Mars 1978
« Les garçons, il faut que je vous parle. » Un air aussi grave ne présage jamais rien de bon, Aedrian le sait. Il n'a que neuf ans et pourtant il est lucide. Sa mère va lui annoncer à lui et à Brandon une terrible nouvelle. Christian est retenu à Poudlard, mais si c'est aussi important et grave que le laisse entendre Eleanor Thornberry-Campbell, alors il ne devrait pas tarder à recevoir un hibou de son côté. Aedrian va s'installer dans la pièce à vivre, sur la sofa avec son petit frère sur ses genoux. Il n'aime pas voir leur mère de cette manière, elle qui est généralement toujours souriante. « Votre père... » Il le savait. Il est arrivé quelque chose à leur père. « Votre père ne rentrera pas. Il lui est arrivé quelque chose et on ne le reverra plus jamais. » Aedrian n'était pas stupide et avait bien compris que son père était mort. Pour Brandon, c'était encore délicat d'employer des termes aussi durs, âgé de seulement quatre ans, il ne comprendrait pas de toute manière.

Aedrian se leva et, d'un réflexe assez machinal, serra sa mère dans ses bras. On ne peut pas dire que les gestes d'affection soient monnaie courante dans cette famille, mais à cet instant, ça semblait nécessaire. Puis une voix masculine et mécontente se fit entendre. Oscar Thornberry, le grand-père d'Aedrian, n'avait jamais porté son beau-fils dans son cœur.  « Il ne manquera à personne, lui et ses idées extrêmes ! » Des idées extrêmes ? Aedrian se souvenait d'un père froid et distant mais toujours d'une élégance sans pareille. « Pas devant les enfants, s'il te plaît. » Encore et toujours des secrets. Aedrian n'a jamais été naïf au point de ne pas comprendre que quelque chose ne tournait pas rond dans le couple que formait ses parents. Pour autant, on ne lui apporta pas plus de détails ce soir-là, j'en ai bien peur. Sa mère et son grand-père commencèrent à se quereller, une nouvelle fois. « Il faudra bien leur dire la vérité. S'ils ne l'apprennent pas de tes mots, leurs camarades à Poudlard se feront une joie de s'en charger ! » Mais selon Eleanor, c'était encore trop tôt. Pourtant, Aedrian était prêt à entendre la vérité, quelle qu'elle soit.

Septembre 1980
Voie 9 3/4 bondée par tout un tas de jeunes sorciers tous plus impatients les uns que les autres de retourner à Poudlard, ou pour d'autres, s'y rendre simplement pour la première fois. Fourré dans les pattes de son aîné, Aedrian ne sait pas trop ce qu'il en pense. Il a toujours eu hâte, mais il repense à ce que son grand-père lui a avoué concernant son père. Son père a tué des sorciers et il l'a fait de sang-froid. Est-ce que cette nouvelle a fait le tour de tout le Royaume-Uni ? Il ne l'espère pas. Christian a tenté de le rassurer, que tout se passerait bien et qu'il rejoindrait Serpentard à ses côtés quoiqu'il arrive. « Je vais rejoindre mes amis. Tu devrais profiter du trajet pour t'en faire toi aussi, on se retrouve à Poudlard. »

Le trajet à bord du Poudlard Express se passa tranquillement. Beaucoup trop tranquillement, même. Les trois sorciers qui lui tenaient compagnie semblaient déjà se connaître et bien s'entendre, il décida donc de se plonger dans la lecture de Vie et Habitat des Animaux Fantastiques.

« Aedrian Thornberry ! » Sans qu'il n'ait eu le temps de s'en rendre compte, la cérémonie des répartitions avait déjà commencé. Dans son monde, perdu dans ses songes à propos de l'ouvrage qu'il venait de relire pour au moins la troisième fois, il n'avait pas réalisé que c'était déjà à son tour de laisser le Choixpeau prendre une décision pour lui. Certain de rejoindre Serpentard comme son frère, il s'avança sans trop se prendre la tête. « Hmm. Je vois. Un esprit sage et réfléchi. Une grande curiosité, également, il n'y a aucun doute à avoir. Serdaigle ! » Aedrian fronça les sourcils, demandant alors s'il n'y avait erreur sur le choix, mais déjà, sa nouvelle maison lui ouvrait grand les bras, sous le regard déçu de Christian.

