Quand le soleil se lève, à Knysna, le grand Elinqabileyo vient sonner le tambour et mener les enfants à la mer. Il secoue sa canne, et sa toge colorée flotte au rythme du vent, alors qu’une ribambelle de gamins, hauts comme deux sacs de sables, le suit en tapant des pieds. Lorsque les orteils fondent dans le sable chaud, des mélopées s’envolent pour rejoindre le ciel, un cercle se faisant autour du grand Elinqabileyo. Il les observe tous, ces enfants de Dieu, enfants du village, enfants soleils. Il m’observe moi, surtout – avec un éclat dans les yeux, le même que celui que dardera sur moi, des années plus tard, le visage captivé de Noah. Il voit comme mon corps s’élance, comme mes yeux se ferment. Mes mains rejoignent le ciel, retombent vers la terre, et mes hanches pourraient se disloquer des mouvements effrénés que j’offre au village. À notre magie. Je me donne tout entier, passionné. Mon âme s’ouvre à plus grand, à la puissance céleste, sans qu’un frisson d’hésitation ne me traverse jamais. Les mouvements, répétés sans fin, qui lassent mes cousins, ennuient mes cousines, sont un plaisir toujours renouvelé. Le geste est un peu plus prononcé, la fluidité plus présente. Chaque jour, chaque matin, les capacités s’envolent.
Et, tous les jours, les yeux du grand Elinqabileyo sont plantés dans les miens. Il me semblait y lire des mots sages, des mots encourageants. Peut-être que je les imaginais. Ses yeux me sont restés, pourtant. Ce regard, percutant. Quand ma vie prend un détour, quand elle trace son chemin sur une autre voie, c’est celui-là même qui me revient. Ces yeux bleus, presque translucides, qui ne me quittaient pas, et qui pétillaient d’une force. Ce sont eux qui m’apparaissent, encore, ce matin-là. Je crois les voir, partout, dans le regard des gens qui nous entourent. Ils ne sont pas si nombreux, détournant leurs corps quand ils nous voient, l’un contre l’autre. Ils sentent, à notre étreinte, à nos souffles, que nous ne sommes que deux, que nous ne voulons qu’être un. Quand mes yeux se détachent de ceux de Josiah, pourtant, ils vont se perdre sur eux. Sur ce regard, bleu clairvoyant, que je crois voir en chacun d’eux. Ce regard, qui toujours guide mes choix. Ce regard, braqué sur nous. Sur lui.
Mon aimé.
Je lui murmure, chaque instant.
- Mon aimé.
Son corps est encore serré contre moi. Je ne l’ai pas lâché, mes mains se faufilant sur sa peau, respirant son odeur. Il m’a embrassé sans fin, je l’ai dévoré sans retenue. Nos mots se sont mélangés, ses supplications étoilées fondant contre mon corps, son bonheur se déversant contre le mien. Nous avions réussi. J’ai toujours le corps qui tangue, quand il me l’annonce, quand il me prévient – pas stable, sa magie. Sa panthère. J’ai grondé de bonheur, je crois, mes doigts se crispant sur son dos, effleurant le pelage qui cherchait à s’y dessiner. Il a agrippé mes mains, finalement, m’a regardé comme on ne regarde que ceux qu’on aime, et mes lèvres se sont perdues sur les siennes.
Des mains nous guident, alors, je crois qu’on nous murmure qu’il faut qu’on se repose. Qu’on ne peut pas continuer comme cela. Ils ne comprennent pas. J’ai trop vu, cette nuit, pour que mon esprit puisse s’arrêter. Si je ferme les yeux, si je repars, le sommeil ne me trouvera pas. Il n’y aura que cette obsession folle de vouloir y retourner, d’atteindre à nouveau cette euphorie grandiose. J’inspire, à nouveau, et les drogues m’enfument les poumons, me retournent le cerveau. On finit au sol, pourtant, dans l’intimité de notre refuge, et mes jambes sont nouées autour de sa taille, nos bassins accolés, toujours. Ma bouche ne quitte pas son corps. Elle effleure ses tempes, murmure sans fin son prénom. J’ai encore les supplications d’étoiles qui résonnent en moi, qui portent mon coeur. Les mon aimé qui rythment mes baisers ne lui donnent aucun répit, non plus.
- On a réussi, ensemble, mon amour.
J’aimerai pouvoir le lui dire, sans cesser. Flot ininterrompu, qu’il comprenne. Qu’il sache. Je n’ai besoin que de lui. Ce sont ses bras, que j’ai cherché, en sortant de cette transe. Ce sont ses mots de fierté que j’ai voulu entendre en premier. Ça a toujours été ses mots. Dès la première fois où je l’ai croisé, au détour d’un couloir de murs de sable. Ses yeux, qui ont attrapé les miens. Sa peau, que j’ai découvert bout par bout. Son souffle, que j’ai fait se hacher. Son âme, que j’ai voulu toucher. Mon Aimé.
Quand le soleil se lève, à Knysna, les enfants chantent pour les astres, et dansent pour les cieux, guidés par les yeux bleus. Quand le soleil se lève, au Mexique, je serre mon astre, et j’ondule pour ses yeux, guidé par ses frémissements. Quand le soleil se lève, nos doigts toujours sont liés, et ma raison m’échappe toujours autant.
Plus aucune figure floue ne nous observe, ni ne circule près de nous, pour vérifier que nous soyons reposés, que nous soyons sages. Ils ont compris – ils se sont faits à l’idée, peut-être. Je ne pourrai fermer les yeux. Alors ils nous laissent exister, seul à seul. Il y a les vapes, aussi, des plantes qu’ils font infuser. Ils reprennent le cours de leur journée, préparant les rituels du matin. J’inspire à plein poumons, et ma tête ne peut que tanguer plus encore. Je crois que j’ai laissé des marques, sur la main de Josiah. Sur ses poignets, sur son épaule, que je mordille, sa nuque, que je dévore, mon corps pressé contre le sien. Les enfants ici aussi chantent. Peut-être n’est-ce que dans mes songes. Peut–être me suis-je assoupi, contre lui, homme de ma vie. Leurs voix guident mes mouvements, pourtant, faisant onduler Aimé avec moi. Nos bassins sont collés, nos fronts l’un contre l’autre. Je ne regarde plus autour. Je ne sais combien de temps nous sommes restés, comme cela, portés par les chants des enfants, les rythmes de mon corps. Il est épuisé, je le sais, je le sens, je ne vaux pas mieux. Je ne contrôle plus rien de mes pensées, l’adrénaline encore trop présente dans chaque millilitre de sang pour que je puisse même m’arrêter de le presser contre moi.
Je ne sais pas s’il réalise, Josiah, l’état dans lequel il me met. Je ne sais pas s’il sent mon âme qui ne trouve de répit qu’entre ses bras. Tant d’années, passées à ses côtés, tant d’autres passées à se maudire, à se haïr, à vouloir s’oublier. Chaque jour son souvenir se glissait en moi, pourtant. Ses anniversaires, dont la date me sautait aux yeux, terrible. Ses odeurs, qui émanaient de chaque endroit. La fougue dans ses baisers, qui manquaient aux autres. L’éclat dans ses yeux, les mots que je voulais y lire. Ça n’a jamais été simple, de s’aimer. Ça n’a jamais été avoué, jamais les mots n’ont été prononcés tels quels. Je ne sais si on y croyait véritablement, qu’on ne s’aimait pas, qu’on était au-dessus de cela. Nos coeurs n’étaient pas prêts, pas aux mêmes instants. J’ai fui, tellement de fois, le réconfort de ses bras. Ce sentiment, affreux, de me soumettre, si je restais. De me soumettre à un ordre établi, à un carcan quelconque. L’impression de ne plus être libre.
Il a la tête posée sur mon épaule, presque assoupi, quand un sursaut agité me fait le redresser, mes mains remontant le long de ses bras pour prendre son visage entre elles. J’ai les doigts qui caressent sa joue, mes lèvres qui embrassent son nez, son front. Réveille-toi, réveille-toi complètement, écoute-moi. Je dois avoir l’air fou, à le saisir comme cela. Les phrases m’échappent, de toute façon, sans que je puisse même les contrôler. Elles sont irréfléchies, impromptues, mais elles se déversent hors de moi avec la furie d’une vague. Elles se fracassent contre Josiah, alors que je serre sa tête contre moi, que mes yeux voient flous. Il faut que je lui dise. Maintenant.
- Je ne te lâcherai plus, mon aimé.
Ce n’est pas assez, pour qu’il comprenne.
No words to say No words to convey This feeling inside I have for you
Je gémis, les rayons brûlants du soleil qui approche midi dévorant notre peau, par le trou dans le mur. Il est si beau, enrobé de soleil. Sa peau métissée semble briller sous les réverbérations de l’astre, leurs éclats culminant sur les gouttes de sueurs qui glissent sur sa peau.
- Que tu es beau, Josiah. Si tu savais, comme tu es beau. Je t’ai toujours dévoré du regard. Depuis le premier jour. Tout a été depuis le premier jour. J’ai été si lâche, si faible, si imbécile. Je pensais que tu ne me méritais pas – puis que je ne te méritais pas. Longtemps, je l’ai pensé. Tu étais – tu es, mon amour, tu es de ceux qui changent des vies. Tu as bouleversé la mienne. Le sais-tu, Josiah, comme tu as secoué ma vie ? Chaque voyage, chaque pensée, chaque endroit découvert, je voulais te les offrir, te les donner. Je voulais que nous partagions tout. Et j’en ai eu si peur, de ce que je te vouais.
