C'est dans le journal que j'ai eu vent de l'attaque du Ministère de la magie et des tragédies qui en ont découlées. Evidemment, la Gazette du Sorcier a tourné son article de manière à ce que l'évènement profite au Clan Potter. Et les morts sont devenus les martyrs qui serviront à la cause de ce dernier. Ce genre de procédé me dégoûte.
- Ta cravate est mal nouée. Milena, ma chère épouse, se plante devant moi et s'escrime à rendre présentable mon nœud de cravate. La dernière fois que j'ai porté un tel accessoire, je venais de passer les portes de Poudlard pour la dernière fois en tant qu'étudiant. J'ai vite délaissé cet élément très formel de ma garde-robe quotidienne. Du coup, après des années sans en porter, j'ai perdu l'habitude des nœuds de cravate. - C'est pour quelle heure ? Cela doit bien faire cinq fois qu'elle me pose la question depuis le début de la journée. Ma précieuse Milie n'est pas tête en l'air par nature, mais ce défaut apparaît souvent lorsqu'elle atteint un certain degré d'inquiétude. - Cela débute à 10 heures, lui rappelé-je avec patience et compréhension. - Tu es certain de vouloir y aller sans moi ? Nous avons déjà eu cette conversation avant. Cette question s'est imposée dès que nous avons reçu le faire-part, et j'ai été très vite catégorique sur le sujet : je serais le seul représentant de la maison Black. Vu ce qui s'était passé au Ministère, et si Potter et sa clique se pointent aux funérailles, il n'était pas question que je laisse ma famille prendre le risque de se retrouver prise entre deux feux en cas d'incident. Et moi ? Je suis grand garçon et je sais que je m'en sortirai mieux si je n'ai ni à m'inquiéter, ni à protéger ceux que j'aime. - Certain.
Les Black connaissent les Greengrass de réputation. Et inversement. Mais il est de coutume dans nos vieilles familles d'envoyer un représentant qui formulera de vive voix les condoléances à la famille endeuillée. C'est très protocolaire, mais ça reste une manière comme une autre de garder intactes les vieilles alliances. Vu ce qu'il vient de se produire, il est plus important que jamais de savoir sur qui compter. Mais ce qui me blesse plus que tout dans l'histoire, c'est de savoir ma cousine Narcissa et son fils inquiétés, alors que pour rien au monde ils n'auraient souhaité la mort d'une jeune et délicate princesse comme Astoria. Je ne sais pas à quoi joue Potter, mais même si les ambitions politiques de ma parente ne me concernent pas autant qu'elle l'aurait souhaité, les décisions de Potter viennent de faire de moi un farouche opposant à son nom. Passe encore qu'il les soupçonne d'être derrière cette attaque, mais leur refuser d'être présents aux funérailles d'un être cher, d'une parente, c'est grotesque, inadmissible. C'est sans doute aussi pour laver cet affront que je me présente à ces ultimes adieux : pour montrer à Potter ce qu'est une famille, et qu'il n'arrivera pas à briser quelque chose qu'il n'a jamais obtenu de sa vie. Et que dire que de lui rappeler qu'il a volé ma famille ? Qu'il m'a privé de mes biens, qu'il a privé mes enfants de leur légitime héritage ? Il est peut être le filleul de Sirius, de mon andouille de frère ainé, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il est comme un membre de notre famille. Sirius a été renié, est décédé, et même si j'ai disparu un certain temps, je suis toujours en vie. Et que Potter le veuille ou non, j'ai toujours des droits sur les biens ancestraux des Black. Ma présence va lui rappeler qu'il s'est amusé à jouer avec quelque chose qui ne lui appartenait pas pleinement. Et qu'il s'est permit des choses sans le consentement du dernier des Black.