Décembre 1984
Pour le jeune garçon, Poudlard était une forme de liberté. Toutes ses appréhensions concernant l'image que l'on pourrait avoir de lui se sont très rapidement dissipées. Il a commencé à découvrir ce que c'était que d'être Aedrian et non plus un des fils Thornberry. Avec le temps, il s'est fait ses propres amis et s'est même éloigné de ses deux frères. Il faut croire que malgré la même école et la même famille, ne pas être dans la même maison a creusé un fossé entre les trois frères, se faisant d'autant plus ressentir lorsqu'ils retournaient tous les trois chez eux pour les vacances.

« Et toi, Aedrian ? Est-ce que toi aussi tu excelles en sortilèges ? Comme tes frères ? » Ça, c'est tante Helen. Tante Helen a toujours admiré l'aîné de la fratrie, c'est presque à se demander si elle n'avait envisagé de le marier à sa fille quitte à faire courir des rumeurs d'inceste dans cette famille dans le simple but de purifier le sang. Tante Helen a toujours mis Christian sur un piédestal et toujours été très dédaigneuse à l'égard d'Aedrian. Peut-être parce qu'il ressemble tant à ce père dont il ne se souvient que très peu. « Non, Tante Helen. J'excelle en potions et en botanique. Comme... » « Ton père, évidemment. »

Le sang du jeune sorcier bouillonne. Être comparé à son père sans arrêt aurait pu lui faire plaisir s'il n'était pas au courant de cette image négative que tout le monde garde de lui. Lorsqu'on le compare à cet homme, ce n'est jamais pour le complimenter. « Oui. Comme mon père. Après tout, on a bien assez d'un fils pour reprendre la distillerie, et bien assez de deux fils ressemblant comme deux gouttes d'eau à grand-père pour que je sois également fait du même moule. Mon père était ce qu'il était, mais il reste mon père que ça vous plaise ou non. Alors, si vous voulez bien m'excuser, j'ai perdu l'appétit. »

Il fallait bien que ça finisse par sortir. Et pourtant, Aedrian aurait pu se défendre et dire quelles étaient ses ambitions. Devenir potionniste n'était pas son rêve ni son projet, ni même médicomage, lui, ce qui l'intéressait c'était de s'occuper des animaux. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard qu'après ce repas écourté, il se dirigea vers les étables pour aller prendre soin des chevaux et des abraxans. Un des rares endroits où personne ne vient l'embêter, l'odeur se voulant soi disant bien trop désagréable pour le reste de sa famille. Il les aime, il les chérit, mais parfois, il a juste le sentiment de ne pas avoir sa place.

Octobre 1987
« Mère, je ne peux pas renoncer à mon rêve de devenir Auror. Aedrian peut bien prendre ma place à la tête de la distillerie familiale ! »

Allongé dans le sofa, Aedrian releva la tête. Il tentait de faire abstraction de cette querelle qui durait depuis plus d'une demi heure à présent, mais il fallait évidemment que l'on vienne mettre son nom sur le tapis. Il ne serait donc jamais tranquille. Il a pourtant été clair il y a quelques mois sur ses intentions de devenir soigneur pour créatures magiques et personne ne s'y était opposé d'une quelconque façon.

« La question ne se pose pas, Christian. Tu sais depuis ta naissance que tu es voué à reprendre la direction du domaine. Ton grand-père est souffrant, qui plus est, nous n'avons plus le temps de réfléchir à une autre option. »

L'apprenti soigneur retourne à ses pensées, s'enfonçant davantage dans le sofa, pensant être tiré d'affaire. Il a reçu une offre récemment, dans une ferme d'animaux fantastiques au Nord des Highland. L'offre est généreuse, de quoi se faire sa petite vie de son côté sans dépendre de la fortune des Thornberry.