Je n’ai plus peur. Pas ce soir, en tout cas. Pas quand mon esprit est si libre, quand ma joie est si profonde, si entière. J’ai frôlé le monde des esprits, le monde des âmes, ce soir – j’ai été témoin de la majesté du monde. Il n’y a que sa présence, son corps contre le mien, les mots qu’enfin je vais lui prononcer, qui peuvent égaler cette apothéose.
Deep in my heart Safe from the guards Of intellect and reason Leaving me at a loss For words to express my feelings
Pourtant je reprends, mes doigts caressant toujours sa peau, ma voix si basse qu’elle n’est qu’un souffle rauque.
- Josiah, pardonne-moi. Pardonne-moi de ne pas avoir su t’aimer comme il le faut. Pardonne-moi d’avoir été si lâche. Pardonne-moi d’être encore si lourd, si gauche. Pardonne-moi d’avoir gâché ta vie si longtemps. Josiah, je ne te lâcherai plus. Je serai tien. Est-ce que tu sais, comme je suis tien ? Je n’appartiens qu’à toi. Est-ce que tu le sais, Josiah, comme je t’aime ? Je t’aime, je t’aime, je t’aime.
Litanie incessante, mots qui coulent à un rythme déchaîné, semblant vouloir rattraper tant d’années où ils m’ont échappé. Ma voix se brise, mes yeux brûlants de ces mots enfin prononcés. J’ai le corps en feu. Ma peau contre la sienne ne suffit plus. Je défais mes jambes de ses hanches, me relève d’un geste brut. Il faut que je lui montre. Il faut qu’il comprenne.
Je sais pourquoi j’ai vu les yeux du grand Elinqabileyo me suivre partout, ce matin. Je sais, maintenant, que ce n’est pas juste pour cette transe chamanique. Je sais qu’il me guide, encore, sur la nouvelle voie que je dois prendre. Les yeux, qui me suivent, et ne quittent pas Josiah. Je lui prends la main, l’aide à se relever. Il faut que nous soyons baignés par le soleil. Il faut qu’il comprenne. L’astre royal nous surplombe, dévore notre peau. Mes yeux ne quittent pas les siens, et les mots s’entassent au bord de mes lèvres.
- Regarde-moi. Ne détourne pas les yeux, Aimé. Il faut que je te dise. Il faut que tu saches.
Quand le soleil se lève, à Knysna, les enfants dansent autour de l’homme étrange. Quand les astres culminent, seulement, ce sont les hommes qui dansent autour de l’homme étrange. Dans leurs gestes, des mots qui sont soufflés. Dans leurs mouvements, une lascivité qui affole les reins. Je les réplique, ces danses des hommes passionnés, qui se dévouent au Soleil, à Dieu, et aux femmes qu’ils courtisent. Je les réplique comme je m’en souviens, aussi justes que peuvent l’être des souvenirs d’il y a plus de vingt ans. Mes mains se tendent vers le ciel, comme pour attraper le soleil, mon dos s’arque, mes jambes s’élancent, retombent dans le sol, mon bassin se tord. C’est un rythme effréné, qui fait se soulever le sable, qui fait exploser ma magie.
Deep in my heart Deep in my heart Look at me losing control Thinking I had a hold
Il ne peut que la sentir, qui vient s’enrober autour de lui, qui vient lui chatouiller le corps. Il ne peut que comprendre, par les vagues qu’elle déclenche, tout ce que cette danse signifie. Mes talons claquent plus fort dans le sol, mes mains se plaquent contre mon torse et je tombe à ses pieds, tête sur ses jambes. Je reste là, immobile, de longues secondes, ma magie pulsant entre nous. Comme une litanie, je prononce la phrase rituelle, la phrase de fin, celle dont je pense me souvenir, et la force de ma danse lui traduira les mots avec une facilité effarante.
Sithandwa sam, yiba yeyam.
Il ne peut que comprendre.
Sithandwa sam, yiba yeyam.
Je ne peux qu’espérer, coeur pulsant contre mes lèvres.
Sithandwa sam, yiba yeyam.
Cette danse, seuls ceux qui veulent entendre son message peuvent percevoir sa magie.
Sithandwa sam, yiba yeyam.
Aux autres, elle s’évanouit dans leurs souvenirs, elle ne provoque rien. Cette danse de l’âme, danse des astres, danse du corps, témoin de toutes mes passions.
Sithandwa sam, yiba yeyam.
Il m’aura fallu quinze ans, pour te la dédier. Quinze ans, et les terres mexicaines.
But with feelings this strong I'm no longer the master Of my emotions
C’est son père, qui avait choisi ce prénom. Il n’avait toutefois pas toujours été facile à porter. D’abord parce que c’était imprononçable à qui ne parlait pas bien le français. Imprononçable à celui qui ne savait pas ce qu’il désignait, et toujours raté par qui ne prenait pas la peine d’en prononcer toutes les lettres, tous les sons. Et puis c’était un prénom qui était difficile à porter à cause, bien sûr, de son sens. Participe passé du verbe aimer. Aimé par qui ? Par son père qui avait quinze, seize, dix-sept autres enfants ? ou par sa mère, qui s’était empressée de mettre un océan de distance entre elle et son fils à peine celui-ci était-il rentré à l’école, à onze ans ? Ce prénom était, sans aucun doute, le reliquat de l’amour qui avait un jour existé entre ses parents, c’étaient eux, qui s’était aimés, et qui de cet amour avaient eu un fils. Josiah. Il s’appelait Josiah. C’était ainsi qu’il s’était présenté à Uagadou, par le prénom que lui avait donné sa mère. Ses enseignants et ses nouveaux amis, tous le connaissaient sous ce patronyme-là : Josiah N’Da. Et c’était aussi ainsi qu’il s’était présenté à ce jeune garçon, arrivée dans l’école un an après lui, avec lequel il s’était tout de suite bien entendu. Lui répondait au doux prénom de Nasiya, et il parlait l’anglais avec un accent sud-africain. Josiah. Nasiya. Ça sonnait joliment, côte-à-côte, ils l’avaient tout de suite remarqué. C’était pour lui que le désormais Josiah s’était perfectionné dans cet idiome – parce que malgré sa mère, américaine, il parlait beaucoup français, au village. Et ainsi, pendant un moment, à force de n’échanger qu’avec lui, il avait même pris son accent, on le croyait sud-africain lui aussi, le Béninois. Sans remords, il avait donc laissé Aimé de côté, pour s’embarquer dans cette identité de Josiah.
Il se retrouve Aimé, maintenant, dans ce moment hors du temps. Lové là, dans les bras de son tendre, Josiah ne peut se sentir qu’ainsi : aimé. Il est comme un enfant, bercé par les bras de la seule personne qui compte. Celui par lequel il voit le monde, celui qui semble tout lui apprendre, celui à qui il doit toutes ses réussites celui par lequel tout passe, celui qui est le premier et qui sera, il en est certain, le dernier. Il lui dit de si jolis mots. C’est que les mots sont tellement importants. Nasiya lui dit qu’il est beau, et qu’il l’a tout de suite vu, parmi les autres, à Uagadou. Aimé ne se sent plus. Il n’y a plus que Nasiya qui murmure au creux de l’oreille qu’à leur première rencontre, il avait déjà bouleversé sa vie. Son aimé veut lui demander : toi aussi ? et en même temps, ça ne l’étonne pas. C’est comme ça que Mami Wata fait son travail. Elle déferle les passions, mais s’assure qu’elles durent toute une vie. Alors si lui l’a vu tout de suite, si Nasiya a été son tout dès le premier instant, il n’a pas de mal à croire en la réciproque. Et pourtant, son cœur est si chaud, tellement chaud de ces mots. Il n’a pas de mal à le croire, mais il avait besoin de l’entendre.
Ils s’en étaient si peu dit, pendant tant d’années. Ils s’étaient privés de mots, ils les avaient gardés pour eux, se créant des maux de crânes tant ils en avaient, des mots dans la tête qu’ils ne se résolvaient pas à se dire. Josiah avait essayé pourtant. Il lui avait chuchoté de jolies choses quand il dormait, il lui avait écrit des lettres, il avait noirci des centaines de pages de ses carnets, juste pour lui. Mais entre eux, quand les mots n’étaient pas tus, ou peut-être un peu mieux, murmurés, ils étaient hurlés. Ils se faisaient coupants comme des lames de rasoir, dangereux, périlleux, si bien qu’ils provoquaient encore et encore, la fin de leur relation. Combien en avaient-ils vécus, des fins ? Tant qu’il ne savait plus comment les compter. Alors il en était arrivé à les craindre, ces mots. Parce quand ils ne parlaient pas, au moins, ils pouvaient être ensemble. C’est ce qu’ils semblaient avoir appris, pendant quinze ans. Tant et si bien que quand Nasiya était venu vivre à Londres, Josiah n’avait posé aucune question. Il avait dit oui, il avait dit d’accord, il avait dit où tu veux, quand tu veux. Mais jamais de pourquoi, et pas plus de pourquoi pas. C’est qu’il était terrifié. Les questions, et surtout leurs réponses, l’angoissaient. Et si la réponse n’était pas tout à fait ce qu’il voulait entendre ? Et si la question le blessait, et s’il repartait, et s’il disparaissait ?
