle verra que je suis plus terne. Espérons que ça aille, j’ai pris assez d’alcool pour que la chaleur de la boisson remplace celle manquante.
Une fois le travail terminé, et le dernier client parti, je me lance dans l’opération nettoyage rapidement. La boutique est assez sombre, comme chacun imagine les boutiques de cette allée en soi. Des lanternes chinoises en guise d’éclairage, c’est là tout le charme de la boutique. Un endroit à mon image, finalement. Mystérieux, sombre, et, surtout, calme. J’avais déjà préparé la veille de quoi se sustenter. Un véritable festin attendait mon amie chaque semaine. Elle le savait. Elle a de suite compris que je ne savais pas juste aller voler dans les cuisines pour me rassasier. Non, non, je sais faire des merveilles en cuisine, principalement parce que je pense que mon estomac mérite le meilleur, et qu’on est jamais mieux servi que par soi-même. N’est-ce pas ? Je rassemble donc dans l’arrière boutique le nécessaire. L’arrière boutique étant une véritable salle à manger. Une table assez grande mais pas imposante s’y trouve. On peut voir l’échiquier qui attend sagement qu’on lui offre un divertissement digne de ce nom, et plusieurs petits plats sur le côté. Je récupère les bouteilles, sors deux chopes en argent, les préférée de Mara, et je finis tranquillement, et en musique, d’installer. Je commencerai à réchauffer quand le temps sera venu. Il reste un dernier détail..
Tout événement mérite une tenue appropriée. Chaque jour est un spectacle capillaire, oui, ça tout le monde l’a saisit, mais pas que ! Attendez, je vais pas recevoir une invitée avec cette tronche quand même. En un rien de temps je passe d’une tenue de boulot classique, à une petite robe noire et mon béret noir, un peu mon accessoire fétiche. Je coiffe mes cheveux avec quelques pinces à détails argentés, deux petit chignon sur les côté. Ma chevelure noire et violette, quant à elle, s’harmonise avec les détails de mes bijoux.
Du bruit vient de l’entrée de la boutique. Oups. J’ai peut-être un peu traîné.. Je réchauffe l’écrasé de pomme de terre avant d’aller ouvrir. Il n’est pas dans mon habitude de sourire, et d’ailleurs ça n’est même pas à cause de mon caractère de cochon, non, c’est juste pas spécialement photogénique. Les sourires rendent idiots, enlèvent le mystère, et en plus ça fait des rides. A quoi bon se forcer du coup ? Si je n’étais pas contente de sa venue, il n’y aurait pas de pomme de terre, et si j’étais réellement dans le mal, j’aurai juste pris à boire et j’aurai pas pris la peine de cuisiner moi-même. On aurait été prendre un repas ailleurs. Apprenez les humeurs d’Aura avec la nourriture ! Je ne laisse pas attendre mon amie plus longtemps dans le froid, ouvrant rapidement la porte.
« Salut ! Rentre, vas-y, tu sais où le buffet t’attend ! »
Je la laisse passer devant moi pour refermer soigneusement, il vaudrait mieux que personne vienne nous embêter, flemme de voir d’autres gens. Une fois assurée que c’est bien fermé je rejoins Mara auprès de notre festin, qui découvre avec joie son met de prédilection.
« Ca a été toi, aujourd’hui ? Pour une fois quelqu’un est resté après la fermeture, tu peux imaginer à quel point la joie était présente du coup.. »
Le samedi est toujours la journée la plus chargée de la semaine. C'est le début du week-end et le jour que les clients décident de consacrer au peu de shopping qu'ils ont envie de faire en ces temps. Le dimanche est généralement très calme, journée consacrée aux loisirs en famille ou entre amis après, bien souvent, une soirée arrosée la veille. Il est rare que je travaille les dimanche, généralement, mon patron préfère me laisser profiter de ce jour, mais il faut bien alterner de temps en temps. Le priver de tous ses dimanche serait cruel de ma part, mais de toute manière, je n'ai pas trop mon mot à dire là-dessus.