« Ah, parce que devenir soigneur est plus prestigieux que d'avoir un Auror dans la famille maintenant ? Aedrian fera mieux le boulot que moi. » « Tiens, c'est nouveau ça. » Dit-il finalement en se levant du sofa. « Quand j'avais dix ans et que je désespérais pour que tu me laisses ta place, tu m'as bien souvent répété que ce n'était pas fait pour moi. Tu m'as mis à l'écart, refusant de faire de moi ton successeur si ça devait mal tourner. Et maintenant que tu t'es trouvé ton propre rêve, il faudrait que je renonce au mien ? » Il n'est pas énervé, juste complètement dérouté par ce comportement de la part de son frère. Eux qui s'entendaient si bien autrefois. La querelle entre Serpentard et Serdaigle serait donc éternelle. Il avait même réussi à tourner Brandon contre lui. « Oh, allons, tu vas pas me dire que tâter des animaux qui sentent mauvais c'est ton rêve ? » Oui c'est son rêve et Aedrian est devenu beaucoup moins tolérant qu'avant quant aux critiques gratuites concernant ses choix professionnels. Sur les nerfs, il porte sa main sur sa baguette, prêt à réagir à la moindre attaque de la part de son frère. « De plus, ce n'est pas moi qui passe la moitié de mes soirées à me saouler avec la réserve de grand-père. Tu seras parfait dans ce rôle, Aed. » Des mots pas très agréables traversent l'esprit du jeune Aedrian. Quelle mouche a dont piqué son frère aîné ? Depuis quand était-il devenu aussi imbuvable ? Il hésita un instant, alternant son regard entre sa mère et son frère avant de tendre d'un coup sa baguette vers l'aîné. « Bloclang ! »

Une fois de plus, il quitte le salon vexé pour aller trouver refuge dans les étables. Il entendit sa mère rire, une grande première. Au moins, il était parvenu à faire taire ce frère qu'il admirait temps auparavant et à mettre un sourire sur les lèvres de celle qui avait toujours été si froide. Mais c'était décidé, il ne resterait pas une semaine de plus au domaine des Thornberry, surtout pas tant que son frère ne changerait pas d'attitude à son égard. S'il refuse malgré tout de diriger la distillerie, ils se débrouilleront, Aedrian étant bien décidé à partir loin.

1989 - 1992
Lorsque le jeune Thornberry a une idée en tête, il est difficile de le faire changer d'avis. Après l'altercation avec son frère aîné, Aedrian s'est isolé et a rejoint la ferme dans laquelle il avait envisagé de travailler. Mais ce n'était pas suffisant pour le jeune homme encore avide de savoir et d'aventure. Il a travaillé pendant deux ans dans cette ferme, ignorant toutes les communications avec sa famille – à l'exception de son petit frère, Brandon, qui venait lui rendre visite régulièrement. Mais son projet était tout autre et il s'est donné les moyens d'y parvenir.

« Alors, grand frère ? Tu nous quittes ? » Le plus jeune de la fratrie Thornberry était venu rendre visite au jeune soigneur, ayant appris la nouvelle de son départ prochain. « Oui, Bran. Je m'en vais pour les Etats-Unis d'Amérique. Il y a tout un tas d'espèces animales que je voudrais étudier de plus près. » On pouvait facilement lire sur le visage du fils cadet qu'il n'était pas heureux d'apprendre cette nouvelle. Malgré les récentes querelles au sein de la famille, il a toujours été très proche d'Aedrian. « Hey, je reviendrai, c'est temporaire. Et puis tu sais bien que j'ai besoin de cette expérience. »