- Tu as une mine affreuse, me souligne Milena qui s'affaire à brosser ma veste sombre. Le reflet du miroir me dit exactement la même chose qu'elle. Je tire visiblement une tête de circonstance. Le sort de Narcissa et de Drago me préoccupe, la tournure des évènements me laisse craindre pour l'avenir de nos enfants, et en plus, je risque de croiser le fils Potter, que je n'arrive pas à apprécier. Et ce fait n'a rien à voir avec le fait que je détestais son père. Ce garçon me hérisse les poils dans le sens où je ne le trouve pas très clair et où je considère ses actes d'héroïsme bien exagérés. Que serait-il devenu sans l'aide de ses camarades ? Il serait mort, le Grand Potter. Mais c'est son nom qui est toujours cité en premier, viennent ensuite les seconds rôles, et puis, il y a les oubliés... ceux qui se sont également farouchement battus, mais que personne ne se rappelle parce qu'aucun n'a été l'élève favori de Dumbledore, son pion fétiche, son épée humaine. Il y a une forme d'injustice qui me glace le sang. Et puis, dans un sens, la mort de Sirius, c'est sa faute. Milena ne cesse de dire que même si je traite sans arrêt mon frère de tous les noms d'oiseau qui me passe en tête, je l'aimais malgré tout. Elle a sans doute raison. Sinon, pourquoi sa mort me rend si amer ? Pourtant, hors de question de le reconnaître devant qui que ce soit ! J'enfile ma veste, Milie vérifie que mon costume n'a pas de faux plis. Elle pose ensuite un regard critique sur mon apparence générale, inspecte ma barbe, aplati un épi rebelle dans mes cheveux, chasse une ultime poussière qui trainait traitreusement sur mes vêtements d'un revers de main expert, avant de s'assurer que le cirage de mes chaussures surpassait en qualité le travail d'un professionnel. Même mes mains, qu'elle a parfaitement manucuré la veille, n'échappent pas à son regard acéré de ménagère avertie, et après avoir passé également en revu ma baguette magique ("nettoies-la aussi mon chéri, il n'est pas question qu'on ai à redire sur ta tenue ! Nous avons une certaine réputation à tenir !"), elle me donne enfin son feu vert. - Fais attention à toi, me lance-t-elle avant de m'embrasser. Son parfum fleuri envahi délicieusement mes narines, et déclenche chez moi ce réflexe qui me pousse à la prendre tendrement dans me bras, me laissant bercer par ses marques d'affections qui me font oublier le monde qui m'entoure. Ma main caresse amoureusement sa douce chevelure blonde, aussi délicate que la soie la plus fine, et lorsqu'elle éloigne ses lèvres, je suis immédiatement frustré de ne pas jouir plus longtemps de cet état de grâce. - Evites aussi de faire des vagues, ajoute mon épouse adorée. Je dois ce conseil à un probable pressentiment de sa part. En même temps, ma chère Milena me connait par cœur. Elle a passé des années à soigner autant mon corps que mon âme. Quant à mon cœur, elle l'a volé pour ne jamais le rendre. Un larcin pardonnable puisqu'en contrepartie, elle m'a cédé le sien. Quand je passe la porte de notre demeure, nous échangeons un dernier regard. Sa main se lève pour un dernier salut. Elle tremble imperceptiblement, mais c'est assez pour que je comprenne que mon épouse ne sera véritablement tranquille que lorsque je serais rentré sain et sauf auprès d'elle.
Je soupire. Je sens que cet enterrement va mettre mes nerfs à rude épreuve. Je devine aussi que les gens vont s'interroger sur moi. Mais pas question de jouer aux autruches. Mon choix est fait. Regulus Black est toujours en vie, et il ne renonce pas à sa place dans ce monde. Quelle est la formule appropriée dans pareil cas ? Ah oui... Alea Jacta Est. Au coin d'une ruelle, ma silhouette disparait dans un petit "plop" sonore.
Jugulaire corsetée du satin ausonien, la paume lissa plis récalcitrants. Derniers pans réfractaires avalés sous la ceinture pour s’affubler d’une veste fuligineuse. Sur madrier du petit studio, siégeait sépulcral faire-part. Guindé dans de formelles arabesques mortuaires. Picotements le long de l’échine. Un ange déchu exposé aux ultimes adieux. Cruauté d’une guerre s’abattant sur innocent. Dans quel monde vivaient-ils ..?
Ainsi paré de luxueux atours, mangouste prit parti de sa présence. Respect de sa silhouette taillée dans la délicatesse du savoir-faire de sa patrie. Hommage à méconnue mais aussi au chagrin de l’orpheline. Famille anéantie par révérence éternelle que mulâtre eu affliction à côtoyer dans ses derniers souffles. Une pudeur installée envers l’éplorée. Paraphant uniquement depuis quelques fleurs accompagnées de vers sonnant aux condoléances. Recul calculé dans le réconfort que sa volonté refusait invasif. La belle n’avait à se soucier de ça à l’heure actuelle. Raison de ce fait de sa formalisation à aucun vol de hibou à sa fenêtre.
