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Office nocturne - Djouqed
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

Invité

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Invité
Dim 19 Avr - 18:29
🌢 Office nocturne
À 19h45 le vendredi 13 février 2004,
Cabinet du Docteur Milford à Londres,
Non loin de Sainte-Mangouste,
(Soif contrôlée - 10/14 Jauge de Rötschreck)

▼▲▼

En des gestes lents et précautionneux, Henry ajustait la position du nouveau pot en terre cuite. Peinturluré de gris, celui-ci, du moins sous l'éclairage électrique. Il décorait désormais l'intérieur condamné de la cheminée avec deux autres compères de la même espèce. L'un vert, l'autre bleu. En optant pour cet embellissement sommaire, faute de plante adaptée à son mode de vie alors qu'il appréciait vraiment la présence de ces dernières, il espérait accentuer l'âme quiète et relaxante de son bureau.

Il avait même hésité à se dégoter une de ces fleurs artificielles dont Clavel lui avait parlé. Seulement, à bien y réfléchir, il n'avait pas très envie de tomber dans une ambiance complètement inverse à celle souhaitée. Superficielle et poussiéreuse. Ce ne serait ni aidant pour ses séances, ni très agréable à observer au long-terme. Sans compter qu'il craignait de vexer certains membres de la communauté magique en leur offrant des roses aux pétales en polyester en guise de décorum.

Non, vraiment, des pots simples, vides et colorés suffisaient pour le moment. Il trouverait bien de quoi ajuster les détails plus tard. De toute façon, ce n'était pas comme si l'éternité manifestait de l'impatience.

D'un coup de main léger et aérien, Henry vérifia la bonne tenue du rideau installé l'avant-veille. Peu après la dernière consultation nocturne. Les volets extérieurs étaient toujours baissés depuis son arrivée, peu en importe l'heure du jour ou de la nuit. Toutefois, le caractère sombre de ces éléments extérieurs ne correspondait aucunement à la douceur qu'il voulait mettre en place dans l'ensemble de son cabinet. Il s'était donc démené, une nouvelle fois, pour dégotter des tentures épaisses et blanches qui dissimulaient aisément le gris foncé desdits volets. Après tout, le diable se trouvait justement dans les détails.

Tout était en ordre. Suffisamment pour qu'il puisse délaisser son inspection et passer à l'étape suivante. Tourner la pancarte du couloir pour indiquer l'ouverture de son office. Ce dernier point dans sa routine lui permettait toujours de quitter définitivement les pensées de Henry pour celles de Milford. L'un et l'autre n'étant pas toujours traversés par les mêmes ressentis ni les mêmes envies.

De son vivant, peut-être qu'il aurait lâché un petit soupir de circonstance. Encourageant. Dans sa non-mort, il se contenta d'esquisser un bref sourire. Puis, il traversa la petite salle d'attente, aménagée dans le même esprit épuré et reposant que le reste, pour gagner son bureau. En l'atteignant, il laissa la porte ouverte et récupéra son cahier du jour précédemment disposé sur le secrétariat.

Quel était le premier nom à venir, déjà ?


Petit HRP:
CODAGE PAR AMATIS - 417 mots

Djouqed

Djouqed
MEMBRE
hiboux : 174
pictures : Office nocturne - Djouqed 200405051035524820
Lun 20 Avr - 14:31
OFFICE NOCTURNE
@Henry Milford
Cela fait à peine deux semaines que Djouqed arpente le Londres Magique en tant qu’ambassadeur, et déjà, il a fait de bien surprenantes rencontres. En deux semaines, il s’est perdu dans un tourbillon de folie avec Uriel, a placé ses pions sur l’échiquier de Londres, retrouvé Nasiya, rencontré des membres du Ministère. En deux semaines, il a découvert le monde du Royaume Uni et appris, au moins quelques unes des ficelles qui agitent cet endroit. Il a placé ses enfants à Poudlard et narré à ses deux épouses la troublante rencontre qu’il fit. Sa vie a repris son cours, presque comme au Caire. Presque.

Car il reste une zone d’ombre dans cette escapade londonienne, c’est sa fille, @SAFIA ZAHAB. Djouqed a beau observer, être attentif, il sent bien que quelque chose ne va pas. Il n’a eu de cesse que de revoir son air perdu, à sa petite princesse, le matin qui a suivi le rituel. Il l’a vue confuse, comme si elle ne se souvenait plus. Et elle n’a pas abordé le sujet, même lorsqu’il l’a lancée sur ses tatouages et sa magie. Quelque chose cloche. Il ne sait pas ce que c’est, mais quelque chose cloche. Elle était si belle, Safia, cette nuit là. La chair de sa chair, le sang de son sang à frapper cette prostituée et la faire disparaître dans un éclatant rituel. Elle a été comme lui avait été jadis : impitoyable, violente. C’est bien elle, sa fille, l’héritière de son caractère. Et il en est fier, de cette enfant, Djouqed, tellement fier. Il ne cesse de le lui écrire en réponse à ses lettres de Poudlard. Lui et ses femmes l’aiment, aiment ses deux enfants, son fiers d’eux. Ils la soutiennent, les soutiennent dans cette nouvelle aventure et savent que ses enfants se conduiront honorablement et triompheront des épreuves jetées sur leur route par les différences culturelles.

Il le lui écrit mais ne peut s’empêcher d’avoir peur. Alors il a mis Ali, son majordome, sur le coup. Il lui a demandé de chercher, à Londres, un psychomage réputé pour son talent et sa discrétion. Trois noms ont échoué sur son bureau, il a pris rendez-vous avec Henry Milford. Il veut comprendre sa fille. Il veut s’assurer qu’elle va bien. Alors il a rangé sa fierté dans sa poche, et il a demandé à le voir. Il ne peut pas expliquer pourquoi il l’a choisi lui plutôt qu’un autre. Peut-être parce que c’est un vampire, et que Djouqed n’en a jamais rencontré avant. Peut-être parce qu’il est mort, et qu’il ne s’offusquera sans doute pas de ce qu’il va lui raconter. Peut-être parce qu’il est, comme lui, un paria dans cette société où la mort est si aseptisée que les hommes se mettent à ne plus la redouter.