D’un côté, il y a donc cette part de lui qui n’a pas envie de les entendre, tous ces mots. Cette part de lui qui a peur. Mais Nasiya lui dit que lui aussi, il avait eu peur, alors ça le rassure, un peu. Mais il ne veut pas pour autant écouter son amant se blâmer, s’accuser de lui avoir fait du mal, il ne veut pas qu’il culpabilise, il ne veut pas qu’il lui demande pardon. C’est trop dur. Il ne veut pas penser à toutes ces années, il a envie de lui dire de se la fermer, et puis qu’ils fassent l’amour, encore, allez, s’il te plaît, tais-toi, baise-moi. Il lui a dit ça tellement de fois, à cause de cette peur qui lui prenaient les tripes dès qu’ils commençaient à s’échanger quelques mots. Mais aucun son ne sort de sa bouche. Plus que ça, quand Nasiya lui demande pardon, ses yeux s’emplissent de larmes. Ce sont des larmes de soulagement. C’est sûrement qu’à défaut de vouloir les entendre, il en avait besoin. Il les attendait. Il prend ces mots, il les mange, il se les approprie, il les fait sien. Ce qu’il a fait tant de fois avec son corps, il le fait désormais avec ses mots. Ou il fait les deux en même temps, il ne sait plus trop, tant leurs corps mouvent ensemble. Quand Nasiya dit qu’il est lourd, qu’il est lâche, son aimé a envie de plaquer sa main contre sa bouche, pour le faire taire. Comment peut-il dire ça, lui qui est si beau, si téméraire. Et lui qu’il aimerait sentir peser sur son corps, encore et toujours, toute la vie, par Ogun, sa lourdeur n’a aucune importance, parce qu’au contraire, Aimé aimerait qu’il prenne toute la place, qu’il occupe tout, qu’il soit tout le temps visible, qu’il soit partout, autour de lui. Mais ses mains ne bougent pas, il continue de l’écouter, immobile, ou peut-être bercé, il ne sait plus. Il veut l’entendre, et Nasiya n’a pas l’air de vouloir s’arrêter. Il se le jure, toutefois : il devra lui dire plus souvent, qu’il est beau, qu’il voit tout son courage, et qu’il a besoin de son poids, tous les jours, dans sa vie. Aimé est comme ces hautes vagues, quel est le mot, déjà ? Ces tsunamis, qui déferlent sur les plages, et qui détruisent tout sur leur passage. Un raz-de-marée de je t’aime murmurés au creux de son cou, qui vient tout bousculer. Emporté par la vague, Aimé ne bouge pas, il se laisse balancer au rythme de l’eau et de ses mots, de ses mots tellement doux. Il en a d’autres, lui aussi. Peut-être peut-il les lui dire. Il y songe, ses yeux noyés dans les siens, tellement noirs. Et pendant qu’il y songe, il sent la vague se retirer. Sûrement Nasiya peut-il voir dans son regard sa panique de sentir que leurs corps se décollent, que sa jambe se dénouent et quittent ses jambes. Il ne peut pas bouger.
C’est que Nasiya avait disparu tant de fois. Après des mots, après des admissions, après des disputes, il avait claqué tant de portes. C’était même arrivé qu’il ne laisse aucun autre choix, à son aimé, que de lui-même claquer la porte, que de lui-même partir. Parfois, ils ne s’étaient plus vus pendant des mois, parfois, ils ne s’étaient pas parlé pendant des années. A chaque fois, ça avait été terrible. Déchirant. Atroce. A chaque fois, Josiah y avait laissé des petits bouts de lui, qu’il n’était parvenu à rassembler que quand, enfin, ils s’étaient retrouvés. Et en attendant la délivrance, inlassablement, partout, il le cherchait. Il lisait des livres de voyage, s’imaginant toujours parcourir le monde avec lui, il enfilait des focus extatiques autour de son cou pour avoir l’impression de sentir sa magie, il regardait leurs photos, écrivait à son propos, il se cherchait des amants qui lui étaient tout à fait semblables, ou tout à fait différents – ce qui, en somme, revenait à peu près au même. Nasiya était le biais. Il était la base à partir de laquelle tout se développait, il était le premier objet d’amour à partir duquel tout le reste n’était qu’imitation, reproduction. Est-ce que ça changerait ? Est-ce qu’il allait un jour arrêter d’avoir peur des mots de son amant ? Est-ce qu’il lui ferait un jour suffisamment confiance pour le laisser dire tout ce qu’il voudrait, même des mots terribles, sans avoir ensuite du mal à s’endormir ? Josiah ne dormait pas, quand il était loin de Nasiya. Moins bien, en tous cas. Il ne rêvait que quand son étoile était là, avec lui, pour le laisser s’endormir dans ses bras en veillant sur son sommeil.
Peut-être que ça commence aujourd’hui. Aimé fait confiance, justement pour cela : parce qu’il est cet aimé, et que cela semble suffire, pour la première fois. Nasiya prend ses mains, et ensemble, ils se lèvent. Il l’attire dehors et cherche un endroit depuis lequel on peut voir le ciel. Aimé ne voit rien à part lui. Ils arrivent quelque part, il ne sait pas où, mais il sent le Soleil. Finalement, quand il lève la tête, l’astre l’éblouit. Nasiya lui demande aussitôt de ne pas le lâcher du regard. Comme s’il le pouvait, puisque même le Soleil n’était pas aussi éblouissant que lui. Il a l’impression de ne jamais l’avoir autant aimé. Est-ce même possible ? Est-ce le Mexique, sont-ce les drogues ? Ou est-ce lui, et ses mots, et son corps. Son corps, par Wata, qui commencent à s’agiter. Non, ne fait pas ça. Si tu fais ça, si tu danses, je vais mourir, a-t-il envie de lui crier. Est-ce qu’il est même vivant ? Il en doute. Cela ressemble à un rêve. Peut-être qu’après la transe, après le tatouage, ils sont retournés dans leur hutte, et se sont endormis, l’un contre l’autre. Ça lui semble plus crédible que ce qu’il est en train de vivre. Un rêve éveillé. Son corps et le sien sont tout à fait détachés, maintenant, mais Aimé n’en est pas moins hypnotisé. Sa tête tourne alors qu’il essaye de suivre tous ses mouvements. Nasiya est si beau, et vraiment, Aimé a l’impression qu’il va mourir. C’est la sensation de raz-de-marée qui le couvre, et à nouveau, il croit se noyer sous cet amour qui l’enveloppe. Il peut sentir l’eau sur sa peau, mais ce sont les larmes qui coulent sur ses joues.
Josiah avait toujours su qu’on pouvait se dire des choses par le corps. C’était comme ça qu’ils s’étaient dit leur amour pendant quinze ans. Sans mots, mais avec le corps. Ça avait tenu, plus ou moins bien, plus ou moins longtemps, mais quand même, quinze ans. Il s’était senti aimé, quand même, et c’était beau, déjà, quinze ans, non ?
Aimé peut-il s’autoriser à croire ce qu’il entend ? Il suit la danse extatique, se sent emporté par elle, comme situé dans l’œil du cyclone, il entend ces mots prononcés dans une autre langue, qu’il comprend pourtant. Il sait qu’on peut se dire des choses par le corps, mais ne savait pas que c’était possible à ce point. C’est pourtant précisément là la magie de Nasiya. Il aurait dû le savoir, depuis le début. C’est comme ça qu’elle a grandi, son Etoile, c’est comme ça qu’il fonctionne, son Amour. Tout, pour lui, passe par le corps, et c’est sûrement pour cela qu’il l’aime temps. Aimé passe ses journées à sublimer des corps, et le sien n’est que magie. Le sien peut tout faire, le sien peut tout dire. Le sien est sublime.
Sithandwa sam, yiba yeyam.
Mon amour, soi mien.
Répété, en écho, encore et encore, si bien que même Aimé fini par le rejoindre. Il chante avec lui, il danse avec lui, et il lui fait fait la même demande.
Soi mien, mon amour.
Be mine, my love.
Il y aurait un avant et un après. Le Mexique resterait gravé comme le jour où, pour la première fois, ils avaient dansé ensemble. Véritablement. En osmose, Nasiya l’avait invité dans sa magie, et au sein d’elle, ils avaient pu tout se dire. Ils avaient pu se dire.
Aimé ne sait pas comment ils sont arrivés là, mais ils sont à nouveau dans la hutte. Peut-être qu’il fait nuit, déjà. Peut-être qu’ils ont fait l’amour, longtemps, peut-être qu’ils ont dormi, ou peut-être qu’il ne s’est passé que quelques minutes, et que c’est simplement que dans leur petite maison, la lumière ne passe pas. Ils sont nus, Aimé peut sentir sa peau, toute sa peau. Il sent aussi une petite bête qui glisse sur son dos, c’est ce qui semble le réveiller. Était-il endormi, n’avait-ce été qu’un songe, tout ça ? Nasiya ne dort pas, lui, il ne dort jamais, semble-t-il. Il se tient là, éveillé, sa main bouge. C’est lui, la bête, sur son dos. Il faut qu’il dorme, son Amour, ça doit faire plus de vingt-quatre heures, maintenant, qu’il n’a pas dormi. Vingt-quatre heures et une transe. Aimé se hisse un peu plus sur son torse. Il a des choses à lui dire. Des choses pour le bercer. « Quand je t’ai rencontré, j’ai su que je t’aimais, moi aussi. J’ai toujours su, depuis le premier jour. Mais j’ai l’impression de découvrir, mon amour, que je peux t’aimer tous les jours un peu plus. Plus je te connais, plus je t’observe, plus je t’admire, mon étoile, plus je t’aime. C’est possible, tu crois ? » Son corps est chaud, tellement chaud, contre le sien. Il croit crever. Ça fait quinze ans, mais la luxure ne les a pas lâchés. Il ne sait plus où il est, il ne sait plus où ils en sont. Ce qu’ils ont fait, et ce qu’il leur reste encore à faire. Tant de choses. « Tu dois le savoir, tu dois le sentir, pardonne-moi si je ne te l’ai pas dit assez, Nasiya. Tous les jours, je te veux plus, tous les jours, tout disparaît pour ne laisser de place qu’à toi, mon amour. » Il sont tellement proches, ses lèvres brûlent de toucher les siennes, encore. Mais pas tout de suite, juste une minute, juste quelques mots, encore quelques mots. « J’ai tellement hâte de nous voir, mon étoile, tellement hâte de notre vie. Notre vie – il répète, encore incrédule. J’ai tellement hâte de rentrer à Londres, pour le raconter à tout le monde. Tellement hâte de l’Afrique du Sud, de rencontrer tes parents, tellement hâte qu’on leur annonce, officiellement. » Même les siens seraient heureux, sans aucun doute. Heureux de le savoir Aimé. « Je veux qu’on rentre, mon Amour, promets-moi qu’on rentre, et qu’on commence notre nouvelle vie. Promets-le-moi, mon Amour. »
Des mots, des mots, et encore des mots.
