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[QUÊTE] Sur la route de leur El Dorado
 :: Salon de Thé & Bar à chats :: SAISON 1 :: RP

A. Josiah N'Da

A. Josiah N'Da
MODÉRATRICE & MJ
hiboux : 1086
pictures : [QUÊTE] Sur la route de leur El Dorado Voodoo-ppl
Mer 15 Avr - 21:33




Sur la route de leurs El Dorado
Cela faisait quelques jours maintenant que Nasiya et Josiah évoluaient parmi les zapotèques. Josiah avait à peu près retrouvé son espagnol, dans la mesure où celui-ci pouvait être entendu par ses pairs amérindiens. Nasiya et lui avaient su se rendre utiles à la vie de la cité, surtout en s’arrangeant pour ne pas trop traîner dans les pattes des villageois. On les avait chargés de quelques tâches – Nuscaa s’était fait l’intermédiaire – qui leur donnait l’impression d’être utiles. On les avait envoyés maintenir le feu, on leur avait fait participer à la construction d’une nouvelle hutte pour le couple qui avait été marié quelques jours avant leur arrivée, ils avaient emmené les petits se baigner dans une rivière proche … Toutes ces missions leur avaient certainement été confiées pour leur faire plaisir, plus que pour autre chose. Sans être manifestement de trop au milieu des natifs, ils étaient en tous cas bien plus lents à l’ouvrage qu’un membre ordinaire de la tribu. Le sourire satisfait sur leur visage, manifestement fiers de servir à quelque chose, devait avoir convaincu les villageois de les missionner ainsi. Ils avaient peu dormi, la première nuit, trop de choses à rattraper d’un côté, et à découvrir de l’autre. Finalement, ils avaient profité de quelques heures de sommeil allongés à la belle étoile, non sans être dévorés par mille et une bestioles que leurs sortilèges n’avaient pas réussi à repousser. En conséquence, il avait passé une grande partie de leur seconde journée à déblayer une maison (quatre murs de grès et une grossière porte de bois) qui avait visiblement été désertée par ses anciens occupants. On la leur avait conseillée pour qu’ils puissent s’y installer les nuits qui suivraient, de façon qu’ils puissent se protéger, à tout le moins, des serpents. Ils n’avaient toutefois pas beaucoup plus dormi cette seconde nuit, ou alors par intermittence, profitant des différentes drogues qui leur avaient été proposées pour laisser leur langue se délier, et leurs esprits s’évader.

Le Soleil s’était couché très tôt sur cette troisième journée, ce qui donnait à la nuit le droit d’être éternelle. Nasiya, Josiah, et une dizaine de locaux étaient réuni autour d’un feu, quelque part dans le village. Ils étaient un peu éparpillés, sans rime ni raison, loin des habituels cercles vertueux que l’ont peu s’imaginer. Josiah était assis entre les jambes de Nasiya, et son regard déjà enfumé parcouraient les visages, tentant de les apercevoir. Grâce aux boules de feu qui flottaient dans les airs, il pouvait observer son monde. C’était certainement l’une des choses qu’il préférait faire au monde. Ça, et dessiner. C’était donc ce qu’il s’appliquait à faire. Entre ses mains, il tenait son journal de voyage, et du bout d’un pince auto-encreur, il peignait le portrait d’une mère qui allaitait sa petite à l’encre de Chine. Derrière-lui, il croyait entendre Nasiya parler, mais n’était pas certain, tant il était concentré. Ou peut-être étaient-ce les différents produits hallucinogènes qu’il avait inhalés qui provoquaient sa confusion ? Il ne savait plus bien. Il avait hâte de rentrer à Londres et d’ouvrir son carnet, une fois toutes les vapeurs dégagées de son crâne. Sa vision et ses productions ne seraient sûrement pas égales l’une à l’autre, mais certainement cela participerait-il à la beauté du souvenir.

La nuit avançait, Nasiya et lui s’étaient séparés, lancés chacun dans des conversations différentes. Du coin de l’œil, Josiah gardait toutefois le corps de son danseur de feu. Il se sentait comme une responsabilité à son égard, certainement ridicule, mais pas des moindres. La situation était rarement celle où c’était lui qui l’emmenait quelque part, ça avait bien souvent – si ce n’est toujours, mais ses souvenirs étaient pour le moins fumeux – été l’inverse. Il s’était éprit de Nasiya et de son goût du voyage, il avait traversé des continents pour le rejoindre, pour passer des mois avec lui, avec Noah et avec Wassim. Mais tout cela venait de lui, à la base, de son Sud-Africain éprit d’aventures. La situation Mexicaine était inverse à leur habitude, alors il veillait son étoile, cherchant à s’assurer que tout était bien pour elle, qu’elle pouvait briller à son aise. Nasiya n’aurait pas aimé le savoir, certainement. Lui et ses rêves infernaux d’indépendance. Il s’agissait de s’assurer de son bien-être, pas de le surveiller, évidemment. Entendant presque sa voix lui murmurer de lui lâcher la grappe – ou le faisait-il vraiment ? encore une fois, la réalité était un peu floue – Josiah porta son attention sur la dernière arrivée autour du feu. Ses longs cheveux étaient tressés tout autour de son crâne dans un entrelac compliqué. Des rides barraient son visage, ses pupilles dilatées rendaient son œil tout à fait noir, et tout à fait réfléchissant des flammes du feu qui brûlait devant elle. Ce n’était toutefois pas cela qui intéressait le plus Josiah, sur ce visage centenaire. C’étaient les petites marques qui venaient décorer ses traits, des arcs, des croix, des dizaines de symboles encrés sous sa peau, depuis le dessous de sa paupière jusqu’à ses tempes, en passant par son menton. Chacun des traits devait avoir une histoire, il n’osait toutefois pas lui demander de les partager. Fut un temps, il avait pourtant vécu cinq longs mois à ses côtés, mais la tatoueuse des zapotèques était trop mutique pour qu’il se soit permit, à l’époque, de la déranger avec ses questions.
Elle ne lui avait quasiment pas adressé la parole en cinq mois, mais elle avait dû voir Josiah la regarder dans la nuit, comme il le faisait ce soir de janvier 2004. A l’époque, elle s’était décidée à le tatouer sur la jambe simplement parce qu’elle l’avait vu prendre son apparence féline, et c’était Nuscaa qui s’était chargée d’expliquer à Josiah son projet. Elle ne lui avait pas vraiment laissé le choix, d’ailleurs. Elle s’était saisie de sa jambe, et y avait tracé une sublime panthère noire, brillante. Le seul ingrédient que Josiah avait pu reconnaître dans la mixture, ç’avait été les écailles d’occamy. Il les avait utilisés mille et une fois depuis, pour que son encre prenne cette apparence brillante. Il rêvait toutefois, depuis ce jour-là, de découvrir quels étaient les autres ingrédients qui avaient nourris l’encre qui avait amené l’exploit de lier son corps animal à son corps humain. Il rêvait de trouver le bon mélange, la bonne incantation, qui pourrait lui permettre de faire bénéficier à ses clients – triés sur le volet, bien sûr – pareil privilège. Mais plus qu’un désir commerçant, Josiah rencontrait là une appétence quasi scientifique. Jusqu’où pourrait-il aller, avec ce tatouage ? Pourrait-il tisser encore un peu plus le lien ente l’homme et le félin, pourrait-il acquérir d’autres compétences de son léopard ? Maintenant perdu dans les jungles du Mexique, il n'était plus question de tester mille et un mélanges dans son petit atelier londonnien. Il avait désormais quelqu'un pour lui apprendre. Encore fallait-il que la tatoueuse accepte de le lui enseigner.

Seul face aux flammes, faisant fumer quelques fruits, cherchait qui pourrait l'aider dans son entreprise. Il jeta finalement son dévolu sur la jeune mariée à laquelle il avait bâtit une maison (il avait aidé à cet ouvrage, au moins), Nuscaa étant occupée ailleurs. Chalchiuitl parlait bien l’espagnol, comme la plupart des plus jeunes de la tribu, et à l’inverse absolu des plus anciennes telles que Zyanya – tel était le nom de la fameuse héroïne de Josiah. Il s’était bien entendu avec elle, elle lui avait posé mille questions sur l’Europe, naturellement curieuse. Il ne l'avait regardée qu'un instant, mais elle avait semblé reconnaître ses intentions immédiatement, jusqu'à dans son regard, et lui demanda comment elle pourrait l’aider. Josiah croqua dans un fruit cuit au feu, cherchant comment formuler ça. Il aurait besoin d’une traductrice, lui dit-elle. Elle l’avait deviné, lui avait-elle répondu. Il se reteint de chercher Nasiya du regard, ne voulant pas lui faire voir sa détresse. Lui aussi était en mission, ce soir, ils en avaient parlé toute la nuit, enfermés dans leur hutte, luttant contre les serpents qui cherchait à entrer pour leur dévorer les orteils. Il ne le dérangerait donc point, cherchant en lui-même le courage qui lui fallait pour oser interagir avec Zyanya. « Le puedes preguntar a Zyanya si se acuerda de mí? » entama-t-il, l’œil brillant. La jeune femme lui adressa un sourire, avant de se retourner vers l’Ancienne, pour aller lui adresser la question. Josiah tira une bûche vers lui, pour pouvoir suivre les deux zapotèques, et s’installer avec elles. Alors que Chalchiuitl finissait sa phrase – elle en avait manifestement dit un peu plus que ce que Josiah avait commandé d’elle – il s’asseyait face à la tatoueuse, révélant grâce à la lumière des flammes les dizaines de tatouages qui couvraient son corps. Il en avait beaucoup plus que la dernière fois qu’ils s’étaient croisés, mais Josiah il était certain que seulement l’un d’entre eux l’intéresserait.