Ce samedi est un de ces samedi où la fin de journée est très attendue. Je ne travaille pas demain, et il faut avouer que cette journée a été plus particulièrement insupportable. Je crois que je déteste la St Valentin quand je suis célibataire. Voir tous ces couples entrer dans la boutique et exhiber leur amour dégoulinant, c'est assez insupportable. Les autres années, quand je savais que j'allais retrouver quelqu'un pour cette journée, voir tous ces couples était totalement supportable, et puis les autres années, je ne travaillais pas sur le Chemin de Traverse. Maintenant je commence à comprendre en quoi un couple mielleux peut être insupportable. Au moins, je ne serai pas vraiment seule pour célébrer cette fête de l'amour. Les samedi, à moins d'un programme exceptionnel, je me rends généralement sur l'allée des Embrumes. Il y a quelques mois encore, je n'aurais jamais mis les pieds là-bas, on m'a toujours fait comprendre que les gens dans ce quartier n'y était pas fréquentables. Les choses changent, et les personnes que l'on fréquente également. Aura, c'est cette nana que je ne pouvais pas voir en peinture à Poudlard. J'étais un peu jalouse d'elle, je dois l'avouer, mais le ressentiment était réciproque. Je ne sais même plus comment on est parvenu à surmonter cette haine pour transformer ça en amitié. Depuis que je travaille ici, elle est la seule personne que je parviens à voir régulièrement, et qui ne me parle pas de combien c'est dommage que je ne remonte pas sur un balai.
Je quitte la boutique et je m'assure que tout soit bien fermé pour éviter qu'un drame ne survienne. Je trouve alors devant moi une rose blanche qui lévite avec un petit mot accroché. Le mot ne fait que souhaiter une bonne St Valentin, mais j'imagine que l'attention compte, c'est sûrement l'un de mes fans qui s'est dit que c'était la bonne occasion pour tenter quelque chose. J'attrape la rose et je fais un léger détour avant de me diriger vers l'allée des embrumes. Je ne veux pas arriver les mains vides, alors je passe rapidement chez Florian Fortarôme avant qu'il ne ferme, lui demandant deux pots de glace grand format. Je connais Aura, et c'est pas un petit pot qui pourra la rassasier – si tant est qu'elle puisse être rassasiée, ça c'est une autre histoire.
Demi-tour et je me mets en route. L'avantage, c'est que je n'ai que quelques mètres à faire avant d'atteindre sa boutique et plus j'approche, moins les couples heureux et niais sont présents. Il faut croire que l'allée des embrumes ne les inspire pas pour un super rendez-vous romantique. Je lève les yeux au ciel à cette idée. Depuis quand suis-je devenue aussi aigrie ? Aussi loin que je m'en souvienne, il ne s'est pas passé une St Valentin sans que je ne sois accompagnée. Evidemment, aucun de mes Valentins n'a été une relation durable, même si parfois, l'un d'entre eux est revenu plusieurs fois à la même période, afin de ne pas passer la fête seul. Il faut croire que soit il a trouvé une petite amie, soit le fait que je ne sois plus chez les Crécerelles lui a tout de suite fait réviser son parchemin.
Je tente d'ignorer les regards malfamés sur moi, comme presque tous les samedi, et je me hâte vers la boutique aux allures extrêmes orientales. Je crois que je suis pile à l'heure, comme d'habitude et je frappe à la porte de l'échoppe espérant rapidement échapper au froid hivernal. C'est fou ce que j'ai hâte que l'été nous revienne.