Et à nouveau, c’est la danse des corps sous les astres.
code by EXORDIUM. | imgs by tumblr | 2604 mots + 12h
Je me souviens avoir vu cette danse des dizaines de fois, enfant. Je me souviens des éclats dans les yeux des femmes, des larmes dans ceux des hommes. Je me souviens des cris de célébration de ceux qui les entouraient, et je me souviens combien peu leur importait. Ils n'avaient d'yeux que l'un pour l'autre. Alors ma voix poursuit sa litanie incessante, ce mon amour, sois à moi, mon amour sois mien, tête vrillée dans le creux de ses jambes, corps tremblant. Comprendra-t-il ?
Sa voix se mêle à la mienne, la fait trembler. Mes mots m'échappent toujours, mais je ne les entends plus. Je n'entends que ceux de Josiah, qui calque mes sons, qui y mêle son cœur. On se redresse, il me relève, ou peut-être est-ce moi, mais nos corps reprennent cette danse, baignant dans le soleil. Il nous dévore le corps de sa chaleur alors que nous dévorons nos cœurs. À moi. Mien. Mine.
Une déclaration. Une promesse de vie à deux. Une vie éternelle. Le murmure d'un nous, non plus d'un toi et moi.
Un souffle chaud s'enroule autour de nous, pulsant contre nos peaux, et je ne sais si c'est ma magie que je ne contrôle plus, perdu dans ses yeux, ou si l'esprit du grand Elinqabileyo est venu bénir cette union, comme il le fait, à chaque rituel. Je ne sais plus grand chose, si ce n'est qu'il a dit oui, Aimé, qu'il a dit oui à ce nous.
Je ne pourrai jamais raconter ce moment - il est indicible, tant il est puissant, flou, tant il est fort. Il n'y a que nos mains qui se cherchent, nos corps qui se trouvent, nos langues qui se confrontent et s'acceptent. Ce ne sont que nos soupirs, nos respirations hachées, nos peaux qui retrouvent le sol, une euphorie complète. J'ai la tête qui pulse, c'est trop fort, bien trop fort. Il rentre en moi, quand culmine le soleil, et mon souffle se perd, happé par sa force. Un gémissement, des frissons, des doigts qui se crispent contre sa peau, et toujours, cette litanie, à peine modifiée.
Mon aimé, you're mine.
Quand ai-je commencé à l'appeler mon Aimé ? Quand sa voix à lui s'est fondue des accents de chez moi, à chaque prononciation d'anglais ? Quand il m'a avoué ce qu'était son prénom, son vrai prénom, et ce qu'il signifiait ? Aimé, l'être aimé. Je dois l'avoir prononcé pour rire, les premières fois. Aimee. Recommence. Ay-mee. Recommence. Eh-mey. Et il a dû rire, parce que ce n'était pas ça, pas totalement ça. Des sons trop éloignés des cliquetis de ma langue maternelle, des tendresses trop lointaines des élans anglophones. Je l'ai répété, pourtant, de plus en plus murmuré. Jamais devant les autres - c'était mon nom à moi, pour lui, à Uagadou. Dans le secret de notre intimité. Et ces Aymee, peu à peu modulés en de vrais Aimés, prenaient de plus en plus le poids de leur signification. Quel homme retorse, ai-je été. À lui souffler ce mot, à y puiser dans mon coeur pour le lui murmurer - et à cracher sur son corps, piétiner ses mains, dès que les choses n'allaient plus, dès que c'était trop compliqué d'accepter ce terme.
Aimé, my sweet Aimé, you're mine.
Et, grondé avec les étoiles, ces quelques mots nouveaux.
I'm yours.
Je t'appartiens. Je suis tien, maintenant. Pour le meilleur et pour le pire. Pour nos baisers, nos tendresses, et nos moments d'aigreur. Pour chaque soleil qui se lève, chaque lune qui se fait taquine. Yours and mine.
On s'effondre, et mon torse ne sait plus comment s'élever assez pour respirer. Les étoiles restent, le rire fou des gens trop heureux me démange. Sa peau nue est contre la mienne, et mes doigts ne quittent pas sa peau. On ne s'est pas lâchés, pas un seul instant. Il y a ce courant encore, entre nous, comme une décharge de force, que nos élans n'ont pas encore tout à fait éteints. Mes doigts forment des arabesques, des gestes doux, suivant la trace de son baobab, effleurant cette nouvelle tâche, là, ce tatouage qui m'a tant froncé le cœur. Je ne pouvais rien lui dire, évidemment, plus fou que lui - mais l'angoisse ne peut que m'étreindre, comme elle l'a étreinte ce soir. Ils courent le long des branches, le long du tronc, ils se faufilent dans le feuillage, s'abreuvent des frissons de sa peau, des gouttes qui y perlent, de son abandon total. Il dort, sûrement.
Il faut que je dorme, aussi. Les étoiles n'ont pas quitté mes yeux, me secouent encore le crâne. Je crois sentir la claque sèche de la main agacée de Cuauhtzal sur mon front - va dormir, pauvre fou. Abandonne toi aux esprits. Tu les as sentis, tu les as effleuré, tu sais qu'ils veillent. Abandonne-toi à eux, qu'ils guident ton âme si pleine vers le confort des cieux. Je ne peux pas, pourtant. Mes yeux restent dardés sur Aimé, mes doigts sur sa peau. J'ai peur que tout s'évapore, si je clos les paupières. J'ai peur que tout retombe. J'ai peur de moi.
Il y a sa voix, qui s'élève, pourtant, son torse qui se redresse, se fond plus contre moi, et mes joues se pincent. Il sait toujours, Aimé. Il est toujours là, toujours dans mes bras, quand il faut faire respirer mon corps. Toi et moi. Nous. Sa voix qui me guide, sa voix qui m'apaise. Il n'y a plus de peur. Nous avons dansé. Nous avons sué. Chez moi, nos corps sont unis, première bénédiction donnée.
Je l'écoute, qui retrouve le chemin des mots, le flux des phrases, mué peut-être par ce qui m'a secoué, il y a tant d'heures déjà. Il a toujour su. Mes yeux se ferment, ma tête glisse dans sa nuque, mes lèvres déposent un baiser, juste un, le souffle tremblant. Je ne sais pas si c'est possible, mon amour, mais je veux y croire. Ne plus jamais le décevoir, toujours l'impressionner plus encore. Faire que son cœur vibre au même rythme que le mien, qu'aucun décalage ne vienne s'immiscer. Je m'éloigne, relève la tête, nous sommes si proches encore. Je pourrai être à l'autre bout de la terre, sur un autre astre peut-être, que nous serions toujours trop proches. C'est acté, maintenant. Tous les jours, il y aura cette passion. Chaque instant, ces lèvres qui veulent se trouver. Il résiste encore un peu, pourtant, à l’appel de mes lèvres, d’autres mots se glissent entre les siennes. Je murmure des mon amour, d’une voix pressante, qu’il comprenne. Ne t’excuse pas, bon sang, tu es si doux, si bon, tu ne me mérites pas. Je ne mérite pas cet amour que tu me voues, ces mots que tu me susurres. Je les garde, pourtant, jalousement, j’aimerai les avaler entre mes lèvres, les garder au fond de moi. Ils ne seront qu’au fond de ma tête, pourtant, au fin fond de mon esprit – je l’espère. J’espère toujours me souvenir de ce que tu m’avoues, de ce qui pulse entre nous, aujourd’hui. Mes yeux se ferment, de longues secondes, mon corps tremblant.
Notre vie.
La hâte qui pulse dans sa voix semble se réverbérer en moi. Notre vie. Il le répète, et mes yeux s’ouvrent à nouveau, les braquant sur lui. Notre vie ensemble, fiers, heureux – si heureux. Il ne peut que lire la passion dans mes yeux, la joie qu’il me procure. Il a retenu, pour l’Afrique du Sud – évidemment, qu’il a retenu. Je m’imagine déjà, bordé par le sable, porté par le vent humide de nos rivages, mains scellées aux siennes, le présentant aux miens. Je ferme les paupières, à nouveau, les yeux humides. Il y a le goût de sel, sur le baiser qui prend ses lèvres. Il y a la force d’une émotion, plus grande que les mots, qui se transmet dans mon souffle, quand je lui murmure, lui jure, une nouvelle vie. Plus jamais des adieux rien que des au revoir.