Ce sont deux années que le deuxième enfant Thornberry passa sur les terres du Nouveau Monde. Et en effet, il apprit bien plus sur les créatures de ce continent lointain que durant ses études à Poudlard. Il a fait de longues recherches lorsqu'il était encore au château, passant de nombreuses heures dans la bibliothèque et demandant parfois des ouvrages que seule la réserve possédait. Mais il y avait beaucoup trop de mystères. Même Norbert Dragonneau avait encore beaucoup de choses à dire. Si Aedrian n'avait aucun doute sur les connaissances de celui qui avait longtemps inspiré ses ambitions professionnelles, il demeurait insatisfait. Durant ces deux années, il a mis de côté son travail de soigneur pour alimenter des recherches personnelles. L'oiseau-tonnerre occupa la plus grosse partie des recherches du jeune homme, mais également des créatures qui foisonnent dans la région américaine comme le Re'em, certaines variétés de Salamandre qui grandissent en Amazonie, ou encore le Serpent Cornu.

Au cours de ses recherches, il se rendit compte que la baguette qu'il possédait depuis sa première année de Poudlard ne répondait plus comme autrefois. Alors qu'il avait été très lié à sa baguette pendant toutes ces années, il finit par investir dans une nouvelle baguette en bois de saule et avec une plume d'occamy. Un des plus beaux souvenirs qu'il ait gardé de ce voyage. Mais seulement l'un d'entre eux...

Ayant rencontré une jeune femme toute aussi passionnée par les créatures fantastiques qu'il ne l'était, il décida de la suivre jusqu'en Norvège, où se termina donc son épopée en quête de nouveautés afin d'étoffer ses recherches. En Norvège, il ne resta qu'une année et, connaissant déjà un peu mieux les créatures peuplant ce territoire, il revint aux sources et proposa de nouveau ses services en tant que soigneur.

« Je vais retourner en Écosse dans quelques semaines. » Dit-il à la jeune femme alors devenue sa collègue. « Et bien dans ce cas je t'accompagne. Je n'ai rien qui me retient ici. » L'idée de rentrer avec cette femme avec qui il avait appris à partager son quotidien sans jamais ne franchir la limite professionnelle était assez tentante, mais il savait que le retour n'allait pas être aussi joyeux qu'il ne l'espérait. « Si tu n'as rien contre un peu de pluie et de whisky... C'est d'accord. » Il était peut-être secrètement en train de tomber amoureux et ça semblait réciproque. S'il était irréfléchi, il se lancerait dans une histoire d'amour avec elle, mais il savait que ses parents n'approuveraient jamais. Cette jeune femme était une née non-maj, ou née moldue selon le vocabulaire européen. Bien que le sang d'Aedrian ne soit pas pur, il connaît parfaitement les aspirations de sa famille. Alors il cache ses sentiments et compte bien tâter le terrain une fois de retour au domaine Thornberry.

1993 - 1998
« Je pensais que, nous, les Thornberry, on était bien au delà de ces mariages arrangés. et pour quelle raison ? L'argent ? Un statut de sang que l'on n'obtiendra jamais ? » Aedrian était pourtant heureux de rentrer au domaine, de revoir sa mère, ses frères. Même Christian était devenu moins désagréables depuis toutes ces années. Mais l'annonce de son grand-père concernant des fiançailles avec une jeune sorcière qu'il ne connaissait même pas le fit regretter d'être rentré. Il a toujours aimé sa famille, et il a toujours apprécié que les Thornberry puissent être un minimum ouvert bien que beaucoup dans le jugement en ce qui concerne certains membres. Il savait son grand-père dur et froid, mais de savoir qu'il avait organisé des fiançailles dans son dos le décevait. « J'ai été jeune, Aedrian, je sais à quel point un voyage rend déraisonnable. J'ai arrangé ces fiançailles juste après ton départ pour être certain que tu ne nous trahisse pas. » Aedrian fronce les sourcils. « Vous trahir ? Je ne suis pas mon père. J'ai toujours fait passer les intérêts de la famille avant les miens. C'était si compliqué de m'envoyer un hibou ne serait-ce que pour me prévenir ?! »

