Je ne te hais point
Putain de corbacs.
Existe-t-il un sort pour cramer tous les oiseaux de Londres ? Il aimerait bien en tout cas, tant il a l’impression de devenir fou depuis quelques semaines. Ils sont partout, tout le temps, il ne peut pas passer une journée - et encore, s’il est chanceux et particulièrement tranquille - sans les voir. Il s’enferme dans des lieux clos, baisse la tête quand il sort, et appelle Xander à l’aide trois fois par jours pour faire partir un de ces maudits volatiles. Qu’est-ce que ça peut être que cette histoire ? Il a demandé à Beurk, mais l’autre a haussé les épaules en disant qu’il n’avait pas le temps de jouer - comme si c’était encore de l’âge d’Helios, d’inventer ce genre d’histoires pour qu’on lui prête attention. Il a écrit à Théodore - et il attend sa réponse avec une impatience certaine. Au bord du désespoir et sentant ses nerfs le lâcher, il a même hésité même à demander aux jumelles, mais il a déchiré les derniers papiers qu’il avait commencé à leur écrire - c’est qu’il leur en veut encore, et qu’il craint qu’elles ne se réjouissent de le savoir fou en plus de maladif… Que peut-il faire ? Que va-t-il faire ?
Ça l'occupe - il y pense, il s’en plaint. Ça le tient en éveil, ça le pousse à chercher, à s’intéresser à quelque chose. Finalement, c’est peut-être la seule chose qui le fait se lever le matin. L’été londonien est arrivé, et avec lui les doutes, la peur et une profonde tristesse. Sans ça, sa vie serait vide. Il se mord les lèvres en s’enfonçant la tête dans son oreiller le soir quand il y pense : il n’y a rien d’autre. Aucun camarade de Poudlard ne lui a écrit, aucun n’a prévu de venir le voir ou ne l’a invité ; il n’a même pas envie de se rendre dans les Terres de feu qu’il a l’impression de voir dépérir au loin - l’attentat n’a pas aidé ; Beurk est aussi insupportable que d’habitude, sans cela il ne sait pas ce qu’il pourrait dire à Xander, le Quidditch ne l’intéresse pas, la chaleur le met mal à l’aise, et s’il a réussi ses Buses il ne sait pas vraiment ce qu’il pourra faire après Poudlard, ce qu’il doit étudier maintenant pour réussir - réussir quoi ? Il a bien acheté ses manuels scolaires de sixième année, il s’est préparé un planning fait de révisions des années passées et d’études de ce qui l’attend, mais cela ne trompe que faiblement son ennui.
Il n’a pas rêvé. Il ouvre les yeux, fixant le plafond de sa chambre. Aucun bruit d’aile - un rapide regard autour de lui lui apprend qu’il n’y a pas d’oiseau qui ait réussi à s’introduire dans la pièce cette nuit. C’est au moins cela. Il fait encore frais, et aucune lumière ne lui arrive entre les volets clos - il n’est pas encore six heures du matin. Parfait. Il se lève tôt, se couche tard, et somnole généralement l’après midi après les repas - il se fait l’effet de vieil homme, mais il évite au moins ainsi les heures les plus chaudes. Ca a fait rire la fille Beurk, elle lui a dit que s’il ne pouvait supporter les températures estivale de la capitale anglaise, il n’était pas fait pour le monde en général - Helios lui a tiré la langue, réponse d’un sale môme sans aucun argument. Il s’étire, se relève et s’habille - il ne prend pas la peine de fermer correctement sa chemise et laisse libre son cou, ce qui tient presque de l’excentricité pour lui. Sans un bruit, il se faufile hors de sa chambre, descend les escaliers de la maison encore endormie pour aller s’improviser un petit déjeuner. Arrivé en bas, il n’a déjà plus envie d’avaler quoique ce soit et se contente de se servir un verre de lait avant de s'asseoir à la table de la cuisine, profitant du calme. C’est que l’entente n’est pas au beau fixe dans la maison, et il ne faut pas grand-chose pour que cela s’embrase à l’heure des repas. Quelque chose sur la table attire son attention - une lettre. Quand est-elle arrivée ? Il se penche, et fronce les sourcils en déchiffrant son prénom. Oh, Théodore a répondu ? Il attrape le papier, mais quelque chose ne va pas. Ce n’est pas l’écriture de Nott - il ne fait pas ses s comme cela. Il lui semble pourtant qu’il a déjà vu cette calligraphie penchée, pressée, moyennement soigneuse. Le verre lui échappe des mains, se brise sur le sol et il sent le lait froid sur ses jambes. Cela ne se peut.
Le brun reste immobile, interdit, presque tétanisé. Cela ne se peut. Il n’ose pas ouvrir. Il regarde autour de lui, dans tous les sens, et rapidement fiche la lettre dans sa poche. Il semble presque habité tout d’un coup, son excitation fait trembler ses mains alors qu’il ramasse le verre, éponge le lait, cache les traces de sa maladresse. Cela ne se peut. Quand il ne reste plus en vue de preuve qu’il se soit levé plus tôt, il va à l’escalier - il lutte contre lui-même pour ne pas courir. Cela ne se peut. Il monte les marches, s’enferme dans sa chambre, n’adresse même pas un regard à l’armoire servant de perchoir à ses persécuteurs qu’il vérifie pourtant systématiquement depuis quelques semaines. Cela ne se peut. Il sort le papier. Personne ne devait le voir, personne ne devait savoir, parce qu’il ne le supporterait pas, s’il a tort, s’il se trompe. Après tout, cela fait si longtemps, il pourrait confondre, il pourrait faire erreur...
Mais son nom là, cette écriture… Son cœur bat la chamade, il en mettrait sa main à couper : c’est son père.
Et il ouvre le courrier avec hâte.
Pitié, que ce soit Amycus.
Mini-Quête - 959 mots
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