Alors il a pris rendez-vous sous le nom de « Monsieur Zahab » qu’il emprunte à son père adoptif, a obtenu un rendez-vous pour le vendredi suivant, et, après une semaine tumultueuse où il s’est arraché aux bras d’Uriel et la compagnie de Nasiya, il s’est rendu, parfaitement à l’heure, à ce rendez-vous pour parler avec ce thérapeute de l’une des personnes les plus importantes de son existence.

Il s’est installé dans la salle d’attente jusqu’à ce qu’on vienne le chercher. Il a vu, du coin de l’oeil, la fine silhouette du vampire passer devant la porte. Et puis il l’a vu, dans l’embrasure de la porte ; un homme haut, à la peau pâle, à la chevelure sombre. Quelqu’un qui semble… normal. C’en est presque décevant pour un vampire. Il s’est levé, a tendu la main à la créature de la nuit.

« Djouqed Zahab, ravi de vous rencontrer Docteur. »

Il attend d’être invité à rentrer dans le bureau pour y pénétrer et se laisse guider par le vampire, s’installant là où celui-ci souhaite qu’il s’installe. Il attend poliment que le vampire l’invite à se mettre à parler.

« je viens vous voir pour un problème avec ma plus jeune fille. J’ai l’impression qu’elle a des troubles de la mémoire, que quelque chose ne va pas, et cela m’inquiète beaucoup. Elle n’a jamais montré ce genre de signes avant, et je ne sais quoi faire sans la brusquer. Nous avons toujours été plutôt proches, mais je suis désemparé. Nous sommes arrivés récemment au Royaume Uni, nous venons du Caire. Comme elle vient de commencer sa scolarité à Poudlard, je sais que ce doit être un moment stressant pour elle… mais ses troubles remontent un peu avant notre déménagement. Elle s’est levée le lendemain de son quinzième anniversaire avec, semble-t-il, peu de souvenirs de la veille : tout s’est passé normalement, pourtant. Toute la famille était là, nous avons fait la fête, puis nous avons célébré religieusement sa majorité symbolique… cela se fait en Egypte. Safia est désormais reconnue comme une sorcière à  part entière de la communauté. J’ai bien vu, le lendemain, qu’elle avait l’air un peu confuse lorsque toute la famille la félicitait, mais je n’ai pas réussi à en savoir plus. Elle semble un peu distante et n’évoque pas son anniversaire… je ne sais pas ce qu’il faut en penser, aucun de mes enfants n’a jamais réagi de la sorte à leur quinzième anniversaire. Mon fils aîné, Hakim, était rayonnant, ma fille aînée, Cirine, très calme, le petit dernier, Kahil, très stressé d’être désormais adulte, mais… Safia est un mystère. »

Il a parlé d’une voix paisible, Djouqed. Il plonge son regard dans les yeux du thérapeute, y cherche quelque trace d’émotion. Il ne veut pas trop en dire de suite, mais sait que cela sera peut-être inévitable. Alors il se prépare, et il guette les réactions de ce monsieur Milford. Il faut y aller en douceur.

« J’espère que vous pourrez m’aiguiller, docteur. »

Il joint les doigts sur ses genoux dans une étreinte légère. Il sait qu’il détonne, dans ce cabinet qui respire bon l’Angleterre, avec son costume moldu et ses piercings d’or. Il a, autour du poignet, un bracelet épais à l’effigie d’un serpent, jumeau de l’anneau qu’il a confié à Uriel. Lui qui préférait la bague au bracelet, le voici désormais énamouré du bracelet qu’il porte avec la satisfaction de savoir Uriel porteur du deuxième bijou.

1083 mots

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Mer 22 Avr - 20:07
🌢 Office nocturne
À 19h45 le vendredi 13 février 2004,
Cabinet du Docteur Milford à Londres,
Non loin de Sainte-Mangouste,
(Soif contrôlée - 10/14 Jauge de Rötschreck)

▼▲▼

Ah, voilà. À la toute première ligne du cahier, au tout premier horaire du jour, le nom tant espéré. Zahab. Il ne lui semblait pas avoir déjà rencontré la personne en question. À dire vrai, depuis qu'il avait ouvert le cabinet grâce au soutien de Rosalie, les noms inconnus commençaient à défiler sur son semblant d'agenda. Il y avait bien la présence d'un ou deux patronymes familiers dans le lot, qui faisaient suite à une thérapie préalable ou à de vieilles discussions. Mais un ou deux, seulement, contre sept nouveaux. À y songer, le ratio était plutôt surprenant.

À l'ouverture, Henry avait supposé – et sa dame également – que la constitution d'une patientèle serait ardue. Après tout, il se pensait être un psychomage relativement discret et transparent comparé aux grandes figures bien installées à Sainte-Mangouste. Ou à Londres. Il n'avait pas mené de grandes conférences, ni réalisé d'éminents travaux et encore moins fait preuve d'un charisme suffisamment éloquent pour attirer les intérêts. La réponse était finalement toute simple. Ils avaient sans doute sous-estimé le bouche-à-oreille autour de sa pratique.

Beaucoup sous-estimé, même, compte tenu des demandes qui arrivaient tantôt par hibou tantôt par voie postale classique. Peut-être qu'il se dévaluait trop pour y croire. Probablement que madame Rosalie elle-même s'était fourvoyée dans l'affaire.

Et puis, il y avait également le contexte à considérer. Le code des Êtres Magiques était encore récent dans les esprits, nimbé de cette aura très particulière de progressisme et de renouveau positif. Positif, évidemment, pour ceux qui ne se sentaient pas menacés par sa promulgation. Considérant cet élément, la profession du docteur Milford et sa nature vampirique pouvaient être perçues comme une continuité toute assumée en faveur de la politique du ministère. Quelque part, l'impression était fondée et le psychomage ne s'en cachait pas non plus... Est-ce que cela avait joué, du coup ? Et à quel point ?

Un mouvement dans la salle d'attente le tira de ses réflexions. Aussitôt, Henry récupéra une paire de gants grisâtre. Des protections aux coutures vieillies et à l'étoffe sommaire. Rien de très actuel ni de très fascinant. Il l'équipa rapidement avant de se présenter à son premier invité de la nuit. Zahab, donc. Tout en l'observant avec calme, quoique teinté d'une curiosité – professionnelle – maîtrisée, il lui adressa d'abord un léger mouvement du menton. Très lent. Ah. La main. Bien entendu. Puis il lui serra ladite main sans laisser s'écouler de temps mort, rassuré de protéger son interlocuteur d'une chair plus froide grâce au tissu couvrant ses doigts.