Cela faisait donc trois ans qu'Aedrian était fiancé à cette jeune femme de bonne famille Irlandaise. Tout comme les Thornberry, ils n'étaient pas de sang-pur, mais pas très loin d'en obtenir le statut, à condition de faire les choses proprement. Évidemment, le jeune homme était déçu et en colère, mais il n'y avait rien qu'il ne puisse faire, et il savait que ça allait lui tomber dessus comme c'était tombé sur son aîné. « T'en fais pas, va, tu ne seras pas marié avant que je ne sois marié moi-même. Qui sait ce qui peut se passer d'ici-là ? » Aedrian laissa échapper un rire. Retrouver un frère plus complice qu'avant, c'était plus agréable que la nouvelle de ces fiançailles. « Je suppose que t'as raison. J'imagine que mon amie n'a plus rien à faire en Ecosse, du coup. » Le morceau était lâché. Même s'il n'y avait aucune relation officielle entre lui et sa collègue, le jeune homme se confia toute une soirée durant sur les sentiments qu'il éprouvait à l'égard de la jeune américaine, tout en lui racontant ses nombreuses aventures à l'étranger.

Quelques années passèrent et Aedrian n'était toujours pas marié. Le mariage de son frère avait tardé pour des raisons que le deuxième fils n'avaient pas particulièrement relevé. Pendant ce temps, il était resté vivre au domaine pour s'occuper des écuries et des chenils. Revenir à ce qui le passionnait depuis tout petit lui avait fait du bien, même si des abraxans, des chevaux et des chiens, c'était bien moins trépidant que toutes ces créatures qu'il avait pu étudier. Il se mit à rédiger les récits de son voyage et de toutes les connaissances qu'il avait accumulées durant ces trois années à l'étranger. Il avait même fait la promesse à sa fiancée de ne pas se marier tant que le bouquin ne serait pas publié. Un peu naïve, elle trouva l'idée splendide, alors que pour Aedrian, c'était un moyen de gagner du temps et de continuer à profiter de sa vie de jeune soigneur.

« Tes fiançailles ont été annulées, Aedrian. » Voilà une nouvelle bien surprenante durant un petit déjeuner. La situation du monde magique était en train de s'assombrir, ça, c'était une connaissance commune, et il savait que de se marier à ce moment-là n'était pas une bonne idée, mais de là à ce que ses fiançailles soient rompues ? Il ne portait pas particulièrement de sentiments pour cette jeune femme, mais il avait appris à la connaître et à accepter de passer le reste de sa vie à ses côtés si c'était ce qu'il fallait. « Et je peux savoir pourquoi ? » Après tout, il est assez grand pour décider s'il veut rompre ou non ces fiançailles. « La famille de ton ancienne promise ont rejoint les mangemorts. et moi, vivant, il est hors de question qu'une traîtresse épouse l'un de mes petits fils. » L'ambiance devint glaciale et la raison paraissait justifiée aux yeux d'Aedrian. Il avait déjà bien souffert toute sa jeunesse d'être comparé à son père pour que de nouveau on l'associer au Seigneur des Ténèbres via la famille de son ex future épouse.

La décision du doyen des Thornberry était irrévocable : la neutralité serait de mise. Ils ne voulaient pas s'opposer à Voldemort, mais ils ne voulaient pas non plus officiellement le soutenir, considérant que c'était une bataille qui ne les regardait pas. De par leur sang presque pur et leurs ambitions, ils étaient presque sereins, mais parfois sous la pressions, c'était à se demander s'ils ne finissaient pas par soutenir cet homme qu'ils détestaient tant. La neutralité n'est pas toujours la voie de la facilité.

1998 - 2002
Aedrian n'a jamais été très optimiste quant à la situation politique. Tout le monde semblait plus ou moins positif dans les années 80 lorsque Voldemort fut vaincu par ce petit bambin à peine âgé de trois mois. Il fallait être naïf pour penser qu'il ne reviendrait jamais. Et si au moins la situation politique avait bougé, évolué dans le bon sens ne serait-ce que d'un poil, alors peut-être que cette seconde guerre aurait été évitée.