Josiah, au creux d’une nuit éclairée par le don que lui offrait précisément ce tatouage sur son mollet, cherchait le regard d’une tatoueuse zapotèque, en laquelle il était certain de pouvoir trouver l’El Dorado.
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Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
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Jeu 16 Avr - 0:54

Sur la route de leurs El Dorado

Hommes enflammés peaufinent leur art



Je ne saurais plus dire depuis combien de jours nous sommes ici. Les heures s’enchaînent, le soleil se fond dans la nuit, et mes yeux ne quittent pas Josiah. Il évolue au milieu des zapotèques avec une aisance qui me font me sentir bête, parfois, avant que les substances n’éloignent toutes pensées idiotes de mon esprit et me replongent dans un état de béatitude certain. L’espagnol lui est revenu avec facilité, et mon oreille se perdant sur ses mots, j’ai appris à repérer certains d'eux, qui deviennent mon ancrage pendant ce séjour. Ça les fait rire, je crois, que ma langue s’acharne à prononcer les déliés de la leur. Une gentillesse couve dans leurs yeux, en tout cas, lorsque je me retrouve éloigné de mon Aimé, à monter ça et là nouvelle maison, à m’occuper des enfants. Leur innocence, les éclats de rires qu’ils enchaînent, plongés dans l’eau, à s’inventer mille et uns jeux, me rappellent les années passées les pieds dans le sable sud-africain. Ils sont tout bronzés, tout fous, et les moments d’angoisse que j’ai eu, à en voir certains sauter sans conscience, ou ne pas remonter la tête hors de l’eau assez vite, m’ont fait tourner la tête, un rire puissant me secouant alors que je pensais à umama, et ses coups d’éclats paniqués.

Je lui murmurai tout ça, à Josiah, quand on se retrouvait, nos corps se frôlant toujours, tard dans la nuit, dans le secret de notre maison. La chaleur n’est presque plus étouffante, nos corps s’y étant habitués, peut-être, et je me soulage d’enfin pouvoir le toucher sans avoir envie d’être recouvert de mille seaux d’eau. Mes doigts effleurent son torse, caressent ses bras, profitent qu’il soit là, quand nos murmures passionnés s’échangent encore tous nos projets pour les jours à venir, nos rêves fous. Nos envies scientifiques, nos envies humaines, tout ce que l’on veut ramener du Mexique avec nous, incrusté au plus profond de nos souvenirs.

Un frisson me remonte la colonne, l’excitation me dévorant les tripes. Je ne sais toujours pas quelle heure on est, mais Josiah est lové contre moi, les mains agitées à dessiner ce qui lui tombe sous les yeux. J’oublie un instant ses yeux habitués à l’obscurité, qui lui permettent de voir bien plus clairement que je ne le fais, et mes mains glissent dans son dos comme mes mots glissent sur ma langue. Je crois dire qu’il m’impressionne, ou peut-être que je le pense trop fort. Mes lèvres finissent dans son cou, seulement, j’en suis quasiment certain. Ça tourne un peu. J’ai l’impression d’avoir seize ans, d’avoir consommé pour la première fois – c’est presque cette ivresse là, cette sensation d’amour jeune et fou qui me reprend, mes mains sur son corps.

Il y a des rires, derrière nous, et je sens peser le regard d’une jeune femme, qui est dévorée de curiosité. Mon corps se fait froid, Josiah ayant disparu de mon étreinte – et je le vois au loin, ayant retrouvé le chemin de la tatoueuse. Mon coeur bat pour lui, plein d’espoir qu’il y arrive. Son regard croise le mien, ou peut-être est-ce moi qui me suis encore approché de lui, pour lui dire que je suis là. Regarde, je suis là, ici avec toi.

Déjà, une main me tire en arrière, et je tombe contre le corps de la jeune femme qui éclate de rire. Elle baragouine quelques mots, enfin, elle doit parler normalement, mais je ne comprends que des éclats de phrases, ci et là. Ça me fait rire, moi aussi, et elle ne me quitte pas des yeux. Ven aquí, murmure-t-elle, ven aquí, ma main toujours dans la sienne, alors je la suis, qu’ai-je d’autre à faire. Ma confiance est totale. Je crois que j’arrive à lui murmurer quelques mots, à lui dire que je veux comprendre leur magie, la magia del pueblo. Elle rigole plus fort, je crois, mais il me semble qu’elle comprend. Ils sont trois, autour de moi, maintenant  – et celui à ma gauche est bien plus vieux.

Il pose un regard tranquille sur moi, silencieux. Des rides marquent son visage, semblent y creuser des rivières, et ses gestes sont lents, comme ramassés sur eux-même. Je l’ai déjà vu, il veille toujours au coin du feu, homme silencieux – ce n’est que lorsqu’il se lève pour disparaître, aux douces heures du matin, que le village semble s’éteindre. Ma nouvelle amie a passé ma main dans mon dos, et elle me murmure des choses, encore. Je n’en entends que des bribes, dévorant l’homme face à moi. La tranquillité qui émane de lui, la force magique qui semble l’habiter. J’en ai des frissons, et je peine à me concentrer. Elle me pince le coude, pourtant, et mes yeux retombent sur elle. Je déchiffre des mots, à nouveau, mais ça m’agace d’être aussi limité. Attends, espera, espera, je lui murmure. Josiah m’a appris un sort, pour quelques heures, juste assez pour pouvoir être suffisamment conscient de ce qu’ils me racontent ce soir. Je ferme les yeux, serrant mes deux mains l’une contre l’autre, et inspire profondément. J’ai rarement à me concentrer pour des sorts comme ceux-ci, mais ce soir mes pensées sont un peu trop folles. Un temps, deux temps, trois temps – et, enfin, mes mains tapent entre elle.

- Me entiendes ? balbutié-je, rouvrant brutalement les yeux.

Elle applaudit, les yeux pétillants, et vient baiser mon front. Déjà, mes mains se glissent sur ses épaules, et je murmure, pressant :

- Puedes traducir para mi?

Une de mes mains quittent ses épaules, venant englober l’homme qui n’a cessé de nous couver du regard. Il semble déjà savoir tout ce que je veux lui dire – mes yeux n’ayant jamais cessé de l’observer, depuis notre arrivée ici. Quand je n’étais pas occupé à dévorer Aimé. Elle hoche la tête, semblant se calmer d’un coup, et boit mes mots alors que je lui explique que j’aimerai lui parler. Apprendre de lui. Dévorer son savoir. J’ai les mains qui s’agitent, le corps qui s’excite. J’en ai discuté sous toutes les formes, avec Josiah, pour m’assurer que cela passerait bien, qu’ils ne me verraient pas mal, de le demander. Je ne veux brusquer personne. Je veux apprendre, simplement, comprendre cette sphère nouvelle. Je veux goûter ce qu’il prend, je veux la sentir sous mes dents, je veux être pris de cette même transe. Pour explorer.

Je l’ai vu, le premier soir, les yeux qui roulaient dans le vide, à mâcher une drogue inconnue. Il y est resté des heures, peut-être deux, trois, à sembler planer dans un monde autre. J’avais murmuré ça, fasciné, à Josiah – et il n’a fait que rire. Oui, un monde autre, c’est si bien dit. Le monde des âmes, le monde des esprits, le monde des rêves. Là où les rêveurs du village vont voltiger, là où seul le chaman veille. J’ai lu dessus ce que je pouvais glaner, pendant ces quelques mois à réfléchir au Mexique, mais c’est si peu, finalement, et si différent que de voir le corps du chaman se donner aux sphères éphémères.

Alors je m’empresse de lui partager mes envies de savoir, priant pour qu’elle sache retransmettre ce qui m’anime. Elle m’écoute, m’entend et déjà hoche la tête, les yeux tendres. Des mots sont prononcés dans une langue qui, malgré tous mes efforts, m’échappe beaucoup trop. Il roule sur sa bouche, atterrisse au creux de l’oreille du vieil homme, et je reste figé, attendant sa réponse. Ses yeux quittent ceux de la jeune femme, et viennent se poser sur moi. Un sourire énigmatique étire ses lèvres, alors que je rajoute, la voix chaude de passion :

- Por favor.