« Aura ? Je suis là ! »
Je peine à frapper correctement, mes bras encombrés par la rose, les pots de glace et autres affaires que je dois ramener chez moi ce soir. Elle finit par m'ouvrir, toujours égale à elle-même, à savoir le sourire absent de ses lippes. Je crois que c'est l'une des choses qui faisait que je ne l'aimais pas trop à Poudlard : jamais un sourire. Mais maintenant que j'ai appris à la connaître, je sais que ça ne veut pas forcément dire qu'elle n'est pas heureuse d'être là où elle est ou qu'elle a quelque chose contre moi, elle est juste comme ça. Sourire à côté d'elle me donne parfois l'impression d'être stupide, vraiment. Elle me dit d'entrer et je me dirige directement vers notre petit coin favoris, à savoir l'arrière boutique. Tout est prêt et je sens une odeur qui me chatouille les narines. Je pose les pots de glaces sur la table et tout le reste sur l'une des chaises, envoûtée par l'odeur. Aura me demande comment s'est passé ma journée. Elle et moi on se comprend sur la difficulté de la vie de vendeuse. Je crois que c'est pour ça qu'on se supporte presque tous les samedi soirs.
« Oh bah écoute. Une super journée de St Valentin dans un magasin d'accessoires de Quidditch. Oh chérie, tu sais que j'ai toujours eu envie de faire du Quidditch avec toi, tu m'achète le dernier Nimbus ? »
Je prends une voix exagérément féminine pour imiter toutes ces jeunes femmes. Je ne leur en veux pas, mais après une journée à entendre les mêmes supplications, j'ai bien cru que j'allais en assommer quelques unes en laissant malencontreusement s'échapper un cognard. Ou une batte, au choix.
« Bref, une super journée comme tu peux le deviner. Et pour remédier à tout ça, j'ai ramené deux pots de glace grand format pour chacune de nous. Ce sont les derniers parfums mystères de chez Florian. Il paraît que la glace aura le goût de ce que tu aimes le plus manger, c'est pas génial ? Et dis-moi que c'est un écrasé de pomme de terre que je sens. Ça me donne tellement faim, t'as pas idée ! »
Enfin, si, elle a idée, mais c'est une façon de parler. J'observe l'échiquier qui est installé sur la table. Dire qu'avant mon accident, je ne savais pas du tout jouer à ce jeu, et maintenant, je me retrouve tous les samedi à faire une ou deux parties avec Aura. Je ne sais toujours pas vraiment jouer, mais bon, c'est fun et c'est une bonne excuse pour rentrer tard. Je connais Jack, il serait capable de me miauler dans les pattes toute la nuit parce que je l'aurais abandonné pour quelques bières.
« Et toi ta journée ? J'imagine que tu n'as pas trop eu de ces couples mielleux de la St Valentin, si ? »
« C'est pour la petite bourgeoisie qui boit du Dom Pé' On sort de la cave avec les bouteilles de ton père. Toc-toc-toc, ah mais qui voilà ? Hop-hop-hop, Mara à la porte »
L’amour. Les gens. Le froid. Rien pour satisfaire mon âme de solitaire. Cela dit, je trouve du réconfort dans mon malheur, les couples ne se bousculent pas pour trouver leurs bonheur dans les boutiques de cette allée. D’ailleurs certains de mes clients peinent à venir en gardant leurs calme sur le chemin. Étonnement je reçois beaucoup de clients qui veulent juste montrer qu’ils ont eu le courage de venir jusqu’ici. Aujourd’hui c’était différent. Les gens ont voulu braver l’allée pour montrer à leurs promises qu’ils sont braves, forts, et que rien ne les arrête. Pitié, qu’on balance un épouvantard en face de ces lâches écervelés. Ca les fera moins rire. Ca effacera leurs sourires remplis de fierté. Ca supprimera la joie, et je serai là, dans un coin, pour admirer le spectacle avec des carrés de chocolat. Idiots. Les gens sont idiots, cette fête est stupide. Chaque année je me retrouve seule pour cette “journée spéciale”, et ça me va très bien, ou alors je crois que ça me va bien, j’en sais rien, j’ai jamais connu autre chose que l’état de célibataire durant cette période. Je n’avais que mes deux chats. Kanye et Abel. La seule chose qui brise l’armure que j’ai construite tout autour de moi. La seule chose qui ramène automatiquement un sourire peu importe que les temps soient sombres ou non. Ces deux petites boules de poils qui me voient arriver en piteux état chaque week-end. Je ne vois pas toujours Mara, il arrive qu’elle ait à faire, et il arrive que j’ai à faire également. Lors de rares virées à deux avec mon frangin. Cela dit je trouve toujours un endroit où aller traîner histoire de décompresser du boulot.