Il s'appelait Djouqed. « De même, monsieur Zahab. » Et il avait ce petit quelque chose qui détonnait un peu du commun des mortels. Sans que Henry puisse exactement dire quoi. Un ressenti lié à l'apparence affichée, sans l'ombre d'un doute, et qui devait être analysé avec du recul. « Je vous en prie, suivez-moi. » Un pressentiment qui n'était que ça, concrètement : un sentiment potentiellement biaisé et exagéré. Rien de plus. Rien qui ne déterminerait la suite de leur discussion.

Le docteur Milford poussa davantage la porte du bureau et se déplaça sur le côté, laissant ainsi son interlocuteur y pénétrer. Veillant, mine de rien, à ne pas lui imposer une trop grande proximité. Une fois ceci fait, il referma l'issue derrière eux. Seulement, alors, il désigna un fauteuil rembourré au dénommé Djouqed tandis que lui s'asseyait à une chaise d'apparence moins confortable. « Installez-vous et mettez-vous à l'aise. » De toute façon, ce n'était pas comme s'il risquait de se blesser par la faute d'une mauvaise assise. La non-mort avait des petits avantages étranges parfois. « Je vous écoute, monsieur Zahab. »

En vérité, il avait hésité à compléter son ouverture. Il l'adaptait à chaque patient, ce ne serait pas si inhabituel du coup. Pourtant- Le vampire n'eut pas le loisir de poursuivre ses pensées. Son invité s'était lancé dans une tirade très intéressante et très enrichissante. Pleine d'informations utiles qu'il ne pouvait pas perdre au risque de se méprendre sur la situation. Qui s'annonçait complexe. Mais laquelle ne l'était pas, ou jamais ?

Il était donc question de sa fille. Safia. Scolarisée à Poudlard. À laquelle il semblait très attaché. Elle présentait des troubles mnésiques. Le jour de son anniversaire était à considérer comme un élément pivot. Son comportement avait changé depuis. Milford hocha doucement la tête à l'attention de Djouqed, témoignant par-là sa concentration et de son écoute. Les traits de son visage trahissaient les rouages mentaux qui se mettaient en branle. Monsieur Zahab ne venait pas pour lui, mais plutôt pour l'amour de sa chair et de son sang. C'était une démarche marquée par une certaine inquiétude, qu'il ne devait ni nier ni amoindrir. Dans le même temps, il n'avait pas l'adolescente en face pour vérifier directement avec elle les points soulevés par son géniteur. Deux éléments en un à considérer, en quelque sorte.

D'une voix très douce, absolument pas sur-jouée, le vampire répondit : « Vous avez un bon réflexe de vous questionner sur son état. Son comportement, tel que vous me le décrivez, trahit effectivement un trouble qui sort du quotidien que vous partagez. L'adolescence est toujours une période délicate, avec ses problématiques propres et leurs conséquences sur le tempérament ou la psyché qui peuvent sortir de l'ordre habituel des choses. Toutefois, vous avez mentionné des troubles de la mémoire centrés sur une seule et même période, sans effets supplémentaires sur la mémoire antérieure ou la mémoire plus récente. Couplé au changement de comportement, que vous soulignez par une mise à distance, qui peut-être totalement normale dans un autre cadre soyons-en bien conscients … Je m'interroge sur la période qui précède la date de son anniversaire et sur la manière dont elle a vécu cette transition. Peut-être qu'elle a du faire face à un événement difficile, quelques jours avant ou bien le jour même ? » Il marqua une pause. Non pas pour respirer, il n'en avait pas besoin, mais pour souligner son propos. « Ce n'est qu'une hypothèse, monsieur Zahab, elle est donc imparfaite. Nous pouvons toutefois la considérer comme une piste à explorer. Est-ce que cela éveille d'autres souvenirs, en vous ? »

En dépit d'une façade très sereine, il se sentait sincèrement concerné par les préoccupations de ce père aimant pour son enfant. Quelque chose avait, supposément, provoqué un traumatisme à l'adolescente. Sachant que les informations sur l'affaire étaient parcellaires, il se refusait à utiliser ce terme pour le moment. Après tout, faute d'avoir la concernée sous les yeux, il ne pouvait que donner un avis empreint de l'inquiétude paternelle et donc assez peu objectif. Et en même temps, ce lien très étroit entre le père et la fille était aussi très parlant.
CODAGE PAR AMATIS - 1116 mots

Djouqed

Djouqed
MEMBRE
hiboux : 174
pictures : Office nocturne - Djouqed 200405051035524820
Sam 25 Avr - 22:57
OFFICE NOCTURNE
@Henry Milford
Djouqed vit peu d’expériences aussi pleinement que celle qui l’occupe assurément à l’instant. Il est bien entendu dans ce bureau pour discuter avant toute chose de la prunelle de ses yeux, sa petite fille adorée, mais il ne peut nier l’étrange intérêt que représente cette rencontre avec un vampire. Il est assez étonné de voir le comportement de ce thérapeute aussi… normal. C’est comme si Henry Milford faisait tout pour effacer sa non-vie, jusqu’à, Djouqed l’a remarqué en lui serrant la main, porter des gants pour éviter que son vis à vis ne sente sous ses paumes la glaciale étreinte du mort. Djouqed s’en trouve fasciné par les rouages qu’il peut deviner sous le crâne de son vis à vis. Pourquoi ce choix ? Est-ce pour mettre à l’aise ses patients ? Une mesure d’hygiène – Djouqed ne sait pas si les vampires sont comme ces cadavres en putréfaction porteur de germes si propres à commencer une épidémie – ou bien un mensonge à soi-même ? Et pourquoi Henry Milford tient-il à assurer cette activité ? Est-ce une volonté d’oublier sa condition ? Un moyen commode d’avoir du sang ? Djouqed s’en trouve intrigué. Pis. Henry Milford ne ressemble à rien de ce qu’il a rencontré jusqu’à présent. Henry Milford est une énigme à percer.