@A. Josiah N'Da 1271 mots
Awful

A. Josiah N'Da

A. Josiah N'Da
MODÉRATRICE & MJ
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Ven 17 Avr - 13:04




Sur la route de leurs El Dorado
Josiah tenait un monologue sur sa passion absolue. Chalchiuitl tentait de le traduire au rythme où son flot de paroles se déversait ; lui se croyait bilingue. Les drogues l’avaient certainement largement désinhibé, sans quoi ne se serait-il certainement pas laissé aller à tellement d’explications. Zyanya s’était souvenue de lui, c’était tout ce qu’il lui avait fallu entendre pour se lancer. Il y avait dix ans de cela, elle avait martelé sa peau des centaines de fois, ou peut-être même des milliers de fois, à l’aide d’un petit peigne d’aiguilles faites à partir de l’os d’un animal qui – il en était certain désormais – avait toute son importance. S’il avait pu en arriver à cette conclusion, c’était parce que depuis son retour du Mexique, il avait essayé de reproduire le résultat qu’elle était parvenue sans mal à obtenir, il avait essayé différentes combinaisons, il avait tenté mille et une choses sur les peaux de collègues et de clients et – rien. Josiah raconta son souvenir décennal, et ses échecs qui avaient suivis. Il l’avait pourtant observée faire avec attention. Le petit peigne qui devait faire un centimètre de long et tenir six ou sept aiguilles d’os, était tenu au bout d’une baguette de bois souple. Zyana l’avait trempé dans une encre brillante, comme l’on peut tremper une plume dans son encrier, et avec beaucoup de délicatesse, du bout de ses doigts arachnéens, elle avait frappé la peau noire de Josiah. Une fois, deux fois, cent fois, les yeux fermés, humant l’air, créant comme une mélodie entre ses lèvres serrées, et crachant de ses naseaux des volutes de fumées qu’elle attrapait d’une pipe qui flottait à côté d’elle. Le travail avait été long. Quand ils avaient commencé, la nuit débutait à peine. Quand ça avait été terminé, il faisait jour. Les plantes hallucinogènes qu’elle avait enfourné dans sa bouche à intervalle régulier, pour qu’il les mâche, avait certainement aidé à gérer la douleur, terrible, de sentir ces aiguilles le transpercer, encore et encore.
Finalement, et il ne savait par quelle sorte de magie, elle avait produit sur sa peau un dessin très occidental, qui se mêlait parfaitement aux autres tatouages qui coloraient sa peau, et qu’on n’aurait jamais deviné être né dans les jungles d’Amérique centrale. Au début, il l’avait regretté ; il aurait aimé qu’on sache, d’où ça lui venait. Il aimait attiser les curiosités, il aurait adoré qu’on voit sa panthère manifestement aztèque sur sa peau, et qu’on la confonde avec son cousin le jaguar tant elle était mexicaine. Finalement, il avait compris pourquoi elle avait fait ça, quand il était devenu tatoueur quelques mois plus tard. Il gardait jalousement le secret de son Baobab, le refusant à la plupart de ses clients, ne l’accolant à la peau que de ceux dont il trouvait du mérite. De façon générale, pour les trois manants qu’il avait tatoué de l’arbre, il savait qu’ils sauraient se montrer digne de ce tatouage, et raconter son histoire. Il ne devait y avoir aucune confusion entre les cultures, au risque qu’elles puissent perdre leur identité propre. Zyanya lui avait donc tatoué une panthère occidentale, au mieux africaine, dont la magie aztèque était ainsi préservée. Il l’avait pourtant sentie agir dès les premiers instants où elle avait pénétré sa peau. La nuit s’était faite plus claire, plus noire et blanche, et depuis lors, il n’avait plus connu les ténèbres.
Josiah partagea avec Zyanya ses nouvelles tentatives. Il avait créé mixture après mixture, avait tenté d’acheter des os hors de prix braconnés d’animaux américains, tout ça pour se rapprocher de son but : trouver comment l’âme de sa panthère et la sienne pourraient être, encore un peu plus, liées. Il rêvait d’acquérir son silence, rêvait de nourrir son tatouage d’une nouvelle magie qui lui permettrait de rendre son corps tout à fait silencieux. Il aimait l’agilité que son corps prenait quand il se faisait félin, il aimait pouvoir parcourir monts et merveilles sans qu’on ne se doute de sa présence. Il avait parcouru des bouquins, avait piqué maintes et maintes fois le tatouage, à nouveau, avait tenté de s’approprier les chants des aztèques, mais sa panthère s’était appliquée, à chaque fois, à rejeter hors d’elle-même tout ce qu’il avait tenté de lui inclure. Impossible, s’exclamait-il face à Zyanya ! Et vous, le pourrez-vous, lui demanda-t-il ? Pourrez-vous la nourrir d’une nouvelle magie ?

« Vea en mis sueños cuanto lo fantaseo … »

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Sorcellerie

Sorcellerie
GRAND MAÎTRE
hiboux : 914
Dim 19 Avr - 0:01
Intervention MJNasiya et le chaman
réussite de justesse | Le vieux chaman n'a pas l'air commode et cet énergumène qu'on lui amène lui fait froncer les sourcils. L'ancien ne dit rien pendant que la jeune Mexicaine lui traduit comme elle peut les mots de Nasiya. Il observe les mains du Sud-Africain qui s'agitent, ses mots qui se pressent, bien qu'il n'en comprenne pas le sens. Quand l'inconnu se tait enfin, de longues secondes passent sans qu'il ne réponde rien. Le silence est lourd, pèse sur leurs six épaules. Le vieillard hésite. Même la jeune femme finit par douter qu'il acceptera. Quand soudain, sa main sèche attrape une coupelle dans laquelle reposent quelques morceaux de plante séchée. Lentement, il désigne à la jeune femme une casserole laissée à bouillir sur le feu et elle se presse d'aller chercher un bol qu'elle remplit d'une louche d'eau bouillante avant de le tendre au chaman. Les doigts noueux du vieil homme attrapent alors quelques morceaux de plante qu'il plonge dans l'eau chaude. Puis, d'un mouvement de tête, il intime à la jeune femme de donner le tout à l'étranger. Aucun son n'a encore franchi la barrière de ses lèvres. Mais dans son regard, l'ordre est on ne peut plus clair : il lui faudra boire le mystérieux breuvage s'il veut espérer bénéficier de ses enseignements.


Intervention MJJosiah et Zyanya
échec critique | Oh ! Bien sûr qu'elle a reconnu le tatoueur béninois. Zyanya n'oublie pas les visages qui peuvent lui servir, encore moins lorsqu'ils peuvent nourrir son art. Elle sait que Josiah connaît des pratiques qui lui sont totalement inconnues, qu'il maîtrise une magie d'ailleurs aux pouvoirs mystérieux. Mais elle sait aussi quel tatouage l'a le plus fascinée, car elle a vu le corps du Béninois. Elle a vu l'encre qu'on avait infiltrée sous son derme. Elle a senti la magie irradier de sa peau. Elle a vu le baobab qui orne l'entièreté de son dos. Elle a senti ce qu'il renfermait. Alors, quand Josiah revient, les yeux pleins de cette ivresse qui découle des projets les plus fous, elle sait qu'elle tient là de quoi marchander.
"Tu veux que le jaguar s'encre un peu plus profondément dans ton âme, cariño ?" dit-elle d'une voix suave.
Elle le regarde, un rictus figé sur les lèvres. Ses yeux de panthère fixent sa proie, certaine de sa supériorité dans la joute qui s'annonce.  
"Je peux le faire", glisse-t-elle sans se départir de son sourire. "Mais pour ce deuxième miracle que tu me demandes, il me faudra plus que quelques richesses..."
Lentement, elle se penche vers le Béninois et siffle, vipérine.
"Si tu veux que je t'offre le trésor de mon pays une fois encore, il va te falloir me donner le tien."
Un temps s'écoule avant qu'elle n'achève.
"Je te donne ce que tu veux, cariño. Mais en échange, je veux le grand baobab qui orne ton dos. Je veux tu m'apprennes à le faire, que tu me donnes les ingrédients et les outils dont j'ai besoin. Un arbre pour une panthère. La jungle entière dans un seul échange. Cela ne saurait se faire autrement."
Sa voix est grave, beaucoup trop ferme. Il n'y aura pas de négociation possible.

Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
hiboux : 467
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Lun 20 Avr - 4:29

Sur la route de leurs El Dorado

Hommes enflammés peaufinent leur art



Ma supplication est tombée, fiévreuse, dans un espagnol tremblant, et mes yeux brillants n’ont pu qu’attendre, incertains, la sentence finale. Ehécatl, car tel est le nom de la jeune femme qui si hardiment s’est pressée pour traduire les mots que je lui ai soufflé, plein d’un enthousiasme démesuré, peine elle aussi à contenir ses gestes. Elle hésite, sur quelques mots – si je ne comprends rien aux sons qu’elle produit, je vois dans ses tics, dans ses ralentissements de voix, qu’elle cherche les bons mots, ceux qui trouveront une équivalence dans leur langue à ce que je lui ai susurré. Elle hésite, encore un peu, puis ne dit plus rien. Plus personne ne dit rien, finalement. Le monde a beau continuer de tourner, autour de moi, le feu embrasant le centre du village, les discussions enfantines, plus amoureuses là-bas, amicales dans ce coin-ci, continuant d’agiter les terres mexicaines que nous foulions, Josiah et moi. Lui-même doit être occupé, plongé en pleine discussion avec sa tatoueuse. Et, pourtant, mes oreilles restent sourdes à ce tumulte, cette agitation de vie. Je n’entends que le silence, qui pèse. Les lèvres du chaman, qui restent closes. Comment lui en vouloir ? J’arrive ici, homme d’ailleurs, homme de culture autre, et je voudrais qu’il me guide vers son passage sacré, sa magie à lui, celle pour qui il a été élu. Je ne veux pas de ses pouvoirs, pourtant, ni de sa capacité à comprendre les mots des maîtres des esprits et des âmes – je n’ai pas cette prétention. Je ne veux que plonger dans cet autre-monde et comprendre cela. Cette transition là. Cette magie autre. L’interprétation reste sienne, volontiers. Alors por favor, por favor, Cuauhtzin, chaman de ces terres, aigle vénérable, sage rapace, guide-moi comme tu guides les tiens. Laisse-moi goûter à ce qui nous échappe, hommes d’autres contrées.