Yeux levés au ciel, j’imagine de suite la scène ridicule que mon amie me retransmet, qu’est-ce qu’elle imite bien ses bécasses ! Je ne comprendrais jamais les filles. Elles ne voient des preuves d’amour qu’à travers des biens achetés, comme si seul l’argent comptait. Ce sont ces mêmes filles qui se plaignent plus tard que leurs copains n’est pas romantique. Si elles arrêtaient ne serait-ce qu’une seconde de demander la lune, peut-être qu’ils feraient pas d’heures sup’ et qu’ils auraient assez de force pour organiser des choses, non ? Je m’assieds sur une chaise en croisant les jambes comme une adolescente, avant de placer mes mains devant mon visage, cachant légèrement mes yeux. Ma chevelure prends un aspect blond petit à petit et je finis par baisser un peu mes mains, arborant un air émerveillé. Une fois le tour joué, plus qu’à prendre une voix niaise à souhait, digne d’un personnage d’un film de Noël.
« Waw mon chéri, t’es le meilleur, mon ex aurait jamais pu venir jusqu’ici, ce petit looser, t’es trop fort ! Qu’est-ce que je t’aime ! Tu me prends une lanterne rose ?! Elle est trop mignonne, y’a des bébés dragons dessus !!! Elle ira super bien dans notre bibliothèque ! »
Y’a pas à dire. Les clients. Un vrai divertissement, de quoi faire une bonne télé-réalité avec tous ces cas qu’on rencontre. Sérieusement. Payez moi pour capturer ces moments. Je me redresse un peu, reprenant ma posture habituelle, soit moins prude, et un peu plus désinvolte. Le temps que ma chevelure revienne à la normale, je récupère le pot de glace m’étant destiné. Un grand pot. Chacune. Elle me connaît bien. Les glaces de chez Florian sont les meilleures en plus, quoi de mieux pour célébrer l’absence d’amour qu’une bonne glace finalement ? Bon, si, un écrasé de pomme de terre. Puis tout le reste. Je regarde vers l’endroit où il est, ça devrait pas tarder à être bien chaud. Je mets le pot au frais, puis je prends aussi celui de Mara. Ca, ce sera pour plus tard, quand on aura bien entamé les pommes de terre, mais aussi les allumettes de poulet panée, les gyozas aux légumes, les nachos accompagnés de sauce piquante et de purée d’avocats.. La glace ira parfaitement en accompagnement pour les moelleux au chocolat en forme de tête de chat. Parce que c’est plus mignon que des coeurs, quitte à ce que je fasse des choses mignonnes, ce sera des chats, toujours.
« Le meilleur glacier, pour les meilleures ! On va bien manger ce soir ! J’ai décidé de conquérir ton ventre avec mes pommes de terre. J’avoue tout. Cela dit, je suis sûre que ta glace aura le goût de patate aussi.. Non ? Je ne suis même pas capable de savoir ce que j’aime le plus manger, moi.. Je suis curieuse maintenant ! »
Une glace qui a le goût de ton plat favoris ? Je n’ai absolument aucune idée de ce que j’aime le plus, tant mes goûts varient en fonction de mon humeur. Espérons que j’ai envie de sucré au moment de déguster le dessert, du coup, histoire que ça se marie vraiment avec ce que j’ai cuisiné de mon côté.
