L’heure est calme dans la boutique Weasley, farces pour sorciers facétieux. Depuis quelques temps, l’endroit se fait repaire d’une opposition encore naissante, timide, qui ne demande qu’à laisser exploser un autel à la race supérieure des sorciers de sang pur. Le monde leur tend les bras, aveuglé dans un fanatisme pour le parfait petit Potter. Mais personne ne voit-il le mal que font ces nés moldus à l’arrogance démesurée ? Personne ne voit-il que ce sont eux qui fragilisent le monde de la magie par leurs molles convictions ? Une vie harmonieuse avec les moldus ? Ha ! La bonne blague ! On voit bien que ce ne sont pas ces sangs-de-bourbe qui se sont fait traquer et mettre sur le bûcher. Lors des dernières inquisitions, le monde magique a pu s’en sortir parce que la technologie moldue était rudimentaire… mais aujourd’hui plus que jamais, le mode de vie sorcier doit être préservé, le secret doit être assuré. Le monde moderne ne permettra bientôt plus aux sorciers de se cacher et de vivre en paix, il faut donc prendre les devants et préserver, sauver ce qui peut être sauvé !
Avoir lové leur boutique sur le Chemin de Traverse près de l’échoppe Ollivander a été la meilleure idée qu’eurent les jumeaux : cela a permis au cadet de la fratrie de passer quelques soirées à discuter avec le vieil homme dont la gamine et successeure arpente encore les couloirs de l’école. C’est lui qui l’a vraiment réconforté après la rupture de ses fiançailles, c’est lui qui lui a fait comprendre quelle terrible erreur il avait faillit faire en s’unissant à une fille qui ne comprend pas le mode de vie des sorciers. De là à rencontrer Narcissa Malefoy et se laisser séduire par son dédain pour les sangs-de-bourbe, il n’y eut qu’un pas qui fut d’autant plus aisé à faire que sa mère le fit avant lui.
C’est donc paisiblement installé dans l’arrière boutique à faire la comptabilité du jour que le jeune Weasley constate que depuis le concert de Reissen et la réplique de leurs opposants, les boites de feuxfous fuseboum partent comme des petits pains. Il y a peut-être un coup marketing à faire ? Avec l’approche de la saint Valentin, il y a aussi de plus en plus de demande pour des produits un peu… spéciaux. Il se creuse la tête. Son aîné n’a pas voulu le suivre sur sa proposition de bonbons coquins… Pourtant, il était certain qu’une gamme non conseillée aux mineurs aurait eu son petit succès commercial en plus d’énerver Potter. Zut ! Il faut trouver autre chose. En même temps, il comprend aussi son frère : le magasin est tous publics, il aurait fallu mettre une section à limite d’âge… Mais bon, c’est pas pour ce que ça coûtait de faire installer la barrière ! Enfin, la plume d’Amour, c’était bien vu, même s’il aurait mis le disclamer « bien relire avant envoi » en plus gros. Il est possible que la mention des hanches de la belle ressemblant à deux boules de glace parfum fraise ne soient pas forcément du goût de tout le monde. C’est la petite touche George Weasley !
Les boursouflets font aussi leur grand retour en force. Cette idée de boursouflets à acheter en couple, c’est bien mignon. Bon, il aurait peut-être fallu faire une édition spéciale, mais toutes ses tentatives de faire des boursouflets à pelages à motifs se sont pour le moment soldés par des échecs. Et c’est pas faute d’avoir essayé. George a toute une cour de boursouflets bicolores qui gambadent gaiement sur les terres de feu. Mais pas moyen de faire mieux que des boursouflets aux couleurs dégradées ou avec une tache informe sur le dessus du crâne. Il doit manquer un truc dans leurs sorts…
La cloche tinte à l’entrée. Il ne lève pas le nez de son parchemin. Tous les étals ont déjà été soigneusement mis sous sortilège de bouclier pour la nuit, donc il ne pourra y avoir de vol. Pas de lieu de s’inquiéter, donc. Ronald lance sa phrase type, de celle qui fait généralement fuir le client retardataire.