Son silence pèse, encore.

Puis, enfin, ses bras s’agitent. Ses doigts se referment sur la coupelle, contenant la drogue que je l’ai vu mâcher, distraitement, la nuit durant. La jeune femme semble comprendre aussitôt et, en quelques gestes, on me tend une coupelle d’un liquide brûlant, où la plante écrasée se voit lentement infuser. D’un geste prudent, je saisis le bol tendu, observant longuement le regard implacable du chaman. L’ordre est implicite, et aucune crainte ne m’envahit. Ce n’est pas le premier mélange obscur que je consomme, et qu’il soit ayahuasca ou ololiuqui, noms que l’on retrouve le plus facilement dans les carnets scientifiques, peu m’importe. Le regard d’Ehécatl se veut rassurant, mais déjà je ne me concentre plus sur elle, la remerciant simplement d’un hochement de tête sérieux. Je ne veux plus sourire, plus m’agiter. Je veux qu’ils comprennent que je viens avec sérieux. Que mes pensées sont honnêtes, sincères. Ma motivation saine.

Un frisson, en observant la coupelle. Dans cette boisson, cette drogue dont il m’a confié quelques lampées, se cache l’accès à un univers qui me dépasse. Je n’ose imaginer les effets qu’elle a. Je sais déjà, pourtant, combien ce que je verrais, après l’avoir ingurgité, vaudra tous les malheurs qu’elle m’apportera. La jeune femme s’est retirée, sur une dernière pression de la main sur mon épaule, et je suis seul face au chaman. Mes doigts portent la coupelle à mes lèvres et, d’une gorgée, je fais cul-sec de la boisson.

L’amertume me terrasse le palais. Une grimace ne peut que m’échapper, que je tente inconsciemment de cacher derrière l’objet de glaise. Les yeux du chaman ne me quittent pas, toutefois, et j’abandonne toute tentative vaine de paraître. La plante s’est faufilée dans chaque particule d’eau, imprégnant de son parfum, de son goût, toute la neutralité de l’eau de pluie. À part ce goût, pourtant, terrible, rien ne vient secouer mon corps, aucune décharge, aucun haut le coeur. Les yeux du chaman ne me quittent pas. Je repose la coupelle devant lui, respectueusement, et ces gestes sont bruts, encore, lorsqu’il se penche pour m’attraper la main. Dans ma paume, il place un petit bout d’écorce et je fronce les sourcils. Déjà, il replie mes doigts dessus, et guide ma main jusqu’à mes lèvres. Le signe est clair – et je ne peux que me plier à cet ordre intimé. L’écorce sous mes dents grincent, et je déglutis avec difficulté, ma salive se faisant de plus en plus timide. Je mastique, encore, et encore, laissant l’écorce dans un coin de ma bouche. J’ai l’impression d’être de nouveau adolescent, protégeant avec fureur ma feuille de mandragore, calé dans le creux de ma joue, tout un cycle lunaire durant, pour ma transformation animale. Cette fois, la transformation sera intérieure – je l’espère, toutefois. Et la durée, moins insolente qu’un cycle lunaire.

Je ne sais combien de temps il reste là, sans un mot, à m’observer mâcher l’écorce. Je ne sais combien de temps je reste là, sans un mot, à n’entendre rien d’autre que son absence de bruits. Je ne l’entends pas respirer, ni tressaillir – comme s’il n’était qu’une enveloppe corporelle, posée là, défaite de toute mobilité, de toute défaillance. J’ai l’impression de ne rien sentir, aussi, que les effets ne monteront jamais. Il n’y a que cette amertume, cette écorce rugueuse sous ma langue, mes dents qui grincent. Il n’y a que cela. Cela, et ses yeux qui ne me quittent pas. Ils observent mes pupilles, avec une attention appliquée.

Et puis, cela vient. La tête me tourne, et une nausée brutale me prend. Il hoche la tête, Cuauhtzin, et saisit à son tour un morceau d’écorce, qu’il se met à mâcher. Je l’observe faire, perdu, crois comprendre. Il me rejoint, c’est cela ? Rejoignez-moi, Cuauhtzin, guidez-moi. Sa main agrippe la mienne, et vient tourner ma tête en direction d’un trou, à sa gauche, où mes vomissements finissent en quelques instants. Une fois encore, les yeux du chaman ne me quittent pas.

Je crois, en tout cas, qu’ils m’observent. Des tâches assombrissent mes yeux. Mon souffle se coupe, mon sang pulse dans mes veines. Je me penche vers lui, je crois, cherchant à attraper ses mains, mais son corps se dédouble, se triple, est-il même toujours là, face à moi ? Je vois des silhouettes noires, qui se fondent, du rouge, des points blancs qui scintillent. Ma respiration, toujours, fait pulser mes poumons, m’arrache la gorge. Je n’ai pas assez d’air – Josiah, où es-tu ? Josiah, je ne vois plus, Josiah, qu’est-ce que j’ai fait, encore ? Je le vois, là, près de moi – est-ce vraiment lui ? Josiah, tes traits sont-ils si noirs ? Ton sourire est-il si grand ? Tes lèvres, mon amour, embrasse-moi, si tu es là.

Mon corps s’agite, mes oreilles pulsent, semblant entendre tous les bruits d’un coup, qui pourtant s'échappaient tous, lors de mes supplications. Je ne saisis pas leur profondeur, entendant des enfants rires si proches de moi qu’on les penserait en train d’hurler dans mes tympans, d’autres si lointains qu’ils pourraient vaquer sur les terres sud-africaines. Ce sont les rires de mes cousins, je reconnais ce rire, qui sort de la gorge pleine de chaleur de la tante de la cinquième maison, sur la troisième falaise. Où est-ce le rire d’umama ? Je ne saisis plus rien.

Mes vomissements ont cessé, mon sang ne semble plus sur le point de quitter mes artères, mais que Dieu me guide – tout le reste m’échappe. Ce n’est pas Dieu, pourtant, qui resserre sa main sur la mienne. Ce sont les mains rêches de Cuauhtzin, qui d’un geste du poignet, me fait me plier en dos. La douleur, le choc, peut-être, fait basculer ma crise – et je ne contrôle plus rien.

Mon corps s’effondre, ma tête tombe dans le sable.

Il y a un voile, qui semble peser sur moi. Si seulement je pouvais le soulever. J’entends une voix, de derrière les fils opaques qui semblent vouloir me maintenir au sol. Chrysalide du nouveau rêveur, qui n’attend que les premiers gestes de vie pour s’effilocher, et laisser libre court à une plongée d’un autre monde. La voix, encore, m’appelle. Nasiya. Tonatiuh. L’homme soleil. Celui qui est chaud. Tonatiuh – c’est le nom de l’alter ego rêveur, l’homme de chaleur. Fonds-toi en lui. Écoute-le. La voix murmure, m’appelle. Laisse-toi aller.

Viens découvrir ce que tu rêves d’arpenter. Viens voir les âmes se mêler. Viens te sustenter des visions de ces maîtres des esprits, qui vaquent dans les terres de cet autre-monde en maîtres absolus. Regarde le double des arbres, le double des animaux, regarde ce qu’ils sont, dans cet univers-ci. Ne cherche pas activement le chemin qu’il te faut suivre, Nasiya – tu sais mieux que tous comme les boucles des rêves se créent quand nos esprits se libèrent. Alors cesse d’essayer – et laisse-toi aller. Que vois-tu, derrière les voiles ? Que trouves-tu, dans cet autre-monde, qui valait le coup de t’essayer à cet art rituel des nôtres ? Cet art sacré ? Comprends-tu leurs vols, à ces âmes ? Comprends-tu les rêves qui les animent ? Tout t’échappe, homme soleil. Canalise ta chaleur, laisse-toi porter. Le vent de l’autre-monde te guidera, si tu es sage.

Seras-tu sage, homme de feu ? Homme impatient, homme fougueux, homme passionnel ? Sauras-tu voir autre chose que ce que tu t’imagines – sauras-tu voir
vraiment ce que l’autre-monde réserve aux rêveurs de nos terres ?

Maintenant, Nasiya.

Maintenant.

Ouvre les yeux.