« Sinon, à part cette merveilleuse scène de film pour ado digne à ce qu’on demande un remboursement de séance, c’était plutôt calme. Cela dit comme j’ai des objets de décoration assez étonnant, ça a quand même fonctionné. Je pense que s’il y a eu des cadeaux de Saint Valentin les demoiselles devaient sans doute attendre dans un coin plus fréquentable. Genre dans un salon de thé. Ce genre de truc qui plaît aux filles. »
Je me décide enfin à servir le repas, le plat de résistance étant le péché mignon de mon amie. Tout le reste est à disposition afin de se servir soi-même en fonction des envies. Je n’avais jamais préparé de nachos pour elle alors j’ai choisi de pas prendre trop de risque en faisant une sauce douce et une piquante. Cela dit j’en connais un qui sera heureux si je ramène de la sauce à la maison, vu que mon très cher frère revient demain soir, il passera sans doute manger. Une fois que tout est bien mis, je nous sers un verre, et je tend ma chope pour trinquer avec Mara.
« J’adorerai trinquer à la rupture de ces couples beaucoup trop niais, tu crois que c’est mal ? Bon.. Ok, à la nôtre ! Enfin, pas de rupture, hein. Sur ce, bon appétit ! »
Peut-être que cette soirée permettra d’en savoir plus, l’une sur l’autre, peut-être qu’on finira par parler de garçons. Je n’ai pas réellement de passé amoureux, si ce n’est Ursulin. Est-ce qu’on peut vraiment parler d’un passé amoureux à ce niveau là ? Je ne crois pas. Rien que repenser à lui me donne envie de rire. Je n’ai jamais croisé un mec avec un prénom pareil, heureusement qu’il était pas mal. Pas mal du tout en vrai. Je l’ai recroisé en allant au taff. Dommage qu’il ait pas changé de nom. Franchement.
« Si je suis trop bourrée et que je veux sortir m’amuser, empêche moi de le faire, j’ai pas envie de me retrouver dans le lit d’un mec à pas savoir ce qui s’est passé. C’est définitivement le genre de truc qui a l’air de se passer les soirs de Saint Valentin si on fait pas attention. Offrir ma présence à n’importe qui.. Je m’en voudrais toute ma vie. Déjà que j’ai réussi à avoir un mec qui s’appelle Ursulin, qui sait ce dont je suis capable ? »
Qui aurait cru il y a quelques années qu'avec Aura on s'entendrait aussi bien ? Notre relation est spéciale, elle ne se limite presque qu'à nos retrouvailles le samedi soir et est basée sur des parties d'échec, du partage de nourriture et des complaintes concernant les clients qui nous ont pris la tête tout au long de la journée voire de la semaine. Il y a six ans encore, je n'aurai jamais imaginé que ce soit possible. Je ne l'aimais tout simplement pas, parce qu'il y a ce genre de personne qui ne nous revienne pas même quand on ne les connaît pas vraiment. Aura était ce genre de personne. Et là, si quelqu'un devait surprendre nos conversations, il pourrait penser que nous avons été amies toute notre vie. Le fait est que je ne connais pas grand chose d'Aura. Est-ce que ça me pose problème ? Absolument pas. C'est suffisant, ce qu'on a. Ça me plaît, ça me convient et je n'ai pas besoin d'avoir une personne qui sait tout de moi et dont je sais tout d'elle. J'ai Ginny qui est ma meilleure amie, j'ai Dennis qui est comme un frère, j'ai Georgia avec qui j'aime rivaliser... J'ai du monde autour de moi et Aura, c'est une autre forme d'amitié. Le genre qui se mange.
Elle se met à imiter l'une des ses clientes comme je viens de le faire et je ne peux m'empêcher de rire. Elle ne s'en rend peut-être pas compte derrière son visage totalement dénué de sourires, mais elle est drôle quand elle le veut. C'est juste un humour que tout le monde ne peut pas comprendre. En tout cas, moi, ça me fait rire. En fait, je crois que ça me fait rire parce que je pourrais totalement être le genre de nana qui comparerait son mec actuel à son ex. Et j'ai de quoi comparer parce que je n'ai jamais su faire durer une relation. Ce n'est pas faute de vouloir trouver la personne avec qui partager ma vie, c'est juste que j'ai tendance à prendre peur dès que quelque chose devient sérieux. Et je suis étonnée que malgré toutes mes ruptures, mes exs ne m'ont pas fait une sale réputation. Je continue d'avoir des mecs qui me font des avances, mais je commence à me lasser de voir qu'ils ne veulent être avec moi que pour la célébrité.