Et Djouqed adore les jeux d’esprits.

Alors il se prête au jeu pour en apprendre autant sur sa fille que sur son vis à vis. Pour recueillir des conseils sur l’adolescente qu’il a vu venir au monde et grandir sur les rives du Nil et qu’il ne comprend plus aujourd’hui, mais aussi pour comprendre, un peu mieux, ce que sont ces êtres qui défient l’ordre naturel des choses en s’attardant dans le monde des vifs plutôt que de gagner le monde des Morts. Il sait que nombre de sa tradition chassent ces créatures. Son père adoptif, Hakim, lui a raconté en avoir croisé un, jadis, monstre se jouant de la vie humaine et la foulant aux pieds, lui labourant la gorge des crocs pour se repaître du liquide carmin qui pulse dans ses veines. Un monstre qu’il fallut mettre hors d’état de nuire. Hakim lui a toujours dit en hochant gravement la tête que ce combat avait demandé trois des leurs pour venir à bout de la créature… mais que les meurtres n’avaient pas cessé dans les bas-fonds du Caire, laissant supposer que derrière l’imprudent qu’ils ont attrapé se cachait un autre monstre de la nuit. Alors il écoute la voix tranquille de son vis à vis et s’abreuve de ses mots pour chercher avec lui un remède au mal de sa fille.

« Vous avez un bon réflexe de vous questionner sur son état. Son comportement, tel que vous me le décrivez, trahit effectivement un trouble qui sort du quotidien que vous partagez. L'adolescence est toujours une période délicate, avec ses problématiques propres et leurs conséquences sur le tempérament ou la psyché qui peuvent sortir de l'ordre habituel des choses. Toutefois, vous avez mentionné des troubles de la mémoire centrés sur une seule et même période, sans effets supplémentaires sur la mémoire antérieure ou la mémoire plus récente. Couplé au changement de comportement, que vous soulignez par une mise à distance, qui peut-être totalement normale dans un autre cadre soyons-en bien conscients … Je m'interroge sur la période qui précède la date de son anniversaire et sur la manière dont elle a vécu cette transition. Peut-être qu'elle a du faire face à un événement difficile, quelques jours avant ou bien le jour même ? »

Il commence aussitôt à se rappeler les jours précédents. Que s’est-il passé au juste ? Sa fille est restée à la maison pour étudier avec ses précepteurs, est allée se promener en ville avec sa mère, a aidé avec les autres femmes à la réalisation du festin de la fête. Quoi d’autre ? Elle avait l’air heureuse, impatiente, un peu stressée comme tous avant ce moment si particulier. Et le jour même ? Qu’en est-il du jour même ?

« Ce n'est qu'une hypothèse, monsieur Zahab, elle est donc imparfaite. Nous pouvons toutefois la considérer comme une piste à explorer. Est-ce que cela éveille d'autres souvenirs, en vous ? »

Il a replié l’index sous le menton, Djouqed, absorbé dans sa réflexion. Il se repasse le soir des festivités dans le crâne. l’accueil de toute la famille, le festin, les cadeaux, les chants, la danse.

« Voyons… Safia était plutôt détendue les jours précédents son anniversaire, et heureuse de voir la date arriver le jour même. Elle avait l’air un peu anxieuse à mesure que l’heure de la fête approchait mais rien d’inhabituel au quinzième anniversaire. C’est après tout une date très symbolique chez nous. Toute la famille est arrivée, et elle s’est vite détendue lorsque ses grands parents et ses cousins sont arrivés. Certains avaient eu leur quinzième anniversaire quelques mois auparavant seulement, les enfants de mon frère, je suppose que cela a pu la rassurer quant au fait que si c’est une date forte, ce n’est finalement qu’un rituel marquant l’âge adulte. »

Il est pensif, Djouqed. Il se souvient de sa fille parlant avec son cousin lequel se tenait un peu maladroitement les mains fraîchement tatouées. Geste qu’il a pu voir chez Safia aussi, et chez tous ses enfants. Il faut un peu de temps pour s’accoutumer au focus, après tout.

« La soirée d’anniversaire s’est bien passée, elle était composée d’un dîner, d’une soirée dansante et de l’ultime rituel, au coeur de la nuit. C’est un moment symbolique assez important dans notre culture, mais cela s’est très bien passé pour Safia, et elle semblait tout à fait normale en revenant avec moi des lieux du rite… Et au petit matin, les troubles ont commencés. Elle semblait avoir oublié des fragments de sa soirée et perdue lorsque nous discutions des réjouissances de la veille au petit-déjeuner. »

Il se creuse la cervelle, Djouqed. Il essaie de repérer un moment où cela aurait pu dérapé mais ne voit rien. Safia a véritablement été parfaite pendant le rituel, tuant sans états d’âme la prostituée qu’il avait choisie pour elle, et revenant avec lui, silencieuse et paisible, jusqu’à la maisonnée endormie, les mains fraîchement tatouées vues seulement de son père et mentor et d’elle-même. Il lève les yeux vers Henry Milford, espérant que le vampire pourra avoir un début de piste.

1082 mots

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Mar 28 Avr - 18:32
🌢 Office nocturne
À 19h45 le vendredi 13 février 2004,
Cabinet du Docteur Milford à Londres,
Non loin de Sainte-Mangouste,
(Soif contrôlée - 10/14 Jauge de Rötschreck)

▼▲▼

Entre temps, Henry avait récupéré son carnet de note sagement rangé sur le bureau, à côté d'épais classeurs aux titres obscures. Il s'agissait d'un livre relativement commun de prime abord, à la couverture autrefois blanche et désormais salie par l'usage autant que par le transport. Des tâches d'encre avaient coloré d'un tracé sombre la ligne de certaines pages. On y trouvait aussi de rares becquets de couleur jaune, glissés ici et là pour marquer des séparations. Ou ajouter des commentaires à une observation précédente.

D'un geste lent, le regard toujours rivé sur le visage du dénommé Zahab, le vampire avait ouvert son recueil professionnel à une double-page vierge. La pointe du stylo à plume, qui fut saisie à quelques secondes d'écart, resta toutefois inerte et suspendue dans l'air. Probablement troublée dans sa mission première – relater les faits – par les réflexions de son détenteur. En effet, plus il songeait à la situation, plus il lui semblait que ce serait difficile d'établir un diagnostic au plus proche de la vérité. Surtout sans rencontrer la patiente dont il était question.