@A. Josiah N'Da 1535 mots
Awful

A. Josiah N'Da

A. Josiah N'Da
MODÉRATRICE & MJ
hiboux : 1086
pictures : [QUÊTE] Sur la route de leur El Dorado Voodoo-ppl
Mer 22 Avr - 18:59




Sur la route de leurs El Dorado
Josiah alla, dans la foulée de Chalchiuitl, récupérer tout le matériel qu’il lui fallait. Papier, feutre, stylo, si Zyanya voulait toute sa recette, elle l’aurait. Les drogues le faisaient tituber, il alla donc au puit passer un peu d’eau sur son visage. Il sembla se rendre subitement compte de sa soif ; ainsi, à même le seau, il but, le liquide mouillant toute sa chemise du même coup. Ce fut comme s’il se réveillait au milieu de la nuit, particulièrement fatigué, la faute à ces mêmes drogues, et au décalage horaire dont il n’était certainement pas encore tout à fait remis. Il se décida à prendre un seau avec lui, ils allaient en avoir pour un moment. Il y jeta un lange pour pouvoir éponger son front si la chaleur de la nuit se faisait trop moite. Il réfléchissait à comment il allait pouvoir tout exposer à la tatoueuse, et décida qu’il devait laisser Chalchuitl s’en retourner vers sa hutte, elle avait l’air fatiguée. Il tenterait de trouver Nuscaa, ou bien, il lancerait à sa langue quelque envoûtement qui, à défaut de lui permettre de comprendre, l’autoriserait au moins à parler leur langue.
En revenant vers la tatoueuse, il chercha dans la nuit son étoile. Il fit quelques détours pour parvenir à trouver le coin où le chamane l’avait attiré. La vision qui l’attrapa fut terrifiante. Le corps de Nasiya semblait rompu en deux, à tel point qu’un frisson sembla lui déchirer sa propre échine, comme si ça lui arrivait, à lui aussi. Manquant de laisser tomber au sol tout ce qu’il retenait entre ses bras, il sentit sur son biceps une main chaude. C’était Nuscaa qui le retenait, pour l’attirer hors de cette vue. Elle justifiait le chaman, disait que c’était par-là que Nasiya devait commencer, s’il voulait accéder à cet autre monde dont il rêvait. Josiah disait qu’il voulait voir, jurait qu’il ne le toucherait pas, Nuscaa lui répondait que c’était impossible, qu’il devait les laisser faire. Elle le connaissait bien, après toutes ses années. Il n’aurait pas pu rester là sans rien faire, à voir son amant souffrir. Il aurait pris son visage entre ses mains, il aurait crié au chamane de tout arrêter, il aurait secoué son corps pour le ramener à lui, au risque de le mettre en danger un peu plus en le sortant d’un état psychique qu’il n’était pas encore prêt à quitter. Nuscaa fit bien l’attirer hors de cette vue, mais il n’était pas encore prêt à la remercier.

Ils finirent par atteindre le poste de Zyanya, le cœur de Josiah déchiré d’inquiétude. Il en avait vu quelques-uns, des corps décimés par la drogue. A Londres, beaucoup, les années quatre-vingt-dix avaient été celles du grunge et du crack, et lui, en tant que tatoueur, avait fréquentés ces milieux de consommateurs qui, dans une nuit plus extrême que les autres, y avaient succombé. Il avait vu, à Rio, des corps tourner tellement de fois sur eux-mêmes qu’ils auraient pu s’envoler, s’ils ne s’étaient pas effondrés avant. Et au milieu d’eux, il avait aussi vu Nasiya plonger au plus profond des extrêmes avec ses potions et avec ses drogues, magiques et moldues, et pas qu’une fois. Josiah se rendait toutefois compte qu’il était de moins en moins tolérant à la vision de la souffrance de son Amour, particulièrement depuis le décès de Wassim. Par ailleurs, on l’a dit, le Mexique était son idée, et ainsi, sa responsabilité. Zyanya n’eut aucun mal à remarquer son trouble. Fière négociatrice, elle lui fit savoir que s’il préférait faire ça un autre soir, ils pourraient. Josiah balaya la proposition : au moins, parler de son tatouage, ça lui changerait les idées. Et s’ils pouvaient faire d’une pierre deux coups, si Zyanya pouvait le tatouer en même temps qu’il dessinait, ça serait parfait. Nuscaa fit la proposition, Zyanya acquiesça. Ils débutèrent.
La tatoueuse alla récupérer son matériel, pendant que Nasiya s’appliquait sur son parchemin. Il avait choisi une grande page, suffisamment grande pour pouvoir représenter le dos d’un homme. Au centre de celui-ci, de son pinceau auto-encreur, il dessina un baobab. Il fit attention à représenter les ramages précisément, pour bien illustrer à la tatoueuse ce à quoi ressemblait cet arbre qu’elle n’avait sûrement jamais vu. Il expliqua que les branches devaient toucher la nuque et les racines s’enrouler autour des hanches, pour que le tatouage fonctionne bien et qu’ainsi, le sorcier ou la sorcière soient protégés de ce que Josiah nommait les mauvais esprits. Zyana l’écoutait attentivement, touillant sa mixture, préparant son encre, et Nuscaa s’occupait de traduire. D’autres villageoises étaient venues écouter, et quelques hommes, aussi. Il rapporta ainsi à l’agrégat les légendes racontées au Bénin sur cet arbre sacré. Il transmit, comme l’avait fait son père avant lui.

Extrait du poème Le Baobab par le moldu Louis Vibauver

On le dénomme baobab
Et il est bien hospitalier
Pour que trônant comme un nabab
Il abrite encor' les sorciers.

Avec ses vertus innomblables
Il est le centre du village
Pour qu'à ses pieds soit réuni
Pour palabrer tout le pays.
Avec son âge séculier
Il est à tous si familier
Que nul ne peut imaginer
Un décor sans son fût bombé.

On le dénomme baobab
Et jusqu'aux cimetières, il veille
Pour que bien mieux que tout nabab
Son image soit éternelle.

Josiah raconta combien moldus comme sorciers vénéraient l’arbre. Certains, en Afrique, le cultivaient, coupaient ses branches pour en faire des potions, récoltaient ses fruits pour en boire le jus. La tribu de Josiah, issue du peuple Fon, s’en gardait bien. Ce qu’ils récupéraient de l’arbre, ce n’était que ce qui en était tombé, et mieux encore, ce qui avait été porté loin du tronc par la force du vent. Tout ce qui faisait encore parti de l’arbre, tout ce qui était l’arbre, risquait d’être envahi par les mauvais esprits que gardait l’hospitalier nanab entre ses branches.
Il écrivit, près du tronc, la recette : 300 grammes de feuilles de baobab. Encore une fois, il ne fallait pas que ce soient des feuilles cueillies à même la branche, mais des feuilles qui avaient été récupérées loin du tronc. Il précisa à Nuscaa : « Je peux lui en faire livrer quelques sacs, à mes frais. Pour le reste, ce sont des choses qu’elle peut remplacer, ou supprimer. J’écris ce avec quoi je le fais, moi, en Angleterre. » Puis, il reprit, concentré sur le parchemin alors que Zyanya commençait à percer sa peau. La douleur le fit grimacer, avant qu'il ne l'oublie tout à fait, concentré dans son propre ouvrage.
Citation :
Ingrédients :
- 300 g – feuilles de baobab,  
- 72cl – encre
(calmar géant, sèche … l’encre peut être colorée ou additionnée à des écailles d’Occamy pour l’éclat. Eviter les colorations avec sang de félins ; pas testé avec le jaguar).
- 3 ou 4 griffes de félin
(jaguar ok, chat suffisant, lion et autres félins africains tb. Préférer individus femelles, + puissantes à la chasse aux esprits. Varier le nombre en fonction de la taille. Effets défensifs ++ couplés à l’incantation)
- 3 gouttes de Belladone
(pour neutraliser les mauvais esprits corporels)
- 7 gouttes de venin de Démonzémerveilles (dispensable ; toutefois, si utilisé, pas plus que 7 gouttes, pas moins que 7 gouttes. Permet de retirer les mauvais souvenirs liés à la rencontre avec les esprits malicieux).

Recette
/!\ puisque les esprits sont des créatures noctambules, la réalisation de l’encre doit se faire systématiquement à la lumière du Soleil. Si l’Astre n’est pas présent dans le ciel, interrompre la préparation – feu doux si vous en êtes arrivé au stade de la cuisson – et reprendre aux premiers rayons. Evidemment, la préparation de la mixture à l’extérieur, sous des rayons directs, est préférable.
* hacher menu les feuilles, à l’aide une lame de cuivre, à la verticale.
* Les inclure, 72 grammes par 72 grammes, dans l’encre
* Entre chaque inclusion, tourner 72 fois dans le sens des aiguilles d’une montre, puis 72 fois dans l’autre.
* Chauffer le mélange à feu très doux.
* Ecraser au maillet les griffes, puis les inclure par pincées au mélange.
* Augmenter petit à petit la mixture jusqu’à ébullition.
* Ajouter la belladone au moment de l’ébullition. Faire très attention, si l’encre ne bout pas, risqué pour le sorcier, puisque poison.
* Si c’est l’effet souhaiter, rajouter les gouttes de venin de Démonzémerveilles, une par une, pendant sept nuits.
* Laisser reposer à feu doux toute la nuit avant application.
> efficacité plus grande si l’encre repose un trimestre entier ; feu éteint le jour, allumé et doux la nuit. Elle est viable trois trimestres. Il faudra la jeter à l’arrivée du quatrième, comme le baobab secoue ses ramages pour en faire tomber ses feuilles mortes. (à réévaluer au Mexique, selon les changements de saison ? En Afrique, les mixtures sont souvent viables jusqu’à l’arrivée de la saison des pluies, puis, il faut tout refaire, avec des nouvelles feuilles).