- Promis, mon amour, une vie à deux, j'y crois comme à la terre, j'y crois comme au soleil, une vie ensemble, nos coeurs qui s’entendent, nos âmes qui se portent. Ensemble.
Et le mot résonne, dans l’espace minime qui sépare nos lèvres, il cogne contre nos bouches. C’en est trop, on ne peut que chercher à l’attraper, à la dévorer, à le coincer entre nous. Il glisse sur notre peau, se faufile à nos commissures, se fond dans notre langue. Ensemble. Je crois le lui tracer, alors que mes baisers glissent sur son torse, déglutissent sa peau. Nos souffles se lient, s’élèvent, et viennent chatouiller le soleil. Il nous éclaire, au travers des fentes dans les murs, d’une douceur qui nous fait culminer.
Le souffle erratique prend de la lenteur, apaise les sursauts de mon coeur. C’est la fatigue, qui m’achève, peut-être, ou le trop-plein de bonheur. Je m’écroule, cette fois-ci. Peau contre peau, âme contre âme. Je m’écroule, yeux révulsés, tournés vers les cieux. Mes pensées m’échappent, mes visions sont floues. Mes rêves sont pleins, cette nuit – mon marchand de sable est passé. Je ne sais si ce sont les esprits que j’ai croisé, qui viennent choper mon âme, la balancer dans l’autre-monde, mais je plane.
Il y a la mer, le soleil, le bonheur indicible. Il y a le grand Elinqabileyo, qui darde ses yeux trop clairs sur moi, sourire triste aux lèvres. Je ne comprends pas son sourire, je cours vers lui, je veux le secouer. Souris, souris, souris, mais un sourire heureux. Ne vois-tu pas, mon bonheur ? Ne vois-tu pas, cet homme près de moi ? Et je me tourne, pour saisir Josiah, pour attraper Aimé. Mes doigts glissent sur le vide, saisissent des particules de sable. Je suffoque, et tombe à la renverse. La plage ne me rattrape pas, les monticules de sable blanc semblent s’éloigner, s’enfoncer, m’attirer au fin fond de la terre. Mon souffle est court, ma tête tourne. La nausée remonte – dans mes rêves, dans la réalité ? Une main m’attrape à la volée, c’est umama, elle fait la grimace. J’ai encore sauté depuis la falaise, regarde cette cicatrice, inkwenkwe yam, elle ne t’a pas suffit ? Et mes yeux glissent, sur la trace rosâtre sur ma cuisse gauche, le sourire mutin d’un enfant qui ne comprend jamais assez les bêtises. Elle me relève, umama, me guide vers la maison. Il y a la tante, la femme de l’épicier, le cousin du poissonnier, il y a Chris et Andy, deux blancs échappés du Zimbabwe, on ne les aime pas trop, mais ils sont gentils, même s’ils ne resteront pas très longtemps. Ils me font rire, parce qu’ils sont trop blancs. Ils ont un bout de bois, entre les mains, et ça nous secoue la cage thoracique, à tous, quand on voit la tristesse de leur magie. Elle ne pétille pas, elle ne s’exprime pas. Mes mains se referment sur leur poignet, et on bascule en avant, dans un monde de danse. Partout, des corps qui se serrent, qui se mouvent, qui se fondent l’un dans l’autre. J’ai grandi, des tatouages se sont glissés sur ma peau, il y en a que je ne reconnais pas. C’est un dessous, et je secoue la tête. Quelle idée, ce string distendu. Qui a pu me faire cela ? Ça me martèle, dans le crâne, ça me tape les parois. Souviens-toi, imbécile, souviens-toi. Mais mes gestes se poursuivent, dans les bras d’inconnus, alors que mon corps crie grâce. Souviens-toi. Je me souviens, alors. Il apparaît. Il est vêtu de sa chemise de wax, ma préférée, je sais qu’elle l’est, je reconnais cette couleur, ce orange, qui lui sied si bien. Il est si beau, son sourire éclatant. Le tumulte s’est apaisé. Je le reconnais, c’est lui, c’est Josiah. Les yeux d’Elinqabileyo reviennent, nous tournent autour. Je comprends, je comprends. Il faut que je lui dise. Il faut qu’il sache. Je ne lui ai jamais dit, il ne comprendra pas, si je ne le lui montre pas. Je lui danserai, un jour, ces mots qu’il doit savoir. Elinqabileyo me suit, toujours, m’observe alors que je me glisse contre Aimé, que les vagues se calment. Il y a la mer, le soleil, un bonheur indicible. Un bonheur incompris. Pourquoi cet élan de joie ? C’est Knysna, c’est cela ?
Mes yeux s’ouvrent, papillonnent. Il n’y a plus de soleil, mais les douces heures du matin ne vont pas tarder. J’ouvre la bouche, une fois, deux fois, à la recherche d’air, mes prunelles tournant dans tous les sens. C’est sur Josiah qu’elle tombe – il m’observe. Il a l’air heureux. Ça a réussi, alors ? Ma transe, son tatouage ? On a réussi ? Je ne me souviens plus de rien. Presque rien. Ce sentiment de bonheur, seulement, la certitude d’avoir réussi à passer de l’autre-côté. Il faudra que j’en parle, avec le chaman. Que je le sonde. Mais plus tard, plus tard – Josiah est heureux. Alors mes yeux se glissent sur sa cuisse, et je gronde. Ma main trouve le chemin de son visage, effleure sa joue, une fierté sans nom faisant cogner mon coeur :
- Tu as réussi, Jos. Il faudra que tu me montres.
Et, ma tête retombant sur le sol, un rire m’échappe :
- Je ne sais pas ce que cette transe m’a fait, mais j’ai rêvé, cette nuit. On est toujours la nuit, non ? La transe n’a pas duré si longtemps, finalement. Enfin, mon amour, j’ai rêvé. J’ai rêvé de Knysna, et de toi, je crois. Surtout de Knysna. Je crois que ça me manque. Il faudra que j’y aille, bientôt.
Ces phrases, qui glacent l’instant. J’ai un poids dans le ventre, mais je ne le comprends pas. Les effets des drogues, sûrement. Je secoue la tête, tend la main pour attraper la sienne, cherchant à embrasser sa paume.
- Tu pourras venir, si tu le veux. On n’en a pas reparlé, depuis… la nuit des étoiles. Tu le veux toujours ?
Wise men say only fools rush in but I can't help falling in love with you Shall I stay, would it be a sin If I can't help falling in love with you
Ils avaient pris leur temps, non, suffisamment de temps ? Ils ne s’étaient pas pressés, si ? Quinze ans, c’était suffisamment long, ils pouvaient finalement se laisser aller, n’est-ce pas ? Aimé ne craindrait rien, pas même le vice, s’il se laissait tomber, tête la première, dans l’amour pour son étoile ? Il se répétait les doux mots de Nasiya. Il était allongé sur leur lit, et le monde commençait à reparaître autour d’eux. La nuit était tombée, à nouveau. Sithandwa sam, yiba yeyam. Tous les deux, pour toute la vie, unis par une cérémonie extatique, sous le grand astre Soleil. Ils allaient s’aimer pour toujours, Nasiya le lui avait promis. Il avait dit j'y crois comme à la terre, j'y crois comme au soleil, une vie ensemble. Ensemble. Aimé ne savait plus bien quel jour on était, mais sa jambe avait arrêté de lui faire mal. Ils étaient revenus dans la cabane, et ils avaient fait l’amour. Ça avait été comme dans un rêve. Ils avaient fermé les yeux, et s’étaient sentis au plus profond d’eux même. Ils ne s’étaient pas fait mal, ça avait été très doux. Un songe, un nuage, à demi-éveillés, pendant des heures. Ça avait été tendre, Aimé se souvenait de sa tendresse infinie. De ses doigts qui le touchaient à peine mais parvenaient à faire frissonner son corps entier, de ses lèvres qui s’étaient posées si doucement sur les siennes, et qui avaient réveillé toute sa chaleur. Il se rappelait de sa langue, qui était allée visiter ce qu’elle connaissait déjà par cœur, mais qui l’avait fait comme si c’était la première fois, et il se rappelait aussi de sa main, qui avait su l’agripper en douceur, parfait oxymore. Il pouvait encore sentir son membre qui l’avait pénétré, geste dans lequel, comme depuis la première fois qu’il l’avait fait, Aimé pouvait sentir tout l’Amour de Nasiya. C’était comme ça qu’ils avaient communiqué, pendant longtemps. En s’aimant à la folie, avec passion, inlassablement, toujours. Il y avait encore des étoiles, dans le ciel, alors Aimé se rendormit. Ils s’étaient aimés avec passion, et avaient découvert ce soir-là, ou ce jour-là, il ne savait plus, autre chose. Ils avaient admis la tendresse, l’avait laissée les gagner, l’avait laissée prendre le dessus, l’avait laissée les emporter.