L'après guerre pour le second fils des Thornberry fut assez calme malgré un événement marquant. Il ne fallut pas beaucoup de temps avant que le grand-père ne finisse par rendre l'âme. Il avait pourtant toute sa tête jusque dans ses dernières années, une santé plutôt correcte pour un homme de son âge, et c'est d'un simple arrêt cardiaque que sa vie s'est terminée. Aedrian n'aurait pas pu imaginer une mort différente pour cette figure paternelle qu'il a toujours été. Malgré de nombreux différends, il l'a toujours perçu comme son véritable père plus que celui qui l'a mis au monde. Aedrian a ensuite passé la moitié de son temps à rester au domaine pour faire ce qu'il faisait le mieux et à aider à domicile de nombreux éleveurs de créatures fantastiques qui ont fait appel à ses services. Il n'a jamais fini son bouquin, réalisant qu'il n'avait pas grand chose à dire et que c'était plus une excuse autrefois pour retarder son mariage. Et il a passé de nombreuses années à écrire à celle qui avait fait battre son cœur, restant la plupart du temps sans réponses. Peut-être lui écrivait-il bien trop souvent, mais il ne s'est pas arrêté pour autant. Il l'avait renvoyée chez elle pour rien, était probablement passé à côté d'une belle histoire d'amour pour absolument rien.

En parallèle à cette vie qui semble bien tranquille, le monde magique change. Aedrian n'a jamais su quoi penser du poste de Ministre offert à un enfant tel que Potter. S'il est d'avis que le monde magique a bien trop longtemps été dirigé par des conservateurs arriérés et bien trop âgés pour avoir suffisamment de bon sens, il est d'avis que le jeune Potter n'est pas en mesure d'avoir assez de recul et d'expérience pour changer les choses correctement et avec fermeté. Alors il a observé avec attention l'évolution ministérielle depuis le domaine des Thornberry. Il voulait essayer de donner une chance à Potter, mais il s'est bien vite montré indigne du point de vue du second fils des Thornberry.

« Vous avez vu le nouveau code sur le statut des sangs-purs ? » Si Aedrian adore Brandon, c'est justement pour sa manière bien à lui de toujours être dans la maladresse. Les Thornberry ont toujours tenté d'accéder au rand de sang-pur et ce code vient de remettre en question pas mal de chose concernant les ambitions de la famille. A vrai dire, cette décision amuse pas mal Aedrian, dans un sens. « J'ai vu ça, oui. Je me demande comment ils vont réagir le jour où toutes les familles de sangs-purs vont réagir. je doute qu'ils ne restent les bras croisés à payer leurs taxes. j'admire le courage de ce jeune potter, mais je pense que c'est encore beaucoup trop tôt pour prendre ce genre de décisions. » Admiration, certes, en un sens. Il est facile de gagner de l'amour de la part de tous les nés moldus et sangs mêlés en prenant de telles décisions, mais il faut savoir réfléchir aux répercussions, et Aedrian doute que ce jeune adulte ait réfléchi à ce que ça risque de déclencher.

Si Aedrian ne soutenait jusque là pas particulièrement le nouveau Ministre, son avis se fit plus tranché en juin de l'année 2002. Aedrian ne connaît pas vraiment cette jeune Granger qui semble être à l'origine de ce nouveau code, mais selon le soigneur, cette mesure est de la pure folie. Il a étudié toute sa jeunesse les créatures magiques, et même si les elfes, gobelins et autres créatures intelligentes jusque là privées de baguettes ne font pas partie de ses spécialités, il est parfaitement conscient que pour certains de ces êtres, avoir une baguette entre les mains risque de condamner les sorciers. Évidemment, il comprend le but de ce code, il comprend la position de la jeune Granger, et pourtant, il reste d'avis que ces décisions ont été prises sans être suffisamment réfléchies. Son avis est alors fait, le Ministère doit être repris en main par quelqu'un de progressiste mais de mesuré et de réaliste. Tant que Potter sera à la tête du gouvernement magique, la communauté sera vouée à foncer droit dans un mur.