Armée de son peigne d’aiguilles, Zyanya martelait sa peau déjà noire d’encre, repassait trait pour trait sur ce qu’elle avait précédemment dessiné, marmonnant son incantation. Josiah s’était fait silencieux et surtout parfaitement immobile, pour la laisser travailler. Il croyait imiter son alias en chasse, ne comprenant pas qu’il s’agissait déjà des effets de l’encre que la tatoueuse était en train de lui infiltrer sous la peau. Le silence du léopard qui chasse est lié à sa capacité à rester tout à fait immobile, jusqu’à ne pas remuer ne serait-ce qu’une brindille des plaines du Serengeti. Ça fonctionnait déjà.
Josiah avait ainsi laissé le parchemin de côté, la recette achevée. Il serrait les dents, et observait l'ouvrage avec la plus grande des attentions, tentant de garder en mémoire tous les détails de la scène. Ce n'était pas difficile de rester concentré tant la vision de la tatoueuse à l'ouvrage était hypnotisante.  
Ne restait plus qu’à transcrire à Zyanya l’incantation, et lui expliquer son sens. Quelques heures plus tard, alors qu'elle s’interrompait, glissant ses mains centenaires dans le seau d’eau pour asperger son visage, il poursuivit son conte. Le Baobab attirait les esprits malicieux entre ses ramages pour les y coincer. Ainsi, il protégeait les populations sorcières des serpents venimeux, des grands Nundus sauvages et des détraqueurs occidentaux. Il raconta comment le tronc de son propre baobab s’était noirci, quand un Mage Noir anglais lui avait asséné un sortilège en 1998. Comment, en 2001, il avait croisé la route d’un Serpent Blanc (@Dennis Crivey), et qu’il en gardait encore la trace aujourd’hui, enroulée autour de la branche d’un arbre. C’est là qu’il avoua, se sentant comme un enfant prit en défaut, questionnant subitement sa légitimité comme tatoueur. « Mi tatuaje evoluciona con mis encuentros con estos espíritus. En sus ramas, usted puede verlos. Recientemente, por ejemplo, adquirí un pequeño frasco de tinta negra, el residuo de un intento de tatuaje tibetano  ». Elle était enfoncée entre deux racines de l’arbre. Ces heures avec @Piers A. Elliot paraissaient bien loin, maintenant. « El tatuaje que ofrezco, el que logré reproducir, desafortunadamente no cambia con las encuentras con los maliciosos. Es que lo tatúo con poca frecuencia, no puedo experimentar mucho, y así lograr reproducir perfectamente lo que el Griot hizo en mi espalda  ». Griot était le nom donné aux conteurs d’histoire dans l’Afrique francophone. Celui de son village en était aussi le tatoueur. Josiah récupéra le parchemin, faisant attention à ce que la peau creusée de son tatouage ne rentre en contact ni avec le sol souillé, ni avec la page. Face à lui, Zyanya s’épongeait le front et croquait dans une nouvelle branche de gomme, tout en écoutant attentivement Nuscaa qui traduisait. Josiah entama l’écriture de l’incantation, faite d’un mélange de chants catholiques, vaudous, et parfaitement magiques. Puisqu’il la connaissait par cœur, il n’eut aucun mal à poursuivre son propos, non sans une certaine honte qui lui prenait la gorge : « Es que imito a mis maestros y presto atención a la magia que puse en manos de mis clientes. Es precioso, es secular, y para el Baobab, pertenece al pueblo Fon, no quiero que sea maltratado o manchado. Así que no pude estudiar el tatuaje suficientamente como para permitirme encontrar exactamente lo que tengo en la espalda … » Il n’osait plus regarder Zyanya, et en attendant que Nuscaa traduise, il s’épancha sur son incantation, la relut, s’assurant qu’il n’avait pas écrit de bêtises. Il avait traduit la formule en espagnol, assez littéralement, mais ça fonctionnerait, il en était certain. Il l’avait prononcée en français et en anglais, ça n’avait jamais posé de problème. La magie fonctionnait si le magicien qui s’en servait avait l’intention nécessaire. Josiah ne doutait pas de celle de Zyanya.

Citation :
Pido la magia del cielo y de la tierra,
Pido la magia del padre Baobab,
Pido la magia de la Madre Leona,

Mawu lo lo
Akpé na mawu
Mawu Lo Lo

Protege al mago de los maliciosos,
Atrapa a los demonios entre tus ramas,
Ahuyentalos de sus tierras.

Mawu lo lo
Akpé na mawu
Mawu Lo Lo

La tatoueuse était très silencieuse, comme si elle sentait que Josiah avait encore quelque chose à ajouter. Elle n’avait rien dit sur son incapacité à lui fournir toute la recette – puisqu’il ne la connaissait pas. Josiah n’avait toutefois pas voulu se jouer d’elle. Elle lui avait dit, quand ils avaient commencé, qu’elle lui donnerait ce qu’il voudrait. Mais puisque lui ne pouvait pas lui faire la même promesse, il demanda à Nuscaa une nouvelle traduction : « No quiero estar equivocado o engañarla. Si no puedo darla la receta completa del tatuaje, ¿usted todavia aceptará darme la suya? »

Quand elle eut terminé, faisant chanter la langue zapotèque entre ses lèvres, Josiah croisa le regard de la vieille tatoueuse dans la nuit, et chercha à y trouver sa réponse avant qu’elle ne la prononce.

code by EXORDIUM. | imgs by tumblr | 2308 mots


(HRP : joyeux anniversaire à nos loulous :smi37: )

Sorcellerie

Sorcellerie
GRAND MAÎTRE
hiboux : 914
Sam 25 Avr - 14:08
Intervention MJNasiya et la transe
réussite | L'exercice de la transe n'est pas des plus agréables et sa dangerosité est reconnue même par ceux qui la pratique. Mais le vieux chaman est un homme expérimenté et consciencieux. Le pire passé, il s'occupe de Nasiya, le guide, jusqu'à lui permettre de voir ce qu'aucun autre ne peut. Les secrets de sa transe ne s'ouvriront jamais qu'à lui. Perdu dans un monde fantasmagorique, le Sud-Africain voit des formes difficiles à identifier, se noie dans un océan de couleurs vives et de sensations indescriptibles. Sa vision se grave dans sa mémoire avec toute sa confusion : peut-être manque-t-il d'expérience pour voir clairement dans ce tourbillon qui l'a pris. Il sera difficile à son réveil de trouver un sens à tout ce qu'il a vu. Mais il saura que contrairement à d'autres, il aura au moins su ouvrir les yeux dans cet autre monde.  


Intervention MJJosiah et Zyanya
réussite épique | Zyanya est difficile en affaires, mais c'est aussi quelqu'un de juste. Alors que Josiah s'applique à lui donner toute sa recette, à lui expliquer les subtilités de ses recherches et lui offre son aide pour obtenir les ingrédients qu'elle peinera à trouver au Mexique, elle ne peut que reconnaître ses efforts pour lui donner tout ce qu'elle veut et ne doute pas un instant de sa bonne foi quand il lui expose les limites de ses savoirs. Elle enfonce une dernière fois les aiguilles dans la peau de Josiah et se redresse avec une grâce féline pour planter son regard dans celui du Béninois.
"Tu m'as donné ce que je t'ai demandé, cariño. Tu mérites donc la recette que tu demandes."
D'un geste, elle attire à elle le nécessaire pour écrire sa recette, comme Josiah vient de lui donner la sienne. Avec application, elle note tous les détails du processus et les ingrédients qui lui faudra trouver comme les incantations qu'il devra prononcer en tatouant. Le processus est décrit avec précision. Josiah n'aura plus qu'à le suivre.

Le dernier mot écrit, Zyanya se redresse et tend le parchemin à Josiah.
"Prends ceci, Josiah D'Da. Que ce pouvoir te serve comme tu le souhaiteras et te permette de libérer la puissance enfouie d'autres sorciers. Mais ne livre ce secret à aucun autre tatoueur. Les étrangers ne peuvent décider de qui peut user de la magie de ces terres."
L'ordre est donné. Mais le pouvoir aussi.

Josiah peut ajouter un nouveau tatouage à son catalogue ! Félicitations !

Nasiya Abasinde

Nasiya Abasinde
Et j'ai crié, crié !
hiboux : 467
pictures : [QUÊTE] Sur la route de leur El Dorado Ed8b52550214f71a86510011cbe0e9df5a75f2c2
Dim 26 Avr - 3:31

Sur la route de leurs El Dorado

Hommes enflammés peaufinent leur art



Entends-tu ma voix, jeune fou ? Entends-tu le cliquetis de mes mots, la rondeur de mes lettres, qui se glissent jusqu’à toi, se faufilent sous ton crâne, et t’appellent à moi ? Viens, homme de chaleur, corps de feu, viens, et ouvre ton esprit à ce que je m’apprête à t’offrir. Sauras-tu t’abreuver de tout ce qui va se révéler à toi ? Sauras-tu écouter le murmure des Anciens ?

Tends l’oreille, Tonatiuh, homme soleil – laisse ton âme radier, laisse la s’envoler, et tends l’oreille. Tu saisiras les échos des Maîtres de l’Autre-Monde, qui murmurent les directives à nos âmes, à nos animaux. Les esprits communiquent, Nasiya, et leurs mots sont plein d’une force qui nous dépassent. Entends-les, comprend-les, et peut-être alors sauras-tu leur répondre.