Il se rendormit, et puis il se réveilla à nouveau. Il regarda sa jambe, et sortit du lit sans faire de bruit. Ça avait marché, subliment bien marché. Il était désormais l’incarnation de sa panthère jusque dans ses pas. Et de la même façon qu’avec son regard dans la nuit, il sentait qu’à terme, il pourrait maîtriser cette magie. Il sentait qu’il pourrait un jour décider de poser une patte légère ou une main lourde. Il se fit tout à fait silencieux toutefois, pour sortir de leur cabanon. Le jour allait se lever, les étoiles et la Lune avaient disparu du ciel. Il voulait se laver. Il ne dérangerait pas son étoile, qui dormait encore si profondément. La transe avait dû le crever, et puis la danse, et sa magie, et sa demande. Le village aussi, dormait. En fait, la nuit n’avait pas tout à fait fini son cycle. Il avait simplement perdu la notion du temps, comme il était si facile de le faire, perdu au milieu de la jungle mexicaine. C’étaient ses yeux félins qui le trompaient. Peu importait. Il trouva le puit, et profita du silence pour se laver. Il passa sa main sur sa nuque encore chaude. Chaque toucher lui rappelait les siens. Est-ce que l’eau suffirait ? C’était qu’en réalité, il ne voulait pas tout à fait se débarrasser de cette nuit, il ne voulait pas perdre son odeur sur ses doigts, ni sa sueur dans les poils frisés de son torse, ni ce qu’il gardait-là, juste au coin de la lèvre. Il voulait tout garder, mais il se décida, quand même, à s’absoudre sous l’eau du sceau. Il pouvait y voir son reflet, comme dans l’eau claire d’une pensine. Il avait ses souvenirs, à défaut du corps de Nasiya toujours collé au sien. Ceux-là, il les garderait près de lui pour la vie.
Like a river flows surely to the sea Darling so it goes some things are meant to be take my hand, take my whole life too for I can't help falling in love with you
Tous les hymnes de leur amour. Il faudrait en choisir un. Aimé attendait que son homme se réveille, maintenant. Ils s’étaient célébrés au Mexique, ils devraient le faire à nouveau, et plusieurs fois, si possible, ils en avaient parlé, Nasiya le lui avait promis. Il avait dit oui, à son tour. Et l’on racontait que bientôt, le mariage pour deux hommes serait autorisé partout dans le monde. C’était déjà le cas au Pays-Bas, ainsi qu’en Belgique. Pas très amusant, mais il fallait bien commencer quelque part. Quels seraient les prochains ? Il pourrait demander à Nuscaa, peut-être aurait-elle eu une vision à ce propos, peut-être les avait-elle vus, déjà, se passant un anneau au doigt, sur une plage Sud-Africaine. Nasiya devait se réveiller, maintenant. Allez, Nasiya, réveille-toi. Regarde le sourire emballé sur le visage de ton Aimé. Il est assis par terre, grande page de parchemin devant lui, il t’attend. Aimé le peignait, à l’encre de Chine, comme il essayait toujours de le faire quand il arrivait à attraper un de ces rares moments où Nasiya dormait quand lui était éveillé. C’était suffisamment rare pour mériter une esquisse. Il était si beau, allongé ainsi, et l’encre, d’un noir de jais, sublimait ses traits. Mais il devait se réveiller, maintenant. Ils avaient encore des choses à se dire, et surtout, il avait presque fini, et il avait faim, maintenant, son ventre commençait à crier. Mille et une chansons étaient passées dans son crâne, il les avait écrites, les unes sous les autres, encadrant le portrait du jour de son Amour. Laquelle passeraient-ils, pour leur première danse ? Aimé dessinait des fleurs, aussi, mais lesquelles choisir ? Du bout du doigt, il teinta la fleur qu’il venait de dessiner, dans les cheveux de son tendre, de rouge d’abord. Puis de rose. Finalement, de jaune. Qu’est-ce qu’il préférait ? Il faudrait que ce soit coloré, en tous cas, coloré comme le Mexique, où ils s’étaient tant aimés. Allez, Nasiya, réveille-toi.
Like a river flows surely to the sea Darling so it goes some things are meant to be take my hand, take my whole life too for I can't help falling in love with you for I can't help falling in love with you
Il émergea, finalement, son roi, son magnifique, son sublime. Le cœur d’Aimé manqua quelques battements à le voir ouvrir ses paupières, comme aux premiers jours, comme quand ils étaient adolescents, à Uagadou, et qu’ils se réveillaient ensemble pour les premières fois. Un renouveau. Au Mexique allait commencer leur nouvelle vie, c’était certain. Nasiya s’étirait, comme un chat, comme un guépard, comme le félin qu’il était parfois, et Aimé laissa tomber son pinceau. Il vint plutôt appuyer ses deux mains devant lui, repoussant son parchemin, se penchant vers le lit, avide de regarder son corps se mouvoir. Il fit l’effort de garder bouche close, il ne voulait pas l’assommer de questions. Il en avait tant pourtant, et la première : quand ? tout juste suivie de où ? et juste après, encore : avec qui ? Aimé voulait que tout le monde sache ce qu’il s’était passé au Mexique. Il voulait que tout le monde connaisse leur bonheur, il voulait qu’on se réunisse pour célébrer leur Amour. Cette perspective d’un bonheur partagé avec d'autres emplissait son cœur. Ils étaient tout proches, Aimé installé devant la paillasse pour le peindre. Nasiya tendit le bras pour caresser sa joue. Douceur, tendresse, encore. Aimé ferma les yeux, emplissant encore un peu plus son nez de son odeur. Quand il les rouvrit, il lu la fierté dans le regard de son étoile. C’était limpide. Comme s’ils se comprenaient, comme s’ils savaient tout l’un de l’autre, maintenant.
Nouveau battement manqué, toutefois, parce qu’Aimé trouva un peu étranges les premières paroles matinales du Tendre à son égard, mais il ne s’en chiffonna pas. Peut-être ne l’avait-il pas encore bien vu, son tatouage, peut-être que tout le reste avait pris le pas là-dessus. Aimé s’était attendu à quelques premiers mots un peu plus romantiques, mais pourquoi pas, après tout, tout ça partait de là : de sa volonté de retourner en terres zapotèques pour explorer un peu plus sa magie. Nasiya semblait presque l’apprendre, pourtant, qu’il avait réussi. Il le lui avait dit, l’avant-veille, que ça avait fonctionné, non ? Que Zyanya lui avait tout donné, en l’échange de quelque bon procédé ? Ou peut-être pas, peut-être que lui aussi, il ne s’en souvenait plus bien, ça n’avait pas été le plus important, après tout.
Nasiya dû lire le trouble sur le visage de son aimé, toutefois, quand il ajouta qu’il avait rêvé de Knysna. Quelque chose n’allait pas, et Aimé tentait de déterminer quoi, restant profondément silencieux. Il y avait eu ce prénom, d’abord, qui avait mal sonné dans son oreille. Il était redevenu Josiah. Et la bouche de Josiah s’asséchait alors qu’il tentait de comprendre un peu plus, de pointer ce qui sonnait faux. Comment ça, il avait rêvé toute la nuit ? Quels effets de la transe ? Sa gorge se nouait, alors que Nasiya racontait son rêve qui ressemblait affreusement à la réalité. Il avait envie de l'arrêter, de l'interrompre, pour lui dire : mais tu n’as pas rêvé, on y était, mon Amour, à Knysna. On y était, par ta magie, et on y a exécuté une sublime cérémonie, ne te rappelles-tu pas ? tu ne rêvais pas, mon Etoile, on y était. Aucun son ne sortait de sa bouche, toutefois. Il était figé, alors que Nasiya se penchait vers lui pour attraper sa paume. Il la lui donna, se laissa embrasser. Peut-être se trompait-il, il devait se tromper, il se trompait forcément. Josiah sentait les larmes dans sa gorge, maintenant. Il n’avait plus entendu son cœur un moment. « Tu pourras venir, si tu le veux. On n’en a pas reparlé, depuis… la nuit des étoiles. Tu le veux toujours ? » . Il avait promis. Il entendait encore ses mots. Promis, mon amour, une vie à deux, il avait dit. Josiah lui avait demandé, pourtant, précisément, s’ils pouvaient aller à Knysna, il lui avait parlé de l’Afrique du Sud, depuis la nuit des étoiles, comme il l’appelait, puisqu’il l’avait fait la nuit dernière. Il avait comme des flashs, dans son crâne, il ne l’avait pas inventé, tout de même ? S’il respirait, les larmes allaient remplir ses yeux, alors il bloqua sa respiration. Un … deux … Trois. Il ne put toutefois ouvrir la bouche. Il se contenta de hocher la tête, de haut en bas, en souriant, juste un peu, un tout petit peu. Juste assez pour donner le change. Bien sûr, qu’il le voulait toujours. Puisqu’il venait de s’unir à lui dans la plus belle des cérémonies, puisqu’il lui avait dit qu’ils devraient en parler à tout le monde, puisqu’il s’était même imaginé le présenter à son père. Ne se rappelait-il pas ?
Que lui fais-tu, Wata, qu’est-ce que Josiah a fait pour mériter cela ? Il a cru te l’entendre promettre, il a cru que tu lui avais autorisé quinze ans de plus, pourquoi le lui retires-tu, alors que c'est là son bonheur ?
Josiah ne put rien lui dire. Nasiya avait laissé retomber sa main, sûrement déçu de sa réponse muette. Mais c’est qu’il ne pouvait plus parler, son souffle était coupé. Des mots, des questions lui brûlaient la langue, pourtant. Mais c’était impossible, il ne pouvait rien dire, parce qu’il le savait, il s’en convainquait, il ne tiendrait pas. Si Nasiya ne se souvenait pas de ce qu’ils avaient fait le jour précédent, sous les astres, Josiah n’allait pas tenir, au contraire, il allait défaillir, avant de forcer son amant à lui en dire plus. Il allait devoir le supplier de s’en souvenir. Il allait se hisser debout, Nasiya allait le suivre, et il allait lui hurler que c’était impossible, qu’il ne se souvienne pas. Il ne pourrait pas s’arrêter, ça serait comme cette vague, comme ce tsunami d’Amour, qu’il avait reçu la nuit dernière, qui allait se transformer en tempête tropicale. Il allait l’attraper par les épaules, il allait prendre son crâne entre les mains, et il allait vouloir le secouer. Il allait vouloir le tuer, de ne pas se rappeler. Josiah ne voulait plus de ça. Plutôt alors, il attrapa le parchemin. Nasiya ne devait pas voir ça. Il ne devait pas voir cette chanson d’Elvis, trois strophes, une quinzaine de vers sublimes, qu’il connaissait par cœur et qu’il avait griffonnés tout autour de son visage endormi, comme un calligramme d’Apollinaire, comme la plus belle des poésies de leur Amour. Il l’enroula sur lui-même, et se décida à dénouer ses jambes, pour se relever. Son corps était lourd. Il ne fallait pas qu’il pleure. Quand il se lèva, sa tête lui tourna. Peut-être avait-il passé trop de temps assis, peut-être s’est-il levé trop vite. Ou peut-être étaient-ce ces esprits malicieux qui lui susurraient des choses à l’oreille.