Lorsque j'annonce à Aura que j'ai ramené deux pots de glace, elle semble ravie et ce, sans même avoir à sourire. Il suffit de deviner au ton qu'elle emploie. Et puis, ce serait inquiétant si elle n'était pas ravie d'avoir de la nourriture en plus.
« Par la barbe de Merlin, des pommes de terre ! Tu vois, c'est pour ça qu'aucun homme n'a su me garder jusque là. Ils n'ont pas compris que pour me conquérir il fallait employer cette méthode. En fait, ils sont même tous du genre à flipper quand ils voient comment je mange. »
Bon, pas tous, y en a qui ont même tendance à adorer me voir dévorer de la nourriture quand j'en ai l'occasion, mais pour certains exs joueurs de Quidditch, c'était apparemment un tue l'amour. Tant pis pour eux, je ne vais pas me priver pour leurs beaux yeux.
« Ah, tiens, peut-être. Mais je sais pas, c'est possible que ça ait le goût de framboises et de chocolat. Ce sera la surprise au moment du dessert ! Et je suis curieuse aussi, tiens. Hm, j'ai bien hâte qu'on ouvre chacune notre pot pour en apprendre plus sur nous-même, ça risque d'être une soirée très intéressante. »
Comme quoi, il suffit d'un peu de magie pour en apprendre davantage sur notre propre personne. Aura m'explique que sa journée était plutôt calme en dehors d'une scène amoureuse de jeunes sorciers qui découvrent l'amour et qui se déchireront probablement dès demain.
« Je t'avoue que j'ai connu plus romantique que l'allée des Embrumes. Mais ça peut avoir son charme, tout dépend de ce que tu viens y faire. Nous on a eu beaucoup de monde et par chance, la plupart venait et achetaient, rien que pour ça je remercie ces filles qui savent convaincre leur mec. Ça fait du bien d'avoir un peu de mouvement, depuis Noël, c'était redevenu assez calme, surtout depuis le fameux concert. »
Ou comment un événement peut mettre le moral en berne de toute une communauté, et faire fuir les clients. Ils ont trouvé de nouvelles priorités – que je peux comprendre – mais pour nous, les commerçants, ça fait mal. Je ne sais pas pourquoi je m'inquiète de tout ça alors que je ne compte pas rester éternellement à la boutique d'accessoires de Quidditch, mais je crois que je prends les choses un peu trop à cœur.
Je m'installe confortablement à la table alors qu'elle commence à servir le plat principal. Je crois que j'ai attendu ce moment toute la journée, si ce n'est toute la semaine. Je me lèche les babines, le genre de comportement qui fait tiquer tout le monde généralement, même Jack, mon fléreur, mais en compagnie d'Aura, je m'en fiche un peu, elle me comprend. Elle nous sert un verre à chacune et je lève ma chope à mon tour.
« Aura... Aura... Ça ne te fera aucun bien de souhaiter la rupture de ces couples, ça risque de se retourner contre toi, alors que même sans le souhaiter, ça finira par arriver. Si la St Valentin est connue pour être le jour où il y a le plus de couples, la St Claude recense le plus de ruptures que les autres jours de l'année ! »
Je ne sais plus qui m'avait dit ça, mais ça m'avait toujours fait rire. C'est vrai que des couples se forment pour cette fête pour finalement se séparer juste après avoir passé une nuit ensemble. La nuit des cœurs brisés, que l'on appelait ça avec l'un de mes ex petits copains.
