La tension est palpable dans le Londres sorcier. Ginny a de plus en plus de mal à respirer dans cette atmosphère. Aussi loin qu’elle puisse se souvenir, elle n’a jamais aimé les conflits. Quand ses frères se disputaient, elle faisait absolument tout pour que les tensions retombent et que tout le monde recommence à jouer ensemble. Quand elle était une petite fille aux joues pleines et aux regards brillants, c’était facile de recoller tous les morceaux parce qu’aucun de ses frères ne voulaient la voir triste. Aujourd’hui, elle a beau essayé de toutes ses forces de maintenir cette famille soudée, c’est mission impossible. Et la politique n’aide pas. Elle est le dernier maillon qui maintient tous les Weasley ensemble. Parfois elle se surprend à croire que s’il lui arrivait quelque chose d’assez grave – sans forcément songer à quelque chose qui mettrait sa vie en danger – ils seraient tous là à veiller sur elle, et que cela permettrait à tous de se rendre compte qu’ils sont essentiels les uns aux autres. Mais évidemment, Ginevra ne cherchera pas à en arriver à cet extrême. Elle continue d’avoir espoir. Elle continue de croire que le temps finira par tout arranger.

Ses seuls moments de répit quant à tout cela sont les instants où elle se trouve perchée sur son balai, le souaffle bien calé dans le creux de son bras, filant à toute allure dans les airs vers les trois anneaux formant les buts. Les entraînements sont toujours les bienvenus. Et plus ils durent dans le temps, mieux elle se sent car ce sont des heures à ne plus penser à sa situation familiale. Le mieux, c’est quand un match pour les harpies se profile et qu’elle doit quitter parfois le pays, ou s’éloigner suffisamment pour qu’elle ne sente plus cette tension. Mais le prochain match de prévu n’est pas avant plusieurs semaines, alors la belle rousse se contente des entraînements et de la mise en place de leur prochaine stratégie prometteuse. Les harpies de Holyhead ne manquent jamais d’imagination quant à leurs prochaines stratégies. Et c’est ce qui fait leur originalité quelque part. Ginny est fière de faire partie de cette équipe et pour rien au monde elle n’en changerait. Pourtant, ce n’est pas les propositions de rachat de carrière qui manquent. Cependant, la rouquine est tenace et ne se laisse pas acheter aussi facilement.

Le hibou de Dahlia a été tout aussi surprenant que bienvenu. Après une dispute avec sa mère, se changer les idées est un réconfort qu’elle n’attendait plus. Molly, si aimante, et si bienveillante envers chacun de ses enfants, n’a pas hésité à dénigrer ceux qui font partis du clan Harry Potter. Ginevra a vu rouge, mais malheureusement entrer en conflit avec sa mère aurait résumé entrer en conflit avec les autres. Renouer avec Dahlia est une excellente idée, aussi c’est dans ce sens qu’elle répond au hibou. Les deux cousines ont été assez liées pendant leur scolarité à Poudlard. C’est vers elle que Ginny a un jour confié ses déboires amoureux et l’ignorance d’Harry à son égard qui alors la voyait uniquement comme la petite sœur de son meilleur ami. Pourtant, la jolie rousse n’a jamais ignoré ce que sa cousine pensait de l’élu, mais elle l’a écouté et remonté le moral quand c’était nécessaire. Dahlia est précisément celle dont elle a besoin en ce moment.

La façade du Chaudron Baveur se dresse face à la rouquine lorsqu’elle y arrive. Elle pénètre à l’intérieur et fronce légèrement les sourcils lorsque l’ambiance tamisée contraste fortement avec la luminosité de l’extérieur. Malgré le mois de Février, il fait particulièrement beau, bien que l’air soit froid et nécessite encore des vêtements hivernaux. Lorsque sa vue s’adapte à son nouvel environnement, Ginny ne tarde pas à repérer Dahlia déjà installée à une table. Un sourire se peint sur ses lippes, et de sa démarche sûre, elle se dirige vers sa cousine.

— Hey ! lance-t-elle en arrivant à sa hauteur. Tu attends depuis longtemps ?

Après quelques embrassades, Ginevra s’installe en face de Dahlia. Dos à la population, malheureusement, elle ne se sent pas particulièrement à l’aise. Elle préfère avoir une vue d’ensemble, mais elle fait suffisamment confiance envers sa cousine pour la prévenir si quelqu’un ou quelque chose de mal intentionné approchait. Le serveur se pointa pour lui demander ce qu’elle désirait et machinalement, Ginny demanda la même chose, ignorant totalement ce que Dahlia avait bien pu commander pendant son absence. Mais cela importe peu. Elle n’est pas particulièrement difficile.