Ne pleure pas, Josiah. Ne pleure pas, et tais-toi. Ne dit rien, surtout, ne dit rien. Imagine ! Imagine si tu lui rappelles ce que vous avez fait, le jour dernier, et qu’il regrette de l’avoir fait. Maintenant que vous êtes tous les deux sobres, tous les deux remis de vos émotions, c’est possible, n’est-ce pas ? S’il ne s’en souvient pas, c’est d’ailleurs peut-être parce qu’il n’a pas envie de s’en souvenir. Parce qu’il n’a fait ça, il ne t’a accordé cette cérémonie qu’à cause des drogues. Ce sont elles qui l’ont induit à t’aimer, cette nuit. Imagine que tu lui en parles, et qu’il prenne peur ? Imagine que tu lui en parles, et qu’il claque la porte à nouveau, comme il l’a fait tant de fois déjà, après une dispute. Imagine qu'il te quitte, qu'il te laisse-là, parce qu'en vérité, il ne veut pas t'épouser. Ne pleure pas, Josiah. Ne pleure pas, et tais-toi.
Josiah avait tellement peur. Il était pétri d’angoisse. Ses mains tremblaient. Il devait prétexter quelque chose. Il murmura, la voix brisée : « J’ai faim. » Faux. Atrocement faux. Son estomac était tordu dans tous les sens, il ne pourrait rien avaler. Ça ne sonnait pas bien. Nasiya ne le croirait pas. Il devait faire un effort, lui susurraient les esprits. Il devait avaler sa salive, et il devait oublier. « Tu as beaucoup dormi, Nas. Deux jours. Toi aussi, il faut que tu manges. » Mieux. Beaucoup mieux. « Tu me rejoins ? » C'est qu'il ne pouvait plus le voir. Il devait sortir de cette cabane, au plus vite, avant que ses jambes ne défaillent tout à fait, avant de tomber à genou.
Il se sentait comme Icare, qui avait volé trop près de son étoile, qui s’était approché trop près du Soleil, trop près du bonheur, et qui s’en était brûlé les ailes.
Il s’effondrait.
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Il y a de la douceur, dans mes gestes, et de la fierté, dans mes yeux. Il y a mon rire qui m’échappe, et ma tête qui retombe contre le sol, trop pleine d’un fouilli sans nom, les vagues de Knysna faisant encore écho contre mes tempes, le rire de Josiah leur répondant. C’était son rire, non ? Il a emplit mes rêves, je le sais – je ne peux que rêver de lui, quand je dors. Lui, et là-bas, le sable qui m’attrape. Ils sont toujours là, tous les deux.
Alors pourquoi ce silence, qui pèse entre nous ?
Je lui ai embrassé la main, j’ai baisé sa peau, et pourtant elle est lâche contre mes lèvres, et son corps n’a pas suivi le mouvement – il ne s’est pas approché, il ne m’a pas serré contre lui. On est fiers, pourtant, non, Josiah ? Fiers d’avoir réussi, bon sang – des mois, des années, peut-être, que tu en rêves. Je n’ai pas le droit d’être fier ? Je n’ai pas le droit de vouloir fêter cela, en l’emmenant là où nos rêves frôleront les plus belles étoiles ? Alors je relève la tête, sourcils froncés, et son sourire est là. Ses lèvres sont relevées, à peine, mais ce doit être la fatigue. Ça ne peut qu’être cela, finalement. Mes doigts relâchent les siens, et je détourne la tête.
Un sourire – à peine. Voilà, c’est cela qu’il m’offre, alors que je murmure le nom de chez moi. Le souvenir de cette nuit étoilée, où nos mots se sont mêlés à nos coeurs, enfin, après tant d’années à esquiver ces vérités, cette nuit-là n’a-t-elle que peu de poids, pour lui ? A-t-il oublié, ces promesses murmurées ? Cette envie de leur montrer, à eux, les miens, combien je suis heureux, entre ses bras ? Non, il ne dit rien.
Il y a un poid, qui m’entrave le coeur, et ma langue se fait lourde, mes lèvres se font sèches, alors que j’essaie de comprendre. Cette froideur, bon sang, quand mon corps est encore chaud d’avoir dormi contre le sien. On a dormi ensemble, non ? Mes muscles sont endoloris, d’avoir trop donné pour la transe, mais je sens encore sur ma peau la trace de ses doigts, apaisant mes songes. C’était forcément cela, forcément lui ? Son corps est loin, pourtant, et le mien se crispe d’avoir perdu ce contact. Il est tendu, vers lui, ne demandant qu’à s’y fondre à nouveau.
- On est pas obligés, je ne te forcerai pas à venir, tu sais.
Les mots sont murmurés, mes yeux toujours s’efforçant d’ignorer les siens. Ils sont figés sur le mur de glaise, dévorant la moindre fissure, le moindre changement de ton. Tout, plutôt que de revoir ses traits crispés, son sourire si lointain. Ça m’échappe, je ne comprends pas cette tension. M’en veut-il, d’avoir poursuivi la transe ? À la douleur qui mine mon corps, qui fait cogner ma tête, le sommeil n’ayant pu apaiser tout l’effort, je ne sais que trop bien combien l’expérience a dû être violente. J’en ai encore le crâne qui se renverse, de ce que j’ai pu voir. J’ai envie de lui dire, pourtant, de lui murmurer ce que j’ai vu, les formes qui me sont apparues. Je crois que ça me revient mieux, et il faut que je lui dise.
C’est à lui, toujours, que mes premiers mots vont. Mes idées s’entassent, s’amoncellent, et ne trouvent réalité dans le monde qu’au creux de ses oreilles, en tout premier. Son visage, qui se froisse, ses traits, qui s’éclairent, quand l’idée lui plaît, quand une autre l’affole. À lui, toujours, rien qu’à lui. Les autres viennent après. Mensonge. Les autres sont venus avant, parfois, quand il n’était pas là, contre moi, suffisamment proche pour que mes idées lui soient susurrées. Ce sont les seules fois où il n’a pas su avant tous. Là, encore, mes pensées lui étaient dévouées. Josiah, imagine si je pouvais contrôler les rêves, toute une nuit durant. Josiah, imagine si les cultures influençaient les consciences. Josiah, imagine si mes mouvements sublimaient les potions. Tant de fois, je les avais murmurées, dans le creux de mes mains, son collier serré entre elles, priant qu’elles lui tombent dans l’oreille. Il était loin, il était oublié, il me fallait l’oublier. Alors mes phrases prenaient forme auprès des autres, de Noah, de Wassim. Ce n’était jamais aussi bon, de lire leurs joies, que de lire les siennes.
Ce matin, pourtant, son corps est si proche du mien. Je n’ai qu’à me tourner, pour que les mots lui tombent dans l’oreille, pour que ses traits me révèlent ses pensées. Mon corps reste figé, pourtant, frappé par ce sourire trop fin, ce sourire si loin de ceux qui lui ont dévoré le visage, toutes ces journées. Je veux lui dire, lui raconter, sans cette crainte d’y revoir ce sourire. Ça me cogne dans la tête, ça me cogne, ça me cogne, j’ai mal. De l’eau. De l’eau, ça sera bien. De l’eau, pour y plonger mon visage, et quand je m’essuierai la peau, quand je relèverai la tête, tout sera oublié. Il sera comme avant, avant la transe, avec ce vrai sourire, celui-là que j’embrasse, dont je dévore le moindre recoin, celui qui me fait chavirer.
Ses mots tombent, pourtant, et creusent plus encore ce fossé que je ressens. Il a faim. Bien sûr. Évidemment. Nous n’avons rien mangé, depuis… bon sang, je ne sais plus depuis quand. Hier ? Non, deux jours. J’ai dormi deux jours. Je déglutis, et lentement ma tête tourne vers lui. Il faut que je mange. Je ne comprends pas ces phrases, les premières qu’il me sort, après tout cela. Elles claquent aussi durement que son sourire. Je souffle, fort, quand il me demande si je le rejoins. Je me retourne – tout le corps, cette fois. C’est idiot, il sait que je ne me rendormirais pas. Il m’agace, pourtant, parce que je ne comprends rien. Je voulais lui murmurer toute ma joie, je voulais qu’il me souffle toute sa nuit, qu’on se raconte un des plus beaux moments de notre vie – et il veut aller manger. De cette voix, là, si morne, si vide. Il m’agace. Alors je lui tourne le dos, je cale ma tête sous mon coude, et je grogne.
- Vas-y, tout seul. J’ai mal au crâne.