Septembre 2003
Bien décidé à ne pas rester les bras croisés concernant ce code des êtres magiques, et commençant à tourner en rond dans son travail au domaine Thornberry, Aedrian a décidé de postuler au poste de professeur de Soins aux Créatures Magiques. Une fois par le passé, on lui a proposer de donner sa candidature, au moment de la réouverture de Poudlard, mais à cette époque, le jeune homme avait préféré de concentrer sur ses projets plus personnels. A présent, le rôle de professeur avait une dimension toute autre. A défaut de s'opposer ouvertement au Ministère, ne voulant pas participer ouvertement à ces attaques qu'il trouve insensées, il se dit que seule la pédagogie sera une arme efficace dans ses mains. « Tu veux vraiment devenir professeur ? Retourner à Poudlard ?! Enfin, tu me diras, t'étais Serdaigle, toi, t'as toujours aimé les cours. » Aedrian adresse un sourire à son grand frère qui ne changera jamais. « Juste imagine, je pourrais remodeler la façon d'enseigner la matière de Soins aux Créatures Magiques et sensibiliser les jeunes sorciers aux dangers que certaines créatures représentent et en quoi ce nouveau code doit être retravaillé. Je veux juste qu'ils soient conscients de ce que cette loi représente en terme de danger, qu'ils puissent réfléchir sur ces sujets là, en plus de transmettre ma passion, évidemment. » Christian ne semble pas convaincu, bien trop occupé à déguster un whisky pur-feu qu'il fait vieillir depuis douze ans, à savoir, depuis qu'il a repris la tête de la distillerie. Aedrian l'a bien évidemment accompagné, ne voulant pas manquer l'occasion d'être probablement le premier à déguster un des meilleurs whisky pur-feu sur le marché. Il a confiance en son frère, pour ça, et il n'arrive pas à l'imaginer Auror comme il voulait l'être. Et aujourd'hui, pour Christian, il est hors de question de faire autre chose que ce qu'il fait.

Une lettre finit par arriver, invitant Aedrian Thornberry à rejoindre Poudlard pour la rentrée de l'année 2003. Les temps sont compliqués depuis la dernière lettre ouverte de Narcissa Malefoy, mais la vie continue. Sa candidature a été retenue, et voilà qu'il va finalement devenir professeur. Est-ce qu'il tiendra un an, deux ans, ou plus ? Il l'ignore. Il a juste l'impression de faire quelque chose d'encore plus utile, même s'il compte continuer de donner un coup de main au domaine quand ce sera nécessaire.

Revenir à Poudlard donne un petit coup de vieux à Aedrian. Il a bien passé la trentaine à présent, et ses années chez les Serdaigles semblent remonter à beaucoup trop loin. S'il se souvient bien d'une chose, ce sont toutes ces heures passées à jouer aux Bavboules. Ses frères ne voulaient jamais jouer avec lui, mais à Poudlard, il trouvait plein d'adversaires et ça occupait énormément son temps libre, le sortant un peu de sa solitude à étudier. « Vous voulez faire une partie, Professeur ? » Une jeune élève de deuxième année proposa à Aedrian de jouer au Bavboules alors qu'il se promenait dans la cour intérieure de Poudlard. « Comment refuser ? » Ne jamais refuser un tel défi. « Je vous préviens, je ne vais pas vous faire de cadeaux simplement parce que vous êtes prof ! » Amusé, Aedrian sort sa baguette pour se préparer à jouer. « J'y compte bien, jeune fille. » Il a l'impression d'être un enfant de nouveau, mais cette fois, plutôt que d'être un élève de Serdaigle invisible, il sera un professeur avec une certaine influence, une voix que l'on veut écouter. Contrairement à d'autres matières, les Soins aux Créatures Magiques sont une option, ce qui veut dire que généralement, les élèves choisissent d'être là et sont généralement plus réceptifs et participatifs.

Il se demande malgré tout ce qu'il ferait, aujourd'hui, s'il avait décidé de ne jamais rentrer de son voyage à l'étranger et de rester aux côtés de cette femme avec qui il a tant partagé. Jamais il ne se serait imaginé engagé de cette manière. Et il ne se serait encore moins imaginé professeur...