Ne perds pas ma voix, homme soleil. Ton âme se perd dans un dédale d’esprits, elle erre au milieu des âmes rêveuses de notre village – éloigne-toi, nourris-toi de ton voyage conscient parmi ces terres. Vois, là-bas, ces formes troubles, ces lumières qui dansent, comprends qu’elles ne sont que l’esprit, le double, de ce qui nous guide sur terre. Vois-tu ?

Laisse-toi guider, Nasiya, suis-moi dans ce périple des esprits. Ils sont sages, ce soir, aucun ne tempête contre notre venue. Observe-moi, qui signe des mots à l’Esprit de la Faim, pour soulager les maux qui terrassent l’enfant d’Ehécatl. Observe, homme soleil, car c’est tout ce que tu pourras faire.

Observe, et cherche à entendre. À comprendre. Ton temps est limité. Les secondes défilent. Sens-tu ton pouls qui s’accélère ? Ta tête qui tangue ? Ta salive qui disparaît ? Tu t’assèches, et ton corps se crispe – abandonne-toi à ces sensations. Libère-toi. Tu ne contrôleras rien, Tonatiuh. Accepte-le.

Comme cela.

Inspire, Tonatiuh, respire. Nourris-toi de ce voyage. As-tu écouté ? As-tu compris ?

C’est trop tard, maintenant.

Ouvre les yeux.

Ouvre-les.


Un râle me soulève le torse, un flot nauséeux s’expulsant hors de ma gorge, alors que mes paupières se relèvent brutalement. Le monde est flou, l’amertume toujours aussi prononcée entre mes lèvres. Je suis prostré au sol, les sensations de mon corps m’ayant abandonné. Les yeux tournent dans mes orbites, alors que je tente de les contrôler, de les fixer sur l’homme face à moi.

Cuauhtzin.

Mon coeur déborde de tout ce qu’il m’a apporté, cette nuit, j’en suffoque presque. C’est sa main qui me recentre, me soulage de mes maux, s’apposant sur mon front – elle est d’une fraîcheur qui fait se dresser mes poils. Il guide mon retour parmi les nôtres, parmi les terrestres, parmi le monde simple, comme il a su me guider dans ces terres de rêve. Sa paume appuie contre mon front, ses doigts traçant des cercles sur le haut de mon crâne, et mes yeux peu à peu s’apaisent, mon souffle reprend un rythme plus humain. Mon sang pulse toujours trop fort, mais c’est parce que mon coeur bat d’un trop plein d’adrénaline.

Je suis parti, je le sais.

Mon âme m’a quittée, quelques longs instants, pour rejoindre leur terre. Celle dont je ne rêvais qu’à peine, celle dont je ne pouvais qu’imaginer, qu’effleurer ce qu’elle représentait réellement. Comment la décrire ? Impossible – je n’ai la tête que pleine de lumières qui m’aveuglent l’esprit, de silhouettes floues, d’une voix cyclique, qui me guide sur un chemin, un même itinéraire. Je ne pourrais dire à quoi l’autre-monde ressemble, de quoi les esprits sont formés, si même ils ont essence corporelle. Je ne ressens qu’une plénitude extrême.

J’ai vu des choses, je le sais, je le sens, mon corps en tremble, mon cerveau n’arrive pas encore à les comprendre. Peut-être ne le comprendrais-je jamais. Il le faut, pourtant. Ma gorge asséchée redemande déjà de l’amertume de leur drogue, pour pouvoir plonger plus encore, me faufiler dans cet espace si étrange, indicible. Le comprendre plus encore, l’écouter à en connaître chaque décibel.

La main de Cuauhtzin claque sur mon front, et je hoquète.

Reste là, semble-t-il me maudir, reste parmi nous, savoure cette première expérience. C’est unique, je le sais. C’est unique, mais si peu.

Mes membres se déroulent, j’arrive à me redresser. Sa main est toujours sur mon corps – maintenant mon épaule droite, cette-fois. Il appuie à certains points centraux des circulations du sang, d’énergie, de magie, je sens des décharges me traverser à chacun de ses pincements. Une nausée, encore, qu’il évite en me faisant pivoter la tête sur la droite. Il tapote ma joue, une dernière fois, ses yeux plus tendres qu’il ne l’ont jamais été, tout ce périple.

Je l’ai écouté, il m’en remercie. Je l’ai suivi, guidé par sa voix, lui confiant mon âme, mon corps, toute ma sincérité. Homme soleil dénudé, à vif devant lui, livré à tous ses pouvoirs de chaman. Il n’a toujours pas dit mot, si ce n’est ce flot sans fin qu’il m’a confié, dans l’entre-deux, et j’aimerais goûter à sa voix. Sa main retrouve son genou, pourtant, et il s’élance, se redresse d’un geste d’une souplesse que son âge, ses traits fripés, ne m’auraient jamais laissé deviner. Il se détourne, déjà, alors que je n’ai pas retrouvé l’usage de ma voix, alors que mes pensées sont encore si pleines, si folles, si euphoriques.

J’ai vu. Je sais que j’ai vu. Je le sais, bon Dieu.

C’est un rire extatique qui m’échappe, incapable de le contrôler. Mes mains viennent attraper mes joues, se plaquent sur mes cheveux, mon torse, se faufilant sur tout mon corps, savourant le bonheur d’être entier, d’être vivant, d’avoir vécu chose si intense. Gracias, je m’entends murmurer. Ma voix est rauque, brisée, je ne sais même pas si je le prononce vraiment. J’ai l’impression de ne pas m’arrêter, pourtant, que le mot s’enchaîne, que mes remerciements pleuvent.

C’est Ehécatl, qui interrompt ma litanie.

Je vois dans ses yeux mon reflet, mes traits tirés, mon regard fou, l’adrénaline qui pulse dans mon corps. Je vois dans ses yeux, aussi, son habitude face à cette réaction. Je ne suis pas le premier homme à avoir goûté à une transe aussi sublime, aussi complète. Je veux lui dire que je n’y ai rien compris, mais que c’était beau, que c’était parfait, que tout mon corps, toutes les particules de mon âme l’ont ressenti. Je veux lui dire que c’est une transe dont on sort plus proche du nirvana que je n’ai jamais réussi à répliquer chez mes clients. Le mot client jure dans mes pensées, je le haïs, à cet instant. Je veux qu’elle comprenne combien leur magie m’a révélée de choses. Combien de temps il va me falloir, pour répliquer ce chemin dans leur autre-monde, sans la voix du guide. Combien de temps encore cela va me prendre, pour y comprendre ce qu’il s’y passe. Pour y puiser, alors, et créer de cela. Créer des univers, créer des sensations, créer une apothéose qui fera pleurer de bonheur le plus malheureux des rêveurs.
Je ne peux rien lui dire, pourtant, parce que nos langues ne se comprennent plus, nos mots ne veulent plus rien signifier l’un pour l’autre. Elle m’apaise, pourtant, de gestes sur mon front, les doigts trempés d’eau fraîche. Calme, jeune soleil, calme. Je ne peux pas – je ne peux pas être calme. Josiah. Il faut que je vois Josiah.

Je me redresse, presque fou, les yeux vrillant de gauche à droite. Je recherche le corps de l’être aimé, la silhouette de l’homme adoré. Il faut qu’il sache. Je dois lui dire. Tout lui murmurer. Alors elle me soutient, sur les premiers pas, et puis mes jambes se font maîtresses d’elles-même, et je cours parmi les leurs. Je vois encore flou, je crois – j’ai chaud, si chaud. La sueur me dégouline sur le corps, et les flammes des feux du village semblent embraser ma peau. J’y vois des silhouettes se déformer, ou peut-être sont-elles si détendues dans mon esprit. Josiah, Josiah, où es-tu.

Là.

Il est là.

Sublime, entouré de gens qui l’écoutent, si sagement. Sa jambe est gonflée, mais son sourire est éclatant. Je reste à quelques pas, le souffle court, le coeur culbutant contre mes côtes.

Josiah, viens à moi.

J’attends, pourtant, que la tatoueuse s’éloigne, que leur mission s’achève, que ses yeux se relèvent et qu’ils croisent les miens. Seulement alors je m’approche, et mes mains se fondent sur son corps, l’enserrent à en suffoquer. J’inspire son odeur, je plonge dans sa nuque, je tremble.

Comment lui expliquer ?

Je ne peux que frémir, embrasser sa nuque, embrasser ses joues, l’embrasser lui.

- Aimé.

Son prénom m’échappe, et je le prononce à nouveau. Aimé. Un rire quitte mes lèvres, encore, secouant mon torse. Bon sang.

- Aimé, j’ai réussi. Je n’ai rien compris, bon sang, rien compris – mais j’y ai été. Et toi, mon amour, dis-moi que ça a été ? Dis-moi que tu es aussi heureux que moi. Dis-moi que tu comprends plus que moi.