Eveillement distingué bien que mêlé à l’effroi de la décrépitude devinée de la sylphide. Un deuil au fond pour lui-même de la mandibule altière. Nymphe affligée de cette perte incommensurable. Frangines unies dans les précédentes adversités. La benjamine correspondant à l’unique formule que l’aînée évoquait avec tendresse. Pourtant bagnard témoin de cette adoration qu’à son terme. Illégitime vision d’une Vénus statuée se corrodant sous la peine. Asphyxie d’un aigle fondant sur la relique de sa cadette. L’avalanche du marbre. Icelle dont n’eut son cœur audace de partager son malheur. Et égoïstement ne le souhaitant guère.
Allouant un bistre final au funéraire carton, ses boucles se sanglèrent dans un chignon. Fin prêt, l’herpestidae transplana.
Museau maussade à destination pour l’heure indiquée dans les sinistres cursives. Premier réflexe d’acajou curieux évaluant paysage. Cependant mutation à la célérité intransigeante pour que dévisage le fureteur l’affluence d’ébène. Flot dilettante. Des soupirs indiscrets. Scepticisme couronnant l’étranger. Le doute permis aux attentions de chacun. Déphasé à cette représentation funeste des grandes lignées pour laquelle tant d’encre avait pleuré. Oppressé par la mascarade, le sauvage perçut cependant flamboiement de courage quand vinrent cueillir ses orbes le haut du perron. Sa poitrine s’affaissa.
Siégeait dans l’élégance d’orgueil l’endeuillée dissimulée derrières des verres. Une rose fanée. Sa tribulation le bouleversa tout autant que son hystérie aux heures des vêpres d’horreur. Encore une fois achevé d’embarras pour en avoir été spectateur. Mais dignité d’Artémis huchant après la réponse de son courage. L’hybride lui devait cette déférence. S’hissant alors le long des marches solennellement. Bien qu’une dernière prise de conscience le frappa au cours du pèlerinage. Imbécile que tu es ! S’affairèrent soudainement ses phalanges à délier la broche prostrée sur son torse du fémur et bois magique. Rituel d’apparat introduit au quotidien depuis le début de son internat. Mais dont sa raison l’échappa avant présentation. L’héritière n’avait surement aucune envie de voir ça.
L’ascension se procéda dans un silence criblé de chuchotis. Tous dévoués à l’accablée. Le bestiau soudainement gauche à la tâche de l’établissement de sa prochaine prose. Fossoyeuse n’ayant jamais été de ses camarades. Tout autant que son instinct savait qu’aucune rebuffade ne lui était utile. En parallèle, épouvanté de la tragédie. La truffe découverte pour l’évènement à éplucher les journaux. Une première pour le drapeau blanc qui s’offusquait encore des écrits. Une beauté avait été évincée des terres des vivants par guérilla. Déplorable société qui revêtait encore de merveilleux ornements par l’absence de seconds abattus. Leur privation paraissait intolérable. Maladif qu’on affame cette famille de leurs adieux. Autant que la défunte des respects de ceux qui l’avaient chérie.
Son tour sonna pour que vis-à-vis du dos d’un vieux sorcier laisse place à la majesté Greengrass. Mordoré butant à l’éclat décrépi du minois. Honneur auquel le sylphe se rattachait encore. En revanche félonie d’objection à la parade ne filtrant guère sur le hâle. Louange seulement de la chaleur de ses iris. Timidité confuse drapant le chérubin. Inhabituelle dans leurs échanges. Conservant sa masse à distance :
« Toutes mes condoléances Daphné, murmura la voix brisée. Si je peux faire quoi que ce soit… »
Bien que dépourvu de toute salvation en remède envers ses maux. Comme tous confrères ici présents.
« Les autres de l’hôpital m’ont demandé de te faire part de toute leur sympathie. De même qu’il t’est souhaité de revenir quand tu t’en sentiras prête. »
Enfin… si un retour serait envisagé. L’œil agile scrutant une sénescence de l’atma dépossédé de sa vigueur avec incertitude. Mauvais présage. Merlin, faites que ce ne soit que le deuil. Ne sachant cependant qu’ajouter. Abattu à son impuissance, la trombine s’hocha. Navré.