Et j’inspire, j’expire, je ferme les yeux, me concentre sur les étoiles qui virevoltent sous mes paupières. Il m’agace. Ça devait être beau, ce matin – exaltant, exaltés, bon sang. Au loin, il y a l’agitation du village, il y a le cliquetis des outils, les rires des enfants. Au loin, il y a la vie qui se poursuit, ignorante des troubles qui minent nos esprits. Elle me paraît odieuse, à résonner si fort contre mes tempes. Taisez-vous, taisez-vous. Tu vois, grand Elinqabileyo, c’est pour cela, que je ne danse pas pour lui. Parce qu’au réveil, ses lèvres sont parfois si sèches, ses mots si lointains. Parce qu’après des heures incandescentes et des minutes blanches, il se renferme, encore, toujours, trop loin de moi. C’est pour cela, grand Elinqabileyo, que cette danse reste dans mes rêves – parce que je ne peux pas m’empêcher de l’aimer, alors qu’il se détourne si facilement de moi. Mes poings se crispent, et je murmure en boucle, litanie incessante, chevalière contre les lèvres. Cwaka, cwaka, tais-toi, tais-toi. Tais-toi, esprit, cesse de cogner ainsi, tais-toi, crâne, laisse-moi oublier ses mots gris.
Laisse-moi me relever, de longues heures plus tard, le corps miné par la faim, laisse-moi me glisser au sein du village, dévorer leurs préparations, laisse-moi attraper le chaman, lui murmurer combien je ne m’en remettrai jamais, laisse-moi glisser des lianes sacrées au fond de mon sac, pour réessayer, pour comprendre mieux. Laisse-moi faire tout cela, en oubliant Josiah, qui ne me regarde pas, qui ne parle qu’aux autres. Laisse-moi, esprit, tais-toi, et laisse-nous tout reprendre, comme si de rien n’était. Et quand nos pieds claqueront sur le sol londonien, laisse-moi oublier plus encore que Josiah ne m’étreint pas, que mes lèvres s’assèchent de ne plus pouvoir goûter aux siennes, laisse-moi plonger dans l’extase que m’a apporté la transe, dans le travail qu’elle va provoquer pour, encore, ne plus voir son regard qui pèse sur moi, qui semble vouloir me dire tant de mots, alors que je n’y comprends rien. Alors tais-toi, esprit, laisse-moi gronder contre lui, quand il viendra s’énerver, ou donne-moi la force, fou d’esprit, de lui prendre le visage, de lui faire dire ce qui l’a mis dans cet état. Tu ne me la donneras pas – je sais, tu ne me l’as jamais donnée. Tu ne me la donnes que pour lui faire du mal, cette force, pour lui cracher nos disputes. Je ne veux pas, cette fois, pas ici, pas au Mexique, pas là-bas, non plus, pas là où nos vies se sont fissurées – non, je ne veux pas. Alors laisse-moi oublier ma déception, face à sa réaction, laisse-moi oublier le froid dans ses yeux. Ça lui passera, ça nous passe toujours. C’est mieux que de se parler.
We don't talk enough, we should open up Before it's all too much Will we ever learn? We've been here before It's just what we know
Stop your crying, baby, it's a sign of the times
Josiah ne dirait rien. Il se fermerait, comme il savait si bien le faire, et ne dirait plus un mot sur l’affaire. Il sourirait, raconterait avec le sourire ses aventures mexicaines, en éludant celle-là et puis, s’il y arrivait, il tenterait même d’oublier.
Il s’était essayé à l’exercice, plusieurs fois déjà. Il y était presque parvenu d'ailleurs, un an et demi durant. Cette fois-ci, ça serait la bonne. Et en plus, oublier lui permettrait de garder Nasiya à ses côtés, au contraire de toutes les autres fois où il avait fait en sorte de l’oublier pour mieux le perdre. Il y parviendrait. Il y parviendrait. Il oublierait tout et tout redeviendrait comme avant. Ils seraient heureux.
« On n'est pas obligés, je ne te forcerai pas à venir, tu sais. »
Jamais. Il n’y arriverait jamais. Son cœur se brisait alors que Nasiya disait ces mots, et il pouvait sentir la bile au fond de sa gorge alors qu’il avait l’impression que son amant le piétinait. Comment pouvait-il croire qu’il le forcerait à venir à Knysna, qu’il ne désirait pas déjà, et plus que tout au monde, y aller avec lui ? Alors qu’ils se l’étaient promis, pendant cette nuit étoilée, et qu’ils y étaient presque allés, pendant cette journée astrale ? Josiah avait l’impression d’être hors de son corps tant il ne pouvait pas croire ce qui lui arrivait. Tant cette scène était surréaliste, impossible, et tellement douloureuse qu’elle le brisait en deux. Et ça durait, par Erzulie, plus longtemps qu’il ne le fallait, plus longtemps qu’aurait duré le pire des cauchemars. Ça arrivait dans la réalité, et il se retrouvait à devoir répondre, et au plus vite, sans quoi Nasiya se douterait de quelque chose. Mais s’il ouvrait la bouche, s’il osait même respirer autrement que par le nez, il vomirait. Il déglutit alors, ravalant l’amertume au fond de sa gorge, une première fois fois, puis une seconde. Un rictus triste, étrange, tordu, s’efforça d’apparaître sur son visage. Mais que dire, maintenant ? Que dire que Nasiya pourrait croire, avec la voix fracassée qui allait sortir de sa gorge ? Que dire qui ne serait pas un énorme mensonge tant il tentait, par tous les moyens, d’éconduire la vérité ? La réalité de ce qui leur était arrivé le jour précédent, et que Nasiya avait déjà oublié ?
Et pourquoi avait-il oublié ? Parce qu’il l’aimait moins, sans doute, que lui ne l’aimait. Leur relation, depuis le début, était déséquilibrée. Lui, même avec mille et une drogues dans le sang, n’aurait pas pu oublier pareille scène, pareil bonheur. Si Nasiya en avait été capable, c’était qu’il ne l’avait pas voulue. Pas autant que lui, en tous cas. Il n’avait pas souhaité cette union aussi ardemment que lui, et cette pensée le tuait, et la colère montait dans son esprit, parce que Josiah se sentait piégé dans ce déséquilibre au milieu duquel il avait l’impression d’avoir déjà été pris plus d’une fois déjà. En 1995, notamment, quand il n’avait eu le droit de rien dire, de ne rien vouloir, et surtout pas Londres, et qu’il était parti joindre le Mexique pour la première fois. En 1998, quand il avait finalement décider de tout arrêter, après une énième dispute pluvieuse. Ou peut-être avait-ce été Nasiya qui avait marqué la fin, il ne se souvenait plus bien. Et puis, finalement, en 2001, quand Nasiya avait accepté la vie londonienne, et qu’en échange, Josiah n’avait su faire autrement que dire oui à tout. Une vie déséquilibrée, qu’il avait cru voir se clore la veille. Comment avaient-ils pu passer d’hommes égaux sous le Soleil à … à ça ? « De quoi tu parles ? Bien sûr que j’ai envie de venir ! », répliqua-t-il ainsi, sec, acerbe, même. C’était ça, ou l’effondrement. La douleur et la peine masquées par la colère. Pratique, non ? Et puis ce prétexte, la faim, qui allait lui permettre de sortir de cette fournaise. Il se fit presque attentionné, lui proposant de le rejoindre, mais Nasiya lui répondit avec la même amertume dont il avait plus tôt fait preuve. Il avait mal au crâne, se justifiait-il. Pas impossible, à vrai dire. Pas moins douloureux, parce qu’évidemment, ça n’était pas ce que Josiah voulait entendre. Ça allait sûrement être comme ça, jusqu’à ce que véritablement, il parvienne à oublier. Il allait attendre que Nasiya se souvienne, et il ne se souviendrait pas, et éternellement, il serait déçu de ses mots. Il devait oublier, oublier au plus vite, oublier aussi vite que Nasiya y était parvenu. Ça ne devait pas être si difficile. Il y parviendrait.
Josiah sortit finalement de la cabane. Il laissa Nasiya derrière lui, roulé en boule dans le lit où ils avaient fait l’amour, après. Ça aussi, il l’avait oublié ? Alors que ça avait été tellement bon ? Tous les mots, toutes les choses, évaporées de son esprit. Comment les lui raconter, même s’il avait pu se l’autoriser, ça aurait été impossible ?! Ça ne se disait pas, ces choses-là, ça se vivait ou ça n’existait pas. Ça n’existait plus, donc, et surtout pas en dehors de sa mémoire.
Josiah cherchait Nuscaa, croyait qu’il pourrait la trouver, pour tout lui raconter, pour qu’elle au moins, elle sache. Mais finalement, il atteignait à peine l’arrière de la maisonnée que ses mains venaient s’appuyer sur le haut de ses cuisses, sa tête se penchait en avant, et tout était vomi. Les larmes ruisselaient sur ses joues alors que toute la douleur sortait de lui, écartelant ses tripes et joignant le sol. C’était une bile amère qui lui brûlait l’œsophage et l’empêchait de penser. Quand tout fut sorti, il tituba, parvint à faire quelques pas jusqu’à atteindre le puit, par lequel il s’arrosa la nuque. Il était vide. Son corps, définitivement, et son cœur aussi, certainement.
Josiah, ainsi, ne dirait rien. Ni à Nasiya, ni à Nuscaa, ni à personne. Il garderait le secret de cette journée précieusement, bien cachée, là-haut, dans son crâne. Il se fermerait, comme il savait si bien le faire, et ne dirait plus un mot sur l’affaire. Il sourirait, raconterait avec le sourire ses aventures mexicaines, en éludant celle-là et puis, s’il y arrivait, il tenterait même d’oublier.
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