Mes mains, toujours sur son crâne, mon front contre le sien, nos nez qui se frôlent, et nos souffles qui se mêlent. J’ai les yeux fermés, concentré seulement sur sa respiration, sur ce qui pulse en moi. J’ai été si loin, cette nuit, dans un monde que je ne peux encore décrire, subjugué par des hallucinations que je ne pourrais jamais vraiment répliquer. Aimé, je ne mérite pas ce bonheur qui pulse en moi, ce soir. Cette réussite qui me traverse. Je t’en balbutie des mots, des formes de souvenirs, entre chacune de tes phrases, chacun de tes baisers, mais c’est trop confus, trop fou. Alors, toi, parle. Dis-moi que tu as été mille fois plus heureux que cela encore. Dis-moi comme ton succès est grand.

Dis-moi tout, alors que je dévore ta peau.


@A. Josiah N'Da 1594 mots
Awful

A. Josiah N'Da

A. Josiah N'Da
MODÉRATRICE & MJ
hiboux : 1086
pictures : [QUÊTE] Sur la route de leur El Dorado Voodoo-ppl
Dim 26 Avr - 22:58




Sur la route de leur El Dorado
Le soleil se levait, le ciel se faisait violet, puis bleu, puis rouge, et les enfants commençaient à sortir de leur hutte avec la lumière du jour. Zyanya terminait son œuvre, et Josiah était toujours hypnotisé. Tellement qu’il ne voyait pas l’agitation qui commençait à grossir autour de lui. Il n’avait pas entendu Nuscaa partir dormir, et ne sentait presque plus les petits coups que la tatoueuse lui assénait, tant sa jambe était endolorie. La magie de la tatoueuse et de son enchantement parcourait son corps à tel point qu’il la sentait crépiter au bout de ses doigts. Il était assommé par cette nuit blanche, par la résilience que tout cela lui avait demandé, ses yeux lui piquaient un peu, mais un sourire était largement dessiné sur son visage alors qu’il racontait dans son espagnol de moins en moins approximatif ses tatouages. Il parlait du monde, mentionnait ce tatoueur japonais qui lui avait fait cette pièce-là, et puis celui-ci, récupéré en Russie, et puis toutes ces dates de naissance, là, sur son avant-bras, pure magie vaudoue de la Nouvelle-Orléans. Il raconta ses dieux, les associa aux leurs, les yeux brillants. C’est qu’il était charismatique, et surtout, qu’il aimait qu’on l’écoute. Il aimait être au centre de ce petit groupe qui l’écoutait, avec une tatoueuse extraordinaire qui s’appliquait sur sa peau. A chaque fois qu’elle changeait de direction, à chaque fois qu’il entendait dans ses chants une modification, toutefois, il s’interrompait. Il avait récupéré son carnet de voyage, et entre deux notes, il faisait quelques croquis de son visage. Il avait envie de la peindre, en grand, et de l’afficher dans son salon, pour se souvenir d’elle, pour l’honorer. Alors il s’appliquait à la dessiner sous tous les angles, à marquer chacun de ses traits, à creuser chacune de ses rides, à faire figurer chacun de ses minuscules tatouages. Elle était sublime, comme toutes les femmes de cette tribu, c’en était incroyable.
Au bout d’un moment, il ferma les yeux. Il pouvait sentir que Zyanya arrivait au bout de son incantation, parce qu’il sentait dans son échine la panthère. La zapotèque s’était appliquée à tisser, des heures durant, un lien entre son corps félin et son corps humain, et il le sentait-là, tout proche, son léopard africain. Comme quand il était sur le point de modifier son apparence, qu’il lui suffisait de faire balancer sa tête de la droite vers la gauche, lancinant, et qu’il surgissait. Il faudrait qu’il fasse attention, les heures qui viendraient, elle le lui avait dit. La limite était fine, le temps que la magie s’assagisse, il ne devrait pas brusquer l’animal. Alors Josiah avait fermé les yeux. Il avait respiré profondément, s’était appliqué à détendre tous ses muscles. Il ne voyait désormais plus rien, ni n’entendait quoi que ce soit. Il était bien.

Zyanya ralentit le rythme de ses coups, et bientôt, il n’y en eu plus du tout. Elle avait finalisé, à l’aiguille unique, les quelques détails qui firent grimacer Josiah, et puis s’était arrêtée tout à fait. L’œuvre était complète, Josiah pouvait le sentir, et il rouvrit les yeux. Son regard croisa celui de Zyanya, et les larmes lui montèrent aux yeux, devant tant de gratitude. Au cœur de la nuit, elle lui avait promis sa recette. Au petit matin, il se réveillait avec une jambe endolorie, mais de sublimes nouveaux pouvoirs. Il lui attrapa ses mains, ses sublimes mains centenaires, qu’il baisa mille fois. Bientôt, il l’aidait à se relever, prenait sa canne, enroulait le parchemin sur lequel il avait dessiné son baobab. Cette collaboration serait sans aucun doute la plus émouvante qu’il ferait de sa vie. Il la confia à un jeune homme, qui se chargea de la ramener dans son baraquement. Les jambes de Zyanya tremblaient toutefois moins que les siennes. Il ne tenait plus debout. Les mains sur ses tempes, un sourire ému aux lèvres, il se retourna, cherchant quelque chose pour se soutenir, et croisa le regard de son tendre qui avançait vers lui. Nasiya, souffla-t-il. Il écarta les bras, les enlaça autour de son cou, et se laissa aller dans son étreinte.  

Nasiya était son équilibre. Il ne savait pas par où il était arrivé, ni quand, mais il était là, le soutenant de ses bras épais, couvrant son cou de baisers qui réchauffaient sa peau et faisaient trembler son corps. Il l’appelait Aimé, et l’aimé lui répondait en écho « mon étoile, mon étoile, mon étoile », inlassablement. Il cherchait ses lèvres alors qu’il essayait manifestement de raconter quelque chose, de lui dire qu’il avait réussi, qu’il avait vu l’autre monde, qu’il s’était tenu dans l’entre deux, et qu’il en était revenu. C’était ce qu’il retenait, égoïstement : « tu es revenu, mon étoile, tu es là, mon étoile ». Ses lèvres attrapaient les siennes, et soudainement, il ne touchait plus le sol. Définitivement, autour d’eux, il n’y avait plus personne. C'était chaud, c'était doux, qu'est-ce que c'était doux. Il dû s’interrompre, toutefois, sentant la panthère sur le point de bondir. Se laissant soutenir de ses bras, il vint alors poser ses mains des deux côtés de son visage. Comment était-ce possible d’être aussi beau ? Nasiya était comme l’épitome de la beauté, c’était impossible à ce point, comment était-il sien, comment l’avait-il rencontré, comment se retrouvait-il à l’autre bout du monde avec lui, après plus de quinze années ? Nasiya continuait sa diatribe, sourire brillant aux lèvres, expliquant qu’il n’avait rien compris, mais qu’il était heureux. Mais tout ça, voulait lui dire Aimé, c’était grâce à lui. C'était lui qui était revenu, lui qui avait accepté de s’installer à Londres, lui qui avait accepté la grisaille au péril de son bonheur propre pour leur joie partagée. Lui qui avait suggéré le voyage, lui qui les avait poussés dehors, au lendemain du concert. Lui qui était parvenu, avec sa magie extatique extraordinaire, à convaincre un chamane de l’embarquer dans une transe avec lui, et lui qui avait réussit à revenir, à lui revenir, là encore, par la seule force de sa volonté. Lui, lui, lui, toujours lui, quinze ans de lui, et encore quinze, s’il te plaît Mami Wata, encore quinze.

Autour d’eux, on s’était éloigné. On les avait laissés, alors qu’Aimé se collait encore un peu plus au corps de Nasiya, comme s’il voulait rentrer à l’intérieur de lui, comme si leur corps ne devaient faire qu’Un. « Le plus heureux, mon amour, le plus heureux. Que Zyanya m’ait tout donné, mais surtout que tu y sois arrivé, que tu me sois revenu, que tu aies trouvé ton Eldorado comme j’ai trouvé le mien. Ça va être extraordinaire, mon amour, tu vas tout comprendre, j’en suis certain, tu vas faire des grandes choses, de tellement grandes choses, mon amour … » Il se hissa sur ses jambes endolories, et l’embrassa encore, rêvant de leur bonheur conjoint. Sa tête lui tournait. Il ne savait pas si c’était lui, si c’était son tatouage, ou si c’était Nasiya qui lui faisait cet effet-là. Sûrement un peu de tout ça. Comme à quinze ans. Oh Oui, Wata, s’il-te-plaît, encore quinze ans.

Il dû s’interrompre, à nouveau. Derrière son cou, sur sa nuque, Nasiya pouvait sentir sous ses doigts sa fourrure qui commençait à recouvrir son corps. Il s’écarta un peu et éclata de rire, secouant le crâne pour la faire disparaître. « Tu vois l’effet que tu me fais, par Wata. Faut que je fasse attention, sinon je vais te faire mal, elle n’est pas stable… ». Sa panthère, sa magie, il ne savait plus comment finir sa phrase parce qu’il avait croisé son regard, encore, et qu’il y avait vu des étincelles. Il noua ses mains aux siennes, s’écarta un peu plus, semblant atterrir, retrouver la vue, ou en tous cas, une autre vue que celle de la peau noire de son amant. C’est qu’il brillait plus fort. Malgré le jour qui s’était levé, il ne voyait que lui, toujours lui, encore lui. Je t’en supplie, Mami Wata,encore quinze ans.

« Emmène-moi, mon étoile. Jusqu’au bout du monde. »

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