« Je suis vraiment désolé. »
Sur le souffle, de lentes enjambées l’écartèrent. Déchirement pour celle qu’aucun discours ne pouvait délester du fiel martyr. De même ne voulant l’embarrasser de retour de politesse. La laisser tranquille était la seule chose à faire.
La lumière blafarde d'un matin cendreux donnait un teint linceul au carton signé Daphné. La missive et sa sinistre nouvelle restaient à gésir sur le bureau d'Helen, à côté du journal. Elle avait à peine parcouru ces lignes de presse retraçant l'attaque au Ministère et les drames qui s'étaient enchaînés. Trop vite. Une houle dont personne n'avait maîtrisé l'emballement et qui drainait maintenant les corps de ses noyés. Ces nouvelles, Helen les avait eues en première ligne, parmi les autres employés de ces lieux tout dépouillés à présent de leur habituel prestige. Son charin n'avait pas attendu les colonnes des actualités. Aussi, moins que les faits en eux-mêmes, la plume qui les portait aux yeux du monde sorcier avait concentré les pupilles analytiques et leur gris-bleu trop fixe sur la page. Style décortiqué. Neutralité d'apparence propre à chaque media. Bien plus que la cascade de phrases officielles, les quelques lignes épurées du courrier de Miss Greengrass avaient ramené Helen à sa peine. Sobriété de la douleur. Des touches épurées porteuses d'un choix que la Bladestone saluerait autant que la défunte par sa venue à la cérémonie : une trêve devant la mort. Un pli envoyé à chaque sorcier quelque soit son obédience. Le décès d'Astoria incarnait les frappes collatérales d'un affrontement aux grimaces grinçantes de l'absurde. Un instant, le souffle d'Helen se corseta, comme chargé des cendres encore fraîches. Première vague. Ce ne serait que le début. Effroi. Une secousse glaciale lui galopa l'échine. Elle connaissait peu les Greengrass et les Malfoy, hormis de réputation. En ce jour, cela ne compterait pas. Il n'y avait que la peau cireuse et les deux globes vidés d'une victime. C'avait été Astoria. Ce pourrait être n'importe qui d'autre par la suite. Ce nom, un soupir d'un bout à l'autre, tremblotait entre les tempes d'Helen et elle put se figurer, entre les lignes du carton funèbre, le poids d'une tombe sur les épaules de Daphné. Ceux qui avaient rendu visite à la sœur avaient vu une mine de pierre érodée, cisaillée d'épuisement et de peine. La Bladestone laissa là ses pensées alors que ses doigts nerveux achevaient d'ajuster un camé à sa gorge. Épaules sculptées de dentelles noires. Lourds plis d'une robe toute sobre tombant quasi jusqu'à terre. Elle glissa le carton au fond de son sac et prit en main les gerbes de bruyère qu'épousait l'éclat d'une orchidée, serrées par un ruban de deuil. Elle se mit en route. Ses talons aiguillonnaient le sol.
Dans la masse d'ombres venues rendre hommage, Helen passa le pesant linteau. De leurs aspérités, les pierres et boiseries du haut lieu choisi pour la cérémonie diffractaient les silhouettes des hôtes en cohorte. En cette occasion pourtant, ils ne formaient qu'un seul corps, loin des dissensions qui dès le lendemain reprendraient le dessus. La Bladestone n'était pas dupe : ces funérailles ne seraient qu'une trêve ; pour les uns : manège de monstrations qui n'enlevait rien des querelles ; pour les autres : vain hommage auquel certains ne se seraient même pas rendus. Elle, ne voulait qu'honorer une morte et les siens, déchargés pour un temps de tout nom, de tout costume, de toute idéologie. Elle n'attendait rien de plus de cet événement. Surtout pas de se donner en représentation ou de se faire remarquer. L'heure n'était pas à déplacer un pion sur un plateau d'échec, mais au silence d'un dallage qui rassemblait par delà case noire ou case blanche.
Sobre, elle suivra la cérémonie depuis le fond de la salle. Ses yeux s'accrocheront aux lunettes de soleil de Daphné, derrières lesquelles elle devinait des yeux gonflés, des veinules éclatées, la rougeur de l'arrachement. Les mots d'adieu s'accrochaient à la charpente aux dimensions des cathédrales. Le décor et son histoire semblaient écraser chaque petit membre de l'assemblée. On avait fait les choses en grand. Travail de démonstration à la hauteur des Malfoy - dont les deux principaux représentants n'étaient présents que dans les esprits et la richesse du décor. En ce moment même, ils rendaient compte à la justice. Coïncidence ? Certainement pas.