Certes, ils avaient une piste à explorer et il ferait son possible, en s'appuyant dessus, pour apporter un début de réponse à ce père sincèrement inquiet. Il craignait juste, en son for intérieur, de se fourvoyer ou de l'induire en erreur. Même s'il n'était pas question d'une urgence vitale, les mauvaises interprétations ou les solutions inadéquates risquaient de retarder la guérison ou la prise en charge de la personne concernée. Comme nombre de soignants, Henry n'avait pas envie de dresser un constat fallacieux. D'autant plus que sa nature de vampire ne le protégeait pas de cet écueil. Pas plus que l'expérience amassée au cours des dernières décennies.

Au contraire, il avait même bien conscience des limites de son approche et du risque encouru.

Alors, faute de mieux, il attendait patiemment la réponse de monsieur Zahab. Poursuivant son observation sereine de l'homme face à lui. Celui-ci paraissait traversé par de vives réflexions, jusqu'à en témoigner l'importance par la prise d'une posture très évocatrice. À en juger tout ce qu'il faisait, de sa venue au cabinet à son étude très sérieuses des souvenirs, il aimait profondément son enfant. Il souhaitait réellement son bien. Henry avait beau ne pas le montrer, habitué qu'il était à restreindre ses propres émotions lors des séances, il éprouvait un début d'admiration pour ce parent.

À ses yeux, personne n'était parfait dans la vie. Ni dans la mort. L'amour, cependant, possédait ce don précieux d'adoucir l'existence. Lorsque cet attachement était sain et sincère, il pouvait même sauver l'âme d'autrui. Ou l'aider à se sauver elle-même, plutôt. En outre, il avait rencontré tellement d'êtres blessés et fracturés par le désamour d'un géniteur ou son absence, qu'il appréciait d'en rencontrer un qui soit impliqué. Monsieur Zahab était donc de ceux qui chérissait et protégeait sa famille : du moins, Henry le supposait-il avec prudence.

Tout en écoutant les nouvelles informations égrenées par son interlocuteur, le docteur Milford reprit ses élucubrations. Safia avait été légèrement anxieuse, selon lui, sans que ce soit surprenant ou inhabituel. La période précédant l'anniversaire n'avait rien de remarquable en apparence. Pas plus que la soirée. Après le rituel – sans doute une pratique qu'il ne connaissait pas – elle semblait également être dans un état normal. Par contre, les troubles avaient démarré le lendemain matin. Après la nuit de sommeil. Est-ce qu'elle avait seulement dormi ?

C'était assez étrange. Peut-être qu'elle vivait mal son passage à l'âge adulte ? Si on écartait l'amnésie lacunaire, ce serait une réponse toute trouvée et assez logique. Or, ce trouble de la mémoire sur une soirée précise était préoccupant, surtout qu'il se déclenchait juste après cette dernière et ne voulait visiblement pas disparaître... À moins qu'elle ait vécu la réactivation d'un traumatisme ? Ou qu'elle ait vécu, dans la nuit, une expérience traumatisante ? Ou qu'elle ait, également, enduré une crise d'épilepsie voire développé une maladie endocrinienne ? Son père aurait alors évoqué d'autres signes. Peut-être que...

Une idée en amenant une autre, le docteur Milford finit par reprendre prudemment la parole. « En tenant compte de vos souvenirs, plusieurs possibilités me viennent en tête. Elles sont toutes à considérer avec de grandes précautions. » Mieux valait en avoir toujours conscience. « La perte de mémoire de votre fille est vraiment restreinte sur la soirée et la nuit de son anniversaire. Je ne pense pas que ce soit une information négligeable, notamment car le trouble s'est manifesté dès le lendemain matin. » Il songea de nouveau aux hypothèses possibles, la pointe de son stylo-plume donnant quelques coups préoccupés au bord du carnet. « Vous avez veillé à son bien être, donc je ne pense pas qu'il lui soit arrivé quelque chose en votre présence. Je me demande, toutefois, si dans la soirée ou la nuit, il n'y a pas eu un moment désagréable pour elle loin de votre protection. Un instant suffisamment douloureux pour que son cerveau décide de le neutraliser. Est-ce que ce serait une possibilité ? Je m'interroge également sur la soirée et son déroulement. Ce passage à l'âge adulte lui tient probablement à cœur. Est-ce que l’événement a réveillé chez elle un souvenir difficile ou une peur enfouie ? »

Et si un élément avait échappé à Zahab, malgré toute sa vigilance ? « Par exemple, si une situation ou un souvenir sont suffisamment forts et violents, ils peuvent provoquer une sorte de torpeur dans le cerveau. » Il avançait vraiment à tâtons. « Si vous me permettez, de quand date son anniversaire ? »
CODAGE PAR AMATIS - 926 mots

Djouqed

Djouqed
MEMBRE
hiboux : 174
pictures : Office nocturne - Djouqed 200405051035524820
Dim 17 Mai - 15:22
OFFICE NOCTURNE
@Henry Milford
Il n’y a pas à dire : lorsque son cas est confié à un professionnel, il y a cette sensation grisante qu’on va toucher au but. Djouqed est donc confiant, pour la première fois depuis plusieurs jours. Il s’est beaucoup inquiété pour Safia, a beaucoup hésité à confier l’affaire à ce psy, mais maintenant qu’il le voit gratter des notes sur son carnet et qu’il l’entend lui poser des questions, il se sent… rassuré. Il faudrait être sot, pourtant, pour se sentir rassuré en présence d’un vampire. Djouqed ne sait pas grand-chose sur eux, mais il sait que dans cette pièce, une fois n’est pas coutume, ce n’est pas lui le prédateur. C’est une chose dérangeante que de le savoir lorsqu’on est accoutumé à mener la danse. Mais il le sait, et pour une fois, cela ne le dérange pas outre mesure. Le cadre thérapeutique a quelque chose de lénifiant.

Alors Djouqed enregistre ce que lui dit le Docteur Milford et écoute avec attention ses réflexions et ses demandes. Il hoche la tête pour ponctuer le discours de son vis à vis et se creuse la tête pour trouver des réponses aux interrogations toujours plus précises, toujours plus fines, que lui pose le docteur.