“L'amour fraternel est plus durable ; il ressemble à la pierre précieuse qui résiste aux plus durs métaux et dont la valeur s'accroît avec les années.”
weasley's
Un nouveau match de gagné pour les Holyhead. Cette fois-ci, c’est certain, leur équipe de Quidditch est qualifiée pour la saison. Pourtant épuisée de la fête qui a suivi la victoire, Ginny ne rentre pas immédiatement chez elle. Elle rêve pourtant de retrouver le calme, et le confort de son appartement qu’elle loue dans Londres, mais ce n’est pas là qu’elle se dirige en premier. Si les choses avaient été différentes, elle se serait précipitée au Terrier afin de faire partager cette annonce à toute la famille Weasley. Mais cette utopie n’existe plus depuis longtemps. L’intégralité de la famille est aujourd’hui divisée en deux parties, si ce n’est trois si on considère que la petite dernière est la seule à ne pas avoir choisi de camp. Pour Ginny c’est une décision trop difficile. Jamais elle ne pourrait faire un choix. Si cela s’est montré facile pour ses frères, il n’en est rien pour elle. Aujourd’hui, elle est le maillon qui maintient encore le lien dans leur famille. La seule qui communique avec chacun d’entre eux. Parfois, il est épuisant d’avoir ce rôle, mais elle ne perd pas espoir qu’un jour tout s’arrangera.
À défaut du terrier, Ginny se tourne vers la boutique Weasley & Weasley. Même si la boutique affiche fermée, elle sait parfaitement que la porte reste ouverte. Fred et George avaient pris la décision de verrouiller uniquement au moment où ils quittent la boutique afin d’être parés à toute éventualité. Fred affirmait qu’on ne savait jamais qui pouvait arriver à la dernière seconde et malgré la mort de celui-ci, certaines choses ne changent pas. Elles restent identiques. Parfois, Ginny s’attend à la voir surgir de la réserve, mais ce n’est qu’un doux rêve qui ne se réalisera jamais. La boutique présente encore de la lumière, preuve qu’il y a bien quelqu’un de présent. Ron ? George ? C’est une excellente question. Peu importe, dans le fond, car la belle rouquine souhaite simplement se retrouver dans un endroit joyeux. La boutique semble être tout indiquée pour annoncer la victoire de son équipe de Quidditch ; même si toute la famille ne sera pas présente pour entendre cette nouvelle.
Sans attendre, la belle rousse pousse la porte de l’échoppe et aussitôt la cloche d’entrée tinte. Tout est calme et silencieux. Elle connaît la boutique par cœur et pourtant, elle ne peut empêcher ses prunelles de faire le tour des lieux. George et Ron ont tendance à mettre en avant les articles susceptibles de correspondre au moment présent, ou à l’actualité. Un stand colossal de feufoux fuseboum se dresse au centre de la boutique. À cet endroit même, à la St Valentin, on trouvera un énorme stand de filtre d’amour, offrant ses reflets rosés dans toute la pièce. Mais pour l’instant, le concert de Reissen fait tout particulièrement parler de lui, et cela n’étonne pas Ginny que certains articles se vendent dans cet optique-ci. Elle referme la porte derrière elle et aussitôt la voix de Ronald surgit de l’arrière-boutique. C’est donc lui qui est présent. Un petit rictus vient poindre sur ses lippes. Probablement que l’intonation de sa voix aurait fait fuir le malheureux retardataire, mais il en faut beaucoup plus pour impressionner Ginevra Weasley. Un trait de caractère qu’elle partage avec leur mère et qui lui est bien utile pour s’imposer lorsqu’elle a affaire à des machos de pacotille.
— Je pensais qu’une bonne nouvelle ne pouvait pas attendre plus de vingt-quatre heures avant d’être annoncée, clame-t-elle tout en apparaissant à son frère aîné.
Il est très rare que Ginny pénètre dans l’arrière-boutique, respectant les limites professionnelles du travail de ses frères. Ce n’est pas parce qu’ils sont de la même famille qu’il ne doit pas y avoir de respect entre eux. Mais là boutique étant fermée, elle se permet de franchir une limite qu’elle ne franchirait pas en temps normal.
— Navrée d’arriver aussi tard, le voyage a été particulièrement long.
(c) princessecapricieuse
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