— Alors quoi de neuf depuis ? Ça fait un petit moment qu’on ne s’est pas vues.

Loin d’être un reproche, Ginny a parfaitement conscience que sa carrière de Quidditch ne lui laisse pas forcément le temps d’apprécier la compagnie de ses proches autant qu’elle le souhaiterait. Elle s’absente parfois pendant des mois avant de regagner son appartement à Londres.

Bien que ponctuelle, à défaut d’être en avance, Ginny angoisse toujours un peu en voyant qu’on l’attend déjà. Certaines personnes sont parfois tellement en avance que ça fait presqu’un monde qu’ils attendent. Pourtant, l’heure c’est l’heure, et il ne faut pas s’en vouloir de l’être. En revanche, l’idée qu’on l’attende depuis plusieurs minutes la met parfois mal à l’aise. Mais c’est un détail qui s’envole aussitôt lorsque Dalhia lui assure que cela ne fait pas longtemps, et qui arrache un sourire à la rouquine qui s’installe juste en face de sa cousine. Être dos à la salle ne lui plaît pas vraiment. Les traumatismes de la guerre sont encore très vivaces dans le comportement de Ginny. Pourtant, il s’est écoulé près de six ans depuis la bataille de Poudlard, mais il arrive encore qu’elle fasse des cauchemars, ou bien qu’elle se sente épiée lorsqu’elle marche dans la rue, les cheveux de sa nuque se dressant, ses sens entrant complètement en alerte. Ce sont des réflexes qui ne donnent absolument rien car aucune attaque ne surgit à son passage ; mais les vieux réflexes ont la vie dure. Cependant, elle fait suffisamment confiance à Dalhia pour s’asseoir sans avoir la moindre vue sur ce qui se passe derrière elle. Elle sait qu’elle la préviendra si quelque chose doit arriver. C’est une chose qui n’est pas donnée à tout le monde. Ginny n’offre pas sa confiance à tout le monde. Seuls les membres de sa famille en sont possesseurs, et Dahlia est sa cousine.

Ignorant totalement ce que celle-ci a bien pu commander au serveur, la rouquine demande, malgré tout, la même chose qu’elle. Elle aura la surprise de sa commande lorsque celle-ci serait prête et arrivera. En attendant, elle s’enquière de prendre des nouvelles de Dahlia. Ça fait un petit moment, maintenant qu’elles n’ont pas eu l’occasion de passer un peu de temps ensemble. Chacune a suivi ses projets professionnels : Ginny en devenant joueuse de Quidditch, et Dahlia en devenant Auror. Toutes deux ont choisi des carrières qui leur correspondent probablement. Les temps sont probablement assez durs pour sa cousine avec la situation actuelle, donc c’est avec plaisir que Ginny préfère passer à un autre sujet que celui-ci. Surtout lorsqu’on sait que cela impacte fortement les Weasley. Elle préfère écouter les choses un peu plus joyeuses. Et la potentielle réconciliation entre sa cousine et sa mère la ravit vraiment. Ginny a toujours beaucoup aimé les histoires qui se terminent bien, et cette nouvelle la ravie sincèrement. Si seulement il pouvait en être de même avec sa famille… Le dialogue n’est plus possible depuis un moment entre sa mère et son père, mais Ginny préfère rester positive quant à la possibilité qu’un jour, la famille Weasley soit à nouveau réunie et que tout redevienne plus ou moins comme avant.

— Je suis vraiment contente que ça aille mieux entre vous, répond-t-elle lorsqu’elle a fini de lui expliquer la façon dont cette réconciliation a été possible. Je croise sincèrement les doigts pour que tout se passe pour le mieux ensuite.

Sa cousine mérite d’être heureuse. Les choses de la vie ne se déroulent pas toujours comme on le voudrait, Ginny est bien placée pour le savoir, mais lorsqu’une fenêtre se créée avec la possibilité d’arranger les choses, il faut la saisir.
Un léger sourire vient ourler les lippes légèrement carminées de la rouquine lorsque sa cousine lui retourne finalement sa question. Deux assiettes apparaissent dans son champ de vision avant qu’elle n’ait le temps de répondre. Elle laisse le serveur effectuer son service avant de le remercier à son tour. Elle prend une gorgée de sa bieraubeurre avant de finalement répondre :

— Rien de bien passionnant, avoue-t-elle. Les harpies me prennent pas mal de temps, surtout pendant la saison des matchs où les entraînements sont vraiment intenses. Sinon… je n’ai pas une vie très trépidante dernièrement…

Elle mordille légèrement ses charnues avant de finalement se saisir de sa fourchette pour commencer à savourer son assiette, le nez quasiment plongée dedans.