« A la nôtre ! Et que l'on continue de se retrouver pour toujours plus de nourriture ! »
Je ne me fais pas prier pour commencer à boire ma bière. C'est vraiment un moment de soulagement après une telle journée. J'ai toujours aimé une bonne bière avec des amis, mais c'est vrai que depuis que je travaille en magasin, j'ai pris cette habitude d'en boire plusieurs tous les samedi. C'est depuis que je ne vais plus à ces soirées entre joueurs de Quidditch que j'ai besoin de ce moment privilégié. Et parfois, je me demande si notre relation restera intacte avec Aura le jour où je pourrai enfin reprendre le Quidditch. J'ai toujours peur d'être cette joueuse célèbre et snob, ce n'est pas le genre de personne que je veux être.
Aura me demande de l'empêcher de sortir si elle est trop bourrée, de peur de se retrouver dans le lit de n'importe qui. Je dois avouer que c'est le genre de chose que j'essaie toujours d'éviter et jusque là ça a été un grand succès. J'ai eu plusieurs histoires, même assez nombreuses pour mon jeune âge, mais toujours voulues et contrôlées.
« Promis, mais à condition que tu veilles sur moi également. Ce serait bête qu'on se retrouve toutes les deux dans de beaux draps. »
J'ai bien l'intention de rentrer seule ce soir. Si je n'ai trouvé personne pour cette année, ce n'est pas pour prendre le premier venu. Je ne suis pas désespérée à ce point, même pas du tout désespérée, à vrai dire. J'aime être seule, d'une certaine manière, et tant que ça ne devient pas trop lassant, je préfère largement profiter de mes samedi soirs avec Aura. Elle évoque alors un de ses exs qui s'appelait Ursulin. C'est un drôle de prénom... Peu commun et pas vraiment très joli, selon moi.
« Ursulin ? Est-ce que ce prénom est autorisé par le ministère de la magie ?! Je sais que l'amour rend aveugle et tout ça, mais sérieux, Aura, Ursulin ! »
Je ne me souviens pas des prénoms de tous les mecs avec qui je suis sortie. Il y a eu John, notamment, le capitaine des Tornades, mais je ne me souviens pas être sortie avec un mec au nom complètement absurde. Un prénom original, oui, mais Ursulin, ce n'est plus de l'originalité, c'est... particulier.
« Il faisait quoi dans la vie cet Ursulin pour parvenir à conquérir ton cœur ? Parce que bon, ne m'en veux pas, mais t'as toujours eu l'air de ce genre de nana complètement inaccessible. J'en viens même à me demander si c'est justement pas parce qu'il s'appelle Ursulin que tu l'as choisi. »
Je prends une nouvelle gorgée de ma bière et j'attaque le plat de pommes de terre. Je commence à vraiment avoir faim au point que mon estomac devient bavard. Une seule bouchée et je suis conquise. Les pommes de terres sont d'une simplicité sans nom, et pourtant, il y a tellement à faire et c'est tellement satisfaisant.
« Maintenant que tu le dis, je crois bien que ma glace risque d'avoir le goût de pomme de terre. »
Je regarde tout autour de nous, à la recherche d'un tourne disque pour que l'on puisse mettre une petite musique d'ambiance.
« Tu n'as plus ton tourne disque de la dernière fois ? J'aimais bien ce disque de... attends, c'était qui déjà ? Les Bizarr' Sisters ? »
Je dois avouer que de toute ma vie je n'ai écouté que très peu de musique sorcière. Ma mère m'a élevée à la musique indienne et à la pop anglaise. Du côté de mon père, c'était plutôt des musiques traditionnelles irlandaises et verbenae. Je ne me suis jamais plus intéressée que ça aux musiques que tous mes amis écoutent et je m'en veux parfois. Mais il n'est jamais trop tard pour me rattraper. Une chose est certaine, les Reissen m'ont bien fait comprendre que c'était un groupe que je n'avais pas envie d'écouter.
Accueil 