« En tenant compte de vos souvenirs, plusieurs possibilités me viennent en tête. Elles sont toutes à considérer avec de grandes précautions. La perte de mémoire de votre fille est vraiment restreinte sur la soirée et la nuit de son anniversaire. Je ne pense pas que ce soit une information négligeable, notamment car le trouble s'est manifesté dès le lendemain matin. Vous avez veillé à son bien être, donc je ne pense pas qu'il lui soit arrivé quelque chose en votre présence. Je me demande, toutefois, si dans la soirée ou la nuit, il n'y a pas eu un moment désagréable pour elle loin de votre protection. Un instant suffisamment douloureux pour que son cerveau décide de le neutraliser. Est-ce que ce serait une possibilité ? Je m'interroge également sur la soirée et son déroulement. Ce passage à l'âge adulte lui tient probablement à cœur. Est-ce que l’événement a réveillé chez elle un souvenir difficile ou une peur enfouie ? »


Il se prend le menton entre les mains, fronce le sourcil, essaie de lier dans son crâne ce qui aurait pu traumatiser son enfant. Il cherche, il cherche. Il ne voit pas. Alors il commence à suspecter qu’il va peut-être lui falloir rentrer davantage dans les détails.

« Par exemple, si une situation ou un souvenir sont suffisamment forts et violents, ils peuvent provoquer une sorte de torpeur dans le cerveau. Si vous me permettez, de quand date son anniversaire ? »

Djouqed n’est pas enchanté à l’idée de devoir dévoiler des secrets de famille, et pourtant… la santé de sa fille vaut-elle les secrets de son clan ? Il pèse le pour et le contre, reste silencieux quelques secondes. Il sait que s’il entre davantage dans les détails, il s’opposera à l’ire des euthanatoi pour avoir parlé. Mais il sait aussi que sa famille est, pour lui, aussi précieuse que sa tradition. Plus, presque. Plus. Il hoche gravement la tête.

« Très bien, je vais vous raconter la soirée en détail, vous verrez si vous pouvez y trouver quelque chose. »

Il hésite un peu.

« Par contre, je vous conseille de ne pas ébruiter ce que je m’apprête à vous dire. Ce n’est pas une menace, du moins, pas directement, mais si cela venait à se savoir que je vous ai parlé, je suppose que ni vous ni moi ne pourrions plus avoir le loisir de nous promener sous la lune. »

Les euthanatoi, ou du moins certains d’entre eux, ont été notamment réputés pour être d’excellents chasseurs de vampires. Djouqed ne sait pas vraiment comment son vis à vis le prendra. Après tout, il semblerait qu’ils soient ennemis naturels. Mais Djouqed a besoin de son aide pour sa fille, et c’est, finalement, ce qui compte le plus à cet instant.

« L’anniversaire de ma fille est le 18 janvier. Comme c’étaient ses quinze ans, nous avions prévu les choses en grand, naturellement. Elle a passé la journée avec sa sœur aînée, Cirine, et mes deux épouses – notre clan pratique la polygamie, j’espère que cela ne vous choque pas ? Ma première épouse, Dana, m’a donné trois enfants : Cirine, l’aînée, Hakim et Kahil. Ma deuxième épouse, Laïla m’a donné une fille, Safia. Comme le veut la Charia, j’ai naturellement toujours traité mes épouses strictement identiquement et les aime pareillement toutes les deux. Et j’aime mes enfants pareillement, évidemment. Donc Dana et Laïla sont restées avec Cirine et Safia pour la préparation de la fête d’anniversaire. A mesure que les invités sont arrivés, ma mère, mes sœurs, mes belles-sœurs sont allées rejoindre les femmes tandis que nous, hommes, avons aidé à préparer la salle et le rite de passage de ma fille. Les festivités ont commencé la nuit tombée. Tous les invités sont venus féliciter ma fille, lui remettre ses présents, partager avec nous un repas, et la cérémonie de passage n’a commencé qu’au coeur de la nuit. Ma fille paraissait stressée, bien sûr, mais elle était prête. C’est finalement pour ce moment là que toute l’éducation des enfants est faite dans notre communauté. »

Les paumes se sont posées tranquillement, l’une contre l’autre, sur les genoux de Djouqed. Il n’aime vraiment pas ce qu’il est en train de révéler à ce psy, il sait que nombres de ses paires ne comprendraient pas qu’il raconte tout ceci aussi aisément… Mais il le faut. Les enfants méritent tous les sacrifices qu’un parent peut faire.

« Nous appartenons à une branche égyptienne de la tradition des euthanatoi. Cela ne vous parlera peut-être pas beaucoup : ils sont assez rares sur le sol anglais. Le rite de passage en question est en fait un rituel ancestral nous permettant d’obtenir notre moyen de faire de la magie : avant quinze ans, nous ne pratiquons pas, nous apprenons la théorie et apprenons à nous défendre de façon moldue, disons. Nous apprenons aussi l’histoire de notre tradition, bien sur, l’histoire de façon générale, la littérature, les mathématiques, enfin… toutes ces choses nécessaires au bon développement d’une personne. Mais donc, quinze ans est l’âge à partir duquel nous pouvons enfin apprendre la magie. Pour cela, il faut recevoir l’offrande de Dieu, des Dieux. Le pluriel ou le singulier dépend des communautés, il en est, en Inde, notamment, pour être polythéistes. Cette offrande se mérite, toutefois, il faut pour cela accomplir un geste rituel célébrant l’ordre naturel des choses, le cours inéluctable de toute chose qui doit naître, vivre et mourir… »

Il s’interrompt, regarde le vampire, se souvenant soudainement de la condition de celui qui lui fait face. C’est pour cela, sans doute, que de nombreux euthanatoi s’avèrent plutôt hermétiques à la cause des vampires. Ils sont, au sein de la tradition, considérés comme des anomalies à corriger bien plus souvent que comme des objets de curiosité. Par chance, Djouqed n’est pas exactement l’euthanatos le plus fermé sur cette question.

« Sans vouloir vous offenser. »

Il reprend finalement son récit comme si c’était la chose la plus naturelle au monde.