Les lieux dégorgèrent au compte goutte suivant le rythme des hommages rendus à Daphné par les uns et les autres avant de s'en retourner. Dans la suite de Darius, qui présentait à Miss Greengrass toute la sympathie des membres de l'hôpital, Helen se faisait discrète. Elle attendra son tour pour tendre le bouquet à Daphné dans un geste tout en retenue. Elle souffla :
"De tout cœur avec vous. Je suis désolée."
Elle n'en dit pas davantage. Des paroles trop étalées restaient souvent futiles dans ces circonstances. La neutralité qui pouvait alors se lire sur le visage d'Helen suffisait à traduire le reste : Astoria devait être saluée et sa famille soutenue, qu'importaient les partis.
Un certain nombre de visages défilent à l'enterrement d'Astoria, dont la mort l'a cueillie bien trop jeune. Sa beauté reste figée pour l'éternité dans l'esprit de ceux qui l'ont connue naguère. Désormais, son corps mortel pourrira sous terre, idée abjecte, révoltante au possible mais qui rappelle à tous le sort qui attend chacun d'entre nous. Je frémis à la perspective que j'ai failli également finir mes jours plus tôt que prévu. Le cercueil de la défunte est une lourde mise en garde. Le visage de Daphné, sa soeur, est l'incarnation même de la souffrance et du chagrin. Son fin visage est d'une pâleur cadavérique et ses yeux sont vides de vie. D'une certaine manière, Daphné est morte le même jour que sa cadette. Le fantôme de cette dernière la hantera probablement pour toujours. Je n'ose imaginer le choc d'avoir été le témoin des derniers instants de vie d'un être que l'on chérit.
Mal à l'aise, je constate que les Malfoy ne sont pas présents. Le Ministère de la magie n'a pas jugé bon de leur laisser quelques instants de liberté pour permettre à la petite famille de rendre un dernier hommage à la dernière venue de leur famille. Je serre la mâchoire, proprement révolté par le peu d'empathie de Potter. S'imagine-t-il que les Malfoy puissent fomenter un acte de trahison aussi horrible et se réjouir de ses conséquences macabres ? Je garde les lèvres scellées tandis que mon regard suit les pas de Daphné qui va d'invité en invité pour entendre leurs quelques mots de soutien et les remercier de leur présence. Sa silhouette spectrale fend le cœur et donne la terrible impression qu'elle va s'écrouler sous peu.
Son tour fait, Daphné rejoint le premier rang de la foule, l'air digne, l'ombre d'une ire menaçante teinte ses iris quand elle passe devant les sièges vides que devraient occuper Narcissa Malfoy et son fils Drago. Le parfum de la vengeance parvient jusqu'à moi. Potter ne sait pas encore dans quel pétrin il vient de plonger. Mais la colère n'a pas encore sa place légitime ici. L'heure est au recueillement, et à l'empathie. Un sorcier officie devant le cercueil de la défunte, prononce son éloge funèbre, ne tarissant pas de superlatifs pour définir la regrettée Astoria. Le temps semble s'être ralenti, les souffles sont retenus. Puis, il invite les proches à prononcer un dernier discours. Les adieux commencent. Je ne me lève pas. Bien que je représente la famille Black, je ne connais que trop peu les Greengrass pour parler avec justesse de celle qui nous quitte. Ou alors, ce serait pour accentuer le côté injuste de sa mort, l'aspect prématurée qu'elle prend, le vide qu'elle laisse. Ce serait rappeler que le drame qui l'a enlevée à sa famille vient des tensions dont Potter est la source. Ce serait jeter de l'huile sur le feu. Non. Pas ici. Pas maintenant.
Mon regard quitte la silhouette fragile de Daphné pour embrasser la salle et fixer chaque convive. Qui se lèvera pour parler ? Qui viendra rappeler que cette personne laisse un vide ignoble derrière elle ? Qui crucifiera le cœur de sa sœur avec de douces paroles ? Viendra aussi le temps où elle devra prononcer son propre discours d'adieu. Y arrivera-t-elle ? Certaines personnes cachent en elles une force insoupçonnée. Daphné peut être de ces gens-là. Curieux, j'attends la suite.