« Après les réjouissances au cours desquelles ma fille a reçu les bénédictions de la famille et s’est abreuvée des potions nécessaires à l’accomplissement du rituel, je l’ai accompagnée dans une ruelle où j’avais repéré pour elle son sacrifice, et suis resté avec elle le temps qu’elle la tue. Le sang de sa victime a pris sur sa peau et mon enfant a reçu les tatouages qui lui permettent désormais de manipuler sa magie. Tout s’est très bien passé, les tatouages ont bien pris, et ma fille n’a pas hésité. C’est le lendemain que ses troubles de la mémoire ont commencé. Je me suis demandé si l’une des potions n’avait pas pu être mal préparée, mais c’est Laïla, sa mère, qui s’en est occupée, et c’est la meilleure potionniste que je connaisse… je suis certain qu’elle ne se serait pas trompée ou n’aurait pas altéré le breuvage de sa propre fille. Laïla et Safia sont très proches. »

Il est troublé, Djouqed. Plus qu’il ne veut bien l’avouer. Il a déjà eu cette discussion avec Dana et Laïla avant de se résoudre à venir quémander l’aide d’un psy.

« Quelque chose dans cette soirée vous semble-t-il susceptible d’avoir perturbé ma fille, docteur ? »

A-t-il vraiment besoin de demander ? Oui. Djouqed, comme de nombreux euthanatoi a le sens moral totalement distordu et ne se rend pas compte des épreuves par lesquelles les jeunes de sa communauté passent. Lui-même, adolescent, il était si éperdu de reconnaissance pour Hakim, le père adoptif d’après lequel il a nommé son fils, qu’il n’a pas questionné le le rituel. Il aurait fait n’importe quoi pour ce père, il ferait, encore à l’heure actuelle, n’importe quoi pour son père. Il n’arrive donc pas, avec l’éducation reçue, à envisager qu’un meurtre, fût-il rituel, puisse à jamais traumatiser un enfant.

1502 mots

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Lun 18 Mai - 16:33
🌢 Office nocturne
À 19h45 le vendredi 13 février 2004,
Cabinet du Docteur Milford à Londres,
Non loin de Sainte-Mangouste,
(Soif contrôlée - 10/14 Jauge de Rötschreck)

▼▲▼

xpex.gifLa pointe du stylo-plume était restée suspendue, de nouveau, dans l'attente de la suite. Aussi immobile et discrète, finalement, que le docteur Milford. Tous deux guettaient patiemment la réponse de monsieur Zahab. Celle qui se manifestait visiblement, en amont, par un nouveau mouvement ou une nouvelle position. La dernière en date trahissait toujours de la concentration. Sans doute qu'il s'échinait à trouver un élément supplémentaire qui pourrait leur permettre de poursuivre leurs réflexions.

Seulement, à le voir si ardemment scruter ses souvenirs, le vampire s’interrogeait d'autant plus sur ce qu'ils cherchaient. Peut-être que l'information dont ils avaient besoin n'existait pas, du moins pas ici et en leur présence. À en juger par tout ce qu'il comprenait, tout en considérant les biais présents, Safia elle-même serait bien incapable de leur fournir plus de détails. Mais il pouvait aussi se fourvoyer en ne reposant que sur une seule vision des faits et de leurs vécus. C'était un risque assez désagréable, dont le préjudice pourrait durablement impacter l'adolescente dont il était question.

Si tant est qu'il ne se trompait pas déjà.

À défaut de soupirer pour trahir un peu de son agitation mentale, Milford se contenta de poursuivre son observation sereine. Du moins quiète en apparence, tant il s'efforçait également de connecter les éléments d'une nouvelle manière et de repérer les failles dans son propre raisonnement. Est-ce qu'ils exagéraient, l'un son inquiétude et l'autre sa perception de cette appréhension ? Est-ce qu'ils sous-estimaient, pire, la vérité ?

Qu'était-il arrivé à cette adolescente ? Pourrait-il seulement endosser la responsabilité d'une hypothèse non-vérifiée auprès d'elle ? Très bien. La voix de son interlocuteur conféra soudainement une âme énergique au stylo-plume attentif. Non pas qu'il était convaincu d'y déceler une nouveauté, bien au contraire en voyant Zahab se triturer les pensées depuis quelques minutes, mais il voulait plutôt témoigner de la continuité de son engagement. Avec un peu de chance, le fait de mentionner la soirée à voix haute pourrait allumer l'étincelle dont ils avaient besoin.

La tournure que prit soudainement la conversation, une fois ce point dépassé, ne manqua pas de le déstabiliser légèrement. L'hésitation ostensible de son interlocuteur, le vampire l'avait d'abord interprété comme un semblant de pudeur ou une difficulté à lister une dernière fois tout ce qui était arrivé à la date concernée. La mémoire, sauf pour quelques très rares élus, avait ce don outrageux d'évoluer et de modeler les événements très différemment d'une personne à l'autre. Il n'était pas toujours raisonnable de s'y fier pleinement. L'indécision détectée chez Zahab n'appartenait toutefois pas à ces bons augures.

Pas du tout, même. La menace ondoyait de manière assez évidente sous la surface des mots employés. Il se la représentait, étrangement, comme une créature ophidienne aux couleurs chatoyantes dont la tête s'était soudainement dressée pour montrer les crocs. De fait, il était assez surpris de ce vif revirement. Malgré tout, il conservait par la force de l'habitude une posture stoïque dans laquelle seule l'expression de son visage détonnait. Non pas qu'il n'avait jamais été menacé – si et il ne s'en offusquait pas personnellement – mais un serpent venimeux restait un serpent inoffensif tant qu'on ne lui donnait pas une raison d'attaquer. Et un vampire restait… Un vampire. Dans l'immédiat, il se craignait plus lui-même qu'autrui. En vérité, il sous-évaluait le danger par méconnaissance et naïveté. Par contre, il prenait bien cas de l'avertissement en tant que tel : non à l'égard de lui-même, mais à l'égard de Zahab. En quoi est-ce qu'une soirée d'anniversaire pourrait mettre en péril l'existence de quelqu'un ?

Il lui manquait une pièce tout à la fois inquiétante et fascinante dans ce puzzle imprévu qui se dévoilait désormais. Un jeu qui pouvait se révéler funeste à en croire les mots de son interlocuteur. Milford y répondit avec une prudence redoublée et un ton plus bas que précédemment : « Je suis restreint par le secret professionnel de ma fonction. » Il ne mentait pas et il ne mentirait pas davantage plus tard. On viendrait l'interroger qu'il serait bien obligé de répondre qu'on lui avait demandé de taire ce qu'il savait sur Zahab. Ce n'était pas très aidant pour sa propre survie, seulement il était un piètre trompeur et la moralité du clan ne lui permettait pas de tricher sur la vérité.

Bon sang, est-ce qu'il était en train de se mettre dans le pétrin ? Le 18 janvier. Ah ! L'anniversaire. C'était somme toute récent et probablement encore assez vif dans l'esprit de l'adolescente. La stupeur des derniers instants s'estompa progressivement sous les coups d'une nouvelle analyse. Le regard pâle du vampire, fixé sur l'homme, s'imprégnait de toutes les informations qui s'accumulaient. À la première interrogation, il fit pivoter son visage vers la gauche puis la droite d'un geste lent et maniéré. Négatif. C'était sa réponse : il ne jugeait pas. Qui était-il, lui, un vampire anglais, pour oser s'offusquer de la manière de vivre des autres ?

Il n'était personne. Et certainement pas un moralisateur pour ses patients.

Tout en écoutant le récit de la soirée, la pointe du stylo-plume se mit à noter quelques éléments sur le carnet. Si ce n'est le rite de passage qui lui restait obscure, tout le reste semblait relativement anecdotique. Peut-être qu'il s'était passé quelque chose du côté de l'assemblée des femmes ? Les mères étaient présentes, ce serait étrange qu'elles ne soient pas intervenues pour protéger Safia. Ils semblaient tous soudés selon les dires de son interlocuteur. Était-ce réellement le cas ? Nous appartenons à une branche égyptienne de la tradition des euthanatoi. Euthanatoi. Le vampire ne sait pas pourquoi, mais il a le réflexe de ne pas le retranscrire. Il l'a déjà entendu. Il en est certain. Il y a très longtemps.

Cependant l'interrogation restait entière : quand, comment et pourquoi ? Ce mot faisait naître en lui un ressenti singulier sans qu'il puisse être capable de le nommer distinctement. Ils sont assez rares sur le sol anglais. Ceci expliquait sans doute cela.

La description de cette tradition se révélait très intéressante. Honorer l'ordre naturel du monde à l'âge de quinze ans. Ce n'était pas rien sur les épaules d'une adolescente. Il y avait effectivement de quoi être très stressé. L'interruption momentané de l'homme ne manqua pas de le troubler une nouvelle fois. Il ne se sentait pas particulièrement gêné par cette philosophie, elle lui paraissait même logique. Quant à son statut de non-mort … Oui, certes, c'était plutôt offensant pour les autres. Il accompagna sa pensée d'un geste apaisé de la main qui tenait le stylo-plume.

L'histoire reprit et emporta Milford avec elle. En tout cas, jusqu'à la mention du sacrifice. Ce fut comme une gifle immatérielle et invisible. Il reposa très doucement son outil d'encre contre le papier, l'esprit tourbillonnant autour des termes employés et surtout de ce qu'il comprenait brusquement. À quinze ans, l'adolescente avait sacrifié – pardon, tué – quelqu'un et s'était plus ou moins recouverte du sang de sa victime. Rien que ça. Bon.

Évidemment, une partie de lui jugeait. Il n'aimait pas le faire et il s'en défiait. De toute façon, il ne l'écouterait pas plus pour poser sa nouvelle hypothèse, mais c'était un point qu'il lui faudrait décortiquer seul à seul dans son antre. À tête reposée. L'autre partie, celle caractérisée par le docteur Milford, connectait tous les éléments pour en construire un tableau compréhensible. Déjà, il lui fallait rassurer le père. « Je comprends mieux la situation. Je vous remercie de m'avoir confié toutes ces informations, monsieur Zahab. Je crois que, effectivement, un élément m'avait échappé jusqu'à présent et votre récit me permet de le trouver. »

Et ne surtout pas juger. « La seule anxiété provoquée par un anniversaire, quel qu'il soit, n'engendre pas des troubles aussi forts et perpétuels. J'imagine que la soirée en famille, telle que vous me la décrivez, a été plutôt porteuse de bonnes émotions pour votre fille. Je ne crois pas qu'il se soit déroulé quelque chose d'inquiétant du côté de l'assemblée des femmes, vos épouses ont probablement veillé au grain et l'information serait remontée jusqu'à vous si jamais il y avait eu un problème. » Tout s'imbriquait. La frayeur. La menace. L'incompréhension. La violence. Est-ce qu'ils tenaient une piste sérieuse ? « Cependant, je crois qu'il s'est effectivement déroulé un événement désagréable pour l'esprit de votre enfant. J'émets l'hypothèse que ce rite de passage, dont vous me parlez, en soit l'origine. Je me demande si l'acte de tuer n'a pas été... Vécu trop violemment par elle. » L'acte de tuer. C'était... Si compliqué. Il n'appréciait pas d'y penser car ça le renvoyait directement au danger qu'il représentait lui-même pour les autres. Et en même temps, cette adolescente avait bien été obligée de le faire. À quinze ans. « Comme vous le mentionnez vous-même, les possibilités sont réduites. Vos épouses ne feraient pas de mal à vos enfants. » Il l'espérait. « C'est pour cette raison que je me demande si le fait de tuer n'a pas été un élément stressant de trop pour votre fille. Celui qui a déclenché le trouble pour lequel vous êtes venu me voir. Chaque être vivant réagit différemment à cet acte très... Symbolique. Ce n'est pas seulement une question de moralité, à mon sens, monsieur Zahab. Tous les esprits ne sont pas façonnés de la même manière et certains réagiront mal à la violence ou au sang. Est-ce que cela pourrait être le cas de votre fille ? »

Est-ce qu'il devait le prononcer ? Ce mot plein d'appréhension pour un parent ? Il ne savait pas encore si c'était franchement une bonne idée. Mieux valait laisser le temps à son interlocuteur d'absorber ce qu'il venait de dire.
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